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Colle 

: l’invention.

« Voilà, mon cher, ce que vous m'auriez dit si vous aviez un peu de lettres et d'esprit. Mais
d'esprit, vous n'en eûtes jamais un atome et de lettres, vous n'en avez que les trois qui
forment sot. Eussiez-vous d'ailleurs eu l'invention pour pouvoir me servir devant la galerie,
pareils assortiments d'amer moqueries, que vous n'eussiez articulé le quart de la moitié du
commencement d'un. », cette réplique est énoncée par Cyrano de Bergerac, dans l’œuvre
éponyme de Edmond Rostand.

Dans ce cas précis, l’invention est la faculté de construire dans l’imaginaire, c’est donc la
capacité de créer des images mentales, qu’une personne possède ou non, comme c’est ici le
cas. Il y a donc ici quelque chose qui est du côté de l’idée et de la fiction. Dans ce même
domaine des idées, l’invention peut également désigner l’action même d’imaginer quelque
chose. On est donc bien du côté des idées également, néanmoins, on est ici du côté de l’action
et non plus de la capacité. Par extension, l’invention se rapporte également à ce qui est
imaginé, on est ici du côté de la fable ou du mensonge. Dans ces trois cas, on est du côté des
idées, et non d’une réalité matérielle. L’invention est donc ici antonyme de réalité, ou même
de vérité. Néanmoins, l’invention désigne également l’action d’inventer ou l’objet inventé,
c’est-à-dire qu’il y a une dimension matérielle de l’invention. Puisqu’inventer c’est le processus
qui part d’une idée et que finit par la matérialiser en un objet, lui aussi désigné comme
invention ou comme découverte. De plus, étymologiquement invention, vient du mot latin
inventio, qui se rapporte à l’action de trouver. On est donc non plus du côté de idées mais bien
du côté du réel.

D’un côté l’invention désigne l’action d’inventer ou l’objet qui en résulte, l’invention est donc
du côté du concret et du réel. Mais, paradoxalement, l’invention désigne aussi l’action
d’imaginer et ce qui en résulte, c’est donc un antonyme de réalité, on est donc ici du côté de
ce qui est abstrait ou idéal.

Dans un premier temps nous montrerons que l’invention désigne l’action d’inventer, et qu’elle
est donc du côté du concret et du réel. Pour ensuite montrer que paradoxalement, l’invention
désigne aussi l’action d’imaginer, c’est donc un antonyme de réalité, qui est donc ici du côté de
ce qui est abstrait ou idéal. En fin, nous analyserons en quoi l’article définit « la », présent
devant « invention », présuppose qu’il y a une unicité dans l’invention. L’invention concrète ou
abstraite serait donc soumise à une unicité pour pouvoir être considérée comme une
invention.

I. L’invention désigne l’action d’inventer, et qu’elle est donc du côté du concret et du


réel.

A) L’invention, étymologiquement, c’est l’action de trouver.

Étymologiquement, l’invention, vient du mot latin inventio et désigne l’action de trouver.


C’est-à-dire que l’invention est ce qui désigne le fait de mettre au jour l’existence de quelque
chose de préexistant. L’invention survient donc après la création de l’objet. L’objet existe puis
il est trouvé. L’invention précède donc l’existence de l’objet. L’invention est donc en lien direct
avec l’existence matérielle, puisqu’elle ne peut se produire que si l’objet à une réalité
antérieure à la découverte. L’invention n’est donc que la trouvaille de quelque chose de
concret et de réel.

C’est dans ce sens là que l’on parle d’une invention de reliques (ou inventio reliquarum en
latin), pour parler d’un récit portant sur la découverte, souvent miraculeuse, de reliques de
saints. Ce type de récits raconte comment on trouve des ossements de saints ou des objets
ayant été en contact avec ce saint. C’est une étape essentielle pour valider l’authenticité de
cette relique. En effet, il faut qu’il y ait une invention de relique pour s’assurer qu’elle n’ait pas
été créée de toutes pièces. Il faut donc bien parler d’une invention de reliques dans le sens
étymologique du mot, c’est-à-dire dans le sens où ces reliques sont trouvées. De ce fait, les
reliques existaient avant même d’être trouvées. Donc, l’invention, en tant qu’action de
trouver, à quelque chose de concret et de réel, en cela qu’elle précède l’existence matérielle.

B) L’invention c’est ce qui est inventé, objet matériel, existence réelle.

Si l’invention à une relation avec l’existence matérielle de l’objet, c’est aussi parce qu’elle
désigne un objet inventé, c’est-à-dire la conclusion matérielle du processus inventif.
L’invention est donc un objet qui a une existence matérielle, c’est donc un objet qui a une
existence dans le temps. L’invention est la fin du processus d’invention, il a une temporalité
qui lui est propre, puisqu’il a une existence matérielle, et donc une existence dans le temps.

Arendt dans le Chapitre IV, intitulé « L’œuvre » de son livre la Condition de l’homme moderne,
expose que l’œuvre, c’est-à-dire le produit de l’art ou de la technique possède une temporalité
propre du fait qu’elle à ce qu’Arendt nomme une permanence dans-le-monde. Cette
permanence dans-le-monde de l’œuvre, lui permet de sortir du processus biologique de la vie
et donc d’avoir une temporalité qui lui est propre. Arendt oppose l’œuvre au travail, en disant
que l’œuvre à contrairement au travail un double fin. C’est-à-dire qu’elle est la fin, dans le sens
du but, du travail de l’artisan, et qu’elle est la fin, dans le sens où l’œuvre ne requiert pas de
répéter le processus qui a permis d’aboutir à sa création. Ce qui n’est pas le cas du travail qui
lui doit se répéter sans fin. Une œuvre a donc une permanence dans-le-monde et une
temporalité particulière. L’invention est donc du côté de l’existence matérielle, elle est du côté
de ce qui est inventé, de ce qui atteint une fin dans son processus de fabrication et de ce qui
est une fin en soi, puisque le processus d’invention à pour but l’invention. L’invention est donc
du côté du réel en cela qu’elle a une existence dans le temps.

C) L’invention c’est l’action d’inventer, processus qui rend réel.

Néanmoins, l’invention en tant qu’existence réelle, est possible par le développement du


processus aussi nommé l’invention. L’invention c’est donc le processus qui mène vers la
création matérielle. L’invention à un lien étroit avec l’existence matérielle en ce sens qu’elle
est le processus par lequel on invente cette matérialité. C’est grâce à l’invention, dans le sens
d’action d’inventer, qu’on peut aboutir à une invention, dans le sens de ce qui est inventé. Il y
a donc une démarche active dans l’invention pour atteindre une fin qui est l’objet inventé.

Ainsi, l’invention est un processus nécessaire à la survie, et donc en relation avec le réel et le
matériel. C’est ce qu’est exposé dans le mythe de Prométhée exposé par Platon dans le
Protagoras. Dans ce livre est exposé le mythe de Prométhée, un titan qui décide de voler la
connaissance des arts avec le feu à Athéna et Héphaïstos, en voyant l’homme démuni de
facultés pour survivre. Ainsi, par se don aux hommes, Prométhée leur permet d’inventer ce qui
est essentiel à leur survie. Platon expose donc que l’homme « eut bientôt fait, grâce à la
science qu’il avait d’articuler sa voix et de former les noms des choses, d’inventer les maisons,
les habits, les chaussures, les lits ». Ici l’invention est présentée comme nécessaire à la survie,
cette capacité d’inventer permet la survie de l’homme. C’est donc parce que Prométhée donne
les connaissances et le feu à l’homme, que ce dernier peut inventer et donc survivre.
L’invention est donc un processus qui est étroitement lié avec le réel parce qu’il permet la
survie de l’homme.

Nous venons de voir que d’un côté l’invention désigne l’action d’inventer ou l’objet qui en
résulte, l’invention est donc du côté du concret et du réel. À présent nous verrons que
paradoxalement, l’invention désigne aussi l’action d’imaginer et ce qui en résulte, c’est donc
un antonyme de réalité, elle est donc ici du côté de ce qui est abstrait ou idéal.

II. Paradoxalement, l’invention c’est du côté de l’imagination, un antonyme


d’imitation ou de réalité.

A) L’invention c’est l’action d’imaginer, c’est du côté de l’idée.

De ce fait, l’invention désigne l’action d’imaginer, elle est donc du côté de l’idée. L’invention
c’est donc le processus mental qui permet de crée une image qui n’existe pas dans la réalité.
L’invention n’est donc pas du côté du réel et du concret, mais bien du côté de l’abstrait et de
l’idéal. L’invention c’est donc un processus mental, qui n’a pas de relation avec le réel. L’action
d’imaginer étant un processus mental, c’est un processus qui relève de l’idée et non pas du
réel ou du concret.

Dans la troisième méditation métaphysique, Descartes, conclu que la seule chose indubitable
c’est qu’il pense. Ainsi, il rejette l’imagination et les sens qu’il considère comme douteux.
« Quoique les choses que je sens et que j’imagine ne soient peut-être rien du tout hors de moi
et en elles-mêmes ». Ainsi, l’imagination n’est pas en lien avec la réalité en cela qu’elle est
peut imaginer des objets ou des êtres qui n’existent pas. Descartes donne ainsi l’exemple des
sirènes et des satyres, dans la première méditation, pour exposer le fait que l’imagination est
capable de créer des êtres qui n’existent pas dans la réalité. Ainsi, si l’imagination peut nous
tromper, elle n’est pas indubitable et doit donc être rejetée. L’invention, en tant qu’action
d’imaginer, n’est donc pas en lien avec le réel, dans le sens où les êtres imaginés n’ont pas
nécessairement une existence réelle.

B) L’invention c’est la faculté ou le don d’imaginer, c’est du côté de la capacité de faire du


faux.

De plus, l’invention, est aussi du côté de l’idée, en se sens qu’elle désigne aussi la faculté ou le
don à faire du faux. Ainsi, l’invention n’est pas du côté du réel mais bien de l’idée en cela
qu’elle renvoie à la faculté d’imaginer et donc à l’idée. L’invention est donc la capacité à
imaginer. C’est une faculté propre à l’homme qui permet d’inventer et d’imaginer des
éléments, mais, non dans le réel, mais bien dans le domaine de la pensée et de l’idée. Alors
que précédemment l’invention c’était de l’ordre du faire, ici l’invention appartient à l’ordre de
la puissance, de la capacité.

Ainsi, les artistes ont une faculté que n’ont pas tous les hommes. Ils sont pour Platon dans
l’Ion, des interprètes des Dieux. Pour créer, ils ne doivent pas avoir d’esprit pour qu’un Dieu
puisse l’habiter et lui permette donc de créer. Ce n’est que parce que l’artiste à la faculté
d’être un intermédiaire des Dieux qu’il devient inventeur. L’artiste ne crée rien, il n’est que
celui qui à la capacité d’être habité par un Dieu et ainsi de devenir un interprète des Dieux.
L’invention est donc une faculté de certains hommes qui peuvent laisser échapper leur esprit
pour laisser la place à un Dieu. L’invention est donc la capacité de l’artiste à être un
intermédiaire des Dieux. Elle n’est donc qu’une capacité qui se trouve du côté de l’esprit et
donc des idées.

C) L’invention c’est ce qui est imaginé, c’est du côté de la fable, du mensonge, c’est un
antonyme de réalité.

L’invention est d’autant plus éloignée de la réalité, qu’elle désigne ce qui est imaginé, c’est-à-
dire ce qui est de l’ordre du mensonge ou de la fable. L’invention est donc dans ce cas un
antonyme de réalité. Ainsi, l’invention c’est le produit de l’imagination, c’est donc ce qui est
faux, ce qui est de l’ordre du mensonge. L’invention est donc du côté du faux et de l’opinion.

Ainsi, Platon dans le Livre X de la République, expose que l’artiste c’est celui qui est du côté de
l’opinion et donc du mensonge. Pour le démontrer, Platon prend l’exemple de trois lits, un
créé par Dieu, un autre par l’artisan et le dernier par l’artiste. Pour Platon le seul lit véritable
c’est le lit de Dieu, parce qu’il est du côté de l’intelligible. C’est le vrai lit, celui qui sert de
modèle à l’artisan pour fabriquer son lit. L’artisan lui n’est pas du côté de l’idée, mais il
construit les lits en copiant directement l’Eidos du lit, il ne fait donc que la copie de l’idée du
lit. Alors que l’artiste lui, est du côté de la copie « au troisième degré », il est donc encore plus
éloigné de la réalité de l’objet que ne l’est l’artisan. L’invention, du côté de l’artiste et d’autant
plus loin de la réalité qu’elle n’a pas la matérialité et le savoir qui accompagne le lit de l’artisan.
Ainsi, l’invention, en tant que produit, n’est pas du côté du réel, il est du côté de l’opinion, du
mensonge et donc du faux.

Nous venons donc de voir que l’invention désigne l’action d’imaginer et ce qui en résulte, c’est
donc un antonyme de réalité, elle est donc ici du côté de ce qui est abstrait ou idéal. À présent
nous analyserons en quoi l’article définit « la », présent devant « invention », présuppose qu’il
y a une unicité dans l’invention. L’invention concrète ou abstraite serait donc soumise à une
unicité pour pouvoir être considérée comme une invention.

III. Le « l’» présuppose une unicité de l’invention en tant qu’idée ou en tant qu’être.

A) L’invention c’est l’action d’imaginer ou d’inventer quelque chose de nouveau.


L’invention est en effet du côté de l’unicité en cela qu’elle fait signe vers l’action d’inventer ou
d’imaginer quelque chose de nouveau. C’est donc une recherche de nouveauté qui apparait
derrière l’invention. Que l’invention soit dans le domaine du réel ou de la fiction, elle est dans
les deux cas recherche de nouveauté. On ne peut parler d’invention que dans le cas où l’objet
inventé ou imaginé n’ait pas été inventé ou imaginé précédemment. L’invention est donc un
processus créatif qui a un caractère inédit.

Ainsi le concours Lépine vise à récompenser le caractère inédit de l’invention. Ce concours


français crée en 1901 cherche tous les ans à récompenser la meilleure invention. Il est donc ici
bien question d’une invention dans le sens de quelque chose inventé et ayant un caractère
inédit. On ne peut donc pas récompenser un objet technique qui ne serait pas inédit. Il faut en
effet que l’objet soit innovant. Ce concours est organisé par l’association des inventeurs et
fabricants français, ainsi, on entend bien par invention un objet inventé et inédit. L’invention
quelle soit de l’ordre de l’idée ou de l’objet technique, comme ici, est donc bien du côté de la
nouveauté et de l’inédit.

B) L’invention est un antonyme d’imitation, pour être dans l’invention il faut donc être du
côté de l’originel.

L’invention pour être invention doit ainsi être du côté de l’inédit, mais aussi du côté de
l’original. En effet, toute copie de quelque idée ou objet technique préexistent, n’est pas
considéré comme une invention mais comme une simple imitation ou copie. Ainsi, pour que
l’invention soit véritablement une invention il ne faut pas quelle soit une copie mais une
originale. L’invention désigne donc l’objet ou l’idée qui a été inventé en premier. L’invention
est donc du côté de l’originel.

C’est ainsi qu’en art, l’œuvre originelle, c’est-à-dire l’invention à beaucoup plus de valeur
qu’une œuvre qui ne serait qu’une simple copie ou imitation. Ainsi, le faussaire Han van
Meegeren, a pu sauver 200 œuvres originelles de tableaux de la main des Nazis. En effet, ce
faussaire, pendant l’occupation Allemande aux Pays-Bas, se vit proposer par Herman Göring
l’échange de 200 œuvres originelles en échange d’un tableau de Vermeer. Cet échange eu lieu,
néanmoins, le tableau de Vermeer n’était qu’une copie faite par Han van Meegeren. Ce
tableau n’était donc pas une œuvre originelle, ce n’était donc pas une invention, elle n’était
qu’une imitation. L’invention a donc un caractère unique dans le sens où elle n’est invention
que dans la mesure où elle est du côté de l’originel, et non de l’imitation.

C) L’invention est du côté de l’unicité et donc de Dieu.

L’invention doit donc être du côté de l’originel, mais aussi de l’unicité. Pour qu’on soit dans
l’invention il ne faut pas qu’il y ait plusieurs objets techniques ou idées similaires. L’invention
ne désigne que le premier élément inventé ou imaginé. La reproduction de l’invention n’est
plus une invention. L’invention est du côté de l’unicité. Pour qu’il y ait une invention, il faut
donc bien être du côté de l’unité.

Dans le livre X de la République, Platon expose que le réel est du côté des idées et de l’unicité.
En effet, En donnant l’exemple du lit, que nous avons convoqué précédemment, Platon
montre que l’idée réelle du lit est celle crée par Dieu parce qu’elle est intelligible et qu’elle est
du côté de l’unicité. Il dit ainsi que Dieu ne crée qu’un lit, parce que s’il en créé deux il y aurait
un troisième lit qui ne serait lui du côté du réel et non ceux inventé par Dieu. En effet, pour
qu’une idée soit réelle elle ne peut être que du côté de l’unicité, autrement on pourrait
toujours trouver une idée qui permettrait de montrer que les différentes idées que nous
prenons pour réelles sont en réalités des copies de cette troisième idée. Pour être dans
l’essence il faut donc être dans l’unicité, sinon on est dans une simple copie d’une idée qui elle
est du côté de l’unicité. L’invention pour être invention doit ainsi être du côté de l’unicité,
sinon elle n’est qu’une copie d’une véritable invention.

Conclusion :

Nous pouvons donc conclure que l’invention désigne l’action d’inventer, et qu’elle est donc du
côté du concret et du réel. Mais que paradoxalement, l’invention désigne aussi l’action
d’imaginer, c’est donc un antonyme de réalité, qui est donc ici du côté de ce qui est abstrait ou
idéal. Et que finalement l’article définit « la », présent devant « invention », présuppose qu’il y
a une unicité dans l’invention. L’invention concrète ou abstraite est en effet soumise à une
unicité et doit être du côté de l’inédit et de l’originel pour pouvoir être considérée comme une
invention.

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