Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
Boris Johnson de plus en plus lâché par
son parti
PAR MARIE BILLON
ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 13 JANVIER 2022
Boris Johnson à sa sortie de la Chambre des communes, à
Londres, le 12 janvier 2022. © Photo Tolga Akmen/AFP
Le premier ministre britannique a avoué à la Chambre
des communes ce mercredi avoir été présent à
l’une des fêtes interdites organisées dans les jardins
de Downing Street. Il y était bien présent le
20mai 2020, pendant le premier confinement. Une
faute qu’un nombre croissant de ses députés jugent
impardonnable.
Londres (Royaume-Uni).– Boris Johnson n’était pas
lui-même, mercredi 12 janvier à la Chambre des
communes. Bien coiffé, tenant un discours policé, et
allant même jusqu’à remercier ses opposants, alors
qu’ils venaient de lui demander de démissionner.
Après la séance hebdomadaire de questions au premier
ministre, il est aussi allé faire le tour des bars
du Parlement de Westminster pour s’expliquer et
rassembler ses troupes. «Un geste désespéré», selon
la cheffe du service politique de la BBC. Car Boris
Johnson ne fait pas partie de ces politiques qui croient
au pouvoir du salon de thé ou du comptoir de pub pour
se faire des alliés voire des amis.
Il n’en a jusque-là jamais eu besoin, explique Jill
Rutter, politologue au centre de réflexion «UK in a
Changing Europe »: «Boris Johnson est une machine
à gagner dans les urnes. Il est connu pour pouvoir
créer un lien avec les électeurs. C’est pour ça qu’il
est à la tête du gouvernement. Mais s’il n’a plus cette
capacité, s’il devient même un boulet pour son parti,
1/3
1
alors les conservateurs sont connus pour être sans
pitié et ne pas hésiter à se débarrasser d’un chef qui
les gêne.»
Boris Johnson à sa sortie de la Chambre des communes, à
Londres, le 12 janvier 2022. © Photo Tolga Akmen/AFP
Les prochaines élections, des scrutins locaux et
régionaux, auront lieu en mai 2022. Certains
commentateurs se demandent désormais si les députés
conservateurs sont prêts à attendre les résultats ou s’ils
préfèrent se débarrasser dès maintenant d’un premier
ministre encombrant pour espérer ne pas enregistrer de
trop mauvais résultats.
Le vent a clairement tourné ce mercredi. Jusqu’au
week-end dernier, Johnson pensait que les scandales
à répétition des fêtes à Downing Street, organisées
pendant que le pays était confiné, s’étaient atténués
avec les fêtes de fin d’année. Une enquête interne
menée par une fonctionnaire est toujours en cours,
et même si ses conclusions pourraient être gênantes,
Boris Johnson pensait que le plus dur était passé.
Mais il n’avait jamais été mis en cause aussi
directement. Lundi 9janvier, un courriel d’invitation
datant du 20mai 2020 a été révélé par la chaîne
britannique ITV. Ce courriel a été envoyé à environ
cent employés de Downing Street par le secrétaire
personnel de Boris Johnson. «Après ce qui a été une
période incroyablement chargée, nous avons pensé
que ce serait bien de profiter au maximum du beau
temps et de prendre un verre à distance sociale dans
le jardin No10 ce soir, peut-on y lire. Rejoignez-nous
à 18heures et apportez votre propre alcool!»
Certains destinataires se sont immédiatement étonnés
d’une telle invitation en plein confinement. Seulement
30 à 40convives étaient présents. Mais le courriel était
resté secret jusqu’à cette semaine. Près de 48heures
après les révélations, mercredi, à la Chambre des
communes, Boris Johnson a avoué qu’il y était présent:
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
«Quand je suis allé dans le jardin, juste après
18heures, le 20mai 2020, pour remercier les équipes
avant de retourner à mon bureau 25minutes plus tard,
je croyais implicitement que c’était un événement lié
au travail. Mais maintenant, je sais que j’aurais dû
dire à tout le monde de retourner à l’intérieur.»
Le premier ministre a présenté ses excuses, et la
plupart des députés présents dans la Chambre ont
tenté de le soutenir en posant des questions hors
sujet pendant la séance au Parlement. Certains de ses
ministres lui ont aussi apporté leur soutien mercredi
soir. «Boris Johnson a fait une déclaration limpide, a
estimé le chancelier de l’Échiquier, Rishi Sunak. Il a
pris toute la responsabilité sur lui. L’enquête interne
doit désormais suivre son cours.»
Les conclusions pourraient être rendues avant la fin
du mois, tout en étant néanmoins mises en pause si la
police métropolitaine de Londres estime que les aveux
du premier ministre sur la tenue de cette fête montrent
que la loi a bien été enfreinte. Mardi, Scotland Yard
disait être en contact avec Downing Street concernant
les événements du 20mai 2020.
En dehors du quartier du gouvernement de Whitehall,
les langues se délient. Le député conservateur Sir
Roger Gale a dit à la BBC que ces révélations ont
«tout changé». «Ces deux derniers jours, je disais
vouloir attendre les conclusions de l’enquête interne,
dit-il. Mais Boris Johnson a induit le Parlement en
erreur. En décembre, il a dit qu’il avait été assuré à
plusieurs reprises qu’il n’y avait pas eu de fêtes et
qu’aucune règle liée au Covid n’avait été enfreinte. On
apprend aujourd’hui qu’il a passé 25minutes dans ce
qui était clairement une fête. Le premier ministre est
mort politiquement.»
Un ancien ministre, qui a tenu à rester anonyme,
a dit au quotidien de droite Daily Telegraph que
Boris Johnson était «cuit»: «Il s’est excusé pour la
fête, mais ce n’est pas le problème. Le problème,
c’est qu’ils ont essayé de la nier et de la dissimuler
ces dernières semaines. Ce n’étaient pas des excuses
2/3
2
pour ce qui s’est passé. Il s’est excusé parce qu’il
s’est fait prendre.» Le chef de la branche écossaise
du parti conservateur, Douglas Ross, a quant à
lui directement, mais «à regret», appelé le premier
ministre à démissionner sur la chaîne Sky News.
Les enquêtes d’opinion accentuent la pression, laissant
transparaître le souhait de plus en plus majoritaire
d’une démission de Boris Johnson, y compris dans
l’électorat conservateur. Une perspective que Jill
Rutter juge «peu probable». Être premier ministre,
c’est «addictif», ajoute-t-elle.
Comité 1922
Une procédure est en place au sein du parti
conservateur pour se débarrasser d’un chef
encombrant. «Le comité 1922 doit se mettre au
travail», a d’ailleurs appelé Sir Roger Gale sur la
BBC. Ce groupe, auquel appartiennent d’office tous
les députés conservateurs qui n’ont pas de fonction au
sein du gouvernement, a en effet le pouvoir de défaire
une carrière. Si 15% des 360députés de la majorité
déposent une lettre demandant la tête du premier
ministre, un vote de défiance est automatiquement
déclenché. Certains chefs de gouvernement y ont
survécu. Margaret Thatcher notamment, qui avait
remporté le vote en 1990, mais elle avait dû
démissionner peu de temps après car elle n’avait plus
la confiance du parti.
Le nombre de lettres que le secrétaire du comité 1922,
le député Sir Graham Brady, a en sa possession est le
secret le mieux gardé de Westminster. Mais la presse
britannique note un regain d’activité dans les couloirs
autour du bureau du comité.
Selon l’ex-ministre qui a tenu à rester anonyme, ceux
qui veulent pousser Boris Johnson vers la sortie ne
sont plus les «candidats habituels». Même si beaucoup
de députés nouvellement élus en 2019, surfant sur
la vague de popularité de «Bojo», l’ont soutenu à la
Chambre des communes, certains critiquent désormais
plus ouvertement le premier ministre. Le temps où leur
fidélité était à toute épreuve est terminé.
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
Directeur de la publication : Edwy Plenel
Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès
Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS).
Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007.
Capital social : 24 864,88€.
Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des
publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071.
Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel
(Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, François Vitrani. Actionnaires directs
et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, Marie-
Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, Société des
Amis de Mediapart, Société des salariés de Mediapart.
3/3
3
Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris
Courriel : contact@mediapart.fr
Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08
Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 90
Propriétaire, éditeur, imprimeur : la Société Editrice de Mediapart, Société par actions
simplifiée au capital de 24 864,88€, immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS,
dont le siège social est situé au 8 passage Brulon, 75012 Paris.
Abonnement : pour toute information, question ou conseil, le service abonné de Mediapart
peut être contacté par courriel à l’adresse : serviceabonnement@mediapart.fr. ou par courrier
à l'adresse : Service abonnés Mediapart, 4, rue Saint Hilaire 86000 Poitiers. Vous pouvez
également adresser vos courriers à Société Editrice de Mediapart, 8 passage Brulon, 75012
Paris.