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Discipline (sous-thème)

Psycho-acoustique

De l’ harmonie musicale
Norman D. Cook et Takefumi Hayashi

Pour susciter tension, soulagement, joie ou mélancolie, Renaissance, lorsque les compositeurs
se sont éloignés des mélodies mono-
un accord de trois notes suffit. Pourquoi sommes-nous phoniques et des harmonies à deux notes
utilisées par exemple dans les chants gré-
si sensibles à l’harmonie musicale ? L’analyse goriens, et qu’ils ont adopté l’harmo-
des différents facteurs d’émotion identifiés nie fondée sur les accords de trois notes,
ou triades. Les compositeurs ont décou-
dans un accord suggère une explication... biologique. vert que l’harmonie des triades leur per-
mettait d’évoquer une gamme plus
étendue d’émotions.
Aujourd’hui, les accords majeurs et

E ntonnez le Chant des partisans ou la


Marseillaise avec un accompagne-
ment instrumental, et nombre d’ac-
cords majeurs vous feront vibrer. Dans la
Marseillaise, par exemple, les notes chan-
L’ E S S E N T I E L
! Fondée sur l’étude
mineurs sont essentiels tant dans la mu-
sique occidentale que dans les musiques
traditionnelles non occidentales qui n’uti-
lisent pas de triade, mais où, souvent, de
courtes séquences mélodiques suggèrent
tées sur la seconde syllabe de « patrie », de la consonance les modes majeur et mineur. Pourtant, la
dans le premier vers, sont les trois notes des intervalles, la théorie cause de leur effet psychologique reste
d’un accord majeur. Pensez maintenant à classique de l’harmonie inconnue. Cette question est même deve-
un chant mélancolique : l’humeur y sera musicale n’explique pas nue embarrassante pour les théoriciens. Par
créée par des accords mineurs. Ainsi, dans pourquoi le mode majeur exemple, dans un ouvrage sur la psycho-
la chanson Les feuilles mortes, les notes asso- évoque la force et la joie, logie de la musique publié en 2005, le psy-
ciées aux première, troisième et quatrième tandis que le mode mineur chologue britannique John Sloboda cite les
syllabes du vers « Toi, tu m’aimais » for- est associé à la mélancolie. travaux indiquant que les modes majeur et
ment un accord mineur. mineur déclenchent, dès l’âge de trois
Depuis longtemps, les théoriciens de la
! La distinction ans, des émotions positives et négatives,
acoustique entre ces deux
musique sont conscients de ces résonances mais omet de discuter ce résultat. Et en 2006,
modes apparaît lorsque
émotionnelles différentes transmises par dans un livre sur le même thème, le musi-
l’on étudie non plus
les accords majeurs et mineurs. Dès 1722, cologue américain David Huron relègue la
seulement les intervalles,
le compositeur français Jean-Philippe question dans une note de bas de page.
mais leur rapport
Rameau écrivait, dans son Traité de l’har- La plupart des théoriciens sont convain-
dans les accords
monie réduite à ses principes naturels – un cus que l’association entre les tonalités
et l’effet de ce rapport
important ouvrage sur l’harmonie : « Le majeures et les émotions positives, d’une
sur l’émotion.
mode majeur […] convient aux chants d’al- part, et entre les tonalités mineures et les
légresse et de réjouissance», parfois «aux ! Cet effet émotions négatives, d’autre part, est acquise:
tempêtes, aux furies et autres sujets de cette s’apparenterait à celui il s’agit pour eux d’une « particularité
espèce», et parfois «aux chants tendres et causé par les intonations occidentale» qu’il est inutile d’expliquer, de
gais» ou pour évoquer «le grand et le magni- même qu’il serait vain d’expliquer les
© Shutterstock/Andrey Arkusha

des vocalisations animales:


fique ». Le mode mineur, en revanche, ascendantes, elles conventions de l’orthographe ou de la gram-
«convient à la douceur et à la tendresse; expriment la domination, maire. Nous sommes d’un autre avis. Nous
[…] aux plaintes; […] aux chants lugubres». descendantes, pensons que les différentes réponses émo-
La distinction majeur/mineur est la soumission. tionnelles aux accords majeurs et mineurs
entrée dans la musique occidentale à la ont une base biologique. Mais avant de nous

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aventurer sur un territoire aussi contro-


versé, nous répondrons à une question

émotion
simple: pourquoi certains accords ont-ils
une résonance stable – résolue –, et procu-
rent-ils un sentiment de complétude musi-

à l’
cale – d’aboutissement –, tandis que d’autres
nous laissent en suspens, dans l’attente
d’une résolution vers un accord stable?
La recherche en psychophysique a
apporté une réponse partielle. Il y a plus
d’un siècle, Hermann Helmholtz a identi-
fié les principes acoustiques de la disso-
nance musicale. Cependant, une triade ne
se résume pas à sa dissonance ou à sa conso-
nance ; certains accords consonants n’en
sont pas moins perçus comme non résolus.
C’est pourquoi nous avons développé un
modèle acoustique de la perception de l’har-
monie en termes de position relative des
trois notes. En particulier, nous avons iden-
tifié deux qualités – que nous nommons
la tension et la valence –, qui, ensemble,
expliquent la perception de «stabilité» et
en quoi les accords majeurs diffèrent des
accords mineurs sur le plan acoustique. À
partir de ce modèle, nous émettrons des
hypothèses sur les raisons de leurs conno-
tations émotionnelles différentes.

L’harmonie dépend...
des harmoniques
L’explication scientifique de la musique
est fondée sur la structure ondulatoire des
sons : chaque son est une onde sonore ou
une combinaison de plusieurs ondes.
Même une note isolée est plus complexe
qu’il n’y paraît, car le son principal y est
accompagné d’autres sons ténus et plus
aigus, les harmoniques. Inconnue des
théoriciens de la Renaissance, cette pro-
priété physique de la musique s’étudie
aujourd’hui facilement à l’aide d’un ordi-
nateur portable et d’un logiciel approprié.
Les harmoniques sont responsables de
bon nombre des phénomènes les plus sub-
tils de l’harmonie musicale.
Au son principal d’une note isolée cor-
respond une onde sonore sinusoïdale,
caractérisée par sa fréquence, la fréquence
fondamentale F0, exprimée en hertz (voir
la figure 1). Plusieurs harmoniques F1, F2,
F3, etc., sont associées à F0. Il s’agit d’ondes
sonores dont la fréquence de vibration est
© Shutterstock/Andrey Arkusha

un multiple de la fréquence fondamen-


tale. Par exemple, si F0 est le do médium
(261 hertz), alors F1 vaut 522 hertz (deux
fois F0), F2 vaut 783 hertz (trois fois F0),
etc. Tout son musical (autre qu’une onde

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a b Ils ont observé que les auditeurs ordinaires


entendent une sonorité « déplaisante »,

Amplitude
F0
«grinçante» ou «instable» chaque fois que
deux notes sont séparées par un ou deux
F1 demi-tons. Rappelons qu’un demi-ton est
l’intervalle qui sépare deux touches adja-
F2 centes, blanches ou noires, sur le clavier.
Do Do’ Sol’ Mi’’ Sol’’ Do’’’ De plus, deux notes séparées de 11 demi-
Fa Fa’ Do’’ Fa’’ La’’ Ré’’’
F3 Note 1 : F0 F1 F2 F3 F4 F5F6 tons sont aussi dissonantes, malgré leur
Norman Cook

éloignement sur le clavier, et un intervalle


F4 Note 2 : F0 F1 F2 F3 F4 F5F6
de six demi-tons est perçu comme légère-
1. DANS UNE NOTE, chaque son – le son fondamental et les harmoniques – peut être repré- ment dissonant (voir la figure 2a).
senté par une onde sinusoïdale, caractérisée par une fréquence qui croît avec le degré de l’har- En 1965, les psychologues hollandais
monique (a). Les harmoniques (F1, F2, etc.) influencent notre perception de la note (de fréquence Reinier Plomp et Willem Levelt ont expli-
fondamentale F0). Lorsque deux notes (do en rouge, fa en bleu) sont jouées ensemble, les har-
moniques interagissent, ce qui modifie notre perception (b). L’intensité relative des notes (cercles qué la perception expérimentale de la dis-
pleins) et des harmoniques (cercles vides) est représentée par les barres d’amplitude. sonance en représentant la dissonance
entre deux ondes sinusoïdales pures par
une courbe théorique fondée sur des don-
sinusoïdale pure) sera nécessairement a nées psychophysiques (voir la figure 2b) :
une combinaison de ces harmoniques. ils ont demandé à plusieurs personnes
Le nombre et la force de ces harmoniques d’écouter divers intervalles – la plupart
Dissonance

donnent à chaque note son timbre unique non musicaux, simplement définis par les
et font que le do médium, par exemple, fréquences des sons – et d’évaluer leur
sonnera différemment au piano et au consonance ou leur dissonance sur une
saxophone. En général, les harmoniques échelle arbitraire de 1 à 10. Puis ils ont com-
sont de plus en plus faibles et peuvent pilé les résultats obtenus en une courbe
finalement être ignorées, mais les cinq mathématique approchée. Cette courbe
ou six premières – au moins – influent 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 traduit le fait que les petits intervalles (envi-
Taille de l’intervalle (en demi-tons)
sur notre perception. ron un demi-ton) sont les plus dissonants,
L’histoire des harmoniques serait b tandis que les très petits intervalles
simple si toutes les harmoniques étaient (1/10e de demi-ton) ou les intervalles plus
Dissonance

séparées par des octaves (écart entre deux grands (supérieurs à trois demi-tons) sont
do consécutifs, par exemple), mais ce n’est plutôt consonants.
pas le cas, car l’échelle de la perception des La courbe de R. Plomp et W. Levelt n’ex-
sons est logarithmique : bien que la pre- plique pas la dissonance de grands inter-
mière harmonique se situe une octave plus valles tels que ceux de 6 ou 11 demi-tons.
haut que la fréquence fondamentale, les 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Néanmoins, lorsque les deux psychologues
multiples suivants de F0 correspondent à Taille de l’intervalle (en demi-tons) ont ajouté un nombre de plus en plus grand
des intervalles de plus en plus petits. Par c d’harmoniques, la courbe de dissonance
conséquent, si la fréquence fondamentale obtenue s’est approchée de plus en plus de
est le do médium, alors F1 est une octave la courbe empirique (voir la figure 2c): elle
Dissonance

au-dessus du do médium (do’), tandis que prédit de petites diminutions de la disso-


l’harmonique suivante, F2, est entre une et nance au niveau – ou à proximité – des inter-
deux octaves au-dessus de do médium, valles supérieurs ou égaux à 3 demi-tons
parce que sa fréquence n’est que 3/2 de F1. des gammes diatoniques, soit 3, 4, 5, 7, 9
Norman Cook

Dans la musique occidentale, ce son est et 12 demi-tons (les gammes diatoniques


le sol’. Ainsi, le do médium sur un piano sont les gammes de sept notes séparées
comporte un mélange des sons do, do’, 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 de tons et de demi-tons utilisées en musique
Taille de l’intervalle (en demi-tons)
sol’, do’’, mi’’, etc. (voir la figure 1). 2. CERTAINS INTERVALLES MUSICAUX nous classique, telle do ré mi fa sol la si).
Comme les notes isolées, les intervalles paraissent dissonants (a, en rouge), d’autres Cette correspondance entre les minima
entre deux notes sont définis par leurs sons consonants (en bleu). Par ailleurs, notre per- de dissonance et les notes de la plupart
fondamentaux. Mais lorsqu’un pianiste ception du degré de dissonance dépend des har- des gammes musicales les plus communes
joue deux notes sur le clavier, c’est tout un moniques: sans harmonique, seuls les intervalles signifie que l’espacement entre les notes des
assortiment d’harmoniques qui atteignent petits (environ un demi-ton) sont perçus comme gammes n’est pas une invention arbitraire.
les oreilles de l’auditeur (voir la figure 1b). dissonants (b). Avec les harmoniques, d’autres Au contraire, il résulte du fonctionnement
régions de dissonance apparaissent (c, chaque
Plusieurs générations d’expérimentateurs, couleur correspond à une harmonique ajou- du système auditif humain, et il n’est pas
à commencer par Helmholtz en 1877, ont tée). Plus on ajoute d’harmoniques (c, en vert), surprenant que les mêmes intervalles soient
étudié la perception de la consonance ou plus la courbe se rapproche de celle obtenue avec utilisés par différentes cultures de par le
de la dissonance de différents intervalles. des notes réelles (a). monde. Certaines combinaisons de notes

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sont moins dissonantes, et la musique a (5,3) (5,4)


construite avec ces intervalles moins dis-
7

Intervalle inférieur (en demi-tons)


sonants est plus plaisante. Évidemment,
l’écriture d’une « musique plaisante » ne Mineur 6 Majeur (deuxième renversement)
(deuxième renversement)
saurait se réduire à éviter les dissonances. (4,3) 5 m M (4,5)
Certains styles musicaux les encouragent 4 M m
même. Néanmoins, la quantité de conso-
nance ou de dissonance utilisée reste un fac- 3 m M
Majeur (fondamental) Mineur (premier renversement)
teur important pour comprendre comment 2
la musique est perçue. (3,4) 1 (3,5)
Ajoutons maintenant une ou deux
0
notes: quel est le rôle des harmoniques dans 0 1 2 3 4 5 6 7
la perception d’accords de trois ou quatre Intervalle supérieur (en demi-tons)
Mineur (fondamental) Majeur (premier renversement)
notes, voire davantage ? Dans une triade
(comme dans un intervalle de deux notes), b 13
SANS HARMONIQUE
les sons les plus perceptibles sont généra- 12
lement ceux des fréquences fondamentales, 11

ance
c’est-à-dire les trois notes écrites dans la 10
partition. Plus faibles, les harmoniques don- 9 m M
Intervalle inférieur

Disson
nent à l’accord une richesse, sa « sono- 8 M m
7 m M
rité» globale. En de rares occasions – par
exemple dans les quatuors a capella –, elles 6 Vallée
5 m M de consonance

Int
se renforcent mutuellement à tel point
m

erv
4 M ur
qu’elles deviennent aussi fortes que les fon- rie

a
m M fé

lle
3
damentales, créant l’illusion très recher-
alle in

sup
2
chée d’une «cinquième voix». erv

éri
1 Int

eur
0
La dissonance 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Intervalle supérieur
dans les triades c 13
AVEC UNE HARMONIQUE
Comme la perception des intervalles, celle 12
des accords est influencée par les har- 11
10
nce

moniques. Pour cerner leur rôle dans l’har-


9 m M
Dissona

monie des triades, commençons par


Intervalle inférieur

préciser celui des fréquences fondamen- 8 M m


tales. Pour ce faire, nous représentons 7 m M
les trois notes sur une « grille triadique », 6
5 m M
où les tailles des intervalles inférieur et
Int

4 M m
ur
erv

supérieur sont représentées respective-


3 m M érie
alle

ment sur les axes vertical et horizontal nf


2 alle i
sup

(voir la figure 3a). Par exemple, un accord erv


Int
éri

1
majeur « fondamental », tel que do-mi-sol
eur

0
(les trois notes précédant une annonce à 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
l’aéroport), présente un intervalle bas de Intervalle supérieur
d 13 AVEC DEUX HARMONIQUES
3. TOUTE TRIADE – par exemple les accords 12
fondamentaux majeur do-mi-sol (M) et mineur 11
do-mi bémol - sol (m) et leurs renversements 10
(une ou deux notes sont remontées d’une
ce

9 m M
Intervalle inférieur

Dissonan

octave) – peut être représentée par un point m


8 M
sur une grille où l’abscisse correspond à l’in-
7 m M
tervalle supérieur et l’ordonnée à l’intervalle
inférieur (a). Sur cette grille, la dissonance 6
totale d’une triade, somme des dissonances de 5 m M
m
Int

chaque intervalle, est une surface tridimen- 4 M


erv

sionnelle (b à d, où le bleu et le rouge indi- 3 m M u r


érie
alle

quent respectivement les faibles et fortes 2 inf


sup

dissonances). Plus on ajoute d’harmoniques (c alle


1 erv
éri

et d),plus la surface se subdivise. Tous les types Int


Norman Cook

eur

0
d’accords importants sont rassemblés dans des 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
zones de relative consonance. Intervalle supérieur

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a toute la musique occidentale classique et


A Mineur (3,4) B Augmenté (4,4) C Majeur (4,3) populaire (voir la figure 3a). Les autres loca-
lisations sur la grille triadique incluent de
nombreux autres accords d’utilité et de
beauté variables, ainsi que certains accords
Intervalle1 Intervalle 2 Intervalle 1 Intervalle 2 Intervalle 1 Intervalle 2 qui sont évités dans la plupart des types
de musique. Grâce à cette grille, nous
B allons pouvoir étudier la façon dont l’ad-
dition d’harmoniques modifie l’harmonie
des triades et répondre à notre première
Vers une tonalité Vers une tonalité

Tension
mineure majeure question : pourquoi certaines triades nous
paraissent-elles plus ou moins stables, et
comment expliquer les émotions positives
A C ou négatives suscitées par les accords
–1,0 0,0 1,0 majeurs et mineurs ?
Différence Intervalle 1 – Intervalle 2 (en demi-tons) Pour visualiser la dissonance totale
d’une triade, nous avons étendu la courbe
b SANS HARMONIQUE c
Tension
AVEC UNE HARMONIQUE de R. Plomp et W. Levelt à la grille triadique.
Tension

La courbe était construite pour un seul inter-


11 valle; nous avons combiné, dans la grille,
11
ieur
ieur

9 9 les deux courbes correspondant l’une à la


infér

infér

7 7 dissonance de l’intervalle inférieur, l’autre


5 5
valle

à celle de l’intervalle supérieur. Nous obte-


valle

3 3
nons ainsi la dissonance totale sous forme
Inter

1
Inter

1
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 d’une surface tridimensionnelle, dont les
Intervalle supérieur 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Intervalle supérieur axes sont respectivement les deux inter-
valles et l’intensité de la dissonance (voir la
d 13 AVEC DEUX HARMONIQUES figure 3b). On y distingue deux bandes de
dissonance, qui correspondent aux triades
11
Tension

contenant un intervalle de un ou deux demi-


tons, constituées d’un pic abrupt (lorsque
Intervalle inférieur

9 m M
M m les deux intervalles sont d’un demi-ton),
11
r
férieu

7 m M 9 et de deux arêtes élevées (lorsque l’un des


7 intervalles est inférieur à deux demi-tons).
alle in

5 m M
M m 5 Le reste de la grille triadique est une vallée
v

3 m M 3 de consonance – et c’est là que se situent


Inter

1 1 toutes les triades courantes.


Lorsque nous ajoutons une série d’har-
Norman Cook

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1112 13 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Intervalle supérieur Intervalle supérieur moniques au calcul de la dissonance totale,
la « vallée de consonance » se sépare en
deux (voir la figure 3c). À mesure que nous
4. LES TRIADES dont les intervalles sont égaux, quatre demi-tons et un intervalle haut de ajoutons des harmoniques, la structure
par exemple l’accord augmenté B, créent une trois demi-tons (position (4,3) sur la grille). fine de la grille se complique, sans que sa
tension chez l’auditeur. Cette tension est levée Toute autre triade de la musique occi- configuration générale ne change (voir la
quand un des intervalles est modifié d’un demi-
dentale peut être localisée sur cette grille figure 3d) : des régions de forte dissonance
ton, ce qui conduit soit à un accord mineur(A), soit
à un accord majeur (C). Comme la dissonance, triadique. D’autres cultures musicales uti- (lorsque l’un des deux intervalles est petit)
la tension d’une triade peut être représentée en lisent des gammes différentes et, par consé- côtoient des étendues de consonance rela-
fonction de ses intervalles (a) et reportée sur quent, des accords parfois localisés dans tivement forte (là où se situent toutes les
la grille triadique (b à d). En absence d’harmo- les trous de cette grille (par exemple, les triades courantes).
niques, la tension théorique des triades est forte musiques arabe ou turque s’appuient Fondée sur l’étude de la seule disso-
sur la diagonale (b, en rouge). Avec la première sur une gamme de 24 sons par octave, nance totale, cette grille est insuffisante en
harmonique, d’autres lignes de tension appa-
contre 12 seulement pour la musique occi- l’état pour fournir une explication globale
raissent(c). Avec deux harmoniques, la «carte»
se complique encore, mais les accords majeurs(M) dentale, et présentent une plus grande de l’harmonie, car elle suppose que toutes
et mineurs (m) sont toujours dans des régions variété d’harmonies possibles). les triades courantes ont à peu près la
de basse tension (d). Les six types d’accord donnés par les même sonorité. Or, sur le plan perceptif,
triades majeures et mineures et leurs ce n’est pas le cas : les accords majeurs et
renversements (dans lesquels une ou deux mineurs sont généralement décrits comme
notes sont montées d’une octave) four- stables, fermes et résolus; d’autres accords
nissent le cadre harmonique de presque de trois notes, même ceux qui ne contien-

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nent pas d’intervalle de un ou deux demi- sion parce que, les notes étant également a AVEC UNE HARMONIQUE
tons (intervalles qui procurent la plus espacées, la tonalité de leur assemblage
12
forte dissonance), sont entendus comme n’est pas claire. Au contraire, lorsqu’une 11
non résolus, tendus. Une étude publiée combinaison de trois notes présente deux 10
en 1986 par Linda Roberts, des Labora- intervalles inégaux et pas de dissonance 9 m M

Intervalle inférieur
toires Bell, a montré que ces perceptions (c’est-à-dire des espacements de (3,4), (4,5), 8 M m
se retrouvent tant chez les musiciens que (5,3), (4,3), (3,5), (5,4) demi-tons), l’audi- 7 m M
chez les non-musiciens ; d’autres auteurs teur perçoit une certaine stabilité. 6
ont obtenu les mêmes résultats en com- Bien sûr, la plupart des gens ne pensent 5 m M
parant enfants et adultes, occidentaux et pas consciemment à l’espacement relatif 4 M m
3 m M
asiatiques. Par conséquent, d’autres fac- ou au « groupement » des notes. Néan- 2
teurs que la dissonance sont impliqués moins, le système auditif humain a déve- 1
dans la sonorité d’un accord. loppé la capacité de le percevoir. Nous 0
Réalisant que la « dissonance senso- discuterons plus loin l’une des raisons pos- 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Intervalle supérieur
rielle» a un pouvoir explicatif limité, divers sibles de cette capacité. En nous inspirant
psychologues de la musique ont fait l’hy- de l’approche des dissonances de R. Plomp b AVEC TROIS HARMONIQUES
pothèse que les auditeurs normaux ont été et W. Levelt, nous avons développé un
12
« conditionnés » à percevoir les accords modèle psychophysique de la théorie de
11
majeurs et mineurs comme stables et réso- Meyer en définissant une courbe abstraite 10
lus, à force de les avoir entendus dans de tension pour les triades (voir la figure 4a). 9 m M

Intervalle inférieur
toutes sortes de musiques populaires. Les La courbe présente un pic lorsque les deux 8 M m
autres accords étant moins souvent utili- intervalles de la triade sont équivalents. 7 m M
sés, ils paraîtraient moins familiers aux En revanche, lorsqu’un intervalle est supé- 6
auditeurs et, par conséquent, ambigus, rieur à l’autre d’au moins un demi-ton, bri- 5 m M
non résolus et «musicalement dissonants», sant la symétrie, la tension s’annule. 4 M m
bien qu’ils ne le soient pas acoustiquement. Cependant, la théorie de Meyer sem- 3 m M
2

Norman Cook
Selon ces théoriciens, la perception de ble présenter une faille. De nombreuses
1
la musique serait une construction sociale, triades présentent un caractère tendu, non
0
issue de l’apprentissage et de la culture. résolu, sans pour autant nous paraître 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Rien n’est moins sûr: jouez par exemple un dissonantes (elles sont dans la vallée de Intervalle supérieur
accord augmenté (do-mi-soldièse), suivi d’un consonance, mais nous paraissent quand 5. L’INSTABILITÉ HARMONIQUE TOTALE d’une
accord majeur (do-mi-sol) ou mineur (dodièse- même instables). La difficulté disparaît triade, représentée en combinant dissonance
et tension pour les cas où l’on prend en compte
mi-soldièse)… et écoutez. Bien que tous les lorsque l’on prend en compte les harmo-
une (a) ou trois (b) harmoniques. Quel que soit
intervalles de l’accord augmenté soient niques. Comme précédemment pour les le nombre d’harmoniques, les accords majeurs(M)
consonants, il crée une impression de trou- dissonances, nous avons représenté la et mineurs (m) se localisent dans des zones
ble et d’instabilité que même les individus « tension totale » de chaque accord, à par- basses (bleu-jaune).
ayant été très peu exposés à la musique res- tir de la courbe de tension théorique (voir
sentent. C’est cette perception commune la figure 4b). Lorsque nous calculons la ten-
que les psychologues de la musique vou- sion totale en n’utilisant que la fréquence
draient expliquer par l’acoustique. fondamentale, nous observons une arête
de forte tension, correspondant à tous les
La tension de l’accord : accords symétriques. Quand on ajoute les
harmoniques, de nouvelles arêtes de ten-
LES AUTEURS
l’oreille en suspens sion apparaissent. Elles correspondent aux
La dissonance entre deux notes n’expli- accords asymétriques dont les harmo-
quant pas complètement la sonorité d’une niques créent, en se combinant, des accords
triade, l’étape suivante consiste à prendre symétriques. On remarque que les accords
en compte les trois notes de l’accord, c’est- majeurs et mineurs persistent dans la Norman D. COOK est chercheur
à-dire à examiner l’influence de leur confi- vallée de stabilité (voir les figures 4c et 4d). en psychologie cognitive
et professeur d’informatique
guration sur la perception de l’harmonie. Ainsi, « l’instabilité » harmonique à l’Université Kansai d’Osaka,
En 1957, le psychologue américain Leonard totale des triades est une conséquence au Japon.
Meyer a suggéré qu’une tension émerge de de deux facteurs acoustiques indépen- Takefumi HAYASHI est chercheur
certains accords lorsque leurs deux inter- dants : la dissonance de l’intervalle et la en psychophysique humaine
et professeur d’informatique
valles sont égaux: lorsqu’un accord ou une tension de la triade. Dès lors, nous pou- dans la même université.
courte mélodie de trois notes contiennent vons estimer l’instabilité harmonique de
des intervalles de la même taille (en demi- n’importe quelle triade en combinant,
tons), l’accent tonal devient ambigu et la dans notre modèle, les contributions de Nous remercions la revue
American Scientist de nous
musique revêt un caractère non résolu. En la dissonance et de la tension, tout en inté- avoir autorisés à reproduire
d’autres termes, l’auditeur perçoit une ten- grant les effets d’un nombre croissant cet article.

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d’harmoniques (voir la figure 5). Dans cette déterminant la sonorité de ces accords, tous
nouvelle représentation, les accords les accords majeurs et mineurs devraient
majeurs et mineurs se retrouvent à nou- sonner de la même façon. Pourtant, les
veau dans des régions de relative stabilité, preuves du contraire ne manquent pas. Dès
et ce dans tous leurs renversements. Les l’âge de trois ans, les enfants associent
autres accords, moins courants, se situent des morceaux en mode mineur à un visage
sur les arêtes ou les pics d’instabilité. triste et des morceaux en majeur à un visage
Ainsi, les musiciens de la Renaissance GLOSSAIRE souriant. Les gérants des casinos remplis-
ne furent pas les inventeurs chanceux d’un sent leurs établissements de machines à
système musical qui s’est révélé populaire,
! Dissonance : sous jouant des mélodies en do majeur –afin
dans la musique
mais des découvreurs – des musiciens sen- de créer un environnement acoustique
occidentale, caractère
sibles à la symétrie des configurations confortable, rassurant pour les joueurs. Les
désagréable à l’oreille
acoustiques, tandis que leurs prédéces- qualificatifs «majeur» et «mineur» ont eux-
d’un accord.
seurs médiévaux étaient restés sous l’em- mêmes des connotations différentes : en
prise des effets plus simples produits par ! Résolution : français, en anglais, et en italien, la dis-
les intervalles. Aujourd’hui, l’influence procédé harmonique tinction majeur/mineur suggère des dif-
relative des intervalles et des accords est qui consiste à faire suivre férences de taille et de force.
encore passionnément débattue. Néan- un accord dissonant
moins, plus personne ne soutient que l’un
ou l’autre de ces effets explique l’harmo-
par un accord consonant. Le pouvoir émotionnel
nie à lui seul. Dans une musique consti- ! Tension : des triades
tuée d’intervalles de deux notes, la ambiguïté, caractère La valence émotionnelle des accords
consonance est l’aspect le plus important : irrésolu de certains majeurs et mineurs – c’est-à-dire leur
pour élaborer une musique harmonieuse, accords. Cette ambiguïté pouvoir émotionnel – peut bien sûr être
le compositeur doit rechercher les com- peut être levée de diverses réduite ou même inversée par des rythmes,
binaisons les plus douces, les plus conso- façons par modification des timbres et des paroles racontant une
nantes. Mais lorsque la musique inclut des des intervalles. histoire différente. Par exemple, bien que
triades, c’est la justesse de l’accord qui de tonalité majeure, l’Ave Maria de Franz
prime dans la perception, c’est-à-dire l’es- ! Valence : Schubert est doux et mélancolique. Cepen-
pacement relatif des intervalles, et non la pouvoir émotionnel dant, toutes choses égales par ailleurs, les
localisation des notes par rapport à la – positif ou négatif. triades majeures seront entendues comme
tonique (note fondamentale de la gamme). «positives», tandis que les accords mineurs
En d’autres termes, les musiciens de la ont un affect «négatif». Cette différence est
Renaissance ont déplacé leur attention, l’un des mystères les plus anciens de l’har-
quittant le degré de «perfection» des inter- monie occidentale. C’est aussi l’un des plus
valles pour la symétrie ou l’asymétrie importants parce que les émotions évo-
des configurations de trois notes. quées par les harmonies majeures et
Si la dissonance des intervalles et la mineures contribuent à donner sa signifi-
tension des triades étaient les seuls facteurs cation à la musique. Elles la distinguent

a b 12 SANS HARMONIQUE c AVEC DEUX HARMONIQUES


Mode

11
1 A 10
9 13
Intervalle inférieur

Majeur 8 m M 11
r

–3 –2 –1 0 7 M m 9 mM
inférieu

6 m M M m
1 2 3 7 mM
5 m M
Mode

Mineur 5 mM
lle

4 M m M m
Interva

3 m M 3 mM
B –1
2
1 1
Norman Cook

Différence Intervalle 1 – Intervalle 2 0


(en demi-tons) 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 1213
Intervalle supérieur Intervalle supérieur
6. POUR RENDRE COMPTE des émotions suscitées par les accords majeurs inversement. Reportée sur la grille triadique, la courbe obtenue, dite de
et mineurs, les auteurs distinguent, dans la courbe de tension, les résolu- valence, devient une surface tridimensionnelle similaire à la surface de
tions mineures et majeures en considérant non seulement la tension, tension (b et c), mais où une bosse est divisée en une bosse (rouge, majeur)
mais aussi le mode (majeur ou mineur) vers lequel elle se résout (a): en et un sillon (bleu foncé, mineur). En l’absence d’harmoniques, certains
enlevant un demi-ton à l’intervalle inférieur d’un accord symétrique (de ten- accords majeurs et mineurs sont situés en dehors des bosses et des sillons(b),
sion maximale), on obtient un accord de mode –1, c’est-à-dire mineur, et mais ce n’est plus le cas dès qu’on ajoute une harmonique (c).

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des chants d’oiseaux ou de la cacophonie


des bruits de la rue.
D e u x fa c te u rs , d e u x l o ca l i sa ti o n s
Nous avons vu que la taille relative des
deux intervalles est la clef pour comprendre
la tension d’une triade. Or, à partir d’une
D issonance et tension dans
les accords suscitent
toutes deux chez l’auditeur
ne différencions pas ces deux a
sources d’instabilité musica-
le, notre cerveau perçoit-il
b

triade dont les deux intervalles sont égaux une ambiguïté désagréable. cette distinction ?
(triade qui, nous l’avons vu, crée une ten- Pourtant, les facteurs acous- Une étude en imagerie Vue de face Vue de dos
sion), il n’existe que deux façons de réduire tiques qui les produisent sont par résonance magnétique
la tension : soit on rend l’intervalle infé- distincts : la dissonance est fonctionnelle que les auteurs
rieur plus grand que l’intervalle supérieur, causée par de petits intervalles ont réalisée en 2002 suggère
auquel cas l’accord se résout en une triade de un ou deux demi-tons ; la que tel est bien le cas (voir la Vues du dessus
majeure, soit on le rend plus petit, ce qui tension est créée dans les figure ci-contre) : la dissonance
correspond à un accord mineur. Ainsi, non triades par des intervalles active une petite région du cords active une large région
seulement la tension, mais la direction du égaux – (3,3) ou (4,4) demi- cortex pariétal droit (b), tan- du cortex frontal droit, puis

Norman Cook
mouvement qui réduit cette tension, inter- tons. Bien qu’à l’audition, nous dis que la tension dans les ac- gauche (a).
viennent dans notre perception de l’har-
monie. C’est pourquoi nous avons précisé
le modèle de la tension afin qu’il prenne dantes sont utilisées pour signaler la force
en compte ce paramètre : nous proposons sociale, l’agressivité ou la dominance. De
une courbe «modale» de la tension qui dif- même, les vocalisations ascendantes déno-
férencie les deux types de résolution – et tent la faiblesse sociale, la défaite ou la sou-
donc la valence émotionnelle des modes mission. Bien entendu, les animaux
majeur et mineur – en rompant la symé- transmettent aussi ces messages d’autres
trie de la courbe de tension (voir la figure 6). façons, par l’expression faciale, la posture
L’axe horizontal indique la différence entre corporelle, etc. – mais les changements
les deux intervalles d’un accord, en demi- de la fréquence fondamentale de la voix
tons. Lorsque les intervalles sont égaux, ont une signification intrinsèque.
l’accord est ambigu, et le mode de l’accord, Un code de fréquence similaire,
représenté sur l’axe vertical, vaut 0. Il aug- quoique atténué, existe dans les intona-
mente vers un maximum ou chute vers un tions de la parole humaine : une inflexion
minimum lorsque la différence entre les montante dénote en général l’interroga-
intervalles vaut +1 ou –1 demi-ton (les tion, la politesse ou la déférence, tandis
! BIBLIOGRAPHIE
points A et B), et s’annule à nouveau si la qu’une inflexion descendante signale les N.D. Cook, Harmony, Perspective
différence est de deux demi-tons ou plus. ordres, les affirmations ou la dominance. and Triadic Cognition, Cambridge
University Press, 2010 (sous
Comme précédemment, le modèle Comment cela se traduit-il dans un contexte presse).
ne s’accorde avec notre perception (ici de musical ? Si nous commençons avec un
la distinction majeur/mineur) que si nous accord tendu, ambigu – par exemple, N. D. Cook, Harmony perception :
incluons les harmoniques. Dès la première l’accord augmenté contenant deux inter- harmoniousness is more than
the sum of interval consonance,
harmonique, nous trouvons des pénin- valles de quatre demi-tons – et dimi- Music Perception, vol. 27(1),
sules de valence positive (en rouge) et néga- nuons d’un demi-ton n’importe laquelle pp. 25-42, 2009.
tive (en bleu) au niveau de toutes les triades des trois notes fondamentales, l’accord se
S. Bencivelli, Pourquoi aime-t-on
majeures et mineures. La combinaison résoudra dans un mode majeur. Il aura la musique? Oreille, émotion,
de cette courbe et de celle de la dissonance alors une structure de 5-4, 3-5 ou 4-3 demi- évolution, Belin, 2009.
totale donne une synthèse en accord avec tons. À l’inverse, si nous résolvons l’accord
notre perception des triades. ambigu en augmentant l’une des trois fon- Sons et musique : de l’art à la
science, Pour la Science n°373,
damentales d’un demi-ton, nous obtien- numéro spécial, novembre 2008.
Des cris des animaux drons un accord mineur. La réponse
émotionnelle universelle à ces accords pro- N. D. Cook et T. X. Fujisawa,
à l’harmonie vient, selon nous, directement d’une com-
The psychophysics of harmony
perception : harmony is
Maintenant que nous avons un modèle préhension instinctive, préverbale, du code a three-tone phenomenon,
de la façon dont un auditeur identifie le de fréquences dans la nature. Empirical Musicology Review,
mode majeur ou mineur d’un accord, nous Depuis une dizaine d’années, neuro- vol. 1(2), pp. 106-126, 2006.
pouvons faire encore un pas et spéculer logues et psychologues s’intéressent à la N. D. Cook, Tone of Voice and Mind,
sur les raisons pour lesquelles la valence perception musicale chez l’animal, recher- Amsterdam : Benjamins, 2002.
acoustique contient aussi une valence émo- chant des vestiges de l’apparition de cette
R. Plomp et W. J. M. Levelt,
tionnelle. Nous proposons que le symbo- faculté au fil de l’évolution. La valence Tonal consonances and critical
lisme émotionnel des accords majeurs et émotionnelle des vocalisations ascen- bandwidth, Journal of
mineurs a une base biologique. Dans tout dantes et descendantes pourrait être the Acoustical Society of America,
vol. 35, pp. 548-560, 1965.
le règne animal, les vocalisations descen- l’un de ces vestiges. "

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