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CHRONIQUE « DIDACTIQUE ».

LA DIDACTIQUE DE L'ÉCRITURE ET LA
QUESTION DU SUJET

Marie-France Bishop

Armand Colin | « Le français aujourd'hui »

2006/4 n° 155 | pages 97 à 103


ISSN 0184-7732
ISBN 9782200921101
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2006-4-page-97.htm
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CHRONIQUE « DIDACTIQUE »

LA DIDACTIQUE DE L’ÉCRITURE
ET LA QUESTION DU SUJET
Par Marie-France BISHOP

• DUFAYS J.-L. & THYRION F. (2004), Réflexivité de l’écriture dans la formation des
enseignants, Actes du séminaire et des journées d’étude organisées par le CEDIL
(UCL) et THEODILE (Lille 3), en 2001-2002, Louvain-La-Neuve, Presses univer-
sitaires de Louvain.
• LAFONT-TERRANOVA J. & COLIN D. (2006), Didactique de l’écrit. La construc-
tion des savoirs et le sujet-écrivant, Actes de la journée d’étude du 13 mai 2005,
Namur, Presses universitaires de Namur.
• ROQUES M.-H. (coord.), (2006), Les Écritures du « je », Paris, Bertrand Lacoste.
• PLANE S. & FRANÇOIS F. (dir.) (2006), Repères, n° 33, « La fiction et son
écriture », Lyon, INRP.

La question du sujet et de sa place dans l’apprentissage de l’écriture est


au centre des recherches menées dans le cadre de la didactique de l’écri-
ture1, depuis son émergence, au cours des années 1980. Toutefois,
l’importance accordée au sujet scripteur varie selon les discours ; elle
rencontre notamment un courant influent de retour aux pratiques tradi-
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tionnelles dans l’apprentissage de la langue maternelle, avec pour corollaire
un enseignement normatif de l’écriture. L’objet de cette chronique n’est
pas de confronter des points de vue opposés, mais d’aborder quelques
aspects d’une didactique de l’écriture centrée sur le sujet, à travers la lecture
des quatre ouvrages collectifs publiés entre 2004 et 2006.
Ces quatre publications proposent des approches variées de l’écriture et
de son apprentissage. Leurs démarches sont proches dans l’esprit, mais
leurs domaines d’investigation diffèrent puisqu’ils vont de l’écriture auto-
biographique à l’écriture de fiction, de l’apprentissage scolaire, à l’écriture
dans la formation des enseignants. Ils partagent cependant une même
problématique : comment enseigner-apprendre à écrire2 en tenant compte
de la spécificité de cette activité qui ne peut se concevoir hors du sujet qui
l’accomplit, hors du contexte social dans lequel elle se déploie et hors des
contraintes de la langue dans laquelle elle se réalise3 ? À partir de cette ques-
tion centrale, les quatre ouvrages adoptent un cadre théorique commun,
sur lequel il est opportun de revenir.

1. Cette thématique fera d’ailleurs l’objet d’un prochain numéro du Français aujourd’hui.
2. En reprenant ici le titre de l’ouvrage d’Y. Reuter (1996), consacré à l’écriture : Enseigner
et apprendre à écrire, Paris, ESF.
3. La définition qu’en propose Y. Reuter, dans l’ouvrage précédemment cité est la suivante :
« L’écriture est une pratique sociale, historiquement construite, impliquant la mise en
œuvre généralement conflictuelle de savoirs, de représentations, de valeurs, d’investisse-
ments et d’opérations, par lesquelles un ou plusieurs sujets visent à (re)produire du sens,
linguistiquement structuré, à l’aide à l’aide d’un outil, sur un support conservant durable-
ment ou provisoirement de l’écrit, dans un espace socio-institutionnel donné. » (p. 58).
Le Français aujourd’hui n° 155, Lecture des textes fondateurs

Un enseignement de l’écriture centré sur le sujet-apprenant


La relation qui unit le sujet et l’écriture est spécifiquement posée dans
La Didactique de l’écrit, de J. Lafont-Terranova et D. Colin (2006). Dans
sa contribution, M.-C. Penloup présente et développe les caractéristiques
d’une didactique de l’écriture qui se centre sur le sujet. L’idée centrale est
que, dans l’acte d’apprendre, l’élève construit son savoir et en retour se
construit dans et par cette acquisition. Pour cette raison, il ne peut être
question de proposer des savoirs préconstruits qui resteraient extérieurs,
voire inutilisables car dénués de sens.
Comme dans tout apprentissage, trois types d’éléments sont déterminants
et constituent la configuration individuelle de chaque scripteur : le rapport
au savoir, les représentations sur l’objet d’apprentissage et les « capitaux » au
sens bourdieusien du terme, c’est-à-dire le capital culturel, le capital social et
le capital de confiance (M.-C. Penloup : 85-86). La référence à cette confi-
guration individuelle conduit nécessairement le didacticien à se poser la
question des modèles. S. Plane aborde ce problème en insistant sur la tension
propre à l’activité scripturale prise entre universalité et singularité, tension
qui rend délicate toute tentative de modélisation (p. 36-40). En effet,
si certaines constantes existent bien dans les procédures d’écriture, la
« singularité », c’est-à-dire ce qui relève de la configuration propre à chaque
scripteur, est considérée comme un élément moteur de la production d’écrit.
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Malgré les différentes tentatives de modélisation qui vont du modèle rhéto-
rique classique à ceux plus récents issus des travaux de psychologie cognitive
ou de psycholinguistique, les divergences dans la description de l’activité
demeurent et l’impossibilité de décrire l’acte d’écriture apparait. Une conclu-
sion s’impose : il ne peut être proposé de modèle unique rendant compte
d’une activité d’écriture qui serait universelle et c’est en adoptant le point de
vue du singulier, c’est-à-dire en prenant comme point de départ les
contraintes auxquelles chaque scripteur devra trouver une réponse qu’il est
possible d’envisager une didactique de l’écriture. L’approche proposée
consiste à prendre en compte cinq catégories de contraintes qui sont univer-
selles, mais auxquelles chacun apportera des réponses individuelles, ce sont :
« les contraintes d’ordre linguistique ; les contraintes d’ordre psycholinguis-
tique imposées par les limites des ressources cognitives du scripteur ; les
contraintes résultant de prescriptions imposées par la consigne ou que le
scripteur s’impose ; des contraintes imposées par le médium de production ;
des contraintes imposées par le texte produit » (S. Plane : 48-50).
Les réponses qui y sont apportées sont dépendantes du rapport que
chacun entretient avec l’activité scripturale. Penser la didactique de l’écri-
ture consiste à faciliter la rencontre entre la configuration individuelle et
ces contraintes universelles. Pour cela, il faut aider chacun à se construire
des représentations efficientes sur l’activité scripturale et à améliorer son
rapport à l’écrit, ainsi qu’à acquérir des outils linguistiques, textuels et
culturels, suffisants pour s’adapter aux contraintes de l’écriture. Dans cette
conception de l’écriture centrée sur le sujet apprenant, l’acquisition des
normes n’est pas secondaire et abandonnée au profit d’une libre expression
personnelle, au contraire, le développement des capacités scripturales ne

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« La didactique de l’écriture et la question du sujet »

peut se faire sans une automatisation des savoirs normés (J. Lafont-Terra-
nova & D. Colin, S. Chartrand, I. Delcambre, G. Legrand) et sans une
réelle connaissance des critères génériques et textuels (F. Thyrion,
M.-L. Elalouf, C. Corblin, B. Daunay…).
À partir de ce cadre théorique commun, deux grands groupes d’activités
sont présentés : celles qui prennent l’écriture comme outil d’apprentissage
et celles qui en font un objet d’apprentissage. Pour rendre compte de cette
partition, nous citerons certains articles et auteurs des ouvrages retenus,
sans pouvoir faire un rappel exhaustif de l’ensemble.

L’écriture comme moyen d’apprentissage


et d’enseignement
Parmi les principales fonctions de l’écriture, celle qui est le plus rarement
évoquée par les élèves et les enseignants est indéniablement la fonction
cognitive, comme le rappelle I. Bordallo dans l’ouvrage coordonné par
M.-H. Roques, Les Écritures du « je » (2006). Cependant son rôle dans
l’élaboration de la pensée, des savoirs et dans la construction d’un point de
vue personnel est important. C’est grâce à cela que l’écriture constitue un
outil au service de l’apprentissage, et qu’elle permet de conceptualiser ce
qui s’apprend, mais également de se construire en tant qu’apprenant. Cette
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double fonction est à l’origine de plusieurs recherches ou propositions
didactiques présentées dans les différents ouvrages.
Dans un premier temps, l’écriture permet de faire émerger les représen-
tations et le rapport à l’écriture que les apprenants ont construit, ce que
M.-C. Penloup appelle « le déjà-là, c’est-à-dire le bagage avec lequel un
apprenant aborde l’écriture » (p. 84) et à partir duquel l’enseignant doit
envisager l’apprentissage. Dans certains cas, il existe des malentendus,
c’est-à-dire des conceptions erronées qui risquent d’entraver l’acte
d’apprendre. Comme le rappelle J. Crinon, dans le n° 33 de Repères :
« La manière dont les élèves se représentent l’activité d’écriture, et en par-
ticulier l’activité d’écriture de fiction, apparait comme un enjeu didactique
important. Les confusions sur les buts et la nature des tâches scolaires
d’écriture constituent des obstacles à la réussite dans ces tâches et à
l’apprentissage de l’écriture. » (Ibid., p. 76).
Il est nécessaire de connaitre ces représentations et de pouvoir travailler
sur le rapport à l’écriture que les élèves élaborent. L’une des solutions est
l’écriture autobiographique, comme le propose Y. Reuter, dans Réflexivité
et écriture dans la formation des enseignants, coordonné par J.-L. Dufays et
F. Thyrion. Dans le but de faire apparaitre les représentations des étudiants
de licence de sciences de l’éducation et de rendre lisible leur rapport à
l’écriture, il leur a été demandé d’évoquer des souvenirs d’écriture scolaire.
Cette activité a permis de mettre à jour différents éléments confirmant
certaines hypothèses sur l’apprentissage de l’écriture. Tout d’abord, il est
apparu que les difficultés renvoient non à des manques, mais à des conflits,
à des tensions qui sont directement dépendants des enjeux liés à la situa-
tion d’écriture. Ensuite, le rapport à l’écriture n’est pas uniforme ni fixé de

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Le Français aujourd’hui n° 155, Lecture des textes fondateurs

manière définitive, et les difficultés ne sont pas irréversibles. Enfin, c’est


dans la complexité de la relation scolaire que les difficultés se mettent en
place ; elles ne relèvent pas de la seule activité de l’élève, mais de l’ensemble
de la situation et des relations entre les protagonistes, enseignants, élèves,
disciplines et types d’exercices. Une même utilisation de la remémoration,
proposée à des collégiens dans le cadre d’ateliers d’écriture, est décrite par
M.-C. Fanjeaux et S. David dans leurs contributions respectives, dans Les
Écritures du « je ». Il s’agit, à partir d’un support photographique (repro-
duction de Doisneau) ou d’un inducteur perécien (« Je me souviens… ») ou
encore d’un récit de souvenir d’enfance, de revenir sur ses propres souve-
nirs, mais également d’interroger ce qui relève de la fiction dans une écri-
ture du vécu et de se pencher sur ses représentations à propos du genre
particulier qu’est l’autobiographie. L’écriture, dans ce dernier cas favorise
la construction des savoirs en permettant de procéder à l’analyse des repré-
sentations.

L’écriture comme outil de réflexion


L’écriture remplit une fonction réflexive car elle permet de revenir sur
le savoir ou l’expérience en train de s’élaborer. C’est cet objectif qui est
visé dans la mise en place d’un journal de bord ou du mémoire profes-
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sionnel des futurs enseignants. I. Bordallo, dans Les Écritures du « je »,
parle de « carnet d’essai » pour désigner un outil mis en place dans une
classe de 3e. Il s’agit de tenir une sorte d’agenda de ses acquis et de ses
écrits et des différents moments de l’année. Ce carnet permet de garder
une trace des progrès et de l’évolution des connaissances, de parler de ses
lectures, de préparer des bilans en relevant des éléments qui semblent
importants, enfin de s’entrainer à l’argumentation, c’est-à-dire d’utiliser
cette matière pour construire un point de vue personnel. Ce carnet prend
différents aspects et chacun l’individualise, dans une relation personnelle
à l’écriture :
« Carnet de voyage, carnet de chercheur, carnet de lecture, carnet d’écri-
vain, journal d’apprentissages, le carnet personnel des troisièmes se trans-
forme au gré des usages : tantôt herboristes, les élèves récoltent des faits de
langue, des citations, consignent des observations de peintures, de
paysages ; tantôt métamorphosés en démiurges, ils esquissent portraits,
récits, argumentations… Le carnet accompagne toute leur année scolaire. »
(I. Bordallo : 153).

L’écriture facilite ainsi les retours réflexifs sur les apprentissages et


contribue à les conforter. C’est dans ce même esprit qu’elle est utilisée
comme un outil de formation professionnelle.
L’ouvrage, Réflexivité et écriture dans la formation des enseignants, coor-
donné par J.-L. Dufays et F. Thyrion apporte des outils de réflexion et des
exemples d’utilisation de l’écriture dans le cadre d’une réflexion profes-
sionnelle avec, pour base théorique le concept de « praticien réflexif », qui
désigne un professionnel capable d’analyser et de délibérer sur sa propre
pratique. Cette entrée remet fortement en question les démarches de

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« La didactique de l’écriture et la question du sujet »

formation fondées sur une logique applicationniste, puisqu’au contraire, il


s’avère nécessaire de mettre en place des dispositifs de débats et d’analyse
pour accéder à la réflexion. Ces moments d’analyse et de formation sont
enracinés dans l’action, car c’est à partir de l’activité du sujet que s’opère
l’analyse, et le médium facilitant cette réflexion est l’écriture qui agit
comme « un médiateur des processus de pensée » (L. Paquay, G. De Cock
& B. Wibault : 24) en facilitant la mise à distance et l’objectivation des
connaissances immédiates. Les démarches présentées concernent tant la
formation des futurs enseignants (D. Dormoy), que celle des élèves infir-
miers (C. Lejeune, B. Pairon & B. Papeians).
Dans le cas des enseignants, la réflexion peut porter sur les représenta-
tions qu’ils se font de l’objet de leur enseignement, c’est-à-dire de l’écri-
ture. C’est ainsi que J. Lafont-Terranova et D. Colin se sont employés à
cerner les représentations des enseignants sur la question de la norme. Leur
hypothèse a été que :
« les représentations (au sens large incluant la notion de “rapport à”) des
enseignants en matière d’écriture conditionnent largement l’entrée des
élèves dans l’écrit. » (Ibid., p. 108)
et pour faciliter la réussite des élèves, il est indispensable, en amont de
travailler sur ces aprioris. Pour les recueillir, différentes modalités sont
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possibles et peuvent être : le questionnaire (J. Lafont-Terranova & D. Colin),
les écrits réflexifs (D. Dormoy) ou les écritures autobiographiques. Cette
démarche d’écriture autobiographique est utilisée par M.-H. Roques qui
propose, dans le cadre de la formation permanente, des ateliers d’écriture
pour que les enseignants expérimentent ce qui est demandé dans les
Instructions officielles et prennent conscience de leurs propres réactions face
aux écritures de soi. Le fait d’écrire fait apparaitre des représentations
parfois erronées, qui ne peuvent se résoudre que par l’écriture qui devient
dans un second mouvement, un moyen de réfléchir sur un genre littéraire.

L’écriture comme objet d’apprentissage et d’enseignement


L’enseignement-apprentissage de l’écriture apparait, dans l’ensemble des
contributions, comme une appropriation d’une culture de l’écrit, sous ses
différents aspects. L’ensemble des articles publiés dans Les Écritures du
« je » s’intéresse à la mise en relation des pratiques de lecture et d’écriture
pour comprendre les problématiques de l’autobiographie grâce à un va et
vient permettant de résoudre la fausse question de la vérité et de l’authen-
ticité du souvenir. En effet, malgré leur facilité apparente, les lectures et
écritures de soi, nécessitent une mise à distance et les présupposés naïfs de
certains lecteurs/scripteurs qui croient que tout récit autobiographique est
une image fidèle de la réalité doivent être dépassés. Les différentes démar-
ches proposées visent à faire admettre et comprendre que toute écriture de
souvenir est une reconstruction et que l’écriture de soi nécessite des dépla-
cements plus significatifs que le rappel d’un fait à l’état brut. Pour ce faire,
les élèves de lycée ou de collège sont d’abord mis en situation d’écriture,
puis un parcours de lecture leur est proposé pour confronter leurs choix

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Le Français aujourd’hui n° 155, Lecture des textes fondateurs

avec ceux des auteurs. Ensuite, il est possible de revenir à l’écriture, en utili-
sant « l’autofiction » comme moyen esthétique de se raconter. Comme le
conclut A. Valette :
« C’est pourquoi la pédagogie de l’écriture autobiographique sera celle du
détour, détour par la lecture qui rend possible une reconnaissance et détour
par le pastiche qui permet au scripteur de se découvrir à mots couverts. »
(Ibid., p. 98).
Cette même problématique est reprise par J. Crinon à propos de l’écri-
ture de fiction dans le numéro 33 de la revue Repères, consacré à l’écriture
de fiction. Soulignant les malentendus possibles sur les liens entre la lecture
et l’écriture, l’auteur propose une situation d’écriture au cours de laquelle
les productions initiales sont enrichies par des emprunts à des textes
ressources. Ces emprunts permettent non seulement d’enrichir l’écrit de
départ, souvent sommaire, mais également de dépasser les confusions entre
écriture scolaire et originalité, ou encore entre récits liés à l’expérience et
vérité. De plus, ces situations d’emprunts favorisent les acquisitions
linguistiques et lexicales.
Dans tous les cas, l’enseignement de l’écriture pose le problème de la
réception des productions d’élèves. Cette question qui renvoie aux travaux
de C. Fabre-Cols4 constitue l’un des fondements de la démarche d’ensei-
gnement. Elle est centrale dans tous les genres d’écrits. M. Froment, dans
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Repères, récapitule deux modes de réception des travaux d’élèves. Le
premier est la réception linguistique et cognitive qui fait porter l’accent sur
l’organisation du texte et sur les différents éléments linguistiques et séman-
tiques qui en assurent la cohérence. L’autre mode de réception favorise les
aspects stylistiques, c’est-à-dire que ce sont les effets produits par le texte,
plutôt que sa seule logique qui sont relevés. Dans ce second cas, l’expres-
sion de la subjectivité trouve une place importante. Cette seconde
démarche de réception correspondant sans doute davantage à la prise en
compte du sujet apprenant puisque ce ne sont plus uniquement les normes
qui président à la lecture des textes, mais également les savoirs et les inten-
tions qui s’y trouvent exprimés.
La question d’une didactique de l’écriture centrée sur le sujet apprenant
est d’une grande actualité dans un contexte scolaire marqué par un resser-
rement sur le savoir et sa transmission, au détriment de la prise en compte
des parcours individuels d’apprentissage. Les quatre ouvrages présentés
dans cette chronique apportent de manière originale des éléments théori-
ques et des mises en application de cette didactique de l’écriture. Il ne s’agit
nullement de renoncer aux savoirs et aux normes, bien au contraire, mais
d’aider chaque scripteur à se les approprier, à partir de ce qu’il connait déjà
et de ce qu’il pratique. Car, comme le rappelle M.-C. Penloup, l’élève
n’arrive pas à l’école vierge de toute expérience scripturale, au contraire,
différentes enquêtes5 ont montré que leurs pratiques extrascolaires étaient

4. FABRE-COLS C. (dir.), Apprendre à lire des textes d’enfants, Bruxelles, De Boeck et Lar-
cier (2000) et Réécrire à l’école et au collège, Issy les Moulineaux, ESF, 2002.
5. PENLOUP M.-C., L’Écriture extrascolaire des collégiens, Paris, ESF, 1999.

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« La didactique de l’écriture et la question du sujet »

diversifiées et assez courantes. L’apprentissage-enseignement de l’écriture


peut s’élaborer en tenant compte des ressources du sujet apprenant plutôt
que de ne considérer que les caractéristiques de l’objet à maitriser.

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