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DOSSIER

OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT
DOSSIER ÉLABORÉ
SELON LES CONSEILS
SCIENTIFIQUES DU
PR MAÏTHÉ TAUBER,
Unité d’endocrinologie,
obésités, maladies
osseuses, génétique
et gynécologie
médicale, hôpital
des enfants,
CHU de Toulouse,
France
tauber.mt@
chu-toulouse.fr

© BSIP

L’
obésité de l’enfant et de l’adolescent n’est pas une fatalité. C’est un triple défi
qu’il faut relever. Défi épidémiologique : si sa prévalence semble se stabiliser dans
de nombreux pays ce n’est pas le cas dans toutes les populations. Défi sociétal :
l’obésité est un marqueur de fragilité et d’inégalités de santé tant sociales que
territoriales. Défi médical : le plan obésité a proposé un cadre et des niveaux
de recours adaptés, des structures et des organisations facilitant l’accès aux soins. Il reste
à valoriser l’expertise et la coordination dans une nécessaire cohérence en lien avec
le médecin traitant. Des expérimentations pour les obésités sévères sont en cours de
développement. Maïthé Tauber
SOMMAIRE

f P. 1264 Dépistage et facteurs de risque f P. 1270 Épidémiologie f P. 1273 Syndrome de Prader-Willi


f P. 1275 Que risque l’enfant obèse ? f P. 1278 Prise en charge f P. 1283 Organisation des soins
f P. 1284 10 défis pour le médecin traitant

Vol. 65 _ Décembre 2015 1263

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
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Dépistage, populations cibles et facteurs


de risque de l’obésité de l’enfant

Dépister précocement le
surpoids pour éviter l’obésité

L
VÉRONIQUE NÈGRE e surpoids et l’obésité sont définis selon l’Orga- est dit en surpoids lorsque sa corpulence se situe au-delà
Service de pédiatrie, nisation mondiale de la santé comme « une ac- du 97e percentile des courbes de référence françaises
hôpital Jean-Minjoz, cumulation anormale ou excessive de graisse (fig. 2). Il est obèse (forme sévère de surpoids) lorsque
réseau RéPPOP-FC, qui présente un risque pour la santé ». Chez les sa corpulence le situe au-dessus du seuil de l’IOTF-30.
CHU de Besançon, enfants et les adolescents, il n’est pas possible comme Cette mesure est complétée idéalement par celle du
Centre spécialisé chez l’adulte de définir un seuil d’indice de masse corpo- tour de taille ; si tour de taille/taille est supérieur à 0,5,
obésité - CHU de Nice, relle (IMC) définissant le surpoids identique pour tous il existe une obésité abdominale, facteur de risque
France les âges, car la corpulence varie physiologiquement au métabolique.
veronique-negre cours de la croissance. Par ailleurs, en dehors des obési- Plus que le niveau de corpulence en lui-même, il est
@wanadoo.fr tés sévères, le simple regard, même professionnel, ne important d’apprécier l’allure évolutive de la courbe :
suffit pas chez l’enfant à faire le diagnostic de surpoids, une réascension trop précoce de la courbe (avant 5 ans)
ce d’autant que, dans beaucoup de cultures, un enfant est appelée rebond d’adiposité précoce et est un facteur
V. Nègre déclare rond est un enfant en bonne santé. de risque majeur de surpoids et d’obésité ultérieure. Un
n’avoir aucun franchissement des couloirs au-delà du 50e percentile
lien d’intérêts Comment affirmer qu’un enfant est aussi un signe d’alerte. Les professionnels de santé
est en surpoids ? concernés (médecin traitant, pédiatre, professionnels
des services de Protection maternelle et infantile [PMI]
Il est indispensable de s’appuyer sur des éléments ou de santé scolaire) ont un rôle important de dépistage
concrets et d’apprécier en premier lieu la corpulence. de ces signes d’alerte (fig. 3), non pour stigmatiser ou
Celle-ci s’évalue en calculant l’IMC : poids en kg/taille2 juger l’enfant et ses parents, mais pour alerter en toute
en mètre. L’IMC permet d’estimer facilement le niveau sérénité, amener la famille à comprendre cette évolu-
de tissu adipeux avec une bonne fiabilité en dehors tion et à y remédier.2
de certaines situations (sportifs ayant une masse
musculaire très importante, par exemple). Chez l’adulte, Comment annoncer le surpoids
on parle de surpoids lorsque l’IMC se situe au-delà de à l’enfant et à sa famille ?
25, d’obésité au-delà de 30. Chez l’enfant et l’adolescent,
il faut tenir compte de l’âge et du sexe et l’on se réfère à Annoncer le surpoids d’un enfant à ses parents, aborder
des courbes de référence (fig. 1).1 ce point en consultation médicale ou infirmière n’est pas
Il est normal qu’un bébé soit potelé particulière- anodin. La famille peut se sentir blessée, jugée sur sa
ment à l’âge de 1 an où, naturellement, la corpulence capacité à nourrir et élever son enfant ; l’enfant peut res-
est élevée. Après cet âge, l’enfant commence à marcher ; sentir l’annonce comme une insulte. Le professionnel
il va alors devenir de plus en plus mince jusque vers doit réfléchir en amont aux mots utilisés et s’interroger
5-7 ans. À cet âge, un enfant peut paraître maigre et sur ses propres représentations. Il peut utiliser la courbe
inquiéter à tort ses parents ; il est tout à fait normal de corpulence comme outil pédagogique avec les parents
qu’alors on distingue sur l’enfant déshabillé ses côtes et l’enfant selon son âge.5 Il est fondamental de faire ce
et son épine dorsale. Ensuite et jusqu’à la fin de la crois- diagnostic et d’en parler aux parents car ce « petit
sance, la corpulence augmente de nouveau, particuliè- ventre » attendrissant va vite devenir une honte pour
rement au moment de l’adolescence, pour rejoindre la l’enfant en grandissant et intervenir tôt est gage d’une
morphologie d’adulte. Cette évolution doit être suivie meilleure réussite de la prise en charge.
par le médecin traitant de l’enfant sur la courbe de
corpulence, dans l’idéal 2 ou 3 fois par an.2 Différentes Deux types d’obésité
courbes de corpulence sont disponibles. En France, on
utilise les courbes de référence françaises3 et les seuils Obésité commune : la plus fréquente
de l’International Obesity Task Force (IOTF).4 Un enfant L’obésité est dite commune ou primaire, dans une très

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grande majorité des cas. Elle résulte d’une interaction la vitesse de croissance staturale et/ou un changement Figure 1.
entre une susceptibilité génétique et un environnement rapide de couloir de la courbe de corpulence, et/ou une COURBES DE
à risque. L’obésité commune fait intervenir des facteurs anomalie morphologique ou sensorielle, et/ou un retard CORPULENCE
génétiques, environnementaux, psychologiques, sociaux de développement des facultés mentales et physiques. DE RÉFÉRENCE
et biologiques. Ces différents facteurs en cause s’asso- FRANÇAISES,
cient et interagissent entre eux.2 Pourquoi certains enfants DOCUMENT
prennent-ils trop de poids INPES/PNNS.
Obésité secondaire : rare et d’autres non ?
D’origine iatrogène, génétique ou endocrinienne, les
obésités dites secondaires par opposition à l’obésité Le développement de l’obésité commune est la consé-
commune sont beaucoup plus rares. Les obésités iatro- quence d’un déséquilibre de la balance énergétique
gènes peuvent se voir avec certains traitements contre entre les apports et les dépenses avec un bilan d’énergie
l’épilepsie (valproate de sodium [Dépakine]), certains positif prolongé. L’IMC de l’enfant s’éloigne alors de la
neuroleptiques, les traitements par corticoïdes au long courbe de référence. Les apports sont constitués par
cours. Le syndrome de Prader-Willi représente la cause l’alimentation, et les dépenses sont représentées par le
la plus fréquente (1 naissance/20 000) d’obésité syndro- métabolisme de base, la thermogenèse et l’activité phy-
mique. L’hypothyroïdie est une des causes endocri- sique. Le stockage et l’utilisation de l’énergie fournie par
niennes possibles, de même qu’un déficit en hormone l’alimentation sont contrôlés par plusieurs systèmes
de croissance ou une maladie de Cushing. Les obésités régulateurs au sein de l’organisme. Ceux-ci produisent
d’origine génétique ou endocrinienne sont recherchées des signaux variés régulant l’appétit et la satiété au
lorsqu’un enfant obèse présente un ralentissement de niveau hypothalamique. Ces mécanismes sont >>>

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facteurs environnementaux, les deux interagissant


entre eux. Un enfant prédisposé peut ne pas devenir trop
gros si son environnement le protège ; à l’inverse, un
enfant non prédisposé peut ne pas prendre trop de poids,
même dans un environnement favorisant. Ces facteurs
de prédisposition sont nombreux.

Facteurs de prédisposition génétique


Héritabilité. Une prédisposition génétique dans l’obé-
sité commune est maintenant bien établie. Selon les
études, elle semble intervenir pour 25 à 45 %. De plus
en plus de gènes impliqués sont identifiés,6 ce sont pour
certains des gènes « d’épargne » sélectionnés au cours
des millénaires car permettant de traverser les périodes
de famine.

Épigénétique. L’épigénétique désigne l’ensemble des


changements transmissibles et réversibles de l’expres-
sion des gènes, ayant lieu sans modification de la sé-
quence de l’ADN, sous l’influence de l’environnement.
Notre mode de vie pourrait ainsi laisser dans nos cellules
une « trace épigénétique » transmissible d’une géné-
ration à l’autre. Par exemple, le risque d’obésité accru
chez les enfants mais également les petits-enfants de
femmes ayant subi une famine pendant leur grossesse
est attribué à ces mécanismes.7 Les polluants comme les
pesticides et les perturbateurs endocriniens (bisphé-
nol A)8 récemment incriminés dans le risque de surpoids
peuvent jouer un rôle à travers ces mécanismes.
Il existe donc une prédisposition au surpoids et à l’obé-
sité d’origine génétique, modulée par une éventuelle
Figure 2. SEUILS DE CORPULENCE PÉDIATRIQUE. influence épigénétique.2
Document Inpes/PNNS. Évaluer et suivre la corpulence des enfants. D’après la réf. 1.
Métagénétique. Des recherches plus récentes mettent
aussi en évidence un lien entre le microbiote intestinal
largement déterminés génétiquement et interagissent (bactéries vivant dans le tube digestif) et l’obésité.9
entre eux de façon complexe. Cette régulation est sou- Le microbiote intestinal permettrait une meilleure
vent perturbée chez l’enfant en excès de poids. digestion des résidus alimentaires, en contribuant à
l’absorption des glucides et des lipides, et favoriserait
« Nous ne sommes pas tous égaux le stockage des graisses. Ainsi, il a été montré que l’équi-
devant le risque de surpoids » libre de la flore digestive diffère entre sujets minces
Beaucoup d’enfants en surpoids ressentent comme et obèses chez qui elle évolue lors de la perte de poids.
une grande injustice le fait de voir autour d’eux, parfois Chez l’animal, une obésité a pu être transmise par la
parmi leurs frères et sœurs, d’autres jeunes mangeant simple greffe du microbiote d’un sujet obèse à un sujet
autant, parfois plus qu’eux et particulièrement des mince, sans modification de l’apport alimentaire. La
aliments qu’ils qualifient souvent eux-mêmes de « co- majoration du risque de surpoids observé chez les
chonneries » et rester malgré tout minces. Or la grande enfants ayant eu une antibiothérapie prolongée à large
majorité de ces enfants ont commencé à prendre trop de spectre dans la petite enfance pourrait être expliquée
poids autour de l’âge de 3 ans (rebond précoce d’adi- par ce mécanisme.10
posité).1, 2 Les déterminants de cet excès de poids trou-
vent donc leurs racines bien avant la consommation Facteurs de prédisposition précoce ayant
des aliments riches en gras et en sucre et des écrans un rôle programmateur sur la prise de poids
que les enfants apprécient tant. Quels sont alors ces À la jonction de ces mécanismes génétiques, épigéné-
déterminants ? tiques et environnementaux, on identifie un certain
Le surpoids de l’enfant résulte de la conjonction nombre de facteurs précoces, de la vie fœtale aux pre-
de deux familles de facteurs favorisants (v. tableau) : des mières années de vie, qui jouent un rôle programmateur
facteurs de prédisposition propres à l’enfant et des sur la prise de poids ultérieure.

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Pendant la grossesse. L’obésité maternelle préexis-


tante, une prise de poids excessive (supérieure à 12 kg),
un diabète maternel mal équilibré, le tabagisme, un
déséquilibre de l’apport d’acides gras au détriment des
oméga 3 chez la mère et l’exposition à certains polluants
augmentent le risque d’obésité infantile. Un excès ou un
défaut de croissance fœtale, parfois conséquence des
facteurs précédents, sont aussi des facteurs de risque
ainsi qu’une croissance pondérale accélérée pendant
les premiers mois de vie.2

Après la naissance. L’allaitement maternel semble


être un facteur protecteur de l’obésité pendant l’enfance,
surtout si l’alimentation de l’enfant pendant les 2 pre-
mières années est adaptée. En effet, l’excès de protéines
augmente le risque ainsi qu’une alimentation trop
pauvre en lipides, en particulier insaturés.11 Les atti-
tudes éducatives inadaptées de l’entourage autour de
l’alimentation, restrictives ou au contraire trop permis-
sives, et l’utilisation des aliments comme récompense
ou comme consolation sont aussi liés à un risque ulté-
rieur de surpoids amenant l’enfant à perdre sa capacité
naturelle à ajuster ses apports alimentaires à ses
besoins.12 Cet enfant pourra alors être capable de manger
2 voire 3 portions d’un aliment particulièrement appré-
cié là où un autre sera rassasié. Ces enfants prédisposés
sont plus à risque ensuite d’avoir un rebond d’adiposité
précoce. Figure 3. SIGNES D’ALERTE SUR LA COURBE DE CORPULENCE.
Ces facteurs sont importants à connaître car ils
constituent des leviers précieux de prévention primaire.
Il s’agit alors, selon sa place professionnelle, de repérer Particularité du comportement alimentaire. Cer-
ces familles à risque (sans jugement ni culpabilisation) taines conduites alimentaires se retrouvent chez
et de porter, par exemple, une attention particulière à l’enfant en surpoids sans être spécifiques : l’hyper-
l’évolution de la courbe de corpulence, à l’offre alimen- phagie (consommation excessive d’aliments au cours
taire, notamment en termes de quantité, aux attitudes du repas), la tachyphagie (augmentation de la vitesse
éducatives autour de l’alimentation, à l’incitation à l’ac- de consommation) et le grignotage (consommation
tivité physique… répétitive en dehors des repas de petites quantités d’ali-
ments, souvent riches, sans faim). Ce dernier se déve-
Facteurs de prédisposition psychologique loppe notamment devant la télévision, favorisé par les
ou psychopathologique messages publicitaires.
Ce sont des facteurs à la fois individuels et environ- Les conduites de restriction alimentaire, qui se
nementaux. Ils peuvent être en même temps causes et définissent par « la tendance à limiter consciemment la
conséquences de l’obésité sachant qu’il n’y a pas de per- prise alimentaire pour perdre du poids », incluant les
sonnalité ou de psychopathologie type dans l’obésité. régimes alimentaires prescrits, peuvent conduire à
Dans certains cas, l’alimentation est utilisée comme des crises de type boulimique. Ce phénomène, appelé
recours pour faire face aux conflits, à l’agressivité, à l’an- « restriction cognitive », peut se voir principalement
goisse, au manque affectif, on parle alors d’alimentation chez l’adolescent, et engendre le phénomène de yo-yo
émotionnelle. pondéral bien connu chez l’adulte. Certains enfants
Certaines circonstances traumatiques (maltrai- obèses paraissent par ailleurs plus sensibles aux si-
tances, carences, stress) entraînant une souffrance gnaux externes tels que la disponibilité, la diversité, le
peuvent accompagner l’excès de poids. Parmi ces goût agréable des aliments, la pression environnemen-
facteurs traumatiques se trouvent les conséquences tale qu’aux signaux internes de faim ou de satiété. Une
du surpoids telles que les moqueries, la stigmatisation étude récente effectuée dans le cadre d’un groupe
pouvant aller jusqu’au harcèlement, créant ainsi un de travail européen a permis d’évaluer les connais-
véritable cercle vicieux. Certaines pathologies psychia- sances sur les motivations de la prise alimentaire
triques comme la dépression sont plus fréquemment chez l’enfant obèse. Il y est souligné l’importance de
retrouvées dans la population d’enfants obèses.2 détecter les troubles des conduites alimentaires >>>

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moyens importants. D’autres facteurs moins évidents


FACTEURS ASSOCIÉS AU RISQUE DE SURPOIDS PÉDIATRIQUE au premier abord comme l’insécurité des quartiers
SELON LA HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ. peuvent aussi jouer un rôle, beaucoup de parents inter-
Facteurs précoces disant alors à leurs enfants de sortir de peur des mau-
vaises fréquentations. On note toutefois depuis ces
− surpoids et obésité parentale, notamment de la mère au début de la grossesse ; dernières années une prise de conscience des politiques
− grossesse : prise de poids excessive, tabagisme maternel, diabète maternel quel et la mise en œuvre de leviers intéressants au travers en
que soit son type ; particulier du Programme national nutrition santé
− excès ou défaut de croissance fœtale (macrosomie/hypotrophie) ; (PNNS) en France.14
− gain pondéral accéléré dans les 2 premières années de vie d’autant plus important
que la période de gain pondéral accéléré est longue. Niveau socio-économique. Ces facteurs sociétaux
jouent un rôle particulièrement important dans les
Facteurs familiaux ou environnementaux
familles ayant un niveau socio-économique bas, facteur
− difficultés socio-économiques des parents et cadre de vie défavorable ; de risque d’obésité dans les pays développés.15
− attitudes inadaptées de l’entourage par rapport à l’alimentation (restrictives
ou au contraire trop permissives) ; Habitudes alimentaires. Concernant la composition
− négligences ou abus physiques ou sexuels dans l’enfance ou l’adolescence. de l’alimentation des enfants obèses, on ne peut décrire
de « modèle » lié à l’obésité. Les enfants de poids normal
Facteurs personnels ont sensiblement les mêmes habitudes alimentaires en
termes qualitatifs, mais la quantité d’apports est alors
− manque d’activité physique et sédentarité ;
adaptée à leurs besoins. Tout au plus retrouve-t-on chez
− manque de sommeil ;
les enfants en surpoids, dans certaines études, une
− facteurs psychopathologiques : dépression chez les filles, hyperphagie boulimique ;
consommation de boissons sucrées plus importante
− handicap (moteur ou mental).
(les « calories liquides » faisant moins bien l’objet d’une
L’allaitement maternel semble avoir un effet protecteur de faible importance. régulation que les aliments solides), un petit déjeuner
HAS. Recommandation de bonne pratique. Surpoids et obésité de l’enfant et absent ou une consommation excessive d’aliments à
de l’adolescent. Argumentaire scientifique. Septembre 2011. haute densité énergétique. Comme décrit ci-dessus
(facteurs précoces), c’est l’environnement éducatif qui
Tableau 1. D’après la réf. 2. semble jouer un rôle important : surinvestir la nourri-
ture dans la petite enfance, l’utiliser comme récompense
plus spécifiquement associés à l’obésité que sont les ou consolation, laisser l’enfant sans limites choisir ce
crises compulsives (ou hyperphagie boulimique ou qu’il veut.2
binge eating) qui pourraient toucher un quart des en-
fants obèses. Elles correspondent à une consommation Activité physique et sédentarité. L’activité physique
rapide d’aliments en très grande quantité en un temps ne représente pas la partie la plus importante de la
limité, associée à une perte du contrôle du comporte- dépense énergétique totale mais il s’agit de la partie la
ment alimentaire pendant la « crise », sans stratégie de plus modulable. Elle joue un rôle important dans la
contrôle du poids. Deux mécanismes déjà décrits régulation physiologique du poids. L’activité physique
peuvent engendrer ce comportement : l’alimentation régulière induit une diminution de la masse grasse et
émotionnelle et la restriction. Ils nécessitent une prise améliore chez l’enfant obèse les troubles métaboliques.
en charge spécifique. Les autres motivations à la prise La sédentarité est la principale cause de la baisse des
alimentaire en dehors de la faim sont le plaisir, l’exter- dépenses énergétiques. Elle est reconnue comme étant
nalité (impossibilité de résister aux tentations) dont un facteur de risque majeur d’obésité.2 Les recomman-
l’approche peut être plus comportementale.13 dations actuelles concernant les enfants sont de prati-
quer 1 heure d’activité physique par jour, y compris les
Facteurs de prédisposition environnementaux temps de trajet, récréation…
Contexte sociétal. L’évolution de la société au cours
des dernières décennies, particulièrement dans les pays Temps de sommeil. Plusieurs études ont mis en évi-
dits développés, favorise largement le développement de dence un lien entre une réduction du temps de sommeil
l’obésité. La sédentarité est majeure dans nos sociétés chez l’enfant et une augmentation de la corpulence, la
modernes où le confort et les modes de transport rédui- privation de sommeil entraînant une perturbation de la
sent l’activité physique quotidienne. Les temps passés régulation des hormones de régulation de la faim et de
devant un écran occupent une place importante dès la satiété.2
le plus jeune âge, aux dépens du temps passé à jouer
en extérieur. Du côté de l’alimentation, de nombreux Handicap. Enfin, il ne faut pas méconnaître le risque
produits gras et sucrés aux emballages attirants sont majoré de surpoids chez l’enfant ayant un handicap,
disponibles partout, vantés par une publicité aux particulièrement mental. Les déterminants sont

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complexes, liés à la maladie elle-même (troubles de RÉFÉRENCES Nature 2013;500:541-6.


la satiété d’origine centrale), aux difficultés de compor- 1. Institut national de prévention 10. Trasande L, Blustein J, Liu M,
tement (alimentation réconfort), à l’environnement et d’éducation pour la santé. Corwin E, Cox LM, Blaser MJ.
éducatif, aux traitements médicamenteux…16 Évaluer et suivre la corpulence Infant antibiotic exposures
des enfants. Brochure et disque, Inpes. and early-life body mass.
LA PRÉVENTION EST POSSIBLE http://www.inpes.sante.fr/cfesbases/ Int J Obes (Lond) 2012;37:1-8.
Certains facteurs liés au risque de surpoids pédiatrique catalogue/pdf/imc/docimcenf.pdf 11. Peneau S, Hercberg S,
interviennent dès la grossesse, particulièrement 2. Haute Autorité de santé. Surpoids Rolland-Cachera MF. Etude
lorsque la femme est elle-même en surpoids et de milieu et obésité de l’enfant et de ELANCE, breastfeeding,
précaire : tabagisme maternel, prise de poids excessive, l’adolescent. Recommandations HAS, early nutrition, and adult body fat.
diabète mal équilibré, alimentation inadaptée… septembre 2011 (actualisation J Pediatr 2014;164:1363-8.
Connaître ces déterminants précoces permet de préve- des recommandations 2003). 12. Rigal N. Déterminants de la prise
nir le surpoids pendant l’enfance par un accompagne- http://bit.ly/20QUUWj alimentaire chez l’enfant:
ment adapté des familles concernées. Cet accompagne- 3. Rolland-Cachera MF, Cole TJ, importance du plaisir. In:
ment doit s’intéresser aux attitudes éducatives des Sempé M, Tichet J, Rossignol C, Basdevant A, Bouillot JL,
parents autour de l’alimentation ; si elles sont très Charraud A. Body Mass Index Clément K, Oppert JM, Tounian P,
permissives ou au contraire restrictives, elles peuvent variations : centiles from birth to 87 ed. Traité médecine et chirurgie
jouer un rôle important dans la genèse du surpoids chez years. Eur J Clin Nutr 1991;45:13-21. de l’obésité. Paris: Lavoisier,
un enfant prédisposé. Ces données imposent de tracer 4. Cole TJ, Bellizi MC, Flegal KM, 2011:328-31.
régulièrement la courbe de corpulence chez tous les Dietz WH. Establisching a standard 13. Braet C, O’Malley G, Weghuber D,
enfants dès la première année afin de repérer précoce- definition for child overweight et al. The assessment of eating
ment les enfants à risque qui ont un rebond d’adiposité and obesity worldwide: international behaviour in children who are
précoce vers l’âge de 3 ans. Il faut enfin garder à l’esprit survey. BMJ 2000;320:1240-3. obese: a psychological approach.
qu’annoncer à des parents que leur enfant est en surpo- 5. Institut national de prévention A position paper from the
ids peut être mal vécu ; il est donc important de réfléchir et d’éducation pour la santé. European Childhood Obesity
à sa pratique dans ce domaine. V Surpoids de l’enfant: le dépister Group. Eur J of Obesity; Obes
et en parler précocement. Facts 2014;7:153-64.
Saint-Maurice : Inpes, Coll. 14. Programme national nutrition
RÉSUMÉ DÉPISTAGE, POPULATIONS CIBLE ET FACTEURS Repères pour votre pratique, santé. www.mangerbouger.fr/pnns/
DE RISQUE DE L’OBÉSITÉ DE L’ENFANT 2011. http://www.inpes.sante.fr/ 15. Shrewsbury V, Wardle J.
Le surpoids de l’enfant doit être dépisté le plus tôt possible afin d’éviter la constitution CFESBases/catalogue/detaildoc. Socioeconomic status and
d’une obésité plus grave, source de complications précoces. Pour cela, il est indispensable asp?numfiche=1364 adiposity in childhood:
de tracer très régulièrement la courbe de corpulence de tous les enfants avec une vigilance 6. Bradfield JP, Taal HR, Timpson NJ, a systematic review of
particulière à l’âge du rebond précoce (entre 1 et 5 ans), témoin d’une prédisposition, et et al. A genome-wide association cross-sectional studies 1990-2005.
facteur de risque d’obésité ultérieure. L’annonce n’est pas anodine et doit éviter tout meta-analysis identifies new Obesity 2008;16:275-84.
jugement ou culpabilisation inutile de la famille en dehors de situations rares de maltrai- childhood obesity loci. Nature 16. Chinalska-Chomat R, Manh Y,
tance. Le surpoids résulte d’un déséquilibre de la balance énergétique favorisé par de Genetics 2012;44:526-31. Ricour C, Rivas-Branger J. Obésité
nombreux facteurs de risque souvent intriqués. Ces facteurs sont à la fois des facteurs 7. Barker DJP. Obesity and early life. et handicap mental, ce n’est pas une
de prédisposition propres à l’enfant (en particulier d’origine génétique et épigénétique) Obes Rev 2007;8(Suppl 1):45-9. fatalité. Recherche action à l’institut
et environnementaux. Parmi ces facteurs environnementaux, ceux survenant pendant la 8. Braun JM, Lanphear BP, Calafat AM, médico-éducatif de La Gabrielle,
grossesse et ceux concernant les attitudes éducatives de l’entourage autour de l’alimen- et al. Earlylife bisphenol a exposure MFPass. Publication MFPass, 2012.
tation (permissives ou au contraire restrictives) doivent être connus car pouvant être des and child body mass index: www.centredelagabrielle.fr/IMG/pdf/
leviers de prévention primaire. a prospective cohort study. Livre_Obesite_HandicapMental.pdf
Environ Health Perspect
SUMMARY DETECTION, TARGET POPULATIONS AND RISK 2014;122:1239-45. VOIR AUSSI
FACTORS OF CHILD OBESITY 9. Le Chatelier E, Nielsen T, Qin J, et al. Régnier F, L’obésité de l’enfant :
The overweight child should be detected as soon as possible to avoid the occurrence of Richness of human gut microbiome comprendre les populations à risque.
a more severe obesity, source of early complications. Thus, it is essential to carefully correlates with metabolic markers. RevPrat 2015;65:1137-8.
follow the BMI curve in all children with particular attention to the age of the early adi-
posity rebound (between 1 and 5 years). Early rebound indicates predisposition, and
represents a risk factor for later obesity. The announcement is not harmless and should
avoid unnecessary judging or blaming the family outside rare situations of abuse.
Overweight results from an energy imbalance favored by many risk factors often entangled.
POUR EN SAVOIR PLUS
These predisposing factors are specific to the child (especially genetic and epigenetic Consultez la banque de témoignages vidéo
origin) and environmental. Among these environmental factors, those occurring during accessibles gratuitement aux professionnels de santé :
pregnancy and the nutritional education (too permissive or too restrictive) represent www.obesitedesjeunes.org
targets for primary prevention.

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT
FOCUS
Épidémiologie de l’obésité de l’enfant :
stabilisation après 20 ans
de forte hausse de la prévalence

L
HÉLÈNE es fréquences de surpoids et représentative nationale n’avait été et d’obésité plus élevées chez les
THIBAULT*, **, *** d’obésité ont augmenté de façon menée. Les études réalisées sur enfants et adolescents vivant dans
CAROLINE très rapide dans le monde, notam- cette période avaient été conduites des conditions plutôt défavorables.
CARRIERE*, *** ment chez les enfants dans les années au niveau régional sur des classes C’est le cas selon la profession des
* RéPPOP Aquitaine 1980. Ainsi, depuis 1998, l’Organisa- d’âges différentes et en utilisant les parents, leur niveau d’éducation, et
** CHU de Bordeaux, tion mondiale de la santé (OMS) consi- références françaises. Ces études leurs revenus. 3, 7-8 Ces variations
unité d’endocrinologie dère l’obésité comme un problème avaient montré une augmentation de prévalence selon les catégories
et de diabétologie majeur de santé publique à l’échelle de la prévalence du surpoids obésité sociales ont également été soulignées
pédiatrique, hôpital mondiale. Toutefois, depuis quelques incluse de l’enfant en France depuis dans la plupart des études menées
des Enfants, années, de nombreuses études de les années 1980, comme dans la dans les pays développés.
*** Inserm, ISPED, haute qualité ont émergé de plusieurs plupart des pays occidentaux, mais Par ailleurs, quelles que soient
Centre Inserm pays, suggérant que l’augmentation beaucoup plus tardivement qu’aux les années d’enquête, les prévalences
U897-Épidémiologie- de la prévalence se soit sensiblement États-Unis. La proportion d’enfants sont plus élevées avec l’âge, ce qui
Biostatistique, ralentie, voire même, stabilisée. se situant au-dessus du 97e percentile souligne entre autres le fait que les
Bordeaux, France des références françaises, entre 5 enfants ayant un surpoids tôt ont des
helene.thibault Définitions et seuils et 12 ans, avait progressé, passant difficultés à retrouver ultérieurement
@orange.fr de référence du surpoids de 6 % à la fin des années 1970, à une corpulence normale.3
et de l’obésité 10 % au début des années 1990 et
Le surpoids et l’obésité sont définis 13 % en 1996.2 Dans le monde
comme une accumulation anormale Depuis les années 2000, les en- La prévalence mondiale9 du surpoids
ou excessive de graisse corporelle qui quêtes menées auprès d’échantillons et de l’obésité de l’enfant a été estimée
peut nuire à la santé. L’indice de masse d'élèves français de différentes à partir d’une analyse de 450 enquêtes
corporelle (poids en kg/taille x taille tranches d'âges représentatifs de la transversales nationales de 144 pays.
en m²), bon reflet de la corpulence, est population, montrent des prévalences En 2010, 43 millions d’enfants sont
couramment utilisé pour estimer l’adi- du surpoids obésité incluse (selon considérés comme étant en surpoids
posité. Chez l’enfant, la corpulence les références IOTF) comprises entre ou obèses (35 millions dans les pays
variant naturellement au cours de la 16 et 20 % selon la tranche d’âge en voie de développement et 8 millions
croissance, son interprétation doit étudiée, et des prévalences de dans les pays développés) et 92 mil-
se faire en tenant compte de l’âge et l’obésité entre 3 et 4 % ainsi qu’une lions sont à risque de surpoids selon
du sexe. Les méthodes et protocoles tendance à la stabilisation. 3, 4 Ces les références de l’OMS.9
utilisés pour estimer le surpoids et différentes études sont résumées La prévalence du surpoids et de
l’obésité des enfants peuvent varier dans le tableau 1. Ces études montrent l’obésité de l’enfant dans le monde est
d’un pays à l’autre, limitant de ce fait une stabilisation des prévalences passée de 4,2 % en 1990 à 6,7 % en
la comparaison des résultats. Ainsi, du surpoids et de l'obésité chez les 2010. Cette tendance devrait atteindre
actuellement, les seuils de référence enfants, avec, selon les études, une 9,1 % en 2020 représentant approxi-
les plus utilisés dans les études de prévalence supérieure chez les filles.5 mativement 60 millions d’enfants.
prévalence sont les références de Les enquêtes réalisées au niveau La prévalence estimée du surpoids
l’International Obesity Task Force national montrent qu’il existe des et de l’obésité de l’enfant en Afrique en
(IOTF) publiées en 2000, celles de variations entre les grandes régions, 2010 est de 8,5 % et devrait atteindre
l’OMS publiées en 2007, les références à l’image de ce qui est observé chez 12,7 % en 2020. Elle est plus faible
américaines du Center for Disease les adultes, avec notamment des en Asie (4,9 % en 2010) qu’en Afrique,
Control (CDC) ainsi que, pour cer- prévalences élevées dans le Nord, mais le nombre d’enfants touchés
taines études françaises, les courbes l’Est et les départements d’outre-mer, est plus élevé en Asie. De manière
de références françaises.1 mais d’ampleur plutôt modérée par générale, on note une augmentation
rapport à celle chez les adultes. des prévalences du surpoids et
En France De même, toutes les études de l’obésité dans les pays en voie de
Avant les années 2000, aucune étude montrent des prévalences de surpoids développement.9

1270 Vol. 65 _ Décembre 2015

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT

ÉVOLUTION DES PRÉVALENCES DU SURPOIDS (OBÉSITÉ INCLUSE) ET DE L’OBÉSITÉ CHEZ LES ENFANTS
ET LES ADOLESCENTS FRANÇAIS DEPUIS LES ANNÉES 2000
Étude Promoteur de l'étude Tranche d’âge Années de l'étude Prévalence du Prévalence de
surpoids obésité l’obésité (%)
incluse (%)
Étude Nationale Nutrition Santé (ENNS) InVS 3-17 ans 2006-2007 17,8 3,5
Prévalence chez les enfants de 7-9 ans InVS 7-9 ans 2000 18,1 3,8
(élèves de CE1-CE2) 7-9 ans 2007 18,4 3,8
Enquête individuelle nationale Anses
des consommations alimentaires

Étude INCa1 3-17 ans 1998-1999 15,2 3,5


Étude INCa2 3-17 ans 2006-2007 14 2,8

Enquêtes en milieu scolaire Desco-Drees-InVS*


(cycle triennal d’enquêtes
sur la santé des élèves)

Enfants de 5-6 ans 5-6 ans 1999-2000 14,4 4


(Grande section de maternelle) 5-6 ans 2005-2006 12,2 3,1
5-6 ans 2012-2013 12 3,5

Enfants de 10-11 ans (CM2) 10-11 ans 2001-2002 19,9 4,1


10-11 ans 2004-2005 19,7 3,7
10-11 ans 2007-2008 18,9 4

Enfants de 14-15 ans (classe de 3e) 14-15 ans 2000-2001 15,7 3,3
14-15 ans 2003-2004 16,8 4,4
14-15 ans 2008-2009 17,6 3,9

Tableau 1. Extrait de la réf. 3, complété par la réf. 4. Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ;
Desco : Direction de l’enseignement scolaire du ministère de l’Éducation nationale ; Dress : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques ;
InVS : Institut de veille sanitaire.
* http://www.drees.sante.gouv.fr/les-enquetes-nationales-sur-la-sante-des-enfants-et,6571.html

Aux États-Unis, les prévalences 5,9 % chez les filles néerlandaises à 2012 (tableau 2), avec même, une dimi-
de surpoids et d’obésité sont estimées 26,5 % chez les garçons portugais. nution significative chez les enfants
à 28,8 % (dont 12,4 % d’obésité) chez Cette étude situe la France dans une les plus jeunes (2-5 ans).3, 6
les garçons de moins de 20 ans, et position intermédiaire entre les pays
29,7 % (13,4 % d’obésité) chez les du nord de l’Europe (basse prévalence, Stabilisation démontrée
filles de moins de 20 ans.11 Les préva- à l’exception du Royaume-Uni) et ceux La stabilisation statistique de la pré-
lences de surpoids des enfants des du sud (prévalence élevée). valence du surpoids se produit après
pays d’Europe sont nettement en Plusieurs études récentes mettent deux décennies d’augmentation de
dessous de celles des États-Unis. en évidence un ralentissement de ces prévalences en France, comme
L’étude Pro Children10 fondée sur des l’augmentation des prévalences au dans de nombreux autres pays. La
poids et tailles déclarés par les parents cours des années 2000, voire une cohérence des résultats de plusieurs
a fourni en 2003 la prévalence du stabilisation comme cela a été études tend à démontrer la réalité
surpoids (incluant l’obésité), selon documenté en France et dans plu- de cette stabilisation. La France a été
les références de l’IOTF, chez des sieurs pays développés et de nouveau l’un des premiers pays avec la Suède,
enfants de 11 ans dans 9 pays euro- confirmé récemment aux États-Unis la Suisse et les États-Unis à mettre
péens. Cette prévalence variait de sur la période 2003-2004 à 2011- en évidence cette stabilisation. V

Vol. 65 _ Décembre 2015 1271

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT

C. Carriere
PRÉVALENCES DE SURPOIDS (OBÉSITÉ INCLUSE) CHEZ LES ENFANTS DANS DIFFÉRENTS PAYS
et H. Thibault
déclarent Pays Références Tranche Années Prévalence du surpoids obésité incluse (%)
n’avoir aucun utilisées d’âges de l’étude
lien d’intérêts. Garçons Filles
Australie IOTF 2 - 18 ans 1996 21,6 24,3
2008 23,7 24,8
2004 20,6 24,1
Angleterre IOTF 8 - 10 ans
2006 19,8 23,9
6 - 11 ans 2003 33,9 32,6
États-Unis CDC* 6 - 11 ans 2007 35,9 35,2
6 - 11 ans 2011 33,2 35,2
8 - 9 ans 2003 33,1 32,7
Grèce IOTF
8 - 9 ans 2007 38,7 37,9
5 - 14 ans 2002 26,1 31,7
Nouvelle-Zélande IOTF 2006 28,2 28,8
5 - 14 ans
10 ans 1999 21,6 22,1
IOTF
10 ans 2003 20,5 19,2
Suède
10 ans 2001 17,1 19,6
IOTF
10 ans 2005 17,6 15,9
6 - 13 ans 2002 16,6 19,1
Suisse IOTF
6 - 13 ans 2007 13,7 13,3

Tableau 2. Extrait de la réf. 6, complété par la réf. 11.


* 85e percentile pour le surpoids incluant l’obésité du CDC. CDC : Center for Disease Control ; IOTF : International Obesity Task Force.

RÉFÉRENCES surpoids et d’obésité 5. Unité de surveillance 6. Institut de veille 8. Lobstein T, Frelut ML. stunting in 11-year
1. Rolland-Cachera MF. chez l’enfant et d’épidémiologie sanitaire. Surpoids Prevalence of olds across
Childhood obesity: et l’adolescent nutritionnelle (Usen). et obésité chez overweight among Europe: The Pro
current definitions en France et au Étude nationale les enfants de 7 à children in Europe. Children Study.
and recommendations niveau international. nutrition santé 9 ans, France, 2007. Obes Rev Eur J Public Health
for their use. Arch Pediatr (ENNS, 2006). Saint-Maurice : 2003;4:195-200. 2008;18:126-30.
Int J Pediatr Obes 2015;22:111-5. Situation nutritionnelle Institut de veille 9. De Onis M, Borghi E, 11. Ng M, Fleming T,
2011;6:325-31. 4. Direction de la en France en 2006 sanitaire, université Blössner M. Global Robinson M, et al.
2. Institut national recherche, des selon les indicateurs de Paris 13, 2010. prevalence and trends Global, regional,
de la santé et de la études, de l’évaluation d’objectif et les 7. Lioret S, Touvier M, of overweight and national
recherche médicale. et des statistiques repères du Programme Dubuisson C, and obesity among prevalence of
Obésité : dépistage (DREES). La santé national nutrition et al. Trends in child preschool children. overweight and
et prévention chez des élèves de grande santé (PNNS). overweight rates Am J Clin Nutr obesity in children
l’enfant. Rapport section de maternelle Saint-Maurice : and energy intake 2010;92:1257-64. and adults during
(expertise collective). en 2013 : des Institut de veille in France from 1999 10.Yngve A, De 1980- 2013: a
Paris : Les éditions inégalités sociales sanitaire, Université to 2007: relationships Bourdeaudhuij I, systematic analysis
Inserm, 2000. dès le plus jeune de Paris 13, with socioeconomic Wolf A, et al. for the Global Burden
3. Castetbon K. âge. DREES, Études Conservatoire national status. Obesity Differences in of Disease Study
L'évolution récente et résultats des arts et métiers, (Silver Spring) prevalence of 2013. Lancet
des prévalences de 2015;0920. 2007. 2009;17:1092-100. overweight and 2014;384:766-81.

1272 Vol. 65 _ Décembre 2015

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT
FOCUS
Hypothalamus et comportement :
le modèle du syndrome de Prader-Willi

L
MAÏTHÉ TAUBER e syndrome de Prader-Willi, décrit le premier mois de vie. Le phénotype déficit de satiété associée à des dys-
Centre de référence en 1956, est un trouble complexe néonatal associe une hypotonie sévère fonctions endocriniennes multiples,
du syndrome du développement lié à un défaut et des difficultés de succion/déglutition de nombreuses comorbidités, un défi-
de Prader-Willi, d’expression de certains gènes d’origine et un comportement anorexique pou- cit cognitif modéré, des troubles
unité d’endocrinologie, paternelle de la région chromosomique vant induire un déficit de prise pondé- des apprentissages, des troubles
obésités, maladies 15q11-q12 (fig. 1). C’est une maladie rale justifiant une nutrition par sonde du comportement et des habilités
osseuses, génétique et rare (1 pour 20 000 naissances), liée à nasogastrique. Toute hypotonie néona- sociales, et dans certains cas des
gynécologie médicale, l’empreinte parentale qui est le chef de tale doit faire évoquer un syndrome de troubles psychiatriques spécifiques.2
hôpital des Enfants, file des obésités syndromiques.1 Prader-Willi (cause la plus fréquente Ce tableau, variable au cours de la
CHU de Toulouse, d’hypotonie néonatale).2 En l’absence vie et d’un individu à l’autre, explique
Toulouse, France Une maladie complexe de prise en charge adaptée, on observe les conséquences sévères de cette
tauber.mt@ et évolutive allant de l’anorexie ensuite toujours l’apparition d’une prise maladie pour les patients, les familles,
chu-toulouse.fr à l’hyperphagie2 de poids excessive, à l’origine d’une et les soignants, avec une morbidité
Le diagnostic est fait aujourd’hui dès obésité sévère avec hyperphagie et et une mortalité élevées. >>>

Figure 1. LA RÉGION
Gènes non soumis à l’empreinte
15Q11-Q13.
BP1-BP2 NPAP1/C15orf2
NIPA1 GABRβ3 récepteurs GABA impliqués dans l’apprentissage
NIPA2 α5 et les fonctions cognitives
CYFIPI γ3
GCP5 P(OCA2) gène de l’albinisme oculocutané
HERC2 protéine impliquée dans le trafic et la dégradation intracellulaires

PWS AS
S N U 15orf2

A09

B
10 9
64-1

16

15
107- R D

AS

3
5
P1/ C

ORD

RBG
NDN 2

R D1

R D1

R BA

)
R B3
S N R F-
MA 3

3A-

C A2
PN
GEL

SNO

10C

C2
GCP I

3A
RN
A1
A2
IP

R
5

SNR
SNO

SNO

HER
N PA

I PW

UBE

UBE

GAB
GAB
GAB
C YF
NIP
NIP

ATP

P(O
{
MK

cen tel

BP1 BP2 BP3

IC Gènes sno ARN


2 Mpb

Gènes soumis à l’empreinte maternelle impliqués dans le syndrome de Prader-Willi Gènes soumis à l’empreinte
MAGEL 2 et NDN : protéines de la famille MAGE qui régulent la dégradation et le turn-over des protéines paternelle impliqués
en agissant dans la régulation et l’ubiquitination. dans le syndrome d’Angelman
MKRN3 : code une protéine à doigt de zinc. Mutée dans 30 % des pubertés précoces familiales. UBE3A
MAGEL2 : protéine exprimée dans l’hypothalamus. Mutée dans certaines formes d’autisme. ATP10C
NDN : protéine nucléaire et cytoplasmique impliquée dans le contrôle de la croissance neuronale,
anti-apoptotique dans les motoneurones.
Complexe IC SNURF-SNRPN-SnoARN

Vol. 65 _ Décembre 2015 1273

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT

Sur le plan génétique Figure 2.


L’analyse de la méthylation de l’ADN RELATION ENTRE
1400
permet de confirmer le diagnostic en LES TAUX DE
mettant en évidence uniquement la 1200 GHRÉLINE SPW traités par HC
À JEUN
présence de l’allèle méthylé d’origine ET L’ÂGESPWDES non traités
maternelle (allèle soumis à l’empreinte 1000 ENFANTSContrôles
AYANT
Ghreline (pg/ml)

parentale). Il existe plusieurs sous- UN SYNDROME DE


types génétiques, une délétion du chro- 800 PRADER-WILLI.
mosome paternel (55 %), une disomie Ronds rouges :
maternelle (45-50 %), un déficit d’em- 600 enfants de moins
preinte (3 %) ou une translocation de 3 ans non traités
(1-2 %) impliquant le chromosome 15.
400 par hormone de
Le plus souvent, il s’agit d’un événe- 200 croissance ; ronds
ment sporadique, seules les deux violets : enfants
dernières causes ont un risque de de plus de 3 ans
récurrence élevé. Dans de rares cas, 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 traités par hormone
le diagnostic génétique est négatif, de croissance ;
et on a pu retrouver des microdélé- Âge (ans) triangles verts :
tions du gène SNORD116 et des mu- contrôles.
tations du gène MAGEL2. De manière
intéressante, le gène MAGEL2 a été
retrouvé muté dans certaines formes Un modèle pour étudier le la ghréline, sécrétée par l’estomac et M. Tauber déclare avoir
d’autisme, explicitant les liens connus déclenchement pubertaire au niveau cérébral, est anormalement fait des conférences
entre ces deux maladies. Cette maladie est associée à un hypo- élevée chez ces patients4 tout au long lors de colloques pour
gonadisme avec un continuum d’ano- de la vie (fig. 2). Plus que la faim, cette Pfizer, Novo Nordisk,
Un modèle d’obésité malies allant de l’hypogonadisme hormone contrôle l’obsession pour la Ipsen, Merck Serono,
hypothalamique hypogonadotrope pur à l’hypogona- nourriture et le plaisir de manger. des rapports
L’excès de masse grasse est essen- disme périphérique presque pur. De La prise en charge globale soma- d’expertise pour Lilly,
tiellement sous-cutané et associé à rares situations de puberté précoce tique et psychique est indispensable, des activités de conseil
un déficit de masse maigre avec une vraie ont été rapportées. Qui aurait pu en tenant compte de l’environnement pour Alizée Pharma,
sensibilité à l’insuline augmentée. Les anticiper que le gène MKRN3 situé et des spécificités de ces patients. et avoir reçu des
études d’imagerie fonctionnelle céré- dans la région « syndrome de Pra- Les traitements médicamenteux financements pour des
brale montrent des anomalies variées der-Willi » est un gène majeur inhibant physiopathologiques actuellement à projets de recherche
de perfusion et de métabolisme asso- le démarrage pubertaire retrouvé muté l’étude (ocytocine et analogue de la des laboratoires Pfizer,
ciées à des altérations dans le réseau dans 30 % des pubertés précoces ghréline non acylée) pourront sans Novo Nordisk, Ipsen,
neuronal régulant l’appétit, compre- familiales de transmission paternelle ? doute améliorer la vie de ces patients. Sandoz ; et avoir
nant en particulier l’hypothalamus, D’autres médicaments utilisés dans été pris en charge
le cingulum antérieur, le cervelet, le Un modèle pour les troubles l’obésité pourront être utiles. Un guide à l’occasion de
cortex préfrontal et l’insula. du comportement et les troubles des pratiques partagées est co-écrit déplacements
Les dysfonctions endocriniennes du comportement alimentaire par le centre de référence et l’asso- pour congrès, par
sont liées à ce trouble hypothalamique. L’intrication entre ces troubles est ciation Prader-Willi France en lien Pfizer, Novo Nordisk,
Il existe un déficit en hormone de crois- peut-être liée à un défaut du système avec les établissements médicoso- Ipsen, Merck Serono
sance chez 88 % des enfants dont le ocytocinergique. L’ocytocine est à la ciaux.5 V et Sandoz.
traitement est autorisé depuis 2000. fois une hormone post-hypophysaire
On peut aujourd’hui affirmer que le et un neurotransmetteur cérébral. À
rapport bénéfice-risque est positif côté de ses actions périphériques RÉFÉRENCES 2011;155A:1040-9. 4. Feigerlova E, Diene G,
sur la croissance et la composition connues sur l’utérus et la glande mam- 1. Cassidy SB, Schwartz 3. Olszewski PK, Conte-Auriol F,
corporelle et que ce traitement a maire, l’ocytocine régule le comporte- S, Miller JL, Driscoll Klockars A, Schiöth et al. Hyperghrelinemia
transformé la vie des enfants et des ment social et l’attachement, l’anxiété, DJ. Prader-Willi HB, Levine AS. precedes obesity
adolescents, avec une diminution et est anorexigène par son effet sur syndrome. Genet Oxytocin as feeding in Prader-Willi
très significative de l’indice de masse la régulation de la satiété. L’adminis- Med 2012;14:10-26. inhibitor: maintaining syndrome. J Clin
corporelle et des comorbidités liées tration d’ocytocine chez des adultes 2. Miller JL, Lynn CH, homeostasis in Endocrinol Metab
à l’obésité à l’âge adulte. ayant un syndrome de Prader-Willi a Driscoll DJ, et al. consummatory 2008;93:2800-5.
L’hypothyroïdie est observée des effets positifs sur le comportement Nutritional phases in behavior. Pharmacol 5. Guide des pratiques
dans 30 % des cas en moyenne et et les habilités sociales et peut-être Prader-Willi syndrome. Biochem Behav partagées. http://
le déficit corticotrope dans 10-60 % sur la satiété.3 De plus, la seule hor- Am J Med Genet A 2010;97:47-54. guide-prader-willi.fr/
des cas. mone orexigène de notre organisme,

1274 Vol. 65 _ Décembre 2015

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT

Que risque l’enfant obèse ?

Des complications à plus


ou moins long terme

S
i le diabète s’observe parfois avant la puberté, il quent, le diabète s’observe parfois plus précocement, MARC NICOLINO,
est très exceptionnellement vu avant l’âge de avant la puberté, mais très rarement avant l’âge de 8 ans. CARINE VILLANUEVA
8 ans. Les comorbidités et les complications Sur le plan clinique, l’acanthosis nigricans est un Service
de l’obésité peuvent apparaître dès l’enfance bon marqueur de l’insulinorésistance (fig. 1). Parmi les d’endocrinologie,
et l’adolescence. Elles comprennent des anomalies qui facteurs biologiques prédictifs d’un diabète, l’intolé- diabétologie
s’observent au niveau de tous les grands systèmes d’or- rance au glucose (glycémie à jeun > 110 mg/dL) et les et métabolisme
ganes (endocrinien, cardiovasculaire, gastro-intestinal, taux élevés d’insuline (insulinémie à jeun > 20 μU/mL) pédiatriques, hôpital
orthopédique, pulmonaire) mais aussi au niveau psycho- sont des marqueurs biologiques faciles à déterminer Femme-Mère-Enfant
social et émotionnel. Parmi les situations pathologiques en routine. Aussi, le rapport glycémie/insulinémie à de Lyon, Bron, France
fréquentes, le syndrome métabolique* pourrait concer- jeun inférieur à 7, de même qu’un taux d’hémoglobine marc.nicolino
ner jusqu’à 30 % des enfants et adolescents obèses.1 glyquée (HbA1c) entre 5,7 et 6,4 % suggèrent l’existence @chu-lyon.fr
La plupart des facteurs de risque prédisposant à ces d’une insulinorésistance chez un enfant ou un adoles- carine.villanueva
complications restent à élucider afin de permettre une cent obèse. @chu-lyon.fr
meilleure stratégie de prise en charge individualisée, Le dépistage précoce et systématique du diabète de
surtout lorsque l’évolution de l’excès pondéral n’est pas type 2 est primordial car la symptomatologie est en règle
favorable. Les aspects thérapeutiques de chacune des générale absente et la progression des complications * Tel qu’il est
complications ne seront pas abordés en détail ici, dès lors (néphropathie, rétinopathie, athérosclérose) plus rapide défini chez les
qu’ils n’ont pas d’aspects spécifiques par rapport au trai- que lorsque la maladie diabétique apparaît plus tardive- adultes obèses,
tement proposé chez le sujet adulte. ment à l’âge adulte (fig. 2). particulièrement ceux
qui ont une adiposité
Augmentation du risque de décès Croissance et puberté abdominale, avec
prématuré la combinaison plus
Les enfants obèses se caractérisent par une accélération ou moins complète
Indépendamment de la situation pondérale à l’âge adulte, de la vitesse de croissance et de la maturation osseuse, d’une hypertension
la survenue d’une obésité dès l’enfance ou l’adolescence avec une tendance au développement d’une puberté avan- artérielle, d’une
augmente le risque de décès prématuré plus tard au cours cée chez la fille.4 hyperglycémie, d’une
de la vie. Cette mortalité est en rapport avec des patholo- Les jeunes adolescentes obèses ont un risque de hypertriglycéridémie
gies comme le cancer du sein chez la femme, ou la coro- développer un syndrome des ovaires polykystiques, et d’une diminution
naropathie ischémique chez l’homme.2 caractérisé par une hyperandrogénie associée à un cer- du taux du
tain nombre de signes cliniques (hirsutisme, règles >>> HDL-cholestérol.
Un risque élevé et précoce de diabète
de type 2

Un diabète de type 2 s’observe chez environ 5 % des en-


fants âgés de plus de 10 ans avec des caractéristiques
importantes à connaître pour le dépister précocement.3
Une insulinorésistance pathologique se développe
en cas d’obésité majeure. Par ailleurs, en période de
croissance et de développement pubertaire, on note
normalement une baisse physiologique de la sensibilité
à l’insuline de l’organisme. L’addition de ces deux phé-
nomènes explique, chez ces enfants, l’élévation des taux
d’insuline circulante qui ont un rôle déclenchant du Figure 1. LÉSIONS D’ACANTHOSIS NIGRICANS signalant la présence
diabète de type 2 au moment de l’adolescence. Par consé- d’une insulinorésistance chez une adolescente obèse.

Vol. 65 _ Décembre 2015 1275

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT

Un risque accru de dépression


et d’isolement social
Quand faut-il Comment ?
le rechercher ? L’enfant obèse est plus exposé à l’hostilité de son entou-
rage et aux vexations de ses pairs. Il peut en résulter une
perte de l’estime de soi et un risque augmenté de dépres-
sion. Ce risque s’aggrave avec les années si le patient
ne voit pas d’amélioration de sa condition pondérale.
Ces sujets déprimés donnent souvent le change par un
Obésité sévère Dosage glycémie / insulinémie comportement faussement jovial. L’association de cette
+ à jeun + HbA1c tendance dépressive avec un degré plus élevé d’anxiété
au moins 2 des autres tous les ans à partir de l’âge de 10 ans entraîne souvent une capacité limitée à communiquer
facteurs suivants : ou au début des signes de puberté conduisant à des problèmes d’isolement social ou d’ab-
sentéisme scolaire. Ces comportements favorisent les
troubles alimentaires et la baisse d’activité physique, ce
qui aggrave le surpoids.
De façon globale, on note une détérioration majeure
de la qualité de vie rapportée par l’enfant obèse en
comparaison avec les enfants sains.6
l F ACTEUR 1 : histoire familiale forte de diabète de type 2
diabète de type 2 chez apparentés de 1eret 2e degré, diabète Une prévalence élevée de stéatose
gestationnel chez la mère hépatique
FACTEUR 2 : signe(s) d’insulinorésistance et/ou de la lignée
l 
La prévalence de la stéatose hépatique non alcoolique
du syndrome métabolique
pourrait concerner jusqu’à près de 10 % des enfants et
acanthosis nigricans, syndrome des ovaires polykystiques et autres adolescents.2 Elle évolue généralement de façon asymp-
signes d’hyperandrogénie chez la fille, stéatose hépatique, adiposité tomatique et en association au syndrome métabolique
abdominale (tour de taille/taille > 0,5 ; mesure ceinture à mi-distance et au diabète de type 2. Environ un quart de ces patients
base thoracique-crête iliaque) développent une hépatite stéatosique qui évolue dans
certains cas vers la cirrhose.
l F ACTEUR 3 : origine familiale à risque de diabète de type 2
Au stade de stéatose simple, les signes cliniques sont
Antilles, Polynésie, Afrique, Asie rarement observés : douleurs à l’hypochondre droit,
hépatomégalie, altération de l’état général. Sur le plan
biologique, le niveau d’élévation des enzymes hépa-
Figure 2. DÉPISTAGE DU DIABÈTE DE TYPE 2 CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT. tiques, notamment les transaminases, ne reflète pas
forcément la sévérité de l’atteinte hépatique qui est
mieux corrélée avec le degré de sévérité de l’obésité et
irrégulières, acné). Ces perturbations de l’axe hypo- la présence d’autres complications associées.8 Cepen-
physe-ovaires sont en partie responsables de la diminu- dant, la stéatose peut exister aussi chez des patients
tion de la fertilité de la femme obèse adulte. ayant des obésités moins sévères. L’échographie, qui a
l’avantage de documenter facilement la présence d’une
Augmentation du risque surcharge graisseuse du foie, permet de préciser une
cardiovasculaire forme grave de stéatose lorsqu’elle met en évidence une
splénomégalie ou des nodules hépatiques associés.
M. Nicolino n’a Des données récentes montrent que le processus d’athé- La présence de lithiases biliaires est fréquente et
pas transims de rosclérose commence dès l’enfance et évolue de façon doit être évoquée devant des signes assez spécifiques
déclaration d’intérêts. progressive. Chez les enfants et les adolescents, il est (douleurs épigastriques ou sous-hépatiques, ictère,
C. Villanueva déclare possible de documenter de façon très significative l’as- nausées, vomissements, intolérance aux graisses).
des interventions sociation entre le surpoids et la fréquence accrue de lé- L’échographie est l’examen de choix pour confirmer la
ponctuelles sions athéromateuses au niveau de l’aorte et des artères présence de calculs. La fréquence du reflux gastro-œso-
pour Ipsen Pharma coronaires.5 Le risque d’hypertension artérielle et d’hy- phagien est également augmentée chez l’enfant obèse.
et avoir été prise pertrophie ventriculaire gauche secondaire est aussi
en charge, à l’occasion nettement augmenté. Dépister systématiquement
de déplacements L’anomalie des lipides et des lipoprotéines la plus les apnées du sommeil
pour congrès, fréquemment associée à l’obésité est l’augmentation des
par Merk Serono triglycérides et la diminution du taux de cholestérol lié Comme cela est observé chez l’adulte, l’enfant obèse peut
et Sandoz. aux lipoprotéines de haute densité (HDL-cholestérol). avoir des apnées du sommeil responsables d’hypoxémie,

1276 Vol. 65 _ Décembre 2015

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT

avec un risque augmenté d’hypertension pulmonaire et nausées, vomissements, gêne visuelle, diplopie. Le fond
d’hypertension artérielle en cas d’évolution au long d’œil à la recherche d’un œdème papillaire doit être alors
cours. Les signes cliniques évocateurs d’apnées obstruc- systématique devant le risque potentiel de cécité.
tives sont à rechercher systématiquement : présence
de ronflements, respiration nocturne irrégulière avec CONTRÔLER LE SURPOIDS
pauses, somnolence diurne entraînant des difficultés Le contrôle du surpoids constitue le traitement de pre-
de concentration et de comportement à l’école. mière ligne pour la grande majorité des complications
Le syndrome d’hypoventilation alvéolaire central est liées à l’obésité chez l’enfant et l’adolescent. Parmi elles,
une urgence thérapeutique. Cette complication s’observe le diabète de type 2, la stéatose hépatique ou les maladies
en cas d’obésité morbide, souvent révélée par un épisode cardiovasculaires, longtemps considérées comme étant
d’insuffisance respiratoire aiguë. Les céphalées, qui le propre des adultes, sont dorénavant régulièrement
signent la présence d’une hypercapnie chronique, peuvent observés chez les enfants obèses. Enfin, la survenue des
être un symptôme annonciateur à prendre en compte. complications secondaires du diabète est d’apparition
Il existe également une association entre l’obésité plus précoce chez l’adolescent obèse que chez l’adulte.
et l’asthme, indépendamment des facteurs de risque De nouveaux traitements pharmacologiques ciblés
classiques comme l’exposition au tabac. sur les différentes anomalies endocriniennes et métabo-
liques (incrétines, inhibiteurs du transporteur sodium-
Tibia vara et risque d’épiphysiolyse glucose de type 2 [SGLT2]…) sont en cours d’évaluation
chez l’enfant. En attente de recommandations spéci-
Les deux principales manifestations orthopédiques dues fiques, la prise en charge reste surtout limitée aux règles
à l’impact de l’excès pondéral sur le squelette sont le tibia hygiéno-diététiques et aux molécules dont les indications
vara et l’épiphysiolyse fémorale supérieure. sont déjà reconnues (metformine). V
Le tibia vara, ou maladie de Blount, résulte d’une
insuffisance mécanique de l’épiphyse supérieure du tibia
avec une déformation progressive en varus donnant un RÉSUMÉ QUE RISQUE L’ENFANT OBÈSE ?
aspect de « jambes arquées ». La torsion tibiale est Les complications de l’obésité peuvent se voir dès l’enfance. Elles comprennent des anomalies multiples et variées qui
souvent masquée par l’adiposité, ce qui rend la radio- s’observent au niveau de tous les grands systèmes d’organes. Ces anomalies surviennent à plus ou moins long terme.
graphie nécessaire pour vérifier la présence de cette Dans ce contexte, la question de l’impact du développement précoce de l’obésité sur l’état de santé global et la morta-
complication. lité est posée. Les co-morbidités les plus fréquentes sont décrites ainsi que les différents indicateurs cliniques et para-
L’épiphysiolyse de la hanche est une complication cliniques qui permettent de les dépister.
qui s’observe surtout chez le grand enfant en dernière
phase de croissance. Il s’agit d’une urgence chirurgicale SUMMARY WHAT IS THE RISK FOR OBESE CHILDREN?
dont les signes d’appel sont parfois sous-estimés chez The complications of obesity may be observed during childhood. They include multiple and varied anomalies that are found
l’enfant obèse qui se présente avec une boiterie, des dou- in all major organ systems. These abnormalities occur in the more or less long term. In this context, the question of the
leurs (hanche, aine, cuisse, genou) et une impotence impact of early development of obesity on overall health status and mortality is asked. The most frequent comorbidities
fonctionnelle plus ou moins importante. La radiographie are described and the different clinical and para-clinical indicators that allow to detect them.
met en évidence le glissement de l’épiphyse fémorale
supérieure par rapport au col fémoral. Dans près d’un
tiers des cas, les lésions sont bilatérales. RÉFÉRENCES adolescents with marked Circulation 2001;103:1546-50.
Par ailleurs, on observe chez les enfants obèses une 1. Cook S, Weitzman M, Auinger P, obesity. N Engl 6. Schwimmer JS, Burwinkle TM,
prévalence élevée de genu valgum, des fractures et des Nguyen M, Dietz WH. Prevalence J Med 2002;346:802-10. Varni JW. Health-related quality
douleurs musculo-tendineuses (dos, membres inférieurs, of a metabolic syndrome 4. Currie C, Ahluwalia N, of life of severely obese children
pieds). phenotype in adolescents: findings Godeau E, Nic Gabhainn S, and adolescents. JAMA
from the third National Health Due P, Currie DB. Is obesity 2003;289:1813-9.
D’autres complications potentielles and Nutrition Examination Survey, at individual and national 7. Schwimmer JB, Deutsch R,
1988-1994. Arch Pediatr level associated with lower Kahen T, Lavine JE, Stanley C,
Sur le plan dermatologique Adolesc Med 2003;157:821-7. age at menarche? Evidence Behling C. Prevalence of fatty
L’adiposité favorise les intertrigos, les furonculoses, l’hi- 2. Must A, Phillips SM, Naumova from 34 countries in the health liver in children and adolescents.
dradénite suppurée (aines, aisselles), les vergetures. EN. Occurrence and timing behaviour in school-aged Pediatrics 2006;118:1388-93.
L’acanthosis nigricans (peau hyperpigmentée, épaissie, of childhood overweight and children study. J Adolesc 8. Sundaram SS, Sokol RJ,
hyperkératosique) est associé à l’insulinorésistance et mortality: findings from Health 2012;50:621-6. Capocelli KE, et al. Obstructive
s’observe surtout au niveau de la nuque, des aisselles (fig. 1). the Third Harvard Growth Study. 5. McGill Jr HC, McMahan CA, sleep apnea and hypoxemia
J Pediatr 2012;160:743-50. Zieske AW, Malcom GT, Tracy RE, are associated with advanced
Sur le plan neurologique 3. Sinha R, Fisch G, Teague B, et al. Strong JP. Effects of nonlipid risk liver histology in pediatric
On note chez l’enfant obèse une prévalence augmentée Prevalence of impaired glucose factors on atherosclerosis in youth nonalcoholic fatty liver disease.
d’hypertension intracrânienne idiopathique (pseudotu- tolerance among children and with a favorable lipoprotein profile. J Pediatr 2014;164:699-706.
mor cerebri) dont les signes cliniques d’appel sont variés :

Vol. 65 _ Décembre 2015 1277

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT

Prise en charge de l’enfant en surpoids ou obèse

Seule une action dans la


durée fondée sur un diagnostic
éducatif peut réussir

L’
BÉATRICE JOURET, obésité est une maladie chronique qui ne bé- Approche intégrée et entretien
AUGUSTIN RAUPP néficie pas d’un traitement médicamenteux motivationnel
Hôpital des Enfants, reconnu malgré de récents résultats promet-
CHU de Toulouse, teurs. Elle est cependant encore considérée la Des auteurs4 ont montré qu’une prise en charge avec
RéPPOP plupart du temps par les familles, voire même par certains des interventions structurées et multidisciplinaires
Midi-Pyrénées, soignants, comme une phase transitoire qui « ne devrait comportant des rencontres cliniques fréquentes donnait
Toulouse, France pas durer ». Cette maladie est non seulement chronique des résultats faiblement positifs en termes d’amélio-
jouret.b@ mais d’évolution lente tant au niveau des complications ration de l’IMC, même si l’enfant mettait en place des
chu-toulouse.fr que des résultats de la prise en charge. C’est pour cette changements au niveau diététique, de l’activité physique
raupp.a@ raison qu’un grand nombre de soignants s’impatientent et du temps passé devant un écran (v. encadré).
chu-toulouse.fr sur des résultats peu probants et trop lents. En effet, le D’autres auteurs 5 ont souligné l’importance de
suivi médical reste difficile, avec de nombreux patients former tous les soignants à l’entretien motivationnel.
perdus de vue et des résultats plutôt décevants. Ils ont comparé les résultats de trois groupes de parents
B. Jouret et A. Raupp d’enfants âgés de 2 à 8 ans en surpoids. Le groupe suivi
déclarent n’avoir Des résultats modestes par des intervenants formés à l’entretien motivationnel
aucun lien d’intérêts. a obtenu une plus forte diminution d’IMC après 2 ans
Les études randomisées, après interventions sur le style de suivi par rapport au groupe « soins usuels », compa-
de vie des enfants, montrent de très faibles résultats sur rable à celle obtenue dans le groupe recevant des soins
l’indice de masse corporelle (IMC) : une baisse de l’IMC coordonnés dans une clinique pédiatrique. Dans cette
de 0,14 déviation standard (DS) après 1 an de prise en étude, la diminution de l’IMC était corrélée au nombre
charge chez les adolescents,1 et de 0,04 DS chez les enfants d’entretiens motivationnels avec les parents.
de moins de 12 ans ; une méta-analyse2 sur 32 000 enfants L’entretien motivationnel semble donc une stratégie
et adolescents montre une diminution très faible de l’IMC efficace permettant d’améliorer les résultats de la prise
de 0,02 DS. Malgré le faible impact sur l’IMC, ces résultats en charge. Une méta-analyse6 sur l’entretien motivation-
ne peuvent pas être considérés comme négligeables nel en population adolescente et adulte montre une
sachant que, sans intervention, l’IMC progresse inexo- efficacité surtout sur la perte de poids, le niveau de
rablement dans ces situations. Une méta-analyse3 a relevé pression artérielle et les addictions.
le type d’intervention utilisé dans six études (parmi Une étude randomisée 7 réalisée chez 357 adoles-
529 articles sélectionnés correspondant à 674 enfants et cents âgés de 14 à 18 ans a montré qu’associer l’impli-
adolescents en surpoids et obèses de 3 à 18 ans) : quatre cation des parents dans la prise en charge améliorait
études proposaient des interventions multiples sur le encore les résultats des entretiens motivationnels. Une
style de vie, et deux études une intervention portant autre étude8 a obtenu des résultats similaires sur des
uniquement sur l’activité physique. Cette méta-analyse enfants plus jeunes, 96 enfants de 5 ans ayant un surpo-
montre peu d’impact sur le parcours scolaire des enfants ids (IMC > au 85e percentile) et un parent en surpoids.
et adolescents et sur leurs capacités cognitives en dehors Le groupe « interventions sur les parents et les enfants »
de l’intervention sur l’activité physique qui améliore pendant 1 an, fondées sur le changement de compor-
les résultats en mathématiques, les fonctions exécutives tement, a montré une diminution plus importante de
et la mémorisation. Même si les effets sont faibles, les l’IMC que le groupe « simple information » des enfants
bénéfices de ces interventions reprennent l’importance et de leurs parents avec une corrélation positive entre
de promouvoir par les décideurs politiques, dans les le changement de poids de l’enfant et du parent à 12 et
écoles, une activité physique et une alimentation saine. 24 mois.

1278 Vol. 65 _ Décembre 2015

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT

FOCUS
Destination Chalaxie : une
application interactive pour
la prise en charge de l’obésité

U
n collectif pluriprofessionnel son rôle d’explorateur et lui donne les
de soignants, membres de instructions lors de leur expédition,
l’Association pour la prise en guidée par le soignant. D’un simple
charge et la prévention de l’obésité en clic, la fusée part en direction de la pla-
pédiatrie (APOP) et de la Coordina- nète choisie où l’enfant est confronté
tion nationale des réseaux de préven- à diverses situations, mobilisant des
tion et de prise en charge de l’obésité ressources en lien avec la compétence
pédiatrique (CNRéPPOP), réuni afin évaluée. En fin de séquence, il est ame-
d’harmoniser les pratiques d’évaluation né à s’auto-évaluer puis à s’accorder
en éducation thérapeutique (ETP), a avec le soignant sur sa production.
élaboré une application ludique et in- Un drapeau est placé sur la planète,
teractive, accessible à tout soignant donne lieu à la visite d’une ou plusieurs indiquant le niveau d’acquisition de la
formé à l’ETP, quel que soit son mode planètes, l’enfant et le soignant s’ac- compétence. La synthèse peut être par-
d’exercice. L’outil propose d’évaluer cordant sur le choix de la destination, tagée de façon sécurisée avec les autres
10 compétences, représentées par en fonction des besoins éducatifs du partenaires impliqués dans le parcours
10 planètes constituant la « Chalaxie ». patient et du champ de compétences de soins. L’aventure peut se poursuivre,
Leur exploration sert de fil conducteur du professionnel. Filoche, un chat spa- le copilotage est alors laissé aux mains
aux séances d’évaluation. Chacune tionaute, accompagne l’enfant dans d’un autre professionnel. V

Les résultats sur l’IMC de l’enfant sont donc meil- charge avec des interventions éducatives multidimen-
leurs dès lors que le parent est impliqué activement dans sionnelles et multidisciplinaires. Plusieurs études4, 5
la prise en charge. Le rôle des parents est déterminant ont insisté sur l’importance de l’intégration des soins
dans la construction de l’individu. Il est le premier et pour améliorer les résultats. Les auteurs la définissent12
dernier appui vers l’autonomie.9 Les adolescents atten- comme une coordination primordiale entre profession-
dent des limites de la part de leurs parents. Le style nels, avec un accompagnement du patient et un aména-
parental démontré le plus efficace dans les maladies gement des soins, une prise en charge continue dans le
chroniques de l’enfant est le style cadrant, parmi les temps et une adaptation aux besoins du patient et de sa
autres styles, autoritaire, permissif et négligent.10 Le famille ; le partage des responsabilités entre patients,
style cadrant met certaines limites tout en laissant familles et soignants permettant d’optimiser les soins.
de l’autonomie à l’adolescent. Les parents sont le plus Pour une réussite à long terme, il apparaît efficace de
souvent autoritaires, ne discutent pas avec l’adolescent s’appuyer sur les concepts de l’ETP en intégrant les
et le dévalorisent. Ils ont besoin de renforcer leur sen- soins et en les coordonnant.
timent d’auto-efficacité en repensant leur façon de se Les recommandations de la Haute Autorité de san-
positionner par rapport à leur enfant (discussion, té13 préconisent un entretien de compréhension avec
valorisation, écoute active, compréhension). l’enfant et sa famille pour recueillir les données et éla-
borer le diagnostic éducatif. Celui-ci doit aborder les
Éducation thérapeutique questions suivantes : Qui est-il ? Qu’est-ce qu’il a ?
Qu’est-ce qu’il fait ? Qu’est-ce qu’il sait ? Qu’est-ce qu’il
L’éducation thérapeutique (ETP) part des besoins du croit ? Que ressent-il ? Quel est son projet ? Quelle est
patient, et, par la discussion, la reformulation, la valo- sa demande ?
risation, l’écoute active, la compréhension, le soignant Cette approche inclut :
avance au rythme du patient dans la mise en place des – la reconnaissance par l’enfant et sa famille du rôle des
changements de comportements de vie. L’ETP a fait ses facteurs environnementaux (et notamment l’entourage
preuves dans l’amélioration des résultats du patient. familial) ;
Une méta-analyse11 a montré que, dans 64 % des cas, – l’identification des attentes de l’enfant ;
l’ETP a un effet positif sur les résultats de la prise en – l’évaluation de ses compétences dans la pratique >>>

Vol. 65 _ Décembre 2015 1279

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT

FOCUS
Activité physique ment qu’ils se sentent capables de réaliser et envisagent
les stratégies permettant de les atteindre ; ces stratégies

et sédentarité
impliquent le plus souvent les parents et suscitent
des changements à l’échelle familiale. Chaque objectif
est adapté aux besoins et attentes identifiés, aux
compétences et à la vie quotidienne de l’enfant et de sa
famille, point de départ de la prise en charge. Il s’agit

L
a sédentarité est reconnue par mentation des risques cardiovas- d’une approche bottom-up partant de ce qui est, par op-
l’Organisation mondiale de la culaires et métaboliques.18 Des études position à l’approche top down qui part de ce que le soi-
santé comme le quatrième fac- internationales ont montré que 80,3 % gnant veut. Les compétences de chacun sont évaluées,
teur de risque de mortalité dans le des jeunes de 13 à 15 ans font moins ce qui permet d’orienter la prise en charge et d’acquérir
monde.15 La société actuelle contribue de 60 minutes d’activité physique les compétences manquantes, grâce aux programmes
au phénomène de « sédentarisation ». par jour et que 67 % passent au moins d’ETP et aux soins de suite et de réadaptation.
Il convient de distinguer les compor- 2 heures par jour devant la télévision.19
tements sédentaires (faible niveau Faire émerger la motivation Différents recours
de dépense énergétique ≤ 1,5 équi- à pratiquer une activité physique
valent métabolique [MET] lors d’une chez l’adolescent obèse est parfois Les différents recours (v. figure)13 sont proposés en fonc-
situation d’éveil) de l’inactivité, carac- complexe ; les stratégies doivent tion de l’état des lieux initial :
térisant la non-atteinte des seuils mettre l’accent sur les déterminants – le 1 er recours correspond à une prise en charge de
d’activité physique recommandés.16 environnementaux (physiques et proximité de l’enfant et sa famille par le médecin
Le comportement sédentaire sociaux), en particulier le modèle traitant de l’enfant. Il peut nécessiter des ressources
le plus délétère est le temps passé familial. L’activité physique doit donc complémentaires de proximité, telles que l’intervention
devant les écrans et particulière- être intégrée à la démarche éducative de diététiciens ou de psychologues. L’importance étant
ment la télévision. En plus de la faible du soignant qui explorera les freins l’interdisciplinarité, c’est-à-dire de faire le lien entre
dépense énergétique qu’il induit, il à la pratique des activités physiques les différents intervenants pour construire une attitude
affecte les signaux contrôlant la prise et sportives (représentations person- cohérente de soins. Le réseau de prévention et de prise
alimentaire. 17 Indépendamment du nelles et familiales, ressenti et vécu en charge de l’obésité pédiatrique (RéPPOP) est au
niveau d’activité physique, il est as- négatifs par le passé, faible senti- centre du 1er recours. Il est nécessaire cependant qu’au
socié à une diminution de la condi- ment d’efficacité personnelle), les moins un des intervenants ait reçu la formation RéP-
tion physique, de l’estime de soi, des ressources existantes et à mobiliser, POP afin de coordonner les soins ;
performances scolaires et une aug- les bénéfices attendus. V – le 2e recours correspond à une prise en charge mul-
tidisciplinaire organisée à l’échelle d’un territoire,
faisant appel à des professionnels spécialisés. Les
programmes d’ETP et les soins de suite et de réadap-
de l’exercice physique, l’alimentation, etc., et des tation ont ici leur place. Ces derniers peuvent être le
compétences d’adaptation qui les soutiennent (avoir déclencheur dans la motivation (en partie du fait de la
confiance en soi, prendre des décisions, se fixer des présence du groupe) ou permettre aux enfants très
buts et faire des choix, etc.) ; sédentaires de découvrir différents sports. Le lien
– l’appréciation de sa motivation et de celle de sa famille en amont de la venue de l’enfant se fait entre l’équipe
à apporter des changements à leurs habitudes de vie. prescriptrice et celle des soins de suite afin de définir
À partir de 8-10 ans, et en fonction de la maturité les critères d’inscription et les objectifs du séjour. De la
de l’enfant, il est intéressant de prévoir, en plus des même façon, un retour est fait à l’équipe prescriptrice
entretiens en famille, des temps d’entretien séparés afin de réajuster le diagnostic éducatif  ;
pour les enfants et les parents. – le 3e recours est organisé à une échelle régionale et
Chez l’adolescent, ces temps séparés doivent être correspond à une prise en charge coordonnée par un
systématiquement proposés. Cet entretien a pour but médecin et une équipe spécialisés. Il s’agit des obésités
d’identifier les leviers sur lesquels il est possible d’agir sévères avec de multiples échecs et/ou des comorbidités
pour modifier les habitudes de vie ayant contribué au dans un contexte psychosocial défavorable. Ces enfants
développement et au maintien de l’obésité (sédentarité, peuvent avoir des troubles du comportement alimen-
temps passé devant les écrans, stress familiaux, condi- taire, et le psychiatre a ici un rôle primordial. Ce type
tions de prise des repas, courses, etc.). d’obésité demande aussi le plus souvent de travailler
De ce diagnostic éducatif découle la prise en charge avec le secteur social de proximité afin de proposer, en
qui est réajustée à chaque consultation. Le médecin doit fonction de la situation, une aide éducative et/ou l’aide
aider l’enfant et sa famille à trouver eux-mêmes des d’un travailleur en économie sociale et familiale. Des
solutions en évitant de leur imposer son propre point séjours prolongés en soins de suite et de réadaptation
de vue. Ils choisissent ensemble un nombre limité d’ob- sur l’année scolaire peuvent être proposés, surtout si
jectifs précis, impliquant un changement de comporte- l’enfant est déscolarisé.

1280 Vol. 65 _ Décembre 2015

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT

Parcours de soins de l’enfant et de l’adolescent en surpoids ou obèses

Surpoids ou obésité Surpoids ou obésité avec Obésité avec


— sans complication — ascension rapide de la courbe d’IMC — comorbidités sévères
— contexte familial favorable — comorbidités associées — handicap dans la vie quotidienne généré
— pas de problème psychologique et social — contexte familial défavorable par l’obésité
majeur — problématique psychologique et sociale — contexte familial très défavorable
— problématique psychologique et sociale
majeure
Diagnostic et suivi Diagnostic et suivi d’une obésité
d’une obésité secondaire syndromique

1er recours 2e recours 3e recours


Prise en charge de proximité coordonnée Prise en charge multidisciplinaire à l’échelle Prise en charge organisée à une échelle
par le médecin habituel du territoire coordonnée par le médecin régionale et coordonnée par un médecin
— Évaluation initiale puis suivi mensuel habituel +/- équipe spécialisée et une équipe spécialisés
à trimestriel — Suivi pluridisciplinaire recommandé, — Suivi multidisciplinaire indispensable
— ± autre professionnel de proximité rythme mensuel (en réseau type RéPPOP mensuel (en réseau type RéPPOP si
(en réseau type RéPPOP si existant) si existant) existant)
— Activité physique adaptée — Activité physique adaptée
— Programme d’éducation thérapeutique — Programme d'éducation thérapeutique
en groupe ou individuel pour l’enfant et en groupe ou individuel pour l’enfant et
la famille la famille
— ± Avis/bilan spécialisé/plateau technique — Avis/bilan spécialisé/plateau technique
— Séjours courts (< 2 mois) en SSR — Séjours courts ou prolongés en SSR
(> 2 mois)

En cas d’échec En cas d’échec de


de la prise en charge la prise en charge
de 1er recours de 2e recours

Figure. ALGORITHME DU PARCOURS DE SOINS DE L’ENFANT ET ADOLESCENT EN SURPOIDS OU OBÈSE.


D’après les recommandations de la Haute Autorité de santé (réf. 13) www.has-sante.fr
CSSR : centre de soins de suite et de réadaptation ; RéPPOP : réseau de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique.

Dans le cadre du RéPPOP Midi-Pyrénées, nous avons et sportive qui a un temps dédié supplémentaire accordé
mis en place des modules internats qui sont une alter- par l’Éducation nationale et de l’accompagnement par
native à ces séjours. Ils sont issus d’un partenariat entre des professionnels du RéPPOP, c’est-à-dire plusieurs
l’Éducation nationale et le RéPPOP et proposent de ateliers diététiques sur l’année avec une diététicienne
scolariser l’adolescent dans un milieu ouvert en inter- et de groupes de parole réguliers avec une psychologue.
nat en semaine. En plus de leur scolarité, ils bénéficient De plus, un travail a été fait en amont avec la cantine
d’un suivi hebdomadaire par l’infirmière scolaire, de scolaire afin d’équilibrer les menus pour les collégiens
sport quotidien avec le professeur d’éducation physique et lycéens des différents établissements scolaires >>>

Vol. 65 _ Décembre 2015 1281

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT

accueillant ces enfants. Que l’enfant soit en soins de RÉFÉRENCES parents for obesity: young massively
suite ou en internat, il est impératif de poursuivre le 1. Oude Luttikhuis H, An RCT. Pediatrics obese diabetic
travail avec la famille. S’il ne veut pas quitter le milieu Baur L, Jansen H, 2015;135:e644-52. patients.
familial, ou si un séjour précédent n’a pas été une réus- et al. Interventions 8. Quattrin T, Roemmich Diabetes Metab
site, une hospitalisation à domicile afin de travailler for treating obesity JN, Paluch R, et al. 2009;35:532-6.
avec la famille les causes de(s) échec(s) pourrait être in children. Cochrane Treatment outcomes 15. Organisation
une aide (un tel projet va démarrer en Haute-Garonne). Database Syst Rev of overweight children mondiale de la santé.
Dans les cas extrêmes, la chirurgie bariatrique peut être 2009;1:CD001872. and parents in Global health risks:
discutée14 et nécessite la mise en place d’une transition 2. Kamath CC, Vickers KS, the medical home. mortality and burden
avec l’équipe adulte experte. Ehrlich A, et al. Pediatrics of disease attributable
L’obésité est une pathologie complexe, nécessitant Behavioral interventions 2014;134:290-7. to selected
une évaluation initiale holistique de l’enfant et de sa to prevent childhood 9. Jacquin P. major risks. Genève:
famille dans son milieu de vie. Cette étape est détermi- obesity: a L’adolescence est-elle Organisation mondiale
nante car la cohérence du parcours de soins en découle. systematic review une pathologie? Arch de la santé, 2009.
Les parents font partie intégrante du projet de soin. Le and metaanalyses Pediatr 2004;11:301-3. 16. Sedentary Behaviour
suivi ne peut réussir qu’à condition qu’il soit envisagé of randomized trials. 10. Golan M, Weizman A. Research Network.
sur le long terme comme pour toute maladie chronique, J Clin Endocrinol Metab Familial approach Letter to the editor:
avec des consultations multidisciplinaires concertées 2008;93:4606-15. to the treatment Standardized
et rapprochées au départ et fondées sur la mise en place 3. Martin A, Saunders DH, of childhood obesity: use of the terms
de changements pour toute la famille. Le parcours de Shenkin SD, Sproule J. conceptual mode. “sedentary” and
l’enfant en surpoids ou obèse est un long chemin avec Lifestyle intervention J Nutr Educ “sedentary behaviors”.
des détours mais une arrivée certaine qui nécessite des for improving 2001;33:102-7. Appl Physiol
adaptations de la part de l’enfant et des parents mais school achievement 11. Lagger G, Pataky Z, Nutr Metab Physiol
aussi du (des) soignant(s). V in overweight or Golay A. Efficacy of 2012;37:540-2.
obese children and therapeutic patient 17. Temple JL,
adolescents. Cochrane education in chronic Giacomelli AM,
RÉSUMÉ PRISE EN CHARGE DE L’ENFANT EN SURPOIDS Database Syst Rev diseases and obesity. Kent KM, Roemmich
OU OBÈSE 2014;3:CD009728. Patient Education JN, Epstein LH.
L’obésité est une maladie chronique d’évolution lente tant au niveau des complications 4. Ebbeling CB, Antonelli and Counseling Television watching
que des résultats de la prise en charge. Pour une réussite à long terme, il est néces- RC. Primary care 2010;79:283-6. increases motivated
saire de faire un diagnostic éducatif complet explorant les différentes dimensions de interventions for 12. Singer SJ, Burgers J, responding for food
l’enfant et sa famille, permettant ainsi d’orienter le parcours de soins. L’entretien pediatric obesity: Friedberg M, and energy intake
motivationnel avec les techniques d’éducation thérapeutique et l’implication des parents need for an integrated Rosenthal MB, in children. Am J Clin
sont la clef de la réussite de la prise en charge. Ils permettent, à partir de l’évaluation approach. Pediatrics Leape L, Schneider E. Nutr 2007;85:355-61.
des compétences de chacun d’eux (parents/enfant), de proposer, en fonction du 2015;135:757-8. Defining and 18. Tremblay MS,
parcours où se situe l’enfant, la prise en charge la plus ciblée. Le suivi se fera pas à 5. Resnicow K, McMaster measuring integrated LeBlanc AG, Kho ME,
pas, en interdisciplinarité concertée et sur le long terme, avec à chaque consultation F, Bocian A, et al. patient care: et al. Systematic
le choix ou le renforcement d’objectifs de changement adaptés à l’enfant et accom- Motivational promoting the next review of sedentary
pagnés de stratégies dans lesquelles les parents seront très souvent impliqués. La interviewing and frontier in health behaviour
négociation entre le(s) soignant(s), l’enfant et sa famille seront de mise. La plus grande dietary counseling care delivery. and health indicators
souplesse des deux côtés permettra d’avancer ensemble vers la finalité recherchée. for obesity in primary Med Care Res Rev in school-aged
care: an RCT. Pediatrics 2011;68:112-27. children and youth.
SUMMARY PRIMARY CARE INTERVENTIONS 2015;135:649-57. 13. Haute Autorité Int J Behav Nutr Phys
FOR PEDIATRIC OVERWEIGHT OR OBESITY 6. VanBuskirk KA de santé. Surpoids Act 2011;8:98-120.
Obesity is a slow progressive chronic disease, for the complications as well as effi- and Wetherell JL. et obésité de l’enfant 19. Hallal PC, Andersen
cacy of the care. A long-term success requires a comprehensive educational diagno- Motivational et de l’adolescent LB, Bull FC, Guthold
sis that explores the various dimensions of the child and his family, thus allowing to interviewing used (actualisation des R, Haskell W, Ekelund
define the care project. Both the motivational interviewing that is based on the in primary care. recommandations U; Lancet Physical
technics of therapeutic patient education and the parents' implication are the key A systematic review 2003). Activity Series
factors for the success of the care. They allow, from the assessment of competencies and meta-analysis. Recommandations Working Group.
of parents and child to propose, according to child's situation, the best targeted J Behav Med de bonnes pratiques, Global physical
management. The follow up will be step by step, in long-term concerted interdisci- 2014;37:768-80. septembre 2011. activity levels:
plinarity, with in each visit the possibility of choosing a new objective or reinforcing 7. Pakpour AH, Gellert P, www.has-sante.fr ou surveillance
some objectives suitable for the child, in combination with strategies that frequently Dombrowski SU, http://bit.ly/1Yrz5uh progress, pitfalls,
involve the parents. Negotiation between caregiver(s), the child and his family are Fridlund B. Motivational 14. Ciangura C, Basdevant and prospects. Lancet
suitable. The greatest flexibility on both sides will allow to go forward together to interviewing with A. Bariatric surgery in 2012;380:247-57.
reach the chosen aim.

1282 Vol. 65 _ Décembre 2015

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT
FOCUS
Organisation des soins de l’enfant
et de l’adolescent obèses

L
a complexité des déterminants dans les régions dont le cadre a été direction des professionnels qu’ils ani- MAÏTHÉ TAUBER
de l’obésité et de sa prise en redéfini par le Plan obésité# ; ment en lien avec des professionnels Unité d’endocrinologie,
charge exige une transdiscipli- – les deux S S R pédiatriques de la formation continue. obésités, maladies
narité et une coordination ville-hôpital spécialisés en obésités rares/ Ils diffusent les référentiels et les osseuses, génétique
mobilisant toutes les expertises et syndromiques dont le syndrome outils de prise en charge existants. et gynécologie
capitalisant les expériences anciennes de Prader-Willi, l’un en Île-de-France, Enfin, ils coordonnent et opti- médicale, hôpital
ou plus récentes. C’est un défi sociétal l’autre en Midi-Pyrénées en lien misent l’offre de soins sur le territoire des Enfants,
qu’il faut relever pour améliorer la avec le centre de référence ; (maillage régional) ; cette organisa- CHU de Toulouse,
santé de ces jeunes en situation de – les sites du centre de référence tion a permis de mettre en place et RéPPOP
fragilité. La France a été pionnière en du syndrome de Prader-Willi et les de coordonner les liens avec les Midi-Pyrénées,
matière de nutrition avec le lancement centres de compétences et la filière établissements de santé et en parti- Toulouse, France
dès 2001 du premier Programme maladie rare DéfiScience, mise en culier les centres hospitaliers géné- tauber.mt@
National Nutrition Santé (PNNS) et place en 2014, dans laquelle s’inclut raux afin d’optimiser l’accès aux soins chu-toulouse.fr
dans le domaine de l’obésité au travers le centre de référence du syndrome de et l’admission dans les services
du Plan obésité en 2011 qui a conduit Prader-Willi. spécialisés des enfants et/ou adoles-
à une structuration de l’offre de soins Il n’existe pas d’association de cents ayant une obésité sévère ou
pour les obésités avec une attention familles d’enfants et d’adolescents associée à des comorbidités. Elle a
particulière pour les jeunes. en situation d’obésité. En revanche, permis aussi le décloisonnement des
l’association Prader-Willi France, de acteurs de santé (monde libéral,
Les structures même que l’association Craniopha- hospitalier, institutions, différents
L’organisation des soins pour l’enfant ryngiome solidarité, sont des res- professionnels) en intégrant les ac-
et l’adolescent obèses s’appuie sur : sources majeures. Le Collectif Natio- teurs territoriaux impliqués dans la
– les réseaux de santé, comme nal des Associations d’Obèses petite enfance, l’enfance et l’adoles-
le Réseau de prévention et de prise (CNAO), principalement consacré cence par des contractualisations.
en charge de l’obésité pédiatrique aux personnes adultes, intervient
(RéPPOP), c’est-à-dire des réseaux également en pédiatrie. Le parcours de soins
ville-hôpital – 9 sont actuellement mis La Haute Autorité de santé## dans ses
en place dans le cadre de la déclinai- RÉSEAUX DE PRÉVENTION recommandations publiées en 2011
son au sein de la Direction générale ET DE PRISE EN CHARGE et le Plan obésité (2010-2013) ont
de l’offre de soins (DGOS) du PNNS DE L'OBÉSITÉ PÉDIATRIQUE identifié trois niveaux de recours dans
en 2003 – et leurs partenaires, profes- Les RéPPOP assurent la formation lesquels le médecin traitant occupe
sionnels libéraux, centres hospitaliers, (pluriprofessionnelle) initiale et conti- une place très importante : il joue un
monde associatif…, regroupés en nue des professionnels impliqués rôle clé dans la prévention ciblée de
coordination nationale, la CNRéP- dans le dépistage, la prévention et la l’obésité ; il peut identifier les enfants
POP*, et d’autres réseaux territoriaux prise en charge de l’obésité pédia- en excès de corpulence ou ceux dont
multipathologies ayant cette compé- trique (professionnels de santé libé- la courbe d’indice de masse corporelle
tence ou pouvant l’acquérir ; raux, hospitaliers et institutionnels, est anormale ; connaissant le milieu
– les 37  centres spécialisés de partenaires de la Protection maternelle familial, il peut très tôt repérer les
l’obésité (CSO) identifiés fin 2011** et infantile, de l’Éducation nationale, facteurs de risque précoces d’obésité
comprenant les 5 « centres intégrés associatifs… infantile ; il identifie les situations
de l’obésité » (CIO) mis en place en Ils ont mis en place et animent de- psychosociales difficiles, et c’est lui
2012. Leurs missions sont la prise en puis 2006 une formation diplômante, qui oriente le patient dans un parcours * www.cnreppop.
charge pluridisciplinaire de l’obésité le diplôme interuniversitaire « Obésité de soins personnalisé. Il décide du com/
sévère et l’organisation du maillage pédiatrique, approches de santé niveau de prise en charge : ** CSO : http://bit.
territorial des acteurs. Les RéPPOP, publique ». – premier recours, en ambulatoire ly/1MkaQZD
dans les territoires où ils existent, ont Ils ont participé à la création de avec un ou plusieurs professionnels #
SSR obésité :
été intégrés aux CSO ; deux programmes de développement pour des enfants/adolescents en sur- http://bit.ly/1QK5uKa
– les soins de suite et de réadapta- personnel continu (DPC) de prise poids ou en situation d’obésité sans ##
http://bit.
tion (SSR) nutrition enfants, existant en charge de l’obésité de l’enfant en complication et dans un contexte >>> ly/1HW3APu

Vol. 65 _ Décembre 2015 1283

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OBÉSITÉ ET SURPOIDS
DE L’ENFANT

M. Tauber déclare familial favorable, dans le cadre ou non centre spécialisé obésité au centre prise en charge qui commence au sein
avoir fait des d’un RéPPOP ; hospitalier universitaire avec ou sans des centres spécialisés de l’obésité
conférences lors – deuxième recours, avec une équipe séjour prolongé dans une unité de (CSO) pour aller jusqu’à la mise en
de colloques pluridisciplinaire en ambulatoire soins de suite et de réadaptation œuvre d’un projet de soins et d’ac-
pour Pfizer, Novo (dans le cadre d’un RéPPOP ou non) spécialisé pour les enfants et ado- compagnement personnalisé incluant
Nordisk, Ipsen, ou dans un établissement de soins lescents en situation d’obésité sévère les coopérations multidisciplinaires
Merck Serono, de proximité, type centre hospitalier et/ou complexe dans un contexte qui impliquent aussi bien l’hôpital
des rapports général, incluant ou non un séjour de familial et psychosocial difficile ou que la ville ». L’enjeu est majeur sur le
d’expertise pour courte durée dans un établissement dans le cadre d’une obésité syndro- plan de la santé des enfants et des
Lilly, des activités de soins de suite et réadaptation, mique ou en situation de handicap adolescents en situation d’obésité
de conseil pour lorsque la situation d’obésité com- physique et/ou mental. complexe à court, moyen et long
Alizée Pharma, prend des comorbidités associées En 2014, la DGOS, conformé- termes et justifie la réflexion et la pro-
et avoir reçu et que le contexte familial est défavo- ment aux orientations de la stratégie position d’une expérimentation avec
des financements rable et/ou qu’il existe une fragilité nationale de santé a saisi le groupe- mise en œuvre de parcours spéci-
pour des projets psychosociale ; ment de coordination des CSO fiques dans cette situation qui devrait
de recherche – troisième recours, dans le cadre du (GCSO) pour « définir la séquence de voir le jour en 2016. V
des laboratoires
Pfizer, Novo
Nordisk, Ipsen,
Sandoz ; et avoir
été pris en charge
À RETENIR
à l’occasion
de déplacements
pour congrès, LES 10 DÉFIS POUR LE MÉDECIN TRAITANT
par Pfizer, Novo
Nordisk, Ipsen, Merck
Serono et Sandoz.
Faire ou macrosomie, nécessitant des changements
— peser et mesurer l’enfant tous les l rattrapage pondéral excessif pendant de comportement et un
3 mois jusqu’à 2 ans et tous les les deux premières années. accompagnement sur le long
6 mois ensuite pour calculer l’IMC et terme.
tracer les courbes d’IMC et de taille ; Adresser
— mesurer le tour de taille et calculer les enfants avec une obésité secondaire Savoir faire
le rapport tour de taille/taille syndromique ou endocrinienne — réaliser un diagnostic partagé
(si supérieur à 0,5 après 4 ans : pour demander un avis spécialisé et fixer des objectifs avec l’enfant
risque cardiovasculaire). si on repère : et sa famille ;
— troubles de la croissance ; — réaliser un entretien motivationnel ;
Repérer — troubles du développement ; — accompagner à la mise en place
— les signes d’alerte sur les courbes : — déficits sensoriels ; de stratégies.
l courbe d’IMC ascendante — signes évocateurs.
sans descente depuis la naissance, Coordonner,
l rebond précoce d’adiposité Identifier travailler en multidisciplinarité
avant 6 ans, les troubles du comportement pour la prise en charge.
l croisement des couloirs ; alimentaire et le besoin d’un suivi
— les facteurs de risque d’obésité psychologique ou psychiatrique. Impliquer les parents
précoce : avec des objectifs pour
l enfant né de mère en surpoids Savoir être eux-mêmes en travaillant
ou obèse, et parler du surpoids ou de l’obésité sur le style éducatif cadrant.
l prise de poids excessive à l’enfant et à sa famille.
pendant la grossesse, Changer ses pratiques,
l tabagisme pendant la grossesse, Comprendre ne pas hésiter à voir l’enfant
l petit poids de naissance qu’il s’agit d’une médecine lente et les parents séparément.

1284 Vol. 65 _ Décembre 2015

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