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Chapitre 2 : Pharmacocinétique

1. Définition
La pharmacocinétique est l’étude du devenir d'un médicament dans l'organisme (ou
influence de l’organisme sur le médicament), c’est aussi l’étude de la chronologie de l’effet
.Elle comprend 4 étapes : l’Absorption, de la Distribution, du Métabolisme et de l’Excrétion
des médicaments (ADME).

Figure 1 : Devenir des médicaments dans l’organisme .

L'action d'un médicament n'est possible que s'il atteint sa cible dans un temps
suffisamment court, en quantités adéquates en fonction de la saturation du récepteur souhaitée,
et y persiste un temps suffisamment adéquat pour engendrer des effets thérapeutiques
significatifs. En outre, le médicament ne doit pas être métabolisé d'une façon telle qu'il perde
son activité trop rapidement (certains médicaments, non administrables en tant que tels, doivent
l'être sous forme de précurseur qui devra être activé), mais ne peut pas non plus persister trop
longuement dans l'organisme.

La pharmacocinétique a pour buts :


-La modélisation du devenir d’un principe actif (PA) depuis son administration jusqu’à
son élimination finale ;
-L’étude des variabilités inter-individu : pour l’adaptation posologique, le choix de la
galénique et la voie d’administration du médicament.

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2. Pharmacocinétique descriptive (les processus ADME)
L’étape d’absorption est directement liée au mode d’administration choisi pour que la
molécule atteigne sa cible via la circulation générale. Elle peut être directe et complète en cas
d’administration intraveineuse, ou plus longue voire incomplète notamment en cas
d’administration orale où le médicament doit d’abord franchir la lumière intestinale, le système
porte, puis le foie avant d’atteindre la circulation générale.

Le médicament va devoir traverser des membranes cellulaires pour cette étape d'absorption et
pour l'étape suivante de distribution dans l'organisme, qui lui permettra d'atteindre sa cible
moléculaire. Certaines molécules franchissent ces membranes facilement, d’autres molécules
peuvent nécessiter des transporteurs spécifiques pour passer.

Une fois distribué dans l’organisme, en fonction de leurs caractéristiques chimiques les
médicaments peuvent ou non subir certaines transformations, le plus souvent hépatiques. Le
foie correspond à une énorme usine sur le parcours du médicament. Ces biotransformations (ou
métabolisme hépatique) sont réalisées par différents systèmes enzymatiques pouvant soit
permettre la transformation de molécules inactives (pro-médicaments) en molécules actives,
soit plus généralement la transformation du médicament en métabolites actifs ou inactifs mais
plus faciles à éliminer.

Enfin le médicament est éliminé de l’organisme soit sous forme inchangée soit après
biotransformation. Cette étape d’excrétion, irréversible, se fait dans les urines le plus souvent
(voie rénale) ou dans les fécès (voie biliaire). Certaines molécules peuvent être réabsorbées, ce
qui définit un cycle entéro-hépatique.

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Figure 02 : Résumé des principales étapes de la pharmacocinétique.

1. Absorption
Appelée aussi résorption, elle se produit en 2 étapes :
A. Etape biopharmaceutique : Passage des molécules médicamenteuses du site
d’administration (membrane externe, ou interne extravasculaire) vers la circulation
systémique (sang).

Figure 3 : Etape de biopharmaceutique.

Il existe de nombreuses voies d'administration des médicaments :


 La forme par injection directe dans la circulation (administration intraveineuse) est,
bien évidemment, celle qui assure une pénétration maximale dans le corps et, si l'activité est
liée à la concentration sanguine du principe actif et qu'il n'y a pas de barrière de diffusion

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importante entre le compartiment sanguin et la cible du médicament, un effet optimal en
fonction de la dose administrée.
Remarque : Ce mode d'administration sera utilisé préférentiellement dans toute situation
médicale exigeant un effet optimal. Mais elle présente de nombreux inconvénients liés à
l'injection (surtout si le traitement doit se prolonger plusieurs jours) et la nécessité de
recourir à un personnel spécialisé.
 Les administrations dans d'autres sites représentent des variantes destinées à pallier
l'existence d'une barrière de diffusion importante exemple : l’administration intrathécale pour
des médicaments qui ne franchissent pas la barrière hémato-méningée.
 La plupart des médicaments seront donc administrés par d'autres voies, la voie orale
étant la plus utilisée.

Figure 4 : Principales voies d’administration des médicaments.


Voie orale : appelée per os

Remarque : Le choix de la voie d'administration dépend de l’objectif thérapeutique (rapidité


d’effet, limitation des effets systémiques), des possibilités d'administration chez le malade, des
propriétés physico-chimiques et de la taille des molécules (résistance à l’acidité gastrique et
aux enzymes digestives, facilité à passer les barrières capillaires ou digestives …) et des
processus d’élimination de ces médicaments (biotransformation intestinale, hépatique).

B. Etape de résorption

Une fois le médicament administré, il doit pouvoir se dissoudre dans le milieu gastro-
intestinal et ne pas être détruit par l’acidité des sécrétions gastriques ou par les enzymes
contenues dans la lumière intestinale. La dissolution du médicament se fait plus ou moins

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rapidement selon l’hydrosolubilité des médicaments et la formulation galénique. Une fois cette
dissolution obtenue, le médicament passe la barrière digestive principalement par diffusion
passive ou par phénomène de transport actif.

**Diffusion passive

Pour diffuser passivement à travers la membrane gastro-intestinale, membrane de


nature lipidique, les molécules doivent être liposolubles et non ionisées. Ce processus passif
va dans le sens d’un gradient de concentration, il ne consomme donc pas d’énergie. Il n’est pas
spécifique d’un médicament, n’est pas saturable et il n’existe pas de phénomène de compétition.
Il dépend de la masse molaire de la substance médicamenteuse : Les molécules de grande taille
(>1000 Da) étant moins bien absorbées que les petites molécules.

Les médicaments sont le plus souvent des bases faibles, plus rarement des acides
faibles. Ces médicaments existent donc sous 2 formes : ionisée et non ionisée. La concentration
de la forme non ionisée dépend du pKa du médicament et du pH du milieu dans lequel il se
trouve. Un acide faible se trouvera essentiellement sous forme non ionisée en milieu acide et
son absorption sera favorisée dans l’estomac. A l’inverse une base faible, très fortement ionisée
en milieu acide, ne sera pas absorbée au niveau de l’estomac mais sera absorbée au niveau
intestinal où le pH est plus élevé.

Figure 5 : Absorption des médicaments par voie orale : Théorie du pH.

**Transport actif

Ce phénomène correspond au passage du médicament à travers la membrane


gastro-intestinale contre un gradient de concentration après formation d’un complexe du
médicament avec un transporteur membranaire. Ce mécanisme est spécifique, saturable et peut
subir des phénomènes de compétition. Ce processus peut être inhibé ou induit par d’autres

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substances médicamenteuses. Ces phénomènes d’interactions médicamenteuses peuvent donc
être à l’origine d’une variation plus ou moins importante de la quantité de médicament
absorbée.

Remarque : Parmi l’ensemble des transporteurs de la barrière intestinale, la P–Glycoprotéine


(P-gp), semble être au premier plan dans la limitation de l’absorption des médicaments, comme
par exemple pour les inhibiteurs des protéases et les statines.

C. Absorption par voie orale


1/ Premier passage hépatique
Les entérocytes et les hépatocytes possèdent de nombreuses enzymes de
biotransformation (qui seront détaillés plus tard). Ces réactions enzymatiques peuvent
parfois être suffisamment importantes pour limiter l’absorption du médicament lors de son
passage au travers des entérocytes avec un effet de premier passage intestinal. Une fois que
le médicament a atteint le système veineux porte, il peut subir une biotransformation par les
systèmes enzymatiques des hépatocytes. Là encore la fraction de médicament
biotransformée lors de ce premier passage au niveau du foie peut être suffisamment
importante pour réduire encore la fraction absorbée : on parle d’effet de premier passage
hépatique. Cet effet n’est pas toujours négatif notamment dans le cadre de pro-médicaments
inactifs qui deviennent actifs.

Figure 6 : Schéma général de l’absorption par voie orale.

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Remarque : Certaines voies d’administration permettent d’éviter l’effet de premier
passage hépatique (Voie intraveineuse +++, Voie sublinguale, Voie transdermique, Voie
inhalée, Voie nasale, …)

Figure 7 : Effet du premier passage hépatique.

2/ Notion de biodisponibilité
La voie orale peut donner lieu à une absorption incomplète et il sera donc essentiel
de déterminer la biodisponibilité (F) de chaque médicament, qui peut se définir comme la
proportion du médicament qui rejoint la circulation générale après administration orale d'une
dose donnée et la vitesse à laquelle ce médicament y pénètre. C’est la fraction de la dose
administrée ou du principe actif libéré par la forme pharmaceutique qui parvient sous forme
inchangée dans la circulation sanguine systémique et la vitesse à laquelle se réalise ce
processus.
Une biodisponibilité médiocre sera toujours un signal important pour l'amélioration
de la forme galénique sous laquelle le principe actif est préparé et/ou pour une optimalisation
de sa structure chimique.
Lorsque l’administration se fait par voie intraveineuse, aucun doute sur la quantité
de médicament ayant atteint la circulation sanguine : on dit que la biodisponibilité est de
100%.
Pour toutes les autres voies d’administration, la biodisponibilité peut être incomplète
en raison des phénomènes suivants :

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• Absorption (incluant les caractéristiques physico-chimiques des médicaments, la
physiopathologie : condition circulatoire sanguine au site d’administration, vitesse de transit
intestinal, composition du milieu intestinal (enzymes, pH…))
• Effet du premier passage (intestinal, hépatique ou pulmonaire...)

La biodisponibilité d’un médicament (F) peut se calculer simplement par


comparaison de l’aire sous la courbe (ASC ou AUC en Anglais) des concentrations
plasmatiques en fonction du temps obtenue par la voie d’administration considérée par
rapport à l’ASC obtenue avec une administration intraveineuse (IV).
La biodisponibilité absolue (0 < F < 100%) compare la forme à évaluer au même
médicament administré par voie intraveineuse (F = 100%)
F= SSC voie d’administration / SSC iv

Figure 8 : Biodisponibilité absolue (F).

3/ Vitesse d’absorption

La vitesse à laquelle le médicament est résorbé est également un paramètre important


de l’absorption pour toutes les voies d’administration autres que la voie intraveineuse.
Remarque : De cette vitesse dépendra le délai d’apparition des effets des médicaments qu’il
s’agisse des effets thérapeutiques ou indésirables. Des modifications galéniques sont parfois
utilisées pour ralentir la vitesse d’absorption soit afin d’éviter l’apparition d’effets
indésirables éventuellement associés à une apparition trop rapide et trop importante du
médicament, soit afin de réduire la fréquence d'administration du médicament.
Le paramètre permettant d'évaluer la vitesse de l'absorption est le Tmax, c'est à dire le
temps nécessaire pour atteindre la concentration sanguine maximale (Cmax).Cette vitesse

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d’absorption peut être exprimée en demi-vie d’absorption définie par le temps qu’il faut pour
que la moitié du médicament soit absorbée. Elle correspond à l’inverse de la pente
d’apparition des concentrations plasmatiques.

Figure 9 : Vitesse d’absorption.

Tableau 1 : Résumé des biodisponibilités et caractéristiques des médicaments selon


la voie d’administration

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D. Facteurs affectant l’absorption
De nombreux facteurs affectent le niveau d’absorption : les plus importants sont :
o La motilité gastro-intestinale (expliquant pourquoi de nombreux traitements
doivent être initiés par voie intraveineuse en cas de paralysie du système digestif
fréquent en situation pathologique grave ou en postopératoire).
o La formulation du médicament, impliquant souvent des techniques de plus en
plus sophistiquées. Certains médicaments devront être administrés sous forme
de précurseur (pro-médicament) pour pallier une absorption insuffisante ou une
toxicité locale du principe actif proprement dit.
o L'existence au niveau des cellules intestinales, d’un système de transport
pouvant faciliter ou s'opposer à la résorption du médicament.
o Le fait que les vaisseaux splanchniques convergent vers le foie (système porte),
ce qui permet une métabolisation du principe actif avant qu'il ne rejoigne la
circulation générale (effet de premier passage hépatique). Certains médicaments
peuvent également subir un phénomène d'excrétion partielle ou complète à partir
du foie vers le système digestif (via les canaux et vaisseaux biliaires; cycle
entéro-hépatique) ou une dégradation directe dans le tractus digestif (cas de
l'érythromycine dans l'estomac en raison de l'acidité qui y règne).

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