: France-
Brésil
PUBLIÉ LE 12 JUILLET 2020 - RICHARD COUDRAIS
C’est le match le plus important de l’histoire de l’équipe de France. Il s’agit de la finale de
Coupe du monde, disputée à domicile face au tenant du titre et grand favori. Mais c’est surtout
un match qui a changé la perception du foot dans la société française.
Le contexte
La France est en finale de la Coupe du monde. On a beau se le répéter depuis quatre jours, on se pince
quand même pour s’en convaincre. Le pari fou d’Aimé Jacquet semble sur le point de prendre forme.
Pourtant tout n’a pas été facile depuis le début de cette édition 1998. Le premier tour a donné
satisfaction sur le plan comptable (trois matchs, trois victoires), mais pas sur le jeu. D’autant que
l’équipe n’a pas été épargnée par les pépins : blessure de Stéphane Guivarc’h contre l’Afrique du Sud,
blessure de Christophe Dugarry contre l’Arabie Saoudite puis expulsion de Zinédine Zidane face aux
même Saoudiens...
A partir des huitièmes de finale, les rencontres s’enchaînent dans la douleur : victoire au but en or
contre le Paraguay, qualification aux tirs au but face à l’Italie, victoire arrachée par un double buteur
miraculeux devant la Croatie… Un parcours jonché de souffrances mais méritoire qui a contribué à
rassembler le public français autour de son équipe, et effacer le climat de défiance qui empoisonnait
quelque peu le début de compétition.
L’équipe de France est donc en finale de sa Coupe du monde, mais ce n’est pas une fin en soi. Il lui
reste à battre, au Stade de France le dimanche 12 juillet, l’équipe du Brésil, tenante du titre et peu
disposée à le céder. Celle-ci reste la favorite aux yeux du monde entier. Y a-t-il eu d’ailleurs dans
l’histoire de la Coupe du monde un match de l’équipe du Brésil où elle n’était pas favorite ?
La formation dirigée par Mario Zagallo et son adjoint Zico a réalisé un tournoi remarquable. Elle
dispose d’une poignée de joueurs à la technicité exceptionnelle et surtout d’un phénoménal avant-
centre : Ronaldo Luis Nazário de Lima, 22 ans, Ballon d’Or 1997, prototype du footballeur moderne
alliant virtuosité technique et puissance physique. Malgré une douleur persistante à un genou, l’avant-
centre brésilien a marqué quatre buts depuis le début de la phase finale et la FIFA l’a désigné meilleur
joueur du tournoi.
Jacquet doit composer son équipe en tenant compte d’une absence de taille, celle de Laurent Blanc
suspendu après un stupide carton rouge récolté en demi-finale contre la Croatie. Le défenseur central
français est remplacé poste pour poste par Frank Lebœuf, qui n’a joué que le match des coiffeurs
contre le Danemark et les dernières minutes de la demi-finale.
Le sélectionneur français reste fidèle au dispositif qu’il met en place depuis le quart de finale contre
l’italie, un robuste 4-3-2-1 avec sept joueurs à vocation défensive. Du côté brésilien, une première
feuille de match a été diffusée où le nom de Ronaldo était absent. Mais Il Fenomeno sera bien présent
au coup d’envoi.
Le match
Le stade de France affiche complet, comme si toute la France s’y était donné rendez-vous. Même les
personnalités people habituellement réfractaires aux choses du ballon rond se sont invitées dans les
loges car toutes ont compris la portée historique de cette rencontre : c’est ici dans ce stade qu’il faut
être vu ce 12 juillet 1998. Le coup d’envoi est donné par l’arbitre Saïd Belqola, un marocain. C’est la
première fois qu’un arbitre africain dirige la finale de la Coupe du Monde. Ses assistants sont anglais
et sud-africains.
Très vite, l’équipe de France se trouve en situation de marquer. Guivarc’h est lancé par Youri
Djorkaeff sur un long ballon qui arrive dans la surface de Claudio Taffarel. Junior Baiano empêche le
Breton de pivoter mais celui-ci tente un retourné qui passe au dessus de la cage (1’). Le début de
match s’équilibre ensuite entre deux équipes qui cherchent à progresser en jouant au sol à base de
passes courtes. Mais peu à peu les Français vont prendre l’ascendant sur leurs adversaires.
Physiquement, techniquement et tactiquement.
L’équipe de France occupe souvent le camp brésilien. Rarement elle a démontré une telle maîtrise
collective, ce sentiment d’être une et indivisible. Elle repose certes sur une base défensive solide, mais
démontre de réelles capacités d’animation sur le plan offensif. Elle obtient un coup-franc excentré que
frappe Zidane. Dans la surface, Djorkaeff et Guivarc’h se jettent sur la ballon. Le premier nommé
reprend de la tête mais envoie au-dessus (6’).
Zidane vient d’inscrire le premier but de la finale. Il saute par-dessus les panneaux de publicité et
envoie un poing rageur vers le public. Lorsqu’il revient vers le terrain, il y a ce curieux geste de
Desailly qui semble le provoquer, puis le coup de poitrine viril de Lebœuf. Zidane n’oublie pas d’aller
congratuler Petit, l’homme du corner.
Pour le Brésil, le coup est rude. Il s’agit maintenant de lancer des attaques et de faire plier cette
forteresse bleue avant la mi-temps. Le capitaine Dunga donne l’exemple et envoie un long ballon loin
devant dans la course de Ronaldo (31’). Celui-ci entre au sprint dans la surface de réparation mais n’a
pas vu arriver Barthez. Les deux hommes se percutent violemment sans que l’on puisse déterminer si
l’un des deux a commis une faute. Le gardien français se relève assez vite, l’attaquant brésilien met
plus de temps. L’arbitre n’a rien sifflé.
Djorkaeff se prend pour Maradona
Les contacts deviennent un peu plus rudes. Au milieu de terrain, Djorkaeff est fauché par Junior
Baiano, qui prend le premier carton jaune de la soirée (34’). Peu après, le même Djorkaeff tente un
exploit à la Maradona en partant du milieu de terrain et en slalomant parmi les Brésiliens sur le côté
droit. Mais il échoue à l’entrée des seize mètres, en bout de course, sa frappe manquant de puissance
pour inquiéter Taffarel (36’).
Rivaldo fait étalage de sa technique à Karembeu et Deschamps près de la ligne de touche. Le capitaine
français emploie la méthode forte et fait chuter le Brésilien qui roule au sol. Deschamps écope à son
tour d’un avertissement (38’). Peu de temps après, le capitaine français est percuté par son vis-à-vis
Dunga et reste longtemps au sol. Les soigneurs accourent et parviennent à le relever (39’). Le
capitaine brésilien envoie ses excuses mais Deschamps fait savoir d’un hochement de tête réprobateur
qu’il apprécie modérément. Il reprend la partie après avoir ingurgité une dose d’Arnica.
L’équipe du Brésil poursuit ses efforts. Les rares ballons qu’elle parvient à maîtriser se transforment
en attaque mais celles-ci manquent toujours un peu de coordination, de détermination ou de choix
pertinent. Sur un centre de Leonardo, Bebeto reprend de la tête, mais trop mollement pour inquiéter
Barthez (40’).
Petit se charge une nouvelle fois de ce coup de pied de coin. La ballon parvient à Guivarc’h qui, un
peu excentré, est contré par Aldaïr lequel concède un nouveau corner. Celui-ci est tiré par Djorkaeff
alors que l’on vient de dépasser la quarante-cinquième minute. Zidane retente le même coup.
Positionné aux abords de la surface, il est à nouveau oublié par la défense brésilienne. Il s’avance au
premier poteau pour reprendre le tir de Djorkaeff. Le capitaine Dunga cherche à s’interposer mais
s’écroule sous le poids du Français qui reprend de la tête. Le ballon passe entre les jambes de Roberto
Carlos puis s’en va claquer dans les filets.
C’est le deuxième but de Zidane, quasiment le même que le premier. Le numéro 10 français prend son
maillot à pleines mains et l’embrasse symboliquement avant de rejoindre Djorkaeff qui l’attend à
genoux les poings serrés. L’image fera la une de L’Equipe le lendemain. Puis avant de se replacer, il
s’approche du banc de touche pour donner l’accolade à Dugarry.
Roberto Carlos et sa course d’élan gênée par Djorkaeff
La France mène 2-0 mais la première période n’est pas terminée. Saïd Belqola accorde un coup-franc
aux Brésiliens à une quarantaine de mètres des buts gardés par Barthez. C’est Roberto Carlos qui
s’apprête à le tirer, et l’on ne peut s’empêcher de se souvenir de ce but phénoménal qu’il avait inscrit
un an plus tôt à Gerland, lors du France-Brésil amical du Tournoi de France. Mais cette fois, la frappe
est plus rectiligne et sa trajectoire est déviée en corner par la tête de Deschamps (45’+3). Le Brésilien
semble avoir été déconcentré par Djorkaeff qui est ostensiblement resté à ses côtés quand il a pris son
élan. Le Français reproduira ce positionnement quand l’occasion se présentera, imitant une trouvaille
des Danois lors du quart de finale à Nantes.
On en reste donc à 2-0 lorsque Saïd Belqola siffle la mi-temps. Il n’y a eu précédemment qu’une seule
finale de la Coupe du Monde où une équipe avait fait une telle différence avant la mi-temps, et c’était
lors de la première Coupe du monde française, en 1938, quand l’Italie menait 3-1 contre la Hongrie à
la pause. Toutes les autres premières mi-temps se sont soldées par un score plus serré.
Le Brésil poursuit sa domination brouillonne et improductive. Les Français, dès qu’ils récupèrent le
ballon, assurent de longues passes pour en priver les Brésiliens. Il reste encore une dizaine de minutes
à tenir. Lebœuf tacle Denilson puis donne le ballon droit devant à Dugarry. Celui-ci relaie avec Zidane
qui le lance plein champ, la défense brésilienne étant à nouveau prise à défaut. “J’ai marqué le
premier but, je marquerais le dernier” avait clamé Dugarry qui se retrouve seul devant Taffarel…
mais frappe à côté (83’). L’attaquant français se met alors à boiter, comme pour donner une excuse à
sa maladresse.
Près du banc de touche français, les remplaçants et les membres du staff sont tous debout. Ils
trépignent, ils encouragent, ils se congratulent, certains sont sur le point de pleurer. Tout là-haut, la
tribune présidentielle est dans un état d’excitation comparable, entre Michel Platini qui serre les
poings en signe de victoire et Jacques Chirac qui sent bien de quelque chose va se passer. On joue la
dernière minute réglementaire. Une frayeur parcoure à nouveau l’échine des français. Une action
brésilienne décale Denilson sur la gauche qui frappe à bout portant. Le ballon tape le haut de la
transversale avant de sortir (90’).
Le but de Petit entérine pour de bon la victoire (3-0) des Tricolores. Un but d’autant plus symbolique
qu’il s’agit du millième de l’histoire de l’équipe de France. Les Brésiliens engagent mais l’arbitre
siffle aussitôt la fin du match.
L’équipe de France est championne du monde. “Vous le croyez ça ?” hurle Thierry Roland d’une voix
légèrement cassée : “Je crois qu’après avoir vu ça, on peut mourir tranquille. Enfin, le plus tard
possible…” Et tandis que les joueurs se congratulent, le commentateur vedette ne se contient plus :
“Quel pied ! Quel pied ! Oh p…”. La télévision s’attarde sur Aimé Jacquet qui s’en va faire l’accolade
à Mario Zagallo, un image qui donne la pleine mesure de l’événement qui se produit sous nos yeux.
La séquence souvenir
Lors d’une finale, le match se prolonge avec la célébration du titre. Après les scènes de joie et de
tristesse, le capitaine de l’équipe gagnante se voit remettre le trophée par la personnalité qui préside la
soirée, souvent un homme politique en vue. Didier Deschamps s’apprête donc à soulever le célèbre
trophée que lui remettra Jacques Chirac, et voir son image succéder aux clichés historiques de
Maradona, Beckenbauer, Zoff, Matthäus, Passarella et son vis-à-vis Dunga.
C’est en grimpant marche après marche vers la tribune présidentielle que les joueurs français vont
aller chercher le trophée. Mais avant eux, ce sont les Brésiliens qui vont chercher leurs médailles.
Mais quel esprit pervers a pu imaginer ce protocole obscène qui force les malheureux à passer devant
le trophée convoité et à serrer plusieurs mains en affichant leur pire visage, celui de la défaite ? Et
alors qu’ils n’ont qu’une envie, celle de rentrer aux vestiaires, on les force ensuite à rester sur les lieux
pour assister au triomphe de leurs vainqueurs avec injonction d’applaudir...
Pendant que les Brésiliens défilent tristement dans la tribune présidentielle, on voit Michel Platini
s’adresser à Deschamps avec un geste des mains pour dire à peu près ceci : “Prends ton temps. Profite
de ce moment avec tes coéquipiers, ces instants de bonheur absolu qui n’appartiennent qu’à vous.
Lorsque le trophée vous sera remis, cette victoire ne vous appartiendra plus. Elle sera celle de vos
supporters, de votre pays. Alors prends ton temps, Didier, prends ton temps et savoure”.
Alors Deschamps prend son temps. Il précède ses coéquipiers dans la longue montée des marches
entouré par la foule. Les Bleus tapent quelques mains anonymes qui se tendent et profitent du bain de
foule. Arrivé dans la tribune, le capitaine français commence la ronde des hommages. Il reçoit
l’accolade de Marie-George Buffet, ministre des Sports, la bise de Claude Simonet, président de la
FFF, la poignée de main de Lionel Jospin, premier ministre, la congratulation de Michel Platini, le
grand frère, puis celle de Jacques Chirac, le président de la République, qui semble avoir un paquet de
choses à lui dire.
Pendant que le président tient la grappe au capitaine, on observe chez les joueurs français un curieux
manège où Laurent Blanc, le grand absent de cette finale, a doublé tout le monde pour se positionner
aux côtés de Deschamps. Les Bleus ont tenus à ce que leur vice-capitaine, bien que suspendu pour la
finale, soit aux premières loges (et sur la photo) au moment historique où les joueurs soulèveront le
trophée.
Pour Deschamps, il reste encore à saluer les sommités sportives. Joao Havelange, le président
(brésilien) de la FIFA, remet les médailles aidé comme il se doit par son adjoint Sepp Blatter. Un peu
plus à gauche, Juan Antonio Samaranch, président du CIO, applaudit avec le sourire. Tous les joueurs
prennent le même chemin, serrent les mêmes mains, embrassent les mêmes visages et reçoivent la
même médaille. Ils sont suivis par les membres du staff. Cela fait une bonne quarantaine d’hommes
qui s’entassent à qui mieux-mieux dans un petit espace en attendant le grand moment.
Il est temps, enfin, de remettre le trophée. Jacques Chirac s’empare de la Coupe. Au milieu de ses
coéquipiers, Didier Deschamps a peur de ne pas être vu. Alors il monte sur la bordure en béton drapée
de vert qui servait de table aux officiels. Il est imité par quelques coéquipiers. Le président lui remet le
trophée qu’il peut enfin brandir au ciel. Les appareils photo crépitent, l’instant est figé pour l’éternité.
La France est championne du monde. Le trophée passe ensuite de mains en mains alors que le stade
diffuse la musique de Star Wars.
Les joueurs descendent ensuite sur la pelouse pour quelques tours d’honneurs désordonnés, poseront
pour la photo historique non sans avoir enfilé par dessus le maillot un tee-shirt de leur équipementier.
Jusqu’à cette rencontre face au Brésil, le cas Zidane restait un point d’interrogation. Son talent ne
faisait aucun doute, mais le grand joueur n’était pas passé au stade de super-joueur. Après l’Euro 1996
qu’il avait disputé mal remis d’un accident de voiture, la Coupe du monde 1998 laissait planer un
doute sur sa capacité à se surpasser lors des grands rendez-vous. Pire, son exclusion dès le deuxième
match pour un mauvais geste laissait croire qu’il sombrait facilement sous la pression. Il avait forcé
l’équipe de France à se dispenser de ses talents durant deux rencontres puis était revenu en quarts de
finale aiguillant le jeu d’une équipe qui gagnait dans la douleur. Au matin de la finale, Zidane n’avait
toujours pas marqué le moindre but.
En club, son expérience des finales était on ne peut plus déficitaire : la Coupe de l’UEFA avec
Bordeaux, puis la Coupe des Champions, deux fois consécutivement avec la Juventus, s’étaient
soldées par autant de défaites. Pourtant, dès les premières minutes face au Brésil, on s’est mis à
comprendre que Zidane serait l’homme de cette finale. Il illumine le jeu de son équipe avec son sens
du dribble, combine admirablement avec son pote Lizarazu, l’autre ex-Bordelais.
Traditionnellement affecté au tir des corners, Zidane ne s’en est pas chargé en finale. Jacquet a préféré
qu’il soit à la réception des coups de pieds de coin, car il avait détecté un vice caché dans la
défense auriverde. C’est pourquoi Zidane a inscrit deux fois le même but, une reprise de la tête sur un
corner. L’intuition d’un entraîneur et le talent d’un joueur.
Zidane a finalement été à l’image de l’équipe de France durant cette Coupe du monde 1998 : souvent
très bon tout au long du tournoi, mais parfois inquiétant, voire irritant. Et puis soudain, en finale,
brillant, réalisant une performance telle qu’on en oublie tout ce qui a précédé. Aussitôt la finale
terminée, c’est son nom, ou du moins son surnom qui est clamé par la foule en liesse. En fin d’année,
il recevra le Ballon d’Or, censé récompenser le meilleur joueur de l’année. Il aurait dû en recevoir
d’autres durant la suite de sa carrière.
Jamais nous ne pourrons évaluer l’impact réel sur la performance des Brésiliens de l’événement qui a
secoué la délégation dans l’après-midi qui a précédé la finale. A l’heure de la sieste à Ozoir-la-
Ferrière, lieu de retraite de la seleçao, Ronaldo est victime de convulsions qui le contraignent à une
visite d’urgence à la clinique sportive des Lilas.
D’abord annoncé forfait, Ronaldo sera bien présent à la pointe de l’attaque auriverde, en débarquant
au Stade de France directement de la clinique. Contrairement aux rencontres précédentes, le Ballon
d’Or 1997 pèsera peu sur la défense adverse. Son attitude hagarde et quelques actions manquées
poseront des questions sur sa réelle concentration. Lebœuf, son garde du corps, prend le dessus sur lui.
Toutefois, en deux occasions, le numéro neuf brésilien met Barthez à contribution comme sur ce tir
excentré depuis l’aile gauche en première mi-temps ou cette frappe des six mètres en début de
deuxième que le gardien français bloque parfaitement. A la demi-heure de jeu, il avait provoqué une
grosse frayeur parmi ses coéquipiers lorsqu’il fut percuté en pleine course par le gardien français, un
choc dont il mit longtemps à se relever.
Ronaldo a pourtant été élu meilleur joueur du tournoi en dépit d’une douleur rotulienne qui l’a
empêché de livrer à fond. La FIFA élit toujours son meilleur joueur avant la finale, ce qui porte
rarement chance à l’intéressé. L’affaire du malaise et la finale ratée fera grand bruit au Brésil où une
commission parlementaire sommera Il Fenomeno de s’expliquer. Car au Brésil, une défaite de l’équipe
nationale devient vite une affaire d’état.
La fin de l’histoire
C’est une onde de choc qui a parcouru le pays tout entier. On peut sortir la phrase toute faite : plus rien
ne sera comme avant. L’équipe de France a changé de statut. D’outsider malheureux dans les années
1980, c’est elle qui termine le millénaire avec le titre de championne du monde en bandoulière. Mieux,
elle s’octroie le titre européen en 2000 et figure quelques mois encore comme la meilleure équipe de la
planète. Jusqu’au crash de la Coupe du monde 2002 où prise d’un excès de confiance, elle ne parvient
ni à franchir le premier tour, ni même à inscrire le moindre but.
Bien des pages ont été noircies pour évaluer l’impact de la finale de la Coupe du monde 1998 sur le
sport français, mais aussi sur la société toute entière. Rarement un match n’a été suivi par autant de
téléspectateurs devant leur poste ou sur les places publiques où des écrans géants avaient été installés.
Rarement un événement a fait sortir autant de foule dans les rues pour faire la fête.
Le pays a vécu une période d’euphorie à tel point que les courbes de popularité du président Jacques
Chirac et du premier ministre Lionel Jospin ont connu un pic surprenant. L’équipe de France black-
blanc-beur a servi de référence dans différents discours soulignant Zidane le Kabyle succédait à Platini
l’Italien et Kopa le Polonais.
Bref, durant quelques jours, c’est comme si tous les problèmes du pays avaient été réglés par deux
coups de tête inspirés et un troisième but libérateur. Le peuple de France, si condescendant jusqu’alors
vis-à-vis des manifestations populaires qui accompagnaient les victoires de ses adversaires, découvrait
ce qu’était gagner une Coupe du monde de football.