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Synthèse // Réflexion // Une entreprise/un homme // Références

Comptabilité

L’élasticité de l’EBITDA
en référentiel comptable international
Dans le prolongement de notre précédent article sur la comptabilité créative
en environnement IFRS paru dans la RFC n° 421 de mai 2009, nous nous
intéressons ici à l’élasticité d’un des agrégats financiers essentiels du compte
de résultat, à savoir l’EBITDA (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation
and Amortization). A partir de quelques exemples précis, l’article vise à
mettre en évidence des leviers potentiels de distorsion pouvant avoir une
incidence significative sur le niveau de l’EBITDA issu des états financiers en Par Eric TORT,
IFRS. Au sein du compte de résultat des groupes cotés, plusieurs agrégats Diplômé d’expertise comptable
intermédiaires revêtent une importance particulière en tant qu’indicateurs de Docteur HDR en sciences de gestion
performance économique intéressant tout particulièrement les investisseurs
et les analystes financiers. On peut citer notamment le résultat opérationnel
(EBIT), le résultat opérationnel courant (ROC) et surtout l’EBITDA.

L’EBITDA vise à traduire la performance Tableau 1 : EBITDA et partenaires financiers


opérationnelle de l’entité indépendam-
ment de sa politique de financement Partenaires financiers Intérêt pour l’EBITDA
(coût de l’endettement financier), de sa Marchés financiers Indicateur de création de valeur actionnariale
politique d’investissement (dotations (un des indicateurs importants de performance)
aux amortissements et autres charges
Investisseurs financiers Valorisation de l’entreprise sur la base d’un multiple
calculées) et de la fiscalité assise sur
de l’EBITDA
les résultats (impôt sur les sociétés). En
quelque sorte, l’EBITDA s’apparente à Etablissements bancaires Capacité à rembourser une dette bancaire
l’excédent brut d’exploitation ou encore  ratio Dettes financières nettes / EBITDA
à une “marge opérationnelle“ avant IS, NB : il va de soi que les autres indicateurs intermédiaires proches de l’EBITDA tels que l’EBIT ou le
frais financiers et amortissements & pro- ROC sont de nature également à intéresser les partenaires financiers.
visions. A ce titre, il constitue un agrégat
financier de premier plan auquel les par-
tenaires financiers sont sensibles pour En l’absence de définition précise, l’AMF charges et produits dans le compte de
des raisons propres. a souligné, depuis plusieurs années, la résultat.
nécessité d’expliciter précisément dans Dans le présent article, notre propos vise
les notes annexes la décomposition du ici à pointer certaines sources de dis-
calcul de l’indicateur de performance torsion de l’EBITDA calculé à partir du
utilisé à partir des données comptables : résultat opérationnel courant (tableau 2
Résumé de l’article « les retraitements du résultat d’exploita- page suivante) issu du format de compte
tion (…) doivent être présentés, si pos- de résultat en IFRS proposé par le CNC
Parmi les indicateurs de perfor- sible à partir d’un tableau de passage ; (recommandation n° 2009 R-03), autre-
mance, l’EBITDA occupe une place le calcul de l’EBITDA doit être décom- ment dit, le ROC augmenté des charges
de premier choix dans la communi- posé » (recommandation COB n° 2001- calculées (dotations aux amortissements
cation financière des sociétés cotées 011, communiqué de presse du 20 sep- et dotations aux provisions)2.
reposant sur des états financiers tembre 2005). En effet, le contenu exact
établis conformément au référentiel de l’EBITDA peut être foncièrement dif- Les effets sur l’EBITDA
comptable international. Cela étant, férent selon les groupes en fonction du du classement de
l’absence de définition précise de cet choix de certaines options d’évaluation charges et produits dans
agrégat financier se traduit par des en IFRS, des jugements et des esti- le compte de résultat
risques de distorsion et d’hétérogé- mations du management mais aussi et
néité des pratiques entre les émet- surtout du classement des différentes Une source potentielle importante d’hé-
teurs. A travers quelques exemples térogénéité des EBITDA des sociétés
précis, il est question ici de mettre cotées tient aux différences de clas-
en évidence les différentes sources 1. Il s’agit de la recommandation relative à la sement de certaines charges et pro-
d’élasticité de l’EBITDA liées d’une communication des émetteurs sur la création duits dans le compte de résultat dont le
part, à la présentation du compte de la valeur actionnariale (Bulletin COB tableau 3 (page suivante) donne quelques
de résultat en IFRS (classement des n° 356, avril 2001). exemples à titre d’illustration.
charges et produits) et d’autre part, 2. Pour plus de détails sur le contenu de la
aux choix d’options, aux jugements recommandation française du CNC relative Charges et produits d’impôt
et aux estimations mises en œuvre au format de présentation de certains états Dans notre précédent article de la RFC
par la direction de l’entreprise. financiers en IFRS, cf. notre article paru dans de mai 2009, nous avons évoqué le cas
le numéro 421 de la RFC de mai 2009. du crédit d’impôt recherche classé en

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Tableau 2 : Compte de résultat par nature selon la recommandation 2009 R-03 du CNC Quotes-parts de résultats des
sociétés mises en équivalence5
Chiffre d’affaires La recommandation n°  2009 R-03 du
Autres produits de l’activité CNC propose un modèle de compte de
Achats consommés résultat faisant apparaître les quotes-
parts de résultats des sociétés mises en
Charges de personnel
équivalence après le résultat opération-
Charges externes nel. Toutefois, IAS 1 n’imposant aucune
Impôts et taxes classification particulière, le § 5.5.6 de la
Dotation aux amortissements recommandation indique que ces quotes-
Dotation aux provisions parts de résultats relèvent «  dans la plu-
Variation des stocks de produits en cours et de produits finis part des cas de l’activité opérationnelle
Autres produits d’exploitation de l’entreprise et à ce titre il paraît pos-
sible de les présenter au niveau du résultat
Autres charges d’exploitation
opérationnel ». Dans ce cas et par souci
Résultat opérationnel courant (ROC) (optionnel) d’homogénéité, la recommandation pré-
Autres produits opérationnels conise de retraiter ces résultats du coût
Autres charges opérationnelles de l’endettement financier net et de l’im-
Résultat opérationnel pôt. Autrement dit, ni IAS 1, ni la recom-
Produits de trésorerie et d’équivalents de trésorerie mandation n’interdisent une classification
des quotes-parts de résultat des sociétés
Coût de l’endettement financier brut
mises en équivalence dans le résultat opé-
Coût de l’endettement financier net rationnel du groupe (après retraitement des
Autres produits financiers charges financières et de l’impôt), laissant
Autres charges financières
Charge d’impôt
Quote-part du résultat net des sociétés mises en équivalence Abstract
Résultat net avant impôt des activités abandonnées
Résultat net d’impôt des activités abandonnées EBITDA is one of the best perfor-
Résultat net mance indicators available when
. part du groupe considering financial information
published by listed companies
. intérêts minoritaires
based on financial statements pre-
Résultat par action sented in compliance with inter-
national accounting doctrine. This
moins de la charge d’IS (compte 695 comme l’était généralement l’ancienne
being said, the lack of a precise
ou 699) dans les comptes individuels taxe professionnelle, soit en impôt sur
definition can lead to risks of dis-
établis en règles françaises (PCG) et le résultat (rubrique “charge d’impôt“)
tortion and heterogeneity in pro-
éventuellement reclassé en autres pro- « suivant le jugement exercé par l’entre-
fessional practices. The following
duits d’exploitation dans les comptes prise au vu de sa propre situation » selon
detailed examples are intended
consolidés en IFRS, en tant que véritable le communiqué du CNC du 14 janvier
to highlight the various sources of
produit d’exploitation ayant la nature de 20104. En conséquence, le classement
flexibility in the EBITDA indicator
subvention3. De manière analogue mais comptable du CIR et de la CVAE pourra
and are linked on one hand to the
avec des effets inverses sur l’EBITDA, la différer d’une entreprise à une autre
presentation of the income state-
nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée en fonction de l’existence ou pas d’un
ment according to IFRS (ranking
des entreprises (CVAE) pourra être qua- retraitement de consolidation visant à
costs and revenue) and on the other
lifiée, dans les comptes consolidés en intégrer le premier (produit) ou à extraire
hand, to the options, assessments
IFRS, soit en charges opérationnelles la seconde (charge) du résultat opéra-
and estimations made by company
courantes (rubrique “impôts et taxes“) tionnel courant.
directors.
Tableau 3 : Exemples de classement possible de charges et produits
ayant un impact sur l’EBITDA
Classement défavorable Classement favorable
à l’EBITDA à l’EBITDA 3. Cf. PWC, « Réforme du crédit d’impôt
recherche », FRC 3/08, août-septembre
Items Rubriques du compte de résultat en IFRS (format CNC)
2008, p. 40.
Crédit d’impôt Charge d’impôt Autres produits d’exploitation 4. Dans son communiqué, le CNC constate
recherche que la CVAE est assise sur la valeur ajoutée
CVAE Impôts et taxes Charge d’impôt et que le manque de précision d’IAS 12 et
des délibérations de l’IFRIC ne permet pas
Quotes-parts Quote-part du résultat net des Autres produits d’exploitation de la qualifier. Pour plus de détails, voir par
de bénéfices sur les sociétés mises en équivalence (quote-part de résultats exemple, P. Simons, « La nouvelle CET :
participations mises opérationnels) impôt sur le résultat ou charge opérationnelle
en équivalence en référentiel IFRS ? », Revue fiduciaire
comptable, n° 370, mars 2010, pp. 11-15.
Charges significatives Rubriques concernées Autres charges
et non récurrentes (ex : charges externes, opérationnelles 5. Cf. E. Tort, Revue française de
(rec. CNC § 5.5.4) charges de personnel…) comptabilité, op. cité.

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ainsi une telle possibilité à la discrétion des Il va de soi que d’autres éléments du tualisation, flux futurs, etc.)11. Cela étant,
entreprises (cf. Ernst & Young, 2006, p. 29). compte de résultat sont susceptibles de l’EBITDA n’échappe pas totalement à
faire l’objet de classement variable d’une l’existence de certaines options ni surtout
Charges significatives entreprise à une autre compte tenu de la à l’appréciation du management quant à
et non récurrentes relative souplesse de présentation des états l’application des méthodes comptables
Pour faciliter la compréhension de la financiers en IFRS résultant des disposi- et aux estimations mises en œuvre en
performance opérationnelle courante, le tions minimalistes d’IAS 1 limitées essen- vue de déterminer la valeur comptable de
§ 5.5.4 de la recommandation du CNC tiellement à des rubriques obligatoires et de certains actifs (cf. tableau 4 ci-dessous).
prévoit la possibilité de classer hors du l’absence de plan de comptes standardisé.
résultat opérationnel courant (rubriques : Même dans les cas d’utilisation du for- Valorisation des stocks 
“autres produits opérationnels“ et “autres mat standard du compte de résultat en Pour les stocks d’éléments fongibles
charges opérationnelles“6) des éléments IFRS proposé par le CNC, il apparaît (biens interchangeables), IAS 2 prescrit,
« inhabituels, anormaux et peu fréquents comme nous l’avons vu des distorsions
et de montant particulièrement significa- liées à l’hétérogénéité des affectations
tif » « de nature à fausser la lecture de la de certains éléments dans les rubriques 6. Depuis la recommandation 2009 R-03
performance de l’entreprise ». La recom- du compte de résultat. Celles-ci peuvent (remplaçant la recommandation 2004 R-02),
mandation cite notamment trois natures également trouver leur origine dans la l’ancienne rubrique “Autres produits et
d’éléments susceptibles d’être classés qualification même des opérations telles charges opérationnels“ a été scindée en 2
dans cette rubrique de par leur caractère que, par exemple, un passif correspon- rubriques distinctes en vue de mieux prendre
inhabituel et leur importance : une plus ou dant à une obligation actuelle résultant en compte le principe général de non-
moins-value de cession d’actif (ou dépré- d’événements passés. Selon la version compensation des charges et produits.
ciation), des charges de restructuration actuelle d’IAS 37 10, l’appréciation de 7. Cf. Recommandations de l’AMF en vue
et une provision sur un litige. Aussi, la l’existence d’une simple incertitude sur de l’arrêté des comptes en IFRS du 19
classification dans ces rubriques de tels l’échéance et/ou le montant est poten- décembre 2006.
éléments de résultat résulte-t-elle du juge- tiellement susceptible de modifier le clas-
ment du management qui doit en appré- sement de cette charge hors de l’EBITDA 8. Afin d’éviter un déséquilibre entre résultat
courant et résultat exceptionnel, l’OEC admet
cier le caractère inhabituel (récurrence) et (classement en provision pour risques &
la reprise, dans le résultat exceptionnel,
l’importance (matérialité). En tout état de charges et non en charges à payer). d’une provision sur des titres de participation
cause, comme l’a rappelé l’AMF en 20067, cédés (cf. Mémento comptable, 2010, EFL,
il est indispensable de décrire en annexe, Les autres sources § 1897).
comme le prévoit la recommandation du d’hétérogénéité
9. Dans les comptes individuels en règles
CNC, le montant et la nature des éléments de l’EBITDA françaises, les véritables escomptes
classés en autres produits et charges opé-
(règlement antérieur au délai normal résultant
rationnels pour les émetteurs faisant appa- Les travaux récents ont montré l’impact des CGV) sont comptabilisés en résultat
raître la rubrique intermédiaire “résultat des options choisies lors de la transition financier et, à défaut, affectés en produits
opérationnel courant” dans leur compte ou en régime de croisière, plus particu- d’exploitation.
de résultat. Selon l’AMF, cette rubrique lièrement, sur le résultat net et les capi-
doit être utilisée de manière très limitée. taux propres (voir par exemple Boukari 10. Sur le projet de nouvelle norme IAS 37,
cf. B. Lebrun, « En marche vers la nouvelle
et Richard, 2007). De la même manière,
Classement différencié entre norme IFRS sur les provisions », Revue
les jugements et les estimations de la française de comptabilité, n° 429, février
résultat financier et résultat direction sont susceptibles d’impacter 2010, p. 3.
opérationnel plus spécifiquement le résultat net du
Globalement, les rubriques “autres pro- fait notamment de politiques variables de 11. Cf. par exemple, le calcul des indemnités
duits financiers“ et “autres charges finan- provision (client, etc.) et d’amortissement de fin de carrière, la mise en œuvre de la
méthode DCF...
cières“ regroupent, par défaut, des pro- selon les hypothèses retenues (taux d’ac-
duits et charges financiers différents de
ceux entrant dans le coût de l’endettement Tableau 4 : Exemples de sources d’hétérogénéité de l’EBITDA liées aux options,
financier et qui ne sont pas de nature opé- jugements et estimations
rationnelle. Il en va ainsi par exemple des
résultats de cession ou des dépréciations Items Options en régime Jugements et estimations
d’actifs financiers non courants alors que de croisière de la direction
ces mêmes éléments sont classés, en Valorisation des Méthode du FIFO ou du CMP Degré de prise en compte
règles françaises, dans le compte résultat stocks (fongibles) au choix de l’entreprise de l’impact de l’obsolescence
individuel par nature, respectivement en – IAS 2 technique
résultat exceptionnel et en résultat finan-
cier sauf tolérance8. Dans un même ordre Reconnaissance des N/A Appréciation dans l’application
d’idée, on peut citer notamment (cf. Rec. contrats de location- des critères d’identification
CNC 2009 R.03 - § 5.5.5.3) : financement – IAS 17 des contrats de location-
• la possibilité de classer au choix de l’en- financement et dans la
treprise en résultat financier ou en résultat détermination de la date
opérationnel l’actualisation des provisions de transfert des risques et
de retraite conformément à IAS 19 ; avantages au locataire
• la faculté de présenter les intérêts sur Capitalisation des Option “obligatoire“ Appréciation de la
escompte commercial ou sur une opé- frais de développe- satisfaction des critères
ration de crédit gratuit en résultat finan- ment – IAS 38 d’activation
cier et non en résultat opérationnel sous Cession et abandon N/A Champ d’application,
réserve de la qualification effective de d’activité – IFRS 5 critères de classification
l’opération en financement 9.

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au choix, l’utilisation de la méthode du pratique, on perçoit bien les risques de l’entreprise devra apprécier dans quelle
FIFO (premier entré – premier sorti) ou divergences de traitement en fonction mesure les activités concernées entrent
celle du coût moyen pondéré (CMP) 12. de l’interprétation par les entreprises des dans le champ d’application d’IFRS 5
Selon IAS 2 (§ 25), une entité doit utili- indicateurs de situation avec les impacts et satisfont en particulier les critères de
ser la même méthode de détermination subséquents sur l’EBITDA : le retraite- classification, à savoir : la disponibilité
du coût pour tous les stocks ayant une ment en contrat de location-financement des actifs en vue d’une vente immédiate
nature et un usage similaires dans l’en- se traduisant dans le compte de résultat dans des conditions normales avec une
tité. Pour les stocks ayant une nature ou par l’annulation des loyers et l’enregis- haute probabilité de cession (§ 7). Pour
un usage différent, l’application d’autres trement de charges hors de l’EBITDA cela, doivent être acquis l’engagement
méthodes de détermination du coût peut (charges financières et dotations aux du management sur un plan de cession
être justifiée. Autrement dit, les normes amortissements). (ou d’échange à caractère commercial §
IFRS offre, en régime de croisière, des Une autre source d’hétérogénéité dans 10) assorti d’un prix raisonnable par rap-
options de valorisation des stocks d’élé- les pratiques provient de la détermination port à la juste valeur, le lancement d’une
ments fongibles de nature à impacter plus de la date à laquelle intervient le trans- recherche active d’acheteur en vue de la
ou moins substantiellement le niveau de fert au locataire des risques et avantages conclusion d’une transaction escomptée
l’EBITDA. En particulier, par rapport au concernant des actifs (financiers ou non) dans le délai d’un an15 et la volonté de
CMP, l’utilisation de la méthode du FIFO sous contrat de location (IAS 1 § 123). finaliser le plan avec l’absence de risques
aura généralement tendance à “amélio- de changements notables ou de réver-
rer“ la marge opérationnelle13. Capitalisation des frais sibilité (§ 8)16. L’analyse des critères de
de développement classification posés par IFRS 5 requiert le
Comme le souligne IAS 38 (§ 51), il est jugement de l’entité dont dépendra in fine
parfois difficile d’apprécier si une immo- le classement dans ou hors de l’EBITDA
bilisation incorporelle générée en interne des activités concernées.
De ce point de vue, remplit les conditions pour être compta- Enfin, d’autres éléments peuvent impacter
ne sont à écarter bilisée au bilan en raison des problèmes le niveau de l’EBITDA comme les erreurs
ni les risques de d’identification en tant qu’actif “identi- commises17 dont la correction fait l’objet
fiable“ générant des avantages écono- d’un traitement rétrospectif, c’est-à-dire,
non-homogénéité miques futurs et de détermination du coût sans effet symétrique sur le résultat de
des niveaux d’EBITDA de façon fiable. l’exercice de révélation (sauf cas d’imprati-
Outre la nécessité de classer la création cabilité) ; le traitement consistant, en effet,
entre les entreprises, de l’immobilisation dans une phase de à corriger les soldes d’ouverture erronés
ni peut-être recherche et une phase de développe- par la contrepartie des capitaux propres
certaines dérives ment (IAS 38 § 52)14, la capitalisation des
dépenses de développement est en effet
de communication conditionnée à la satisfaction de six cri-
financière. tères de comptabilisation tels qu’indiqués 12. Pour les éléments habituellement non
au § 57 (faisabilité technique, intention fongibles et les biens ou services affectés à
d’achèvement, etc.). Cette comptabilisa- des projets spécifiques, IAS 2 (§ 23) prescrit
Par ailleurs, la valorisation des stocks tion est subordonnée, selon IAS 38, à la l’identification spécifique de leurs coûts
pourra dépendre du degré et des moda- “démonstration par l’entité“ du respect individuels.
lités propres à l’entité de prise en compte de l’ensemble des critères précités, et par 13. En effet, comme le rappelle IAS 2 (§ 27),
de l’impact de l’obsolescence technique. conséquent, à une analyse en substance la méthode PEPS (FIFO) suppose que
Comme le souligne IAS 1 (§ 126), « des reposant sur une appréciation propre à les éléments du stock qui ont été acquis
estimations orientées vers l’avenir sont l’entreprise quant à la conformité aux ou produits les premiers sont vendus
nécessaires pour évaluer l’incidence de conditions de capitalisation. Autrement dit, les premiers, et qu’en conséquence, les
l’obsolescence technologique sur les là encore, il n’est pas garanti un traitement éléments restant en stock à la fin de la
période sont ceux qui ont été achetés ou
stocks ». Aussi, n’est-il pas à exclure, par homogène entre les entreprises supportant
produits le plus récemment.
exemple, des appréciations divergentes des dépenses de développement qui sont
entre les entreprises d’un même secteur susceptibles d’être soit comptabilisées en 14. Selon IAS 38 (§ 54), les dépenses
face une obsolescence affectant des pro- charges, soit inscrites à l’actif. pour la recherche (ou pour la phase de
duits similaires. recherche d’un projet interne) doivent être
Cession et abandon d’activité comptabilisées en charges lorsqu’elles sont
Reconnaissance des contrats (IFRS 5) encourues.
de location-financement Selon IFRS 5 (§ 33), les résultats des 15. Par exception, le délai pourra être
Selon la version actuelle d’IAS 17 (§ 8), activités abandonnées doivent faire l’ob- prolongé au-delà d’un an en cas de
un contrat de location est classé en tant jet d’une présentation séparée dans le survenance d’événements extérieurs
que contrat de location-financement (et compte de résultat hors de l’EBITDA non contrôlés par l’entité sous réserve
donc inscrit à l’actif) s’il transfère au pre- pour un montant unique comprenant, du maintien de l’engagement initial du
neur la quasi-totalité des risques et des d’une part, le résultat net des activités management en faveur de la cession (§ 9).
avantages inhérents à la propriété. Or, à abandonnées et d’autre part, le résultat 16. Pour plus de détails, cf. E. Tort,
défaut de prescrire des critères objec- de cession des actifs ou l’impact net de « IFRS 5 : actifs détenus en vue de leur vente
tifs d’identification, la version actuelle l’évaluation à la juste valeur. La classifi- et abandon d’activité », Option finance
d’IAS 17 (§ 10) se limite à indiquer huit cation en actif net courant (ANC) destiné n° 1023 du 6 avril 2009, p. 33.
exemples/indicateurs de situation pou- à la vente s’applique dès lors que « sa 17. Au sens d’IAS 8, les erreurs couvrent
vant conduire à un classement en contrat valeur comptable est recouvrée principa- notamment les erreurs de calculs, les
de location-financement, laissant ainsi à lement par le biais d’une transaction de erreurs dans l’application des méthodes
l’entité le soin de procéder à une analyse vente plutôt que par l’utilisation continue » comptables, des négligences, des mauvaises
en substance des différents contrats. En (§ 6). Encore une fois, le management de interprétations des faits et des fraudes.

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et les montants comparatifs erronés des modalités de présentation de l’informa- d’EBITDA entre les entreprises, ni peut-
périodes antérieures comme si ces erreurs tion financière (classement des charges être certaines dérives de communication
n’avaient jamais existé18. De la même et produits) retenues par l’entreprise et financière. Comme le relève G. Gélard
manière, le seuil de matérialité pourra aux options & appréciations (jugements/ (2010), « ce solde – l’EBITDA – est sûre-
avoir un impact sur l’EBITDA comme, par estimations) formulées par son manage- ment intéressant mais est parfois mis en
exemple, l’absence de capitalisation en ment en matière d’évaluation des actifs et avant par les entreprises dont le résultat
consolidation des frais d’acquisition ins- d’application des méthodes comptables. net n’est pas brillant pour redorer le bla-
crits en charges dans les comptes sociaux De ce point de vue, ne sont à écarter ni les son de leur image financière ».
pour des raisons fiscales et dont le mon- risques de non-homogénéité des niveaux
tant n’est pas jugé suffisamment signifi-
catif par rapport à certains agrégats des
comptes consolidés.
Bibliographie
Conclusion
AMF, Recommandation n°2001-01 relative à la communication des émetteurs sur la création de la valeur actionna-
riale.
Bien qu’il constitue un indicateur perti-
M. Boukari et J. Richard, « Les incidences comptables du passage des groupes français cotés aux IFRS, numéro
nent de performance opérationnelle for- spécial Mondialisation et normes comptables internationales, Comptabilité-Contrôle-Audit, pp.155-170, décembre
tement utilisé par les entreprises cotées, 2007.
l’EBITDA n’est actuellement pas norma- CNC, Recommandation n° 2009-R-03 relative au format des états financiers des entreprises sous référentiel comp-
lisé dans le cadre du référentiel IFRS. Or, table international, 2 juillet 2009.
comme nous l’avons abordé dans l’ar- CNC, Communiqué sur le traitement comptable de la contribution économique territoriale pour les sociétés établissant
ticle, cet agrégat n’est pas insensible aux leurs comptes consolidés selon les normes IFRS, 14 janvier 2010.
Ernst and Young, Première application des IFRS : la pratique des groupes européens, CPC, 2006.
G. Gélard, « Apprécier la juste place des comptes dans l’analyse financière », Revue française de comptabilité, n° 432,
18. Pour plus de détails, cf. E. Tort, mai 2010.
« Changements de méthode comptable, G. Heem, « La communication sur les indicateurs de performance non définis en IFRS par les sociétés du CAC 40 »,
d’estimation comptable et correction d’erreur Revue française de comptabilité, n° 403, pp. 25-28, octobre 2007.
selon la norme IAS 8 », Option finance n° 932 E. Tort, « La comptabilité créative en environnement IFRS », Revue française de comptabilité, n° 421, mai 2009.
du 14 mai 2007, p. 34.

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