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© Masson, Paris, 2005.

Gastroenterol Clin Biol 2005;29:83-89

LETTRES
À LA RÉDACTION

Infarctus splénique : une complication exceptionnelle


de l’adénocarcinome pancréatique

L’ adénocarcinome du pancréas est souvent associé à un envahissement des vaisseaux


spléniques mais se complique exceptionnellement d’un infarctus splénique. Nous rapportons
un cas d’adénocarcinome de la queue du pancréas, compliqué d’infarctus splénique,
exploré par écho-endoscopie (EE).

créas qui laminait l’artère splénique sans effraction de sa paroi,


Observation et envahissait massivement la paroi musculaire de la veine spléni-
que avec une sténose complète de sa lumière. La rate était le siège
Une femme de 75 ans consultait en raison d’accès doulou- de plusieurs foyers de nécrose hémorragique.
reux récents du flanc gauche, associés à une fièvre à 39q. Il exis-
tait un syndrome inflammatoire avec une VS à 30 et une CRP à
89. Une tomodensitométrie montrait une diverticulose sigmoï- Discussion
dienne non compliquée et une lésion tissulaire hétérogène de la
queue du pancréas d’une taille de 4 cm. La rate était le siége La particularité de cette observation est liée à l’association
d’une plage spontanément hypodense, de forme triangulaire avec d’un cancer du pancréas à un infarctus splénique. Seulement
un sommet dirigé vers le hile splénique (figure 1), sans renforce- dix cas de cancer du pancréas associé à un infarctus splénique
ment après injection de produit de contraste évocatrice d’infarctus ont été rapportés [1]. Dans les maladies du pancréas, la préva-
splénique. L’EE retrouvait au niveau de la queue du pancréas une lence de l’atteinte de la rate est la plus élevée dans les pancréa-
lésion tissulaire, mal limitée, hétérogène, hypoéchogène, de 4 cm tites chroniques où elle est évaluée à 2,2 % [2]. Les
de diamètre, engainant l’artère splénique qui était laminée et irré- complications les plus fréquentes sont le pseudo-kyste intra-splé-
gulière et envahissant la veine splénique qui était thrombosée nique ou la rupture splénique mais l’infarctus splénique est
avec présence de veines de dérivation. L’EE montrait également exceptionnel [2]. L’infarctus splénique est la conséquence de
au niveau splénique une plage bien limitée, hypoéchogène, hété- l’ischémie parenchymateuse secondaire à l’atteinte des vais-
rogène avec une zone centrale mal limitée d’allure liquidienne seaux spléniques [3]. Dix pour cent des cas d’occlusion de la
nécrotique, compatible avec un infarctus splénique (figure 2). En veine splénique sont associés à un cancer du pancréas [4].
l’absence de critère d’inextirpabilité, une spléno-pancréatectomie L’occlusion de la veine splénique entraîne le développement
gauche était réalisée. L’étude anatomo-pathologique de la pièce d’une hypertension portale segmentaire et se complique
opératoire concluait à un adénocarcinome de la queue du pan- d’infarctus splénique dans 4 % des cas [5].

Fig. 1 – Tomodensitométrie montrant une lésion tissulaire de la queue du pancréas et un infarctus splénique (plage hypodense de forme triangulaire avec un
sommet dirigé vers le hile splénique).
CT scan showing tissue lesion of the tail of the pancreas and splenic infarction (hypoechoic, roughly triangular area with its apex towards the splenic
hilum).
Fig. 2 – Echo-endoscopie : nodule hétérogéne de la rate avec une zone centrale hypoéchogène d’allure liquidienne évoquant de la nécrose.
Endoscopic ultrasound: heterogenous focal lesion of the spleen with central hypoechoic liquid area suggesting necrosis.

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Lettres à la rédaction

La symptomatologie révélatrice de l’infarctus splénique est RÉFÉRENCES


peu spécifique car souvent intriquée à celle de l’affection cau-
sale. L’infarctus splénique est parfois latent mis en évidence par
l’échographie et la tomodensitométrie. À notre connaissance, 1. Chenebaux D, Olivier A, Montete P, Charleux H. Epanchement pleu-
ral et infarctus de la rate révélateurs d’un cancer de la queue du pan-
aucune description écho-endoscopique de l’infarctus splénique
créas. J Chir (Paris) 1988;125:130-1.
n’a été précédemment rapportée. L’EE notait une plage hypoé-
chogéne bien limitée de forme arrondie convergente vers le hile 2. Malka D, Hammel P, Levy P, Sauvanet A, Ruszniewski P, Belghiti J,
splénique, hétérogène avec une plage centrale d’allure liqui- et al. Splenic complications in chronic pancreatitis: prevalence and
dienne. Ces lésions sont celles décrites en échographie transpa- risk factors in a medical-surgical series of 500 patients. Br J Surg
riétale [2, 6, 7]. Les diagnostics différentiels sont les autres 1998;85:1645-9.
lésions focales spléniques [8] : les métastases spléniques, les
localisations spléniques des lymphomes, les abcès et les kystes
3. Nores M, Phillips EH, Morgenstern L, Hiatt JR. The clinical spectrum
of splenic infarction. Am Surg 1998;64:182-8.
spléniques. Cette observation rappelle qu’un cancer de la queue
du pancréas peut exceptionnellement se compliquer d’un infarc- 4. Smith TA, Brand EJ. Pancreatic cancer presenting as bleeding gastric
tus splénique. La lésion tumorale pancréatique et l’atteinte des varices. J Clin Gastroenterol 2001;32:444-7.
vaisseaux spléniques sont facilement montrées par l’EE qui peut
également retrouver des anomalies échographiques de la rate. 5. Marn CS, Edgar KA, Francis IR. CT diagnosis of splenic vein occlu-
Dans ce cas, l’infarctus splénique doit être évoqué au même titre sion: imaging features, etiology and clinical manifestations. Abdom
Imaging 1995;20:78-81.
qu’une métastase splénique.
6. Goerg C, Schwerk WB. Splenic infarction: sonographic patterns, di-
Alain AUBERT (1, 2), Antoine BLAIN (1), agnosis, follow-up, and complications. Radiology 1990;174:803-7.
Thierry PERNICENI (1), Philippe CAPELLE (1),
Christos CHRISTIDIS (1), Frédéric MAL (1), Brice GAYET (1) 7. Maresca G, Mirk P, De Gaetano A, Barbaro B, Colagrande C. Sono-
graphic patterns in splenic infarct. J Clin Ultrasound 1986;14:23-8.
(1) Département de Pathologie Digestive, Institut Mutualiste Montsouris,
42, Boulevard Jourdan, 75014 Paris. ; (2) Service de Gastroentérologie, 8. Goerg C, Schwerk WB, Goerg K. Sonography of focal lesions of the
Hôpital Beaujon, 100, Bd du Général Leclerc, 92 000 Clichy. spleen. AJR Am J Roentgenol 1991;156:949-53.

Traitement d’une maladie de Crohn œsophagienne par l’infliximab


masse corporelle = 19,2). La seule plainte de la malade était
Observation une odynophagie très invalidante. Le transit intestinal était nor-
mal, il n’existait pas de manifestation extra-digestive, ni de
Une femme de 28 ans était hospitalisée en janvier 2002 localisation ano-périnéale. Le bilan biologique standard était
pour prise en charge d’une maladie de Crohn (MC) œsopha- normal et il n’existait pas de syndrome inflammatoire
gienne. Dans ses antécédents, on notait un érythème noueux en (CRP = 1 mg/L).
1998, d’évolution favorable, dont le bilan étiologique était resté En raison de la persistance des symptômes malgré une corti-
négatif. La symptomatologie digestive débutait en avril 2001, cothérapie bien conduite et la mise en route d’un traitement
4 mois après une première grossesse, à type d’épigastralgies immunosuppresseur, un traitement par infliximab, à la posologie
chroniques et de brûlures rétro-sternales. Une gastroscopie réali- de 5 mg/kg a été proposé. Cette injection était parfaitement
sée en novembre 2001 mettait en évidence une œsophagite
tolérée, et la malade quittait notre service avec la poursuite de
sévère, segmentaire (située entre 25 et 30 cm des arcades den-
son traitement par azathioprine à la même posologie et diminu-
taires). Les biopsies œsophagiennes perendoscopiques confir-
tion progressive des corticoïdes.
maient l’existence d’une œsophagite ulcérée et permettaient de
poser le diagnostic de MC, devant la présence de microgranulo- Quinze jours plus tard, une réévaluation clinique et endosco-
mes giganto-cellulaires. Dans ce contexte, une coloscopie était pique était réalisée. Toute symptomatologie œsophagienne avait
réalisée et objectivait une iléite terminale, avec la présence sur disparu. La gastroscopie retrouvait des cicatrices d’ulcération et
5 centimètres de gros plis inflammatoires avec une muqueuse des pseudo-polypes sur toute la hauteur de l’œsophage, sans
érythémateuse et de plusieurs ulcérations en carte de géogra- lésion active (figure 1). Devant l’efficacité du traitement par
phie. Les biopsies de l’iléon terminal mettaient en évidence des infliximab, il était décidé de ne pas effectuer de nouvelle injec-
lésions d’iléite aiguë ulcérée avec microgranulomes giganto-cel- tion et de poursuivre le traitement par azathioprine (100 mg/j).
lulaires, évocateurs d’une MC. Un an après, la malade restait asymptomatique et sevrée de
Une corticothérapie orale était alors instituée (1 mg/kg/j), toute corticothérapie.
associée à un traitement par inhibiteurs de la pompe à protons
(oméprazole 20 mg/j). Deux semaines plus tard, une nouvelle Discussion
crise douloureuse motivait la réalisation d’une nouvelle gastros-
Au vu des données de la littérature, l’atteinte œsophagienne
copie. Aucune amélioration n’était objectivée, et l’on mettait de
au cours de la MC est rare. Ainsi, sur 9 900 malades porteurs
plus en évidence des ulcérations aphtoïdes du tiers supérieur de
de MC vus prospectivement à la Mayo Clinic de 1976 à 1998,
l’œsophage. Un traitement par azathioprine à la posologie de seulement 20 (0,2 %) présentaient une atteinte œsophagienne
2 mg/kg (Imurel® : 100 mg/j) était alors institué. Devant la per- [1]. Cela pose un problème diagnostic, particulièrement en cas
sistance des symptômes, la malade était hospitalisée dans notre d’atteinte œsophagienne isolée. Ce n’était pas le cas de notre
service deux semaines plus tard. malade, le diagnostic étant confirmé par la présence de lésions
À son admission, elle présentait un état général satisfaisant histologiques pathognomoniques (granulomes giganto-cellulai-
et était apyrétique. Son poids était stable (48 kg ; Indice de res) et de lésions iléales endoscopiques.

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