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Pratiques : linguistique, littérature,

didactique

Les typologies textuelles


André Petitjean

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Petitjean André. Les typologies textuelles. In: Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n°62, 1989. Classer les textes. pp.
86-125;

doi : https://doi.org/10.3406/prati.1989.1510

https://www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_1989_num_62_1_1510

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PRATIQUES n° 62, Juin 1989

LES TYPOLOGIES TEXTUELLES

André PETITJEAN

INTRODUCTION

« Types de textes », « types de discours », « types d'écrits », « types


de messages », « types de livres »... les références à la classification textuelle
se multiplient aujourd'hui dans les ouvrages didactiques (instructions
officielles, manuels, revues, livres...) mais non sans hésitations terminologiques
comme en témoignent quelques citations extraites d'un même ouvrage (1) :
Pour Daniel Bain, page 68, il s'agit d'aider le maître « à mettre en évidence,
pour la compréhension et l'interprétation, les marques caractéristiques d'un
type de discours, d'une intention énonciative, etc. » (souligné par moi).
« Les divers types de messages ne se trouvent pas réunis dans toutes les
classes et ne donnent pas lieu aux mêmes traitements pédagogiques » écrivent
Françoise Sublet et Monique Yziquel, p. 75 (souligné par moi).
« Les trois types d'écrits ont été choisis à partir de questionnaires aux enfants »
écrit Régine Legrand-Gelber, p. 125 (souligné par moi).
Claudine Garcia-Debanc et Maurice Mas parlent des « études linguistiques sur
une typologie des textes et le fonctionnement des différents types de textes »,
p. 136 (souligné par moi).
Au niveau des Instructions Officielles, la situation est assez semblable,
avec des différences cependant selon les cycles (je me suis limité à
l'élémentaire et au collège).
A l'école primaire (2), la référence à un principe de classification des
textes apparaît à plusieurs reprises mais de façon trop implicite et confuse.
C'est ainsi que p. 25 on conseille aux maîtres de recourir « aux meilleures
œuvres accessibles à la jeunesse, dans un but d'initiation à la qualité
littéraire» sans que soient explicités les critères, fonctionnels ou essentialistes,
qui permettent de discriminer parmi les textes ceux qui sont « littéraires ».
Confusion, car il est fait référence, tour à tour sous les dénominations
de texte, discours, et genre, en fait à un même type textuel : le récit.
C'est ainsi que page 31, il est demandé de construire de « courts
textes pour relater un fait», que page 32, on conseille, à l'oral, la pratique
de « différents modes de discours » dont « la narration » et qu'à l'écrit il est
question, page 31, « de composition écrite... en différents genres,
notamment narratif».

(1) Apprendre/enseigner à produire des textes écrits, sous la direction de J.-L. Chiss, J.-P. Laurent, J.-C. Meyer,
H. Romian, B. Schneuwly, De Boeck, 1987.
(2) I.O. de 1985 parues dans le Livre de Poche, n° 6129.

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Au niveau des collèges (3), l'intérêt pédagogique d'un recours à la
classification des textes est nettement affirmé et on ne peut qu'y souscrire.
En témoignent les extraits suivants :
« [...] favoriser la création par les élèves de phrases et de textes oraux et écrits
[...] et la connaissance de la diversité des types de discours » (Collèges,
page 28).
A la fin du cycle d'observation, l'élève doit savoir, entre autres, « 6. définir la
spécificité d'un texte, reconnaître les principaux traits qui caractérisent certains
types de textes (narratif, théâtral, poétique, documentaire) » (BO, p. 4).
Des exercices spécifiques sont prévus concernant « l'observation du
fonctionnement des textes » parmi lesquels on retiendra, révélateurs de
notre propos :
« trouver des points communs ou des différences entre deux ou plusieurs textes
brefs» (BO, p. 12).
Classer des faits de langue, des textes, des coupures de journaux, des
ouvrages, selon des critères précis » (BO, p. 12).
De même, on trouve à la page 28 du Livre de Poche une définition
du « texte littéraire » que l'on pourra discuter mais qui a le mérite d'exister.
Il reste que l'on peut regretter qu'un certain flou terminologique
demeure dans les classifications. Ainsi, page 23, seul le contexte permet
d'inférer que « discours » signifie texte oral alors que page 29, il semble
désigner des textes écrits. Autre exemple, page 47 on oppose « récit »,
« théâtre », « poésie », « textes d'auteurs étrangers » alors qu'à la page 49,
dans la même série d'oppositions, « écrits en prose » remplace « récit ».
Chacun comprendra que l'hétérogénéité de tels classements ne peut que
poser des problèmes, au niveau des élèves comme à celui des enseignants.
Il faut dire, à la décharge des auteurs de la « noosphère » (4), que du
côté des savoirs savants ae référence (en particulier les théories
linguistiques) les modes de classification sont tout aussi peu précis. Pour les uns,
discours et texte sont des expressions synonymiques (5), pour les autres
discours s'oppose à texte, le premier désignant un énoncé mis en situation
et le second un mode d'organisation abstrait (6). Pis encore, pour certains,
l'entreprise typologique est nécessaire et possible (7), pour d'autres, elle est
un objet impensable (8).

(3) Je me réfère à la fois aux LO de 1985 parues dans Le Livre de Poche intitulé Collèges. Programmes et
Instructions et aux Compléments aux Progammes et Instructions des classes de collège publiées dans le BO
supplément au n° 25 du 30 juin 1988.
(4) J'emprunte ce terme à Yves Chevallard (1985) pour désigner les agents qui contribuent à l'élaboration du
discours didactique (Instructions, manuels, revues et ouvrages spécialisés).
(5) Je pense entre autres à Irèna Bellert (1970) qui inaugure ainsi son article : « que l'on accepte la définition de
travail suivante d'un texte ou d'un discours cohérent... ».
(6) On aura reconnu l'opposition entre les théories de l'analyse du discours et les modèles relevant des
grammaires de texte. Sur l'origine et les développements de ces paradigmes théoriques, je renvoie à Michel Cha-
rolles (1988).
(7) « C'est seulement par la typologie que la linguistique s'élève à des points de vue tout à fait généraux et
devient une science » (L. Hjelmslev, 1966).
(8) « Pour maîtriser un tant soit peu l'univers discursif on utilise constamment des typologies fonctionnelles
(discours juridique, religieux, politique...) et formelles (discours narratif, didactique...) qui s'avèrent aussi
inévitables que dérisoires [...]. On est condamné à penser un mélange inextricable de même et d'autre, un réseau
de rapports constamment ouvert [...]. En outre si l'on veut prendre en compte les facteurs de variations
spatio-temporelles qui spécifient ces typologies [...], on conçoit aisément que l'on se trouve confronté à
quelque chose d'insensé dès qu'on entend accéder à un peu de généralité » D. Maingueneau (1984).

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Il m'a donc semblé utile, compte tenu de l'enjeu théorique, didactique
et pédagogique des classifications textuelles de tenter un essai de
classification des problèmes en menant ma réflexion sur l'acte même de la
classification selon qu'il est abordé par différents champs théoriques de
référence (9).

RÉFLEXIONS SUR L'ACTE DE CLASSIFICATION


1. L'apport des sociologues
On doit aux sociologues de la culture une observation de type
ethnographique des modes de consommation des textes et une réflexion critique
sur le caractère « constituant » des genres (10). J'entends par là, qu'à travers
les classifications que proposent des agents sociaux divers (enquêtes sur la
lecture, instructions officielles, manuels de textes, pages culturelles de
journaux...) se reflètent les conventions sociales propres à notre aire(ère)
culturelle. Ce coup de force de légitimation sociale qu'effectuent les
classifications peut s'analyser à des niveaux différents :
— Elimination dans les nomenclatures proposées par les enquêtes sur la
lecture de genres supposés non révélateurs du savoir lire. C'est ainsi
que Patrick Parmentier (1986) regrette que parmi les genres proposés
soient omis « catalogues, brochures, dépliants touristiques ou
techniques, notices, prospectus, modes d'emploi, cartes postales, etc., tous
supports écrits qui sont l'objet de lectures et parfois de collection, de
capitalisation culturelle ». Si bien que, comme l'écrit Jean-François
Barbier-Bouvet (1988) :
« L'enquête somme les individus de se situer, à travers leurs réponses, autant
par rapport à une légitimité sociale que par rapport à leur pratique effective.
Une étude récente sur la faible lecture en donne une illustration frappante : les
mêmes personnes qui commençaient I' entretien en affirmant « je ne lis pas »,
« je ne lis jamais », se trouvèrent au bout de dix minutes d'entretien libre faire
la liste de tous les textes qu'elles avaient lus récemment, mais qu'elles
n'avaient pas jugé dignes d'être cités (collection Harlequin, bandes dessinées,
revues et magazines...). Un sondage se serait arrêté à leur première réponse
et les aurait classées parmi les non-lecteurs. »
— Non-coïncidence entre les taxinomies officielles (proposées par l'école
ou les bibliothèques) et les taxinomies ordinaires mises en œuvre
quotidiennement par les différents sujets sociaux. Nicole Robine (1984)
montre, par exemple, que « les discours des jeunes travailleurs sur les
genres, lus ou non, ne correspondent pas aux classifications de la
littérature, de la culture cultivée ni aux « catégories Dewey » et que les
modes de classement des ouvrages en bibliothèque représentent pour
les jeunes travailleurs interviewés un « facteur d'éloignemeht de la
bibliothèque ».
— Confusion, comme en témoignent les Instructions du Primaire,
précédemment évoquées, entre deux principes classificatoires incompatibles.
L'un est d'ordre typologique (rapprochement de textes semblables
à partir d'un ou de plusieurs critères explicites), l'autre est d'ordre

(9) Sur les enjeux épistémologiques de l'activité classificatoire dans les théories des textes, J.-L. Chics (1987) et
P. Tort (1989).
(10) Voir essentiellement : P. Parmentier (1986), Pour une sociologie de la lecture, sous la direction de Martine
Poulain, Ed. du Cercle de la Librairie, 1988, et dans Pratiques, J.-M. Privât et M.-C. Vinson (1986) et Y. Reuter
(1986a et 1986b).

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hiérarchique (attribution, à des textes, de valeurs ou de qualités différentes).
Il s'en suit que les genres et leurs consommation servent, en fait, à définir
des niveaux de culture. Ce que prouve P. Parmentier (1988) à l'aide d'un
tableau à double entrée :
• celle qui concerne les genres répertoriés ;
• celle qui désigne la légitimité sociale des textes selon une répartition
ternaire (lecture cultivée [grande littérature ou ouvrage scientifique] ;
culture moyenne [lisible du grand public mais porteuse de légitimité
culturelle] ; culture « bis » [infra-littérature]).
LES DEUX DIMENSIONS DU CODAGE DES TITRES

Niveaux
Lecture Culture « Bis »
de
Genres légitimité cultivée moyenne

Romans Avant garde, Romans moyens Romans


« psychologiques » étranger sentimentaux
Romans « non Policiers cultivés Policiers « bis »
psychologiques » Science-fiction Science-fiction
cultivée « bis »
Classiques
Essais Essais savants Essais moyens
Essais vécus
Essais « parallèles »
Histoire Histoire spécialisée Histoire vulgarisée
Histoire actuelle
Sciences Sciences Vulgarisation
spécialisées
Livres sur les loisirs Livres sur les loisirs
Livres pratiques Livres pratiques
Livres d'art Livres d'art

Romans sentimentaux : collection Harlequin, certains « J'ai Lu », Presses de la


Cité.
Auteurs : Benzoni, Cartland, Delly, Des Cars, Konsalik.
Romans psychologiques de culture moyenne : Laffont, Lattes, Grasset, etc.
Auteurs : Barjavel, Cesbron, Clavel, Sabatier, Troyat, Colleen mac Cullough.
Autres indicateurs : le prix Goncourt ; les « Succès de la semaine » de L'Express,
etc. ; les catalogues de vente par correspondance : France-Loisirs, etc.
Romans cultivés : avant-garde et grands étrangers contemporains : Bourgois,
Minuit, NRF, Pauvert.
Classiques et poésie : y compris le début du XXe siècle français ou étranger.
Policiers « bis », aventures, espionnage : Fleuve Noir, Pion, Presses de la Cité.
Séries : San Antonio, SAS.
Policiers cultivés : « Carré noir » Gallimard.
Classiques du policier (Gaston Leroux) ; romans noirs américains consacrés
(Chandler, Hammett) ; « néo-polar » français (Manchette, Vautrin) ; J. Le Carré.

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Science-fiction cultivée : « Ailleurs et demain » Laffont, « Présence du futur »
Denoël.
Classiques (Wells, M. Renard) ; écriture difficile (J.-G. Ballard, F. Herbert).
Essais vécus : expériences, témoignages, biographies ou autobiographies de
vedettes non politiques ou de contemporains obscurs, enfances (rurales,
malheureuses, etc.).
M. Cardinal, E. Caries, Cavanna, H. Vincenot, S. Signoret.
Essais grand public : grands problèmes d'actualité, psychologie, sociologie,
politique. Journalistes, médecins-essayistes. F. de Closets, B. Groult, T. Laîné,
Dr Olivenstein, Dr Schwarzenberg.
Essais savants : Gallimard, Maspero, Payot, PUF.
Philosophie, sciences humaines de circulation restreinte.
Science-fiction « bis » : Fleuve Noir « Anticipation ».
Essais «parallèles » : « L'aventure mystérieuse » J'ai Lu.
Parapsychologie, médecines parallèles, astrologie, OVNI, clés des songes.
Livres de loisirs : voyages, sports, jeux, photo.
Livres pratiques : bricolage, jardinage, cuisine, couture, artisanat de loisir.
Livres d'art et sur l'art (peinture, musique, etc).
Vulgarisation scientifique : Marabout, Cousteau, Gamow.
Sciences et techniques spécialisées.
Histoires actuelle : autobiographies contemporaines politiques, témoignages,
récits de guerres du XXe siècle.
Histoire vulgarisée : biographies de grands personnages jusqu'au XIXe siècle.
Castelot.
Histoire spécialisée : histoire savante, études synthétiques, mémoires antérieurs
au XXe siècle.
Duby, Saint-Simon.
Tous les noms propres cités à titre indicatif ou typique dans cette liste figuraient
dans le corpus des réponses.

Dans un même ordre d'idées, J. Dubois et P. Durant (1988) montrent


que « l'instance générique contribue à la socialisation symbolique et/ou
institutionnelle des textes et des auteurs ».
« Soit, à titre d'exemples, quatre appellations actuelles, distribuables sur une
même échelle : 1) « roman d'amour et d'aventures ; 2) « série noire » ; 3) «
roman » ; 4) « récit ». La plus neutre — « roman » — correspond, semble-t-il, à
la production moyenne (traditionnelle) pour public moyen (quelconque). De
part et d'autre, la nomination dévie : la littérature d'avant-garde essentialise et
euphémise — « récit » — tandis que la production triviale ou semi-triviale en
rajoute, notamment par spécification plus ou moins métaphorique des
contenus — « série noire » —, « romans d'amour et d'aventures ». Pour être
inverses, les deux tendances extrêmes figurent la même opération : diversifier
et spécifier pour affiner le classement (à chacun son genre) mais tout autant
pour raffiner le code même du classement ».
Sans ouvrir, ici, le débat sur la valeur des textes (il est indéniable
qu'il existe des oeuvres qui fonctionnent à la nouveauté et d'autres' à la
répétition), il faut reconnaître que les sociologues ont raison (Y. Reuter
(1986) le rappelait) d'affirmer que les classifications officielles relèvent d'un
ethno-centrisme culturel qui fonde son existence sur deux « oublis »
majeurs :
— Le niveau qualitatif qui distingue les textes littéraires de ceux qui ne le
sont pas est soumis à variation historique et se compose d'un agrégat
de critères hétérogènes et flous (qualité esthétique, teneur morale,
complexité structurelle, apport de savoirs...).

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— Le niveau qualitatif dépend de l'autorité qui entend légiférer la légitimité.
Ce sera le critère de rupture par rapport aux genres établis pour l'écrivain
d'avant-garde (voir l'intérêt des surréalistes pour Lautréamont et le rejet
de ce dernier par un manuel tel que Lagarde et Michard), ce sera le
critère de lisibilité pour la tradition critique {voir, pour ne prendre qu'un
exemple, l'accueil critique qu'a reçu Proust lors de la parution de son
œuvre (11)], ce sera le critère d'élaboration textuelle pour le théoricien
(les travaux de sémiotique ont prouvé qu'un roman policier ou de
science-fiction était tout aussi stimulant, pour la réflexion théorique, que
les classiques du roman réaliste) (12).
Finalement, comme le confirme par ailleurs la désespérante quête des
linguistes d'un critère de littérarité, je proposerai, après Searle (1982), de
renoncer à l'idée de vouloir conceptualiser sémiotiquement la notion de
littérature (à distinguer de la notion de fiction) :
« D'abord, il n'y a pas de traits ou d'ensemble de traits communs à toutes les
œuvres littéraires qui constitueraient les conditions nécessaires et suffisantes
pour qu'un texte soit littéraire. La littérature est, pour reprendre la terminologie
de Wittgenstein, un concept de « ressemblance familiale ».
En second lieu, je crois [...] que « littérature » désigne une série d'attitudes que
nous prenons à l'égard d'un champ du discours plutôt qu'une propriété interne
de ce champ, même si le fait de prendre telle ou telle attitude dépend, au
moins en partie, des propriétés du discours [...].
En troisième lieu, la littérature est en continuité avec le non-littéraire. Il n'y a
entre eux ni frontière stricte ni même l'ombre d'une frontière » (p. 103).

Les conséquences didactiques de la réflexion sociologique pourraient


se formuler ainsi : il serait utile, compte tenu de l'hétérogénéité culturelle
des élèves, que l'enseignant soit soucieux :
— de connaître les représentations de ses élèves en matière de classement
générique ;
— de faire la part, dans ses interventions, entre une attitude descriptive et
des prises de position normativo-prescriptives ;
— de dénaturaliser les modes de classement en dévoilant leur
fonctionnement ainsi que leur origine institutionnelle.

2. L'apport des psychologues


Je serai assez bref dans la mesure où le problème est traité, dans ce
numéro, par Jeanine Benoît et Michel Fayol.
Les psychologues cognitivistes s'intéressent dans une perspective
développementale aux modes d'organisation textuelle au travers de trois
types d'activités :

(11) F. Lhommeau, A. Coelho (1988).


(12) Comme l'écrit P. Parmentier (1988), il suffit d'accorder aux genres méprisés ou méconnus les « mêmes
traitements que les œuvres légitimes pour y découvrir des richesses insoupçonnées. Ce n'est pas pour autant
que le commentaire savant les y a artificiellement insufflées : ces richesses y étaient, mais sur un mode
potentiel implicite. « Sitôt qu'il y a dans le monde des connaisseurs de chevaux, on voit apparaître des
coursiers remarquables. C'est qu'il y a toujours eu de tels coursiers, mais les connaisseurs sont bien rares »
Han Yu ».

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a) les activités de compréhension
Comme cela a été abondamment vérifié pour le récit (cela reste à
prouver pour les autres types de textes), il semblerait que l'organisation
globale d'un texte (sa superstructure) joue un rôle fondamental dans le
processus de compréhension des textes. En d'autres termes, la connaissance
du type d'écrit ou du genre de discours influe sur la lisibilité d'un texte
particulier.

b) Les activités de production


Que ce soit à partir des temps verbaux (Fayol (1985), Bronckart
(1985)), des connecteurs (Fayol (1986)), des organisateurs textuels (Bronckart
et Schneuwly (1984)), les psychologues ont établi qu'il existe des rapports
de dépendance et de corrélation entre certains types de textes et des
configurations de marques linguistiques.

c) Les activités de classification


Comme le souligne Michel Fayol (13), les recherches relatives aux
classifications de textes ne sont qu'à leur début. Celles qui existent convergent,
confirmées par des travaux de didactique (David (1987)), pour constater :
1) Que la capacité métatextuelle à l'œuvre dans les activités de
classement est acquise tardivement et présuppose la faculté à la fois de
généraliser et de différencier à partir d'objets complexes (14) ;
2) Que les enfants (y compris jusqu'au cycle d'observation des
collèges) privilégient, pour identifier et classer des textes, des critères
thématiques au détriment des paramètres énonciatifs. Quant aux critères qui
reposent sur des marques linguistiques de surface, ils sont les moins utilisés.
On retiendra de ces observations qu'il serait utile :
— d'initier très tôt les élèves à tous les types de textes ;
— de les mettre dans des situations de production de textes qui leur
permettent de découvrir les paramètres énonciatifs et les enjeux commu-
nicationnels de leur production (ce que ne permet pas l'exercice de
« rédaction ») ;
— de systématiser les travaux d'observation leur permettant de corréler la
forme globale d'organisation des textes et leurs manifestations
linguistiques de surface.

3. Apport des linguistes


Un premier constat d'évidence bibliographique. Les travaux
linguistiques qui ont pour objet les formes d'organisation ou de composition
textuelle, qu'ils aient pour origine l'analyse du discours, les grammaires de
texte, les analyses conversationnelles... ont pris une extension certaine.
Encore plus grande si on leur adjoint les sémiotiques textuelles et les
théories de la fiction (15).

(13) « Les typologies de textes, approche cognitive », Colloque de Poitiers, 1986 (à paraître).
(14) Voir entre autres S. Ehrlich (1975) et F. Smith (1979).
(15) J'écarte du corpus la majorité des théories des genres qui, sauf exceptions récentes, ne sont pas d'inspiration
linguistique.

92
Or, quels que soient leurs objets d'étude, quelles que soient les
méthodologies qu'ils utilisent, ces travaux ont pour caractéristique :
1) De traiter les phénomènes linguistes dans un cadre supraphrasti-
que. En témoignent des linguistes aussi différents que O. Ducrot (1972) ou
R. Martin (1985), pour ne prendre que ces deux exemples.
« II n'y a de texte que si renonciation de chaque phrase prend appui sur l'une
au moins des phrases précédentes, de sorte que la compréhension de ce qui
suit exige celle de ce qui précède » (0. Ducrot).
« Un texte répond aux exigences de cohésion si toutes les phrases qu'il
comporte y sont acceptées comme des suites possibles du contexte
antécédent » (R. Martin).
2) De proposer, directement ou indirectement, des classifications ou
des typologies de textes.
Comme l'écrit F. Jacques (1987) :
« Aujourd'hui, la grammaire textuelle ne veut plus ignorer que le discours a
une structure spécifique à laquelle sont liés des effets de sens. On s'oriente
vers une modalisation des dimensions qui constituent des facteurs de
cohérence discursive remarquable. On s'aperçoit que l'argumentation est une
régulation transphrastique qui n'est pas d'un moindre niveau de généralité que la
narrativité. Et aussi que les règles d'enchaînement d'une conversation ne sont
pas les mêmes que celles d'un discours électoral. »
Un second constat, de perplexité théorique. Les propositions de
typologies sont très diverses mais ont en commun le fait de poser de véritables
problèmes épistémologiques :
— elles ne possèdent généralement pas de théorie explicite du texte ;
— elles se constituent souvent par dérivation à partir d'une théorie
linguistique (ex. : les différents modèles de la communication) ;
— elles se définissent en faisant abstraction de l'évolution historique ;
— elles sont des « modèles » de classement qui, comme l'indique E. Gùlich
(1986), ne se préoccupent pas de savoir « de quelle manière les
différenciations typologiques textuelles sont [elles] significatives pour les
interlocuteurs dans un contexte d'interaction concret ? ».
On peut cependant trouver dans ces classifications savantes, à
condition de ne pas les utiliser de manière applicationniste, de stimulantes
réflexions didactiques sur le principe même de la classification.

Qu'est-ce que classer un texte?


C'est opérer un rapprochement entre des objets langagiers, toujours
univoques et différents, à partir de caractéristiques (propriétés) qui leur sont
communes. Comme l'écrit T. Todorov (1970), « [...] c'est découvrir une règle
qui fonctionne à travers plusieurs textes ». Mais qu'en est-il de cette règle
ou de cette régularité? Elle dépend pour une part de l'objet à classer, pour
une autre part, de la démarche classificatrice.

a) L'objet à classer
Ce sont des verbalisations orales ou écrites, émises en situation, c'est-
à-dire des réalités sémiotiques complexes et pluridimensionnelles. Dans la
mesure donc où les textes sont stratifiés à des niveaux différents, il est

93
possible de leur trouver des propriétés communes très hétérogènes et cela
suivant un nombre incalculable de combinaisons possibles. Luis J. Prieto
(1987) l'a réalistement souligné :

peut
partie
porte
« [...] posséder
quelle
objets. Comme
des
laquelle
caractéristique
» caractéristiques
chaque
un
de nombre
ses que
objet
identités
indéfini
présente
d'un
possède
autre
spécifiques
d'identités
unun
objet,
objet
nombre
chaque
avec
spécifiques
donné
infini
unobjet
peut
nombre
deetpeut
toujours
caractéristiques,
comme
partager
infini
aussi
n'importe
d'autres
n'im¬
faireil

A titre d'exemple, voici une liste de critères possibles, disposés dans


un ordre qui va des critères internes aux critères externes, suivie de textes
qui les exemplifient.

Critères Exemples de textes


Contenu thématique Roman sentimental vs roman de science-fiction.

Organisation Récit (conte), vs description (portrait) vs argumen¬


globale tation (plaidoyer).
Organisation locale Texte avec 1re personne + passé composé (séquence
de commentaire dans un récit autobiographique) vs
texte avec 1re ou 3e personne + passé simple
(séquence narrative).
Mode énonciatif Texte référé au moment d'énonciation (lettre) vs
disjoint du moment d'énonciation (récit fictif).
Mode Texte « sérieux » (reportage, récit d'historien, lettre
communicationnel de réclamation) vs texte « fictif » (récit de science-
fiction, roman par lettres).
Intention Texte qui informe (compte rendu) vs texte qui
communicationnelle argumente (tract politique).
Acte de langage Texte directif (mode d'emploi) vs texte expressif
(billet d'humeur) ; texte à contenu littéral vs à
contenu dérivé (l'ironie).
Fonction Texte pour faire rire (histoire drôle) vs texte pour
perlocutoire instruire (récit explicatif).
Destinataire Cible individuelle (lettre personnelle) vs cible collec¬
tive (dépliant touristique).
Mode de sociabilité Texte innovant (fiction, théorie) vs texte ritualisé
(demandes d'emploi, message de condoléances).
Support Texte oral (conversation, débat) vs écrit (lettre,
affiche, roman).

Il ressort de cette liste qu'une même classe de textes peut apparaître


derrière des entrées critériées différentes (ex. lettre) ou que des entrées
différentes peuvent être utilisées pour rendre compte d'une même classe.

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Se pose donc le problème de statut des critères, de leur degré de
généralité, des modes de leur combinaison... en un mot, de l'heuristique
même de la démarche du classificateur.
b) La démarche du classificateur
Les typologies qu'élaborent les linguistes sont des objets de
connaissance, c'est-à-dire des constructions abstraites, descriptives, falsifiables et
plus ou moins puissantes :
« [...] La classification se présente comme une activité cognitive taxinomique,
comme une procédure qui consiste à appliquer à un objet soumis à l'analyse,
une suite de catégories discriminatoires ayant pour effet de mettre à jour les
éléments dont est composé l'ensemble et de construire ainsi la définition de
l'objet considéré » (16).
ou encore :
« [...] La classification apparaîtra d'abord comme « découpage » de ce réel,
sélection de caractères, marquage de régularités, indexation de groupes
homogènes, discrimination de « familles d'objets » — grille par conséquent. Toute
classification met en œuvre ce que j'appellerai une critériopraxis (P. Tort, 1989).
Pour illustrer cet aspect construit des typologies, j'emprunterai un
exemple à Robert E. Longacre (1982), non sans l'avoir « bricolé » pour la
cause explicative.
Soit, au départ, le choix de deux critères définis comme (A)
Succession temporelle et (B) Orientation vers la personne émettrice. Ils permettent
de discriminer quatre classes de texte :
1) Discours narratif (A+, B+) ex. : récit conversationnel.
2) Discours procédural (A+, B-) ex. : mode d'emploi.
3) Discours de conduite (A-, B+) ex. : discours politique.
4) Discours d'exposition (A-, B-) ex. : texte théorique.
Ajoutons un troisième critère (C) défini comme situation et/ou action
souhaitée ou anticipée. On obtient alors huit classes de textes.
1) discours (A+, B-, C+) ex. annonce météorologique
narratif (A+, B-, C-) ex. récit d'historien
2) discours (A+, B-, C+) ex. mode d'emploi
procédural (A+, B-, C-) ex. description d'actions
3) discours (A-, B+, C+) ex. profession de foi
de conduite (A-, B+, C-) ex. bilan de gestion
4) discours (A-, B-, C+) ex. budget prévisionnel
d'exposition (A-, B+, C-) ex. traité économique
Il devrait apparaître qu'il suffit de faire varier le nombre de critères
(la base typologique), d'utiliser ces derniers in praesentia ou par défaut pour
que s'élargisse ou non le domaine d'application. C'est pourquoi on dira
qu'une typologie est une construction savante qui possède trois
paramètres :
1) Une base typologique.
2) Un domaine d'application caractérisé.
3) Une description des formes de mise en rapport entre la base et le
domaine d'application.

(16) A.-J. Greimas, J. Courtes (1979, p. 38).

95
Rappelons chacun de ces points.
1) Par base typologique définie, il faut entendre qu'une classification
se donne des critères explicites (uniques ou multiples, homogènes ou
hétérogènes, hiérarchisés ou non) en fonction desquels seront distinguées des
classes de textes (17).
2) Le domaine d'application peut prendre la forme d'un corpus (les
discours de De Gaulle, les récits des faits divers dans les quotidiens
régionaux ou nationaux ou dans la presse spécialisée) ou s'étendre à tous les
messages (oraux ou écrits) possédant les caractéristiques définies dans la
base typologique (sur la base d'une définition du récit, seront appelés
narratifs tous les textes qui possèdent cette forme d'organisation).
3) Quant à la mise en rapport entre la base et le domaine, on dira
que la base se réalise totalement ou partiellement dans le domaine, dans
un rapport d'unicité (texte très typé) ou de mixité (hétérogénéité textuelle)
à l'intérieur d'une relation de successivité (récit + dialogue + récit +
description) ou de hiérarchie à dominante (récit + description au service d'une
argumentation).
On doit à H. Isenberg (1978) un article stimulant dans lequel :
1) II écarte comme faibles les typologies construites sur des critères
référentiels (18) ou sous la forme d'une addition de critères hétérogènes (19).
2) II propose ce qu'il appelle « les exigences minimales
méthodologiques» [...] « d'une typologie supérieure», à savoir l'homogénéité, la mono-
typie, la non-ambiguité et l'exhaustivité. Sachant que tout classificateur est
prisonnier du dilemme suivant : plus une typologie se veut exhaustive et
moins elle sera monotypique, plus elle sera polytypique et moins elle sera
généralisable.
Après examen de plus d'une centaine d'articles disponibles sur le
marché anglo-saxon, allemand et français, il faut bien reconnaître que cette
typologie « idéale » n'existe pas et que les démarches classificatrices sont
très variées.
— Le classificateur peut partir de caractéristiques (par exemple des marques
linguistiques) pour constater, pour une classe donnée de textes, qu'il
existe un assemblage d'indicateurs formels qui rendent compte d'une
structure partielle du texte (cf. J. Heslot (1985) pour l'article scientifique
ou H. Weinrich (1973) pour son opposition « monde commenté »
(dialogue dramatique, éditorial, essai philosophique...) vs « monde raconté »
(conte, légende, roman...) ou J.-C. Beacco et M. Darot (1984) pour la
critique journalistique et les textes de vulgarisation ou B. Combettes (1987)
pour son opposition entre « passages de premier plan » vs de « second
plan ».

(17) ■« Le défaut des auteurs de classifications, c'est d'oublier le besoin premier d'une classification : le besoin
d'une unité de base » (M. Bakhtine (1979)).
(18) II vise les typologies fondées sur le domaine de référence (géologie, physique, histoire...) qui ne rendent pas
compte du fait que pour un même domaine (ex. la biologie) il existe des textes aussi différents qu'un manuel,
un article de revue spécialisée, une communication scientifique...
(19) L'exemple caricatural est celui de B. Sandig (1972) qui utilise jusqu'à vingt critères hétérogènes du type parlé,
spontané, de 1re personne...

96
— Le classificateur peut construire une combinaison de critères qu'il
conceptualise en les hiérarchisant à l'intérieur d'un « foyer classifica-
toire» (cf. J.-P. Bronckart (1985) et B. Schneuwly (1988)) qui, à partir de
deux « foyers » (« l'acte de production » et « l'interaction sociale »)
distinguent quatre « types discursifs » de base : discours en situation, récit
conversationnel, discours théorique, narration).
— Le classificateur part d'un genre de texte précis pour lequel il existe un
lexique dans la langue ordinaire et cherche à coordonner une
combinaison de propriétés qui deviennent distinctives (cf. T. Todorov (1970)
qui, partant d'un genre historique (le fantastique), le transforme en genre
savant).
On peut néanmoins, à partir de la multiplicité des propositions
typologiques, dégager (démon de la classification oblige!) de grandes attitudes
classificatoires (20). Dans le cadre de cet article, je me contenterai de les
présenter succinctement, généralement sans prendre parti sur le degré de
validité de leur fondement théorique.
Selon que leur base typologique est constituée d'un ou de plusieurs
foyers conceptuels, je distinguerai trois types de classification : homogène,
intermédiaire, hétérogène.

3.1. Les classifications homogènes

Le classificateur travaille à partir d'une base typologique unique et


homogène sous la forme d'un modèle abstrait, souvent déductif, qui se
réalise complètement ou partiellement dans un domaine d'application donné.
Je propose que l'on réserve la notion de types de textes pour ces
classifications (21).
Tel est le cas d'E. Werlich (1975) qui, à partir d'un « foyer conceptuel »
lié à des procédures cognitives, distingue cinq types de textes :
a) Le type descriptif est lié à la perception dans l'espace.
b) Le type narratif est lié à la perception dans le temps.
c) Le type expositif est associé à l'analyse et à la synthèse de
représentations conceptuelles.
d) Le type argumentatif est centré sur le jugement et la prise de
position.
e) Le type instructif est lié à la prévision du comportement à venir.
Chacun de ces « foyers conceptuels » se manifeste par des marques
linguistiques de surface : (a) une accumulation d'imparfaits, (b) présence de
passé-simple, (c) et (d) accumulation de connecteurs logiques, (e) densité
d'impératifs et de verbes d'action à l'infinitif.
Les classes de textes sont rarement monotypiques mais se présentent
comme des séquences coordonnées à différents types (E. Werlich prend
l'exemple du reportage où l'on trouvera un enchaînement du type
description + narration + argumentation + narration).

(20) Voir J.-M. Adam (1985) et B. Schneuwly (1987).


(21) « Le texte est un objet abstrait résultat de la soustraction du contexte opérée sur l'objet empirique (discours)
(J.M. Adam, 1989).

97
Tel est le cas aussi de J.-M. Adam (1985, 1987) avec ses types de
« structures séquentielles de base » qui soit servent à organiser la
planification globale d'un texte (« superstructure »), soit à enchaîner une suite limitée
d'unités linguistiques (« plan de texte »).
a) Séquentialité narrative (roman, nouvelle, faits divers, publicité
narrative...).
b) Séquentialité injonctive-instructionnelle (notice de montage,
consignes, règlements, guide d'itinéraire, bulletin météorologique...).
c) Séquentialité descriptive (description dans un récit, publicité, guide
touristique...).
d) Séquentialité argumentative (éditorial, publicité, texte à thèses...).
e) Séquentialité explicative-expositive (page d'un manuel, article de
vulgarisation, article d'information...).
f) Séquentialité dialogale-conversationnelle (conversation
téléphonique, interview, dialogue romanesque ou théâtral...).
g) Séquentialité poétique-autotélique (poème, prose poétique,
slogans publicitaires ou politiques...).
Comme le précisait E. Werlich, J.-M. Adam souligne que les textes
sont rarement mono-séquentiels mais qu'ils sont structurés, de façon
complète ou partielle par plusieurs séquences, identiques ou différentes,
l'hétérogénéité pouvant avoir la forme d'une successivité ou d'une hiérarchie à
dominante (cf. une fable comme Le loup et l'agneau qui est diversement
hétérogène :
— le récit est présenté dans une forme poétique,
— l'histoire est au service d'une thèse qu'elle illustre et joue ainsi le rôle
d'un argument,
— ce récit comporte des actions qu'entrecoupent des segments descriptifs,
— le noyau actionnel se présente comme un échange conversationnel sous
la forme d'une argumentation polémique).
Chaque superstructure (ou plan de texte) peut être détectée à partir
de marques linguistiques de surface qui servent d'instructions sur la
stratégie typologique utilisée.

3.2. Les classifications intermédiaires


Contrairement aux précédentes, certaines classifications élaborent
une base typologique à l'aide de critères hétérogènes mais dont le foyer
classificatoire, essentiellement le mode énonciatif, l'intention de
communication ou les conditions de production, rendent compte de la mise en
situation des textes. C'est pourquoi je réserverai le nom de type de discours
pour ce mode de classification.
« Un type de discours n'a pas de réalité sémiotique lorsqu'il est isolé de son
contexte, de ses rapports à d'autres discours, des situations qui le déterminent
et où il a des effets » (M.-J. Borel (1981).
« [...] un discours est un énoncé caractérisable certes par des propriétés
textuelles mais surtout comme un acte de discours accompli dans une situation
(participants, institutions, lieu, temps) (J.-M. Adam, 1989).

98
De même J.-P. Bronckart (1987) parle de :
«[...] l'influence particulière qu'exerce sur le discours chacun des paramètres
de l'interaction sociale. En effet, quand se met en place une action langagière,
c'est un but particulier qui est choisi, un destinataire, un énonciateur et un lieu
social [...]».
Bien que les frontières qui les séparent soient fluctuantes d'une base
typologique à l'autre (un modèle élargi de renonciation intégrera le situa-
tionnel (22)), on distinguera trois grandes familles typologiques qui rendent
compte de la mise en situation des textes :
— les typologies énonciatives,
— les typologies communicationnelles,
— les typologies situationnelles.
Dans les limites de cet article, je ne leur accorderai pas un traitement
égal mais m'arrêterai plus particulièrement sur les énonciatives.

3.2.1 Les typologies énonciatives

Par typologie énonciative, il faut entendre les typologies qui ont


comme principe classificatoire les rapports qu'instaure le producteur du
texte avec la situation d'énonciation. Celle-ci forme un cadre composé de
trois paramètres différents : le locuteur, l'interlocuteur, le temps et l'espace.
A.1 A l'origine de cette démarche classificatrice, E. Benveniste (1966,
1970) qui, dans son travail, simultanément :
1) Avance une définition de renonciation (« cette mise en
fonctionnement de la langue par un acte individuel d'utilisation »).
2) Accompagne cette définition par une théorie générale des
indicateurs linguistiques (pronoms personnels, formes verbales, informants
spatiaux et temporels, modalisateurs) par l'intermédiaire desquels le locuteur
s'inscrit dans l'énoncé :
a) les pronoms personnels qui désignent les instances du procès
d'énonciation (je/tu ou nous/vous) opposés à la troisième personne (il/ils)
qui désigne le réfèrent dont on parle.
« le terme je dénote l'individu qui profère renonciation, le terme tu l'individu
qui est présent comme allocutaire. » Par contre, la forme il n'est jamais réflexive
d'une instance de discours et peut « se combiner avec n'importe quelle
référence d'objet ».
b) Les déterminants qui organisent le monde de l'énoncé autour de
l'instance d'énonciation (mon N, ton N, ce N).
c) Les formes temporelles
Le paradigme des formes temporelles est partagé par Benveniste en
deux systèmes :
— Les temps du discours. Dans ce système, le point de repère qui sert à
ancrer les indications temporelles est le moment d'énonciation (moment
où je parle ou écrit). Centré sur le présent d'énonciation, le discours

(22) Pour J.-P. Bronckart (1985) « le concept de discours renvoie enfin à une entité plus large, celle de la formation
discursive à l'œuvre dans le texte, entité qui n'est appréhendable qu'en prenant en compte un ensemble de
paramètres de nature sociale ».

99
comprend le passé-composé, le futur simple, le futur antérieur, le
conditionnel mode, l'imparfait et plus-que-parfait (ex. : « aujourd'hui il pleut »).
— Les temps du récit. Dans ce système, l'ancrage se fait en disjonction
avec le présent de renonciation. Centré autour du passé-simple, le récit
comprend le plus-que-parfait, l'imparfait, le conditionnel temps, le passé
antérieur (ex. : « ce jour-là il sortit à quatre heures »).
Je rappelle que la catégorie de la « deixis » s'étendra par la suite (23)
aux modalisateurs puis aux actes de langage (interrogation, injonction)...
3) Propose une typologie des discours fondée sur la présence/absence,
la corrélation et la densité de ces indicateurs linguistiques, l'ensemble
reflétant un choix énonciatif possible entre deux attitudes élocutives : V
enonciation personnelle et renonciation historique.
i Qu'on se souvienne des définitions qu'en donne Benveniste :
« L'énonciation historique, aujourd'hui réservée à la langue écrite, caractérise
le récit des événements passés [...]. Il s'agit de la présentation des faits
survenus à un certain moment du temps sans aucune intervention du locuteur
dans le récit [...].
[...] Nous avons, par contraste, situé d'avance le plan du discours. Il faut
entendre discours dans sa plus large extension : toute enonciation supposant
un locuteur et un auditeur, et chez le premier l'intention d'influencer l'autre en
quelque manière [...].
On a pu établir, comme le proposent B. Combettes et J. Fresson
(1975) une typologie, non pas des textes mais des modes énonciatifs en
distinguant le cas où le locuteur se réfère « limpidement» à l'un ou à l'autre
des modes d'énonciation (« Nous désignerons par ce terme les textes que
leurs auteurs placent clairement dans le système du discours ou dans celui
du récit») et les cas où il « hésite» entre les deux. Appartiennent au récit
un conte merveilleux, un roman réaliste, une chronique historique...,
relèvent du discours correspondance, tracts politique ou syndical, recette de
cuisine, notice de montage... et la quasi-totalité des messages oraux. Sont
« hésitants » des textes aussi différents qu'un fait divers, un récit de vie, un
récit fantastique ou une rédaction d'élève.
Sans nier l'utilité pédagogique du modèle énonciatif de Benveniste
et de la typologie que l'on peut en dériver (24), il faut bien reconnaître qu'il
pose des problèmes théoriques, au point qu'il a été nécessaire de le réviser.
« Le linguiste moyen ne peut à ce stade manquer d'être surpris par la bonne
faveur d'une hypothèse — à peine retouchée par Harald Weinrich et, encore
une fois, avec le succès que l'on connaît — qui n'a jamais été soumise à une
vérification tant soit peu serrée, dont la séduisante simplicité dissimule mal la
faiblesse , voire les contradictions » (M. Wilmet, (1979)).
C'est pourquoi les linguistes (25) se sont attachés à reformuler la
notion même d'énonciation et à affiner le paradigme des indicateurs
linguistiques. Ce qui se traduira par un élargissement du domaine d'application
de cette nouvelle base typologique.

(23) E. Benveniste (1970).


(24) A condition de ne pas en faire — comme c'est le cas dans de nombreux manuels — un usage mécanique
et réducteur (cf. J.-P. Laurent, 1982).
(25) Voir en particulier C. Kerbrat-Orecchioni (1980) et G. Kleiber (1986).

100
«Autrement dit, ce n'est plus seulement le moment d'énonciation, l'endroit
d'énonciation et les participants (locuteur et interlocuteur) à renonciation qui
forment le cadre déictique mais également les objets résidant dans la situation
d'énonciation » (G. Kleiber (1986)).
Comme ces objets peuvent avoir une présence physique ou mentale,
l'élargissement du cadre déictique sera théorisé sous la forme de ce que
A. Berrendonner (1986) appelle la «mémoire discursive» de l'énonciateur
et les « savoir partagés » entre l'émetteur et le récepteur. Certains linguistes
iront jusqu'à étendre l'empan de la deixis à la situation anaphorique.
Opération qui conduira à distinguer une deixis « indicielle » ou « contextuelle »
(renvoi à l'extra-linguistique comme dans « II part avec cette fille ! » d'une
deixis « anaphorique » ou « co-textuelle » (renvoi à du co-textuel) (26). Ce
dernier peut être explicite (ex. : « Grand-mère a vécu centenaire. L'/Cette
ignoble créature... » (27)) ou implicite (ex. : « II a sonné à la porte, le voisin
ne lui a pas ouvert ») (28).
En fonction de quoi il a été nécessaire d'une part de corriger la liste
des indicateurs déictiques de Benveniste et d'autre part de les sous-catégo-
riser :
— en déictiques « transparents », c'est-à-dire qui comportent l'instruction
d'aller chercher dans la situation extra-linguistique ce qu'ils désignent,
ex. : « Je viens tout de suite » (par qui et quand ce message a-t-il été
écrit ?), ex. : « // est sorti » (réponse à la personne venue le chercher).
— en déictiques « opaques », c'est-à-dire susceptibles d'un emploi aussi
bien déictique qu'anaphorique.
C'est ainsi que F. Atlani (1984) a montré que on est un indicateur
« opaque » qui peut être déictique (dans ce cas on = je (ex. : « Que veux-tu,
on a sa fierté » ; on = nous (ex. : « On va bien s'amuser ») ; on = tu ou
vous, assorti d'une intonation (ex. : « Alors, on a fini par venir! »)) ou
anaphorique (dans ce cas on = /7s (ex. : « On se moque de nous »)). Polyphonie
de cet élément qui explique l'usage discursif qu'en font la presse (pour les
récits de faits divers, voir A. Petitjean (1987)) ou les écrivains réalistes.
Dans le même sens, encore, A.-M. De Both-Diez (1985) a montré que
le passé composé est un temps bifide. Déictique ou encore discursif (le seul
que reconnaisse Benveniste), il se réfère à un fait passé, achevé au moment
où l'on parle ou écrit mais supposé exercer une influence, avoir un écho
dans la situation d'énonciation. D'où son usage dans les passages de
commentaires et d'évaluations qui peuvent interrompre un récit au passé
simple (cf. les autobiographies réelles ou fictives, les récits fantastiques,
l'ouverture et la fermeture des faits divers...). Historique, le passé composé
se réfère à un fait disjoint par rapport au moment où on l'énonce. Comme
le passé simple dont il est l'équivalent, le passé composé historique
représente une action de premier plan et ancre l'énoncé dans un monde donné.
On le trouve dans les récits ordinaires qu'ils soient oraux ou écrits.
On peut trouver des textes (ex. : L'Etranger de Camus) ou des genres
(ex. : le fait divers) qui mélangent ces deux passés composés.

(26) Sur les rapports entre « deixis » et « anaphore » voir G. Kleiber (1986 a et b) et M.-J. Reichler-Béguelin (1988).
(27) Sur la reprise de UN N par le N/Ce N, voir G. Kleiber (1987).
(28) Cas de renvoi à une entité non-exprimée dans le co-texte mais inférable à partir des connaissances du monde
(la porte de la maison d'à côté où habite un homme...).

101
Voici ce que j'écrivais (A. Petitjean (1987)) à propos du passé composé
dans les faits divers :
« Temps à « deux visages », le passé composé peut être employé discursive^
ment ou historiquement. Quand il est discursif, le passé composé indique que
l'état des choses référé est antérieur au moment de renonciation mais associé
à lui dans un monde actuel Uo et fait système avec les adverbes de discours.
Il se caractérise par le fait que le procès exprimé appartient à un passé si proche
que la « limite finale du procès est quasiment confondue avec le présent
effectif ». Ils « ont été cueillis », ils le sont encore, ils « ont été placés en garde à
vue », ils le sont toujours. Dans ce cas, le passé composé ne peut être remplacé
par un passé simple (* Les « cinq damnés de la Sarthe... furent finalement
cueillis dimanche matin »). Quand il est historique, le passé composé place la
situation à laquelle se réfère l'énoncé dans un monde passé U1 si bien qu'on
le trouve fréquemment comme temps servant au déploiement des noyaux
narratifs. »

Dans le même sens enfin, Catherine Kerbrat-Orecchioni (1980) a


retravaillé les localisateurs temporels et spatiaux. Les temporels sont classés :
1) Selon qu'ils réfèrent au moment de renonciation (To) dans un
espace-temps co-extensif à l'instance du je ou configurent un monde de
l'énoncé disjoint de To.
2) Selon qu'ils traduisent l'opposition
simultanéité/antériorité/postériorité ou qu'ils sont indifférents à cette opposition (neutre).

Relatifs au cotexte
Déictiques Référence : y exprimé
Références : To dans le cotexte
Simultanéité En ce moment ; A ce moment-là ;
maintenant alors
Antériorité Hier ; l'autre jour ; La veille ;
la semaine passée (dernière) ; la semaine précédente ;
il y a quelques heures ; quelques heures plus tôt ;
récemment peu avant
Postériorité Demain ; Le lendemain ;
l'année prochaine ; l'année suivante ;
dans deux jours ; deux jours plus tard ;
dorénavant ; peu après ;
bientôt ; prochainement dès lors
Neutres Aujourd'hui ; Un autre jour
lundi (= « le lundi le plus
proche, antérieur ou
postérieur, de To ») ; ce
matin, cet été ; tout à l'heure

Les spatiaux sont des unités qui correspondent à différents


découpages de la spatialité : verticalité (haut/bas), horizontalité (à gauche/à droite),
distance (ici/là-bas)... Les unes sont dépendantes de la position de l'énoncia-
teur (devant/derrière), les autres ont une référence absolue (là).
Une autre thèse de Benveniste a été radicalement contestée, celle qui
consiste à envisager la possibilité d'une énonciation « limpide » de type récit
caractérisée par Benveniste par l'absence « d'aucune intervention du locu-

102
teur ». Or, dans la mesure où tout énoncé présuppose toujours quelqu'un
qui l'énonce, comme l'écrit O. Ducrot (1972).
« II devient impossible d'admettre l'existence d'une histoire au sens de Benve-
niste, sinon comme l'horizon d'attente mythique de certains discours. »

C'est pourquoi je dirais que la majorité des textes de type récit relèvent
en fait d'une énonciation « mixte ». Ce phénomène d'interférence entre les
deux registres est d'autant plus visible que la sémantique, la pragmatique
ou l'analyse de discours ont élargi le paradigme des indicateurs
linguistiques de la présence de l'émetteur et du récepteur.
— Voir C. Kerbrat-Orecchioni (1980) qui propose, à côté des déictiques une
classe qu'elle appelle subjectivèmes, elle-même subdivisée en axiolo-
giques et en modalisateurs. Les premiers (noms, adjectifs, verbes...) sont
des unités lexicales qui, en même temps qu'elles énoncent les propriétés
d'un objet, indiquent les réactions de l'énonciateur face à cet objet (ex. :
le garçon vs le garnement). Les seconds servent à informer le
destinataire sur la façon dont il adhère au contenu de ses propos. Ceux-ci
peuvent être assertés comme vrais (assurément, évidemment, penser que...),
incertains (peut-être, sans doute, craindre que...), relatifs (dans un sens,
à certains égards...), etc.
— Voir 0. Ducrot (1980 et 1984) qui montre :
1) Qu'en admettant l'hypothèse que la modalité déclarative est « élo-
cutionnairement neutre », les autres types de phrases (interrogative, impéra-
tive, exclamative, négative) manifestent l'engagement énonciatif du locuteur
et de son destinataire.
2) Que de nombreux connecteurs (« mais », « même »...) sont autant
d'instructions données au récepteur sur l'orientation argumentative de son
propos.
— Voir 0. Ducrot encore (1984) qui, à l'aide de son concept de polyphonie
affine la notion d'énonciateur (29) et explicite le fonctionnement des
discours rapportés et des discours ironiques.
— Voir M. Bakhtine (1978) pour qui un texte est « polyphonique » au sens
où aucun mot qu'il utilise n'est « neutre» mais toujours chargé des
discours « où // a vécu son existence socialement sous-tendue ». C'est ainsi
que l'énonciateur peut incorporer un registre discursif différent du sien
(parlé jeune, familier, réactionnaire, branché...) (ex. : « II avait un plan
d'enfer pour la soirée ») ou renvoyer à un interdiscours soit spécialisé
(« N comme disent les psychologues ») soit idiolectal (« N comme disait
ma grand-mère »).
— Voir J. Authier (1984) qui, à l'intersection de Ducrot et de Bakhtine,
théorise les formes « d'hétérogénéité montrée » (30) et plus spécialement
l'usage des guillemets (1981).

(29) Aprimaire/co-relier
rapporté de L.aux
Danon-Boileau
oppositions entre
(1982)auteur/narrateur/personnage
et à une relecture des concepts
de J. Peytard
de « voix
(1982),
», « mode
de narrateur
» et « perspective »
issus de la narratologie (cf. J. Lintvelt, 1982).
(30) « Je distingue dans cet ensemble les formes marquées, repérant la place de l'autre par une marque univoque
(discours direct, guillemets, italiques, insert de glose) et les formes non marquées du montré où l'autre est
donné à connaître sans marquage univoque (discours indirect libre, ironie, pastiche, imitation... » (1984).

103
— Voir M. Pêcheux (1975) et P. Henry (1977) qui décrivent les coups de
force discursifs que permettent d'effectuer les nominalisations, les
présuppositions, les relatives...

— Voir J. Dubois (1969) et ses notions de distance, modalisation,


transparence et tension telles qu'elles seront réutilisées à des fins typologiques
sur les discours politiques (L. Courdesses (1971)).

On pourrait rajouter le rôle des performatifs, de la connotation, de la


modalité verbale, de l'usage de la graphie... si bien que, comme l'écrit
R. Martin (1988).

« [...] la situation extrême où rien du narrateur ne paraît, n'est jamais durable.


Il y suffit de quelque modalité du plus tenu des commentaires, de la plus
discrète des comparaisons pour que le narrateur, un moment oublié, montre à
nouveau le bout de l'oreille. Pour être invisible, le narrateur n'en est pas moins
présent [...]. »
II serait malgré tout, d'un point de vue didactique, judicieux de
distinguer les plans d'énonciation des modes d'engagement du locuteur dans
son énoncé.

1) Au niveau du plan d'énonciation, l'énonciateur a, comme on l'a


vu, la possibilité de choisir s'il repère son propos par rapport au moment
de renonciation (énonciation déictique ou de type discours comme dans le
texte A), par rapport à un moment de l'énoncé disjoint du moment
d'énonciation (énonciation anaphorique ou de type récit comme dans le texte B)
ou en mixant les deux plans (texte C).
Texte A) : « J'ai trouvé dans l'avenue, hier matin, un petit étourneau tombé du
nid, mais bien près de pouvoir voler. Tandis que j'écris à présent, il est là tout
près de moi, sur la table, ou plus exactement, entre les doigts de ma main
gauche, qui maintiennent ce carnet... » A. Gide, Journal.
Texte B) : « Vers le soir, à l'heure où l'ombre gigantesque de la villa emplissait
la terrasse, le comte Axel quitta sa bibliothèque, descendit le vaste escalier
rococo et s'alla promener parmi les fleurs du temps ». JG. Ballard. Le jardin
du temps.
Texte C) : « Ma mère m'aimait. Elle était névrosée, envahissante et bourrée de
traditions bourgeoises. Son « amour » m'inonda, m'accompagna dans mes
moindres déplacements, et gagna même ma pensée : il me névrosa. C'était
une mère modèle, exemplaire, omniprésente. Elle voulait un enfant modèle,
exemplaire : elle l'obtint à coup de chantage à l'amour, à la sagesse, à
l'obéissance. Tout petit, quand je n'étais « pas sage », quand mon agressivité
vagabondait et jouissait, pour me faire revenir dans le « droit chemin », elle me
boudait, refusait son affection et créait en mois l'insécurité affective. Et j'ai pris
l'habitude d'avoir peur de ce manque d'affection maternelle, et j'ai pris
l'habitude de ne plus oser ; j'ai refoulé mon agressivité ; j'étais devenu sage. Le
dressage était terminé, il fallait le cultiver. A l'école, j'étais docile, donc
studieux, bon élève et évidemment bien classé. J'ai trouvé là ma seconde
défense : la réussite scolaire. Ma mère renchérit : elle me vanta, me fit croire
à mon intelligence et s'installa bien gentiment en moi, jour après jour, un
préjugé de supériorité (Extrait d'un courrier des lecteurs).

2) Au niveau des modes d'engagement du locuteur dans son énoncé,


seront appelés textes objectivants les textes (cf. texte D) pauvres en
indicateurs énonciatifs (axiologiques, modalisateurs...) et textes subjectivisants (cf.
texte E) les textes saturés par la présence de ces marques.

104
Texte D) : A cette même heure, dans le bureau des sous-chefs, Roubaud
commençait à sommeiller, au fond du vieux fauteuil de cuir, d'où il se levait vingt
fois par nuit, les membres rompus. Jusqu'à neuf heures, il avait à recevoir et
à expédier les trains du soir. Le train de marée l'occupait particulièrement :
c'étaient les manœuvres, les attelages, les feuilles d'expédition à surveiller de
près. Puis, lorsque l'express de Paris était arrivé et débranché, il soupait seul
dans le bureau, sur un coin de table, avec un morceau de viande froide,
descendu de chez lui, entre deux tranches de pain. Le dernier train, un omnibus
de Rouen, entrait en gare à minuit et demi (E. Zola, La Bête Humaine).
Texte E) : Nous manipulons des forces qui dépassent de plus en plus notre
capacité d'adaptation. La bombe atomique, par exemple... On connaît
parfaitement les résultats de son emploi sur une ville (devrais-je dire « sur un objectif
civil»?). On a vu des films sur Hiroshima, sur Nagasaki. Mais cela nous
empêche-t-il de continuer à fabriquer des bombes de plus en plus grosses, de
plus en plus meurtrières, qui vont de plus en plus loin, de plus en plus vite?
Quand je dis nous, je veux dire nous et les autres, évidemment... seulement il
est difficile d'oublier que c'est bien nous qui avons commencé. De toute façon
l'histoire que j'ai à raconter n'a rien à voir avec la bombe atomique. Il s'agit
d'une expérience faite dans le cadre d'une recherche absolument pacifique.
Oh ! je sais bien que la conquête de l'espace... Mais en l'occurrence il serait
difficile de trouver une utilisation militaire au translateur temporel de l'équipe
du professeur Bowman. Oui, c'est bien de cela qu'il s'agit : un translateur
temporel. La machine à voyager dans le temps. Wells. La science-fiction... En réalité
la machine de Bowman n'a rien à voir avec ce qu'on a pu lire à ce sujet dans
les romans d'imagination. D'abord c'est un prototype et rien n'indique encore
qu'elle ne restera pas à l'état de prototype, avant d'être mise définitivement
sous le boisseau. Et dans un certain sens, à cause de ce qui m'est arrivé, il se
pourrait bien que la relation de mon aventure, si je me décide à parler, soit
pour quelque chose dans la décision d'arrêter les recherches. Mais j'anticipe...
Quand je repense à ce voyage (il n'y a pas encore d'autre mot que « voyage »
pour cela), je me dis que j'aurais mieux fait de me casser une jambe ce jour-là...
Oui, mais si je n'étais pas parti ! Et c'est là que je bute à nouveau sur l'énigme
que représente ma performance. Elle pose tant de questions physiques,
morales, biologiques, philosophiques, juridiques même, que je ne peux m'empêcher
de penser que nous avons mis en branle des forces qui... Oh ! Rassurez-vous...
Je ne vais pas pousser le petit couplet sur les recherches interdites, sur le
« domaine réservé au Créateur ». Premièrement, je ne suis pas croyant (et je
vous assure que ce n'est pas une position aussi facile à tenir que cela) ;
deuxièmement, je suis fermement pour le progrès, dans toutes les directions. Mais
le voyage dans le temps... Si le mot génie peut encore s'appliquer à quelqu'un,
de nos jours, c'est bien au professeur Alfred Bowman. Je sais que toute
découverte scientifique d'importance est le fait d'une équipe, mais qui dit une équipe
dit aussi quelqu'un pour la diriger. Et, incontestablement, Bowman est
« quelqu'un ». Je sais aussi que je vais paraître partial en disant cela, car sans
le professeur Bowman je ne sais pas ce que je ferais aujourd'hui... (J.-P. Andre-
von, Un petit saut dans le passé).
A2. L'après Benveniste du point de vue des typologies énonciatives
On n'a pas manqué de relever dans la démarche de Benveniste
certains « points aveugles » qui font problème :
— Comment classer les textes écrits au passé simple et à la première
personne?, les fictions du Nouveau Roman qui bien qu'écrites au présent
ne sont pas des discours? Les textes théoriques écrits au présent?
— Comment, en affirmant que renonciation historique « caractérise le récit
des événements passés » rendre compte de l'usage du passé simple
dans les romans de science-fiction?
On trouve des éléments de réponse à ces questions dans les
typologies élaborées par J. Simonin (1975, 1984) et par J.-P. Bronckart (1985).
Pour des raisons de place, je me limiterai à l'apport de la première.

105
Le critère essentiel retenu pour établir le classement des textes est,
comme chez Benveniste, l'ancrage, c'est-à-dire le point de départ en fonction
duquel un énoncé est produit. En fonction de quoi J. Simonin distingue non
plus deux mais cinq modes majeurs d'ancrage : le discours, l'histoire, le
discours indirect (31), les textes théoriques (32), les textes poétiques.

Etant à la recherche d'hypothèses résolutives des problèmes


précédemment mentionnés, je réserverai l'analyse aux deux premiers modes.

On appellera discours les textes dans lesquels le repérage dit déic-


tique se fait par rapport à la situation d'énonciation. A condition de définir
cette dernière comme le contexte non verbal constitué de toutes les données
matérielles partagées par le locuteur et l'allocutaire dans l'ici-maintenant de
renonciation mais aussi de l'ensemble des connaissances encyclopédiques
et culturelles qui forment le savoir « partagé » des participants à
renonciation. En fonction de quoi on peut distinguer, d'une part les discours oraux
(textes dans lesquels les paramètres sélectionnés étant perceptibles par les
énonciateurs sont co-présents le plus souvent implicitement (ex. : on ne
verbalise pas dans une conversation orale l'environnement énonciatif sauf
à en faire un objet de la conversation)), d'autre part, les discours écrits.
Parmi ces derniers on distinguera d'une part ceux pour lesquels les
paramètres situationnels demeurent implicites. Dans ce cas ils nécessitent un savoir
situationnel partagé, sinon ils risquent d'être incompréhensibles (ex. :
« Tous à la manif le 24 » n'aura de sens que si le destinataire de cette
inscription murale sait de quelle manifestation il s'agit (organisateurs, motifs,
lieu...) et s'il effectue sa lecture avant la réalisation de l'événement. D'autre
part les écrits (ils sont majoritaires) dans lesquels les paramètres
situationnels sont explicites (de la date et de la signature d'une lettre à la
verbalisation d'éléments situationnels divers). La transformation en texte de ces
éléments référentiels explique que dans le texte écrit le rôle du cotexte tient
une place importante, d'autant plus grande s'il s'agit d'un fexfe de fiction.
En effet, alors que dans les fextes référentiels (article de journal,
correspondance...) le repérage se fait par rapport au moment extra-linguistique de
l'acte d'énonciation (ex. : une phrase comme « Le Premier Ministre a parlé »
dans un journal français daté du 15 avril 1989 ne peut désigner que Michel
Rocard), dans les textes de fiction le repérage s'effectue bien souvent par
rapport à des coordonnées référentielles construites par le texte lui-même
(33) (une phrase comme « Le Premier Ministre prit la parole... » ne sera
possible dans un roman que si, dans le cotexte avant ou arrière, le scripteur
aura posé un monde dans lequel il existe un premier ministre...).

(31) Un énoncé peut être primaire (énonciateur auteur ou narrateur) ou rapporté (parole de personnages). Dans
ce cas il a la forme d'un discours direct (énonciation déictique) ou du style indirect (énonciation anaphorique)
ou être ambigu discours direct libre (énonciation déictique) ou style indirect libre (énonciation anaphorique).
(32) Des énoncés comme « L'eau bout à 100° » ou « On a toujours besoin d'un petit poids chez soi » (publicité
:

possible pour un club de musculation) ne relèvent ni d'une énonciation déictique ni d'une énonciation
anaphorique et se caractérisent (voir les discours théoriques) par l'usage d'un temps présent à valeur « Quel
que soit T », de déterminants définis à valeur générique... Y a-t-il dans le discours théorique, dans certains
commentaires philosophiques, dans les récits réalistes... un plan d'énonciation particulier? Ce serait là l'objet
d'une recherche à mener...
(33) A l'aide de descriptions qui précisent l'espace-temps de l'histoire (cf. J.-M. Adam et A. Petitjean (1989), le
texte de fiction élabore son propre univers de référence et c'est pourquoi on a pu dire qu'il a un auto-référent,
ce qui ne signifie pas absence de référence.

106
On appellera histoire les textes dans lesquels le repérage dit anapho-
rique s'effectue non par rapport à la situation d'énonciation mais par rapport
à un moment de l'énoncé (en ce temps, là-bas...). Ce que Benveniste
décrivait quand il disait que dans ce cas les événements semblent se raconter
d'eux-mêmes. J. Simonin prend par contre ses distances avec Benveniste
en refusant de réduire renonciation historique au « récit des événements
passés » et montre que, là encore, il faut distinguer textes référentiels et
textes fictionnels. Avec les premiers (récit de fait divers, chronique
historique...), les événements étant considérés comme « réels » ils ne peuvent être
que passés par rapport au moment où ils sont racontés, que renonciation
soit déictique ou anaphorique. Avec les seconds, quel que soit le genre de
la fiction (roman réaliste, de science-fiction, nouveau roman) on voit très
bien qu'il ne faut pas confondre l'époque de l'énoncé et le temps référentiel.
Ainsi, que le temps verbal soit le passé simple (cf. l'incipit de La Bête
Humaine (« En entrant dans la chambre, Roubaud posa sur la table... ») ou
celui de Dune de F. Herbert (« Durant la semaine qui précéda le départ pour
Arrakis... ») ou le présent (cf. l'incipit de La Jalousie de Robbe-Grillet
(« Maintenant l'ombre du pilier — le pilier qui soutient l'angle sud-ouest du
toit — divise en deux parties égales... »), il s'agit de temps anaphoriques
dans la mesure où les actions sont présentées comme disjointes avec le
moment de renonciation.
Conformément au travail de remodelage de la déixis temporelle ou
personnelle, précédemment signalé, on comprend mieux que certains
indicateurs, uniquement déictiques chez Benveniste, soient en fait susceptibles
d'être utilisés dans les deux systèmes.
— C'est ainsi que maintenant, déictique signifie « aujourd'hui » dans
une énonciation de type discours et « alors » dans une énonciation
anaphorique (ex. : « Maintenant l'ombre du pilier... » (Robbe-Grillet) ; « Le taxi
s'éloigna et William leva de nouveau les yeux vers les deux jeunes femmes
qui entendaient maintenant les pas de... » (Doris Lessing).
— C'est ainsi que le présent déictique est totalement étranger au présent
anaphorique (présent historique), ce dernier que l'on trouve aussi bien
dans une fable, un fait divers, un nouveau roman est équivalent au passé
simple.
— C'est ainsi que je représente bien l'énonciateur mais qu'il peut être utilisé
dans une énonciation anaphorique pour désigner un personnage (ex. :
« Selon la coutume, /embrassai M. Chantai [...] et je fis... » (Maupas-
sant)). On sait que les genres narratifs qui veulent accréditer la vérité de
leur assertion « sérieuse » (mémoires) ou « fictives » (autobiographie,
fantastique, science-fiction) alternent des séquences actionnelles
effectuées par le je personnage dans une énonciation anaphorique et les
passages commentatifs du je narrateur à l'intérieur d'une énonciation
déictique.

3.2.2. Les typologies communicationnelles


« Comprendre un discours, saisir « l'intention qui s'y exprime » ce n'est pas —
ou pas seulement — extraire ou reconstituer des informations pour les intégrer
à ce que l'on connaît déjà : c'est identifier la fonction de cette information dans
la situation de discours où elle est produite » (Jean Caron (1983)).

107
« En tant qu'objet « empirique », un discours est un énoncé ou une énonciation
de nature verbale qui a des propriétés textuelles et qui doit en outre être
caractérisé contextuellement, en tant qu'acte de langage ou de discours accompli
dans certaines conditions de communication » (Dominique Brassait (1987)).
« On s'apercevra alors que tout discours dépend de circonstances de
communication particulières et que chacune de ces circonstances est le produit d'un
certain nombre de composantes qu'il faut essayer d'inventorier. Dès lors on
pourra établir une relation étroite entre ces composantes et les caractéristiques
des discours qui en dépendent. On pourra donc fonder une typologie des
discours sur les composantes du procès de communication » (Patrick Charau-
deau et Anne-Marie Houdebine (1973)).
« [...] Les discours explicatifs servent lorsqu'un dysfonctionnement lié à la
compréhension d'un phénomène quelconque apparaît dans l'interaction et la
perturbe» (J.-F. Halte (1988)).
Comme l'indique ce petit montage de citations, le second foyer
conceptuel, qui détermine un type de discours, se théorise sous la forme
d'une intention communicationnelle ou d'un macro-acte de langage (34).
A l'origine des typologies communicationnelles ou fonctionnelles, outre
K. Bùhler et Ch. Morris (35), il y a bien sûr le travail de R. Jakobson (1960).
L'hypothèse de Jakobson a consisté à réduire la diversité des
échanges sociaux sous la forme d'un modèle de la communication construit
à partir des paramètres présents dans un procès de communication :
l'émetteur, le destinataire, le contexte de référence, le code commun à
l'émetteur et au destinataire, le canal de transmission et le message réalisé.
A ces six composantes d'un acte de communication Jakobson associe six
fonctions principales :
— La fonction référentielle. Orientée vers le contexte elle a une visée
expositive et on la trouve à la base aussi bien des discours narratifs,
descriptifs qu'informatifs (ex. : « Hier, Paul n'est pas sorti »).
— La fonction émotive. Centrée sur le producteur du message, elle
manifeste « l'expression directe de l'attitude du sujet à l'égard de ce dont il
parle ». Elle utilise des moyens expressifs variés (intonation,
exclamations, emphase...) mais aussi les « subjectivèmes » de C. Kerbrat-
Orecchioni (ex. : « Moi, je pense que c'est bien »).
— La fonction conative. Centrée sur le destinataire, elle inscrit ce dernier
dans le message au moyen de tournures impératives et d'injonctions
diverses (ex. : « Tu montes dans ta voiture et tu arrives
immédiatement »).
— La fonction phatique. Centrée sur le maintien du contact entre l'émetteur
et le destinataire elle se manifeste dans des formules ritualisées (ex. :
« Allô »).
— La fonction métalinguistique. Centrée sur le code, elle permet aux
interlocuteurs de métacommuniquer sur les mots qu'ils emploient (ex. :
« Les N, je veux dire... »).

(34) Dans les limites de cet article je ne prendrai pas en compte les typologies d'énoncés élaborées à partir des
actes de langage (déclaratifs, interrogatifs, exclamatifs, impératifs, performatifs... (cf. pour un travail récent
P. Charaudeau (1983) et D. Vanderveken (1988)). Je souligne simplement que des types de discours seront
dérivés à partir des macro-actes et que les typologies fonctionnelles emprunteront souvent des concepts à
la philosophie analytique d'Austin (1970) ou de Searle (1972, 1979) tels que force illocutoire, effet perlocutoire,
acte directif, acte de langage directif...
(35) C'est ainsi que Ch. Morris déjà en 1946 proposait une classification fonctionnelle de ce qu'il appelle les
« types majeurs de discours ».

108
— La fonction poétique. Centrée sur le message elle « met en évidence le
côté palpable des signes » en les utilisant aussi bien pour leur sens
(signifié) que pour leur forme sonore ou graphique (signifiant) (ex. : « Un
Vaquet ça va, Devaquet bonjour les dégâts »).
Jakobson ajoute qu'« // serait difficile de trouver des messages qui
rempliraient seulement une seule fonction. La diversité des messages réside
non dans le monopole de l'une ou de l'autre fonction, mais dans les
différences de hiérarchie entre celles-ci. La structure verbale d'un message
dépend avant tout de la fonction prédominante. »
C'est cette notion de « fonction prédominante » qui, en dépit de
nombreuses critiques adressées au modèle de Jakobson (36), servira, par
dérivation, à l'élaboration d'une typologie de textes et de discours.
— Textes référentiels. Tous les textes « objectivants » : plaque
commémorative, extrait d'une carte Michelin, annonces journalistiques,
procès-verbal...
— Textes expressifs. Tous les textes qui manifestent un point de vue, une
émotion... : billet d'humeur, évaluation dans un récit, commentaires,
journal intime, poésie lyrique...
— Textes conatifs. Tous les textes directifs ou prescriptifs qui agissent sur
autrui ; lettre publicitaire, tract politique, mode d'emploi, fable, littérature
« engagée »...
— Textes phatiques. Tous les textes qui facilitent le contact : lettre à en-tête,
formule de politesse, conversation sur le temps du jour...
— Textes métalinguistiques. Tous les textes qui réfléchissent sur la langue
ou sur les textes : article de dictionnaire, ouvrage critique, commentaire
composé...
— Textes poétiques. Tous les textes où la langue est prise moins comme
un moyen que comme un objet : message publicitaire, slogans
politiques, comptines, poèmes, jeux d'écriture...
D'autres typologies ont été dérivées de Jakobson en exhaussant
comme base typologique l'un des six facteurs de la « situation canonique ».
— J. Peytard (1982) distingue « trois types de messages» en fonction du
canal de transmission utilisé :
1) Les linguistiques. Ils se réalisent soit dans « l'ordre de l'oral»
(conversation en face à face, conversation téléphonique...) soit dans « l'ordre
du scriptural» (lettre, tract, affiche, journal quotidien...).
2) Les non-linguistiques. Ils sont assurés « par des moyens qui
n'appartiennent pas au langage naturel» (feux de la circulation, mime,
symphonie musicale, tableau...).
3) Les mixtes. Cette mixité peut s'opérer entre les deux ordres du
linguistique (cours du professeur qui parle et écrit au tableau) ou entre le
linguistique et le non-linguistique (ex. : bande dessinée, mise en scène
théâtrale).

(36) Voir en particulier celles de F. Flahaut (1978) reprises par F. Vanoye (1983) auxquelles je rajouterai des
critiques textualistes. Ex. : comment discriminer dans les textes référentiels les textes narratifs des
descriptifs ?

109
J. Peytard ajoute qu'il existe des messages qui sont le produit d'un
transcodage d'un ordre à l'autre (ex. : oralisation) par l'acteur d'un texte
dramaturgique vs prise de notes ou compte rendu à partir d'un exposé oral
ou d'un débat). , , n IU J? j,. 6
— P. CharaudearrerffrTvT. Houdebine (1973) croisent les critères émetteur-
destinataire-canal pour construire la typologie suivante (37).

Composantes de Situation Echange


communication Présence TU unique Distance possible Canal oral
Types du TU +/- JE/TU commune
+/- +/- graphique
de discours
- Conversation « banale » . .
- Conférence
— Interview
- Reportage
- Chronique journalistique .
- Lettre
- Rapport, etc

Je proposerai de réserver l'appellation de types de messages à cette


seule base typologique.
— E.-U. Grosse (1976) établit une classification des textes en rapport avec
une fonction dominante et/ou un acte de langage dominant.

Classes de textes Fonction textuelle Exemple


1 ) Textes normatifs Fonction normative Lois, chartes, traités, procurations,
actes de naissance et de mariage
2) Textes de contact Fonction de contact Lettres de félicitations,
messages de condoléances
3) Textes adressés Fonction régulative Chansons de groupe
à des groupes
4) Textes Fonction Journal intime, biographie,
autodescriptifs autodescriptive autobiographie
5) Textes incitatifs Fonction de requête Annonce publicitaire, programme d'un
parti, pétition, commentaire journalistique
6) Textes Fonction de transfert Nouvelles, prévisions météorologiques,
informatifs d'information textes économiques

— H. Isenberg (1984) croise les deux critères que sont l'attente dominante
du récepteur et le but communicationnel dominant qui gouverne la
production du discours.

(37) Voir aussi J. Peytard (1971) : « Pour une typologie des messages oraux

110
Nom du type Critère global But fondamental
de textes d'évaluation d'interaction Exemples de textes

Gnosogène Adéquation Obtention d'un gain Monographie,


théorique de savoir social article scientifique
Copersonnel Correction Création de Conversation
interpersonnelle rapports humains quotidienne,
lettre privée
Ergotrope Efficacité objective Maîtrise d'une Notice de montage,
problématique lettre d'affaire,
objective reportage, leçon
Calogène Fonctionnalité Développement de Roman, drame,
esthétique la fantaisie sociale conte, roman
policier
Religiotrope Caractère Réalisation de la Sermon, prière,
d'événement maîtrise religieuse confession
religieux de la vie religieuse
Ludophile Plaisir momentané Obtention d'un Devinette, jeu de
plaisir collectif conversation, jeu
d'oracle

La matrice théorique de Jakobson a fait école aussi dans les études


des textes relevant du domaine de la littérature.
« [...] tout acte discursif fait au moins cinq choses différentes, que les
théoriciens de l'information ressassent sous la forme d'une question devenue
célèbre : "Who says what, in which channel to whom with what effect?" (« Qui
dit quoi, par quel canal, à qui et avec quel effet? ») [...] En regardant de plus
près la formulation de la question, on voit que trois sous-questions concernent
les conditions de l'acte communicationnel ou son cadre communicationnel (qui
parle, à qui et avec quel effet?), alors que les deux autres concernent le
message réalisé, c'est-à-dire le texte au sens étroit du terme (qu'est-ce qui est
dit et comment?) » (J.-L. Schaeffer (1989)).
Pour ce qui concerne l'acte communicationnel, J.-L. Schaeffer
distingue des genres :
1) Selon le statut de l'énonciateur (énonciateur réel (pamphlet),
énonciateur fictif (G/7 Bias)).
2) Selon le statut de l'acte d'énonciation (énonciation « sérieuse »
(lettre ordinaire) vs énonciation « fictive » (roman par lettres) sachant qu'il
peut exister des énonciations sérieuses à énonciateur fictif (pamphlet
couvert par un pseudonyme).
3) Selon le statut du destinataire (il peut être déterminé) (lettre, prière,
épigramme) ou indéterminé (roman) ; il peut être réflexif (journal intime)
ou transitif (roman, conte...).
4) Selon le moyen physique de son effectuation (genres qui relèvent
de l'oralité (conte) ou de la scripturalité (roman).
Au niveau de l'acte communicationnel encore, C. Kerbrat Orecchioni
(1984) montre que le genre théâtral se caractérise par un emboîtement
d'instances émettrices (auteur/personnage/acteur) et réceptrices (acteur/
personnage/public).

111
Pour ce qui concerne le message réalisé, certains poéticiens ont
dérivé de la fonction poétique le concept d'autotélicité qui, sous des formes
différentes, a été utilisé pour construire le concept de littérarité (voir les
théories suivantes : « clôture de l'énoncé» (M. Arrivé (1969)) ; « fexfe
polyisotopique » (M Arrivé (1976)) ; « langage de connotation » (R. Barthes
(1970)) ; « système modélisant secondaire » (I. Lotman (1973)) ; «
potentialité de polyfonctionnalité » (S.J. Schmidt (1973)...) (38).

Avec la montée des travaux des pragmaticiens, des interactionnistes


et des éthnométhodologistes (Goffman, Gumperz, Halliday, Hymes... (39)
mais aussi celui, plus hexagonal, de l'analyse du discours, la configuration
de la situation de communication et de ses inter-actants a été complexifiée
et élargie à une compétence idéologique et culturelle et à des
surdéterminations psychiques (40).

Désormais :
« la "matrice " communicationnelle proposée est d'une grande complexité
puisqu'elle prétend intégrer "tous" les éléments constitutifs et modélisants
d'une communication donnée en positionnant les locuteurs comme les lieux
d'intégration de l'ensemble. Très puissante, cette modélisation est à considérer
comme un cadre, permettant de se représenter les tâches impliquées dans la
communication et d'éviter toute réductionnisme [...]. La compétence de
communication — terme entendu ici comme l'intégration de l'ensemble des
compétences linguistique, textuelle, discursive, classiquement repérées, mais
aussi des compétences culturelle, sociale, idéologique — se forme
génétiquement dans cette matrice complexe et (que), pratiquement, il faut en tenir le
plus grand compte » (J.-F. Halte) (1988).

A titre d'exemple, ce qu'écrit J. Valiquette (1979) :

« L'habileté à communiquer diffère donc de la simple habileté à utiliser un code


linguistique particulier : s'y ajoute l'habileté à utiliser ce code à bon escient,
selon les données de la situation [...]. Selon les situations, il faut être prêt
parfois, comme émetteur, à s'interroger sur les caractéristiques de
l'interlocuteur, son âge, son statut, son besoin en terme de réfèrent à lui soumettre, ou
encore sur le temps dont on dispose, l'aspect propice du moment, du lieu,
etc. ; tantôt, comme récepteur, à détecter les intentions de l'interlocuteur, à
évaluer la pertinence de ses arguments, à identifier les idées principales de son
propos, à préparer une réplique, etc. »

Cet élargissement du schéma de la communication s'est concrétisé


par la fabrication de taxinomies des fonctions que le langage exerce sur un
contexte social (41). Voici par exemple la typologie de fonctions élaborée
par J. Valiquette.

(38) Notion de littérarité qui n'est pas à confondre avec la théorie de la fiction telle que Searle (1979) l'a fondée
à partir d'un acte de langage. Hypothèse qui a été retravaillée par A. Reboul (1986), T. Pavel (1988), R. Martin
(1988), C. Jacquenod (1988) et plus récemment par G. Genette (1989). Y a-t-il une définition sémiotique et/ou
pragmatique de la fiction ? Nous y reviendrons dans un numéro de Pratiques consacré aux textes de fiction.
(39) Pour une synthèse voir C. Bachmann, J. Lindenfeld, J. Simonin (1981).
(40) Voir la reformulation du schéma de Jakobson proposée par C. Kerbrat-Orecchioni (1980, p. 19) ou celle
qu'opère M. Pêcheux (1969). On parle alors de compétence hétérogène (Labov), communicationnelle (Hymes),
spécifique et élargie (Slakta)...
(41) Voir M.A.K. Halliday (1975), J. Tough (1974), J. Wight (1976), J. Valiquette (1979)...

112
FONCTIONS

Expressive Transactionnelles
(centrée sur (centrée sur le récepteur)
l'émetteur)

i
Informative Conative

Persuasive Régulatoire Ludique

Voir aussi les trois types fondamentaux de « fonctions communica-


tives » proposées par W. Schmidt telles que les reformule B. Schneuwly
(1988).
« Trois types fondamentaux de "fonctions communicatives" y sont distinguées
(l'activité poétique est explicitement exclue) :
Informer : transmettre une connaissance ou des impressions à un destinataire :
le modèle interne de l'énonciateur est le point de départ de l'activité
langagière ;
Activer : faire agir un destinataire ou créer chez lui des attitudes ou des
attentes ; il s'agit d'influencer le destinataire dans un certain sens ;
Clarifier et expliquer un problème avec l'intention de rendre compréhensible
des processus, des découvertes, des relations.
J'ajouterai volontiers une quatrième fonction, celle de divertir : // s'agit d'une
fonction essentiellement émotionnelle ; l'activité langagière y correspondant
aurait pour but de décharger des énergies psychiques, de créer des liens étroits
dans un groupe donné en constituant des références culturelles communes
(des « histoires ») éventuellement de se mettre en scène... (B. Schneuwly
(1988)).
Malgré les mises en garde méthodologiques (une intention peut se
réaliser par l'intermédiaire de plusieurs fonctions ; un même type de
discours peut être surdéterminé par plusieurs fonctions...) qu'elles avancent,
on reproche à ces typologies d'avoir laissé en suspens la mise en
correspondance entre les fonctions et la production des discours.

3.2.3. Les typologies situationnelles


« C'est dans le cadre de la composante situationnelle que devront être décrits
des genres discursifs tels que «publicitaire », «politique », «scolaire »,
«scientifique » etc. » (P. Charaudeau (1983)).
« [...] Une réflexion typologique sur les discours me paraît devoir prendre en
compte les genres du discours et considérer le poème, la pièce de théâtre et
le roman comme des genres de discours littéraire ; la parabole, l'hagiographie,
la prière, l'homélie et le sermon comme des genres du discours religieux ; le
fait-divers, le reportage, l'éditorial et la brève comme des genres du discours
journalistique ; l'article de loi et le plaidoyer comme des genres du discours
juridique, etc. » (J.-M. Adam (1987)).

113
« Le concept de discours renvoie enfin à une entité plus large, celle de la
formation discursive à l'œuvre dans le texte, entité qui n'est appréhendable
qu'en prenant en compte un ensemble de paramètres de nature sociale »
(J.-P. Bronckart (1985)).
« Même s'il reste vrai qu'un énoncé est en général pris en charge par un
locuteur individuel, il est également vrai qu'à un autre niveau d'analyse,
l'énonciateur peut être considéré (avec plus ou moins de pertinence selon le
type d'énoncé dont il s'agit) comme le représentant et le porte-parole d'un
groupe social, d'une instance idéologico-institutionnelle (sur le modèle de
« l'idiolecte », du « dialecte » et du « sociolecte », on pourrait proposer le
néologisme d'« idéolecte » pour désigner la compétence propre à un ensemble
d'individus appartenant à une même communauté idéologique [...] (C. Kerbrat-
Orecchioni (1980)).

Le foyer conceptuel mis en œuvre ici, pour classer les textes est le
domaine social à partir duquel les discours sont produits.

Qu'il existe des médiations entre les formes et les contenus des
discours et des institutions, les rhétoriciens en avaient déjà conscience. En
témoigne cet extrait de la Rhétorique française de Crevier (1765), cité par
R. Robin (1976) :
« Les discours de la première espèce du genre démonstratif, c'est-à-dire ceux
qui ont pour objet de louer, sont très usités parmi nous. Nous connaissons les
panégyriques des saints, les oraisons funèbres, les éloges qui se lisent dans
les Académies. La douceur de nos mœurs rend très rares au contraire les
invectives publiques, si ce n'est contre les vices en général sans attaquer les
personnes. Les Mercuriales, qui se font dans le Parlement de Paris à certains
jours marqués, pouvaient être regardées comme appartenant à ce genre de
discours. Mais outre qu'elles n'ont jamais admis les grands mouvements de
l'éloquence, n'étant que des répréhensions faites gravement à la face de la
justice par le magistrat exerçant l'autorité de la censure, aujourd'hui et depuis
longtemps elles se réduisent presque toujours à des avertissements généraux
souvent mêmes tournés en éloges. Les occasions du discours dans le genre
délibératif ne sont pas communes dans nos usages. Sous un gouvernement
monarchique tel que le nôtre, les affaires qui se traitaient à Rome et à Athènes
devant le Sénat et dans l'assemblée du peuple sont réservées à un conseil que
préside le Roi et auquel n'est admis qu'un petit nombre de ministres. Là les
grands ornements de l'éloquence seraient déplacés. Cependant la bonté et
l'équité de nos Rois les engagent souvent à demander les avis de leurs Cours
sur les affaires publiques et alors les délibérations qui se font dans ces grandes
compagnies ressemblent beaucoup à celles de l'ancienne Rome. Seulement
elles sont plus tempérées par le respect pour le souverain. »

Parmi les travaux contemporains, on trouvera, derrière le critère de


situation :

1) Des typologies des lieux sociaux comme le proposent, par


exemple, M. Bakhtine (1981) ou J.-P. Bronckart (1985).
« Considérant la vie de la société, nous pouvons aisément dégager, outre le
rapport de communication artistique, les types de communication sociale
exposés ci-après : 1) les rapports de production (dans les usines, les ateliers,
les kolkhozes, etc.) ; 2) les rapports d'affaires (dans les administrations, les
organismes publics, etc.) ; les rapports quotidiens (les rencontres et les
conversations dans la rue, dans les cantines, chez soi, etc.) ; et enfin 4) les
rapports idéologiques stricto sensu dans la propagande, l'école, la science,
l'activité philosophique sous toutes ses formes.

114
Ce que nous avons désigné dans notre précédent article sous le terme de
situation n'est nulle autre chose que la réalité effective, dans la vie concrète,
de telle ou telle formation, de telle ou telle activité du rapport de
communication sociale.» (M. Bakhtine)
«Nous avons défini le lieu social comme la «zone de coopération» dans
laquelle se déroule l'activité humaine spécifique à laquelle s'articule l'activité
langagière ; il s'agit donc d'un concept très général, couvrant notamment les
différents types d'institutions et d'appareils idéologiques de la société, mais
aussi d'autres zones d'exercice des pratiques quotidiennes. A titre d'essai, nous
proposerons quelques valeurs de lieu social, dont la pertinence semble
malheureusement limitée aux sociétés occidentales contemporaines :
— 1. Institutions économiques et commerciales.
— 2. Institution étatico-politique.
— 3. Institution littéraire (ou « littérature »).
— 4. Institution académico-scientifique.
— 5. Institutions de soin.
— 6. Institutions de répression (justice et police).
— 7. Institution scolaire.
— 8. Institution familiale.
— 9. Institutions médiatiques.
— 10. Lieu des pratiques de loisirs.
— 7 7. Lieu des pratiques de contact quotidien. » (J.-P. Bronckart).

2) Des typologies des pratiques discursives effectuées à l'intérieur


d'un lieu social (voir, par exemple, la liste que dresse S. Moirand (1979) des
écrits professionnels et des écrits scientifiques).
[...] Quels écrits rencontre-t-on le plus fréquemment en situation
professionnelle ?
D'abord, si l'on travaille dans un pays francophone (ou bien à un certain niveau
de la hiérarchie d'une entreprise française dans un pays étranger non-
francophone), on peut avoir à rédiger de petits écrits tels que des notes, des
avis ou des circulaires qui font partie de la vie interne d'une entreprise ou d'un
établissement public ou privé (hôpital, ministère, école, ambassade, etc.). Ces
produits se caractérisent par leur caractère pragmatique : il s'agit soit
d'informer, de renseigner, de mettre au courant, d'avertir, soit d'émettre un ordre,
des recommandations diverses, des conseils, des mises en garde, etc. Ces
écrits, de type « illocutif », relèvent pour beaucoup du « dire de faire » et
entraînent à l'utilisation de diverses formulations écrites d'un même acte de
parole, suivant qu'il s'agit d'un avis placardé sur un mur (la tournure
impersonnelle est alors de rigueur), d'une note envoyée à quelqu'un de précis (donc
ayant un statut défini d'égal, d'inférieur ou de supérieur) ou d'une circulaire
s'adressant par nature à plusieurs lecteurs (on peut utiliser ici une stratégie
identique à la démarche proposée pour la communication épistolaire : analyse
d'un corpus, réflexion sur les situations d'écriture et les formulations
linguistiques, réemploi en situation simulée).

On peut avoir également à traiter des informations (recueillies de diverses


manières) destinées à rendre compte d'une situation professionnelle, d'un cas
particulier, d'une mission spéciale (rapports analytiques, confidentiels...) ou
bien d'une réunion de travail, d'une table ronde, d'un entretien (comptes rendus
de séances, procès-verbaux de réunions) ou même d'un dossier, de travaux
divers, d'enquêtes, d'ouvrages français ou étrangers (résumés, comptes rendus
synthétiques ou analytiques, etc.). C'est, après la correspondance, le type
d'écrits professionnels qui paraît le mieux répondre au besoin d'apprenants
adultes en langue étrangère. C'est celui auquel l'enseignement secondaire
devrait également préparer (s'il veut avoir une vision « prospective » de
l'enseignement des langues).

115
Une troisième catégorie d'écrits relève de la communication scientifique. Il
s'agit d'une part de la rédaction d'articles spécialisés (comptes rendus de
recherche, d'expériences, etc.) ou de communications scientifiques (actes de
congrès, séminaires, symposiums, etc.) ; il s'agit d'autre part de mémoires ou
de thèses de doctorat présentées dans le pays de la langue qu'on apprend ».
3) Un classement des paramètres qui configurent le statut des inter-
actants dans une situation sociale de production.
« Quelles sont les dimensions selon lesquelles le rapport destinataire/énoncia-
teur se définit dans les lieux sociaux définis plus haut? Il me semble qu'on
peut retenir provisoirement les dimensions suivantes :
— Statut socio-économique (supériorité (+), identité (=) ou infériorité (-) de
l'énonciateur par rapport au destinataire).
— Age, lié éventuellement à une évaluation du niveau cognitif supposé atteint
(+, = ou -).
— Identité/différence idéologique et culturelle (= ou ¥=).
— Niveau de connaissances dans le domaine concerné (+, = ou -).
— Rapport familier/non familier (= ou ¥=).
— Statut universel/particulier sur les deux pôles en interaction (pour
l'énonciateur : absence ou masquage de l'énonciateur <—> énonciateur particulier ; pour
le destinataire : auditoire universel <— groupe socio-culturel défini —>
destinataire particulier). »

II reste que, comme l'écrit R. Robin :


« II ne s'agit plus de mettre en parallèle l'univers social et l'univers du discours
mais de penser le discursif au sein d'une formation concrète avec un effet de
conjoncture spécifique dans les formations discursives. »

Programme qui soulève deux questions redoutables que je me


contenterai d'évoquer ici :
a) Quel est le statut de cet extérieur du discours ou « idéolecte » dont
parle C. Kerbrat-Orecchioni ?
Il a été théorisé par les sociologues de la littérature, sous la forme
d'une homologie œuvre/groupe social pour le structuralisme génétique (42)
et par l'intermédiaire d'une théorie des médiations comme la dessine A.
Viala (1988).
Il a été théorisé par les linguistiques relevant du paradigme « analyse
du discours », par emprunt à M. Foucault (1969) du concept de « formation
discursive », sous la forme de « formation idéologique » et de « formations
discursives » (43) mais aussi de « transaction interdiscursive » (J.-J.
Courtine, J.-M. Marandin (1981), de « spécificateurs de formation discursive»

(42) C'est ainsi que L. Goldmann (1955) attribue comme auteur véritable des tragédies de Racine ou des Pensées
de Pascal un auteur « transindividuel » (noblesse de robe et jansénisme).
(43) Voir Cl. Haroche, P. Henry, M. Pêcheux (1971) qui écrivent : « Nous avancerons, en nous appuyant sur un
grand nombre de remarques contenues dans ce qu'on appelle « les classiques du marxisme » que les
fonctions idéologiques ainsi définies comportent nécessairement, comme une de leurs composantes, une ou
plusieurs FORMATIONS DISCURSIVES interreliées qui déterminent CE QUI PEUT ÊTRE ET DOIT ÊTRE DIT
(articulé sous la forme d'une harangue, d'un sermon, d'un pamphlet, d'un exposé, d'un programme, etc.) à
partir d'une position donnée dans une conjonction donnée. »

116
(A.-J. Guespin (1976)). Il a donné lieu à des descriptions et des classifications
de discours collectifs (bourgeoisie/noblesse) (44) ; discours patronal/dis¬
cours syndical (B. Gardin (1976)) ou individuels (45).
b) Comment repérer linguistiquement la dominante discursive dans
un texte donné. (Je renvoie ici à l'évolution interne du continent problé¬
matique de l'analyse du discours depuis l'utilisation dérivée des systèmes
de Harris (1969) et de Benvéniste jusqu'aux modélisations complexes
par emprunt au marxisme et à la psychanalyse (M. Pêcheux et C. Fuchs
(1975)) (46).

3.3. Les classifications hétérogènes


Lorsque la base typologique est totalement hétérogène et comprend
des critères qui relèvent de foyers classificatoires aussi différents que
l'intention communicative, le mode énonciatif, la stratégie illocutoire, le
contenu thématique, les marques linguistiques de surface, les indices
paratextuels... il conviendrait de parler de genres de textes pour désigner
ce type de classification.
Comme en témoignent les quelques citations qui suivent, cette
hétérogénéité du genre fait l'objet d'un consensus de la part des linguistes,
des sémioticiens et des critiques littéraires :
« Il n'y a pas lieu de minimiser l'hétérogénéité extrême des genres du discours
et la difficulté qui en résulte lorsqu'il s'agit de définir le caractère général de
l'énoncé » (M. Bakhtine (1979)).
« La meilleure voie pour approcher le problème formulé ici de façon incisive
consiste probablement à considérer les genres comme des ensembles compo¬
sites formés d'éléments individuels, sans que ces éléments, ces composants
proviennent ni d'un même cadre de référence ni d'un même plan d'abstrac¬
tion » (R. Warning (1979)).
« Lorqu'on établit une classification générique ou lorsqu'on étudie la producti¬
vité générique d'un texte donné, le problème se pose donc des traits de
ressemblance qui seront à retenir comme pertinents pour la spécificité
générique.
Je pense qu'un des critères essentiels à retenir est celui de la coprésence de
ressemblances à des niveaux textuels différents, par exemple à la fois au niveau
modal, formel et thématique » (Jean-Marie Schaeffer (1986)).
« Ce terme de genre dénote un artefact, un objet construit, par abstraction
généralisante, à partir de ces objets empiriques que sont les textes, qui ne sont
jamais que des représentants impurs de tel ou tel genre [...] Tout genre se
définit comme une constellation de propriétés spécifiques, que l'on peut
appeler des « typologènes », et qui relèvent d'axes distinctifs hétérogènes
(syntaxiques, sémantiques, rhétoriques, pragmatiques, extralinguistiques,
etc... » (C. Kerbrat-Orecchioni (1980)).

(44) qu'intrication
divers
déterminés.
simples
idéologique
«Implicitement
: les
(discours
appareils
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laen manière
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trainpolitiques,
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desD.historiques
rencontrait
appareils
éléments
(1979)).
«genre

(45) G. Chauveau (1978), à partir des textes produits par Jaurès, discrimine ce qu'elle appelle le «discours
parlementaire » du « dicours de meeting » à l'aide de critères hétérogènes, ce qui me fait dire qu'elle théorise
en fait un genre de discours.
(46) Pour un bilan critique de l'analyse du discours je renvoie à M. Charolles (1986) ainsi qu'à A. Lecomte et
J.-M. Marandin (1986).

117
Pour illustrer cette hétérogénéité de la base typologique d'un genre,
je reproduis ici des conclusions auxquelles j'étais parvenu au termëTcle mon
étude du genre fait divers~\K Petïtjean (1986 et 1987)).
— En tant que discours, les faits divers possèdent un mode d'énonciation
ou de repérage qui se caractérise, pour les récits expansés, par une
multiplication (polyphonie) des agents énonciateurs et par une mixité
des plans d'énonciation.
— En tant que discours, les faits divers, d'un point de vue communication-
2> nel, relèvent d'une intention informative (raconter une histoire) mais qui
n'est pas dépourvue d'argumentation de valeurs et/ou d'explication de
conduites.
— En tant que discours enfin, les faits divers^ont dépendants de gonditipns
A, ^Rationnelles de production qui fonYque, /Selonia politique rédaction-
nelle du journal, un même événement aura un traitement sémantique
différent.
— En tant que texte, les faits divers possèdent une construction séquentielle
^ hétérogène. Ils relèvent d'une narrativité séquentielle dominante (dans
^""laquelle s'insèrent dialogue et description) et d'une transversalité
séquentielle qui fait que telle description possède un enjeu argumentatif
pu que telle série d'actions est ordonnée par une volonté d'explication.
Relèvent d'une classification générique aussi bien les études de
discours « sociaux » à partir de l'analyse d'un corpus (ex. : le genre
Instructions Officielles » (P. Charaudeau (1983)) ; ex. : les discours politiques
parlementaires et de meeting (G. Chauveau (1978)) ; ex. : les faits divers
(C. Fuchs (1983)), A. Petitjean (1987))... que les étuçjes_des genres « litté-
raires » (ex.: l'autobiographie (P. Lejeune (1975), ÉT^&russ (1 Ô?4)f ; le
fantastique (T. Todorov (1970), C. Masseron (1982)); le récit de rêves
(J.-D. Gollut (1988)).
La problématique du genre, surtout des genres « littéraires », a fait
l'objet de nombreux travaux théoriques (47) et de plus rares études relevant
de la didactique (48). C'est pourquoi je me contenterai d'énumérer certains
points :
— l'opposition que fait M. Bakhtine entre « genres premiers » (dialogues
quotidiens, lettres...) et « genres seconds » (roman, théâtre, ouvrages
scientifiques...). Ces derniers « absorbent et transmutent les genres
premiers». Dichotomie reprise par T. Todorov (1978) sous la forme de
l'opposition genres « élémentaires » vs genres « complexes ».
— l'opposition que l'on peut faire entre genres tendanciellement fermés (/i/
(qu'ils soient anciens comme le fabliau, la légende... (49) ou qu'ils sojent/ ^
fortement ritualisés (ex. : lettre officielle)) et genres ouverts (romarin ]"
théâtre...). A croiser avec l'opposition textes de la production « restreinte » ^

(47) Voir entre autres : R. Welleck, A. Warren (1971), T. Todorov (1970, 1978), Kate Hamburger (1986), Théorie
des genres (1986), J.-M. Caluwé (1987), J.-M. Schaeffer (1989). /. ainsi que de nombreux numéros de Poétique
et pour Pratiques, les numéros 54 et 59 intitulés respectivement « Les mauvais genres » et « Les genres du
récit ».
(48) D. Marcoin-Dubois (1987), A. Boissinot (1987), J.-M. Privât, M.-C. Vinson (1989).
(49) H.-R. Jauss (1970) établit, par exemple, une liste de genres narratifs médiévaux dont certains ont disparu.
5~
(où domine le critère de nouveauté thématique ou formelle (50) vs
textes de la production « élargie » où domine le critère de la régularité
connue (51).
L'opposition entre classe générique issue de l'héritage du passé (genre
historique) et classe produite par une élaboration théorique explicite
contemporaine (genre théorique). Voir, par exemple, les différents sens
qu'a pris le mot conte à travers l'histoire (anecdote au Moyen Age, récit
plaisant ou merveilleux au XVIIe siècle, petite nouvelle au XIXe siècle...)
et la distinction thématique et pragmatique entre conte, légende et mythe
proposée par P. Cordoba (1984).
La nécessité d'observer dans les classifications historiques comme dans
les classifications savantes si parmi les différents foyers conceptuels
utilisés il en est un qui domine :
• Trait de contenu (ex. : tragédie (actions et personnages nobles) vs
comédie (actions et personnages plus communs) ; ex. : roman réaliste
vs roman de science-fiction...).
• Trait énonciatif (ex. : énonciation « sérieuse » (lettre officielle) vs
énonciation fictive (roman par lettres) ; mode narratif (roman) vs mode
dramaturgique (théâtre) ; double énonciation du récit fantastique...).
• Traits communicationnels (ex. : visée mathésique et didactique du
roman réaliste).
• Traits organisationnels (ex. : morphologie du conte merveilleux ; ex. :
statut des descriptions dans le roman réaliste...).
Le fait que le genre se signale par des marqueurs textuels (ex. : incipit
du conte merveilleux =£ du roman réaliste (52)) mais aussi par des
indications paratextuelles (titre, couverture) ou péritextuelles (catalogues
de collection... (53)).
Le fait que le genre a toujours un mode d'être historique. En fonction
de quoi on peut distinguer une « généricité auctoriale » (perception du
genre dans le contexte de production) d'une « généricité lectoriale »
(perception du genre dans les différents contextes de réception) (54). En
fonction de quoi aussi, il est vain d'étudier un genre comme une réalité
organique transhistorique et plus judicieux d'analyser l'historicité d'un
genre ou d'une forme (55).

(50) C'est là que le paramètre « style » permet de sous-catégoriser dans un genre (ex. le roman réaliste) des
univers de discours particuliers (ex. : le roman balzacien).
:

(51) « Lorqu'un texte se contente de reproduire les éléments typiques d'un genre, d'introduire une autre matière
dans des modèles déjà éprouvés [...] il naît une littérature stéréotypée » H.-R. Jauss, op. cit.
(52) Sur les débuts de romans voir J. Verrier (1988).
(53) Voir, dans ce numéro, l'article de Catherine Schnedecker.
(54) Voir le conte philosophique, par exemple, qui, à l'époque de Voltaire, n'a pas de rhétorique constituée alors
qu'aujourd'hui il est classé comme relevant du genre « récit exemplaire » (cf. A. Petitjean (1988)).
(55) Voir par exemple mon étude de l'évolution du genre descriptif (description de paysage) dans l'écriture
romanesque du XVIIe au XXe siècle (J.-M. Adam, A. Petitjean (1989)).

119
— Le fait que le genre est une catégorie instituante qui prend la forme d'un
«horizon d'attente» au niveau de la lecture (56) d'un cadre discursif
au niveau de l'écriture et dans tous les cas d'instance de «
socialisation » (57).
m Pour achever ce parcours à l'intérieur du labyrinthe des typologies,
f je rappellerai le travail de G. Genette (1982, 1987) qui consiste à classer non
par des textes mais des types de relations textuelles :
— relation intertextuelle : présence d'un texte dans un autre (citation,
allusion, plagiat, emprunt...),
— relation paratextuelle : accompagnement d'un texte par un autre (titre,
préface, jaquette, quatrième de couverture...),
— relation métatextuelle : commentaire d'un texte par un autre (explication,
critique, exégèse...),
— relation hypertextuelle : dérivation d'un texte à partir d'un autre (suite,
pastiche, parodie (58)...),
— relation architextuelle : appartenance d'un texte à une classe (type,
discours, genre).
Cinq types de relations textuelles auxquelles il conviendrait d'ajouter
* deux modes d'opérations textuelles : l'expansion (écriture longue) et la
| réduction (résumé).
l Pour les conséquences didactiques d'une réflexion linguistique et
sémiotique sur les typologies je renvoie, ici-même, à l'article de Claudine
Garcia-Debanc. Elle montre les enjeux d'un travail taxinomique tant pour
l'apprentissage de la lecture que de l'écriture.

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(56) Comme l'a montré H.-R. Jauss (1978) l'horizon d'attente du public est un cadre qui possède trois paramètres
principaux dont l'un est « l'expérience que le public a du genre dont [l'œuvre] relève ».
(57) « [...] quiconque classe, se classe en classant [...]. Tel éditeur confère à ses produits certaines marques
génériques [...] classant des produits et leurs consommateurs espérés, l'éditeur se classe [...] après quoi
intervient le public réel ou contingent qui va reproduire l'opération en sens inverse » (J. Dubois, P. Durand
(1988)).
(58) Voir A. Petitjean (1984).

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