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Cours n°1

L’ORTHODOXIE ET LES ÉGLISES ORTHODOXES

1. Le christianisme oriental et l’orthodoxie

En grec, le mot orthodoxia/orthodoxos (Ορθοδοξία) signifie l’opinion droite. Dans


toutes les religions ce mot désigne la doctrine considérée comme la seule véridique. À partir
du XVII siècle (en anglais) et du XIX siècle (en français) on utilise le terme « orthodoxe »
pour désigner les Églises chrétiennes d’Orient, et plus précisément l’Église orthodoxe par
opposition à l’Église romaine. Jusqu’au du début du XXe siècle, le mot catholique était utilisé
par toutes les Églises locales « catholiques orthodoxes », car le mot catholique signifie
« universel », mais au fur et à mesure ces Églises ont retiré de leur appellation ce mot pour
n’en laisser l’usage, qu’à l’Église catholique romaine.

Il faut pourtant faire la différence entre les chrétiens orientaux et les orthodoxes. Même
si les orthodoxes ne sont pas considérés comme des chrétiens « occidentaux », tous les
chrétiens d’Orient ne sont pas les orthodoxes !

Les chrétiens orientaux ≠ les orthodoxes

La notion de christianisme oriental s’applique seulement à l’espace méditerranéen et


n’a pas de signification à l’échelle planétaire (par exemple, en Extrême-Orient, les Églises
orthodoxes sont très peu représentées). L’antithèse entre l’Orient et l’Occident est aussi vieille
que l’histoire écrite. Les Grecs de l’Antiquité, par exemple, parlaient d’Orient pour opposer le
civilisé au barbare, alors même que chez eux c’était plutôt le Sud qui était civilisé (les Perses à
l’Est). En IVe siècle, sous l'empereur Dioclétien s’instaure la division durable orient/occident
dans l’administration de l’Empire romain1. Au Moyen Âge, le pair de termes opposés pouvait
renvoyer à la division entre catholicisme et orthodoxie, mais aussi à celle entre islam et
chrétienté.

1
L’empereur Constantin I a donné la qualification « le Deuxième Rome » à la nouvelle capitale impériale
fondée par lui – Constantinople.
Empire romain partagé (IVe siècle)

Entre l’Église orthodoxe et les autres Églises orientales (Églises éthiopienne,


égyptienne (copte), syrienne, arménienne et assyrienne) nous observons des différences
dogmatiques. Ces dernières sont des Églises non chalcédoniennes (ou antéchalcédoniennes)
– elles n’ont pas accepté les décisions du concile d’Ephèse (431) sur Marie mère de Dieu, ou
celle et du concile de Chalcédoine (451) sur l’égale et double nature humaine et divine du
Christ. On appelle encore les monophysites et/ou les nestoriens ces chrétiens qui ont refusé le
dogme chalcédonien.

À titre d’exemple, le cas de l’Église d’Éthiopie, qui compte environ 45 millions de


fidèles, est particulièrement intéressant. Restée plusieurs siècles (entre VIIe et XIVe) isolée du
reste du monde chrétien, cette Église a développé une théologie et des usages liturgiques
particuliers, marqués par l'Ancien Testament et par le judaïsme.

Nous avons également les catholiques orientaux – les églises (orthodoxes et


orientales) ultérieurement unies à Rome – les « uniates ».
Aujourd’hui les chrétiens orthodoxes (« ceux qui gardent la ‘doctrine droite’ ») sont
environ 260 millions dans le monde. La communauté orthodoxe est constituée de plusieurs
Églises liées entre elles, mais qui ont chacune leur chef – le patriarche (l’archevêque, ou le
métropolite). Cela signifie que les Églises orthodoxes sont autocéphales. En grec
autocéphales (issu de l’auto – « soi, soi-même » et de kefalos – « tête ») signifie « avoir sa
propre tête ». Autocéphalie est la dénomination donnée aux principales Églises orthodoxes,
organisées autour d’un primat qui préside le synode ressemblant tous les évêques de la
communauté.

L’autocéphalie est toujours accordée par une Église Mère, dans la majorité des cas par
le Patriarcat de Constantinople, et doit toujours être ratifiée par celui-ci. Donc, l’autocéphalie
est l’acte canonique sous la forme d’un décret patriarcal intitulé « tomos », accordé à une
Église locale ou nationale, par le patriarcat de Constantinople. Cela ne signifie pourtant pas
que le patriarche de Constantinople exerce le pouvoir sur les autres patriarches, ou qu’il est le
chef spirituel de tous les chrétiens orthodoxes dans le monde. Il est seulement PRIMUS
ENTRE PARES – « premier parmi ses pairs », et il a une prééminence honorifique sur les
autres églises autocéphales.
LISTE DES ÉGLISES AUTOCEPHALES :

1. Patriarcat de Constantinople ;

2. Patriarcat de Jérusalem ;

3. Patriarcat d’Antioche (Damas, Syrie) et de tout l’Orient (la diaspora arabe


chrétienne ;

4. Patriarcat d’Alexandrie et de toute l’Afrique ;


5. Patriarcat de Bulgarie ;

6. Patriarcat de Serbie ;

7. Patriarcat de Moscou ;

8. Patriarcat de Roumanie ;

9. Patriarcat de Géorgie ;
10. Église de Chypre ;

11. Église d’Hellade ;

12. Église d’Albanie ;

Certaines Églises ne sont pas reconnues en tant qu’Églises autocéphales par


l’ensemble des autres églises :

1. Patriarcat de Kiev (NR2) ;

2. Église de Macédoine (NR) ;

3. Église de Monténégro (NR) ;

4. Église d’Amérique (NR).

Centaines pourtant – tels le Patriarcat de Kiev et l’Église de Macédoine – sont


reconnues officiellement par l’État (de la nation) et représentent ainsi les Églises nationales
(légales). Il existe également des Églises autonomes qui ne sont pas autocéphales et
dépendent d’une Église Mère : Église d’Estonie, Église du Japon, Église de Moldavie, Église
de Chine, etc.

2
Les autocéphalies qui ne sont pas reconnues par l’ensemble des autres églises autocéphales mais dont
l’Orthodoxie est indiscutable.
2. Les fondements de la pensée orthodoxe ;
le contexte historique et les événements qui ont précédé le Grand schisme

On considère que L’Église orthodoxe se définie comme « l’Église des 7 conciles


œcuméniques », ou comme celle qui « garde la vraie doctrine » des 7 conciles œcuméniques
et qui refuse la modification du texte du Credo faite par l’Église d’Occident, et qui ne
reconnaît pas l’autorité du pape.

Concile – du lat. concilium – assemblée ; Concile œcuménique est un concile des


évêques, chefs des communautés chrétiennes.

7 grandes conciles œcuméniques : Nicée I et II, Constantinople I, II et III, Ephèse et


Chalcédoine ; déterminent pour toujours la foi de l’Église dans un texte appelé le Credo (lat.
« je crois » : Symbole des Apôtres ou Symbole de la foi).

Durant le premier millénaire les conciles œcuméniques ont toujours été convoqués par
l’empereur qui invitait par écrit le pape et l’ensemble des autres patriarches. Aucun pape n’a
pas présidé d’un de ces conciles œcuméniques.
Le Premier concile œcuménique : Concile de Nicée I (325) : convoqué par l’empereur
Constantin le Grand eut à débattre de la question de l’arianisme (hérésie qui niait la divinité
de Jesus Christ). La confession de foi est établie par ce concile, constituant le "Symbole de
Nicée". Le concile également décida sur la question de la date des Pâques, qui à cette
occasion est fixée, selon le calendrier julien, le dimanche suivant la fête juive de Pessa’h.

Le Second concile œcuménique : Concile de Constantinople I (338) : Constantinople


est proclamée la « nouvelle Rome ». La confession de foi précédemment établie fut complétée
pour devenir le "Symbole de Nicée-Constantinople" ou Credo.

Le Troisième concile œcuménique : Concile d’Éphèse (431) : décide que la « Toute


Sainte Vierge Marie » était la Théotokos – « Mère de Dieu ».

Le Quatrième concile œcuménique : Concile de Chalcedoine (451) : définit le dogme


de deux natures en Jésus Christ, c’est-à-dire la formule dogmatique des « deux natures, divine
et humaine en Christ ».

Le Cinquième concile œcuménique : Concile de Constantinople II (553) : d’après M.


Laroche, ce concile « est le plus révélateur du rôle symbolique du pape » ; le pape « n’avait
pas, à cette époque une autorité canonique et ecclésiologique reconnue, tant en Orient qu’en
Occident, au-dessus des autres évêques et ni sur toute l’Église, ni même seulement sur la
partie occidentale de l’Emipre […], ni même au-dessus d’un concile œcuménique qui ne lui
devait rien »3.

Le Sixième concile œcuménique : Concile de Constantinople III (680-1) : Il est


proclamé que « la volonté, ou l’énergie, se rapporte toujours à la nature et non à la personne.
Et par conséquent, il convient de considérer dans le Christ une seule Hypostase, personne
divino-humaine avec deux volontés, l’une divine et l’autre humaine, et deux énergies l’une
divine et l’autre humaine, unies sans confusion ».

Le Septième concile œcuménique : Concile de Nicée II (787) : ce concile est le dernier


concile œcuménique que reconnaissent, ensemble les Églises catholique et orthodoxe. Il a
surmonté une crise majeure de l’Église – il a rétabli le culte des icônes. Il a également essayé
de pacifier l’Église divisé en deux groupes : iconophiles et iconoclastes.

La crise iconoclaste

L’Iconoclasme : (du grec éikôn /image/ et klasma /rompre, briser ;


littéralement : « briser les icônes »). Iconoclasme signifie l’hostilité aux images
religieuses, c’est-à-dire à toute représentation de Dieu et de personnes saintes.

La crise iconoclaste est la crise religieuse qui a éclaté brutalement en 730,


quand l’empereur byzantin Léon III exige que les hauts fonctionnaires ne se
prosternent plus devant les images du Christe, de la Vierge et des saints.
L’iconoclasme devient ensuite la doctrine officielle de l’Église orientale et
s’accompagna de persécutions contre les dévots des images. Le concile de Nice II a
aboli les décisions sur l’iconoclasme et rétabli le culte des images religieuses.
L’iconodoulie (attachement aux images religieuses (éikôn /image/, douleia /servitude/)
resta la loi de l’Église, jusqu’au règne de Léon V qui imposa le retour à l’iconoclasme
en 815. (La crise iconoclaste dura jusqu’à 843).

À part de ces conciles œcuméniques, les autres conciles ont eu lieu durant la période
concernée, comme par exemple le Troisième concile de Tolède, en 589, quand un synode
occidental introduit dans la version latine du Credo (du symbole de Nicée-Constantinople) la
notion du Filioque : « le Saint-Esprit procède du Père et du Fils ». Du point de vue de l’Église
orientale il s’agissait d’une hérésie. Or, pour les orthodoxes, « le Père qui est la source unique
de la Divinité, qui engendre éternellement sans commencement ni fin le Fils, et dont l’Esprit
procède éternellement, tout ce qui Père possède, le fils le possède et l’Esprit Saint le possède.

3
Michel Laroche, Petit lexique pour comprendre l’orthodoxie, Paris : Érick Bonnier, 2017, p. 53.
Le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu, cependant ce ne sont pas trois
Dieux mais un seul Dieu » - Donc, pour les orthodoxes, la Trinité est faite de trois Personnes
(hypostases) qui partagent une même essence (ou la suressence divine). Le Père, le Fils et le
Saint-Esprit sont d’égale dignité.

Par l’adjonction du filioque – c’est-à-dire - en faisant procéder le Saint-Esprit du Père


et du Fils - on déséquilibre la Trinité ». Dans le « filioque procédait », estiment les
théologiens orthodoxes, « le Père et le Fils ont en commun une chose que la troisième
hypostase ne possède pas et en cela l’Esprit leur est inferieur » 4. Photius (Phôtios), patriarche
de Constantinople, se déchaîne contre le Filioque à partir de 867. Il écrira à ce propos que
« les Latins ont osé altérer le Symbole et dire que le Saint-Esprit procède, non du Père seul,
mais du Fils « Filioque », introduisant par-là deux principes dans la Trinité 5». Il rejette
catégoriquement le Filioque et affirme que « l’Esprit procède du Père seul ». Dans l'histoire
du Grande schisme, Photius figure comme le premier posé en défenseur de l'orthodoxie en
face de Rome. La « Querelle photienne » est la première « rupture déclarée » entre la
conception romaine de la primauté du siège de Rome, et le point de vue de l'Eglise d'Orient
sur la nature de l'autorité et du gouvernement ecclésiastique6.

Aux yeux de la partie orientale de l'Église, l’introduction du Filioque constituait une


atteinte portée à l’unité de l'Église (notamment le fait d’avoir modifié une formulation
doctrinale élaborée par un concile œcuménique représentant l'Église universelle).
L’introduction progressive du Filioque on Occident sera l’indice des divergences doctrinales
de plus en plus profondes.

D’après certains historiens, c’est sous Charlemagne qu’a lieu l’introduction formelle
du Fillioque. En fait, Charlemagne, dans l’impossibilité de se faire reconnaître par Byzance,
tente d’utiliser des arguments théologiques pour démontrer le caractère subordonné de
l’Empire et de l’Église d’Occident. En 809, au Concile d’Aix la Chapelle, Charlemagne a
obligé le Pape Léon III à reconnaître l’usage liturgique de cette formule. Parallèlement, les
divergences apparaitront sous la forme de querelles portant sur des questions relatives aux
rites tels que l’usage du pain sans levain, le célibat des prêtres etc.

4
Michel Laroche, Petit lexique pour comprendre l’orthodoxie, Paris : Érick Bonnier, 2017, p. 81.
5
D’après Ibid. p. 83.
6
Voir : David Knowles et Dimitri Obolensk, « Nouvelle Histoire de l'Eglise » , vol. 2, Seuil, 1968.
Cependant, les différences socioculturelles et linguistiques (l’usage du latin en
Occident et du grec en Orient) précèdent les différences d’ordre politique et théologique. Le
règne des Merovingiens en Occident, de plus chaotique, qui a à plusieurs reprises fait du pape
le seul élément stable, renforce l’autorité juridique du primat romain auquel ne revenait
jusqu’alors, qu’une primauté d’honneur. L’une des causes essentielles de future séparation, -
du schisme - est la volonté des papes de transformer une primauté morale au sein des Églises
locales en un pouvoir juridique sur ces Églises, c’est-à-dire, d’imposer partout la volonté de
Rome.

Le Grande schisme de 1054

En juillet 1054, des légats du pape Léon IX se rendent à Constantinople, où ils


déposent (le cardinal Humbert, le principal légat), sur l’autel de Sainte-Sophie la bulle
d’excommunication, dans laquelle, outre les points sur les divergences théologiques (filioque),
sur lesquelles on s’était d’ailleurs lis d’accord à la fin de la querelle photienne – pour que
chacun conservât ses usages - nous trouvons les questions relevant de l’autorité et la primauté
romaine, le titre da patriarche œcuménique et la conception naissante de la monarchie
pontificale. Il est intéressant de noter, que par cette sentence d’excommunication, on accuse
les Grecs d’avoir « soustrait (sic) le Filioque de la confession de foi » et d’admettre le mariage
des prêtres.

Même si le schisme de 1054 semble tracer une frontière quasi-hermétique entre


l’Église catholique et l’Église orthodoxe, les relations entre les deux mondes reprennent, et ce
n’est qu’avec la prise et le pillage de Constantinople par les croisés en 1204 (les églises
&profanées, les icônes brisées), que la rupture est effectivement consommée.

Le 7 décembre 1965 les deux anathèmes (condamnation solennelle de l’Église,


correspondant à une excommunication majeure contre une personne u une hérésie) proclamés
par les deux Églises en 1054 ont été levé par une déclaration commune du Pape Paul VI et du
patriarche œcuménique Athénagoras. Cependant, l’union entre l’Église catholique et l’Église
orthodoxe n’est pas réalisé, sauf pour 23 Églises orientales dites « uniates » qui reconnaissent
la primauté du pape pratiquent les rites liturgiques orientaux (copte, syriaque occidental,
maronite, syriaque oriental, byzantin, arménien, guèze). On les appelle les « catholiques
orientaux ».

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