Vous êtes sur la page 1sur 8

LA CELLULE CANCEREUSE

3éme année médecine


Dr.N.Yelles

I- INTRODUCTION
Le cancer est une prolifération cellulaire anormale échappant aux mécanismes de
régulation de l’organisme, envahissant et détruisant les tissus dans lesquels elle se
développe et capable de dissémination à distance dans l’organisme (métastase) .
La cellule cancéreuse est le support de la malignité, reconnue à :
- des modifications nucléo-cytoplasmiques.
- des anomalies de mitose.

Ces caractères unis sous le terme de critères de malignité sont à la base du


diagnostic cytologique des cancers .
La transformation irréversible d’une cellule normale en une cellule cancéreuse est
considérée comme une véritable mutation qui n’est pas spontanée mais sous
l’influence de facteurs cancérigènes .
Il faut souligner, qu’aucune modification structurale n’est pathognomonique de
diagnostic de cancer.

II- LES MOYENS D’ ETUDE DE LA CELLULE CANCEREUSE :


A- La cytologie:
Permet l’étude de cellules prises isolements par exfoliation spontanée ou manœuvre
quelconque :
* cytologie cervico-vaginal
* cyto-ponction ganglionnaire ou du sein
* apposition tumorale
* lavage bronchio-alvéolaire
B- Histologie:
1- matériel: * biopsie
* biopsie exérèse
* pièce de nécropsie

1/8
2- méthodes:
* fixation au Bouin ou formol
* déshydratation par les alcools
* enrobage de paraffine
* coupes fines de 3-5 microns d’épaisseur
* coloration par hématin safran, autres colorants à la demande (bleu alcian)
l’histologie permet de préciser l’architecture du tissu et d’étudier les rapports
intercellulaires.

C- Microscopie électronique:
buts :
- Préciser la nature d’une cellule en recherchant des organites
particuliers (exemple: les grains de weibel palade dans la cellule endothéliale et les
stries Z dans la cellule musculaire striée).
- La ME précise les rapports des cellules entre elles par l’étude des jonctions (
desmosomes et tonofilaments) et les rapport des cellules avec l’environnement.
-Rechercher les signes de différenciation intra cytoplasmique ( grains de sécrétion
dans les carcinomes mammaires).

D- Immuno-cytochimie et immuno-histochimie :
Marquage d’Ag propre de la cellule par des AC monoclonaux .

E- Culture:
Permet de mieux définir le processus cancéreux, un grand intérêt dans la recherche.

F- la biologie moléculaire :
Grâce à l’utilisation de sondes radio-actives en génie moléculaire, des gènes du
cancer ont été décelés dans le génome des cellules néoplasiques.

2/8
Anti pan leucocytaire

Anti cytokératine

III- ANOMALIES MORPHOLOGIQUES D’UNE CELLULE CANCEREUSE :


Le polymorphisme cellulaire est du à l’irrégularité de la taille du cytoplasme et du
noyau, le diagnostic de cancer repose sur des critères cytologiques et architecturaux
.
A- la taille de la cellule :
l’inégalité de taille des cellules ( anisocytose ) est le fait le plus marquant :
- les cellules peuvent être très volumineuses : (choriocarcinome).
- les cellules peuvent être très petites : cancer à petites cellules des bronches.

B- Anomalies du noyau :
l’étude de la morphologie nucléaire est fondamentale pour le diagnostic de
malignité.

1- le nombre:
les cellules plurinucléées (exemple: l’histiocytofibrome malin) sont dues à l’action
mitotique sans division cytoplasmique.

2- la forme:
Le noyau peut être difforme, monstrueux, vésiculeux .

3- le volume: la taille des noyaux est très variable d’une cellule à une autre au sein
d’une même tumeur ( anisocaryose ) .
l’augmentation du rapport nucléo-cytoplasmique ( N/C ) en est la conséquence .

3/8
4- le nucléole: peut être volumineux et parfois multiple entraînant une
augmentation de synthèse de l’ARN .

5- la membrane nucléaire: présente une irrégularité avec un épaississement , elle


peut présenter parfois des invaginations intranucléaires.

6- augmentation de la chromatine: qui se répartit irrégulièrement ( en motte,


accolée à la membrane nucl.

C- Anomalies du cytoplasme:
Il est plus basophile traduisant une augmentation de synthèse protéique et peut
être acidophile dans le cancer malpighien kératinisant.

L’aspect granuleux correspond à une modification des mitochondries et du réticulum


endoplasmique.

Les mitochondries sont globuleuses et lisses


L’ergastoplasme présente des altérations vacuolaires
L’appareil de golgi est hypertrophié tassé contre le noyau réalisant un aspect de
halot clair péri nucléaire en microscope optique.

D- Les anomalies de la membrane cellulaire:


1-Aspects morphologiques
Les modifications morphologiques ne sont visibles qu’en microscopie électronique :
irrégularités, microvillosités, bulles, projections, modifications des systèmes de
jonction.
Elles ne sont pas prises en compte pour le diagnostic de cancer en routine.
Il existe des modifications des protéines de surface, et notamment des molécules
d’adhérence, qui sont impliquées dans les interactions intercellulaires.

2-Aspects fonctionnels
• Anomalies des récepteurs membranaires : augmentation de nombre et perte de
régulation.
• Modifications des enzymes membranaires : augmentation des enzymes
protéolytiques (protéases, glycosidases) favorisant la dégradation de la substance
intercellulaire.

Modifications des antigènes de membrane : altération ou perte des antigènes


normaux ; apparition de néoantigènes : ré-expression d’antigènes embryonnaires (α
fœtoprotéine, Antigène carcino embryonnaire).
• Modifications de la perméabilité membranaire : l’augmentation de perméabilité
pour différents cations (Ca++ et Mg++) joue un rôle dans plusieurs fonctions
cellulaires, en particulier la prolifération.

4/8
E- Les anomalies des mitoses:
1- index mitotique:les cellules cancéreuses ne se divisent pas plus vite que les
cellules normales des tissus à régénération rapide mais plus lentement, ce qui
explique que l’on voit plus de mitoses.

2- anomalies de fuseau:
Son absence et la multiplication des centres d’attractions sont responsables :
- de la dispersion chromatique avec apparition de cellules polyploïdes et anaploides.
- de mitoses multipolaires.
-de la modification de répartition des chromosomes.

F- les inclusions virales intranucléaires ou intracytoplasmiques:


la présence du virus EPSTEIN BARR (EBV) dans le lymphosarcome de BURKITT
ou celui du virus de l’hépatite B (HBV) dans le génome de l’hépatome sont des
arguments de poids mais non décisifs.

Nucléoles Multinucléation

Mitoses atypiques

IV- CARACTERES BIOCHIMIQUES


in vivo:
1- les cellules cancéreuses acquièrent des propriétés nouvelles :
1) sécrétion de substances d’action hormonale :
Comme dans le cancer broncho-pulmonaire responsable d’une sécrétion d’ACTH ou
ADH

5/8
Les sécrétions exocrines et endocrines habituelles peuvent être :
-conservées: le caractère permet de reconnaître la nature du cancer (
adénocarcinome mucosecrétant de l’estomac) .
-diminuées : on parle de tumeur peu différenciée.
-nulles : on parle de tumeur anaplasique.

2) sécrétion d’enzymes protéolytiques :


- phosphatases acides dans le cancer de la prostate
- phophatases alcalines dans le cancer osseux ostéolytique

2- la cellule cancéreuse révèle les Ag embryonnaires normalement réprimés :


- alpha foeto-proteine(AFP) : dans les cancers du foie et tissu nerveux
- Ag carcino-embryonnaire(ACE) : dans les cancers du pancréas et du tube digestif.

β HCG;choriocarcinome CEA : carcinome colique

c cancéreuse
3- différenciation et dédifférenciation de la cellule
la cellule cancéreuse présente souvent des troubles de la différenciation dans les
deux sens :
1) la dédifférenciation peut être partielle : diminution de la synthèse de
glycogène par les cellules épithéliales dans le cancer du col.
2) la dédifférenciation peut être totale: comme dans les cancers
3) la différenciation conservée voire exagérée :
- élaboration de mucus pour les adénocarcinomes
-élaboration de kératine par les couches épidermoïdes

Atypies cytonucléaires Sécrétion de mucus

6/8
V- PHYSIOLOGIE DE LA CELLULE CANCEREUSE :
A- in vitro:
elle se caractérise par:

1- perte de l’adhésivité des cellules entre elles:


liées à la forte charge négative de la membrane cytoplasmique due à l’absence de
fixation du calcium qui permet normalement l’adhésion de deux membranes
chargées négatives.

2- perte de l’inhibition de contact :


Normalement le contact de deux cellules voisines arrête les mitoses.
Les cellules cancéreuses continuent à se multiplier et se recouvrent les unes des
autres.
Agressivité des cellules cancéreuses vis à vis des cellules normales qu’elles peuvent
détruire .
Les cellules cancéreuses se multiplient indéfiniment à condition de leur assurer un
milieu nutritif adéquat .(immortalité)
Si elles résistent au froid et à l’hypoxie, elles sont sensibles aux rayons et la chaleur.

B- in vivo :
1- les différentes étapes de la croissance tumorale :
1) la phase d’initiation : sous l’influence d’un facteur carcinogène, apparaît une
modification du génome cellulaire qui sera le support du caractère tumoral de la
cellule, cette cellule se multiplie aboutissant ensuite à la formation d’un clone
cellulaire.
2) la phase de promotion : à partir d’une certaine masse tumorale, les cellules
vont se nourrir grâce à l’apparition d’un stroma sous l’influence d’un facteur
angioformateurs.
(La prolifération a alors son propre réseau vasculaire).

a- cinétique: Le rythme de l’accroissement tumoral est conditionné par trois ordres :


- la durée du cycle cellulaire: qui est de 4 à 5 jours.
Le coefficient de prolifération cellulaire : c’est le pourcentage de cellules
tumorales qui se trouvent dans le cycle, son augmentation signe l’augmentation du
nombre de cellules dans le cycle, et sa diminution signe la diminution du nombre de
ces cellules ou l’allongement du cycle cellulaire ou les deux à la fois.
Le coefficient de perte cellulaire : c’est le pourcentage de cellules tumorales qui ne
participent plus à la prolifération néoplasique en rapport avec la souffrance et la
nécrose cellulaire. Elles n’ont pas de conséquences sur l’accroissement et la taille de
la tumeur.

b- le temps de dédoublement tumoral : c’est à dire le temps nécessaire à une


tumeur cancéreuse pour doubler de volume .
Il dépend avant tout du coefficient de prolifération et du coefficient de perte
cellulaire et à moindre degrés à la durée du cycle cellulaire et accessoirement
7/8
de phénomènes qui ne sont pas directement rattachés à la vie des cellules
néoplasiques, comme par exemple la genèse du stroma.
c- invasion locale : elle est le résultat de la multiplication des cellules cancéreuses,
leur mobilité et de la sécrétion d’enzymes protéolytiques, elle se fait de façon
centrifuge

2- facteurs favorisants la croissance tumorale : (phénomènes immunologiques)


a- Ag des tumeurs malignes : les tumeurs malignes sont antigéniques à l’égard de
l’hôte
les Ag en cause sont les Ag de membrane ( tumeur d’origine virale et
chimio-induite).
les Ag intracellulaire qui après libération circulent dans le sérum
(alpha foeto-proteine, ACE)

b) immuno-surveillance de l’hôte :
les Ag provoquent des réactions d’immunité cellulaire et humorale :

- l’immunité humorale : se traduit par l’apparition d’AC. permettant


normalement d’éliminer de l’organisme toute cellule tumorale
- l’immunité à médiation cellulaire : mise en évidence in vitro par
l’inhibition de la croissance de colonies de cellules tumorales .
On a mis en évidence un rôle anti-inflammatoire des cellules tumorales. L

c) le cancer se développe lors de l’échec de la réponse immunitaire : on a


plusieurs hypothèses :
- existence d’AC spécifiques des Ag tumoraux bloquant les lymphocytes cytotoxiques.
- sécrétion par la tumeur d’une substance bloquant les macrophages.
- Ag trop faibles pour induire une réponse immunitaire et déclencher
l’immuno-surveillance.
- Ag masqués par les AC protégeant la cellule cancéreuse .
- tolérance immunitaire par excès d’Ag .

CONCLUSION :
L’ étude morphologique, fonctionnelle, immunologique de la cellule cancéreuse,
prouve que la cellule cancéreuse est une maladie de différenciation dont il faudra
rechercher la cause à l’échelle bio moléculaire.
Les perspectives d’avenir se penchent donc à l’étude des modifications de la cellule
au sein de l’ADN ( gène moléculaire ).
L’étude des caractères cytologiques de la cellule cancéreuse jointe à l’analyse
architecturale de la tumeur permet le diagnostic de malignité.

Enfin sur le plan purement histopathologique, ces recherches


ont l’intérêt de montrer que l’organisation tissulaire caractérise autant le processus
cancéreux que les propriétés propres de
la cellule cancéreuse, c’est encore une fois souligner la supériorité fréquente dans la
recherche diagnostic de la biopsie tissulaire sur l’étude purement cytologique.
8/8

Vous aimerez peut-être aussi