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TRIBUNE LIBRE
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Résumé :
Tel est l’objet de cet article qui plaide pour un engagement plus fort des conseils
d’administration en analysant les conséquences et les exigences.
Abstract:
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This is the subject of this paper which advocates for a more voluntarist role to be
played by boards.
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Cet article est publié avec l’aimable autorisation de la revue Banque.
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INTRODUCTION
L’objet de cet article est d’analyser l’impact de la crise financière sur la
gouvernance bancaire. Nous commencerons par une présentation théorique de la
notion de la gouvernance et de la crise bancaire suivie d’une analyse de l’effet de
la crise financière de 2008 sur la gouvernance des banques aussi bien à court
terme qu’à long terme.
• clairement définir sa mission, qui devra être motivée par l’intérêt social de
l’entreprise et l’intérêt de ses actionnaires en ne se limitant pas à la définition
restrictive de la gouvernance que donnait La Porta et al en stipulant :
« La gouvernance des entreprises comme l’ensemble des dispositions, des
institutions et des règles de droit conçues pour empêcher l’éviction des
investisseurs ». Selon Fama, le conseil d’administration est souvent suggéré
comme mécanisme d’incitation et de discipline des dirigeants, ce qui devrait
l’amener à agir de manière à maximiser la valeur de la firme.
• être composé de membres compétents et capables de challenger la
direction générale, car ce sont eux qui sont comptables de la protection
finale des actionnaires et des autres parties prenantes et d’exercer sa
mission de contrôle et sa mission fiduciaire vis-à-vis de ces derniers.
2. CRISE FINANCIERE
Les crises se multiplient depuis plus la crise de 1973. On cite, à ce niveau, la crise
de la dette à partir de 1982, le choc boursier de 1987, la crise du SME en 1992-
1993, la crise du peso mexicain en 1994-1995, la crise asiatique en 1997, la crise
russe de 1998 et la crise brésilienne en 1999.
La crise financière actuelle, qui est l’une des plus violentes que l’on ait connues, a
débuté en juillet 2007 aux des Etats-Unis.
Depuis 2002, la banque centrale américaine, qui encourageait le crédit facile pour
relancer l'économie, a permis à des millions de foyers modestes de devenir
propriétaires, moyennant des prêts dits "subprimes" en 2007. La hausse des taux
américains et l'effondrement du marché immobilier américain depuis le début ont
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Fin 2007, certaines grandes institutions financières ont constaté l’illiquidité des
titres structurés adossés à des prêts hypothécaires et les premiers cas de défauts
ont commencé à apparaître.
l’économie américaine. L’impact de cette crise était ainsi moins violent et plus
échelonné sur ces pays.
Depuis des décennies, la crise financière actuelle est la plus importante et grave
qui ait frappé les marchés financiers.
Les conseils d’administration des banques ont du affronter, sans y être préparés,
une crise sans précédent depuis 1929. Cette crise a remis en cause, tout du moins
dans l’instant, les canons de la bonne gouvernance, comme l’a souligné l’étude de
Nestor Advisors “ Bank Boards and the Financial crisis ”, publiée en mai 2009.
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Face à cette perte de repères et sur la base de l’étude que Spencer Stuart a
menée auprès des présidents et des directeurs généraux des 18 plus grandes
banques européennes, l’objet de cet article est de réfléchir sur les conséquences
de la crise financière sur le fonctionnement de leurs conseils d’administration.
La bulle spéculative, qui a éclaté à l’automne 2008, avait été alimentée par le
développement excessif des opérations de crédits en tout genre, rendues
possibles par l’utilisation intensive de deux mécanismes, dont l’utilisation excessive
a, depuis, été abondamment décrite et décriée :
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A la première question, la réponse ne peut pas être positive, car l’intérêt social des
banques, comme l’ont compris certains groupes, aurait du inciter les directions
générales, mais aussi les conseils d’administration, à analyser si l’effet bénéfique à
très court terme du développement exponentiel de certaines activités sur le cours
de bourse, ne risquait pas de mettre en risque la solvabilité et la liquidité, et donc
l’intérêt à long terme des actionnaires.
Face à ce constat, certains conseils d’administration ont fait porter leurs analyses
critiques sur les points suivants :
• S’était-on posé les bonnes questions sur le business model de la banque
et en avait-on une bonne compréhension ? Même si le conseil ne doit pas
s’immiscer dans la gestion quotidienne, il faut bien constater qu’en restant
au niveau global, aucun conseil de banque n’a anticipé ce qui se passait et
n’a fait preuve d’esprit critique vis-à-vis des managements. Les résultats
étaient excellents, la rentabilité exceptionnelle et les risques étaient
supposés être sous contrôle ; alors pourquoi remettre en cause le modèle.
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Face à une crise sans précédent, les conseils d’administration des banques ou des
établissements financiers ont été soumis à une pression sans précédent. Sur un
échantillon de 18 établissements (hors Italie et Espagne), 9 ont changé de
dirigeant en l’espace de 6 mois, ce qui est une situation unique dans un aussi
faible espace de temps.
Cette activité accrue des conseils, qui sont sollicités sur une variété de plus
en plus grande de sujets, soulève quelques interrogations :
- Les conseils d’administration ont-ils apporté une réelle valeur
ajoutée à leur direction générale dans la gestion de la crise ?
- Comment éviter le mélange des genres entre les rôles respectifs du
conseil et de la direction générale ?
- Comment le conseil s’assure-t-il qu’il garde bien la hauteur de vue
qui doit être la sienne ?
- La compétence des administrateurs étant de plus en plus
challengée par des questions de plus en plus techniques et leur
disponibilité étant de plus en plus sollicitée, se pose alors un clair
problème de recrutement et de taille du vivier. Ceci s’est traduit aux
USA par une réduction par deux du nombre moyen de mandats
détenus par un administrateur et par l’ouverture des conseils à de
nouveaux profils, ayant principalement un fort bagage en
identification et gestion des risques.
• Certaines places financières ont réagi très vite pour publier des
recommandations en espérant que celles-ci s’imposeront à tous. Le rapport
Walker publié au printemps 2009 recommande, pour les banques,
l’obligation d’avoir un comité des risques, d’accroître la proportion de « non
executive directors / administrateurs non exécutifs » ayant une expérience
financière et d’améliorer leur connaissance de la société et leur relation avec
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Pour conclure sur cette première partie, les effets immédiats de la crise imposent
aux conseils d’administration des banques de se poser une série de questions
clés :
• Quel est le rôle du conseil et jusqu’où doit aller son implication par rapport à
la direction générale, en particulier en matière de stratégie et de contrôle du
suivi des risques, afin d’éviter qu’il n’interfère avec les responsabilités de
cette dernière ?
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Soit parce que les conseils sont encore dans le combat du feu de la crise, soit
parce que, à l’inverse, ils pensent que le pire est derrière nous, certains sujets de
fonds ne sont pas devenus d’actualité, car ils induisent des changements plus
profonds et requièrent le temps de la réflexion :
• Les administrateurs de banque vont être soumis à une pression accrue de la
part des actionnaires et de la Société en général pour les voir mieux jouer
leur rôle de défenseur de l’intérêt social et de l’intérêt du porteur de parts.
Trop souvent, les conseils d’administration de banque, en particulier dans le
monde anglo-saxon, ont fait preuve d’une indépendance très relative vis-à-
vis de l’intérêt des managers, en ne s’imposant pas assez. Et ainsi en
privilégiant l’intérêt court terme, ils ont mis en danger l’intérêt long terme de
la banque.
• Le conseil doit être un organe actif et conscient de sa mission vis-à-vis des
actionnaires.
Le conseil doit avoir les moyens d’exercer sa mission en totale indépendance de la
pression des marchés et de l’influence du management.
Cela doit être un véritable organe de direction, comme la loi le prévoit, et pour qu’il
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d’être plus libre par rapport à la direction générale, même s’il y a plusieurs
contre-exemples comme RBS ou UBS.
Le rôle du président sortira certainement renforcé de cette crise, car il devra
être le garant, du bon fonctionnement, de l’indépendance et de la
contribution du conseil et, à ce titre, devra mieux rendre compte aux
actionnaires de la spécificité de son action. Il devra aussi s’assurer que le
conseil reste dans son rôle en évitant la tentation d’interférence dans la
gestion.
Au cas où il y aura maintien de l’unicité de direction, l’exemple de Lafarge ou
de la Société Générale, qui ont instauré le concept du lead director en la
personne d’un vice président, devrait faire des émules. Reste, néanmoins, à
savoir quel est le rôle exact de ce dernier et les attentes du conseil à son
égard, ce qui n’est pas encore très clair.
Le profil du président est une des garanties du dispositif de gouvernance.
Une compétence financière certaine, mais pas forcément purement bancaire
est indispensable pour asseoir son autorité auprès du directeur général et sa
reconnaissance dans le monde des affaires doit être telle qu’elle lui permette
de s’imposer légitimement auprès des administrateurs.
• Il ne pourra pas être fait l’économie d’une réflexion sur le rôle du conseil
d’administration en matière de stratégie. Le conseil est-il seulement là pour
approuver la stratégie présentée par la direction générale ou doit-il
demander à ce qu’on lui propose un choix de stratégies avec une analyse
comparée des enjeux, des risques et des résultats attendus. Nous pensons
que le conseil doit conduire une vraie discussion sur plusieurs options
stratégiques et challenger la direction générale sur ces options avant de les
approuver ; or, c’est ce qui a fait défaut avant la crise, souvent par
méconnaissance d’une majorité des administrateurs des spécificités
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- La compétence,
- L’indépendance d’esprit et de caractère, qui ne se confond pas
forcément avec l’indépendance au sens juridique,
- L’expérience de la gestion des situations complexes.
Les conseils devront vraisemblablement repenser leur composition afin de
permettre aux managers d’avoir à leurs côtés des conseils d’administration
plus contributifs et plus à même de challenger leurs propositions, et ceci
dans un environnement où il est aujourd’hui plus difficile de recruter des
administrateurs pour les banques pour des raisons d’adéquation de
compétence, de disponibilité et d’appréhension du risque.
Il ressort de nos études que les administrateurs les plus contributifs et les
plus efficaces pendant la crise qu’ont du affronter les conseils des banques,
ont été, sans contexte, les présidents de grands groupes industriels ou
commerciaux, et que le recours exclusif à des spécialistes de la Finance est
réducteur et pose un problème de potentiel conflit d’intérêt.
Il est intéressant de constater cependant que les nominations qui sont
intervenues dans les conseils d’administration de banques en 2009 et 2010
ne traduisent pas une inflexion en ce sens.
- Cela passera peut-être aussi par une réduction de la taille pour
arriver à une moyenne de 10 à 12 membres avec un renforcement
de la proportion de dirigeants expérimentés. Mais aujourd’hui, la
tentative de féminisation des conseils induit un phénomène inverse.
- L’avis du comité des nominations, dans le choix et la sélection des
dirigeants en provenance de l’interne ou de l’externe, se renforcera
d’autant plus qu’il y aura dissociation entre les fonctions de
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CONCLUSION
Il est aujourd’hui trop tôt pour savoir si finalement la crise aura eu des effets
durables sur le fonctionnement des conseils d’administration des banques, soit
parce qu’ils sont encore absorbés par la gestion des effets immédiats de celle-ci,
soit, parce qu’au contraire, ils ont commencé à l’oublier du fait du redressement de
l’activité et des marchés.
Mais, l’objet de cet article est modestement de dresser quelques pistes de réflexion
avec une conviction forte que c’est :
• par la reconnaissance de l’existence d’un intérêt long terme qui peut être
distinct de l’intérêt court terme que l’on permettra de mieux définir le rôle du
conseil d’administration vis-à-vis du management. Le conseil
d’administration doit pouvoir protéger le management contre les pressions
externes visant à rechercher un ROE parfois absurde.
• par le renforcement du rôle du conseil et de son président que les directions
générales des banques auront à leurs côtés une instance légitime et
compétente pour les épauler et les contrôler dans l’exercice de leurs
missions, sans pour autant interférer avec celles-ci. C’est au bon sens du
conseil qu’il revient de challenger les fameux nouveaux paradigmes.
• plus que les systèmes de gouvernance, c’est la qualité des hommes qui
compte et que ce constat devrait être le catalyseur de la montée en
puissance des comités des nominations, tant dans l’évaluation des
performances des dirigeants que dans la sélection des administrateurs et
l’évaluation des travaux du conseil.
• par la capacité des conseils d’administration à penser l’impensable.
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Enfin, il ne faudrait pas tomber dans le piège habituel, à la suite de chaque crise,
qui est de croire que c’est seulement par l’alourdissement de la réglementation que
l’on évitera les errements passés. La crise d’ENRON a engendré Sarbannes
Oxley, qui devait éviter les dérivés du passé. Il n’en a rien été ; les fameux Special
Purpose Vehicles d’ENRON vilipendés en 2002 sont réapparus et ont plus que
prospéré à partir de 2004. C’est plus par la responsabilité et l’équilibre des
pouvoirs que l’on progressera, que par des textes législatifs.
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