OPT : Montre que l’existence humaine transcende la mort en identifiant les modalités de cette
transcendance
INTRODUCTION
I- Approche conceptuelle
A- L’existence/ l’essence
De manière générale, le concept existence qui s’origine du latin existere désigne ce qui se manifeste, qui se
montre. De cette étymologie, l’existence renvoie à l’être, c’est-à-dire à ce qui est, à ce qui fait partie de la réalité.
C’est à ce titre que l’on peut dire d’un arbre, d’une chose ou d’un animal qu’il existe.
Pour mieux comprendre ce qui précède, il y a lieu de distinguer l’existence de l’essence. Si l’existence a
rapport avec la réalité d’une chose, l’essence quant à elle repose sur la définition. Dire d’une chose qu’elle existe,
c’est affirmer sa réalité. Dire ce qu’elle est c’est déterminer son essence. Du latin essentia, l’essence d’une chose
renvoie à sa nature, c’est ce sans quoi la chose ne saurait être ce qu’elle est malgré les différents changements
accidentels qui peuvent survenir. C’est encore l’ensemble des propriétés qui la caractérisent et font sa singularité.
Socrate assis, debout ou couché ne change pas son essence d’homme. Mais l’essence d’une chose n’implique pas
nécessairement son existence. Car je peux avoir l’idée d’un cheval ailé ou d’une certaine somme d’argent dans ma
poche sans cela ne corresponde à la réalité. C’est pourquoi Jules Lagneau trouve utile de préciser : « ce qui existe,
c’est ce qui, non seulement est conçu, mais est objet de perception. »1
Cependant, la définition de l’existence formulée plus haut est banale dans la mesure où elle regroupe tous les
êtres de la nature. Dans un sens beaucoup plus philosophique, seul l’homme existe au motif qu’il est non seulement
conscient de son existence, mais aussi parce qu’il est responsable de son essence. Autrement dit, l’homme est
appelé, toute sa vie durant, être l’artisan de son essence. Et ce n’est qu’au terme de sa vie que l’on peut se faire une
idée claire de cette essence puisqu’il est en perpétuel devenir. Or les autres êtres qui peuplent la nature sont comme
figés, ce d’autant plus que leurs essences sont prédéterminées par la nature. Une telle idée amène Sartre à affirmer :
« les choses sont, l’homme existe. »2
B- La mort
Du point de vue scientifique, la mort s’entend généralement comme la cessation de la vie chez tout organisme
biologique, il faut distinguer mort clinique et mort cérébrale. La première désigne un état temporaire et réversible
grâce aux techniques de réanimation. Il est caractérisé par l’absence de toute activité musculaire instantanée, de
respiration et de réflexe. La seconde désigne l’absence de toute activité cérébrale même si certains organes peuvent
encore être maintenus en fonction grâce à la ventilation artificielle.
Selon la philosophie, la mort est synonyme de décomposition des constituantes de l’homme. En effet, si
l’homme est constitué d’une âme et d’un corps, la mort sonne comme la séparation de ces deux entités. Elle est le
moment où l’âme s’affranchit de la prison que représente le corps et retourne dans le monde des idées. Une telle
idée se retrouve dans le christianisme qui considère la mort comme une transition nécessaire du monde sensible
vers les mondes céleste ou ténébreux. Tout dépendant bien sûr de la qualité de notre vie terrestre.
Il ne fait l’ombre d’aucun doute que tous les êtres vivants sont sujets à la dégénérescence. Cependant, il existe
une différence entre la mort de l’animal et celle de l’homme : c’est la conscience de la mort. En effet, contrairement
1
Jules Lagneau, Célèbres leçons et fragments.
Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme.
2
aux autres existants, l’homme sait que tôt ou tard, la mort fait partie de sa destinée. C’est au nom de la conscience
que l’homme de sa finitude que Heidegger affirme : « seul l’homme meurt, l’animal périt. »
Trois principaux arguments soutiennent l’idée selon laquelle l’homme est assujetti à la mort.
Premièrement, pour les religions dites révélées telles que le christianisme et l’islam, l’homme est un être mortel
parce qu’il est créature de Dieu et en tant que tel, son existence est limitée dans le temps. En effet, tout ce qui est
l’œuvre de Dieu, y compris l’homme est sujet au dépérissement. « Tu es né poussière et tu retourneras poussière. »
D’un point de vue scientifique, l’homme est biologiquement programmé pour la dégénérescence. En effet, dès
la naissance, le corps humain est le théâtre de phénomènes mortifères. A partir de 25ans par exemple, nous perdons
de façon définitive cent mille neurones par jour ; les femmes s’appauvrissent en ovaires après la ménopause…etc.
autant de phénomènes irréversibles qui amènent l’homme à prendre conscience de sa finitude. Martin Heidegger a
raison d’affirmer : « dès qu’un enfant naît, il est assez vieux pour mourir. »
Cependant, on se demande à la suite de ce qui précède si l’homme, dans une certaine mesure, ne peut pas
transcender la mort.
Pour la religion, l’homme peut défier la mort à travers la pratique de la vertu. En effet, selon les religions dites
révélées, une vie terrestre vertueuse donne accès à l’immortalité dans un monde paradisiaque. La mort physique
n’est donc rien d’autre qu’une simple transition, un simple passage qui n’est pas à craindre. Or celui qui aura
prospéré dans le mal est éligible pour l’enfer, synonyme de souffrances éternelles. « Celui qui croit en moi vivra
même s’il meurt. »
Ensuite, dans la culture africaine le moyen par lequel l’homme défie la mort c’est la procréation. En effet, en
procréant, nous transmettons une partie de nous, c’est-à-dire nos gènes et nos noms propres à nos descendants et
dans une certaine mesure, nous continuons de vivre à travers eux. Voilà pourquoi Ibrahima Sow affirme : « selon
les Africains, on n’est pas vraiment mort lorsqu’on a laissé une descendance. »3
Enfin, la mort peut être domptée à travers la culture. En effet, l’artiste, le héros, l’inventeur et bien d’autres de
cette espèce peuvent mourir physiquement, mais ils continuent de vivre à travers leurs œuvres. Ludwig Feuerbach
affirme à cet effet : « seule la raison est immortelle, les individus doués de raison ne connaissent aucune
immortalité en dehors de leurs œuvres spirituelles ou de leurs actions sublimes. »4
Par-delà tout ce qui précède, disons que l’homme, en tant qu’il est un être limité est destiné à mourir. Ne pas
reconnaitre qu’il est possible pour lui de transcender la mort c’est manquer de clairvoyance. Mais au-delà de tout,
le fait que l’homme soit par essence mortel ne doit en aucun cas être considéré comme une faiblesse ou une
imperfection dans la mesure où c’est la mort qui permet à l’homme de donner un sens à son existence. En effet,
c’est parce qu’il a conscience qu’il mourra tôt ou tard que l’homme crée, procrée et agit conformément au bien.
Ce n’est que par-là qui accède véritablement à l’immortalité.
CONCLUSION
Il était question pour nous de discuter sur la question du rapport de l’homme à la mort. Si l’homme est le seul
être qui existe véritablement, c’est parce qu’il est le seul capable de sortir de lui-même et de se déployer dans le
monde pour façonner son essence. S’il est indiscutable que l’homme est inscrit dans la catégorie des mortels, il est
cependant possible que son passage sur terre le rende inoubliable grâce à ses œuvres et à sa descendance.
3
Ibrahima Sow, Psychiatrie dynamique africaine.
Ludwig Feuerbach, Pensée sur la mort et l’immortalité.
4