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Figure 7 : PINCHON et CAUMERY, Bécassine fait des œufs à la coque, La Semaine de Suzette,
Paris, Gautier Languereau, 12 juillet 1906.
Bécassine apparaît dans les pages de l’hebdomadaire pour filles La Semaine de Suzette le 2
février 1905. La série rencontre un succès notoire jusqu’en 1950 bien qu’elle change régulièrement
d’auteur. Les aventures de la jeune Bretonne sont aussi considérées comme une 34 inspiration du
dessin de la ligne claire, dont Hergé ou Edgar. P. Jacobs sont reconnus. L’œuvre est intéressante
dans la mesure où elle est un carrefour entre le style d’hypercadre de l’imagerie populaire de la
maison Pellerin et les enchaînements inclusifs de Rodolphe Töpffer. Nous analyserons ce travail
à travers une planche de 1906 (Figure 7). Les six cases présentent cette mixité des formats, un
espace intericonique large mais une frontière faussement absente graphiquement. Un hypercadre
clôt l’intégralité de la séquence, l’absence de cadre pour les cases n’est cependant qu’esthétique :
on retrouve le texte placé sous le dessin et justifié aux abords de l’action, le dessin est organisé de
manière à former un espace de discours clos par lui-même. La présence d’un discours direct montre
bien comment l’image et le texte se combinent et coexistent. Le texte fait partie du dessin, il le
contourne, comme le feront plus tard les phylactères. De la même manière que chez Töpffer,
certains gags transparaissent de par cette coexistence, à l’instar de la case 3 présentant le
charbonnier à qui Bécassine offre à boire, la description de l’événement étant « le charbonnier
avec qui l’on fait un brin de causette ». Enfin, la présence d’une chute, non plus morale mais
volontairement humoristique, démontrant la stupidité de l’héroïne qui a effectivement compté
jusqu’à 300, n’est pas sans rappeler nos imageries populaires. Bécassine est bien l’héritière de
cette double influence qu’ont pu avoir Töpffer et l’imagerie populaire. La bande dessinée apparaît
ici comme un carrefour culturel, ici entre deux secteurs du discours par l’image mais elle constitue
également un événement sociohistorique que le salariat des jeunes Bretonnes ou Picardes à Paris
(l’origine de Bécassine est le lieu d’un débat régional). On pourrait s’intéresser, enfin, au trait de
Pinchon ; il est reconnu comme un des premiers dessinateurs de la ligne claire franco-belge, ce
travail graphique qui recherche en premier lieu la lisibilité optimale, déjà chère à Töpffer. Ici
remarquable par une absence presqu’absolue du décor et des personnages résumés à leurs traits
essentiels.

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