La politique monétaire peut-elle affecter les fluctuations économiques ?
Introduction : La question du rôle et de l’impact de la politique monétaire sur les fluctuations
a nourri de vifs débats parmi les économistes. Si la macroéconomie keynésienne met en avant le caractère favorable de l’intervention publique, notamment en montrant grâce à la courbe de Phillips, qu’il est possible d’arbitrer entre inflation et chômage (sous entendant que les autorités monétaires peuvent réduire ce chômage au prix d’une inflation plus forte), ce point de vue est largement remis en cause à partir des années 1970, en premier lieu par Milton Friedman puis par Lucas et la nouvelle économie classique. En tenant compte de l’hypothèse de rigidités des prix, la nouvelle économie keynésienne redonne finalement un rôle à la politique monétaire. 1) La distinction entre court et long terme établit par Friedman et les implications pour les politiques monétaires expansives. Si la macroéconomie keynésienne se concentre essentiellement sur le court terme (Keynes avait pour habitude de dire qu’à long terme, nous serons tous morts), Friedman établit une distinction essentielle entre effets de court terme et effets de long terme d’une politique monétaire. Dans un premier temps, analysons l’effet d’une politique monétaire de relance non anticipée sur les prix et le chômage puis prolongeons le mécanisme pour comprendre comment les notions d’anticipations adaptatives et et de raisonnement en termes de salaire réel interviennent et modifient les résultats obtenus à court terme. La mise en place d’une politique monétaire relance non anticipée par les agents se traduit par une augmentation de la demande de biens et services, l’offre des firmes restant constante, il s’en suit une augmentation du niveau général des prix, qui entraîne une baisse des coûts de production des entreprises (lorsque les prix augmentent, le salaire réel diminue, or celui-ci représente un coût pour la firme). Celles-ci en profitent pour augmenter leur demande de travail, on assiste donc à une baisse du chômage et à une augmentation de l’inflation, on retombe sur le même résultat que celui énoncé par la courbe de Phillips initiale. La validation de ce résultat repose sur un élément essentiel : les agents n’ont pas anticipé la politique et donc l’augmentation des prix qui s’en est suivie, ils n’ont par conséquent pas négocié des salaires nominaux plus élevés pour conserver le même pouvoir d’achat. Sur la période qui suit, les travailleurs constatent la différence entre le salaire réel qu’ils avaient anticipé et celui qu’ils ont effectivement dû à leur erreur d’anticipation (sous-estimation de l’inflation). Le mécanisme des anticipations adaptatives entre alors en jeu : les salariés actualisent leur prévision d’inflation à la hausse et négocient par conséquent des salaires nominaux plus élevés. Or, les effets de la politique expansive mise en place en période précédemment se sont dissipés : les entreprises font face à une augmentation des salaires nominaux non compensée par une hausse du niveau général des prix, leurs coûts de production croient, elles décident donc de réduire leur demande de travail. A long terme, les résultats sont donc totalement différents. Le taux de chômage est revenu à son niveau initial. Friedman introduit ainsi la notion de taux chômage naturel, c’est-à-dire le taux de chômage en dessous duquel il est impossible d’aller. Et le niveau des prix est supérieur à celui en première période. Friedman en conclue que si la courbe de Phillips est vérifiée à court terme, le caractère adaptatif des anticipations de agents rend inefficace toute politique monétaire expansive à long terme : la courbe devient verticale et l’augmentation de l’offre de monnaie se traduit seulement par une hausse des prix (neutralité de la monnaie). 2) Les implications du modèle de Lucas pour la politique monétaire : un prolongement micro-fondé des conclusions de Friedman Les conclusions du modèle de la nouvelle économie classique concernant l’efficacité d’une politique monétaire sont les suivantes : seule une augmentation de la masse monétaire non anticipée par les agents se traduit par un accroissement de la production au-delà de son niveau naturel. Puisque le modèle est micro-fondé, on comprend alors que le mécanisme qui permet d’arriver à ce résultat passe nécessairement par l’étude du comportement de l’agent représentatif. Analysons l’impact d’une politique monétaire non anticipée (ou bien d’une augmentation de la masse monétaire supérieure à l’annonce initiale) sur sa décision de production. L’agent anticipe rationnellement le niveau général des prix pour la période t (il ne peut l’observer puisqu’on postule l’hypothèse d’information imparfaite). Or, si la banque centrale augmente de façon inattendue sa masse monétaire, il en résultera une augmentation des prix supérieure à ce que l’agent aura anticipé. Celui -ci attribuera cette plus forte hausse non pas à une augmentation du niveau général mais à une augmentation du prix du bien i spécifiquement (prix relatif) traduisant un accroissement de la demande relative pour son bien i. Il décidera alors d’augmenter sa production. En moyenne, en agrégeant à l'échelle de l'ensemble de l'économie, la production va donc augmenter au-delà de son niveau naturel quand le niveau général des prix est supérieur à sa prévision (plus d'inflation que prévu), l’écart de production est une fonction croissante de l’erreur de prévision des prix. Le résultat obtenu est totalement différent lorsque l’accroissement de la masse monétaire est connu : les agents attribuent l’augmentation de leur prix à la hausse de la masse monétaire et n’augmentent pas en conséquence leur production, on retrouve ainsi la dichotomie entre variables nominales et réelles et le concept de neutralité de la monnaie. On conclut donc de ce modèle le rôle crucial joué par les anticipations rationnelles qui neutralisent tout effet d’une politique monétaire anticipée. Seul un accroissement « surprise » de la masse monétaire aurait des effets réels, ce que traduit le principe d’invariance selon lequel toute politique monétaire systématique donc prévisible, n’a aucun effet réel. Cela sous-entend alors que la banque centrale n’a pas intérêt à respecter ses engagements (augmentation de la masse monétaire supérieure à ce qui a été annoncé). Dans le prolongement, Kydland et Prescott développent le principe d’incohérence temporel : si une politique est optimale à une période, il peut s’avérer, une fois que les effets escomptés sont obtenus, qu’une alternative meilleure se dégage, les autorités étant ainsi incitées à ne pas respecter ses engagements. Dès lors, une question de crédibilité des annonces entre en jeu, les agents étant conscients de l’intérêt des autorités à modifier ex-ante sa politique. Il en ressort que les règles (par exemple la fixation d’un objectif d’inflation) sont préférables aux politiques discrétionnaires. 3) L’introduction de rigidités nominales dans le cadre du modèle de la nouvelle économie keynésienne redonne un rôle à la politique monétaire L’équation de détermination du prix en présence de rigidités à la Calvo, résultat du programme de minimisation des coûts de l’entreprise sert de point de départ à l’obtention de la courbe de Phillips « Nouvelle Keynésienne ». En agrégeant à l’ensemble des firmes, on passe à une équation de détermination de l’inflation (transition d’une variable micro à une variable macroéconomique). On constate alors que le niveau général des prix dépend deux composantes. La première correspond aux prix en périodes précédentes multiplié par le paramètre égal à la probabilité pour une firme de ne pas pouvoir changer ses prix. Cette composante intègre donc l’ensemble dans entreprises ayant fait face à des rigidités nominales. La seconde correspond logiquement aux prix des firmes ayant pu modifier leur prix (avec ce prix égal à la moyenne pondérée des prix futures optimaux comme vu précédemment). Après développement de cette expression, plusieurs constats peuvent être établit. Premièrement, il apparaît que l’inflation dépend de sa valeur future anticipée par les agents ce qui semble logique (courbe « forward looking »). En effet, une firme qui prévoit une hausse des prix sur la période qui suit et qui a la possibilité de changer ses prix en période actuelle, va les augmenter, anticipant le risque qu’elle ne puisse pas les modifier plus tard. Secondement, l’inflation dépend aussi de la somme de la marge et du coût marginal réel (ou de la même manière de l’écart entre le prix optimal et le niveau général des prix). Or il est possible de remplacer cette expression par l’écart entre le niveau de production effectif et la production naturelle puisqu’une augmentation de la production (écart positif avec le niveau naturel) entraîne une hausse de la demande de facteurs, leur rémunération augmente donc et par la même le coût marginal réel. Il existe donc une relation positive entre coût marginal réel et écart de production. Après avoir remplacé ce terme par l’écart de production, on conclue que l’inflation dépend positivement de son niveau futur anticipé et de l’écart de production. On nomme cette équation « courbe de Phillips NEK », qui met ainsi en relation une variable nominale et une variable réelle (écart de production). Dès lors, l’arbitrage inflation/chômage (le chômage dépend négativement de l’écart de production) redevient valide à court terme, justifiant de nouveau l’intervention des autorités monétaires. Le mécanisme sous-jacent à la mise en place d’une politique monétaire expansive est le suivant : un accroissement de l’offre de monnaie entraîne une hausse de la demande de facteurs de production. Leur rémunération augmente donc, augmentant par la même le coût marginal réelle de la firme. Celle-ci, voyant sa marge diminuer et ne pouvant ajuster ses prix à la hausse puisque nous avons postulé l’hypothèse de rigidité des prix à court terme, est contrainte d’augmenter ses quantités afin de conserver sa marge. Il en ressort que la production augmente, et que la politique monétaire présente un impact réel à court terme (remise en cause du concept de neutralité de la monnaie. Conclusion : Le rôle de la politique monétaire représente donc un vif débats parmi les économistes. Question bonus : si les courants économiques s’intéressent généralement à l’impact de choc de demande ou d’offre de façon séparée, il apparaît que l’épidémie se traduit par un choc d’offre et de demande dans le même temps, puisque le confinement empêche à la fois les firmes de réaliser leurs activités et les consommateurs de produire, ce qui présente des effets désastreux pour l’économie.