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« Sur l’origine
de la vie, son sens
et l’univers »
Daniel Cherix
été recensées aujourd’hui sur la Terre, avec des fortunes diverses:
certaines sont sur le point de disparaître, d’autres au contraire
profitent des changements climatiques ou de l’activité humaine
pour se répandre hors de leur habitat d’origine et conquérir le
monde. D’autres encore sont parvenues à rester si discrètes, que
ce n'est que très récemment qu’elles ont été découvertes. Toutes
partagent pourtant un point commun: elles alimentent un mer-
veilleux bestiaire naturel, en permanente évolution.
Ce sont 190 d’entre elles que Daniel Cherix, scientifique et jour-
naliste, présente ici sous forme de petites chroniques pleines Daniel Cherix Dessins de
Michel Krafft
Mille
d’humour et de savoir, illustrées des superbes dessins de Michel
milliards
au grand pingouin, si le coelacanthe est aussi vieux qu’il le pré-
tend, ou si vous avez une chance de trouver, un jour au fond de
votre jardin, l’une parmi les milliers de nouvelles espèces décrites
chaque année par les chercheurs.
de pattes
Daniel Cherix est ancien conservateur au Musée cantonal de zoologie à
Lausanne et professeur honoraire de l’Université de Lausanne. Au cours de sa
carrière il a collaboré avec de nombreux médias (journaux, radio, télévision)
pour communiquer sa passion du monde animal.
19 o espèces surprenantes,
envahissantes, menacées ou oubliées
Daniel Cherix
été recensées aujourd’hui sur la Terre, avec des fortunes diverses:
certaines sont sur le point de disparaître, d’autres au contraire
profitent des changements climatiques ou de l’activité humaine
pour se répandre hors de leur habitat d’origine et conquérir le
monde. D’autres encore sont parvenues à rester si discrètes, que
ce n'est que très récemment qu’elles ont été découvertes. Toutes
partagent pourtant un point commun: elles alimentent un mer-
veilleux bestiaire naturel, en permanente évolution.
Ce sont 190 d’entre elles que Daniel Cherix, scientifique et jour-
naliste, présente ici sous forme de petites chroniques pleines Daniel Cherix Dessins de
Michel Krafft
Mille
d’humour et de savoir, illustrées des superbes dessins de Michel
milliards
au grand pingouin, si le coelacanthe est aussi vieux qu’il le pré-
tend, ou si vous avez une chance de trouver, un jour au fond de
votre jardin, l’une parmi les milliers de nouvelles espèces décrites
chaque année par les chercheurs.
de pattes
Daniel Cherix est ancien conservateur au Musée cantonal de zoologie à
Lausanne et professeur honoraire de l’Université de Lausanne. Au cours de sa
carrière il a collaboré avec de nombreux médias (journaux, radio, télévision)
pour communiquer sa passion du monde animal.
19 o espèces surprenantes,
envahissantes, menacées ou oubliées
Daniel Cherix
Dessins de
Michel Krafft
www.ppur.org
ISBN 978-2-88074-836-4
© Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012
CH – 1015 Lausanne
Imprimé en Italie
Tous droits réservés.
Reproduction, même partielle, sous quelque forme ou sur quelque support que
ce soit, interdite sans l’accord écrit de l’éditeur.
Sommaire
Avant-propos 1
tués en 1844. D’autres espèces risquent bien de disparaître si rien n’est tenté
pour assurer leur survie, raison de plus pour en parler ici. Finalement, pour
terminer sur une note un peu plus optimiste, parlons un peu de ces animaux
étranges, dont les mœurs prêtent à sourire : une cigale de 17 ans aux Etats-
Unis ou encore la mouche espagnole qui est un coléoptère et dont on extrayait
des soi-disant aphrodisiaques, parfois mortels !
Il me paraissait intéressant de réunir ces chroniques publiées séparément,
il y a quelques années dans Le Matin Dimanche ou sur le site du Musée canto-
nal de zoologie, pour vous rendre attentifs à ces espèces qui nous entourent.
Alors dégustez ce monde fascinant et faites ce qui est en votre pouvoir pour
éviter qu’il ne continue à disparaître, cette fois vous ne pourrez pas dire que
vous ne le saviez pas !
Les espèces invasives
Les espèces invasives 5
jusqu’à 60 cm pour un poids de 3 kilos dans les eaux européennes, il peut
atteindre 1 m et peser 10 kg en Amérique du Nord. C’est son allure puissante
avec une bouche très grande et son côté agressif, lié à une chair assez fine qui
attire les pêcheurs. Malheureusement les conséquences d’une telle introduc-
tion sont pour l’instant difficiles à évaluer et le plus souvent très importantes
avant que l’on ne mette en place les moyens de l’éradiquer.
Ce petit papillon appartient à la famille des lycènes, dans laquelle nous trou-
vons, notamment chez nous, les argus, petits papillons bleu métallique. Cette
espèce est indigène dans le sud de l’Afrique. En 1988, elle a été découverte aux
Baléares (Majorque) où elle s’installe. En 1993, elle fait une première appa-
rition sur le continent européen dans les provinces d’Alicante, Valencia et
Murcia. Mais un spécimen est découvert en 1991 en Belgique. Depuis, l’espèce
est signalée en France, dans les Pyrénées-Orientales à Amélie-les-Bains, puis
elle envahit le sud-est de la France ensuite l’est jusqu’à la région lyonnaise. En
Suisse, elle est présente actuellement au Tessin, dans la région zurichoise et à
Coire. On connaît encore peu la biologie de cette espèce nommée Cacyreus
marshalli ou brun du pélargonium. On va trouver les chenilles de cette espèce
sur les pélargoniums et les géraniums cultivés.
La lutte contre ce nouveau ravageur est assez difficile. Comme les premières
phases de développement de la chenille sont cachées, les populations semblent
pouvoir se développer assez rapidement. Enfin, il faut relever la très grande
disponibilité de sa plante hôte, présente un peu partout en Europe et l’absence
de prédateurs spécifiques restés au sud de l’Afrique.
Le cacatoès rosalbin, ou galah en anglais, est l’un des oiseaux les plus abondant
du continent australien. Facilement reconnaissable à son dos gris, sa poitrine
et son cou roses, il mesure de 35 à 38 cm pour un poids variant de 300 à 500 g.
Essentiellement végétarien, il se nourrit de graines, de fruits, de bourgeons et
parfois d’insectes. Le nom cacatoès vient du mot malais kakatuwa qui signifie
« tenailles ».
Sa distribution sur le continent australien a augmenté au cours des soixante
dernières années. C’est l’une des rares espèces qui ont profité des modifica-
tions de l’environnement dues à l’homme. Il n’hésite pas à vivre au voisinage
des zones habitées, en bandes très nombreuses et bruyantes. Par exemple, il est
commun dans la région de Sydney et le long de la côte est, alors qu’il en était
absent il y a une trentaine d’années. Si les amateurs d’oiseaux l’apprécient
pour sa familiarité, les paysans lui vouent une haine farouche. Il est considéré
comme un ravageur des cultures céréalières et, suivant les régions, il peut être
tiré avec un permis spécial, les œufs récoltés et les nids détruits. Le commerce
de jeunes individus entre les différentes parties de l’Australie a provoqué un
peu de confusion génétique dans les différentes populations de cette espèce
(adoption puis relâchement par des particuliers).
8 Mille milliards de pattes
Les blattes ont une origine très lointaine qui remonte au Carbonifère, il y
plus de 250 millions d’années. Il y a longtemps, elles étaient classées parmi
les grillons et les sauterelles (orthoptères), puis avec les coléoptères ou les
punaises (hémiptères). Aujourd’hui, un ordre particulier a été créé pour elles.
Leurs caractéristiques principales sont un corps aplati, de longues antennes
et des pattes avec des épines. L’un des faits les plus intéressants est que les
œufs sont pondus dans une capsule appelée « oothèque » que la femelle trans-
porte un certain temps au bout de son abdomen. Il existe plus de 3500 espèces
de blattes dans le monde. En Suisse, une quinzaine d’espèces sauvages a été
recensée. Ces espèces ne posent pas de problèmes et se rencontrent souvent en
forêt. Cependant, certaines espèces tropicales sont devenues cosmopolites et
anthropophiles, donc envahissantes.
On admet aujourd’hui que la blatte germanique, la blatte orientale et
l’américaine ont des origines africaines à partir desquelles elles ont entrepris
leurs colonisations fructueuses de la planète. Par exemple, la blatte germa-
nique, originaire d’Afrique du Nord, aurait utilisé les bateaux grecs et phé-
niciens pour arriver en Europe, tout en colonisant l’Asie mineure puis une
Les espèces invasives 9
A son origine, le cerf sika (Cervus nippon) se trouvait en Asie de l’Est, prin-
cipalement au Viêtnam, en Chine et au Japon. Il a été introduit accidentelle-
ment en Suisse il y a plus de soixante ans. Son habitat originel se situait dans
des forêts à feuillus caduques, avec des clairières. Assez peu exigeante en ce
qui concerne ses besoins alimentaires, cette espèce arrive à survivre avec une
nourriture peu abondante. Grâce à cela, le cerf sika a pu trouver refuge dans
des régions non colonisées. Depuis fort longtemps, l’homme l’a déplacé et on
le rencontre aujourd’hui en Europe, en Asie centrale, en Nouvelle-Zélande et
même à Madagascar.
10 Mille milliards de pattes
En ce qui concerne la Suisse, c’est en 1941 que des cerfs sikas s’échappèrent
d’un enclos allemand situé près de notre frontière. Quelques individus s’ins-
tallèrent dans le canton de Schaffhouse. Et depuis, l’espèce a colonisé la partie
sud des Randen, et quelques individus se déplacent jusque dans le canton de
Zurich. Cette espèce demeure cependant discrète. Ses effectifs et ses déplace-
ments ne sont guère connus. Il arrive, de temps en temps, que l’un ou l’autre
de ses représentants se manifeste. Il marque une prédilection pour les régions
boisées et semble éviter les étendues découvertes.
Sa longueur, tête et corps compris, peut atteindre 150 cm pour une hauteur
au garrot ne dépassant guère 110 cm. Le poids des individus tués en Suisse
variait entre 30 et 60 kg. Il s’agit donc d’une espèce plus petite que le cerf
rouge – espèce que l’on peut observer abondamment au Parc national suisse
aux Grisons. Cela se remarque aussi à ses bois relativement plus petits et pos-
Les espèces invasives 11
sédant rarement plus de quatre branches. Son pelage est roux à brun clair,
tacheté en été et devenant très sombre en hiver. A cette période, les taches
claires disparaissent complètement.
Son mode de vie diffère peu de celui du cerf rouge. Sous nos climats, la femelle
met un petit au monde au mois de juin, après une gestation de plus de sept
mois. Par conséquent, le rut débute à fin septembre et s’étend jusqu’à fin
octobre. Contrairement au cerf rouge – dont le brame est caractéristique – le
cerf sika émet simultanément des cris et des sifflements.
Chacal doré
On pouvait lire dans les médias en 2003 qu’un cadavre de chien viverrin avait
été découvert dans le Jura et qu’il s’agissait d’une première pour la Suisse.
Pourtant, vers la fin des années 1980 déjà, dans la région d’Yvonand un spé-
cimen avait été retrouvé écrasé. Cependant ceci faisait suite à la disparition
de deux spécimens d’un parc zoologique de la région bernoise. En octobre
2003, un chasseur a tiré un mâle dans le canton d’Uri alors qu’il cherchait de
la nourriture dans les poubelles. Au printemps 2004, un naturaliste amateur
a réussi à en prendre un en photo dans le Jura. Un nouveau prédateur semble
donc s’installer chez nous.
Le chien viverrin est probablement originaire du continent américain. Il
aurait profité de l’époque glaciaire pour coloniser l’Asie orientale puisqu’on
le rencontre aujourd’hui de la Sibérie au Viêtnam en passant par la Chine, la
Corée et le Japon. Or entre 1928 et 1950, environ 9000 individus ont été lâchés
dans la partie européenne de l’ex-URSS. A partir de là, l’espèce s’est répandue
en direction du nord, du centre et du sud de l’Europe. La première observa-
tion proche de nos frontières date de 1960 où un spécimen avait été observé
en ex-Allemagne de l’Est. Mais en 1995, près de 400 individus ont été tirés
sur l’ensemble du territoire allemand et en 1998 plus de 3000. Cela indique
14 Mille milliards de pattes
Coccinelle asiatique
Dans les régions froides, les individus passent l’hiver au stade adulte et
se réfugient en masse dans les habitations. Cette espèce peut engendrer des
problèmes pour nos vignobles. En effet, elle s’attaque aux fruits endomma-
gés. Elle peut donc se trouver sur le raisin au moment des vendanges et si les
coccinelles sont récoltées avec le raisin, elles émettent une série de substances
malodorantes qui modifient le goût du vin.
Depuis la Belgique, cette coccinelle asiatique a progressivement gagné la
Norvège au nord, la République tchèque à l’est et a traversé la Manche jusqu’en
Grande-Bretagne, en France et récemment en Suisse romande.
Les espèces invasives 17
Crevette tueuse
Dikerogammarus villosus est une petite crevette d’eau douce qui appartient
au groupe des amphipodes (crustacés supérieurs au corps comprimé latérale-
ment). Notre crevette tueuse se reconnaît à sa taille qui peut atteindre 30 mm
et ses pièces buccales très puissantes. On distingue aussi deux petites pointes
à l’arrière de l’abdomen. Il existe une espèce locale, le gammare (Gammarus
pulex) qui est plus petit et plus foncé, mais qui comme sa cousine de l’est
nage sur le côté. Le problème est que notre espèce locale est avant tout détri-
tivore, alors que l’espèce introduite est carnivore et semble éliminer tout sur
Les espèces invasives 19
son passage, à commencer par les gammares locaux. Son régime alimentaire
comprend bien d’autres espèces d’invertébrés aquatiques et on a déjà observé
de la prédation sur les œufs et les stades juvéniles des poissons. Mais comme
tout envahisseur, cette espèce pourrait être aussi porteuse de vers parasites
du groupe des acanthocéphales. Ce sont des vers parasites du tube digestif
dont la taille varie de quelques millimètres à quelques centimètres. Ces vers
parasites possèdent un cycle de développement compliqué et comportant dif-
férents stades larvaires et un ou deux changements d’hôtes, les gammares et
certaines larves d’insectes et des poissons jouent le rôle d’hôte intermédiaire.
L’hôte définitif peut être un poisson mais aussi un oiseau ou un mammifère.
Criquets ravageurs
Si le phénomène n’est pas nouveau, puisque déjà évoqué dans la Bible comme la
huitième plaie d’Egypte, il faut savoir que plus de la moitié des terres émergées
peut être sujette à l’attaque d’essaims d’insectes ravageurs. Il existe quelques
12 000 espèces d’acridiens (criquets) dans le monde, dont un peu plus de 500
peuvent causer des dommages à l’agriculture. Heureusement, seule une ving-
taine d’espèces figurent parmi les ravageurs véritablement destructeurs.
Les orthoptères sont un ordre d’insectes relativement diversifié qui compte
quelques 20 000 espèces au monde, réparties en 28 familles. En Suisse, on
compte environ 120 espèces avec plus de 40 espèces d’acridiens. On distin-
gue les criquets des sauterelles et des grillons par leurs antennes courtes et
l’absence d’oviscapte (organe de ponte très développé chez les sauterelles).
Les mâles de la majorité des espèces stridulent pour attirer les femelles. Le
son est produit par le frottement des pattes postérieures sur une nervure des
élytres.
Les espèces ravageuses présentent une faculté tout à fait particulière : la
possibilité de passer d’une phase solitaire à une phase grégaire. Cette dernière
phase est responsable des invasions au cours desquelles des bandes de larves
et des essaims peuvent causer des dégâts considérables. Ce polymorphisme
« phasaire » désigne les formes successives que prennent les états apparents
d’un même individu. L’expression de ce polymorphisme est liée essentiel-
lement aux conditions de l’environnement social de chaque espèce mise en
présence ou au contraire isolée de ses congénères. Le facteur principal déclen-
chant est la densité des individus. En simplifiant, il suffit de rassembler des
individus d’une même espèce grégaire pour observer des effets immédiats sur
eux-mêmes et sur leur descendance. On observe un changement de couleur et
de comportement ainsi que l’augmentation du nombre d’ovarioles et de tubes
séminifères, donc du potentiel de reproduction. D’autres facteurs intervien-
nent aussi dans l’expression du polymorphisme phasaire : la photopériode, la
température, la sécheresse, la pauvreté de l’alimentation ou encore la salinité
du sol. A partir de ce moment, les criquets se multiplient très rapidement et
la moindre amélioration de leur environnement augmente encore leurs capa-
cités de reproduction. C’est le cas lorsque, sous l’effet des pluies, la végétation
croît rapidement. Mais un autre phénomène permet aussi d’atteindre la den-
sité critique : l’arrivée dans une zone « tranquille » de criquets venus d’ailleurs
(appelés allochtones) qui, dans ces conditions, vont pondre une descendance
à la fois nombreuse mais surtout dévastatrice. Certaines pratiques agricoles
favorisent les pullulations de criquets : surpâturage, déforestation, irrigation
etc. Par exemple, il suffit de 500 criquets pélerins adultes sur un hectare pour
que s’amorce une pullulation alors qu’il en faut près de 2000 pour le criquet
migrateur.
Les espèces invasives 21
entraîner des conséquences majeures. D’une part, cela ouvre une voie d’infec-
tion aux parasites et aux maladies végétales, d’autre part cela crée des lésions
(rupture des vaisseaux nourrissant la plante) entraînant une destruction des
tissus 5 à 10 fois plus importante que la prise de nourriture elle-même. Enfin,
il faut tenir compte de la rupture des végétaux sous le poids des individus et la
souillure des surfaces foliaires qui vont perturber la photosynthèse.
L’écureuil roux (Sciurus vulgaris) était distribué dans toutes les forêts d’Eu-
rope et d’Asie du Nord. Malheureusement, au cours du dernier siècle, ses
populations ont dramatiquement été modifiées par l’apparition d’une espèce
concurrente : l’écureuil gris d’Amérique du nord.
Plus lourds et plus résistants aux conditions hivernales, capables d’ingé-
rer des noisettes avant leur maturation, de mieux digérer les glands que son
cousin européen, cet envahisseur est un compétiteur beaucoup trop efficace.
Ainsi l’écureuil roux occupait toute la Grande-Bretagne et ses populations y
étaient prospères avec certaines fluctuations jusqu’à la fin du XIXe siècle. C’est
à ce moment que des gens irresponsables introduisirent en plusieurs endroits
d’Angleterre l’écureuil gris (Sciurus carolinensis) pour agrémenter l’animation
dans les parcs et jardins. Il faut dire que l’écureuil gris est moins craintif que
l’écureuil roux et qu’il est volontiers attiré par des passants offrant des graines
ou de la nourriture. Le résultat fut dramatique et aujourd’hui la distribution
de l’écureuil roux est réduite à l’Ecosse et au nord de l’Angleterre. Ses popula-
tions sont estimées à moins de 160 000 individus alors que pour l’écureuil gris
on atteint près de 3 millions d’individus !
En Europe continentale, la situation n’est pas meilleure même si elle
semble, pour l’instant, plus confortable. L’écureuil gris a été introduit au nord
de l’Italie dans le Piémont dans les années 1940 et plus récemment dans le
Parc régional Ticino en Lombardie. Jusqu’en 1970, l’aire d’occupation de cette
espèce ne dépassait guère 25 km2. Mais tout à coup, l’espèce commença à se
24 Mille milliards de pattes
Le mâle adulte a, en été, un plumage châtain vif, les joues blanches, la calotte
et la nuque noires. L’abdomen est strié de blanc. Le bec est bleu, aplati et
concave. Les pattes et les grands doigts palmés sont gris. En hiver, le mâle est
plus terne et le bec devient grisâtre. La femelle adulte est, en été, plus brune
que le mâle, avec une légère teinte fauve. Le front et la calotte sont brun foncé,
la tête est blanchâtre avec une rayure brun foncé en travers des joues, et des
stries brunes. Le bec est foncé. En hiver, la femelle est plus foncée. Même si la
description est assez précise, il est difficile de distinguer cette espèce améri-
caine de l’espèce européenne : l’érismature à tête blanche. Comme son nom
l’indique l’érismature européenne possède une tête blanche chez le mâle en
plumage nuptial. De plus, l’érismature rousse possède une tête petite et carrée
Les espèces invasives 25
et la partie supérieure du bec est concave, sa base n’étant pas renflée comme
chez l’espèce européenne.
C’est probablement dans les années 1940 que des individus conservés en
captivité en Bretagne se sont échappés. Et malheureusement, l’érismature
rousse est vite devenue envahissante. Les premiers exemplaires se sont échap-
pés de captivité en Angleterre en 1953. La première nidification en liberté y
a été observée en 1960. Dès cette date, la population d’érismatures rousses a
augmenté rapidement. Vers les années 2000, on comptait plus de 5000 indi-
vidus. Depuis, l’espèce a commencé à envahir l’Europe continentale et elle
est présente dans une vingtaine de pays, dont la Suisse. C’est à son arrivée en
Espagne que les ornithologues se sont rendus compte des problèmes. Pour
commencer, cette espèce concurrence sa cousine européenne qui était déjà
malheureusement menacée d’extinction à l’échelle européenne. D’autre part,
elle s’hybride avec elle entraînant un mélange du patrimoine génétique. Les
hybrides étant fertiles, on rencontre des hybrides de 2e et 3e générations. Il est
donc nécessaire d’agir pour éviter sa prolifération et l’appauvrissement géné-
tique de l’érismature à tête blanche. Cette espèce est rare et est représentée
dans le monde par deux populations : une à tendance migratrice et relative-
ment importante, à l’est, de la Bulgarie à l’Asie centrale, une autre à tendance
sédentaire, limitée et confinée à la Méditerranée occidentale. En Suisse, sa pré-
sence est occasionnelle.
Vous avez sans doute déjà dégusté un petit canapé recouvert de petites boules
noires ou rouge rosé : du caviar. Il s’agit d’œufs d’esturgeon.
Parmi les poissons osseux, les plus primitifs ne comprennent qu’un seul
ordre actuel, celui des acipensériformes, soit les esturgeons et les poissons spa-
tules. Ces poissons sont caractérisés par leur squelette interne en grande partie
cartilagineux et aspect général rappelant celui des requins.
Les esturgeons se reconnaissent d’emblée aux cinq rangées longitudinales
d’écussons osseux. Leur bouche est précédée par deux paires de barbillons à
rôle tactile et gustatif grâce auxquels ils recherchent dans la vase du fond les
petits invertébrés qui forment l’essentiel de leur régime. C’est vrai que, par
certains côtés, ils ressemblent aux requins, avec une bouche ventrale et une
nageoire caudale dissymétrique. Cependant, d’autres caractères, comme les
branchies recouvertes d’un opercule, les nageoires supportées par des rayons
et une vessie natatoire assurant l’équilibre hydrostatique, les placent du côté
des poissons osseux.
Frelon asiatique
C’est en 2006 que des scientifiques français signalent la présence d’une redou-
table nouveauté : le frelon asiatique (Vespa velutina). En été 2004 déjà, un pro-
ducteur de bonzaïs de Sainte-Livrade-sur-Lot aurait vu voler des frelons de
couleur brune. Il revenait d’un voyage en Chine où il avait aperçu cette espèce.
En automne, il aurait découvert deux nids sphériques dans des arbres de son
voisinage, nids qu’il aurait détruits à coups de fusil ! En 2006, il a récolté un
individu pour identification. Il s’agissait bien de Vespa velutina. Ce frelon asia-
tique a certainement été importé avec les cartons de poteries chinoises que ce
producteur ramène régulièrement depuis plusieurs années.
Bien sûr, il s’agit d’une des espèces les plus familières de notre avifaune et faci-
lement identifiable. Elle fréquente aujourd’hui presque tous les milieux, mais
autrefois le merle était l’hôte timide des forêts. Il a su s’adapter à un environ-
nement parfois assez artificiel comme celui des villes.
Le merle existe dans la majeure partie de l’Europe et il niche jusque dans
le sud de la Finlande, pousse vers le sud jusqu’en Afrique du Nord et à l’est
jusqu’en Chine. Comme oiseau nicheur, sa distribution altitudinale s’étend
du bord du Léman jusqu’à 1600 mètres dans le Jura et peut atteindre 2000
mètres dans les Alpes. En altitude, il va rencontrer un proche parent, le merle
à plastron.
Le merle peut commencer à nicher très tôt, exceptionnellement en février
mars déjà. Le gros des pontes commence généralement à la fin du mois de
mars. Grâce à une longue période de reproduction, le merle peut élever de
deux à trois nichées par année. C’est grâce à lui que nous pressentons l’arrivée
du printemps, car, dès la fin de l’hiver, les mâles se mettent à chanter.
Si le couple de l’année précédente existe encore, le chant sert à raffermir
les liens, qui se sont un peu relâchés pendant l’hiver. Dans le cas contraire, il
s’agit pour le mâle d’attirer une ou plusieurs femelles dans le voisinage. Pour
former un couple, le mâle a besoin d’un territoire qu’il va défendre contre les
30 Mille milliards de pattes
Vous avez sans doute déjà été frappé par des agglomérations de mouches sur
les façades de certaines maisons, ou endormies sur le sol dans votre grenier.
Pas de panique, il ne s’agit que de la mouche des greniers. Le nom de cluster
flies, donné par les anglophones, est bien représentatif du comportement par-
ticulier de cette espèce qui, en fin de saison, se regroupe par centaines, voire
par milliers pour passer la mauvaise saison.
Les espèces invasives 31
Cette mouche appartient aux calliphoridés, une famille proche de celle qui
comprend la mouche domestique. En fait, les adultes ressemblent à la mouche
domestique à quelques différences près, notamment le fait qu’au repos les ailes
se croisent sur l’abdomen comme une paire de ciseaux, ce que ne font pas les
mouches domestiques. De plus, si vous prenez le soin de les regarder de côté,
vous verrez qu’elles ont des poils blonds ou très clairs sur le thorax.
L’une des problématiques mondiale est la lutte contre les espèces introduites
volontairement ou pas dans des régions, des pays, voire des continents. Pensez
seulement à la fourmi de feu qui a été introduite dans le sud des Etats-Unis il
y a moins d’un siècle et qui couvre aujourd’hui une surface atteignant 20 fois
la superficie de la Suisse !
C’est très inquiétant, d’autant plus que les efforts entrepris pour lut-
ter contre cette espèce ont coûté des millions et des millions de dollars avec
presque aucun résultat. Or depuis quelques décennies les scientifiques com-
mencent à s’intéresser de plus près à ce problème.
Un exemple intéressant concerne la Nouvelle-Zélande. Ce pays qui compte
1% des espèces animales du globe pour une surface de terre émergées de 0,17%
seulement est caractérisé par la forte originalité de sa faune. Ainsi l’absence de
mammifères terrestres (excepté deux espèces de chauves-souris) a permis aux
oiseaux d’occuper des milieux très différents et d’acquérir des particularités
originales. Ainsi par exemple certaines espèces ont perdu l’aptitude au vol ou
d’autres ont atteint des tailles considérables.
Malheureusement l’introduction de mammifères prédateurs dans un
milieu qui n’en a jamais connu peut avoir de fâcheuses conséquences. En effet
les espèces perdent rapidement la capacité de fuir devant un prédateur. Ainsi
par exemple le chat, qui a été introduit à partir des années 1830 sur de nom-
breuses îles, a contribué à la disparition de plusieurs espèces d’oiseaux et de
lézards. En 1894, on signalait l’extinction d’un petit roitelet endémique de l’île
de Stephen. Le rat noir introduit lui aussi depuis quelques siècles a provoqué
de gros dégâts sur l’avifaune. Or parfois ces processus peuvent se dérouler très
rapidement. En 1962, deux ans seulement après son introduction sur l’île de
Cap Sud, il faisait disparaître trois espèces d’oiseaux.
Mais il peut y avoir d’autres problèmes même avec des espèces qui ne sont
pas prédatrices. Toujours en 1830, le lapin de garenne fut introduit comme
gibier. Une cinquantaine d’années plus tard, il proliférait tellement qu’il entra
en compétition avec le mouton. Donc pour lutter contre le lapin on introdui-
sit des furets et aujourd’hui la plus grande population mondiale de furets se
trouve en Nouvelle-Zélande. Ces prédateurs après avoir eu une indigestion de
34 Mille milliards de pattes
lapins se tournèrent vers les kiwis participant à leur rapide raréfaction. L’in-
troduction de cette espèce dans l’île du Nord constitue la première menace à
l’égard du kiwi puisqu’elle prélève jusqu’à 60% des poussins.
Pélopée
qui est responsable de la construction de ces urnes de mortier sur les rideaux,
dans la pharmacie en bois du grand-père ou encore sous le capot de la voiture.
L’arrivée d’une espèce « exotique » pose alors un certain nombre de questions,
notamment sur ses potentialités de déplacement : s’agit-il de transport passif
ou l’espèce est-elle capable de déplacements importants ? Va-t-elle éliminer
d’autres espèces ? Tout ceci est à suivre très sérieusement car à l’heure actuelle
nous ne pouvons encore rien dire sur l’impact de cette espèce chez nous.
Perche du Nil
les eaux douces d’Europe ne contiennent que 129 espèces ! Alors qu’en 1977
les prise de cichlidés représentaient encore 32% du tonnage pêché contre 1%
pour les perches du Nil, 6 ans plus tard c’est l’inverse soit 68% de perches du
Nil et 1% de cichlidés.
La vitesse d’extinction des espèces est devenue très importante. Plus de
la moitié des espèces endémiques semblent déjà éteintes ou en voie de l’être
(environ 65% des espèces) et beaucoup possèdent des populations si réduites
que leurs chances de se rétablir paraissent très faibles. Ces extinctions massives
sont directement liées à la destruction de l’habitat, à l’introduction de la perche
du Nil, à la pollution agricole, à la croissance démographique et à la surexploi-
tation des stocks. Les chiffres montrent que l’introduction de la perche du Nil,
dans le but d’augmenter les rendements de la pêche, a réduit, en une trentaine
d’années, la population des cichlidés d’un facteur 10 000. Parmi ces proies,
un certain nombre se nourrissait d’algues. En leur absence, les algues mortes
s’accumulent et se décomposent, favorisant la consommation d’oxygène et
raréfiant son taux dans le milieu. Ainsi, quelques parties du lac sont devenues
quasi mortes biologiquement à certaines époques. Aujourd’hui, la surpêche
menace l’espèce et pour le lac Victoria, on a passé de 654 000 tonnes en 2006
à 310 000 en 2010 !
Les abeilles domestiques n’ont pas vraiment de chance, après le varroa, petit
acarien arrivé en Suisse dans les années 1980, c’est un nouvel envahisseur qui
pointe le bout de ses mandibules. Aethina tumida est un petit coléoptère de la
famille des nitidulidés qui mesure de 5 à 7 mm. Originaire d’Afrique du Sud,
on lui a donné le nom de petit coléoptère des ruches (small hive beetle) pour
le distinguer du grand coléoptère des ruches (Hyplostoma fuligineus), aussi
originaire d’Afrique du Sud. Ces deux espèces se rencontrent dans les colonies
d’abeilles et ne semblent pas poser trop de problèmes en Afrique du Sud où
les abeilles ont développé des comportements de défense. L’une des techniques
consiste à envelopper l’envahisseur dans de la propolis (résine récoltée par les
abeilles) et à éliminer les œufs et les larves rapidement. Or si les abeilles afri-
caines ont développé ces comportements de défense, les abeilles européennes
sont sans défenses face à ce petit ravageur.
Les femelles s’introduisent dans la ruche et recherchent des fissures pour y
déposer leurs œufs. Ces derniers sont blancs et mesurent environ 1,4 mm de
long et 0,26 mm de large. Deux ou trois jours après, les œufs éclosent et les
petites larves se déplacent à travers les rayons en perçant les alvéoles de cire
pour se nourrir de leur contenu. Les larves mangent tout, à savoir : pollen,
38 Mille milliards de pattes
miel, œufs et larves d’abeilles. Le résultat est rapidement assez dramatique, car
lors de ses déplacements, les trous causés dans la cire laissent le miel s’échap-
per. Ce dernier coule et fermente, s’il n’est pas encore à maturité. Au bout
de 21 à 28 jours, les larves du coléoptère, qui se sont rassasiées, quittent la
ruche pour aller s’enfouir dans la terre et se nymphoser. Les nouveaux adultes
qui sortent de terre peuvent voler et sont capables d’aller infester des ruches
situées à plusieurs kilomètres de leur lieu d’émergence.
Ce petit coléoptère semble se répandre rapidement depuis quelques années
en Amérique du Nord, en Australie, en Egypte. Originaire des régions tropi-
cales et subtropicales situées au sud du Sahara, il a été identifié et décrit en
1867. Ce n’est que depuis 1940 qu’il est connu comme parasite des abeilles.
Les Etats-Unis auraient été colonisés par un essaim d’abeilles présent sur un
bateau en provenance d’Afrique du Sud ! Ainsi en quelques années la côte est
des Etats-Unis a été envahie. Pour l’Australie, c’est en novembre 2002 qu’il a
été signalé aux environs de Sydney. Puis, profitant semble-t-il d’un transport
de matériel apicole, il s’est déplacé dans le Queensland. En 2004, le petit colé-
optère des ruches a atteint l’Europe au Portugal. Nous ne sommes donc pas
à l’abri d’une invasion discrète, car des abeilles sont parfois introduites dans
notre pays sans autorisation d’importation !
Tous les pigeons des villes descendent du pigeon bizet, qui se rencontre encore
dans les falaises de Bretagne, de Grande-Bretagne et des côtes méditerra-
néennes, mais pas en Suisse. Si la couleur de base du bizet est un mélange de
noir et de brun-roux, la majorité des pigeons des villes ne diffère pas tellement
de ce type de base. Mais comment s’est-il urbanisé ?
On admet aujourd’hui que la domestication du pigeon remonte à l’Anti-
quité. Ainsi en Mésopotamie, il y a quelques 5000 ans, on capturait des tour-
terelles des bois pendant leur migration. Les Egyptiens, de leur côté, aimaient
les gaver de grains avant de les manger. Quant aux Grecs, il y a 4000 ans, ils éle-
vaient probablement des pigeons pour se procurer de la viande et de l’engrais.
Les espèces invasives 39
Parce qu’il faut savoir que les fientes de pigeons contiennent 30 % de matière
organique, 5 % d’azote et 5 % de phosphate et de potassium. Si l’on sait qu’un
couple peut produire quelques 5 kg de fientes séchées par année, vous voyez
de quelle manière on pouvait aider l’agriculture…
Punaise américaine
Cette punaise, dont la taille des adultes varie entre 16 et 20 mm, appartient
à la famille des coréidés. Elle a été décrite en 1910 de spécimens récoltés en
Californie. Jusqu’en 1969, elle est restée sagement confinée dans l’Ouest amé-
ricain, puis à partir des années 1970, on la rencontre dans l’état du Wisconsin
et dans l’Illinois. Elle a poursuivi sa progression pour arriver dans l’état de
New-York en 1990 et en Pennsylvanie en 1992. Il faudra attendre alors 1999
pour que les premiers spécimens traversant l’Atlantique se retrouvent en
Italie, soit en Lombardie et Vénétie. La récolte d’individus mâles, femelles ainsi
que de larves indique que des populations permanentes se sont installées dans
ces régions. Depuis l’Italie du Nord, la Suisse ne se trouve qu’à un saut de puce
et récemment des individus ont été trouvés dans le canton du Valais. Personne
n’est capable d’expliquer ces déplacements autrement que par le commerce et
le transport de marchandises ou de végétaux. Cette punaise répond au doux
nom anglais de western conifer bug ou en latin de Leptoglossus occidentalis.
Il s’agit d’une punaise liée aux conifères. D’une couleur générale brune,
on peut remarquer deux V inversés blancs sur les ailes antérieures. La face
dorsale de l’abdomen est jaune ou légèrement orange avec cinq bandes trans-
versales foncées. Aux Etats-Unis, cette espèce n’a qu’une seule génération par
année. Au printemps, les adultes se déplacent sur des pins ou d’autres coni-
fères. Ils se nourrissent des graines et des structures florales. Puis la femelle
dépose une bande d’œufs sur les aiguilles de l’arbre. Les œufs éclosent au bout
de 10 jours et les jeunes larves commencent à se nourrir au niveau des cônes
ou des aiguilles. Après 5 stades larvaires, de nouveaux adultes apparaissent à
l’automne. C’est aussi à ce moment que se manifeste un comportement qui a
Les espèces invasives 41
alerté les personnes vivant à proximité de cette espèce dans les zones conquises
notamment à l’est des Etats-Unis. Les adultes se rassemblent parfois en grande
masse et pénètrent dans les habitations pour passer l’hiver dans un endroit
sec. Il est assez gênant de partager son logis avec des insectes que l’on n’a pas
forcément invités.
Actuellement cette espèce n’est pas considérée comme une espèce nuisible
et l’on n’a pas développé d’insecticide spécifique. En revanche il suffit de les
empêcher d’entrer dans les habitations en fermant les fenêtres surtout lorsque
les soirées deviennent plus fraîches et que les adultes se rassemblent pour
chercher un lieu où passer l’hiver.
qu’elles vont se regrouper dans les habitations pour passer l’hiver. C’est ainsi
que nous aurons certainement l’occasion de les découvrir. Cette punaise, de
12 à 17 mm de long, possède une couleur de fond allant du brun jaunâtre au
gris, mais l’un des critères est la présence de bandes claires sur les antennes.
Arrivée chez nous avec l’importation de plantes ornementales exotiques,
cette punaise diabolique ne fait qu’illustrer l’intensification des échanges
commerciaux globaux et surtout les moyens dérisoires que l’on met pour
le contrôle de ces échanges. Cette globalisation favorise une expansion non
contrôlée de nombreuses espèces devenant invasives et parfois dangereuses
lorsqu’elles s’installent chez nous (moustique-tigre, moustique japonais, berce
du Caucase). L’autre point étant que venant d’un climat comparable au notre,
leur survie est quasi assurée.
Raton laveur
Les ratons laveurs font partie d’une famille de petits carnivores du Nouveau-
Monde. A l’origine, ils habitent l’Amérique du Nord, du sud-est du Canada
jusqu’à l’isthme de Panama. De la taille d’un renard, le raton laveur circule
au sol, la tête basse, le dos voûté, la queue pendante. La longueur du corps est
de 40 à 70 cm, avec une queue de 25 à 40 cm. Il a une tête arrondie, museau
pointu. Il se reconnaît aisément à son masque noir, à ses oreilles bordées de
blanc et à sa queue grise annelée de noir. Les membres sont fins et ont cinq
doigts munis de griffes, les mains possèdent des doigts très écartés, qu’ils utili-
sent avec une grande dextérité.
Le raton laveur est le principal fournisseur de fourrure en Amérique du
Nord, depuis David Crockett. L’espèce n’est pas en voie de disparition puisque
chaque année plus de 4 millions de ratons laveurs sont chassés. Il s’est éta-
bli accidentellement en Europe Centrale en s’échappant d’élevage à la fin de
la Seconde Guerre mondiale. De plus, deux couples ont été lâchés dans les
années 1930 sur l’Edersee (Hesse, Allemagne). Depuis, le raton laveur a colo-
Les espèces invasives 43
Renouée du japon
Les plantes invasives sont parfois détestables parce que certaines peuvent être
très allergènes (ambroisie ou berce du Caucase) tandis que d’autres peu hos-
tiles, se développent un peu partout. C’est le cas de la renouée du Japon. Cette
espèce fait partie des 100 espèces exotiques envahissantes les plus nuisibles
selon une liste établie par l’UICN (Union internationale pour la conservation
de la nature).
En Suisse, on la rencontre un peu partout. Lorsque les populations sont
denses, ces plantes favorisent l’érosion des berges des cours d’eau, car les
tiges aériennes meurent en hiver, laissant le sol nu exposé. Mais, en été, leur
feuillage dense apporte de l’ombre et empêche les espèces de la flore indigène
de se développer. A première vue il semble difficile de pouvoir lutter contre
cette espèce.
Cependant, une espèce d’insecte semble avoir passé la majeure partie des
tests avec satisfaction et pourrait devenir l’ennemi numéro un de la renouée
du Japon. Il s’agit d’un psylle de la famille des aphalaridés. Les psylles appar-
tiennent à l’ordre des homoptères dans lequel on trouve notamment les
cigales. Les psylles sont de minuscules insectes (généralement 2 à 3 mm), res-
semblant à des cigales miniatures. Ils sont nombreux et se trouvent surtout
sur la végétation. De nombreuses espèces sont inféodées à une seule espèce
végétale et beaucoup provoquent l’apparition de galles. S’ils ne sont pas de très
bons voiliers, en revanche, ils sautent assez bien.
Aphalara itadori viendra-t-il à bout d’une des pires plantes envahissantes
en Europe comme la renouée du Japon ? Ce psylle japonais est le meilleur
candidat à la fonction d’auxiliaire de lutte biologique contre la renouée du
Japon malencontreusement introduite en 1840 en Europe pour ses qualités
mellifères (en automne), fourragères, décoratives, de fixation des sols… et qui
Les espèces invasives 45
bouche les cours d’eau, les chemins et les voies de chemin de fer ! Actuellement
en examen au Royaume-Uni, A. itadori supporte bien l’élevage en cage et se
prête à des études poussées. Strictement monophage, il ne se développe que
sur les renouées exotiques (3 espèces en Suisse). On lui a proposé 90 autres
plantes – qu’il a dédaignées – et surveillé le devenir de 145 000 œufs dont
0,6% seulement ont été pondus ailleurs sur d’autres plantes – sans y don-
ner naissance à la moindre descendance. Il reste un petit doute à lever : au
Japon, l’espèce passe l’hiver sur divers ligneux. Mais il est tout à fait impro-
bable qu’en Europe, ceci se traduise par des dégâts directs ou la transmission
de virus.
Tous les 8 à 9 ans, la tordeuse grise du mélèze, un petit papillon, fait une appa-
rition explosive dans les hautes vallées alpines situées à une altitude supérieure
à 1200 m et où l’on rencontre des mélèzes. Les dégâts se manifestent par un
brunissement plus ou moins accentué des arbres.
Le cycle de cette espèce est univoltin (une seule génération par année) mais
il varie en fonction de l’altitude. En Engadine, vers 1800 m, les adultes volent
au crépuscule de mi-juillet à mi-septembre. Chaque femelle pond environ 150
œufs par petits paquets qu’elle place à l’abri d’un lichen qui pousse sur les
branches. Après une semaine d’incubation (température idéale : 11°C), l’œuf
subit immédiatement un début de développement ; toutefois celui-ci s’inter-
rompt au bout d’une quinzaine de jours pour une diapause obligatoire. L’œuf
passe ensuite toute la fin de l’été, l’automne et l’hiver au repos pour reprendre
son développement au printemps suivant. L’éclosion des chenilles coïncide
avec le débourrement du mélèze. Les jeunes chenilles gagnent l’extrémité du
bourgeon et y pénètrent en s’insinuant entre les aiguilles qu’elles rassemblent
avec un fil de soie avant de les dévorer. Pour que la chenille se développe, il
faut une très grande synchronisation entre la phénologie du mélèze et celle
du papillon.
46 Mille milliards de pattes
Les chenilles sont des consommatrices gaspilleuses. Les parties non dévo-
rées et rassemblées par les toiles confèrent au mélèze cet aspect brunâtre si
caractéristique. Il peut arriver que les chenilles aient tout dévoré et épuisé
l’arbre avant que leur développement ne soit terminé. Il peut y avoir jusqu’à
2 millions de chenilles sur un seul arbre ! Elles vont se mettre, dans ce cas, à la
recherche de nourriture et cheminer en masse sur les branches et les troncs. Il
arrive même qu’elles se laissent tomber au sol et se mettent à attaquer la végé-
tation du sous-bois, notamment les rajeunissements de conifères.
A la fin du dernier stade larvaire, la chenille descend sur le sol pour se nym-
phoser. Selon les conditions locales et annuelles, elle achève sa croissance en 39
à 60 jours. Le stade nymphal dure de 25 à 36 jours. L’émergence des papillons a
lieu principalement le matin. Le vol, l’accouplement et la ponte se manifestent
essentiellement au crépuscule et jusqu’à la nuit noire. Et il est intéressant de
noter que ce rythme journalier se maintient en laboratoire sous des condi-
tions de températures constantes et d’éclairement alternatif, mais disparaît en
lumière ou obscurité constantes. Une chute de température entraîne une aug-
mentation de l’activité avant le crépuscule, ce qui permet d’observer un grand
nombre de tordeuses en cours de journée volant autour de la cime des arbres.
Voici un oiseau qui ne mérite pas son nom. La tourterelle turque devrait plutôt
s’appeler tourterelle indienne, car son aire de répartition d’origine est l’Inde,
où elle occupe l’ensemble de la péninsule. Son nom lui fut attribué à l’époque
où l’Empire ottoman était florissant, car elle était sacrée pour les Turcs.
Ces derniers l’introduisirent alors dans les pays conquis. A la fin de la Pre-
mière Guerre mondiale, ces mêmes pays (Grèce et Balkans) exterminèrent
l’oiseau sacré du tyran turc. Heureusement, il subsista quelques couples après
le massacre. La tourterelle fut laissée en paix et c’est ainsi qu’elle commença
son extension vers l’ouest et le nord. Elle envahit à nouveau les Balkans au
début des années 1930, puis l’Europe centrale et occidentale assez rapidement.
La Suisse et la France l’accueillirent dès le début des années 1950. Si elle est
toujours présente chez nous aujourd’hui, la tourterelle turque a atteint l’océan
Atlantique et progresse vers le sud. Elle a niché pour la première fois en Corse
en 1975.
Mâles et femelles sont semblables et mesurent environ 27 cm de long. Le
plumage est de teinte générale brune, plus clair en dessous ainsi que sur la tête
et sur le cou. La grande caractéristique de l’oiseau réside dans le demi-collier
noir bordé de blanc, porté derrière le cou et dont les jeunes sont dépourvus.
Les yeux sont rouges vifs.
Les espèces invasives 47
Le varroa est visible à l’œil nu. La femelle est brunâtre et mesure environ
1,3 mm de long pour 1,7 mm de large. Le mâle plutôt jaunâtre n’atteint pas
1 mm. Ce dernier est difficile à observer, car il passe sa vie dans les alvéoles
de cire. Toute la reproduction se passe dans les alvéoles. Les abeilles adultes
ne sont parasitées que par des femelles adultes, qui semblent montrer une
préférence pour les nourrices. Grâce à cela, les femelles du parasite peu-
vent se glisser dans une alvéole juste avant sa fermeture (ou operculation).
Elles pondent alors cinq ou six œufs dont seul le premier se développe en
mâle. Dès que leur développement est terminé, les jeunes adultes s’accouplent.
Lorsque la jeune abeille émerge, les femelles parasites s’aggripent et quittent la
cellule tandis que le mâle meurt. Grâce aux travaux des chercheurs entrepris
en Suisse depuis l’apparition du varroa, on peut suivre en direct toutes les
phases de la reproduction et du développement du varroa dans les cellules :
les chercheurs remplacent la cire des abeilles par des petits tubes en polystorol
qu’ils placent ensuite dans une ruche infestée. Une fois que la reine abeille a
pondu, les tubes sont ressortis et transférés dans un incubateur. Il suffit ensuite
de suivre ce qui se passe à l’aide d’une caméra vidéo !
Les espèces invasives 49
Xénope lisse
Extinctions d’espèces
Malgré les menaces qui pèsent sur les abeilles, l’apiculture a un rôle écono-
mique important pour notre pays. Depuis de nombreuses années les abeilles
doivent s’adapter à un monde en évolution constante. Cette évolution, non
seulement des pratiques culturales, mais aussi des traitements pas toujours
innocents, ainsi que l’arrivée de divers parasites comme le varroa font que les
abeilles présentent des réactions parfois très spectaculaires.
C’est notamment ce que les anglophones ont appelé le colony collapse
disorder, où les abeilles quittent les ruches en abandonnant leur descendance.
Ces hécatombes d’abeilles ont débuté aux Etats-Unis, mais se rencontrent à
plus petite échelle en Europe et même en Suisse. De nombreuses hypothèses
ont été formulées, mais il est clair que la dégradation lente et peu perceptible
de notre environnement, liée à l’utilisation de pesticides très controversés,
notamment en France, font que les abeilles, bio-indicatrices de la qualité de
notre environnement, se mettent à présenter des signes de défaillance.
Il s’agit d’ouvrir l’œil, car les abeilles et les apiculteurs ont une grande
importance économique en Suisse. Il s’agit avant tout de la pollinisation des
plantes cultivées et des plantes sauvages. Cette pollinisation par les abeilles
permet, pour un grand nombre de cultures agricoles, d’obtenir des récoltes
plus importantes et de meilleure qualité. Ainsi 80% des fleurs des cultures de
colza, de courges, de concombres, de tournesol et des cultures de semences
sont pollinisées par les abeilles. Cette proportion peut monter à 90% pour les
fruits. En chiffres, si l’on prend l’année 2002 (pour laquelle ces estimations ont
été réalisées), la valeur totale de la récolte des fruits et des baies en Suisse s’est
élevée à 335 millions dont 80%, soit 271 millions de francs sont à mettre au
compte de la pollinisation par les abeilles ! Ces dernières méritent donc effec-
tivement une attention particulière pour que l’on puisse toujours, à l’avenir,
bénéficier de leurs prestations.
Aigrette garzette :
autrefois massacrée pour l’industrie du chapeau
Les aigrettes sont des échassiers et appartiennent à la famille des ardéidés, dans
laquelle se trouvent aussi les hérons. L’une des caractéristiques principales de
cette famille est de voler avec le cou rentré. Les cigognes, en revanche, sont
aussi des échassiers, mais volent le cou tendu. L’aigrette garzette, appelée aussi
petite aigrette, est un délicat petit héron blanc, autrefois sauvagement mas-
sacré. Il y a un siècle, la finesse incomparable de sa livrée était très appréciée
pour la chapellerie. Pour les exigences de ces dames, on n’hésitait pas à en
Les espèces menacées 55
abattre des quantités incroyables. Il faut dire que ses plumes sont d’une dou-
ceur et d’une blancheur immaculée. On dit même qu’en livrée nuptiale, les
barbes des plumes de son dos sont aussi fines que des cheveux.
Ce petit héron doit son nom aux deux longues plumes de 25 cm environ
qui ornent sa nuque durant la saison des amours. Cet oiseau a une longueur
de 55 à 65 cm pour une envergure de 88 à 106 cm. Son poids ne dépasse pas le
demi-kilo. Pour être sûr de l’identifier, c’est le seul héron de la région paléarc-
tique qui a les pattes noires et les doigts jaunes. En vol, les pattes dépassent
modérément et les ailes semblent à peu près situées au milieu du corps.
L’aigrette possède un bec très effilé, qui lui permet de pêcher de petits
poissons, batraciens, mollusques et autres animaux aquatiques. Pour ce faire,
les aigrettes se tiennent dans les eaux peu profondes, rivières, lagunes ou
lacs marécageux et chassent à la manière des hérons, à l’affût, le bec pointé
vers le bas et le cou se détendant promptement lorsqu’une proie passe à proxi-
mité.
Amphibiens
La dernière liste rouge des amphibiens est parue en 2006. Ce document très
intéressant fait le point sur le statut de chacune des espèces présentes en Suisse.
L’ancienne liste rouge des amphibiens remontait à 1994, la nouvelle est basée
sur les nouveaux critères établis par l’UICN (Union internationale pour la
conservation de la nature). Au niveau planétaire, 32% des espèces d’amphi-
biens figurent sur des listes rouges soit bien davantage que chez les oiseaux et
les mammifères. Les amphibiens européens paraissent à première vue encore
assez bien préservés. Toutefois deux espèces de Suisse figurent sur la liste rouge
globale, soit la rainette verte et la grenouille de Lataste. A première vue, la
situation en Suisse est assez inquiétante puisque 70% des espèces figurent sur
la nouvelle liste rouge nationale. Parmi les 20 espèces ou complexes d’espèces
présents en Suisse, 14 figurent sur la liste rouge et une est potentiellement
menacée. Une de ces espèces est éteinte, 9 sont en danger et 4 sont vulnérables.
Le crapaud vert est une espèce d’Europe centrale et orientale et toujours rare
en Suisse où sa présence se limitait à la région bâloise et au Tessin. Malheureu-
sement aucun individu n’a été retrouvé lors des derniers recensements et l’on
peut dès lors le considérer comme disparu de Suisse.
Antilope saïga
L’antilope saïga est bien particulière, ne serait-ce que par son physique. En
effet le museau est prolongé en avant un peu comme une trompe et possède
un nez très large. Rien à voir avec une charmante gazelle africaine. Le pelage est
blond roux et les mâles portent des cornes ambrées et translucides. Du point
de vue historique, l’antilope saïga a été décrite par Carl von Linné en 1766 et
placée dans le genre Capra, soit parmi les chèvres. Puis on la déplaça dans le
genre Antilope puis Gazella avant de créer un nouveau genre Saiga qui occupe
une place intermédiaire entre les moutons et les antilopes. En fait, le nom
Saiga est le nom russe pour antilope, le nom de l’espèce tatarica désignant la
région de Russie où elle était fréquente. Je dis bien où elle était fréquente, car
les populations ont chuté en l’espace de 10 ans et il ne restait en 2003 que 5%
de la population estimée en 1992, soit quelques 50 000 individus. Il y a eu au
60 Mille milliards de pattes
cours des dernières décennies une chasse aux mâles effrénée pour leurs cornes
qui pour leur grand malheur entrent dans la médecine traditionnelle chinoise.
Il est assez pénible de constater que malgré les progrès de nos connaissances,
on demeure assez stupide pour croire encore que les cornes d’antilopes ou de
rhinocéros peuvent avoir des effets aphrodisiaques !
Espèce des steppes arides et froides, la saïga avait une distribution assez
large et se rencontrait au nord du Caucase, au Kazakhstan, au sud-ouest de la
Mongolie et en Chine. D’une longueur de 108 à 146 cm et un poids compris
entre 21 et 51 kg, la saïga est une espèce nomade. Mais ce qui est intéres-
sant, c’est son système de reproduction. Les mâles deviennent territoriaux à
l’époque du rut et cherchent à constituer des harems de 5 à 10 femelles. La
période de gestation dure environ 140 jours et la femelle met bas un ou deux
petits au début du mois d’avril. C’est ce qui se passait en temps normal, mais
aujourd’hui comme les mâles sont chassés et diminuent en nombre, on se
retrouve à l’époque du rut avec des harems de 12 à 30 femelles et il n’y a pas
assez de mâles pour les féconder. Même si, dans ce type de population, il y a
toujours un sex-ratio en faveur des femelles avec habituellement un mâle pour
4 femelles, aujourd’hui à cause du braconnage nous avons environ un mâle
pour 36 femelles et suivant les régions un mâle pour 106 femelles. Or ce chan-
gement affecte considérablement la reproduction et entraîne la diminution
rapide des effectifs.
C’est aujourd’hui l’antilope la plus menacée. C’est une question de quelques
années avant sa perte irrémédiable. Il serait judicieux de trouver rapidement
une solution face à ce braconnage intensif. On pourrait par exemple favoriser
le développement des populations et fournir un revenu aux chasseurs en met-
tant sur pied un écotourisme ou une chasse régulée. Il faut aussi savoir que
cette espèce ne s’élève que difficilement en captivité en raison de ses habitudes
nomades. Il ne faut donc pas compter sur cet apport pour la sauver.
Baleine à bec !
En janvier 2006, une baleine à bec s’égarait dans la Tamise à Londres et mal-
heureusement mourrait avant de pouvoir être sauvée. Les baleines à bec figu-
rent parmi les cétacés les moins connus et il est rare d’en apercevoir. Certaines
espèces n’ont même jamais été vues vivantes. La plupart de nos connaissances
viennent de l’étude des cadavres échoués et dans certains cas de brèves ren-
contres en mer. Le principal problème est que ces espèces vivent dans des eaux
très profondes et souvent éloignées de la côte.
Les ziphiidés (baleines à bec) sont de taille petite à moyenne allant de 4 m à
près de 13 m. Toutes possèdent une particularité en commun, un bec allongé,
Les espèces menacées 61
Parmi les menaces pesant sur les oiseaux, on considère que la détérioration
des habitats est l’un des facteurs majeurs, suivi par l’arrivée d’espèces inva-
sives. Souvent, la chasse est considérée comme un facteur secondaire. Et
pourtant…
La bécasse des bois niche en Suisse, principalement dans le Jura et les Pré-
alpes. Depuis plus de deux décennies, la majeure partie des sites de nidifi-
cation du Plateau ont été abandonnés. Un suivi démographique, réalisé en
Suisse occidentale dès 1989, montre une tendance à la diminution des effectifs.
Les deux chercheurs responsables de cette dernière étude ont travaillé dans
deux régions, la première située dans la vallée des Ormonts (canton de Vaud)
et la deuxième en Valais (région au-dessus de Vionnaz). Sept oiseaux ont été
équipés d’émetteurs et ont pu être suivis pendant plusieurs mois. Ces données
ont permis de définir le domaine vital des oiseaux, l’habitat idéal et son utili-
sation, du printemps jusqu’au départ en migration.
De la grosseur d’un pigeon, la bécasse des bois passe le plus souvent ina-
perçue dans les sous-bois, grâce à son plumage tacheté. La meilleure période
pour observer cette espèce est pendant la parade nuptiale, qui peut durer de
mars à juillet. Les mâles décrivent alors de grands cercles au-dessus de leur ter-
ritoire en poussant des cris caractéristiques. On désigne cela sous le terme de
croule. Après l’accouplement, la femelle s’occupe toute seule de l’élevage de ses
jeunes. En période nuptiale, la superficie du domaine vital couvre en moyenne
95 hectares. Le départ en migration a lieu entre le 10 et le 27 octobre et
emmènera nos nicheurs jusqu’au Portugal. Grâce à ces travaux, il ressort
qu’une région forestière doit répondre à de nombreux critères pour être
favorable à la bécasse des bois. Parmi ces critères, la superficie, qui devrait
atteindre 8 km2 pour abriter une population viable. De plus, il faut un habi-
Les espèces menacées 63
tat très diversifié comprenant des peuplements variés. D’ailleurs, les auteurs
vont proposer aux services forestiers concernés une fiche avec l’essentiel
des mesures proposées et des milieux à préserver ou à soigner. Mais le dernier
point est tout aussi important. Il apparaît que les bécasses restent en Suisse
jusqu’à fin octobre. Il est ainsi recommandé de ne pas ouvrir la chasse avant
la fin de ce mois, car compte tenu de la fidélité au site de croule, les indivi-
dus reviennent d’une année à l’autre sur ces lieux et une ouverture préma-
turée de la chasse risque bien d’éliminer ces individus au profit d’individus
migrateurs. Comme nos populations sont peu importantes (entre 1000 et
1500 couples en Suisse) chaque individu est important. Considéré comme
vulnérable sur la dernière liste rouge des oiseaux de Suisse, la bécasse des bois,
mérite une attention soutenue sur la base de ce dernier travail de recherche
et l’on peut souhaiter qu’un dialogue constructif s’établisse entre chasseurs et
ornithologues.
Bisons en Europe
Si l’on remonte XIIe siècle, nous aurions fort bien pu, en Suisse, nous trouver
nez à museau avec des bisons européens. A cette époque, le bison se trou-
vait dans le sud de l’Angleterre, en France et en Suisse notamment. Mais il
va disparaître à la fin du XIVe siècle. On le retrouvait encore en Allemagne
jusqu’au XVIIe siècle. Finalement, les dernières populations de bisons ont sur-
vécu jusqu’au XXe siècle en Pologne dans la forêt primitive de Bialowieza, où
le dernier exemplaire disparut en 1919.
En 1923, une société internationale pour la protection du bison se créée à
Paris. A partir des spécimens de race pure se trouvant dans les jardins zoolo-
giques d’Europe (une quarantaine de spécimens), une première tentative de
réintroduction en milieu naturel a lieu dans un espace clôturé de quelques 60
hectares dans la forêt de Bialowieza. Malheureusement, les vicissitudes de la
Seconde Guerre mondiale vont anéantir cette petite population en 1942. Ce
n’est qu’à la fin de la guerre que l’élevage reprend et, en 1956, une nouvelle
réintroduction a lieu en Pologne. Aujourd’hui, environ 24 troupeaux, dont
cinq en Pologne et le reste en Russie (Ukraine, Biélorussie), représentent plus
de 2000 individus. La seule forêt de Bialowieza en abrite environ 400. Cela ne
signifie pas pour autant que l’espèce peut être considérée comme sauvée de
l’extinction. En effet, les bisons risquent de souffrir de problèmes génétiques
dus à la consanguinité et aussi de l’introduction de bisons américains dans le
Caucase entraînant des risques de croisement entre les deux espèces.
Le bison européen a besoin d’un immense territoire composé de forêts
de feuillus et de forêts mixtes avec un sous-bois diversifié et des clairières
humides. Grâce aux travaux récents des scientifiques polonais, on sait que
le bison est très sélectif dans son régime alimentaire. Il se nourrit de jeunes
pousses de charme, de saule, de bouleau et de frêne, sans pour autant négliger
l’écorce des arbres. Du point de vue des herbes, une graminée, le calamagrostis
roseau, représente plus de 90% des espèces consommées. Il complète cela par
« l’herbe-à-bison » (le hiérochloé odorant), que l’on vous met dans la fameuse
vodka des bisons appelée Żubrówka.
Ces besoins journaliers variant de 20 à 40 kg de végétation suivant son
âge. C’est le plus lourd mammifère terrestre d’Europe. Plus grand, plus fin et
moins trapu que le bison américain, il s’en différencie aussi par son arrière-
train plus puissant, ses cornes plus longues et moins recourbées, son front et
sa tête moins convexes. Les plus gros spécimens peuvent atteindre 1000 kg. Les
femelles sont toutefois plus légères.
Malgré son poids, le bison est un animal rapide et leste, pouvant franchir
des obstacles de deux mètres de hauteur et faire des bonds de plus de trois
mètres. Le vent et la neige ne lui font pas peur, il affectionne plutôt l’ombre et
les marais, ce qui n’est pas le cas de son cousin américain.
Bruant ortolan
Ils ne restent que deux semaines dans le nid avant de s’envoler. Donc, si les
conditions le permettent il y a possibilité d’une deuxième ponte.
C’est en avril-mai que se situe le retour de ce migrateur africain. Il reste
environ 5 mois chez nous avant de repartir. Les mâles peuvent se repérer, se
perchant souvent sur des piquets. C’est cependant grâce à son chant qu’on est
sûr de l’identifier : l’ortolan émet de courtes strophes « ti, ti, ti, tiuu ».
Finalement, l’ortolan est célèbre pour être un met de gourmet. Il était pré-
cédemment réservé aux rois et grands de ce monde. En effet, il est très recher-
ché pour sa chair délicate. En Provence, les ortolans peuvent être préparés de
deux types de façons, rôtis à la broche ou à la casserole.
Caïmans
Les crocodiliens sont répartis en quatre groupes : les gavials, les crocodiles, les
alligators et les caïmans. En Amérique du Sud, il n’existe que celui des croco-
diles et celui des caïmans. Dans le bassin amazonien, il n’y a que des caïmans.
Il existe quatre espèces de caïmans dans cette région, mais seules deux peuvent
s’observer assez facilement : le caïman à lunettes et le caïman noir. Les deux
autres espèces dont la taille maximale est de l’ordre de 1,5 m sont beaucoup
plus discrètes et se rencontrent de préférence le long de petits cours d’eau plu-
tôt rapides et turbulents ou dans des zones forestières humides assez éloignées
des grands cours d’eau comme le Rio Negro ou l’Amazone.
Le caïman à lunettes peut atteindre 2,5 m alors que le caïman noir peut
dépasser parfois 3,7 m. Ces deux espèces marquent une nette préférence pour
les grands cours d’eau avec des courants relativement faibles.
Le caïman à lunettes doit son nom à un pont osseux situé avant les yeux
et qui ressemble effectivement à la jointure de lunettes. La tête courte est
Les espèces menacées 67
pourvue de paupières saillantes reliées par une crête osseuse très nette qui
ressemble à la branche médiane d’une paire de lunettes. Le dos est brun ver-
dâtre, grisâtre ou rougeâtre avec des tâches foncées. Le ventre est clair. Le plus
souvent on aperçoit juste la tête qui dépasse de l’eau et parfois juste les narines
et les yeux à la surface. Les femelles pondent en moyenne une trentaine d’œufs
dans un nid fait avec des débris de végétation. Elles protègent leur nid, mais
on ne sait pas trop si elles assurent l’éclosion des petits. Toujours est-il que
lorsqu’ils sortent de leur œuf, les petits caïmans mesurent entre 17,5 et 20 cm.
Malheureusement les petits sont attrapés et vendus aux Etats-Unis comme
animal de compagnie et finissent souvent relâchés dans la nature. Ainsi
on sait qu’il existe des colonies bien établies dans le sud de la Floride. Bien
que de taille assez modeste, cette espèce a un comportement défensif assez
violent.
Le caïman noir est très foncé et apparaît noir lorsqu’il est mouillé, mais
les jeunes possèdent des bandes jaunes qui demeurent parfois jusqu’à l’âge
adulte. Les femelles pondent entre 30 et 40 œufs dans un nid également fait
de débris de végétation. Les petits mesurent entre 20 et 23 cm de long. C’est
surtout la nuit que vous pourrez savoir si le fleuve sur lequel vous vous trouvez
abrite des caïmans noirs. Il est assez facile de les observer à l’aide d’une lampe,
car leurs yeux brillent d’une couleur rouge. Cette espèce est nettement plus
agressive que le caïman à lunettes particulièrement si un individu se retrouve
acculé le long d’une berge sans possibilité de plonger. Les grands individus
sont capables de s’attaquer aux animaux domestiques ou d’élevage et sont
souvent chassés ou même exterminés. Habituellement, le régime alimentaire
comprend des insectes, des poissons et des oiseaux d’eau, voire de petits mam-
mifères terrestres.
Campagnol amphibie
Alors que les petits rongeurs sont plutôt nocturnes, le campagnol amphi-
bie est actif de jour comme de nuit autant en été qu’en hiver. Il est essentiel-
lement végétarien et ronge les racines et les parties vertes des plantes qu’elles
soient submergées ou non. A l’occasion, il ne dédaigne pas les insectes, écre-
visses ou même les amphibiens. Il plonge très bien et peut rester plusieurs
minutes sous l’eau. Il creuse généralement des terriers dans la berge, mais on
peut aussi trouver des nids cachés dans la végétation des berges. La saison de
reproduction peut être longue (de mars à octobre) et à la période des amours,
mâle et femelle se poursuivent dans l’eau en poussant de petits cris. L’accou-
plement se déroule dans l’eau ou à proximité immédiate. La gestation est de
3 semaines environ et on compte en moyenne 3 ou 4 portées par an avec une
moyenne de 3,5 petits par portée. Suivant les régions, l’espèce peut atteindre
une densité de 5 individus pour 100 m de rives. Malgré ces densités, le cam-
pagnol amphibie ne provoque jamais de dégâts susceptibles de porter atteinte
aux activités humaines, contrairement aux rats musqués et aux ragondins qui
détruisent les berges.
Chiru
Si vous consultez la liste rouge des reptiles menacés de Suisse, vous constaterez
que cette espèce est considérée comme disparue de notre pays. Toutefois, des
tentatives de réintroduction ont eu lieu ; l’unique population ne provenant pas
d’individus réintroduits se trouve près de la frontière suisse dans les environs
de Côme. La tortue bourbeuse devait être commune sur les bords du Léman ;
les armoiries de la famille Cusin, originaire d’Aubonne, représentent une
cistude.
Son aire de répartition était très vaste, puisqu’on la trouvait du nord de
l’Allemagne et de la Pologne jusqu’au pays d’Afrique du Nord. Autrefois très
commune en Europe, ses effectifs ont fortement diminué dans la plupart des
régions. Elle pâtit principalement de la pollution des eaux et des activités
humaines. Jusqu’au début du siècle passé, elle était aussi consommée réguliè-
rement dans le sud de la France.
La tortue bourbeuse, comme son nom l’indique, est un reptile très discret
qui se dissimule dans les fonds vaseux. Avec beaucoup de patience, on peut en
observer se chauffant sur des pierres au soleil, au milieu de la matinée. Dans
les plaines du Pô, la tortue bourbeuse sort de sa léthargie au début d’avril, en
quittant le trou qu’elle a creusé ou la vase de son plan d’eau. Durant l’hiver,
ses besoins en oxygène sont fortement réduits, les échanges gazeux peuvent se
produire sous l’eau. L’eau est un élément essentiel pour cette espèce, les indi-
vidus récoltés en Suisse provenaient aussi bien de rivières, de ruisseaux que
de mares et de lacs. De la fin d’avril à la mi-mai, le mâle poursuit la femelle ;
l’accouplement peut se dérouler sur plusieurs jours ; la femelle portant le mâle
sur son dos, aussi bien dans l’eau que sur terre ferme. Après deux mois de ges-
tation, la femelle creuse un trou d’une douzaine de centimètres de profondeur
non loin de la berge ; trois à seize œufs y sont déposés. Lorsque la ponte est
achevée, la femelle comble soigneusement le trou. La durée de l’incubation est
variable, mais dure en moyenne une septantaine de jours. Les jeunes qui quit-
tent le nid ne pèsent que cinq grammes et sont parmi les plus petites tortues
du monde à ce stade.
74 Mille milliards de pattes
Fulmar boréal
coups d’ailes, raides et peu amples. Il flotte très bien sur l’eau et doit faire un
effort pour s’envoler. Il est le seul procellaridé à posséder un plumage clair et
une vie diurne. Il évolue uniquement en haute mer sans guère se poser et se
rend à terre par obligation pour la reproduction. Les colonies sont hébergées
dans les falaises maritimes (côtières ou insulaires) comme en Bretagne ou en
Normandie. Son aire de distribution couvre une vaste partie de l’hémisphère
Nord jusqu’au Groenland et au Spitzberg. La France constitue la limite sud. La
première nidification recensée en France date de 1960 aux Sept-Iles.
La gélinotte des bois est une espèce très discrète et très rarement observée. De
plus, sa coloration parfaitement mimétique l’aide à se dissimuler. Très méfiant,
ce petit gallinacé fuit au moindre danger pour se poser sur une branche, où il
demeure silencieux et immobile. La gélinotte des bois appartient à la famille
des tétraonidés, comme le grand tétras, le tétras-lyre et les lagopèdes, oiseaux
habitant les forêts septentrionales de l’hémisphère Nord. Une grande par-
tie des données existantes sur cette espèce ont été estimées à partir de traces
(traces dans la neige, plantes attaquées, crottes, plumes).
D’une taille de 35 cm, la gélinotte a une queue assez longue. Le dessus du
corps est grisâtre à brun-roux, richement tacheté et barré de noir et de brun.
On découvre de larges bandes blanches sur les côtés de la gorge. Lorsque l’oi-
seau est en vol, on peut remarquer une queue grise terminée par une large
bande blanche. Les deux sexes se distinguent à la couleur de la gorge : celle du
mâle est noire, alors que celle de la femelle est blanchâtre.
Bien que la gélinotte niche à terre comme les autres tétraonidés européens,
elle passe la majorité de sa vie dans les arbres. A l’âge de 8 jours, elle est déjà
capable de voler ! Grâce à l’analyse des crottes, on connaît tout ou presque sur
son régime alimentaire. En hiver, elle se nourrit sur les arbres et les buissons,
mais elle apprécie aussi les jeunes pousses de myrtilles. Au début de l’hiver,
les fruits du sorbier sont sa nourriture préférée. Mais si ces derniers viennent
à manquer, la gélinotte se rabat sur les bourgeons de sorbier et d’aubépine
ou sur des graines de conifères. Grâce à ce régime, la gélinotte survit même
pendant les hivers où la couverture de neige est abondante. A partir du mois
de mai, elle consomme les bourgeons de hêtre fraîchement débourrés, puis
78 Mille milliards de pattes
au cours de la belle saison, divers petits fruits comme les fraises et différentes
graines de graminées. N’oublions pas les fourmis rousses qui font parfois les
délices de cet oiseau, tout comme les galles qui peuplent les différentes espèces
de feuillus.
La gélinotte est monogame. Les mâles délimitent leur territoire (10-12
ha) et les couples se constituent en automne. Le couple reste en principe uni
pour la vie. La nidification se déroule en avril dans une simple dépression.
La femelle dépose une dizaine d’œufs qui sont couvés pendant 21 jours. Les
poussins sont rapidement capables de quitter le nid et deviennent des vir-
tuoses dans l’art de se cacher et de grimper aux arbres. La progéniture passe
l’été au sein de la famille avant de migrer au mois d’août à la recherche de
nouveaux territoires.
Protégée sur l’ensemble du territoire suisse depuis 1962, la gélinotte
demeure très menacée par l’extension du réseau des chemins forestiers et des
pistes de ski, notamment les pistes de fond. Elle est répandue avant tout dans
le Jura, les Préalpes et les Alpes. Alors qu’elle habitait à l’origine les forêts de
plaine, elle se retrouve aujourd’hui cantonnée entre 1000 et 1600 m d’altitude.
Gorilles
L’un des problèmes majeurs des petites populations isolées d’espèces se repro-
duisant lentement est leur sensibilité aux perturbations de leur milieu. Ce pro-
blème touche notamment les grands mammifères et plus particulièrement les
grands primates. Vous vous rappelez sans doute de l’existence de Beethoven,
ce superbe mâle de gorille des montagnes (Gorilla beringei) du film Gorilles
dans la brume.
C’est bien de cette population dont nous allons parler. Elle habite dans la
région des volcans des Virunga, une zone comprise entre la République démo-
cratique du Congo, le Rwanda et l’Ouganda. Cette région est un parc natio-
nal depuis 1925 et l’une de ses responsabilités est la protection des gorilles
des montagnes. Mais c’est aussi une des régions les plus densément peuplées
d’Afrique avec une moyenne de 400 à 600 habitants par km2. Si les premiers
travaux effectifs de conservation ont été initiés par George Schaller au début
des années 1960, puis repris et poursuivis par Dian Fossey dès la fin des années
1960, il faut malheureusement constater que cela n’a pas pour autant sup-
primé le braconnage et la chasse. Dès les années 1980, des programmes parti-
culiers de protection furent mis en place, mais une dizaine d’années plus tard
80 Mille milliards de pattes
(janvier 1991) des génocides ont forcé des milliers d’habitants à fuir leur région
et à se réfugier dans les forêts ou à se retrouver dans d’immenses camps de
réfugiés au Zaïre. Toutes ces conditions ont mis une pression élevée sur cette
zone protégée et l’on peut se demander si les gorilles n’ont pas souffert de cet
état. Pour pouvoir effectivement disposer de données cohérentes, il est impor-
tant de suivre pendant des décennies les populations d’animaux sauvages. Or
depuis 1971 des comptages réguliers des différents groupes, constituant cette
population de gorilles des montagnes, ont eu lieu tous les 5 ans, sauf durant
les années 1990 à cause des conflits évoqués ci-dessus. Néanmoins un recen-
sement effectué en l’an 2000 faisait état d’une population de 260 à 270 indi-
vidus, alors qu’on pouvait compter avec environ 324 individus avant le début
des conflits majeurs en 1991. Or après une dizaine d’années, il est presque
encourageant de voir que l’on estime la population à quelque 395 individus.
Cela donne une croissance annuelle d’environ 1% sur toute la période consi-
dérée. Malgré les conflits qui n’ont pas cessé durant la dernière décennie, les
populations des gorilles habitant à cheval sur la République démocratique du
Congo, le Rwanda et l’Ouganda ont légèrement augmenté. Malheureusement,
on admet aujourd’hui que cela ne suffit pas pour assurer la viabilité d’une
telle population. Il est donc plus que nécessaire de soutenir les programmes de
protection mis en place.
Les espèces menacées 81
Grand pingouin
Grand tétras
De toutes les espèces forestières, le grand tétras est l’une de celles qui ont connu
le déclin le plus important dans toute leur aire de répartition européenne. En
Suisse, les recensements entrepris ces dernières années ont montré un recul
alarmant mais aussi l’importance du Jura vaudois.
Les mâles au stade adulte pèsent de 3,5 à 5 kg pour une envergure de 80 cm.
La taille imposante du grand coq en fait la principale espèce de l’avifaune des
forêts du Jura. Il est intéressant de remarquer le dimorphisme très prononcé.
Les femelles sont plutôt discrètes dans leurs couleurs, alors que les mâles
investissent dans la parure, le but étant de dominer les autres mâles et de s’ac-
coupler avec un maximum de femelles. En principe, comme la plupart des
gallinacés, le grand tétras est assez prolifique. Les femelles sont sexuellement
matures à un an, mais il faudra attendre quatre ans pour qu’un mâle puisse
parader. Recenser une telle espèce, habituellement discrète, n’est pas chose
facile. Les seules observations directes se font sur les places de chant. Mais, à
ce propos, il convient de souligner que nombre de naturalistes amateurs ou
photographes animaliers ont involontairement dérangé les coqs au printemps
sur les places de chant.
Mais revenons au comportement de cette espèce. Les mâles sont territo-
riaux durant les parades dans le périmètre de la place de chant. Imaginez un
Les espèces menacées 83
gâteau avec des parts, chaque coq détenant une ou plusieurs parts. Les femelles
ne sont pas territoriales, mais elles ne visitent qu’une seule place de chant, où
elles viennent brièvement à la période de reproduction. Les parades sur les
places de chant débutent fin mars, début avril et les accouplements ont lieu
durant le mois d’avril. La femelle pond de quatre à neuf œufs quelques jours
seulement après l’accouplement à partir du mois de mai. Les poussins gardent
leur duvet les deux premières semaines et sont très sensibles aux baisses de
température. A douze degrés, un poussin meurt s’il est éloigné de sa mère plus
de douze minutes. A l’âge de cinq à sept semaines, les jeunes sont thermique-
ment indépendants et volent suffisamment bien pour passer la nuit sur les
arbres. Les nichées se dispersent à partir du début de l’automne.
Si, dans le passé, le grand tétras était également présent dans les Préalpes,
aujourd’hui les tétras du canton de Vaud ne survivent que dans la chaîne juras-
sienne. La menace est sérieuse de voir disparaître cette espèce, des mesures très
concrètes de protection sont en cours.
Unis comme animal domestique ! En captivité, elle vit plus de 20 ans. Elle
est connue aussi pour produire dans ses glandes céphaliques une substance
qu’on utilise comme médicament pour régler la pression sanguine. Heureu-
sement, cette substance n’est pas prélevée sur les rainettes, mais produite par
synthèse.
Le gypaète barbu est l’un des plus grands rapaces, son envergure peut atteindre
2,90 m. Facile à identifier en vol, on le reconnaît à sa longue queue cunéi-
forme. Il possède un plumage sombre, hormis la tête, le cou, la face ventrale et
les pattes allant du blanchâtre au roux. On ne connaît toujours pas le rôle de
cette barbe constituée d’une touffe de poils raides. Si le gypaète appartient au
groupe des vautours, sa silhouette et son vol rappellent plutôt l’aigle. Il existe
trois espèces de vautours se reproduisant en Europe : le vautour moine, le vau-
tour fauve et le percnoptère.
Le gypaète barbu est une espèce des zones alpines. Il apprécie tout particu-
lièrement les zones avec des falaises escarpées où il est au calme pour assurer sa
nidification et l’élevage de sa progéniture. Comme il se nourrit de charognes,
il doit disposer de vastes surfaces à survoler : 70 à 90% de son alimentation se
compose d’os. Si cela paraît peu nourrissant, détrompez-vous, un os compte
12% de protéines, 16% de graisses, 23% de minéraux et 49% d’eau ! Ses besoins
quotidiens en nourriture s’élèvent à 0,5 kg, soit 1,5 kg pour un couple avec un
petit. Cela représente entre 50 et 70 cadavres d’ongulés par année.
C’est en 1978 que s’est tenue à Morges l’assemblée fondatrice du projet de
réintroduction du gypaète dans les Alpes. Le lâcher des premiers oisillons issus
Les espèces menacées 87
Dès 1997, le projet a fait un immense pas en avant avec la première repro-
duction en milieu naturel à partir d’animaux élevés en captivité. Et en 2007, ce
ne sont pas moins de trois couples qui se sont reproduits sur le territoire hel-
vétique ! Donc, après plus de 120 ans, la Suisse abrite aujourd’hui trois couples
nicheurs et parents d’un jeune.
Compte tenu de la durée de vie de cette espèce, qui est de l’ordre de 30 à
35 ans dans la nature et de la maturité sexuelle qui intervient à partir de 6 à 8
ans, l’avenir de cette population des Alpes semble pour cette fois prendre une
direction tout à fait convenable.
88 Mille milliards de pattes
Il n’est pas rare de voir des amas de branches et de bois qui s’envoleront en
fumée après les traditionnels discours de circonstances le soir du 1er août (Fête
nationale suisse) préparés quelques jours à l’avance. Or il s’avère que ces tas
constituent un abri idéal pour de nombreuses espèces, notamment les héris-
sons qui y voient un endroit idéal pour se reposer. Malheureusement le soir du
1er août les hérissons risquent bien de griller vif, si l’on ne prend pas garde de
vérifier qu’il n’y ait pas d’individus cachés sous ces branches. Deux techniques
peuvent être recommandées, la première consiste à retourner le tas avant de
l’allumer, ou alors à mettre un petit bout de treillis à poule à la base du tas lors
de la constitution du bûcher. C’est un petit effort qui risque bien de sauver la
vie à ces mammifères bien particuliers qui paient actuellement un très lourd
tribu à la route.
Il existe environ une douzaine d’espèces de hérissons, mais une seule espèce
chez nous. Le hérisson européen est remplacé en Europe orientale par une
autre espèce (Erinaceus concolor) qui ne diffère de notre hérisson que par la
couleur de sa gorge et sa poitrine plus claires ainsi que quelques modifications
des os au niveau du crâne. Avec son dos et ses flancs recouverts de piquants, sa
faculté de se mettre en boule à la moindre alerte, le hérisson est connu de tous.
Bien qu’ayant une préférence pour les terrains secs, le hérisson est commun
partout où il trouve gîte et nourriture. En Suisse, toutes les régions de basse
altitude sont occupées. Dans les Alpes, la densité de l’espèce est faible mais on
le trouve jusqu’en amont de Brigue en Valais, jusqu’à Disentis aux Grisons et
même à Davos où se maintiennent quelques populations isolées. Dans le Jura
et les contreforts des Préalpes, l’espèce est régulièrement rencontrée jusqu’à
1000 m d’altitude.
vement des cachettes afin de mettre bas. Comme notre esprit, un peu trop
« propre en ordre », nous fait nettoyer tous amas, à première vue inutile, ils ne
restent souvent pas grand abri pour ces dames. Donc ouvrez l’œil et demandez
à l’employé communal responsable du feu, un petit travail supplémentaire, les
hérissons lui en seront reconnaissants et mangeront certainement quelques
limaces supplémentaires en contrepartie.
Hiboux et chouettes
varie considérablement selon les espèces. Par exemple, la plus petite espèce de
hibou qui ne pèse que 80 g, soit le hibou petit-duc, se nourrit presque exclu-
sivement d’orthoptères tandis que la plus grande espèce, le hibou grand-duc,
dont le poids peut atteindre 3,3 kg se nourrit de buses, de canards, de héris-
sons ou encore de renardeaux.
Parmi les espèces les plus menacées, il faut citer le hibou petit-duc qui n’ha-
bite aujourd’hui plus qu’un tout petit territoire en Valais central. Il est dépen-
dant de prairies sèches où vivent ses proies favorites, mais a aussi besoin de
vieux arbres pour nicher. La deuxième espèce fortement menacée en Suisse est
la chouette chevêche. Habitante des plaines, c’est une espèce qui niche le plus
souvent dans de vieux arbres fruitiers. Or ces vieux arbres ont fortement dimi-
nué et ceux qui restent ne sont pas forcément pourvus d’abris. Il faut savoir
que chouettes et hiboux ne construisent pas de nid ; ils utilisent des cavités
naturelles dans les arbres ou les rochers, ou encore de vieux nids de corvidés
ou de pics. On peut aussi leur poser des nichoirs artificiels, mais cela demande
un minimum d’investissement et de temps. Aujourd’hui, quelques dizaines de
couples sont répartis entre le Tessin, l’Ajoie et Genève. Si les hiboux grand-
duc repiquent un peu, le canton de Vaud n’abrite qu’un ou deux couples tan-
dis que le canton du Valais une quinzaine, soit la plus grande population de
Suisse. D’ailleurs on estime que l’ensemble de la population doit approcher
les 120 couples. Cette espèce a beaucoup souffert des pesticides et des lignes à
haute tension. Enfin la chouette de Tengmalm, habitante des lisières de forêts,
n’est aujourd’hui pas menacée. Elle a cependant bien failli disparaître pour
la simple raison que l’on éliminait systématiquement les vieux arbres munis
d’anciens trous de pics noirs. Pour les autres espèces la situation semble plus
favorable.
Riche de plus de 700 espèces, la famille des iguanidés est spécifique du Nou-
veau-Monde. Parmi les représentants les plus originaux, il convient de citer
les iguanes marins des Galápagos, qui sont les seuls iguanes et les seuls lézards
marins du monde. Ils se rencontrent le long des côtes rocheuses de l’archi-
pel. Créatures du déluge par leur aspect, leur couleur noir suie par exemple,
ils sont très mimétiques des roches basaltiques sur lesquelles ils passent de
longues heures à se chauffer. Leur taille peut atteindre un mètre de long, et la
queue représente la moitié de la longueur du corps. Animaux à sang froid, les
iguanes doivent commencer leur journée en se réchauffant au soleil : en effet,
leur température interne doit atteindre environ de 35 à 37 degrés pour qu’ils
puissent plonger et se nourrir dans l’eau.
Les espèces menacées 91
En 1994, paraissait la première liste rouge des libellules de Suisse. Dès lors, on
peut se demander pourquoi une nouvelle liste rouge ? Depuis la parution de
la première version, l’Union internationale pour la conservation de la nature
(UICN) a défini, puis proposé de nouveaux critères et de nouvelles catégories
pour l’établissement des listes rouges nationales et internationales. Ce point
est très important, puisqu’il va permettre la compatibilité entre les différentes
listes dressées en Suisse sur les différents groupes d’organismes, mais aussi et
surtout une compatibilité avec les listes dressées à l’étranger. Alors qu’est-ce
qui a changé ? Aujourd’hui, les listes rouges sont basées sur l’estimation de la
probabilité d’extinction d’une espèce ou d’un groupe d’espèces dans un laps
de temps déterminé. Les principaux critères adoptés pour répartir les espèces
dans les différentes catégories de menace sont quantitatifs. Ils touchent aux
fluctuations d’effectifs ou de taille des populations des espèces considérées,
à la variation de leur aire de distribution, au nombre de stations connues
notamment. Ce sont donc des évaluations plus précises qui permettent une
intervention précoce pour éviter dans certains cas, nous l’espérons, la dispa-
rition d’une espèce.
Les principales catégories de menaces sont les suivantes : éteint lorsqu’il ne
fait plus aucun doute que le dernier représentant d’une espèce est mort ; éteint
régionalement (par exemple, éteint en Suisse mais pas en Europe) ; en danger
critique d’extinction ; en danger ; vulnérable ; quasi menacé.
Qu’en est-il des libellules au niveau suisse ? En 2002, sur les 72 espèces
indigènes, 26 (36%) étaient en voie de régression, voire même d’extinction,
et 12 étaient potentiellement menacées. De plus, on a constaté que, mis à part
certaines espèces rares, 3 espèces communes ont régressé entre 1994 et 2002.
94 Mille milliards de pattes
Lièvre brun
adulte pèse entre 3 et 5 kg pour une taille variant entre 45 et 65 cm de lon-
gueur. Les oreilles mesurent entre 8,5 et 10 cm de longueur. La fourrure est
gris-brun, un peu plus claire sur la partie ventrale. Le lièvre brun mue deux
fois par an, mais sans changer de couleur comme son cousin le lièvre variable,
qui lui mue trois fois par année notamment en automne, où sa fourrure passe
du gris-brun au blanc. L’alimentation du lièvre brun se compose principale-
ment de végétaux, et il possède, comme les autres membres de la famille des
léporidés, un appareil digestif spécialisé pour assurer la digestion d’une telle
nourriture.
En Suisse, le lièvre brun est une espèce de basse et de moyenne altitude. On
peut le rencontrer sur le Plateau et les étages collinéen et montagnard jusqu’à
une altitude de 1500 m environ. Il est présent sur l’ensemble de la chaîne
jurassienne et dans le fond des vallées alpines, où il remplace le lièvre variable.
Face à la diminution effective des populations, les lièvres bruns sont recen-
sés dans 218 régions de Suisse depuis 1991. Les premiers résultats ont été pré-
sentés dans la revue Environnement de l’Office fédéral de l’environnement en
2002. Ils indiquent que, dans plus de la moitié des zones de recensement, la
densité n’est que de deux ou trois individus par km2, ce qui est très près du
seuil critique en dessous duquel l’espèce disparaît. On estime qu’une densité
de six individus au km2 est suffisante pour assurer le maintien de l’espèce.
Or seuls 12% des zones de recensement atteignent ou dépassent cette den-
sité. Selon cette étude, le plus important est la taille de l’espace vital. Seuls les
espaces vitaux suffisamment vastes et qui se chevauchent légèrement permet-
tent des réunions collectives pour l’accouplement. Il leur faut de plus un sol
assez sec, une grande diversité culturale et la présence de haies. Actuellement
la meilleure région est celle du Grand Marais, sur les cantons de Fribourg et de
Berne. Dans cette région, on découvre en moyenne 20 lièvres au km2. La situa-
tion s’y améliore lentement mais sûrement depuis 1997, avec une progres-
sion moyenne de l’ordre de 8%. C’est un bon début, et l’on peut se demander
s’il s’agit des premiers effets des surfaces de compensation écologique. Cela
devrait encourager tous les agriculteurs à poursuivre voire à développer ces
surfaces.
Loup d’Abyssinie
Ce canidé social est caractérisé par son adaptation exceptionnelle aux alti-
tudes élevées (3000-4100 m). Il ne dépasse pas les 20 kg et se nourrit essentiel-
lement de rongeurs, très abondants à cette altitude. La chasse dont il fait l’objet
le pousse à être nocturne. Il est curieux de constater qu’il se nourrit essentielle-
ment de proies qu’il chasse seul, alors que les groupes sociaux se forment géné-
ralement en vue d’une coopération permettant de chasser des grosses proies.
Il déroge ainsi à la règle. Les groupes sont bien déterminés, comme chez le
loup, et les conflits entre groupes sont fréquents. La structure sociale du loup
d’Abyssinie repose sur un couple dominant entouré d’individus subordonnés.
Une meute comprend de 3 à 13 individus. Ce sont souvent les jeunes femelles
qui quittent la meute pour éviter une trop grande consanguinité.
Les rongeurs représentent plus de 90% des proies retrouvées dans les fèces
collectées. Trois espèces sont dominantes soit le rat-taupe géant et deux rats
de prairie très communs. Le rat-taupe géant est une espèce endémique des
pelouses afro-alpines du massif montagneux du centre de l’Ethiopie. D’un
poids oscillant entre 300 g et un kilo, ce rongeur est une proie de prédilection
car sa densité peut atteindre 6000 individus au km2 ! Chaque individu possède
son propre réseau de galeries pouvant atteindre une centaine de mètres. Il n’en
sort que rarement et ses yeux sont disposés sur la tête ce qui lui donne l’aspect
d’un crapaud, mais s’avère particulièrement utile pour surveiller ce qui vient
d’en haut.
L’animal est pourchassé depuis longtemps parce qu’il est considéré comme
nuisible pour les espèces domestiques. Il est en compétition avec les chiens
domestiques qui, par ailleurs, lui transmettent des maladies, comme la rage.
Au début des années 1990, la rage a décimé la moitié de sa population. Il est
Les espèces menacées 97
Le lucane cerf-volant est probablement l’un des plus grands coléoptères euro-
péens. Tout comme les scarabées et quelques familles voisines, les lucanidés
appartiennent à la superfamille des scarabéoïdes qui se reconnaissent à leurs
antennes terminées par des articles en lamelles. D’ailleurs, on les appelait
autrefois des lamellicornes. Le nom de lucane, ou Lucanus en latin, aurait été
donné à cet insecte plus d’un demi-siècle avant Jésus-Christ ! En effet, un ami
de Cicéron, savant de l’ancienne Rome, nommé Nigidius Figulus, le men-
tionne déjà. Vous pouvez également relire L’Histoire naturelle de Pline, il parle
de cette espèce dans son livre numéro XI.
Cette espèce est caractérisée par un fort dimorphisme entre mâle et
femelle. Le mâle peut atteindre 7,5 cm de long, exceptionnellement 9 cm ! La
Les espèces menacées 99
femelle est nettement plus petite ne dépassant guère 4 à 5 cm. Mais ce n’est pas
tout, le mâle a, pour une fois, une tête étonnamment développée, bien plus
large que le thorax, portant une paire de mandibules complètement hypertro-
phiées, ressemblant un peu à des bois de cerf. A côté de ces grands individus
majestueux, on rencontre une forme plus petite appelée capreolus, atteignant
au plus 4 cm de longueur, dont les mandibules sont nettement plus petites et
plus faibles. Selon le coléoptèriste suisse V. Allenspach, il n’y aurait guère que
2% de géants. Dès qu’on quitte la plaine, on ne rencontre plus que des mâles
de taille petite à moyenne.
Le lucane cerf-volant apprécie les vieilles chênaies et châtaigneraies. Les
adultes volent au crépuscule de mai à octobre, mais sont surtout abondants
en juin et juillet. Ils recherchent les arbres sur lesquels la sève s’écoule d’une
blessure. Les mâles n’utilisent pas leurs immenses mandibules pour se nour-
rir, mais lèchent la sève avec leur grande langue jaune et velue, comme les
femelles d’ailleurs. Les mandibules servent uniquement au combat des chefs,
pour gagner une femelle. Ces combats se terminent assez souvent en laissant
des individus en piteux état.
Après l’accouplement, la femelle pond ses œufs dans des souches ou dans
le bois pourrissant de vieux chênes ou châtaigniers. Comme la plupart des
insectes xylophages, le développement larvaire est excessivement lent. Chez
nous, ce développement peut atteindre facilement cinq à six ans avant que la
larve ne passe au stade de nymphe. Juste avant de se nymphoser, elle quitte le
bois pour s’enterrer à 20 cm environ sous la surface du sol où elle s’aménage
une loge de terre agglutinée de la taille du poing.
L’insecte adulte éclot en automne mais reste jusqu’à l’année suivante sous
terre avant de se frayer un chemin à l’air libre. En Suisse, le lucane se ren-
contre au pied du Jura, dans le bassin lémanique, en Valais, au Tessin et dans
les vallées orientées au sud. Les modifications peu judicieuses de notre paysage
affectent sa survie, et aujourd’hui, il figure comme espèce protégée par la loi
sur la protection de la nature et du paysage.
100 Mille milliards de pattes
Le plus grand des canidés sauvages est menacé de disparition, mais que sait-on
vraiment ?
Reconnaissables à leur pelage aux motifs flamboyants, les lycaons ont une
allure un peu équivoque qui n’est pas sans rappeler celle des hyènes. En effet,
ils partagent avec ces dernières le même museau court et épais, un crâne muni
de fortes crêtes osseuses et des oreilles démesurément grandes. Pourtant, ils
n’ont aucun lien de parenté, même si parfois on les a appelé « chiens-hyènes ».
Ce canidé est le seul à ne posséder que quatre doigts à chaque patte, alors que
toutes les autres espèces possèdent quatre doigts aux pattes postérieures et
cinq aux antérieures.
que dans les zones protégées et parcs nationaux, les causes de mortalité sont
plus naturelles qu’à l’extérieur de ces zones. Les chercheurs suggèrent que cette
espèce pourrait survivre sans trop de problèmes dans des zones surveillées et
consacrées soit à l’élevage d’ongulés sauvages ou domestiques, mais qu’il est
urgent de trouver des solutions pour les zones non protégées.
Lynx
Après une absence d’une centaine d’années, le lynx eurasien (Lynx lynx) a été
réintroduit en Suisse dans le Jura et les Alpes au cours des années 1970. Il a alors
rapidement colonisé l’ouest et le centre des Alpes, ainsi que le sud du Jura. Il est
donc à nouveau présent en Suisse depuis 40 ans. Le type d’habitat lui convient
bien et il y a suffisamment de proies. Pourtant, l’espèce garde aujourd’hui le
statut d’espèce menacée. Certaines régions n’ont que peu été colonisées malgré
la présence de zones favorables. C’est notamment le cas des Grisons. Pour le
lynx autant que pour nous, il serait préférable que sa population s’étende sur
une plus grande surface mais avec des densités plus réduites. Cependant, des
barrières naturelles et artificielles (crêtes montagneuses élevées, lacs, agglomé-
rations, autoroutes) s’opposent à une expansion spontanée. Le projet de dépla-
cer des lynx vers l’est du pays est en discussion, afin de combler l’espace qu’il y
a entre les populations des Alpes suisses, de Slovénie et du Kärnten.
Il y a 4 espèces de Lynx (famille des félins). Les femelles pèsent chez nous de
17 à 20 kg, les mâles jusqu’à 25 kg. Le lynx habite les forêts. Il n’est initialement
pas lié aux montagnes, il est absent du Plateau suisse parce que cette région
102 Mille milliards de pattes
est trop déboisée et trop urbanisée. La femelle met bas de 1 à 4 petits fin mai
ou début juin. Elle élève seule les jeunes. Ces derniers se nourrissent de lait
jusqu’à ce qu’ils parviennent à suivre leur mère jusqu’à une proie. Ils restent
avec elle durant 10 mois, puis quittent son territoire. La taille des territoires
varie fortement en fonction de la disponibilité de la nourriture et l’état de la
population. En Suisse, des territoires de 150 km² en moyenne et 90 km² chez
les femelles ont été mesurés.
Le lynx est un chasseur de petits ongulés tels que le chevreuil ou le cha-
mois. Ces derniers représentent plus de 80% de leur nourriture. Les ani-
maux domestiques – en particulier le mouton – n’ont de l’importance qu’à
un niveau local et limité dans le temps et uniquement pour l’alimentation
de certains individus isolés. Un lynx a besoin d’environ un chevreuil ou d’un
chamois par semaine.
Avant d’entendre les récriminations des chasseurs et des éleveurs de mou-
tons, il convient de mettre en avant quelques informations souvent oubliées.
Dans un écosystème en équilibre, la présence d’un prédateur n’a jamais conduit
à la disparition des espèces prédatées. On a remarqué, lors de la réintroduc-
tion du loup dans le parc américain de Yellowstone, que le prédateur avait la
vie facile les deux premières années, le temps que les ongulés se réhabituent
à la présence du prédateur. Puis un nouvel équilibre s’instaure, les ongulés
développant une stratégie antiprédation, comme être moins visible en dehors
des massifs forestiers, ou en restant plus groupés. Une coexistence est alors
possible et un nouvel équilibre se met en place. La surveillance des troupeaux
par des bergers et des chiens est une mesure très efficace pour la prévention
des attaques de lynx.
Marsouin
Très répandu autrefois sur les côtes d’Europe, le marsouin commun fréquente
surtout les eaux dont la température ne dépasse pas 15°C. Il habite principale-
ment dans l’Atlantique nord et le Pacifique nord ainsi que dans la Méditerra-
née. Migrateur, il passe l’hiver dans le sud de son aire de répartition et rejoint
les mers froides en été. Il remonte parfois les fleuves. On peut l’observer, bien
que très rarement, dans la Tamise, l’Elbe, la Seine, la Meuse ou encore l’Escaut.
La famille des marsouins, les phocoenidés, compte 6 espèces. Ils constituent
du point de vue anatomique un groupe assez homogène. Ils sont dépourvus
du « bec » caractéristique de la plupart des dauphins.
D’assez petite taille, le marsouin commun possède un corps trapu avec une
tête plutôt arrondie et tronquée. Les nageoires pectorales sont ovales, légère-
ment incurvées et falciformes. La nageoire caudale a une encoche médiale et
la dorsale, assez petite et de forme triangulaire se trouve plutôt à l’arrière du
corps. La taille peut atteindre 1,5 à 2 m pour un poids variant de 45 à 90 kg.
Le marsouin commun possède de 22 à 28 dents sur chaque demi-mâchoire,
dont l’extrémité aplatie leur confère une certaine ressemblance avec nos inci-
Les espèces menacées 105
sives. Le dessus du corps est gris foncé et les flancs présentent des taches gris
clair, le ventre étant plus clair.
Essentiellement piscivore, le marsouin commun sélectionne sa nourriture.
Il ne mange pratiquement que des poissons de la famille des harengs, comme
la sardine et le maquereau. Ses besoins journaliers varient entre 3 et 5 kg de
poissons par jour. Le marsouin est grégaire et vit souvent en petits groupes
de 5 à 10 individus. Il se déplace assez lentement et pratique des plongées
de 4 minutes en moyenne, mais il peut rester jusqu’à 12 minutes sous l’eau.
Contrairement aux dauphins, plus curieux et joueurs, le marsouin est assez
farouche et ne se laisse pas approcher, fuyant devant les bateaux et évitant les
baigneurs et les plongeurs. C’était probablement le cétacé le plus commun le
long des côtes européennes au XVIIIe siècle. On l’appelait alors le cochon de
mer. Malheureusement trop chassé, il se raréfie, même s’il n’a plus une très
grande valeur marchande, on en tue encore 1000 par an au Groenland et en
Islande. Comme les marsouins préfèrent s’attaquer aux poissons pélagiques,
ils se trouvent vulnérables aux captures par certains types de pêche. D’autre
part lorsqu’ils chassent, les marsouins semblent trop accaparés par la pour-
suite de leurs proies pour éviter de rentrer dans un filet dérivant.
Dans le nord de l’Europe, les accouplements ont lieu entre août et sep-
tembre. Mâles et femelles sont matures en même temps soit à l’âge de 3 ou 4
ans. Le cycle de la femelle est de 2 ans et les naissances se produisent du début
du printemps au début de l’été, après une gestation de 8 à 11 mois. Les jeunes
tètent leur mère jusqu’à l’âge de 8 mois bien qu’ils commencent déjà à se nour-
rir de poissons dès 5 mois.
Martinets
reconnaît facilement grâce à son ventre blanc. Enfin, le martinet pâle ne peut
être observé qu’au Tessin. Il est à peine plus grand que le martinet noir et son
plumage est légèrement plus pâle comme l’indique son nom.
Les martinets sont des oiseaux au vol gracieux et puissant. Il faut dire
qu’ils passent la majeure partie de leur vie dans les airs. Les pattes sont tel-
lement petites que les martinets ne peuvent pas marcher ni sautiller après
un atterrissage, ils rampent plus ou moins péniblement en s’aidant de leurs
ailes. Une chose est sûre, il leur est très difficile, voire quasiment impossible de
s’envoler du sol. Ils se posent donc sur des endroits raides d’où ils se laissent
tomber pour repartir dans les airs. Autrefois ils nichaient dans de hautes
falaises, mais aujourd’hui la majorité des sites de nidification se trouve dans
des bâtiments.
Le martinet noir apprécie les cavités assez petites, étroites et sombres tan-
dis que le martinet à ventre blanc semble profiter d’espaces plus spacieux.
Le plus souvent ils nichent en colonies, même si parfois quelques couples
se retrouvent isolés. Les martinets volent directement jusque dans leur nid
sans s’arrêter sur une branche ou une bordure de fenêtre. Avec leurs longues
ailes, ils ont beaucoup de peine à éviter les obstacles aériens comme les lignes
téléphoniques, les lignes électriques aériennes ou les dispositifs anti-pigeons.
Donc le chemin d’accès au trou du nid doit être dégagé. De plus les cavités
doivent être bien abritées de la pluie et de l’eau de ruissellement. Enfin le bord
inférieur du trou d’accès au nid doit être rugueux afin que les oiseaux puissent
s’y accrocher avec leurs griffes avant de grimper vers la cavité.
Si vous avez déjà la chance d’avoir des martinets nichant dans votre bâti-
ment et que des travaux de rénovations de la toiture doivent se dérouler, il est
indispensable d’effectuer les travaux en dehors de la période de reproduction
qui s’étend du début avril à la mi-septembre pour le martinet à ventre blanc et
de la mi-avril à la mi-août pour le martinet noir.
Les espèces menacées 107
Morue ou cabillaud
Dans les années 1990, le Conseil international pour l’exploitation des mers
(CIEM), organisme indépendant regroupant des spécialistes de 19 pays et
basé au Danemark, indiquait dans un rapport à la Commission européenne
de l’agriculture et de la pêche que les stocks de certains poissons étaient au
plus bas, nécessitant des mesures urgentes de contrôle et de conservation. Les
réserves de cabillaud notamment avaient fondu de 60%, et d’autres espèces se
raréfiaient plus vite encore, comme l’églefin ou le merlan.
Le cabillaud, ou morue, est l’une des 59 espèces appartenant à la famille
des gadidés. Cette famille regroupe notamment le merlan, le merlu, l’églefin
ou le lieu. Toutes ces espèces ont une importance économique considérable
et sont largement consommées fraîches, séchées, salées, fumées ou encore en
filets surgelés. Quelques-unes vivent en solitaires, mais la plupart sont erra-
tiques et se réunissent en bancs immenses pour accomplir de plus ou moins
imposantes migrations vers les lieux de ponte et de nutrition. L’une des prin-
cipales caractéristiques des gadidés est la présence des nageoires soutenues
par des rayons mous et des écailles cycloïdes (caractères primitifs), alors qu’ils
possèdent aussi des nageoires pelviennes en position antérieure et une vessie
gazeuse sans connexion avec l’œsophage (caractères évolués). La plupart des
gadidés se reconnaissent à la présence d’un petit barbillon mentonnier. Tous
sont des prédateurs carnivores qui se nourrissent d’invertébrés et d’autres
poissons.
Nacrés
Fin 2009, la Station ornithologique suisse a publié son rapport annuel, tout
à fait instructif ! La station, en collaboration avec l’Association suisse pour la
protection des oiseaux (ASPO/Birdlife Suisse) et l’Office fédéral de l’environ-
nement, travaillent ensemble dans le programme national « Conservation des
oiseaux en Suisse ». Par exemple deux nouveaux plans d’action concernant le
grand tétras et le pic mar ont débuté. A côté de ceci, diverses actions commen-
cent à porter leurs fruits : les effectifs de 11 des 50 espèces prioritaires aug-
mentent à nouveau. Il s’agit notamment de la nette rousse, la cigogne blanche,
le milan royal, le faucon crécerelle, le gypaète barbu ou encore le martinet à
ventre blanc et la huppe fasciée. Mais malgré ces nouvelles réjouissantes, la
moitié des espèces prioritaires continuent de diminuer leurs effectifs !
En Suisse l’avenir du tarier des prés est plutôt sombre. Nicheur des prairies
et insectivore, il subit une trop forte pression. En effet, aujourd’hui l’herbe est
ensilée, même dans les régions de montagnes. Cela signifie que de nombreux
110 Mille milliards de pattes
insectes disparaissent dans les balles blanches que l’on aperçoit dans les prai-
ries de fauche. A côté de cela s’ajoute le fait que les faucheuses détruisent les
nids et les femelles qui couvent. Sur le Plateau suisse, le tarier des prés a dis-
paru depuis longtemps, mais il est aujourd’hui évincé du Jura et des Alpes par
la culture herbagère intensive. Il serait indispensable de reporter la date de la
première fauche au début juillet.
Un travail de recherche mené par l’Université de Berne et la Station orni-
thologique a permis de chiffrer l’influence des sports d’hiver sur la faune sau-
vage. Ainsi, plus il y a de téléskis, moins il y a de tétras lyres. Sur les domaines
skiables, les effectifs sont inférieurs de 49% par rapport aux zones non aména-
gées. L’influence des remontées mécaniques se fait sentir jusqu’à une distance
de 1500 m. Il faudrait prévoir des zones de refuge hivernal, permettant notam-
ment au tétras lyre de survivre durant la mauvaise saison.
Pour terminer ce survol très rapide, sachez aussi que la Station ornitholo-
gique se préoccupe de la migration des oiseaux qui se déplacent à travers l’Eu-
rope pour gagner l’Afrique. Sur la base de données détaillées, il a été estimé
que chaque automne ce ne sont pas moins de 2,1 milliards de petits oiseaux
qui migrent en Afrique tropicale. Cependant, les migrateurs sont exposés
à de nombreux dangers, comme la chasse et la disparition d’aires de repos
vitales au cours de leur migration. La modification des paysages autour de la
Méditerranée (utilisation des sols pour la construction ou l’agriculture) joue
un rôle clé dans la survie des migrateurs. Ce sont surtout les populations de
migrateurs au long cours qui subissent le plus de pertes comme le coucou gris
et le rossignol philomène, mais les cailles des blés, les hirondelles de rivage, les
rouges-queues à front blanc sont aussi touchés.
Omble chevalier
L’ombre compte parmi les poissons les plus menacés de nos rivières. Il doit
son nom latin de Thymallus thymallus à sa chair subtilement aromatisée (du
latin thymum : thym). Proche des salmonidés, il est à classer dans la famille des
thymallidés, dont il est le seul représentant en Suisse. En revanche, il n’est pas
unique en Europe, puisqu’on a introduit à la fin du XIXe siècle le Thymallus
arcticus baikalensis, poisson d’origine asiatique.
L’ombre a un corps fusiforme comprimé latéralement et recouvert d’écailles
plus grandes que celles des salmonidés. Il se caractérise par la disproportion de
112 Mille milliards de pattes
ses deux nageoires dorsales : l’une, haute et longue et constituée d’une ving-
taine de rayons (d’où le surnom de « porte-étendard » ou de « grand voilier »).
L’autre, petite et adipeuse (donc sans rayons) est située plus en arrière. La cau-
dale, profondément échancrée, est portée par un pédoncule effilé. Ce poisson
d’eau douce, de 20 à 40 cm se reconnaît aussi à sa tête conique terminée par
une petite bouche bordée de lèvres dures orientées vers le bas et à ses yeux
aux grandes pupilles cerclées d’or, en forme de goutte étirée vers l’avant. La
coloration est variable suivant l’âge. Le dos est verdâtre, grisâtre ou bleuâtre,
les flancs argentés avec quelques points sombres, et de fines lignes longitudi-
nales et parallèles de couleur grisâtre. La première nageoire dorsale est jau-
nâtre, à reflets dorés, tachetée de points foncés dessinant une sorte de damier.
Les nageoires pectorales et ventrales sont gris rosé ou jaunâtre. L’anale et la
caudale peuvent être violacées.
L’ombre ne se plaît que dans les rivières à fond de gravier ou de sable. Il
affectionne les eaux courantes et fraîches. Le cours moyen des rivières convient
particulièrement aux ombres, car le courant est moins fort que dans la partie
supérieure de la rivière. Il se tient en eau plus ou moins profonde suivant la
température et sa taille, les adultes recherchant un plus grand fond que les
jeunes.
L’adulte se nourrit d’animaux benthiques : mollusques, gammares, vers,
larves d’insectes aquatiques, mais il n’hésite pas à monter à la surface de l’eau
pour gober les insectes emportés par le courant (éphémères, cousins, fourmis
ailées…). Il n’est pas rare non plus que ce poisson se nourrisse d’œufs de pois-
sons, voire d’alevins d’autres espèces.
Ours brun
L’ours brun (Ursus arctos) appartient à la famille des ursidés. Il s’adapte très
facilement et peut coloniser des milieux très différents tels que les forêts,
steppes, montagnes ou la toundra arctique. Les ours sont solitaires. La taille
des « territoires » dépend principalement de la disponibilité alimentaire. Les
valeurs relevées pour les mâles atteignent autant 130 km² en Croatie que
1600 km² en Scandinavie. Contrairement au lynx et au loup, les ours ne sont
pas territoriaux. L’accouplement a lieu entre mai et juillet. En janvier ou
février, 2 à 3 oursons viennent alors au monde. Ils restent 1 à 2 ans avec leur
mère. Une femelle ne peut donc mettre bas au mieux que tous les 2 ans.
L’ours brun est omnivore, mais les 3/4 de son alimentation sont couverts
par des végétaux (ail des ours, racines, baies, fruits tels que les glands, faines
ou châtaignes). Il se nourrit aussi de miel et les insectes représentent une
source de protéines importante. Des travaux réalisés en Suède indiquent que
les fourmis représentent plus de 20% de sa nourriture. En tant que prédateurs
d’animaux sauvages, ils ne se font presque pas remarquer. C’est seulement en
Scandinavie et en Amérique du Nord que les ours s’attaquent régulièrement
au gibier.
Aujourd’hui, son retour en Suisse pose quelques questions. Quelles sont
les régions qui pourraient fournir qualité et quantité de nourriture suffisante
pour abriter une population stable ? On a estimé que, lors d’une excavation
d’une fourmilière pour se nourrir, l’ours prélevait entre 4000 et 5000 fourmis.
Parmi les espèces les plus consommées on trouve principalement les fourmis
des bois. Or en Suède la biomasse des fourmis des bois atteint en moyenne
114 Mille milliards de pattes
Il faut savoir que dans les pays qui possèdent des ours comme la Finlande,
la Slovénie, la Bulgarie, l’Italie, la France ou encore l’Espagne aucun accident
mortel n’a été enregistré au cours du dernier siècle. L’Office fédéral de l’envi-
ronnement (OFEV) a publié des recommandations sur la manière de se com-
porter vis-à-vis des ours (http ://www.bafu.admin.ch). Sachez que si un ours
s’approche de vous, c’est par curiosité et qu’il ne faut pas hésiter à se coucher
par terre sur le ventre, les mains croisées sur le cou et ne bougez plus. L’ours
viendra vous renifler et lorsqu’il aura compris que vous ne représentez pas un
danger, il s’éloignera.
L’une des plus graves menaces actuelles sur la faune des vertébrés d’Afrique
est le commerce de la « viande du bush », soit la viande d’animaux sauvages.
Il est important de savoir que le commerce de cette viande sauvage est un
facteur important dans les économies des populations locales. Parallèlement,
c’est aussi l’une des menaces les plus importantes sur la faune sauvage de ces
pays. Mais cette consommation est le plus souvent liée à un manque évident
de protéines. Si l’élevage de bétail domestique et la production agricole aug-
mentent, on assiste à une réduction de la consommation de viande sauvage. Si
cela paraît plausible, on manquait de données cohérentes pour le démontrer
clairement et amener des solutions constructives. Un groupe de chercheurs
s’est penché sur ce problème en utilisant des données étalées sur une trentaine
d’années pour le Ghana. Ils se sont penchés en détail sur le déclin de 41 espèces
dans six réserves naturelles et ont comparé ces données avec les résultats de la
pêche de 1970 à 1998. Une première évidence est apparue, la viande d’espèces
sauvages peut représenter jusqu’à 400 000 tonnes par année ! Mais en Afrique
de l’Ouest, les populations consomment aussi des poissons : la production
annuelle s’étend entre 230 000 et 480 000 tonnes et peut varier de plus de 25%
d’une année à l’autre. Plus de la moitié de la population du Ghana (environ 20
millions d’habitants) vit dans une zone comprise à moins de 100 km de la côte
et où la majorité des emplois sont liés à l’industrie de la pêche.
Les résultats montrent que le développement économique, la sécurité ali-
mentaire et la diversité biologique au Ghana, mais probablement aussi pour
le reste de l’Afrique, sont liés. Ainsi de 1970 à 1998, la biomasse des 41 espèces
de vertébrés considérées a diminué de 76%. De plus 16 à 45% de ces espèces
ont disparu localement. Durant la même période, la biomasse de poissons
dans le golfe de Guinée, près des côtes ou en pleine mer, a aussi diminué de
50% environ. Le plus intéressant est que, pour la première fois, on a pu mon-
trer la relation directe entre le commerce de la viande sauvage à la fois dans le
116 Mille milliards de pattes
temps et dans l’espace et les résultats de la pêche. Ainsi les années où la pêche
est médiocre coïncident avec une nette augmentation de la chasse dans les
réserves naturelles. Il importe donc d’imaginer des solutions permettant de
conserver la faune sauvage tout en assurant une alimentation convenable de
la population. Si le potentiel d’exploitation de l’agriculture et d’élevage n’est
pas encore entièrement développé, des décennies sont certainement encore
nécessaires pour mettre en place un système efficace. Une solution durable
à court et long terme pourrait passer par la réduction des flottes étrangères
(l’Union européenne et les Etats-Unis ont la plus grande flotte de bateaux de
pêche dans ces eaux) et aussi par la mise en place de réserves marines pouvant
assurer une production plus constante dans le temps.
Perdrix grise
adulte, 350 à 450 g. La couleur générale de son plumage est brune sur le des-
sus et gris bleuté sur le dessous. Chez le coq, la poitrine présente une grosse
tâche châtain, en forme de fer à cheval, habituellement inexistante, en tout
cas plus réduite, chez la poule. A la différence de la perdrix rouge, qui a les
pattes rouges, celles de la perdrix grise sont brun jaunâtre chez les jeunes ou
gris bleuté chez l’adulte. La perdrix grise pond 15 œufs en moyenne en mai.
La couvaison dure 24 jours et l’éclosion a généralement lieu de juin à début
juillet. La perdrix grise se plaît dans les zones de plaines cultivées ouvertes,
principalement céréalières et betteravières. Les zones herbagères trop humides
lui sont moins favorables et elle évite les zones trop boisées. La base de l’ali-
mentation de l’adulte est constituée de grains, de graines de mauvaises herbes,
de pointes de feuilles de graminées et de folioles de légumines. L’alimentation
du poussin, exclusivement animale, est surtout constituée d’insectes.
Au début des années 1990, la Station ornithologique suisse (à Sempach)
a reçu le mandat de l’Office fédéral de l’environnement de soutenir les deux
derniers petits effectifs vivant en Suisse, dans les cantons de Genève et de
Schaffhouse. En étroite collaboration avec les paysans et les autorités canto-
nales, plusieurs zones agricoles ont été choisies et revitalisées par des friches
et d’autres surfaces de compensation écologique. Dans le cadre d’un travail de
doctorat, des perdrix grises ont été réintroduites dans des surfaces fortement
revitalisées dans le Klettnau (Schaffhouse) de 1998 à 2001. Grâce à une tech-
nique d’émetteur spécialement mise au point, les perdrix grises réintroduites
ont été suivies. Ceci a montré qu’elles utilisent intensivement les surfaces de
compensation écologique et nichent de préférence dans des friches et des prés
extensifs. En analogie avec le procédé du canton de Schaffhouse, un projet de
réintroduction a été commencé dans le canton de Genève. Au printemps 2004,
50 perdrix grises sauvages de Pologne ont été réintroduites.
La revalorisation du paysage dans les zones agricoles peu intensives et la
création de jachères florales avec l’aide des agriculteurs fournissent des milieux
favorables à la perdrix grise et à d’autres oiseaux. Donc l’espoir subsiste…
Pesant entre 4 et 8 g pour une envergure d’environ 23 cm, cette espèce de
chauve-souris est caractérisée par un repli de peau en forme de fer à cheval
entourant ses narines. Grâce à cette structure, sorte de mégaphone, le petit
rhinolophe émet des ultrasons par le nez à des fréquences comprises en 107 et
114 kHz (donc largement inaudibles pour l’homme). L’une de ses caractéris-
tiques originales est de rabattre la queue au repos et de s’envelopper dans ses
ailes, ce qui lui donne l’aspect d’une poire séchée.
118 Mille milliards de pattes
Depuis quelques décennies, on s’est rendu compte que les captures de truites
ont diminué de deux tiers dans les rivières suisses. Il est évident qu’une telle
constatation est plutôt inquiétante, surtout si l’on sait que nous sommes aussi
tributaires de l’eau.
Donc, les conditions de vie des poissons de rivières se sont dégradées et
il était important de mettre sur pied un programme scientifiquement fondé
et orienté vers la pratique. Sous le terme « pour la vitalité de nos poissons de
rivière », un programme en dix points a été élaboré par la Confédération, en
collaboration avec l’Institut fédéral suisse pour les sciences et technologie de
l’eau (EAWAG) et l’Université de Bâle. Plusieurs causes pouvaient être à l’ori-
122 Mille milliards de pattes
Putois
Le putois est un animal discret. Sa présence peut être remarquée par ses
crottes visibles près des fermes, mais encore faut-il être capable de les distin-
guer de celles des fouines. En Suisse, le putois se rencontre sur le Plateau et
dans le Jura, il semble avoir disparu du Tessin et est absent des Alpes. En raison
de la diminution de ses effectifs, il est protégé par une loi fédérale. La Conser-
vation de la faune du canton de Vaud a chargé un bureau d’étude d’analy-
ser la situation en 2003. Dans un premier temps, il s’est agi de rassembler
les observations existantes au Centre suisse de cartographie de la faune de
Neuchâtel et de réaliser des enquêtes auprès des gardes-chasse et naturalistes
confirmés. Ainsi 139 données pour la période de 1956 à 1998 ont pu être ana-
lysées. L’étude montre que certaines zones manquent d’information comme
les régions de la Givrine, d’Echallens et de Moudon. En revanche, d’autres
régions semblent plus favorables et des concentrations se remarquent dans la
région de la Versoix, du Brassus et surtout de la rive sud du lac de Neuchâtel,
seule région d’ailleurs où le putois semble se porter assez bien. Autre point
intéressant, une majorité des observations se situent à basse altitude, entre
400 et 600 m, et seuls 15% des observations ont eu lieu au-dessus de 1000 m.
Le putois semble apprécier les habitats forestiers et les milieux marécageux,
mais il ne dédaigne pas les habitations isolées et même des zones de village
où il trouve refuge en hiver. Il ressort que cette espèce est peu abondante dans
le canton de Vaud et qu’un des facteurs responsables est sans aucun doute la
régression des lieux humides ainsi que la disparition d’éléments structurants
offrant des abris dans le paysage agricole. Parmi les mesures proposées pour la
conservation du putois, il est suggéré de prévoir des caniveaux avec un passage
sous route aux endroits où l’on trouve régulièrement des putois écrasés, ainsi
que de protéger les sites à fortes populations de batraciens qui constituent la
nourriture de base de ce petit carnivore.
Si, pour le profane, l’Australie est un pays lointain peuplé d’animaux étranges
et d’hommes sortis de la préhistoire (les aborigènes) cohabitant avec un chep-
tel d’origine européenne et des colonisateurs aux cheveux roux, cette image
reste un peu sommaire. Pour commencer, il convient de réaliser que la colo-
nisation de ce continent fut un désastre pour la nature. Lorsque James Cook
jeta l’ancre de son navire le 29 avril 1770 dans une baie, personne ne se doutait
que 240 ans après, l’Australie aurait le triste privilège d’être le continent abri-
tant le pourcentage le plus élevé d’espèces animales menacées d’extinction.
De nombreuses espèces de mammifères ont disparu, des dizaines d’autres
sont considérées comme éteintes, car aucun spécimen n’a été aperçu depuis
plusieurs années. Si l’expédition de Cook avait un caractère scientifique, les
colons qui suivirent furent surtout préoccupés par leur enrichissement per-
sonnel, et moins par l’étude et la protection d’espèces très originales et parti-
culières.
L’Australie compte à ce jour plus de 800 espèces de reptiles. Ils occupent
la majorité des habitats, de la forêt tropicale aux déserts les plus arides, des
rivières aux océans bordant le continent. Cependant, certaines estimations
indiquent que plus de 5 millions de reptiles sont écrasés chaque année sur les
routes. Compte tenu du réseau routier peu développé (à l’échelle de l’Austra-
lie), ce chiffre impressionnant montre à quel point des mesures de protection
sont indispensables.
Si on s’intéresse uniquement aux serpents, 70% des espèces sont venimeuses
et 20% sont considérées comme très dangereuses. C’est ici que vous pourrez
rencontrer les espèces considérées comme les plus dangereuses comme le taï-
pan ou le serpent-tigre. Avec moins de cinq personnes succombant chaque
année à des morsures de serpent, la rencontre inopinée entre humain et ser-
pents reste plutôt rare et ne semble pas affecter la disparition des espèces.
Requins de Méditerranée
considérés comme des grands prédateurs, soit le requin bleu, une espèce de
requin renard, deux espèces de requins taupes et une espèce de requin mar-
teau. Parmi ces espèces, trois viennent d’être classées comme vulnérables sur
la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conser-
vation de la nature (UICN) et deux (les requins taupes) sont considérées en
danger critique d’extinction. Les causes résident, pour partie, dans les effets
de la pêche de grand fond, et aux autres effets de la surpêche au niveau des
zones côtières. Le problème des requins et particulièrement des grands préda-
teurs, est leur croissance très lente, entraînant une maturité sexuelle tardive et
un nombre réduits de descendants. Les pêcheurs ont aussi remarqué que les
requins pêchés en Méditerranée sont très petits comparés à des individus de
même espèce dans l’Atlantique. La diminution de la taille et du poids indique
que les jeunes requins sont les plus affectés par la pêche.
Il faut savoir qu’il n’existe aucun quota de pêche pour les requins pêchés à
des fins commerciales dans la mer Méditerranée et que la mise en place d’un
programme de surveillance global des pêcheries de la Méditerranée n’est pas
une mince affaire. Il serait assez regrettable, compte tenu des connaissances
actuelles, de ne pas réagir face aux conséquences déjà mises en évidence
ailleurs sur notre planète.
La Saga pedo est la plus grande sauterelle d’Europe occidentale. Elle mesure
de 5 à 7,5 cm de longueur. Cette espèce très rare en Suisse et menacée de dis-
parition n’est localisée aujourd’hui que dans la vallée du Rhône entre Bex et
Sion et dans la région de Coire. Son aire de répartition européenne s’étend de
l’Espagne à la Russie. Sa rareté fait qu’elle est protégée à l’échelle européenne
en étant inscrite à l’Annexe II de la Convention de Berne et à l’Annexe IV de
la directive Habitats.
Sauterelle aptère, au corps et aux pattes élancées dont les fémurs et les tibias
des pattes antérieures sont garnis de robustes épines sur leur face inférieure,
cette magicienne dentelée présente une particularité tout à fait étonnante
pour un insecte de cette taille : il n’y a que des femelles. En effet c’est dans les
années 1940 que le professeur Robert Matthey, directeur de l’Institut de bio-
logie animale de l’Université de Lausanne a montré que cette espèce, dont il
avait ramassé quelques exemplaires aux Follateyres en Valais ne se reproduisait
que par parthénogenèse thélytoque. Cela signifie que la femelle pond des œufs
qui se développent en individus femelles qui à leur tour se reproduisent sans
l’aide de mâles. En homochromie avec la végétation dans laquelle elle passe le
plus souvent inaperçue, cette sauterelle a une démarche qui rappelle un peu les
128 Mille milliards de pattes
phasmes. Mais elle est toutefois un redoutable prédateur qui chasse à l’affût,
attendant qu’un insecte passe à proximité pour le saisir rapidement entre ses
pattes épineuses et le dévorer vivant. Très difficile à observer, la Saga pedo se
tient le plus souvent cachée, ne se laissant que très rarement surprendre expo-
sée au soleil, à l’abri du vent. Les trop fortes chaleurs la réduisent à être active
de nuit. Si cela peut sembler être avantageux pour éviter la prédation, il n’en
est rien. On a en effet découvert des restes de Saga dans les pelotes de réjection
du hibou petit-duc et du hibou grand-duc. L’éclosion des œufs a lieu au cours
des mois de mai à de juin et après 5 à 6 mues les premiers adultes apparais-
sent au mois d’août. Si cette espèce mérite une attention toute particulière vu
sa rareté, sa précarité en Suisse est d’autant plus grande que ses populations
sont isolées et soumises aux pressions de l’agriculture, de la viticulture et de
l’urbanisme.
Cinq autres espèces de Saga sont présentes en Europe. La région des Bal-
kans représente le plus important réservoir. La géante des Saga européennes est
représentée par Saga natoliae chez qui les femelles peuvent atteindre presque
9 cm. Chez cette espèce, il n’y a pas de parthénogenèse mais accouplement
entre mâles et femelles. Cependant, il n’est pas rare d’assister à des actes de
cannibalisme, les femelles profitant de faire un repas du futur défunt père de
leurs descendants.
Salamandres géantes
d’eau avec des eaux propres et claires où elle passe l’essentiel de sa vie. Elle se
reproduit préférentiellement aux mois d’août et septembre. Le mâle construit
un nid où il invite une femelle à déposer ses œufs qu’il féconde par la suite. Le
mâle, ou parfois la femelle, assure la garde des œufs. La maturité sexuelle n’est
atteinte qu’après 5 ou 6 ans, ce qui limite évidemment fortement l’expansion
de l’espèce et explique en partie qu’elle soit en danger.
Le Viêtnam figure parmi les régions reconnues d’intérêt mondial pour sa bio-
diversité élevée. Malheureusement, comme partout, les activités humaines
engendrent des situations dramatiques. Destruction des milieux, des habitats
particuliers abritant une faune très spécifique, braconnage, augmentation de
l’élevage intensif, tous ces impacts ont des conséquences qui risquent bien
d’éliminer une espèce qui avait fait la une des grands journaux scientifiques
ainsi que des nombreux médias il y a un peu plus d’une décennie : le saola.
Le saola est une espèce de petit bœuf forestier (disons entre chèvre et anti-
lope) appartenant aux bovidés et pesant environ une centaine de kilos. Cette
espèce semble apprécier les flancs des montagnes entre 300 et 1800 m d’al-
titude. Les individus se nourrissent de feuilles de figuiers, mais aussi d’une
vingtaine d’autres espèces végétales qu’ils trouvent le long des cours d’eau.
Leurs incisives de petites tailles laissent à penser qu’ils ne se nourrissent pas
d’herbes. Ils se déplacent en petits groupes de 2 à 3 rarement plus. C’est proba-
blement l’espèce de mammifère la plus rare au monde aujourd’hui.
Découvert dans les années 1990 dans la Cordillère annamitique (centre
du Viêtnam et du Laos), le saola a été décrit scientifiquement pour la
première fois en 1994 dans la revue anglaise Nature. A cette époque, on esti-
Les espèces menacées 131
mait la population à environ 250 individus. Mais, on s’aperçut très vite que les
exemplaires capturés ne survivaient guère que quelques jours. Aujourd’hui,
les derniers recensements font état d’une population probablement inférieure
à 100 individus. Evidemment, cette constatation n’a rien d’encourageant et le
WWF a mis sur pied, en collaboration avec les milieux officiels et les scienti-
fiques, une campagne de protection. Plus facile à dire qu’à faire ! Une des cam-
pagnes se solda par la découverte de deux douzaines de cornes et d’une peau
complète. En effet, les habitants des villages perdus dans ces zones monta-
gneuses n’hésitent pas à abattre cette espèce et à la manger. Comme les cornes
sont très belles, elles sont exposées, ce qui permet au moins aux scientifiques
de savoir où se trouvait l’espèce. En 1996, suivant l’offre d’un général laotien,
un saola femelle fut capturé et amené au zoo de Lak Xao, mais après 18 jours
de captivité elle mourut. Compte tenu de ces éléments, il est probable que
cette espèce aie déjà franchi un point de non retour. Un groupe de chercheurs
de l’institut de biotechnologie vietnamien propose, en collaboration avec des
chercheurs français, de cloner cette espèce pour la préserver. A ce jour, ils ont
obtenu des embryons au stade de blastocystes, mais ils ne dépassent pas ce
stade et laissent les chercheurs perplexes. D’autres scientifiques pensent qu’il
serait beaucoup plus raisonnable d’investir cet argent dans la protection des
derniers milieux qui abritent ces espèces et d’informer les populations locales
de la valeur « mondiale » d’une telle espèce.
Singes bonobos
Le bonobo est un primate bien particulier, puisque c’est celui qui est le plus
proche de l’homme, génétiquement parlant. Le bonobo ne se rencontre
aujourd’hui plus qu’au Congo où l’on estime que les populations sont de
l’ordre de 10 000 individus seulement.
Ils n’ont été véritablement identifiés qu’en 1929, car auparavant on les
avait confondus avec le chimpanzé. Or, en y regardant de plus près, la peau
du visage du chimpanzé est clair alors que celle du bonobo est foncée. Le
bonobo est un grand singe anthropoïde et, comme le chimpanzé, 99% des
gènes contenus dans ses chromosomes sont identiques aux nôtres. Cela per-
met d’imaginer que nous aurions la possibilité de partager un lointain ancêtre
commun. Mais, à côté de cet aspect, les bonobos sont très intéressants parce
que leur comportement social est presque entièrement ordonné par la sexua-
lité. La société de bonobos est égalitaire et assez paisible, avec une tendance au
matriarcat. Le lien le plus fort existe entre la mère et son petit et la protection
que les mères offrent semble limiter les infanticides, qui sont parfois assez
fréquents chez les chimpanzés.
132 Mille milliards de pattes
Spirlin
Le spirlin est un petit poisson appartenant à la famille des cyprinidés qui com-
prend de très nombreuses espèces en Suisse. Décrit scientifiquement en 1782
par Marcus Elieser Bloch, il porte le nom latin de Alburnoides bipunctatus.
Historiquement, il servait principalement d’appâts et par conséquent, il reçut
de nombreux noms vernaculaires. En Suisse allemande, on parlait de Bambeli,
Bämmeli ou encore de Breiterli, alors qu’en Suisse romande il était désigné
sous le nom de platet, baroche ou encore barré.
Superprédateurs
Les tapirs sont des animaux plutôt discrets dont le déclin ne semble pas émou-
voir le grand public. Ces ongulés à doigts impairs, qui marchent sur le médian
de chaque patte, semblent décliner depuis plusieurs millions d’années déjà.
Aujourd’hui, le phénomène ne fait que s’accélérer, les tapirs sont menacés
d’extinction rapide par la destruction des forêts dans lesquelles ils habitent.
Lorsque les premiers Européens découvrirent cette espèce au XVIe siècle,
ils décrivirent un animal de la taille et de la couleur d’un bœuf, avec des sabots
de cheval et une trompe d’éléphant. Il existe aujourd’hui quatre espèces de
tapirs, dont trois vivent en Amérique du Sud : le Tapirus terrestris se rencontre
de la Colombie au Brésil, le Tapirus pinchaque dans les Andes (de la Colombie
au Pérou) et le Tapirus bairdi du Mexique à l’Equateur. La dernière espèce
peuple l’Asie (Tapirus indicus), de la Birmanie à la Malaisie et à Sumatra. Il y a
136 Mille milliards de pattes
Tarier pâtre
Le tarier pâtre est un petit passereau de la famille des turdidés, dans laquelle
on rencontre notamment le merle, la grive ou le rossignol. Il marque une pré-
férence pour les régions méridionales de notre pays, on le rencontre dans le
canton de Genève, de Vaud et du Tessin principalement. Il choisit les coteaux
exposés au sud en ne dépassant guère 800 m d’altitude. C’est un habitant des
paysages agricoles comportant des bords de chemins et des haies qui lui offrent
un couvert pour son nid ainsi que des perchoirs pour la chasse et le chant. Or
suivant les relevés des ornithologues, on a constaté que le tarier pâtre a subi
une forte régression au cours de la seconde moitié du siècle passé.
Cependant, il y a de bonnes nouvelles à l’horizon. C’est dans le canton de
Genève que se trouve l’une des plus grandes populations de Suisse. Au cours
Les espèces menacées 137
des 15 dernières années, les effectifs ont passé de 85 à 120 couples. Cette aug-
mentation est due en grande partie à un projet de revitalisation qui s’est ins-
tauré en 1991 avec les agriculteurs locaux. Des zones de friches ont été mises
en place, et les oiseaux en ont profité pour se développer de manière plus que
satisfaisante. Le suivi de cette progression est le travail de B. Lugrin (voir Nos
oiseaux, volume 46, 1999). Cela est d’autant plus remarquable que cet oiseau
niche au sol.
Tétras-lyre
Ne le cherchez pas dans le Jura, il en est absent. En Suisse, c’est une espèce
montagnarde et, si vous désirez l’apercevoir, vous aurez tout intérêt à vous
rendre plutôt dans les zones de contact entre la forêt et les pelouses alpines.
Il affectionne particulièrement les versants pentus orientés à l’ouest avec des
myrtilles et des rhododendrons. Il va donc se rencontrer de 1500 jusque vers
2200 m d’altitude. L’aire de nidification du tétras-lyre s’étend des Alpes fran-
çaises à la Scandinavie et jusqu’en Sibérie orientale. Cette espèce était très
répandue en Europe centrale au début du siècle passé, mais aujourd’hui ses
effectifs ont fortement diminué, notamment à cause de la disparition de son
habitat, de la chasse abusive, de la construction de route et des dérangements
dus au tourisme.
Le tétras-lyre doit son nom à la queue du mâle divisée en deux parties
recourbées. D’une taille nettement inférieure à celle du grand coq de bruyère,
il peut néanmoins mesurer plus de 50 cm de longueur. Cette espèce est séden-
taire, c’est-à-dire qu’elle ne quitte pas ses emplacements traditionnels, même
au plus fort de l’hiver. Son plumage dense lui offre une excellente protection
thermique grâce à une partie très duveteuse à la base des plumes, qui contri-
bue à piéger une couche d’air isolante entre les plumes. Enfin, les orifices
nasaux et ses jambes sont aussi recouverts de plumes, sage précaution pour les
hivers rudes.
140 Mille milliards de pattes
Les thons appartiennent à la même famille que les maquereaux, les thonines
ou les germons, soit les scombridés. Cette famille compte 51 espèces dont la
grande majorité vit dans les eaux tropicales, subtropicales et tempérées. Ce
sont avant tout des poissons grégaires au mode de vie pélagique. Les scombri-
dés ont une importance primordiale et mondiale pour la pêche, ce qui ne va
pas sans poser quelques problèmes économiques et écologiques. En effet, les
populations ont chuté de près de 80% durant les 20 dernières années.
Le thon rouge (Thunnus thynnus) peut atteindre quelque 650 kg et son
prix peut être exorbitant. Au Japon, certains spécimens sont vendus à 100 000
dollars ! Compte tenu de cette rentabilité, tous les moyens ont été mis en
œuvre pour améliorer les captures, ceci bien évidemment au détriment de
l’espèce. En ce qui concerne le thon rouge de l’Atlantique, il existe deux lieux
de reproduction, soit le golfe du Mexique et la Méditerranée. Les larves péla-
giques éclosent au bout de quelques jours et les jeunes émigrent à l’âge de 1 à 3
ans pour les pleines eaux de l’Atlantique. La Commission internationale pour
la conservation du thon de l’Atlantique (ICCAT) basée à Madrid gère la pêche
Les espèces menacées 141
dans les eaux internationales. L’Atlantique est divisé en deux secteurs par une
ligne imaginaire qui passe au large de Terre-Neuve et qui divise les stocks de
thon en deux groupes. Les pêcheurs peuvent capturer quelques 32 000 tonnes
à l’est de cette ligne et seulement 3000 tonnes à l’ouest. Cette division, à pre-
mière vue arbitraire, était liée à ce que l’on connaissait des migrations et des
états des populations de thon de l’Atlantique.
Des chercheurs de l’Université de Stanford (Californie) ont étudié pendant
9 ans plus de 800 thons qu’ils ont équipés d’émetteurs et suivis par GPS. Des
informations sur les niveaux de lumière (permettant d’estimer la profondeur
à laquelle se trouve l’individu) et la température de l’eau ont aussi été rele-
vées. Grâce à ces données, ils ont pu tout d’abord confirmer l’existence de
deux populations se reproduisant dans des lieux différents, chaque individu
retournant se reproduire dans le lieu où il est né. En revanche, ces deux popu-
lations fusionnent lorsque les individus viennent se nourrir dans l’Atlantique
et peuvent ainsi se retrouver des deux côtés de la ligne de séparation. Cela
signifie que les pêcheurs capturent à l’est de nombreux individus provenant
de la population nettement moins importante de l’ouest. Cette découverte
majeure, publiée en 2005, a entraîné une réaction rapide de la Commission
internationale. Ceci d’autant plus que les chercheurs ont aussi mis en évidence
que les pêcheurs du golfe du Mexique, qui pêchent également une autre espèce
de thon (le thon jaune Thunnus labacares), ont un effet dévastateur sur les
thons de l’Atlantique. Il était donc indispensable de rediscuter rapidement la
gestion des populations de thons rouges, faute de quoi il risque de disparaître
rapidement de nos assiettes.
142 Mille milliards de pattes
Tigre
par les tigres des appareils photographiques qui se déclenchent au passage des
animaux. Cela permet de les reconnaître individuellement et d’avoir une idée
plus précise de leur nombre. C’est ainsi qu’il est apparu qu’il n’y avait plus
de tigres dans le Parc national de Sariska au Rajasthan alors que les officiels
du gouvernement parlaient d’une population de 16 à 18 individus. On risque
malheureusement de se retrouver systématiquement dans ce cas et d’obtenir
finalement effectivement une population totale de tigres de l’ordre de 1200
spécimens, comme l’ont annoncé des responsables de la conservation.
Afin de mesurer les dégâts provoqués par le tsunami en Asie, il est indispen-
sable de disposer d’informations de personnes locales. Ainsi les associations
de plongeurs par exemple se mobilisent pour évaluer les dommages aux récifs
de coraux.
Selon certaines sources, les dommages semblent moins graves qu’attendus :
certains récifs sont vieux de 20 000 ans, et ont donc connu bien d’autres tsu-
namis et fortes tempêtes. Dans les îles Similar, au nord-ouest de Phuket, seuls
deux sites sont très endommagés, quelques autres ont subi des dommages sur
10 à 20% de leur superficie et la majorité est intacte. Par contre, les récifs de
corail peu profonds, comme ceux de l’île de Surin, ont reçu beaucoup de boue
qui pourrait entraver leur croissance et même les faire mourir. Il est relative-
ment encourageant de comparer avec ce que l’on sait d’autres catastrophes
semblables. Par exemple, des récifs de corail ont récupéré leur forme quelques
années seulement après des tsunamis qui ont frappé la côte est de l’Indoné-
sie. En 1964, les tsunamis qui ont dévasté les côtes de l’Alaska n’ont fait que
quelques morts parmi les saumoneaux, sans altérer la distribution des bancs
de poissons.
Il faut savoir que les communautés de poissons regroupant de nombreuses
espèces vivent souvent en équilibre dynamique. Cela signifie que les petits
changements se répercutent sans trop de dommages sur chaque espèce, mais
que les grands bouleversements peuvent à moyen terme limiter simplement
la reproduction des espèces. Dans ce cas, les effets ne sont pas forcément tout
de suite visibles, mais peuvent apparaître après une année ou plus. Il est donc
fondamental de mettre en place un système de suivi des populations de pois-
sons exploités ou non, car la disparition d’une espèce peu connue, donc plus
discrète, peut entraîner d’autres disparitions d’espèces exploitées.
Pour terminer, un petit mot sur les mangroves ou forêts de palétuviers.
D’une manière simplifiée, les mangroves se répartissent dans la zone intertro-
picale comprise entre le tropique du Cancer et le tropique du Capricorne. Ces
144 Mille milliards de pattes
forêts dont les arbres possèdent des racines aériennes caractéristiques jouent
un rôle tampon entre le milieu marin et terrestre. Les racines permettent de
diminuer la force des vagues et diminuent l’effet du ressac. Le rôle de tampon,
entre le milieu terrestre et le milieu marin est favorable à la faune benthique.
En effet, elle peut y trouver les éléments nutritifs qu’ont produits les palétu-
viers après la transformation des substances d’origine terrestre. La mangrove
a aussi la particularité de fixer certains polluant. A première vue, elles ont été
également fortement détruites par les tsunamis successifs. Or il faut savoir que
ce milieu joue un rôle à la fois biologique (certains poissons s’y reproduisent,
des crabes y creusent leurs terriers, des oiseaux y nichent et des prédateurs y
trouvent leurs proies…), et de lutte contre l’érosion et de protection de la côte
contre la houle, les tempêtes et les cyclones.
Vipères européennes
Les vipères du genre Vipera sont présentes dans toute la région Paléarctique
(de l’Afrique du Nord au Japon). Malgré cette large répartition, une majorité
est menacée aujourd’hui. Les causes principales sont la destruction et la frag-
mentation de leur habitat et la persécution humaine qui n’a pas cessé, malgré
la protection dont elles sont l’objet depuis plusieurs décennies en Suisse.
D’une manière générale, la diminution des effectifs d’une population et
l’isolation entre les populations peuvent conduire à l’extinction rapide d’une
espèce. De plus, les petites populations peuvent subir une dérive génétique
et l’apparition d’accouplements entre individus apparentés réduit la variabi-
lité génétique et la qualité (fitness) des individus. Par conséquent, les petites
populations isolées ont un risque élevé d’extinction. Si ceci paraît logique,
les méthodes actuelles de recherche basées sur l’analyse de marqueurs géné-
tiques permettent de visualiser l’état des populations d’une espèce à un instant
donné et de qualifier ce que l’on appelle la structuration des populations. Le
travail de Sylvain Ursenbacher (Université de Lausanne) a abordé plusieurs
aspects liés à la structuration génétique à petite et à large échelle chez trois
espèces de vipères (Vipera ammodytes, V. aspis et V. berus).
La vipère péliade (Vipera berus) est probablement le serpent terrestre ayant
la plus grande aire de répartition puisqu’elle occupe toute la partie nordique
de l’Eurasie, de la Grande-Bretagne à la côte Pacifique, de la Russie et des Bal-
kans jusqu’au cercle polaire en Scandinavie. Malgré cela, elle est menacée de
disparition dans l’ouest de l’Europe. Elle figure sur la liste des espèces proté-
gées de nombreux pays (Suisse, France, Allemagne, Suède, Slovénie). Si elle
est encore bien présente aux Grisons et dans les Alpes, où il reste des milieux
intacts, elle occupe des habitats isolés dans les Préalpes et est très menacée
Les espèces menacées 145
chez le vison. Ce qui peut s’expliquer par le rôle joué par sa fourrure, qui fait
office d’isolant thermique dans l’eau.
On admet que le vison occupait toute l’Europe centrale au XVIe siècle.
Puis, il s’est éteint en Hollande pendant la seconde moitié du XIXe et, en 1909,
le dernier vison est capturé en Moravie. On peut supposer qu’il a disparu de
la plus grande partie de l’Europe à la fin du XIXe. Aujourd’hui, des popula-
tions subsistent en France, dans les départements côtiers de la Bretagne aux
Pyrénées-Atlantiques et en Charente, ainsi qu’en Espagne. L’écologie du vison
d’Europe est assez mal connue. C’est un habitant des lieux boisés aux abords
des cours d’eau lents, des étangs et des marais.
Il se nourrit de tout ce qu’il trouve, même si une partie non négligeable de
ses proies est constituée de rongeurs plus ou moins aquatiques comme le cam-
pagnol amphibie ou le rat musqué, partout où ce dernier a été introduit. Mais
l’autre partie de son régime alimentaire est constituée de poissons, d’amphi-
biens et de crustacés. Nocturne, il capture ses proies dans l’eau ou à proximité.
La période du rut survient tôt au printemps, de février à avril. La durée de
gestation est très variable (de 40 à 70 jours). Après l’accouplement, la femelle
s’isole et les naissances ont lieu à partir du mois d’avril. Les portées comptent
de deux à sept petits, les nouveaux-nés pèsent en moyenne 8 g et mesurent
entre 7 et 9 cm. Le petit vison ouvre les yeux après un mois et les premières
dents apparaissent au début du deuxième mois. Le sevrage intervient à deux
mois et demi et les groupes familiaux se défont à partir du mois d’août. La
dispersion des jeunes peut se faire dans un rayon d’une dizaine de kilomètres.
Ces jeunes atteindront la maturité sexuelle l’année suivante.
Actuellement, cette espèce est menacée par le drainage des marais, la pol-
lution de l’eau, le débroussaillage des berges ainsi que par l’arrivée de son cou-
sin d’outre-Atlantique, le vison américain. Echappé d’élevages dans les années
1920, celui-ci est présent en France, en Suède, en Grande-Bretagne ainsi qu’en
Russie. Beaucoup plus opportuniste que le vison d’Europe, il semble supplan-
ter ce dernier. En Angleterre, l’expansion du vison d’Amérique s’est accompa-
Les espèces menacées 147
Les alpagas sont des représentants de la famille des chameaux ; ils sont proba-
blement issus d’une espèce sauvage d’Amérique du Sud : le guanaco. Il y a 3
millions d’années, une partie des camélidés nord-américains commença à se
disperser vers l’Asie et l’Afrique en utilisant le détroit de Béring, tandis qu’une
partie descendit vers le sud et envahit les Andes. Ceux qui restèrent en Amé-
rique du Nord s’éteignirent il y a environ 10 000 ans, à la fin de l’aire glaciaire,
sous la pression de changements climatiques et sous l’action de l’homme.
Autruches en Suisse
Le plus grand oiseau vivant, l’autruche, appartient à l’ordre des ratites, où l’on
rencontre les nandous d’Amérique du Sud, les émeus d’Australie, les casoars
d’Australie et de Nouvelle-Guinée et les kiwis de Nouvelle-Zélande. Ces
oiseaux ne volent pas, mais se déplacent fort rapidement à la surface du sol.
En effet, ce sont des véritables champions de course. L’autruche et les autres
ratites ne possèdent pas de bréchet. Nécessaire au vol, le bréchet est en effet
l’excroissance osseuse du sternum sur laquelle vient s’attacher la masse mus-
culaire permettant le battement des ailes. De même la structure des ailes est
différente, car les barbules constituant les plumes ne disposent pas de crochet
pour les maintenir en rang serré, ce qui donne au plumage un aspect mou et
ébouriffé.
Dernière caractéristique des ratites : l’absence des glandes uropygiennes
permettant l’imperméabilisation pour voler par temps pluvieux. Ainsi, l’au-
truche se contente-t-elle de bain de sable ou de poussière pour se nettoyer.
L’autruche peut atteindre 2 m, voire 2,75 m pour les plus grands mâles, avec
un poids variant de 65 à 150 kg. Vu sa taille et son poids, l’autruche consacre la
plus grande partie de la journée à la recherche de nourriture. Comme l’apport
énergétique des végétaux est faible, l’autruche en consomme d’énormes quan-
tités. Elle picore aussi bien les graines et les feuilles que les racines, les bour-
geons, les fleurs ou les fruits. De plus, l’autruche ingurgite aussi régulièrement
des minéraux pour faciliter la trituration des végétaux et la décomposition de
la cellulose, ce qui correspond quotidiennement à la valeur de plusieurs poi-
gnées de graviers et cailloux.
Les nouvelles espèces 153
Une nouvelle espèce de baleine a été décrite par des chercheurs japonais dans
la célèbre revue scientifique Nature en novembre 2003. Cette nouvelle espèce
appartient au groupe des baleines à fanons. Pour rappel, les cétacés forment un
ordre comprenant deux sous-ordres, d’une part les baleines à dents (odonto-
cètes) comme l’orque, le cachalot ou les dauphins et d’autre part les baleines
à fanons (mysticètes) parmi lesquelles on rencontre les plus grands cétacés
comme la baleine bleue, le rorqual commun, la baleine à bosse et quelques
autres espèces.
Le nom cœlacanthe est dérivé d’un mot grec qui signifie « épine dorsale
creuse ». Les cartilages dorsaux du cœlacanthe, appelés notocordes, sont creux
et remplis de liquide. Smith baptisa la nouvelle espèce Latimeria chalumnae.
Le nom de genre Latimeria est dérivé du nom de Marjorie Courtenay-Latimer,
quant au nom de l’espèce chalumnae vient de la rivière Chalumna, à l’em-
bouchure de laquelle le capitaine Hendrick Goosen avait pêché le specimen
ce fameux jour de 1938. Le poisson devint rapidement la plus importante
découverte zoologique du siècle. Malheureusement le taxidermiste n’ayant pu
conserver les tissus mous du poisson, Smith s’était résolu à trouver un autre
spécimen pour permettre aux scientifiques de l’étudier dans les règles de l’art.
Mais il dut attendre l’année 1952, que des pêcheurs ramènent un cœlacanthe
provenant de l’archipel des Comores (petit archipel de trois îles dans l’océan
Indien). Le cœlacanthe fut pris à proximité de l’île d’Anjouan. Il faut préciser
que la capture par les pêcheurs n’était pas volontaire. La cible de l’industrie
traditionnelle de pêche des Comores est le rouvet (Ruvettus pretiosus), qui
partage avec le cœlacanthe le même habitat soit les eaux profondes près de la
côte. Avant que les scientifiques n’attirent l’attention des pêcheurs sur la valeur
du cœlacanthe, ces derniers le considéraient comme une nuisance. Au mieux,
ils le laissaient repartir, mais comme le cœlacanthe possède une mâchoire
impressionnante et des rangées de petites dents très acérées et que les lignes
coûtent très cher, le comportement le plus typique était d’achever le poisson
et de récupérer l’hameçon avant de rejeter l’animal.
Coup sur coup, deux nouvelles espèces de mammifères ont été découvertes en
2008 ! L’une au large des côtes de l’Australie : un dauphin ; et la deuxième aux
Philippines : une chauve-souris frugivore. Habituellement, plusieurs milliers
de nouvelles espèces d’invertébrés, plus particulièrement des d’insectes, sont
découvertes et décrites chaque année, mais plus l’on monte dans le règne ani-
mal et plus les découvertes se raréfient. C’est donc un événement exceptionnel
qu’il convient de relever à une période où la biodiversité mondiale est en crise.
Commençons par la chauve-souris ; il s’agit d’un renard volant dont le
nom latin est Styloctenium mindorensis. Il s’agit de la deuxième espèce du
genre Styloctenium. Elle a été découverte sur l’île de Mindoro aux Philippines.
L’autre espèce de ce genre n’est connue que de l’île de Sulawesi dans l’archipel
indonésien et a été nommée en l’honneur d’Alfred Russel Wallace. Wallace
était en fait un collègue de Darwin et coauteur d’un papier important qui pré-
céda la parution de l’ouvrage clé de Darwin consacré à l’origine des espèces.
On peut même dire que c’est Wallace qui a poussé Darwin à publier ses idées,
Les nouvelles espèces 157
car il arrivait aux mêmes conclusions. Le nom de Darwin est resté, celui de
Wallace est un peu tombé dans l’oubli. Mais l’année 2009 a permis d’en repar-
ler à l’occasion de la commémoration du 200e anniversaire de la naissance de
Darwin et du 150e anniversaire de la publication de son ouvrage sur l’origine
des espèces. Wallace avait remarqué, notamment, qu’il existait des faunes assez
différentes entre l’Asie du Sud-Est et la zone australienne. Ironie du sort, l’une
des espèces est située à l’est de la ligne de Wallace, la nouvelle chauve-sou-
ris décrite récemment se trouvant à l’ouest. Malheureusement, cette nouvelle
espèce est déjà fortement menacée par la diminution des habitats naturels sur
l’île de Mindoro et l’on peut espérer que toutes les mesures seront prises pour
assurer sa protection.
Une nouvelle espèce de dauphin à gros nez a été découverte dans les eaux
côtières du sud de l’Australie. Ces populations, qui se tiennent assez près des
côtes, étaient connues depuis fort longtemps, mais c’est seulement en utilisant
des techniques de génétique moléculaire que l’on a pu mettre en évidence
cette deuxième espèce. L’espèce n’a pas encore été baptisée officiellement, mais
elle se rapproche du dauphin de Fraser, lequel vit dans les eaux profondes
de l’océan Pacifique et de l’océan Indien. Cette espèce est aussi menacée, car
elle se situe à proximité des côtes et en eaux peu profondes, elle est soumise
à diverses pollutions aquatiques et à diverses pressions dues à la pêche. Préci-
sons qu’une seule autre espèce de dauphins a été découverte dans les 50 der-
nières années, autant dire que cette découverte est importante.
Les éléphants de l’île de Bornéo ont été pendant plusieurs années sujets à
controverse. La première hypothèse penchait pour une origine très loin-
taine (remontant au Pléistocène) avec l’éléphant d’Inde. La deuxième, plus
simple, parlait d’une introduction récente. Les histoires populaires locales
racontent que des éléphants ont été donnés au sultan de Sulu en 1750 par
des représentants de la East India Trading Company. Ils auraient ensuite été
transportés sur Bornéo où ils fondèrent la population que l’on trouve tou-
jours aujourd’hui. Ces animaux originaires d’Inde étaient déjà des individus
domestiqués. Evidemment suivant cette hypothèse, la protection de cette
population n’est pas de première importance. En revanche, suivant la pre-
mière hypothèse, des spécimens auraient colonisés Bornéo durant la der-
nière glaciation à une époque où l’archipel indo-malaisien formait une seule
terre que l’on a appelée Sunda. Cela signifierait que l’isolation des éléphants
de Bornéo daterait au minimum de 18 000 ans. Cette hypothèse aurait pour
conséquence d’agrandir l’aire de distribution de l’éléphant asiatique de
158 Mille milliards de pattes
quelque 1300 km à l’est, rendant cette population assez unique, les possibili-
tés de se croiser avec la population d’origine demeurant plus qu’impossibles
(sauf moyennant un transport par voie maritime). Ainsi donc, initialement,
les éléphants de Bornéo étaient classés comme une sous-espèce (Elephas
maximus borneensis) proche de l’éléphant indien (Elephas maximus indicus)
ou encore de la sous-espèce de Sumatra (Elephas maximums sumatrensis).
Une équipe de chercheurs américains, indiens et malais a utilisé l’ADN mito-
chondrial (organelles responsables de la respiration cellulaire) de spécimens
de Bornéo, d’Inde, de Sumatra et de Malaisie. Les résultats sont tout à fait
étonnants puisque l’éléphant de Bornéo possède des caractéristiques géné-
tiques uniques qui ne datent pas de quelques centaines d’années mais feraient
remonter leur origine à l’époque du Pléistocène, soit il y a environ 300 000 ans.
Cette recherche a des conséquences importantes. Cela signifie d’une part que
son statut change (espèce à part entière) et que les quelques 2000 spécimens
existant sur Bornéo méritent une protection accrue et deviennent une priorité
pour la conservation en Asie. D’autre part, il serait totalement erroné d’ima-
giner maintenir cette population en la croisant avec d’autres individus prove-
nant du continent indien. En effet, les populations d’éléphants asiatiques ne
comptent plus que 28 000 à 40 000 spécimens. Il est donc urgent d’appliquer
des mesures concrètes de protection. Comme ces espèces asiatiques ne sup-
portent pas vraiment le soleil (comme leurs cousins africains), la conservation
des éléphants asiatiques passent aussi par la conservation des forêts, ce qui est
un autre problème !
Les nouvelles espèces 159
Madagascar est la quatrième plus grande île au monde avec une superficie de
587 000 km² (un peu plus que la superficie de la France). Située dans l’océan
Indien, traversée par le tropique du Capricorne, elle occupe une position stra-
tégique avec sa côte tournée vers le canal du Mozambique. Seuls 5% de la
surface du pays sont utilisés pour l’agriculture. La déforestation atteint des
proportions qui en font un problème majeur pour l’écologie et l’économie de
l’île. Les eaux sont de plus en plus polluées par des rejets humains incontrôlés,
d’où parfois un risque de maladie dans les zones de fortes densités. Mais cette
île est aussi l’un des hot spots de la biodiversité mondiale.
La dérive des continents a montré que l’Inde, l’Australie, l’Antarctique,
Madagascar, l’Afrique et l’Amérique du Sud étaient réunis en une terre appe-
lée Gondwana. A la fin de l’ère tertiaire, il y a 150 millions d’années, cette
terre s’est disloquée pour former les continents. Dès la période quaternaire,
Madagascar se trouvait à peu près à l’endroit où elle se situe aujourd’hui.
L’isolement au cours des temps géologique a fait évoluer sa faune et sa flore
de façon unique. On trouve donc sur la grande île des espèces particulières
qui n’existent nulle part ailleurs (endémiques) dont les lémuriens sont un
exemple célèbre.
Sud. Les résultats ont montré que les processus de vicariance sont importants.
La vicariance est un processus selon lequel de nouvelles espèces naissent par
isolation de populations. Les mutations génétiques se succédant sur des mil-
lions d’années, donnent naissance à une faune différente de celle dont elle
est issue. Il existe donc une lignée complètement endémique, mais il y a eu
des phénomènes de dispersion dans d’autres lignées. En conclusion il n’y a
pas de mécanisme unique pour expliquer la faune actuelle. Si les éphémères
sont capables de disperser pareillement que penser alors des autres groupes de
plantes ou d’animaux.
Gorilles
Vous vous rappelez sans doute du film Gorilles dans la brume dans lequel
Sigourney Weaver incarnait une scientifique (Dian Fossey) qui a passé plus
d’années parmi les gorilles que dans un 3 pièces avec vue sur la mer. En effet,
cette scientifique au caractère bien trempé a étudié le comportement des
gorilles de montagne dans une zone comprise entre le Rwanda, la République
du Congo et l’Ouganda. Elle a aussi été parmi les premières à dénoncer le bra-
connage et la chasse à cette espèce.
Pendant de nombreuses années, les scientifiques ont pensé qu’il existait
une seule espèce de gorilles divisée en deux sous-espèces que l’on nommait
les gorilles de l’est et les gorilles de l’ouest. Or il y a quelques années, il a été
possible d’analyser de manière un peu plus fine les différences entre ces popu-
lations en se basant notamment sur l’ADN. Les chercheurs ont trouvé que les
gorilles de l’est et de l’ouest étaient aussi séparés que ne le sont le chimpanzé
et le bonobo. Or comme ces deux singes sont considérés comme deux espèces
162 Mille milliards de pattes
distinctes, on est arrivé à la conclusion que cela devait aussi être le cas chez les
gorilles. On pense d’ailleurs que ces deux espèces se sont séparées il y a 2 ou 3
millions d’années. Toutefois d’autres analyses ont été faites plus récemment en
utilisant cette fois l’ADN provenant du noyau et non plus des mitochondries.
Les résultats ne sont plus aussi clairs et la différence entre gorilles de l’est et de
l’ouest n’est plus aussi marquée. D’ailleurs durant le dernier million d’années,
le continent africain a été plus chaud et il est probable que la forêt tropicale ait
été beaucoup plus étendue permettant à ce moment des échanges entre popu-
lations différentes. Toutefois la taxonomie ou classification des êtres vivants
ne se base pas uniquement sur les études génétiques et des analyses de la mor-
phologie sont aussi nécessaires pour distinguer les espèces entre elles.
Cette espèce mesure environ 7 cm. Sa couleur tire sur le pourpre foncé, ce
qui lui a donné le nom anglais de purple frog. Si elle est restée ignorée pendant
des siècles (des chercheurs, mais pas des populations locales !), c’est que ses
mœurs sont assez particulières. Elle passe pratiquement toute l’année sous
terre et ne sort que deux semaines par année pendant la mousson pour se
reproduire. Mais l’intérêt de cette découverte réside ailleurs. La grenouille
découverte présente de nombreuses analogies avec certaines espèces fouis-
seuses africaines. Comme ces dernières, elle fait preuve d’une très grande
adaptation à la vie souterraine : de petits yeux, une bouche minuscule, un
museau pointu, des pattes adaptées au fouissage. Malgré cela, des examens
approfondis ont montré que cette grenouille n’appartient pas à la lignée des
grenouilles fouisseuses africaines. L’analyse de l’ADN a révélé une seconde
surprise : Nasikabatrachus possède de proches parents aux Seychelles ! Mais
ces grenouilles insulaires, appartenant à la famille des sooglossidés, sont radi-
calement différentes de Nasikabatrachus. Elles sont minuscules, vivent dans les
torrents, et ne sont pas adaptées à une vie fouisseuse.
La question est de savoir comment des grenouilles séparées par 3000 km
peuvent-elles être de proches cousines ? C’est dans la tectonique des plaques
qu’il faut rechercher une réponse. Les ancêtres communs de ces deux familles
vivaient sur le Gondwana, l’un des deux super continents qui émergeaient des
océans il y a 200 millions d’années. Lorsque celui-ci s’est fracturé, il y a envi-
164 Mille milliards de pattes
ron 160 millions d’années, des grenouilles ont été emportées sur le sous-conti-
nent commun Inde-Seychelles. Lorsque cette terre s’est elle-même fracturée,
il y a 65 millions d’années, les grenouilles isolées sur les Seychelles ont évolué
de manière indépendante, donnant naissance à la famille des sooglossidés.
Celles restées sur le sous-continent indien sont à l’origine des nasikabatra-
chidés. Toutefois, l’analyse génétique montre que la séparation entre les deux
familles de grenouilles s’est produite il y a 130 millions d’années, c’est-à-dire
bien avant la rupture entre l’Inde et les Seychelles. On peut donc imaginer
que les représentants des deux familles habitaient déjà des milieux différents
à cette époque.
Mesurant environ 90 cm, son pelage est plutôt brun et abondant et il pos-
sède de longs favoris qui lui cachent les joues. Le cri qu’il lance régulièrement
rappelle celui d’une oie ou le son très bruyant d’un klaxon. Un appel suffisam-
ment unique pour qu’on le décrive par un néologisme anglais – honk-bark.
Son nom scientifique est Lophocebus kipunji, en hommage aux tribus locales
qui parlaient du kipunji.
Selon les chercheurs, il n’y aurait pas plus de 500 à 1000 mangabeys des
montagnes encore vivants. Si rien n’est fait, leur disparition est malheureu-
sement plus qu’envisageable. La déforestation sauvage, la chasse non régle-
mentée et l’exploitation non planifiée des ressources naturelles sont choses
courantes autour et dans le secteur de Rungwe et Livingstone notamment, un
des lieux ou les chercheurs ont découvert cette nouvelle espèce de primate.
Les nouvelles espèces 167
Tout le monde sait plus ou moins ce qu’est le krill : des petites crevettes qui
servent de nourriture aux baleines. En fait, le krill est un mot d’origine norvé-
gienne, inventé par les baleiniers, qui désigne une dizaine d’espèces de crusta-
cés de pleine eau et qui signifie « menu fretin ». On peut parler de zooplancton,
même si certaines espèces peuvent atteindre 4 cm. Ce zooplancton joue un
rôle fondamental dans les relations trophiques des eaux froides. Il constitue
la nourriture principale des oiseaux de mers, des phoques et des baleines à
fanons dans les eaux polaires.
Il existe deux espèces principales de crustacés constituant le krill, une
espèce caractéristique des eaux froides et tempérées de l’hémisphère Nord,
Meganyctiphanes norvegica et une espèce des eaux antarctiques, Euphausia
superba. C’est cette dernière espèce qui, ressemblant à une crevette, nous inté-
resse. De couleur rose-orange, elle mesure entre 3 et 6 cm. Les femelles pon-
dent près de 300 000 œufs deux fois par ans. Les œufs coulent et éclosent à
différentes profondeurs avant que les jeunes remontent en surface. Le stade
adulte est atteint au bout de 2 ans.
cette découverte est tout à fait étonnante, car on pensait que le krill restait dans
les eaux de surface se limitant aux premiers 150 mètres. Il reste encore beau-
coup à découvrir pour comprendre l’évolution de cette espèce indispensable à
l’équilibre de l’écosystème marin.
Non, non, je ne vous propose pas une escapade en Corse ou en Sardaigne, mais
bien plutôt un petit tour dans région de Champéry ou de Morgins, car, avec
beaucoup de chance, vous pourrez y observer le plus petit des ovins sauvages :
le mouflon. Il s’agit d’un petit mouton sauvage à pelage non frisé. Le mâle
adulte pèse de 35 à 50 kg, avec une hauteur au garrot de 75 cm environ. Il est
brun-roux avec une selle blanchâtre, le bas des pattes, le museau, le ventre et
les fesses blancs. Le bélier porte des cornes enroulées en colimaçon qui peu-
vent atteindre 85 cm de long et une circonférence de 20 à 25 cm. En Sardaigne,
à Chypre et chez de nombreux sujets introduits en Europe occidentale, les
femelles n’ont pas de cornes. En Corse, en revanche, les femelles ont des cornes
droites et courtes, longues de 15 cm environ.
montagne. Il apprécie les forêts claires aux sous-bois riches. Son activité géné-
rale est diurne et crépusculaire mais dépend, pour partie, de la pression des
activités humaines.
En automne et en hiver, mâles et femelles de tout âge se rassemblent en
groupe. Au printemps et en été, les béliers adultes se séparent de la harde prin-
cipale et vivent isolés ou en groupe. Pendant le rut, les mâles combattent vio-
lemment pour défendre le territoire dans lequel ils maintiennent leur harem.
Ils n’hésitent pas à s’élancer l’un contre l’autre en prenant un élan de plus de
20 mètres ! Cela fait beaucoup de bruit, mais sans trop de dommage. Habi-
tuellement, les rivaux ne se blessent pas. Le rut a lieu entre mi-octobre et fin
décembre. La gestation dure environ cinq mois. La femelle met au monde nor-
malement un seul agneau. Comme les femelles vivent plus longtemps que les
mâles, en moyenne quinze ans contre onze pour ces derniers, il s’en suit que
les hardes comprennent beaucoup plus de femelles que de mâles.
En principe, la Corse et la Sardaigne représentent l’aire de répartition
naturelle du mouflon, où il est considéré actuellement comme menacé. Cer-
tains scientifiques suggèrent qu’il est originaire du Sud-Est asiatique. Introduit
par l’homme comme animal domestique à l’époque historique (néolithique),
il serait retourné à l’état sauvage par la suite. Plus récemment, des mouflons
provenant de Corse et de Sardaigne ont été réintroduits dans plusieurs régions
d’Europe. Il se rencontre dans plusieurs régions du continent, sauf en Grande-
Bretagne, en Belgique et au Luxembourg.
En Suisse, des mouflons sauvages sont apparus pour la première fois au
début des années 1970 en Bas-Valais. Ils proviendraient de France voisine, où
des lâchers avaient eu lieu. Jusqu’en 1980, ils ne passaient en Suisse qu’en été,
mais, par la suite, ils s’y installèrent et leur effectif, estimé à 60 en 1985, a passé
à 180 en 1990.
que les Indiens ornaient leurs ceintures de ses scalps et leurs chevelures de
ses becs. Les Indiens du nord les achetaient aux Indiens du sud contre deux
et parfois trois peaux de cerfs pour un seul bec. Les pionniers et les chasseurs
le recherchaient également pour le revendre aux collectionneurs. La distribu-
tion de l’oiseau s’étendait aux grandes forêts primitives à cyprès de la Caroline
du Nord à la Floride, de la Louisiane aux plaines du Mississippi. A la fin du
XIXe siècle, sa lente extinction commence en partie à cause de l’acharnement
des chasseurs, stimulés par la vogue des cabinets de curiosités naturalistes,
mais encore et surtout par la fragmentation des vastes forêts qu’il colonisait.
Au début du XXe siècle, le statut très fragile de l’espèce mobilise les premiers
efforts des pionniers de la conservation. Mais on admet qu’il est éteint depuis
la fin de la Seconde Guerre mondiale.
C’est au XVIIe siècle que le chef de la poste de la ville de Vrhnika (à une dizaine
de kilomètres de Ljubljana et à une soixantaine de kilomètres au nord-est de
Trieste) allait découvrir une espèce tout à fait originale de batraciens. Notre
homme était parti à la pêche aux truites dans la source de la rivière Lintvern.
Or cette source était bien mystérieuse : elle avait un débit très variable, passant
parfois de quelques litres à la seconde à plus de mille. Les gens de l’époque
disaient que sous terre, il y avait un lac dans lequel vivait un dragon. Lorsque
ce dernier remuait un peu, cela faisait jaillir l’eau en quantité à la surface. Bien
que fort peu rationnelle, cette explication correspondait à une époque où les
dragons peuplaient encore l’imaginaire.
Les rainettes appartiennent à la famille des hylidés qui regroupe plus de 630
espèces au monde. Si les deux zones principales se trouvent en Amérique du
Nord et centrale et en Australie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, les rainettes peu-
plent aussi une bonne partie de l’Europe. On identifie notamment la rainette
verte, la rainette méridionale et la rainette intermédiaire. La rainette verte est
répartie dans toute l’Europe, de l’Espagne à la Turquie, en passant par le nord
de la Suisse (Plateau) et le Danemark, alors que la rainette intermédiaire la
remplace au Tessin et en Italie.
Les deux espèces figurent sur la liste rouge des espèces menacées d’am-
phibiens de Suisse. La rainette verte régresse depuis des décennies en Suisse.
Les nouvelles espèces 175
Sphinx livournien
Les syntomidés sont des papillons que l’on rencontre avant tout sous les tro-
piques et dans les régions subtropicales. Pourtant, l’Europe centrale compte 5
espèces dont la forme rappelle fortement celle des zygènes. L’une des particu-
larités de ces syntomidés tropicaux est d’imiter des guêpes tropicales, poussant
le perfectionnisme jusqu’à posséder un faux aiguillon et une taille de guêpe.
Autre caractéristique, les chenilles de certaines espèces sécrètent des subs-
tances répulsives pour les oiseaux. Lorsque ces chenilles sont dérangées, elles
émettent ces gouttes au bout de grandes verrues velues de leur face dorsale.
178 Mille milliards de pattes
Des expériences réalisées avec des étourneaux ont montré que les oiseaux évi-
taient les chenilles après une seule tentative de consommation. Autant dire
que c’est un système de défense efficace.
D’une manière générale, les ailes des adultes forment un large triangle,
alors que les postérieures sont particulièrement petites et ovales. Les espèces
européennes possèdent soit des ailes brun clair avec des taches blanches soit
des ailes d’un très beau bleu noir métallique avec des petites taches blanches.
Ces espèces-là portent encore deux anneaux jaunes sur l’abdomen. Les indivi-
dus sont diurnes et ont un vol plutôt bourdonnant et particulier. Ils semblent
dépenser beaucoup d’énergie pour une efficacité réduite.
Syntomis phegea, une espèce de syntomidés, se rencontre du sud-ouest de
l’Europe jusqu’à la région de la mer Noire et de l’Ukraine. En Suisse, cette
espèce se trouve au Tessin, en Valais et dans le Val Poschiavo. D’une enver-
gure de 3 à 4 cm, ce papillon est tout à fait reconnaissable grâce au fond noir
de l’aile et cet éclat bleuâtre si caractéristique. On ne connaît pas encore très
bien la biologie de cette espèce et l’on suppose que la femelle pond ses œufs
sur différentes plantes basses. Juste après l’éclosion, la chenille est grise, puis
elle atteint une taille de 3 cm et devient noire avec des touffes de poils carac-
téristiques. Les chenilles sont fréquemment trouvées sur les murs ou amas de
pierres naturelles. Cette espèce se rencontre aussi en lisière de forêt ou dans
des forêts avec de petites clairières ou des trouées. Pour se nymphoser, la che-
nille s’arrache les poils et les incorpore à la toile tissée qu’elle confectionne
pour l’occasion. Cette opération se déroule au sol, sous des feuilles ou des
pierres. Les adultes butinent les fleurs et semblent avoir un faible pour les
reines des bois, bien qu’on les rencontre aussi sur les scabieuses, les centaurées
et même l’arbre à papillon (Buddléia). Il n’y a qu’une génération par année, les
premiers papillons sont présents fin mai début juin déjà dans le sud du Tessin.
La période principale de vol s’étend de fin juin à début août signifiant qu’ils
hivernent sous forme de chenilles.
Drôles de bêtes
Drôles de bêtes 181
Araignées : mimétisme
Le cas qui nous intéresse ici est un cas de mimétisme batésien chez cer-
taines araignées sauteuses, les salticides. Cette grande famille d’araignées com-
porte quelques 4000 espèces connues dans le monde. Elles possèdent plusieurs
particularités dont l’une est de pouvoir sauter sur leurs proies. Il y a plusieurs
genres appelés myrmécomorphes, c’est-à-dire qui ressemblent à des fourmis.
C’est le cas du genre Myrmarachne comportant de nombreuses espèces dont
une en Suisse. Les femelles et les jeunes ressemblent à s’y méprendre à une
fourmi. Les mâles se distinguent par des chélicères fortement allongées vers
l’avant. De ce fait, ils ressemblent à une fourmi en train de transporter quelque
chose entre ses mandibules. La question que se sont posée les chercheurs était
de savoir si, à cause de ce dimorphisme sexuel entre mâle et femelle, certains
prédateurs ne se seraient pas spécialisés sur ces mâles, intéressés par le fait qu’ils
transportent quelque chose et seraient par là moins efficaces à se défendre.
Le genre Myrmarachne est largement distribué dans les régions tropicales
et les espèces rencontrées dans ces pays présentent un dimorphisme sexuel
182 Mille milliards de pattes
Ascalaphes
Début juin est le moment favorable pour voir des ascalaphes. Ce sont des
insectes que vous pourriez confondre avec des papillons. Possédant deux
paires d’ailes en grande partie opaques et diversement colorées de jaune, de
blanc, de gris et de noir, les ascalaphes ont aussi des antennes qui se terminent
en massue, exactement comme les papillons de jour, ou rhopalocères.
région des Follateyres, en Valais que dans un vallon du Jura. On les rencontre
dans les endroits très chauds et abrités, sur des prairies ou coteaux secs tournés
vers le sud, parfois dans des clairières rocheuses ou herbeuses en pleine forêt,
à condition que le soleil les réchauffe toute la journée. Les ascalaphes peuvent
monter jusqu’à 1000 m d’altitude et marquent une préférence nette pour les
milieux sauvages et non cultivés. Vous les verrez voler en juin et en juillet.
Insecte au vol rapide, il se déplace sur son territoire, parfois en vol plané,
les ailes toujours grandes ouvertes. Il vole le plus souvent à 2 ou 3 m d’altitude
et chasse de petits insectes au sol. En revanche, la nuit et durant les journées
pluvieuses, il recherche un abri et referme ses ailes en toit en dessus de son
corps.
Le mâle, facilement reconnaissable à sa paire de crochets au bout de l’ab-
domen, poursuit les femelles et s’accouple la plupart du temps en vol. Les œufs
au nombre de cinquante sont déposés sur la tige d’une plante sur deux rangs.
Les larves ont un aspect très particulier, car elles ressemblent aux larves de
fourmilions, mais elles ne creusent pas d’entonnoir comme ces dernières et se
déplacent toujours vers l’avant. Prédatrices, elles guettent leurs proies à l’af-
fût. Le cycle complet de développement s’effectue en deux ans au moins, avec
trois stades larvaires. Matures, les larves construisent un cocon et s’enfouissent
dans le sol ou se suspendent à la tige d’une plante.
Poissons très vifs, les blennies possèdent une fantastique capacité de frétiller.
Comme elles se tiennent à l’affût dans les herbiers ou sous de petits rochers, il
peut arriver qu’elles se retrouvent emprisonnées dans une flaque isolée à marée
basse. Grâce à leurs contorsions très rapides, elles sont capables de rejoindre les
pleines eaux sans trop de problème, résistant bien à l’émersion durant une ou
deux minutes. Curieuses et assez familières, les blennies n’hésitent pas à venir
voir de près un nageur ou un plongeur, ou à leur mordiller les pieds.
La reproduction a lieu au printemps. La ponte est déposée le plus sou-
vent sous une pierre ou dans une cavité gardée par le mâle. Il monte la garde
consciencieusement et enduit fréquemment ses œufs de mucus, probable-
ment pour les protéger des infections. Après l’éclosion, les petites larves qui
en sortent sont pélagiques et ne se déplacent pas avant de devenir benthiques
et de se cantonner à leur milieu de préférence (au fond). Ne présentant pas
d’intérêts commerciaux, les blennies ne sont pêchées qu’occasionnellement,
ce qui finalement leur assure une vie sans trop de soucis.
Avec son corps massif recouvert de très longs poils traînant jusqu’à terre, le
bœuf musqué semble être sorti de la dernière glaciation. Ce n’est pas si faux
puisque l’on semble admettre aujourd’hui qu’il vivait il y a 12 000 ans en
Europe et en Asie, au voisinage de l’homme des cavernes. Divers restes archéo-
logiques, comme des représentations, gravures, ou sculptures sur os, témoi-
gnent de sa présence en Europe occidentale.
Drôles de bêtes 185
Avec le retrait des glaces vers le nord à la fin de la dernière glaciation, il semble
que le bœuf musqué ait presque complètement disparu de notre continent.
Cependant, il avait gagné l’Alaska et, de là conquit le Canada et le Groenland.
Ce sont d’ailleurs des individus groenlandais qui ont été introduits en Nor-
vège et qui se sont répandus en Suède.
Habitant de la toundra arctique, sa limite de répartition au sud ne dépasse
pas celle où le mois le plus chaud atteint 10°C. Autant dire qu’il est adapté au
froid. Sa fourrure dense et épaisse retient l’air grâce à une structure particu-
lière qui accroît la valeur calorifique du pelage en réduisant les déperditions
de chaleur. Par exemple, lorsque la température extérieure est de – 26°C, la
température au sein de sa fourrure atteint + 2°C. D’autre part, ses formes com-
pactes et massives, sa queue petite et cachée, son cou épais, sa face arrondie et
ses oreilles très peu visibles permettent de conserver la chaleur. A cela s’ajou-
tent des mouvements lents et mesurés qui lui évitent des dépenses inutiles
d’énergie.
Mammifère de la famille des bovidés, il est plus proche du mouton et des
chèvres que du bœuf. Son nom latin Ovibos signifie « mouton-bœuf ». Quant
au côté musqué, il est intéressant de noter que l’odeur forte dégagée par le
mâle à l’époque du rut n’a rien à voir avec le musc, même si cela sent quand
même très fort. A cette époque, les mâles s’affrontent et se battent en se lançant
l’un vers l’autre à 40 km/h d’une distance de 50 m ! Il faut parfois une dizaine
de chocs frontaux pour que l’un des deux se décident à abandonner. D’une
manière générale, les bœufs musqués vivent en troupeau pouvant atteindre
plusieurs dizaines d’individus. Plus ils sont nombreux, moins ils redoutent les
loups, leur unique prédateur. Ils forment un cercle serré où le mâle dominant
est prêt à charger. Les cornes en forme de vieux guidon de vélo de course sont
un élément assez dissuasif. Ces cornes sont d’ailleurs assez uniques dans le
186 Mille milliards de pattes
monde animal : larges à la base, elles forment un bandeau sur le crâne, puis
elles descendent vers la face sur les côtés et en arrière des yeux pour s’incurver
vers l’avant en remontant. Se nourrissant en hiver de lichens ou de rameaux de
myrtilles, il se rattrape en été en épluchant les saules et les bouleaux.
A proximité d’un crottin ou d’une bouse, cet insecte creuse une galerie
plus ou moins verticale, large de 2 à 3 cm, qui s’étend sur une dizaine de cen-
timètres de profondeur. Une fois ce boyau réalisé, les individus en ressortent
pour chercher de la bouse à la surface et l’amener au fond de la galerie. Au bout
d’un certain temps, la femelle façonne une cellule dans laquelle elle dépose un
Drôles de bêtes 187
œuf. Ce dernier est de très grande taille (pas moins de 6 mm de long). Ensuite,
les deux parents bourrent la galerie avec du fumier que le mâle transporte et
que la femelle tasse et range soigneusement. Quand toute la galerie est rem-
plie, ils en creusent une nouvelle. L’œuf est habituellement pondu à la fin de
l’été et éclot assez rapidement. Il en sort une petite larve qui ressemble à celle
du hanneton. Elle se nourrit du fumier accumulé. Mais le plus intéressant est
que les excréments produits par la larve servent à colmater et lisser les parois
de sa galerie. Grâce à ce système, la larve évite la dessiccation et maintient
sa cellule dans une fraîcheur constante très agréable et indispensable à son
développement, car son tégument est assez délicat. La larve passe l’hiver et son
développement se poursuit au printemps afin de se transformer en nymphe
puis en adulte.
Les incendies de forêts qui ravagent chaque année le sud de la France ou l’Es-
pagne sont dramatiques. En effet, ces feux éliminent une grande partie de la
faune locale et sont souvent responsables de la disparition complète d’espèces
végétales et parfois d’une modification profonde des milieux. Mais le feu n’est
pas négatif pour tout le monde. Il existe des espèces dites pyrophiles qui pro-
fitent de cette situation.
peut résister aux pressions qui s’exercent à de telles profondeurs. Les cachalots
ne conservent que peu d’air dans leurs poumons et évitent l’éclatement de la
cage thoracique lorsque l’air se comprime. En outre cette réserve d’oxygène
est stockée en partie dans les voies nasales. L’épaisseur de ces conduits ralentit
l’imprégnation des tissus et des os par l’azote, gaz se libérant sous l’effet de la
pression. Donc, on a admis que les cachalots peuvent entreprendre de telles
plongées à la vitesse de 150 m par minute sans paliers, évitant à première vue
un empoisonnement lié à l’émission d’azote : le mal des caissons.
Or, des travaux récents indiquent que le cachalot n’est pas à l’abri d’acci-
dents de plongée. Contrairement à ce que l’on imaginait, le cachalot souffre lui
aussi de bends, ces fameux problèmes ostéo-articulaires qui obligent les plon-
geurs à effectuer des paliers ! Des scientifiques américains de la Woods Hole
Oceanographic Institution (Massachusetts) ont étudié 16 carcasses provenant
des océans Pacifique et Atlantique et ont fait cette étonnante découverte. L’ac-
cident ostéo-articulaire peut être observé sur les os des squelettes qu’ils ont
auscultés, et particulièrement sur les côtes et au niveau de la queue. Consé-
quence directe de la présence des bulles d’azote mal éliminées : l’ostéonécrose.
Certaines extrémités d’os portaient des cavités allant jusqu’à 2 cm de long ! Il
semble que le nombre de ces lésions osseuses augmente avec l’âge, les juvéniles
n’en portant pas ou très peu. Les cachalots doivent donc aussi simplement
gérer leur vitesse de remontée !
cinq calmars tenant entre leurs crochets ces sacs d’œufs, à des stades différents
de maturité. Les sacs contiennent 2000 à 3000 œufs. Le calmar mesure une
vingtaine de centimètres et double quasiment de longueur lorsqu’il porte son
sac à œufs. Il s’enfonce dans les profondeurs de l’océan pour cette phase de la
reproduction afin de se protéger des prédateurs. Et pour cause : les chercheurs
ont observé que la mobilité des calmars est entravée par le transport des œufs.
En faisant onduler leurs tentacules, ils font circuler de l’eau dans la poche
(oxygénation). Une détérioration du tissu musculaire est observée durant
toute cette période. Ainsi lorsque les œufs sont jeunes, le calmar se déplace
encore assez rapidement avec des contractions de son manteau et l’aide de
sa nageoire, mais lorsque les œufs deviennent des embryons avancés, le cal-
mar ne bouge quasiment plus. La température de l’eau à cette profondeur
(entre 1,7 et 3°C) n’est pas faite pour accélérer le développement. Mais cette
stratégie semble payante puisque cette espèce possède des populations très
abondantes.
Si vous êtes un inconditionnel de Lucky Luke, vous vous rappelez sans doute
que l’on trouve dans l’une de ces aventures une allusion aux pois sauteurs. En
fait, il ne s’agit pas exactement d’un pois, mais d’une partie de la capsule du
fruit d’une euphorbe mexicaine appelée Sebastiana palmeri. Et si cette capsule
saute ou semble effectivement se déplacer par petits bonds, c’est qu’il y a à
l’intérieur une chenille de papillon de la famille des tordeuses. Cette famille
contient de très nombreuses espèces, parfois ravageuses comme les tordeuses
du chêne ou le carpocapse des pommes.
C’est au Mexique, dans les Etats de Sonora et de Chihuahua, que l’on
trouve cette espèce d’euphorbe arbustive bien particulière que les Mexicains
appellent yerba de la flecha soit « plante de la flèche ». Il faut savoir que les
euphorbes, même celles que l’on trouve chez nous, produisent une sorte de
latex de couleur blanche, souvent très toxique. Il y a fort longtemps, les ancêtres
des Mexicains enduisaient la pointe de leurs flèches avec cette substance.
192 Mille milliards de pattes
C’est après les grandes pluies que cet arbuste fleurit et, durant cette époque,
la femelle d’un petit papillon (Laspeyresia saltitans) visite les fleurs et dépose
ses œufs à proximité de l’endroit où se développeront les fruits. Lorsque les
œufs éclosent, les petites chenilles s’attaquent aux graines en creusant un
petit tunnel. Lorsque les fruits mûrissent, ils prennent une forme bien parti-
culière en tripode, tandis que la chenille se nourrit bien cachée à l’intérieur.
Lorsque les fruits sont mûrs, ils tombent sur le sol et le tripode éclate laissant
échapper trois graines. C’est dans l’une d’entre elles que se cache la chenille.
Pendant ce temps, cette dernière se tisse un nid de soie à l’intérieur. La graine
se retrouve le plus souvent en plein soleil et la température au niveau du sol
peut rapidement devenir insoutenable. La chenille se détend alors brusque-
ment à l’intérieur de sa cellule et, par contrecoup, son logis saute. Ces sauts se
répètent jusqu’à ce que celle-ci soit arrivée dans un site favorable, en général
à l’ombre dans une petite cavité ou fente du sol. Après un certain temps, la
chenille découpe un opercule circulaire maintenu par quelques fils de soie.
C’est par cet orifice que, après la métamorphose, le papillon s’échappe. Le
papillon sort exactement après les grosses pluies du mois de juin et le cycle se
poursuit.
Le plus surprenant est que ces chenilles peuvent provoquer des sauts pen-
dant plusieurs mois et, à première vue, sans se fatiguer. D’ailleurs si vous vous
rendez au Mexique vous trouverez certainement sur les marchés des enfants
qui vous proposeront des « jumping beans, gringo ? ».
Un phénomène assez proche existe chez l’aubépine et le prunellier d’Eu-
rope. Les boutons floraux renferment parfois une larve de coléoptère, l’an-
thonome de l’aubépine (petit charançon de 3 mm de long). D’autres insectes,
comme les hyménoptères, pratiquent aussi ce genre de sport pour le moins
original.
nageoires pectorales lui permettant de s’ancrer sur le fond et une peau molle
et sans écaille. Sa bouche aux lèvres épaisses lui permet d’attraper de grosses
proies. D’une taille moyenne de 8 à 15 cm, pour un poids variant entre 30 et
80 g, le chabot n’a jamais été très intéressant du point de vue gastronomique,
mais il fut une époque où il était préparé en friture. D’une coloration brun-
gris avec des marbrures plus sombres, il dispose d’un excellent camouflage
dans les cailloux et les eaux peu profondes.
On considère le chabot comme une espèce benthique (qui vit au fond
des ruisseaux). On le rencontre préférentiellement dans les cours d’eau assez
rapides et propres où l’eau est bien oxygénée. Il aime bien les torrents et les
petites rivières, mais on peut le trouver également dans les grands cours d’eau
et dans les lacs. Ainsi, dans le Léman, il est présent dans la zone littorale du
Petit-Lac. Le chabot choisit son habitat principalement en fonction de sa
structure plutôt qu’en fonction de sa richesse en proies. Il lui faut un substrat
dur et grossier avec des graviers et des pierres. Il redoute les rivières dont le lit
est constitué de sable et de limon. La profondeur de l’eau ne semble pas être
un facteur limitant : 5 cm d’eau lui suffisent et on peut le rencontrer jusqu’à
50 m de profondeur en milieu lacustre.
Charançon de la prune
Les dommages causés par cet insecte sont de plusieurs types. Tout d’abord,
les adultes, qui se nourrissent des fruits, laissent des cicatrices en forme de
demi-lune à la surface. A cela s’ajoute les traces laissées par les femelles lors
de la ponte de l’œuf dans le fruit vert. Evidemment, lorsque la larve se déve-
loppe, elle va abîmer l’intérieur du fruit et surtout provoquer sa chute précoce.
Il n’existe actuellement pas de méthode de piégeages des adultes permettant
de capturer et surtout d’estimer les populations de ce ravageur. Ceci pose un
problème, surtout pour les producteurs biologiques qui ne peuvent utiliser
d’insecticides. La seule méthode, à première vue recommandée, consiste à
ramasser les fruits tombés rapidement, puis à les composter ou les brûler pour
éliminer les futurs reproducteurs.
Un paysan bio américain, producteur de pommes à cidre dans le Michi-
gan, s’est demandé comment faire pour ne pas avoir lui-même à se baisser
des centaines voire des milliers de fois. Sa première idée fut d’introduire des
poules dans ses immenses vergers. Il fut assez rapidement déçu par le manque
d’enthousiasme de ses auxiliaires qui se prélassaient au soleil au lieu de man-
ger les larves dans les fruits tombés et qui, pour la plupart, terminèrent dans
la gueule de canidés de passage. Il se décida alors d’utiliser une autre espèce
de volatile, la pintade de Numidie, espèce introduite d’Afrique en Amérique
du Nord. Cette espèce étant assez grégaire, notre paysan a pensé qu’elle pour-
rait faire face à ses problèmes et éviter la prédation par des chiens errants
ou des coyotes. Très active, l’action des pintades paraissait efficace, mais leur
comportement bruyant les fit repérer par des oiseaux de proies qui firent un
massacre dans cette population de travailleurs involontaires. Pour éviter ces
196 Mille milliards de pattes
La chevêche des terriers est une petite chouette qui mesure environ 25 cm
pour une envergure de 50 à 60 cm et un poids compris entre 170 et 240 g. Elle
a été décrite au Chili en 1782 par un père jésuite italien. A cette époque déjà,
on savait que cette chouette creusait des trous au sol, car dans son nom latin
Athene cunicularia, le terme cunicularia signifie mine ou mineur. Cette espèce
se rencontre de l’Amérique du Nord à l’Amérique du Sud, mais elle se repro-
duit dans les plaines de l’Alberta, du Manitoba et à l’ouest du Mississippi aux
Etats-Unis. Malheureusement elle est menacée dans plusieurs régions par la
disparition ou l’altération de son milieu.
Cette chouette est peu farouche et souvent active durant le jour. La saison
de reproduction débute à la fin du mois de mars. Habituellement monogame,
Drôles de bêtes 197
il se peut qu’un mâle possède deux conjointes. Pour convaincre ses partenaires,
le mâle effectue des vols de démonstration avec une montée en flèche jusqu’à
une trentaine de mètres, un vol stationnaire de quelques secondes avant un
piqué jusqu’à une hauteur de 15 m environ. Cette séquence est répétée plu-
sieurs fois jusqu’à ce que la femelle soit consentante. L’une des particularités
de cette chouette est de nicher au sol, dans de petits terriers de mammifères
abandonnés. Si le sol le permet, la chouette creuse elle-même un terrier qu’elle
aménage sommairement. Les mâles utilisent des terriers satellites durant la
période d’élevage, situés à proximité immédiate du terrier principal. La femelle
pond entre 6 et 12 œufs qu’elle couve pendant un mois. Le mâle se charge
d’apporter la nourriture pendant la couvaison, puis il se charge de nourrir
les jeunes qui quittent le nid au bout de 44 jours environ. Et c’est là que notre
oiseau devient tout à fait original.
En effet, trois chercheurs de l’Université de Floride ont montré que la che-
vêche des terriers avait de bien curieuses manières. Elles vont chercher des
crottes de mammifères qu’elles placent à proximité immédiate du nid, voire
dans le nid. Si on les retire les oiseaux se mettent en quête de nouvelles crottes.
Les chercheurs se sont d’abord demandé s’il ne s’agissait pas là d’un camou-
flage olfactif du nid afin d’éviter une trop forte prédation. Ils ont donc creusé
une cinquantaine de nids à la manière de la chevêche et placé 5 œufs de cailles
à l’intérieur, puis la moitié des nids a été décorée avec de la bouse de vache.
Les résultats montrèrent qu’il ne s’agit en tout cas pas d’un camouflage olfac-
tif. Ils ont trouvé que lorsque des crottes étaient présentes devant le terrier,
les chouettes consommaient dix fois plus de coléoptères coprophages (qui se
nourrissent des crottes) et six fois plus d’espèces de ces mêmes coléoptères
que s’il n’y avait pas de crottes. Donc très clairement les chouettes utilisent des
appâts pour attirer leurs proies. Jusqu’à aujourd’hui, on ne disposait que de
peu d’exemples d’utilisation d’outils chez les oiseaux, mais c’est encore plus
fin comme stratégie.
Les cigales sont bien connues, en tout cas par leur chant bien particulier,
qui peut parfois même être assourdissant. Elles appartiennent à l’ordre des
homoptères dans lequel on trouve aussi les cicadelles, les pucerons et les coche-
nilles. Pour être plus précis, on sépare les homoptères en trois groupes, les
colerrhynches (espèces des régions australes), les auchenorrhynches (cigales,
fulgores, cicadelles) dont les femelles possèdent un ovipositeur et les stenor-
rhynches (pucerons, psylles, mouches blanches et cochenilles). Cela représente
en gros quelques 25 000 espèces.
198 Mille milliards de pattes
La grande particularité des cigales est que les mâles possèdent un appa-
reil stridulant au niveau du premier segment abdominal. Les cigales peuvent
voler et se nourrissent de sucs végétaux grâce à leur rostre, sorte de seringue
qu’elles peuvent planter dans les végétaux. La majorité des espèces mesure
de 25 à 50 mm. Leur cycle peut s’étaler sur plusieurs années, le plus souvent
entre 2 et 8 ans. Mais on rencontre quand même chaque année des indivi-
dus de ces espèces, car il n’y a pas de synchronisation dans le développement
(on parle d’espèces annuelles). Chez certaines espèces, les populations sont
synchronisées, de telle manière que tous les individus sont matures la même
année (on parle alors de cigales périodiques). Les exemples les plus frappants
de cigales périodiques se rencontrent en Amérique du Nord. Ces cigales appar-
tiennent au genre Magicicada et l’on connaît 7 espèces dont 4 possèdent un
cycle qui s’étale sur 13 années et 3 espèces avec un cycle de 17 ans ! Cela signifie
que pendant respectivement 12 ou 16 ans on ne rencontre aucun adulte de ces
espèces. Avouez que pour un insecte une telle durée de vie est plutôt excep-
tionnelle !
Les Magicicada adultes possèdent un corps noir, des yeux rouges et des
nervures alaires oranges. La majorité émerge de nuit aux mois de mai ou de
juin. C’est à première vue la température du sol qui influence la sortie des
individus. Si elle dépasse 18°C, les jeunes cigales sortent en masse. C’est ce
qui s’est passé notamment en 2004 dans une quinzaine d’Etats de la zone
est des Etats-Unis. Les cigales provoquent alors un certain nombre de dégâts
tout particulièrement si trop d’individus se nourrissent sur le même arbre.
Les femelles pondent leurs œufs dans les branches terminales et provoquent
leur dessèchement. Malgré cela, arbres et buissons résistent assez bien à ces
proliférations périodiques, bien que plus du tiers de l’arbre puisse devenir
brun. Les concerts des mâles peuvent être très bruyants. Il faut dire que ce sont
des millions et des millions d’individus qui sont présents pendant une courte
période, de quelques six à dix semaines, avant de disparaître pour 17 ans. Sui-
vant les zones, il y aurait quelques 3 millions d’individus par hectare !
Drôles de bêtes 199
Condylure étoilé :
une espèce bien particulière de taupe au Canada
En 2007, la revue scientifique « on-line » PLoS ONE révélait que des chercheurs
allemands avaient mis en évidence la manière dont les oiseaux visualisaient le
champ magnétique terrestre lors des migrations. Si cette découverte est un
pas important dans la compréhension de ces mécanismes, un autre article de
la même revue nous révèle les extraordinaires capacités des crocodiles à se
déplacer sur de très grandes distances.
Le plus grand crocodile de notre planète (Crocodylus porosus) possède
une aire de distribution très large s’étendant des îles Salomon à la Nouvelle-
Guinée, à travers l’Australie, l’Indonésie jusqu’en Inde. C’est aussi l’espèce
considérée comme la plus dangereuse. On effectue parfois des déplacements
d’individus agressifs, particulièrement lorsqu’ils s’installent à proximité d’ha-
bitations.
Drôles de bêtes 201
Dans cette étude australienne, trois crocodiles ont été équipés d’un émet-
teur, puis déplacés sur des distances de 56, 99 et 411 km, le long de la côte au
nord de l’Australie, de part et d’autre de la Péninsule du Cap York (Queens-
land). Sachez, pour commencer, que les trois individus ont tous regagnés leur
point de départ après un petit moment passé sur le lieu de dépôt. Mais, le plus
spectaculaire, est bien le troisième individu qui a parcouru une distance éton-
nante. Capturé le 16 août 2004, il a été relâché le même jour à 411 km. Durant
trois mois, il est resté dans cette nouvelle zone, faisant quelques petites excur-
sions localement. Mais le 3 décembre, il a commencé à se déplacer pour arriver
le 24 décembre à son point de départ. En 20 jours, cet individus a parcouru
plus de 400 km ce qui représente en moyenne une quinzaine de kilomètres par
jour ! C’est la première fois que l’on montre une telle faculté chez les croco-
diles. Il convient donc de réfléchir sur l’utilité de déplacer un individu même
très loin de son lieu d’origine. A première vue, les crocodiles possèdent un sens
de la navigation assez extraordinaire. Ce sens serait-il le même que celui utilisé
par les oiseaux lors de leurs migrations ?
pieds palmés et une longue queue comprimée et poilue. Les yeux sont minus-
cules, dissimulés dans le pelage et recouverts d’un voile cutané. Il n’y a pas
d’oreille externe, les desmans dépendent beaucoup du toucher. Ils sont fort
bien adaptés à la nage. Les narines et les oreilles sont ouvertes, mais peu-
vent être obturées par un clapet et la fourrure est étanche. Pour se déplacer
sous l’eau, ce sont essentiellement les pattes arrière qui fournissent la force
de propulsion. C’est un nageur nocturne qui peut demeurer immergé plu-
sieurs minutes, utilisant parfois son nez comme tuba pour venir respirer à
la surface. Il est un peu moins à l’aise sur la terre ferme, mais grimpe bien si
nécessaire.
Confiné aux torrents pyrénéens, le desman se nourrit de larves d’insectes
et de petits gammares (sorte de crevette d’eau douce). C’est grâce à sa trompe
très mobile qu’il les déloge pour s’en nourrir. L’animal dépensant beaucoup
d’énergie, sa ration quotidienne représente chaque jour entre 30% et 50% de
son propre poids.
Le desman des Pyrénées semble être solitaire ou vivre en couple. La saison
de la reproduction est très longue (accouplements de janvier à mai). Après une
gestation de 4 à 5 semaines, la mère met bas de 1 à 4 petits. Seule la femelle s’en
occupe, et le sevrage survient au bout de 4 à 5 semaines, puis les jeunes se dis-
persent le long du cours d’eau. La femelle vit dans un nid, invisible et bien au
sec dans une cavité de la berge. La cavité est la plus haute possible, tout près de
la surface, afin de ne pas être inondée à l’époque des crues. La durée moyenne
de vie est estimée à 3 ou 4 ans et demi au maximum. On peut le rencontrer
entre 400 et plus de 2200 m d’altitude, et il est présent dans tous les départe-
ments pyrénéens. Très sensible aux dérangements, il supporte mal les divers
aménagements des cours d’eau et leur pollution. Sa discrétion innée fit que
le desman resta ignoré des scientifiques jusqu’en 1810. La taille relativement
modeste du desman des Pyrénées le met à l’abri de la chasse pour sa four-
rure, mais sa situation n’est tout de même pas très florissante aujourd’hui, et il
semble que toute pollution, même légère, lui soit fatale. Ainsi ne supporte-t-il
pas le sel qu’on utilise pour déneiger et qui finit souvent dans les cours d’eau !
Même si les araignées sont bien souvent cause de répulsion, les relations qu’elles
entretiennent avec les hommes remontent aux temps les plus reculés. Dans les
anciennes mythologies, elles tiennent une place étonnante, symbolisant par-
fois des figures spirituelles de la plus haute importance. Selon les auteurs du
Catalogue des araignées de Suisse (P. Maurer et A. Hänggi, Centre suisse de
cartographie de la faune, Neuchâtel, 1990), on recense 875 espèces en Suisse.
Drôles de bêtes 203
leur croissance ralentit. Les mâles ne dépassent que rarement 2 m. Les femelles
croissent plus rapidement et atteignent une taille plus grande. Le plus grand
espadon jamais pêché pesait plus de 535 kg pour une longueur de 4,45 m. Il
habitait les eaux côtières du Chili. Habituellement, l’espadon est solitaire et il
est particulièrement agressif. Des attaques contre des bateaux, des mammi-
fères marins et même des sous-marins ont été signalées à plusieurs reprises !
mulent et sont libérés au moment de la mue. C’est peut-être une astuce pour
ne pas se faire repérer ou pour ne pas vivre au fond d’un entonnoir rempli
d’excréments.
Pour dénicher les fourmilions, il convient de se promener dans des lieux
sablonneux et secs, et cela dès fin août jusqu’à l’été suivant. La Suisse compte
actuellement plus de 100 espèces de nevroptères, dont 8 espèces de fourmi-
lions, l’espèce la plus répandue étant le Myrmeleon formicarius, un nom tout à
fait évocateur des mœurs curieuses de ces insectes.
Les fourmis des bois sont de redoutables prédateurs. En une seule journée, les
ouvrières d’une fourmilière de 150 000 habitants peuvent récolter quelques
10 000 proies ! Elles jouent donc un rôle fondamental dans la protection des
forêts en limitant les pullulations d’insectes ravageurs. En Suisse, les fourmis
des bois, ou groupe des fourmis des bois pour être précis, comptent aujourd’hui
sept espèces dont les deux dernières sont restées ignorées très longtemps.
Drôles de bêtes 207
Toutes les espèces de fourmis des bois construisent des fourmilières avec
du matériel végétal sec comprenant des aiguilles de conifères, des brindilles et
même de petits bouts de branches. Suivant la profondeur du sol, le nid est plus
ou moins élevé. Ainsi, dans le Jura où la roche mère affleure, le nid est souvent
de grande taille, alors que sur le Plateau, dans les forêts mixtes à sol profond,
le nid est nettement moins élevé. Toutefois, la forme et la taille du nid dépen-
dent aussi des conditions climatiques locales. En altitude, les fourmilières
sont principalement situées à la lisière des forêts et orientées au sud-est, alors
qu’elles peuvent se trouver à l’intérieur des forêts à plus basse altitude. L’une
des caractéristiques fondamentales des fourmis des bois et de leurs fourmi-
lières est la capacité de maintenir une température constante au cœur du nid
durant la saison d’activité. Grâce à cette température stable, comprise entre 25
et 30°C, le temps de développement du couvain est raccourci, ce qui permet
de produire un grand nombre d’individus au cours de la saison. Certaines
populations peuvent atteindre 2 ou 3 millions d’individus.
Pour maintenir cette température, deux conditions sont nécessaires : d’une
part, un nid relativement étanche et imperméable et d’autre part, un com-
bustible de qualité. L’étanchéité est assurée par l’accumulation des aiguilles,
tandis que le combustible est fourni indirectement par les pucerons. Leurs
excréments (miellat) sont récoltés par les ouvrières et ramenés à la fourmi-
lière. L’assimilation du miellat, et surtout des sucres, au niveau du système
digestif est une réaction exothermique, c’est-à-dire qui dégage de la chaleur.
Cette chaleur qui s’échappe de la fourmi, n’est pas perdue et sert à chauffer la
fourmilière. Au cours d’un été, une fourmilière de 200 000 individus consomme
entre 150 et 200 kg de miellat de pucerons. Lorsque les pucerons disparaissent
en fin de saison, le chauffage diminue progressivement jusqu’à cesser, la tem-
pérature s’équilibrant alors avec le milieu avoisinant. Les fourmis deviennent
inactives et passent l’hiver au frais.
Gecko casqué
Les geckos sont des reptiles appartenant au sous-ordre des lacertiliens ou sau-
riens, c’est-à-dire des lézards. Le gecko casqué n’est que l’une des 800 espèces
qui composent la famille des geckonidés. Ce nom de gecko, assez particulier
dérive de celui d’une espèce asiatique qui pousse un cri formé de deux sons
que l’on a traduits par « ge - cko ». En effet, la plupart des espèces sont capables
de produire des sons bizarres comme de petits claquements, grincements ou
miaulements répétitifs.
D’une manière générale, les geckos ne peuvent guère être confondus avec
les lézards. La peau est plus ou moins rugueuse et garnie de tubercules et les
paupières sont presque toujours fixes et transparentes. Habituellement, la
majorité des espèces mesurent entre 5 et 25 cm, mais on a décrit récemment
210 Mille milliards de pattes
une espèce géante dépassant 60 cm de long, mais probablement éteinte. A l’ex-
ception des espèces diurnes qui possèdent de belles couleurs, la plupart sont
de couleur terne et changeante. En effet, ils deviennent plus sombres lorsqu’ils
sont exposés à la lumière et plus clairs lorsqu’ils sont à l’obscurité. La parti-
cularité la plus intéressante se trouve au niveau des pattes. Ces dernières sont
soit couvertes de poils ou de soies microscopiques et regroupés en lamelles qui
s’accrochent à la moindre aspérité du support. Ainsi certaines espèces peuvent
se promener sans problème au plafond ou sur une surface vitrée. Les geckos
se nourrissent d’insectes qu’ils chassent le plus souvent en pratiquant un affût.
Ils se détendent brusquement et saisissent leurs proies dans leurs mâchoires.
Les plus grandes espèces n’hésitent pas à s’attaquer à de petits oiseaux, des
rongeurs et même d’autres lézards.
La grande majorité des espèces vit sous les tropiques et s’est souvent adap-
tée à une vie dans les zones sèches ou subdésertiques. Cependant trois espèces
se retrouvent en France, mais elles sont confinées aux zones les plus méri-
dionales. Le gecko casqué est présent en Afrique du Nord le long des côtes de
l’océan Atlantique et de la côte de Mauritanie. On ne le rencontre guère plus
loin que 25 km à l’intérieur des terres. On le reconnaît à la forme massive de
sa tête qui fait penser à un casque. Son milieu naturel est caractérisé par des
régions peu vallonnées recouvertes de sable et de pierres avec quelques buis-
sons d’épineux qui le protègent contre ses prédateurs principaux : les oiseaux.
Au printemps, la femelle pond deux œufs collés sous des pierres volumineuses
qui les protégeront des trop hautes températures. Relevons que la majorité
des geckos pondent deux œufs et seules quelques espèces sont vivipares. De
fortes menaces pèsent sur le gecko casqué. En effet les plans d’aménagement
des côtes, les créations de nouvelles routes rendent sa survie problématique. Et
comme il ne possède pas de pelotes adhésives, étant terrestre et non arboricole
et qu’en plus il est nocturne, il finit souvent sous les roues des voitures lorsqu’il
se hasarde à traverser une route de nuit.
D’une étonnante agilité, elle est sans doute le plus adroit des viverridés. Elle
ne chasse pas à l’affût, se contentant d’attraper ses proies au vol. D’une mor-
sure à la nuque, elle les achève avant de les engloutir. S’il s’agit de souris, elle
les avale entières en commençant toujours par la tête. A part les rongeurs, elle
s’attaque aussi aux écureuils, aux lapins de garenne, aux oiseaux, ainsi qu’aux
insectes, aux mollusques et aux araignées. Sa mauvaise réputation vient de
son activité dans les poulaillers. Elle se fait toujours piéger en Espagne et en
France, bien qu’elle soit protégée dans ce pays depuis 1976.
Présente dans toute l’Afrique du Nord sauf au Sahara, elle s’est proba-
blement installée en Europe au VIIIe siècle grâce aux invasions sarrasines.
Lorsque, à Poitiers en 732, Charles Martel stoppa les Sarrasins, il eut la
212 Mille milliards de pattes
surprise de trouver dans son butin toutes sortes de peaux de bêtes et un cer-
tain nombre de genettes vivantes. D’abord limités aux régions situées au sud
de la Loire et à l’ouest du Rhône, des individus passent de temps en temps
plus à l’ouest (Bouches-du-Rhône, Isère, Alpes-de-Hautes-Provence et même
Alsace). En Suisse, un autre spécimen a été capturé, à notre connaissance, en
1919 dans le canton de Soleure.
Michael C. Scholl est l’un des rares spécialistes mondiaux du grand requin
blanc. Suisse d’origine, passionné de plongée et de requins, après des études à
l’Université de Lausanne terminées en 1997 à Aberdeen, M. C. Scholl a pour-
suivi ses recherches en Afrique du Sud. Depuis, il a identifié plus de 1000 spé-
cimens sur les côtes d’Afrique du Sud, dont 30% ont été revus au moins une
fois sur des périodes dépassant une année. Mais l’une des questions majeures
était de savoir où se déplacent ces animaux lorsqu’ils ne sont pas visibles
dans les eaux peu profondes à proximité de l’île de Dyer. Pour apporter des
éléments de réponse, une première recherche a été menée en collaboration
avec un groupe de scientifiques pour analyser l’ADN de spécimens d’Afrique
du Sud, d’Australie et de Nouvelle-Zélande. Les premiers résultats semblaient
montrer que les mâles migraient beaucoup, alors que les femelles restaient
plus attachées à une zone. Ce type de comportement où l’un des sexes disperse
plus que l’autre se rapporte plus à des mammifères marins comme les baleines
et les dauphins qu’à des poissons. Mais une autre série de résultats allait bou-
leverser tout ce que l’on pensait sur cette espèce.
Une femelle de 3,8 m a été marquée à l’aide d’un émetteur satellite le 7
novembre 2003 au large de Gansbaai, proche de la fameuse île de Dyer, au
214 Mille milliards de pattes
niveau du cap occidental de l’Afrique du Sud. Cet émetteur enregistre des don-
nées pendant plusieurs mois puis se détache de l’individu et revient en surface.
A ce moment, les données qu’il a accumulées sont transmises par satellite et
recueillies par les chercheurs. Il s’agit notamment de la température, de la pro-
fondeur et de la luminosité. Cette dernière mesure permet d’estimer l’heure
du lever du jour et du coucher du soleil et d’avoir une estimation de la posi-
tion de l’animal sur notre planète. Bien que ceci n’ait pas la précision d’un
GPS, cela donne tout de même une bonne indication. Donc, après 99 jours, le
satellite s’est détaché à 37 km au sud du Golf de Exmouth en Australie occi-
dentale. Ainsi en trois mois cette femelle avait parcouru environ 11 000 km à
une vitesse de croisière de 4,7 km/h, ce qui la rapproche des performances du
Drôles de bêtes 215
thon, connu pour ses déplacements rapides et soutenus. Mais attention le plus
extraordinaire est que, six mois plus tard, le 20 août 2004, ce requin connu de
M. C. Scholl depuis plusieurs années est réapparu dans les eaux africaines au
même endroit où il avait été marqué l’année précédente. Il s’agit donc d’une
première migration transocéanique avec retour, soit un voyage de quelque
22 000 km !
Guêpes bruyantes
Ces guêpes ne sont pas noire et jaune mais de couleur bleu métallique et
mesurent environ 2 cm. La fondation d’une nouvelle société est un peu parti-
culière, elle se pratique par essaimage. Un groupe d’ouvrières quitte le nid avec
une reine (parfois plusieurs) et s’installe dans une nouvelle station. Elles choi-
sissent le plus souvent un arbre légèrement incliné facilitant la construction
du nid qui pend dans le vide. La nouvelle reine inhibe les autres reines à l’aide
de phéromones inhibitrices. Les reines sont remplacées au fur et à mesure et
de telles colonies sont pérennes et peuvent exister pendant de très nombreuses
années. On cite l’exemple d’une colonie qui a vécu 16 ans à la même place.
Comme pour toutes les guêpes, le régime alimentaire est constitué d’autres
216 Mille milliards de pattes
Qui n’a jamais utilisé l’expression « quand les poules auront des dents ! » pour
reporter un événement loin dans le futur ? Chez les harles, ce futur est d’ac-
tualité. Ces oiseaux ont en effet la particularité de posséder un long bec, garni
sur ses bords d’une rangée de « dents » cornées. Il ne s’agit évidemment pas
de véritables dents, mais d’excroissances du bec qui permettent aux harles de
saisir et de maintenir fermement les poissons qu’ils capturent. Cette adapta-
tion leur vaut d’ailleurs le surnom de « bec-en-scie ». Un peu plus grand que
le colvert, le harle bièvre mâle arbore, comme ce dernier, une tête au plumage
noir verdâtre brillant. Sa poitrine et son ventre sont blancs et son dos noir. La
femelle présente une livrée très différente. Sa tête est rousse et pourvue d’une
huppe, le reste du corps étant plutôt gris-bleu avec le ventre clair.
Le harle bièvre a une répartition circumpolaire qui s’étend, en Europe,
de l’Islande à la Russie, en passant par l’Ecosse et la Fennoscandie. En hiver,
il descend plus au sud et se retrouve jusqu’au nord des Alpes, de la Savoie
jusqu’en Bavière et en Autriche. Bien que le harle bièvre soit un canard nor-
dique, quelques couples ont été observés en période de nidification en Suisse
dès le XIXe siècle. D’abord cantonné aux lacs de Neuchâtel et de Morat, il a
peu à peu colonisé le Léman au cours du XXe siècle. Il y connait à l’heure
Drôles de bêtes 217
actuelle une prospérité peu commune. Deux autres espèces de harles peuvent
être observées chez nous : le harle huppé et le harle piette.
Fait étonnant pour un canard, le harle bièvre niche dans des cavités d’arbres
ou de rochers. Le nid peut être placé très en hauteur, parfois jusqu’à plus de
10 m du sol. Les couples se forment à la fin de l’hiver. Avant de s’accoupler,
les deux partenaires effectuent une parade complexe, au cours de laquelle ils
manifestent leur intérêt l’un pour l’autre. Les mâles quittent ensuite défini-
tivement les femelles qui assurent seules l’élevage de leur progéniture. Elles
pondent 7 à 15 œufs qu’elles couvent pendant un mois. Après l’éclosion, les
jeunes ne restent au nid que 2 à 3 jours. Incapable de voler, ils doivent sauter
dans le vide pour quitter le nid. Leur épais duvet leur permet de résister à la
chute. Toute la famille regagne ensuite le lac ou la rivière « à pied ».
Grâce à leur long bec denté, les harles sont de redoutables chasseurs de
poissons. Ils capturent leurs proies en plongeant ou en barbotant dans les
eaux peu profondes. Les vengerons, ablettes, épinoches ou petites perchettes
de moins de 15 cm constituent l’essentiel de leur alimentation. Ces canards
peuvent à l’occasion aussi consommer des insectes, des crustacés ou des gre-
nouilles.
Huppe fasciée
du sud du Sahara jusqu’à l’équateur africain. Son vol ressemble à celui d’un
papillon noir et blanc, puisque ses ailes sont bariolées.
La huppe habite de préférence les milieux ouverts, ensoleillés et chauds
des plaines. Elle ne s’aventure guère au-delà des collines et marque une cer-
taine attirance pour les lieux de pacage et les prés. Dès l’arrivée des premiers
nicheurs, le mâle va émettre son fameux cri : « houpoupoup ». D’ailleurs, le
nom de famille auquel il appartient ressemble bien à une transcription de son
chant. Lorsqu’il chante, il baisse la tête, le bec presque fermé, puis la relève à la
fin de la strophe. Ce chant, bien qu’assez monotone et sourd, porte loin.
L’ordre des hyménoptères est probablement celui qui, parmi les insectes, joue
un rôle économique et biologique des plus importants pour l’espèce humaine.
Pensez quelques instants à ce que serait notre terre sans les abeilles ou encore
ce que nous ferions pour défendre nos cultures sans les parasitoïdes.
On admet qu’il existe quelque 130 000 espèces connues et certainement
autant à découvrir. En principe les hyménoptères sont caractérisés par deux
paires d’ailes membraneuses et des pièces buccales broyeuses. On distingue
deux groupes principaux : ceux qui possèdent une « taille de guêpe » (apo-
crites) et ceux qui n’en ont pas (symphites). Les apocrites sont subdivisés en
deux classes : les térébrants (ou parasitoïdes) et les aculéates (guêpes, abeilles,
fourmis, bourdons etc). Les térébrants sont presque tous parasites et les
femelles possèdent une tarière (ou ovipositeur) qui leur permet de percer leur
hôte ou le substrat dans lequel il vit pour y déposer un œuf.
La rhysse persuasive appartient à la famille des ichneumons dont c’est le
plus grand représentant en Europe. Son corps mesure environ 4 cm et si l’on
ajoute la tarière de la femelle, on obtient environ 8 cm. Cette espèce est foncée
avec des taches blanches sur le corps. Elle fréquente généralement les bois de
conifères, mais peut être aperçue le long des clairières ou des chemins.
220 Mille milliards de pattes
les chercheurs se sont d’abord penchés sur l’araignée-loup en lui offrant des
drosophiles vivantes et élevées sur différents milieux plus ou moins riches en
protéines ou en lipides. Ici encore, les araignées testées ont fait preuve d’un
choix très clair préférant le contraire de ce qu’elles avaient mangé auparavant
en ce qui concerne le rapport protéines/lipides. La dernière espèce vit dans
les milieux désertiques et construit une toile. Ce qui signifie que les proies
arrivent plutôt au hasard et qu’à première vue, il est difficile d’avoir un régime
équilibré dans ces conditions. Pas de surprise ici aussi, les araignées répondent
de manière significative en extrayant plus de protéines des proies qui se pren-
nent dans la toile si elles ont été nourries avec des lipides dans le prétraitement
et réciproquement. Donc malgré des stratégies de chasse très différentes, ces
trois espèces sont tout à fait capables de rééquilibrer leur régime alimentaire
lorsque ce dernier n’est pas parfaitement balancé. Ainsi malgré l’adage qui
voulait que pour une espèce prédatrice c’est plutôt la quantité que la qualité, il
semble bien que les prédateurs fassent très attention à leur ligne.
En 1958 pour la réalisation de son film White Wilderness plus connu sous
le titre de Nature vivante, Disney et son équipe importèrent des lemmings
qu’ils avaient achetés à des Inuits. Ils les filmèrent sous tous les angles et pour
donner l’illusion d’un mouvement de masse, ils retravaillèrent longtemps les
images obtenues. Pour ceux qui se rappellent encore de la scène, on voit des
« masses de lemmings » se jeter d’une hauteur impressionnante en une sorte
Drôles de bêtes 223
Limules
Des li… quoi ? Des limules ! Ces animaux, à première vue préhistoriques,
appartiennent au groupe des arthropodes tout comme les insectes, crabes et
crevettes et encore les acariens et les araignées. Cela signifie qu’ils possèdent
une cuticule externe en grande partie rigide et des pattes articulées. La struc-
ture de ces animaux est intermédiaire entre celle des crustacés (comme les
crabes) et celle des arachnides, mais ils sont plus proches des seconds que des
premiers.
On a retrouvé des fossiles de limules âgés de 500 millions d’années. Les
limules actuelles sont identiques à celles d’il y a 350 millions d’années, ce qui
fait des limules une des espèces les plus fossiles. Il en existe 5 espèces, la plus
courante se rencontrant le long de la côte est de l’Amérique du Nord, de la
Nouvelle-Ecosse au Yucatán. On trouve les autres dans la zone orientale de
l’océan Pacifique, de l’Inde aux Philippines.
Du point de vue morphologique, la tête et le thorax sont soudés et forment
un « céphalothorax » dont la partie supérieure est protégée par une carapace
épaisse et dure. L’abdomen, de petite taille, est couvert d’une carapace étroite,
articulée sur la carapace principale et se terminant par un long aiguillon. Deux
yeux composés volumineux sont visibles à l’avant du céphalothorax ; deux
paires d’yeux simples plus petits sont situés entre les yeux composés, et cinq
organes sensibles à la lumière sont situés sous la coquille. La bouche se trouve
au milieu de la face inférieure du céphalothorax ; une paire d’appendices en
forme de pinces (chélicères) siège de chaque côté de la bouche. Les limules
possèdent six paires de pattes locomotrices dont la dernière est rudimentaire.
La face inférieure de l’abdomen porte six paires supplémentaires d’appen-
dices ; la première recouvre l’orifice génital et les cinq autres sont devenues des
branchies.
Les limules vivent près des rivages. Elles nagent sur le dos et creusent le
sable et la vase à la recherche de petits invertébrés dont elles se nourrissent.
Régulièrement, les limules muent, laissant derrière elles une « exuvie ». Ce
moment est crucial dans la vie des limules qui peuvent ne pas arriver à muer
et deviennent la proie des prédateurs.
Drôles de bêtes 225
La lune joue un rôle important sur les marées. En effet, la lune et le soleil
attirent la terre et ses océans se déforment. L’eau s’accumule où l’attraction est
maximale, c’est-à-dire au point du globe situé le plus près de l’astre. En outre,
grâce à la vitesse du mouvement, une force centrifuge opposée à l’attraction
maintient la terre sur son orbite et repousse l’eau, qui s’accumule donc à l’op-
posé de l’astre. Dans quelle mesure, les animaux et les végétaux sont influencés
par ce phénomène ? De nombreux organismes ajustent leur vie aux rythmes
des marées. Il suffit de penser aux oiseaux qui se nourrissent de petits inverté-
brés logés dans le sable, inatteignables lorsque la marée est haute. Les phases
de la lune modifient aussi la luminosité nocturne. Ainsi les nuits de pleine
lune sont plus illuminées que les nuits de nouvelle lune, et certaines espèces
modifient leur comportement en fonction de ces modifications. Par exemple
les grues rentrent plus tard au nid les nuits de pleine lune. Du côté des pré-
dateurs, on s’est aperçu par exemple, que chez l’engoulevent (oiseau à activité
nocturne), les jeunes réclament la nourriture lorsque la luminosité est la plus
élevée, facilitant la capture des proies. En tant que proies, les flamands roses
au Venezuela surveillent beaucoup plus leur environnement les nuits sombres
que les nuits de pleine lune où ils profitent de se nourrir.
Les grandes marées favorisent également la reproduction des mollusques,
des crabes, des oursins ou des moules et des huîtres. Certaines espèces sont
226 Mille milliards de pattes
même totalement dépendantes des grandes marées. C’est le cas d’un petit
poisson de Californie appelé Leurestes sardina. A marée haute, les femelles
s’enterrent sur la plage en ne laissant sortir que la tête. Les mâles viennent
ensuite les entourer pour féconder les œufs. Au bout de 14 jours, les alevins
sortent du sable et gagnent la pleine mer. Ce comportement risqué pour les
parents (puisqu’ils sortent quasiment de l’eau) protège en revanche efficace-
ment les œufs contre les prédateurs, leur développement s’effectuant dans le
sable humide et non dans l’eau. Une autre technique est celle d’un ver aqua-
tique nommé Eunice viridis. Les individus synchronisent leur reproduction
lors de la pleine lune. La stratégie est que, vu la quantité d’individus, un pré-
dateur a de la difficulté à se concentrer sur une proie en particulier. D’autre
part, les grandes marées favorisent la dispersion des œufs et des larves grâce
aux forts courants marins qu’elles engendrent. Des phénomènes similaires se
rencontrent aussi sur terre. Chez les mammifères placentaires, une période
de gestation de 30 jours ou d’un multiple de 30 semble être souvent la règle
et se rapproche tout à fait du cycle lunaire. D’ailleurs on peut se demander si
le cycle menstruel de la femme, d’une durée de 29,5 jours en moyenne n’est
pas un hasard ou en relation indirecte avec le cycle lunaire, même s’il n’est pas
synchronisé.
Cela fait plusieurs siècles que l’homme cherche par tous les moyens à renforcer
le désir sexuel ou redresser une virilité défaillante. Si de nombreux chercheurs
sont restés dans l’ombre, c’est que beaucoup ont essayé leurs propres recettes,
philtres d’amour et autres potions dont l’effet escompté s’est révélé assez
néfaste. En effet certaines de ses potions étaient faites à base de strychnine ou
de plantes toxiques dont les dosages ne provoquaient pas l’effet recherché…
Mais qu’en est-il des insectes ?
De très nombreux insectes ont été utilisés comme source d’aphrodisiaques.
Par exemple en Inde, les reines de termites sont considérées comme très « dési-
rables », peut-être à cause de leur extraordinaire fécondité. En Malaisie, une
punaise d’eau géante (Belostoma) est vendue à Singapour comme aphrodi-
siaque. Au Maroc, la recette consiste à mélanger des punaises des lits avec des
jaunes d’œufs. En 1642, dans un livre sur le sexe et l’anatomie, J. B. Sinibaldus
affirme que des fourmis séchées, mélangées avec de l’huile sont un stimulant
sexuel. En 1745, l’auteur d’un dictionnaire médical (Dr. R. James) rajoute que
des applications topiques d’acide formique provoquent une excitation sexuelle.
Mais l’insecte le plus connu dans ce domaine demeure, sans aucun doute,
la mouche espagnole. Or, il s’agit en réalité d’un coléoptère appartenant à la
Drôles de bêtes 227
famille des méloïdés. Cette soi-disant mouche désignait une espèce bien par-
ticulière qui est connue sous le nom latin de Lytta vesicatoria. Cette espèce se
trouve dans tout le sud de l’Europe et même en Suisse. Son territoire s’étend
vers l’Est jusqu’en Sibérie. Les méloés adultes se nourrissent principalement
de feuilles de frêne, de lilas, de troène et de saule. Lorsqu’on les importune,
la mouche espagnole et autres méloés sécrètent, au niveau des articulations
de leurs pattes, une substance corrosive appelée cantharidine. Outre son uti-
lisation comme moyen de défense, la cantharidine remplirait une tout autre
fonction chez Lytta vesicatoria. La substance serait synthétisée par les glandes
séminales du mâle, qui, au cours de l’accouplement, en déverserait abondam-
ment sur la femelle en guise d’aphrodisiaque !
palais, puis broyés dans l’estomac. Il est assez rare qu’un oryctérope détruise
une termitière en une seule nuit, il reviendra à intervalles réguliers d’une à
deux semaines, laissant ainsi le temps aux termites de reconstituer leur nid.
Il est aussi friand des fruits d’une cucurbitacée souterraine, sorte de melon
appelé « courge à oryctérope », dont les graines ne semblent germer qu’après
avoir traversé son tube digestif. Il habite les forêts claires, brousses et savanes
de l’Afrique au-dessous du Sahara.
les arthropodes : le corps est segmenté et ils possèdent des pattes non articu-
lées comme les annélides, mais comme les arthropodes, ils sont recouverts
d’une cuticule et muent. Le nom de péripate vient du grec peripatein qui
signifie se promener. Selon les auteurs, entre 60 et 120 espèces sont reconnues
aujourd’hui dans le monde. Les péripates habitent toutes les régions tropicales
et tempérées chaudes de la planète, principalement dans des zones sombres et
humides. On peut les rencontrer au bord des rivières, entre les racines, sous les
écorces ou encore dans le bois en décomposition. Il existe deux groupes bien
distincts : les péripatidés (Amérique tropicale, Afrique équatoriale et Asie du
Sud-Est) et les péripatopsidés (Chili, Afrique du Sud, Australie, Tasmanie et
Nouvelle-Guinée).
Le corps des péripates présente une face dorsale convexe et une face ven-
trale aplatie. Il est mou, allongé et vermiforme, recouvert d’une cuticule en
écailles. Suivant les espèces, ces animaux possèdent de 14 à 43 paires de courtes
pattes nommées lobopodes et armées d’une paire de griffes rétractiles d’où
le nom d’onychophores (porteur de griffes). La tête est surmontée de deux
antennes charnues qui rappellent les « cornes » des limaces et d’yeux plutôt
globuleux. Ces animaux possèdent une grande bouche munie de deux paires
de lames mandibulaires et de deux glandes permettant de projeter des sécré-
tions. Ces glandes produisent de la glu qui coagule au contact de l’air et leur
sert de défense ou pour capturer des proies. Cette substance étonnante forme
des fils gluants qui s’abattent comme un filet et obture les orifices respiratoires
de la proie. Elle peut être projetée jusqu’à 50 cm. La couleur des péripates est
très variable, mais presque toujours brillante et en rapport avec le milieu dans
lequel vit l’individu. La taille se situe en moyenne entre 3 et 5 cm, mais cer-
taines espèces atteignent 15 à 16 cm. Les femelles sont souvent plus grandes
que les mâles. Ces derniers pèsent environ 170 mg et le poids des femelles peut
atteindre 450 mg. La longévité en élevage au laboratoire atteint 3 à 4 ans pour
les mâles alors qu’elle dépasse 7 ans pour les femelles.
234 Mille milliards de pattes
perception par le poisson, des insectes en vol, déclenche un circuit de six neu-
rones. Les yeux saisissent l’information contenant les paramètres de vitesse,
de direction et d’altitude de la proie, informations qui déclenchent alors les
neurones moteurs provoquant le tir. Ainsi un comportement finalement assez
sophistiqué peut résulter de systèmes très simples. Ceci ne diminuant en rien
les prouesses du poisson-archer !
236 Mille milliards de pattes
Poissons chirurgiens
Les poissons chirurgiens vivent sur les hauts-fonds coralliens dans toutes les
mers tropicales. Les 75 espèces connues aujourd’hui forment la famille des
acanthuridés. Le nom vernaculaire de la famille dérive d’appendices acérés
comme des scalpels ; le mot acanthus d’origine grecque signifiant épine. Chez
la majorité des espèces, ces scalpels sont normalement escamotés dans une
rainure et peuvent se dresser perpendiculairement au corps. Il s’agit d’une
arme redoutable et une seule blessure infligée sur les mains provoque une
enflure douloureuse qui dure plusieurs jours.
Poissons-perroquets
Les poissons-perroquets et les labres sont des poissons aux brillantes cou-
leurs, hôtes des récifs coralliens. Ils appartiennent à la famille des scaridés qui
comprend quelques 80 espèces. Leurs bancs peuplent les mers tropicales et
plus particulièrement les pentes raides des récifs coralliens. Ils mesurent de
30 cm à 2 m pour les cas exceptionnels et se ressemblent tous au moins par
la forme. Ils sont caractérisés par la soudure des os pharyngiens en une pièce
unique couverte de dents en meule, ce qui leur donne une tête bien particu-
lière, soit un bec de perroquet, assez semblable à celui des oiseaux du même
nom. Grâce à ce bec, ils arrachent des fragments de plantes marines ou brou-
tent des algues encroûtantes ainsi que des mollusques ou encore des polypes.
Ils ingèrent ainsi une grande quantité de calcaire qu’ils broient entre les
meules de leurs dents pharyngiennes et rejettent sous la forme d’un nuage de
sable.
Au cours de leur existence, la robe des poissons-perroquets subit des modi-
fications en fonction du sexe, de l’âge de l’individu, de son rang social et de
son état physiologique. Par exemple, le cacatoès blanc ou ghobban arbore
différentes livrées où le bleu domine, au moins en bordure du corps et des
nageoires. Plus il vieillit, plus il pâlit. Parfois ce sont les vieux mâles qui affi-
chent les couleurs les plus vives, disposées en motifs géométriques, arabesques
et pointillés (qui hélas disparaissent lorsque le poisson est sorti de l’eau). Il
a fallu des années aux scientifiques spécialistes pour arriver à passer de 350
espèces aux 80 reconnues aujourd’hui, tellement les variations de couleurs
posaient des problèmes d’identification. D’une manière générale, suivant le
sexe et l’âge, on reconnaît trois livrées principales.
238 Mille milliards de pattes
Protoptères
Les protoptères sont des poissons appartenant au groupe des poissons pulmo-
nés, donc possédant des poumons. Ce groupe de poissons existait déjà sous sa
forme actuelle il y a environ 370 millions d’années. On était alors dans l’ère
Paléozoïque à la période du Dévonien lorsque l’Amérique du Sud, l’Afrique,
l’Australie et l’Antarctique ne formaient qu’un seul supercontinent appelé
Gondwana. L’Afrique tropicale héberge quatre espèces de protoptères (genre
Protopterus). Les protoptères sont des poissons au corps allongé, anguilli-
forme, recouvert de petites écailles incluses dans la peau. La nageoire dorsale
et anale est continue et se termine en pointe effilée. Les nageoires paires sont
de longs filaments bordés d’une frange membraneuse plus ou moins nette.
Ces poissons peuvent atteindre la taille respectable de 80 cm pour un poids
de 3 kg. Durant la saison des pluies, les protoptères nagent dans les étangs à la
Drôles de bêtes 239
façon d’une anguille. Ils mènent une vie nocturne dans les marais et les trous
d’eau riches en végétation dont ils se nourrissent, sans négliger pour autant
un régime carnivore composé d’autres poissons, de grenouilles, de mollusques
et de crustacés. Ils montent souvent en surface pour pallier la pauvreté des
eaux en oxygène. La bouche est garnie de plaques dentaires formant des crêtes
émaillées tranchantes et denticulées. La vessie aérienne bilobée joue le rôle de
poumon. Les jeunes portent des branchies externes qui subsistent assez long-
temps et dont les traces sont encore visibles chez les adultes.
Pseudo-scorpions
sera courtisée avec assiduité tant qu’elle reste à l’intérieur du territoire. Le mâle
dépose un spermatophore contenant son sperme, que la femelle extrait pour
féconder ses œufs. Il s’agit d’une technique assez originale, que l’on rencontre
aussi chez certaines espèces d’insectes primitifs. La femelle porte ses œufs et
nourrit ses embryons, en plus elle construit un nid en soie en y intégrant des
débris trouvés dans son milieu. Les jeunes Chelifer concroides sont adultes à
partir de 10 mois et peuvent vivre de 3 à 4 ans, ce qui est étonnant vu la taille
de l’animal.
En Suisse, on compte plus de 60 espèces de pseudo-scorpions, que vous
pouvez découvrir dans le sol, dans les grottes, sous les pierres, dans l’humus et
dans les nids d’oiseaux.
Psoques… domicoles
L’ordre des psocoptères compte quelques 3800 espèces. Les psoques sont des
insectes de taille assez modeste, 0,7 à 7 mm, pour les espèces que l’on peut
rencontrer chez nous. Ces petits insectes peuvent être ailés, microptères (ailes
réduites) ou aptères. On parle souvent de poux des livres, poux des écorces
ou encore poux des poussières, mais attention, rien à voir avec les véritables
poux qui sont des parasites des oiseaux et mammifères et dont une espèce se
retrouve parfois sur nos chères têtes blondes. Les psoques possèdent une paire
de mandibules broyeuses ; on les confond également souvent avec d’autres
insectes comme les psylles et les pucerons (qu’une majorité des gens continue
à appeler poux des végétaux !).
Les psoques vivent dans de nombreux milieux : sur les arbustes (écorce et
feuilles), dans la végétation, dans les grottes et dans nos entrepôts et habita-
tions. Sur les 99 espèces connues en Suisse, 29 peuvent être considérées comme
domicoles. Le terme domicole vient du latin et se décompose en domus (habi-
tation) et colere (habiter).
Certaines espèces peuvent parfois se développer de façon fulgurante si
les conditions de température et d’humidité sont favorables. Elles peuvent se
nourrir de moisissures ou peuvent se rencontrer dans les denrées alimentaires
stockées (farine, riz, pâtes). Dans ce cas, elles ne se nourrissent pas unique-
ment de mycélium, mais aussi de substrat. Une espèce est même capable de
digérer la cellulose, alors attention aux vieux livres que l’on n’ouvre jamais !
Il est intéressant de noter que la majorité des espèces domicoles se reprodui-
sent par parthénogenèse, et plus particulièrement par la parthénogenèse thé-
lytoques. Cela signifie que les femelles ne mettent au monde que des filles, sans
avoir besoin de mâles. C’est plutôt gênant, car en plus les femelles peuvent
survivre plus d’un mois sans se nourrir.
242 Mille milliards de pattes
Strepsiptères
La plupart des gens n’ont jamais entendu parler des strepsiptères et peu d’en-
tomologistes en ont vu vivants. Les strepsiptères figurent parmi les insectes
les plus énigmatiques. Il faut savoir que le terme strepsi signifie faire tourner.
Alors si les ailes postérieures sont normales, en revanche les ailes antérieures
sont transformées en balanciers. C’est un peu comme une mouche à l’envers.
244 Mille milliards de pattes
D’ailleurs, on pense que ces insectes bizarres sont assez proches des mouches,
mais ce n’est que l’une des hypothèses actuellement proposées. D’autres cher-
cheurs les ont rapprochés des coléoptères ou des hyménoptères.
On a retrouvé un spécimen de strepsiptères dans l’ambre datant du Crétacé,
soit environ 65 millions d’années. Aujourd’hui, un peu plus de 600 espèces
sont décrites dont une trentaine vit en Europe. Ce sont tous des parasites au
mode de vie étrange. Seuls les mâles sont visibles : les larves et les femelles
vivent dans le corps des abeilles, guêpes, punaises, orthoptères. Les femelles
y restent toute leur vie, laissant seulement une partie de leur corps sortir de
l’hôte, partie à laquelle les mâles s’accouplent, et les œufs sont expulsés. Les
mâles sortent de l’hôte à l’âge adulte, en perçant la membrane intersegmen-
taire. Ils ne le tuent pas, mais le rendent stérile.
d’autres individus. Ceci non pour rencontrer d’autres partenaires, mais bien
pour favoriser les accouplements des parasites, les mâles émergeant de leurs
hôtes et s’accouplant avec les femelles qui restent dans les autres hôtes. Donc
c’est le parasite qui influence le comportement de son hôte afin de favoriser sa
reproduction. On peut parler de manipulation !
Les termites sont des insectes sociaux qui n’appartiennent pas à l’ordre des
hyménoptères comme les fourmis, les guêpes et les abeilles, mais à celui des
isoptères. On parle parfois de « fourmis blanches ». En effet, la majorité des
individus formant une société sont peu colorés.
Les méloïdés forment une famille bien particulière. En effet, si vous sai-
sissez un individu, il se répand sur vous ; en d’autres termes, il exsude par
ses articulations un liquide jaunâtre à l’odeur assez désagréable qui contient
une substance intéressante : la cantharidine. Cette substance assez dangereuse
lorsqu’elle est ingérée, est aussi un aphrodisiaque connu depuis fort long-
temps puisque les Romains en consommaient sous forme de poudre ! L’espèce
248 Mille milliards de pattes
utilisée pour produire cette poudre s’appelle Lytta vesicatoria, plus connue
sous le nom de « mouche d’Espagne ». Il s’agit d’un coléoptère vert métallique.
Les adultes du Stenoria analis (méloïdés) apparaissent à la fin de l’été en
zone méditerranéenne, un peu avant ceux des abeilles solitaires du genre
Colletes. Les coléoptères adultes sont phytophages. Après l’accouplement, la
femelle pond ses œufs en une sorte de plaque de 1 cm de long sur 0,5 cm de
large à la surface inférieure des feuilles de chêne. Après une dizaine de jours,
les larves apparaissent. On les appelle « triongulins » car leurs griffes sont en
forme de trident. Elles se déplacent alors à la surface de la feuille en émet-
tant un fil de soie qui formera un réseau dense. Quelques jours après, toute la
masse agitée des larves s’étire en une sorte de goutte qui descend lentement
vers le sol. Arrivées là, les larves se séparent et chacune gagne au plus vite
une plante herbacée et grimpe jusque vers l’inflorescence. Or c’est à la même
époque que les abeilles solitaires s’activent et se mettent à butiner. Il ne reste
plus au triongulin qu’à se fixer solidement sur les poils de l’abeille pour se faire
transporter !
Il faut évidemment que le triongulin fasse preuve de patience, car l’abeille
ne construit pas tout de suite son nid. Lorsque cela arrive, il quitte son trans-
porteur et se laisse enfermer dans la cellule contenant du miel pour l’élevage
de la progéniture de l’abeille. Pour commencer, le triongulin tue l’œuf de son
hôte. Au bout de quelques jours de ce régime, il se transforme en larve dite
secondaire, au corps mou et épais qui flotte sur le miel dont il se nourrit.
Lorsque, après quelques mues, il devient obèse, il cesse de s’alimenter. Tout
ce processus prend plusieurs mois puisque c’est fin avril que se déroulent une
série de changements qui conduisent finalement à l’émergence de l’adulte au
mois de juillet. Creusant à travers les cellules, il peut gagner l’air libre et s’en-
voler. Le cycle est ainsi bouclé après une année de vie pour le moins originale.
Il convient de noter que tout ne se passe pas toujours aussi bien : de nom-
breux triongulins se fixent sur des mauvais butineurs comme des diptères ou
d’autres coléoptères et cette erreur leur est toujours fatale.
Vers lumineux
campa luminosa. Les locaux parlent de glowworm que l’on pourrait traduire
par ver lumineux. Mais le nom latin apporte quelques explications : arachno
signifie comme une araignée et luminosa indique la lumière. La grande parti-
cularité de cette espèce est de se tenir au plafond d’une grotte à l’état larvaire.
Cette larve vermiforme produit des fils verticaux qui sont enduits de mucus.
Si la larve est lumineuse, les fils le sont aussi. Pour la larve c’est l’extrémité de
l’abdomen qui contient l’organe lumineux. Il semble que la larve soit capable
de contrôler l’émission de lumière. Ainsi si les touristes sont trop bruyants,
elle stoppe son émission. En revanche quand elle a faim, la lumière est plus
intense.
pour terminer une obscurité totale sinon les proies ne sont pas attirées par la
lumière. Si ce phénomène est assez unique, sachez qu’il existe au moins une
douzaine d’espèces lumineuses distribuées à travers le monde sur les 3000 que
comporte cette famille.
Zygènes
Que vous soyez en montagne ou même en plaine, cela vaut toujours la peine
d’aller se promener et d’ouvrir l’œil, votre regard sera surpris par un drôle de
papillons de taille moyenne (de 3 à 4 cm d’envergure) avec des ailes étroites
de couleur bleu noirâtre métallique et des taches colorées rouges, jaunes ou
blanches. Son corps poilu est noir avec une bande colorée sur l’abdomen. Il
s’agit d’un représentant de la famille des zygènes. Ces papillons appartiennent
au groupe des hétérocères (principalement des papillons de nuit), caractérisés
par leurs antennes nettement plus allongées que celles des papillons de jour,
ou rhopalocères.
Les chenilles et les adultes de cette famille ont des couleurs dites aposéma-
tiques. En gros cela signifie : « Attention, je suis toxique ! ». En effet, le sang des
zygènes contient de l’acide cyanhyorlique, redoutable poison pour de nom-
breux prédateurs. Ils absorbent principalement cette substance en consom-
mant du lotier, plante riche en cette substance toxique. Aussi ces papillons
sont-ils assez placides, car ils ne craignent presque rien. Ayant une activité
diurne, ils semblent particulièrement affectionner les fleurs de chardons et de
scabieuses, où il n’est pas rare d’en trouver plusieurs butinant simultanément.
Ils se laissent approcher facilement avec un filet à papillons. Dès qu’ils se sen-
tent pris, loin de se débattre, ils sont complètement inertes et font le mort.
Certaines espèces, comme la Zygaena ephialtes, sont très polymorphes
et présentent des variations des couleurs de leurs taches. Le Musée cantonal
de zoologie possède une collection tout à fait inédite de ces espèces, étudiées
il y a de nombreuses années par le professeur Paul Bovey. Au cours de ses
252 Mille milliards de pattes