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la Collection Hippocrate
Épreuves Classantes Nationales

pHarMaColoGie
Effet placebo
et médicaments placebo
I-11-168

Dr Mohamed-Rida BENISSA
Interne

L’institut la Conférence Hippocrate, grâce au mécénat des Laboratoires SERVIER,


contribue à la formation des jeunes médecins depuis 1982. Les résultats obtenus par nos
étudiants depuis plus de 20 années (15 majors du concours, entre 90 % et 95 % de réussite et
plus de 50% des 100 premiers aux Épreuves Classantes Nationales) témoignent du sérieux et de
la valeur de l’enseignement dispensé par les conférenciers à Paris et en Province, dans chaque
spécialité médicale ou chirurgicale.
La collection Hippocrate, élaborée par l’équipe pédagogique de la Conférence Hippocrate,
constitue le support théorique indispensable à la réussite aux Épreuves Classantes Nationales
pour l’accès au 3ème cycle des études médicales.
L’intégralité de cette collection est maintenant disponible gracieusement sur notre site
laconferencehippocrate.com. Nous espérons que cet accès facilité répondra à l’attente des
étudiants, mais aussi des internes et des praticiens, désireux de parfaire leur expertise médicale.
A tous, bon travail et bonne chance !
Alain COMBES, Secrétaire de rédaction de la Collection Hippocrate

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disque ou autre, constitue une contrefaçon passible des peines prévues
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effet placebo
et médicaments placebo

Objectifs :
– Expliquer l’importance de l’effet placebo en pratique médicale
– Argumenter l’utilisation des médicaments placebo en recherche
clinique et en pratique médicale.

INTRODUCTION
En recherche clinique, la place du placebo est acquise à toutes les phases de l’évaluation d’un
nouveau traitement : les modalités techniques de son emploi sont claires et sa nécessité
méthodologique reconnue par les experts et les autorités réglementaires d’enregistrement des
médicaments. En revanche, en pratique médicale, l’effet placebo est difficilement évaluable,
celui-ci étant estimé responsable d’une amélioration clinique chez près de 30% des patients
traités avec cette substance médicamenteuse sans action pharmacologique sur la pathologie
traitée.

A - DEFINITIONS D’UN MEDICAMENT PLACEBO ET DE L’EFFET


PLACEBO
l Un médicament placebo a une définition différente selon qu’il est utilisé en pratique médi-
cale ou en recherche clinique. En pratique médicale, un médicament placebo peut être défini
comme un médicament sciemment utilisé pour son action psychologique ou psycho-physio-
pathologique non spécifique, mais qui, s’il est administré à l’insu du malade ou du théra-
peute, est dépourvu de toute action spécifique sur la pathologie traitée. En recherche cli-
nique, le placebo peut être défini comme une substance d’aspect identique au traitement en
cours d’évaluation mais dénuée d’effet spécifique dans la maladie.

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lL’effet placebo est l’effet psychologique ou psycho-physiopathologique résultant de l’admi-


nistration d’un placebo. L’effet placebo est le plus souvent positif (du latin placere, plaire),
c’est à dire allant dans le sens d’une amélioration de l’état du patient. Plus rarement, il peut
être négatif, se traduisant par une détérioration de l’état du patient avec l’apparition d’effets
adverses subjectifs relativement stéréotypés : somnolence, céphalées, fatigue, pesanteur
abdominale, faux vertiges, difficulté de concentration. On parle alors d’effet nocebo (de
nocere, déplaire).
L’effet thérapeutique d’un médicament provient de son effet pharmacologique propre et de
son effet placebo.

B - IMPORTANCE DE L’EFFET PLACEBO EN PRATIQUE


MEDICALE
l Des valeurs moyennes de 30 à 40 % d’effet placebo sont habituellement rapportées dans la lit-
térature médicale. Bien que l’existence d’un effet placebo soit généralement admise en pra-
tique médicale, son importance n’est pas mesurable en pratique médicale

l Sortis de leur contexte (l’évaluation de l’efficacité d’un traitement versus placebo), de nom-
breux facteurs peuvent donner l’impression d’un effet placebo :
– Le plus important est lié à l’évolution naturelle de la maladie :
* Guérison spontanée des pathologies aiguës (ex : grippe, otite).
* Rémissions des pathologies chroniques (ex : ulcère, migraine, douleur chronique).
* Plus généralement, ces phénomènes « naturels « font partie d’un phénomène général
purement statistique dit de régression vers la moyenne.

l Récemment, pour s’affranchir des critiques de l’évaluation de l’effet placebo en pratique


médicale, des auteurs danois ont proposé de mesurer l’effet placebo en comparant le pourcen-
tage d’amélioration dans un groupe traité par placebo à celui d’un groupe suivi sans interven-
tion. Cette méthode est possible dans les essais randomisés qui comportent trois groupes : un
groupe recevant le traitement étudié (dont on ne s’occupe pas), un groupe recevant le pla-
cebo, un groupe suivi sans intervention.

l Il est impossible de prédire avec certitude si un effet placebo surviendra pour un individu
donné à un moment donné. De nombreux facteurs conditionnent l’effet placebo en pratique
médicale et sont susceptibles de le renforcer ou le diminuer. Les plus fréquemment retrouvés
sont ceux en relation avec le médicament, le comportement des soignants, la maladie et le
malade :
– Le médicament : présentation du placebo (nom, taille, prix, taux de remboursement par
l’Assurance Maladie), voie d’administration du placebo (injection > gouttes > comprimés).
On peut observer un effet placebo dose-dépendant, un effet cumulatif voire un état de
dépendance au placebo.
– Le comportement des soignants : relation patient - médecin de confiance, notoriété du
médecin, conviction du médecin concernant l’efficacité thérapeutique du placebo.
– La maladie : pathologie bénigne et psychosomatique plus susceptible de variations, de
rémission ou de guérison spontanée. Dans les essais thérapeutiques, l’effet placebo est d’au-
tant moins marqué qu’il s’agit d’une pathologie grave et que le placebo est administré sur
une longue période.
– Le patient : patient conformiste, forte attente envers le médicament.

l En conclusion, l’importance de l’effet placebo n’est pas mesurable en pratique clinique.


L’effet placebo est évalué à partir d’essais thérapeutiques dont l’objectif n’est pas la mesure de
l’effet placebo mais la mise en évidence d’une différence d’effet pharmacologique entre le groupe
placebo et le groupe traité. Le placebo permet ainsi d’obtenir le meilleur niveau de preuve.

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C - L’UTILISATION DES MEDICAMENTS PLACEBO EN


RECHERCHE CLINIQUE

l Le placebo a une place méthodologique indiscutable en recherche clinique. Au cours des dif-
férentes phases des essais cliniques (cf.tableau ci-dessous), seule la comparaison au placebo
permet de s’assurer qu’un médicament à une réelle efficacité pharmacologique et permet de
mesurer l’intérêt thérapeutique d’une nouvelle molécule.

Essais précliniques

Essais de Phase I
l Sur volontaires sains
Essais de Phase II

l Sur groupe réduit de patients, randomisation, versus groupe placebo


l Objectifs : Evaluation du rapport tolérance/efficacité
Optimisation posologique (dose minimale efficace)

Essais de phase III

l Sur un large échantillon de patients, randomisation, groupe contrôle (traitement de


référence ou placebo si essai de supériorité), double aveugle
l Objectifs : Confirmation des résultats en phase II, efficacité et/ou tolérance supérieure
Délivrance de l’Autorisation de Mise sur le Marché (AFSSAPS)

Essais de phase IV (post-AMM)

l Sur une population cible à échelle réelle


l Recensement des effets secondaires (Pharmacovigilance)

Dans les études de phase II randomisées, la présence d’un groupe contrôle placebo permet de
démontrer l’effet pharmacologique du traitement étudié et de déterminer la dose minimale
efficace en référence au placebo lors des études de relation dose-effet.
Dans les essais de phase III, l’essai thérapeutique contrôlé contre placebo avec allocation aléa-
toire (randomisation) des patients dans les deux groupes de traitement (placebo ou traitement
à l’étude), en double aveugle (le patient et le médecin ignorent dans quel groupe se trouve le
patient), donne le niveau de preuve le plus élevé de l’efficacité d’un traitement (cf. item n° 3 et
n°169). Il permet aussi la meilleure évaluation de la tolérance clinique et biologique du traite-
ment à l’étude.
l Toutefois, la mise en place d’essais thérapeutiques contrôlés avec un groupe placebo, notam-
ment pour les essais de phase III, pose des problèmes différents selon qu’il existe ou non un
traitement de référence dans la pathologie considérée. Lorsqu’il n’existe pas de vrai traite-
ment de référence ayant une activité thérapeutique clairement démontrée dans la pathologie
considérée, l’essai thérapeutique se doit d’être fait versus placebo, car c’est le seul moyen de
démontrer l’efficacité d’un nouveau traitement.
l Dans le cas où un traitement de référence existerait dans la pathologie étudiée, l’essai théra-
peutique contrôlé contre placebo est controversé, non acceptable éthiquement dans le cadre
de certaines pathologies étudiées:
– Certains prônent son avantage méthodologique et soulignent ses bénéfices en termes
collectifs.

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Contrairement aux essais de supériorité qui mesurent statistiquement le rejet d’une efficacité
identique du traitement actif et du médicament placebo, les essais d’équivalence mesurent le
non-rejet de l’infériorité du traitement actif versus le traitement de référence.
Or cette démarche statistique est beaucoup moins établie que la précédente. De plus, un essai
thérapeutique contre un traitement de référence nécessite l’inclusion d’un nombre de sujets
beaucoup plus important qu’un essai thérapeutique contrôlé contre placebo car la différence
d’efficacité attendue est beaucoup plus petite. Si le nouveau traitement est inefficace voire
toxique, un nombre supérieur de sujets aura été exposé au nouveau traitement dans l’essai
d’équivalence. Enfin, si l’essai conclut à une non-infériorité du traitement actif par rapport au
traitement de référence, cela ne permet pas de conclure directement à une supériorité par rap-
port à un traitement placebo.
– D’autres jugent les essais contre placebo non éthique lorsqu’il existe un traitement de réfé-
rence ayant une activité thérapeutique bien démontrée, dans la mesure où les patients subis-
sent une perte de chance thérapeutique.

Il existe dans chaque pays et à l’échelle européenne un organisme habilité à autoriser la mise
sur le marché des médicaments (l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé
ou AFSSAPS; the European Medicines Agency (EMA) ; the Food and Drug Administration
aux USA).
Ces organismes peuvent requérir des essais contre placebo pour la mise sur le marché d’un nou-
veau traitement, même lorsqu’il existe un traitement de référence. Bien que l’agence euro-
péenne du médicament ait récemment souligné sa prise en compte des recommandations
issues de la dernière version de la Déclaration d’Helsinki concernant l’utilisation d’un placebo,
elle note cependant que l’évaluation de la nécessité d’un essai contre placebo ou traitement de
référence doit se faire au cas par cas.

l Emanuel et Miller (2001) proposent des critères pour guider le choix entre un essai thérapeu-
tique contrôlé contre placebo ou un traitement de référence existant et dont l’efficacité a été
démontrée:
– D’abord les arguments en faveur d’un essai contrôlé contre placebo doivent être solides :
* Effet placebo important.
* Pathologie susceptible de variations, de rémission ou de guérison spontanée.
* Traitement de référence de faible efficacité ou comportant des effets secondaires impor-
tants.
* Faible prévalence de la pathologie rendant un essai d’équivalence impossible.

– Si ces arguments sont remplis, les risques associés au placebo sont évalués par rapport au
traitement existant, en fonction :
* Du risque de décès.
* Du risque d’invalidité permanente.
* Du risque d’inconfort ou de douleurs sévères et réversibles (par exemple nausées et
vomissements sous chimiothérapie).

l En contrepoint des querelles éthiques sur le placebo, le nombre d’essais cliniques randomisés
en double-aveugle contre placebo a augmenté.

l Il existe plusieurs utilisations possibles du médicament placebo en recherche clinique.


Lorsque l’on veut comparer deux médicaments A et B en double insu, il est nécessaire de les
rendre indiscernables (même aspect, même nombre de prises) pour rester en double-aveugle.
L’utilisation d’un double placebo répond à cette exigence en associant à chaque médicament
son placebo. Chaque malade recevra donc le médicament A et le placebo de B ou inverse-
ment. Le placebo peut aussi être utilisé lors des périodes de sevrage dans certains schémas
expérimentaux, par exemple au début d’un essai thérapeutique lorsqu’il faut arrêter un trai-

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tement et ne pas laisser le malade sans traitement, ou lors d’une période de sevrage intermé-
diaire («wash-out») d’un essai croisé (« cross-over »). Cette période de sevrage sous placebo
permet d’étudier l’état de base des malades, leur stabilité et la comparabilité des groupes.

D - L’UTILISATION DES MEDICAMENTS PLACEBO EN


PRATIQUE MEDICALE
l Alors que l’utilisation du placebo en recherche clinique est bien validée, son utilisation en
pratique médicale reste imprécise.
l Les indications du placebo dépendent de l’importance attendue de l’effet placebo, qui est
déterminé par de nombreux facteurs non spécifiques. Après avoir éliminé une pathologie
accessible à un traitement efficace, il s’agit avant tout de «plaire» au patient en satisfaisant sa
demande de soins. Les indications du placebo les plus fréquentes sont les pathologies psy-
chosomatiques de malades suivis en ambulatoire, les soins palliatifs, le médicament placebo
intervenant en relais d’un traitement actif précédemment donné, ou les périodes d’attente en
cas de difficultés diagnostiques. En raison du déterminisme multifactoriel de l’effet placebo,
il ne faut attribuer aucune signification particulière à l’existence d’un effet placebo chez un
malade donné, à instant donné.
En particulier, la réponse à un placebo ne peut être utilisée comme test diagnostique.

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