Topie Ronflante

Une fois de plus, le Thèatre de la Huchette plante au coeur du vieux Paris sa topie ronflante
qui absorbe à elle seule tous les autres bruits de la ville: un nouveau spectacle de Ionesco!
Comme au plus beau de notre enfance, cette topie, apprȇtons-nous à la voir prendre de grands
virages penches et bondir sur elle mȇme, comme losqu’elle se soumettait sans défense aux
movements de notre propre coeur. Quiconque pour cela garde assez de fraîcheur, se
decouvrira tout peux pour sa merveilleuse robe de clinquant, qui épuise toutes les resources
du malentendu verbal, en pleine exubérance de nos jours, et dont lá suprîme parure est le
nonsense épris de sa sur-signification. Et voilà encore une pièce ou deux de notre modeste
appatement qui <<enfoncentè>> le palais des mirages!
Dans la tourbillon de la toupie, sachons appréhender l’aire de grande dérive qui se déploie
autour de toutes les affaires sérieuses, privées ou publiques, quettons-si nous sommes en veine
d antécédents-le coup de chapeau distant de Kierkegaard à Hegel et le signe hautain qui lui
repond, mais surtout savourons, comme de main de maître Ionesco nous y dispose, aux
confins au rire spasmodique et de l’angoise, l’amer plaisir de voir se dénuder, comme en etat
de transe, notre condition privilégiée-subalterne, telle qu’elle nous fait participer à la fois de la
messe des fous et de la ronde des prisonniers.

Andrè Breton