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La religion

Citations pour s’inspirer:

- Alain « Rien n'est plus dangereux qu'une idée quand on n'a qu'une
idée. »

- Alain : « Tous les maux humains, sans excepter la guerre, viennent de


ce que l'on croit trop vite et avec bonheur. » III pour finir
- Alain : « Rien n'est plus dangereux qu'une idée quand on a qu'une
idée, j'ai vu courir la plus meurtrière de toutes les idées... Il s'agit d'une
théologie nouvelle qui a ses fanatiques et ses martyrs. Un nouveau
dieu qui est la source des dieux. Et en même temps un dieu qui parle,
qui ordonne, qui récompense, qui punit, un dieu que l'on touche de la
main, un dieu sensible au cœur; un dieu qu'il est doux et enivrant
d'aimer; qu'il est amer de ne pas aimer » III la religion civile est aussi
dangereuse que l’autre. Danger de l’univocité de la vérité. ».   
- Valery «  Que serions-nous sans le secours de
ce qui n'existe pas. »

L’amorce :

Le philosophe Kierkegaard écrit que « L'inverse du désespoir, c'est croire. ».

Etymologie du mot « religion » :

- « Religare » : attacher, relier, joindre, cimenter, créer une communauté, souder


les individus dans la communauté.
-
- « Religere » latin : « relire » : réinterpréter, connaître, entendre et comprendre,
donner un sens.

La problématique :

Si la religion permet aux hommes de se lier et de connaître, il se trouve que


d’autres moyens l’autorisent aussi, dès lors les deux fonctions de l’attachement et de
la connaissance suffisent-elles pour définir la religion ? Cette dernière définit-elle
universellement la nature de l’homme ou n’est-elle qu’une modalité possible de
l’esprit et de la spiritualité qui ne sont pas nécessairement religieux ?

I/La religion révèle le caractère métaphysique de l’homme : le phénomène religieux fait


partie de la nature de l’homme et est constitutif de son être et de son essence dans le
monde :

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1) L’apparition des croyances et des rites religieux est contemporaine à l’apparition de
l’homo sapiens  qui eu conscience de la mort, qui a pensé à la possibilité d’une autre
une vie après la mort et qui a pratiqué des rites et sanctifié des lieux et des
territoires :

Dans cette perspective Leroi-Gourhan, éthologue, anthropologue et historien des cultures


et des civilisations, a démontré que les premiers homo sapiens avaient institué des rites
funéraires et produit des peintures rupestres. Il déduit de ses études que nos ancêtres
avaient conscience de la mort et concevaient aussi l’idée de la vie après la mort ou de la
renaissance car ils enterraient toujours leurs morts avec des offrandes, des objets précieux,
des habits, de la nourriture et des armes. Il s’ensuit que ces hommes primitifs avaient
nécessairement un sentiment religieux puisqu’ils avaient conscience de la mort.

C’est d’ailleurs ce qui permet à Mircea Eliade, philosophe et historien des religions,
d’affirmer que depuis le début de l’histoire de l’homo sapiens, toute communauté humaine
s’organise autour du sacré exprimé par les pratiques ancestrales établies autour du tabou et
de l’interdit qui permettent l’appartenance à la communauté et réalisent son enracinement
dans l’histoire longue : " Le sacré, écrit-il, n'est pas un stade de l'histoire de la conscience,
c'est un élément de la structure de la conscience (...). C'est (...) l'expérience d'une réalité et
la source de la conscience d'exister dans le monde. il consolide cette vision en affirmant que
«  l’homme des sociétés primitives s’est efforcé de vaincre la mort en la transformant en un
rite de passage.».

C’est donc le rapport au scandale de la mort et le désir de le justifier pour se consoler ou


apprendre à le supporter qui expliquerait le besoin que les hommes ont du religieux. Dans
ces culture préhistoriques, ce travail de transfiguration et de symbolisation de la mort par le
processus de sacralisation a affecté aussi la sexualité et l’enfantement car ces deux
phénomènes sont liés à la vie et à la mort : ils constituent une affirmation de la volonté de
vivre et de durer tout en imposant l’expérience de la limite, du risque de la perte, de la
fragilité et donc de la mort.

2- Mircea Eliade considère que l’homme naturellement angoissé, a trouvé dans le sentiment
religieux un dérivatif efficace à ses peurs et à ses inquiétudes :

-«Aux niveaux les plus archaïques de la culture, vivre en tant qu’être humain est en soi un
acte religieux, car l’alimentation, la vie sexuelle, et le travail ont une valeur sacramental.
Autrement dit, être – ou plutôt devenir – un homme signifie être « religieux. ». Donc, la
religion est une dépendance nécessaire de la nature angoissée et inquiète de l’homme, cet
être faible et démuni jeté dans un monde hostile et inhospitalier.

- De nombreux penseurs considèrent que l’homme primitif doté d’une conscience


supérieure par rapport aux animaux a eu conscience de sa petitesse en face de la grandeur
de la nature et de sa faiblesse en face des éléments naturels tels que les inondations, la
foudre, l’éclair, etc. Devant le défi de ces menaces effrayantes, l’homme a tenté de les

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apprivoiser et d’annuler leur menace en les concevant comme des puissances surnaturelles
ou divines. Il a pu ainsi échapper au caractère déstabilisant et nocif du sentiment de la
faiblesse et de la fragilité. Sur la base de cette croyance l’homme pouvait demander la
protection et la clémence de ces puissances et gagner ainsi en assurance et en sécurité.
D’ailleurs, dans le mythe grec le titan Prométhée compense la faiblesse native des hommes
en leur faisant l’offrande du feu, du langage, de la mêtis ( la ruse) et de la sagesse, il
représente ainsi une force naturelle que les hommes transforment en force protectrice qui
les soutient et les aiment.

En effet, depuis que l’homme est conscient et doté de la capacité de la parole, advenir au
monde constitue pour lui une expérience traumatisante placée sous le signe de la perte.
C’est ce que a tenté de montrer le psychologue, Otto Rank à travers sa théorie de la
naissance comme trauma originel. Il considère en effet que pour l’homme il y a un
inconvénient à être né parce que son arrivée au monde est un événement douloureux et
traumatisant marqué par la séparation avec la mère. Or pour sortir de cet état, l’homme est
contraint d’être en excès par rapport à sa nature et à sa condition : il agit, réagit et lutte pour
exister et affirmer sa puissance. La religion serait une modalité de réalisation de ce désir de
persévérer dans l’être. Dans la même perspective, Pic de la Mirandole avait démontré que
l’essence de l’homme est de ne pas avoir d’essence. Il stipulait ainsi le fait que puisque
l’homme est néant, cela le rendait capable de devenir tout ce qu’il voulait être : la religion
serait ainsi une modalité de ce pouvoir de la perfectibilité.

3-Outre cela, la religion serait une ruse de la nature pour inciter les hommes à se lier dans la
finalité d’augmenter leur force et leur puissance et augmenter aussi les chances de l’espèce
pour résister et durer :

La fonction de survie : Schopenhauer avait montré que l’amour que les hommes
survalorisent et idéalisent à outrance, n’est en vérité qu’un programme instinctif inscrit en
nous pour nous pousser à la reproduction et assurer de la sorte la pérennité de l’espèce. Il
est possible de penser à sa suite que la religion pourrait relever également de la même
logique puisqu’en liant les hommes elle permettrait d’additionner leurs puissances
individuelles et de mutualiser leurs moyens et leurs forces dans le but de composer une
force collective qui les avantage dans la lutte pour la survie, dans la recherche de la
nourriture, dans la protection des plus faibles et la gestion des conflits et de la violence
interindividuelle.

La fonction de lien de la religion est aussi valable pour l’homme moderne comme le souligne
Mircea Eliade dans son livre le Sacré et profane : "L'activité inconsciente de l'homme
moderne n'arrête pas de lui présenter d'innombrables symboles, et chacun a un message à
transmettre, une mission à remplir, en vue d'assurer l'équilibre de la psyché ou de la rétablir.
Comme nous l'avons vu, le symbole non seulement rend le Monde "ouvert", mais aide aussi
l'homme religieux à accéder à l'universel. C'est grâce aux symboles que l'homme sort de sa
situation particulière et s'"ouvre" vers le général et l'universel. Les symboles éveillent

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l'expérience individuelle et la transmuent en acte spirituel, en saisie métaphysique du
Monde."

Par conséquent, la religion permet à l’homme d’accepter de vivre et d’admettre sa


condition dans le monde en s’appuyant sur la croyance que son existence dans ce monde a
un sens et possède une valeur : « il est difficile d’imaginer, déclare Mircea Eliade à ce
propos, comment l’esprit humain pourrait fonctionner sans la conviction qu’il y a quelque
chose d’irréductiblement réel dans le monde ; et il est impossible d’imaginer comment la
conscience pourrait apparaitre sans conférer une signification aux impulsions et aux
expériences de l’homme. La conscience d’un monde réel et significatif est intimement liée à
la découverte du sacré. Par l’expérience du sacré, l’esprit humain a saisi la différence entre
ce qui se révèle comme étant réel; puissant, riche et significatif et ce qui est dépourvu de ses
qualités, c’est à dire le flux chaotique et dangereux des choses, leurs apparitions et
disparitions fortuites et vides de sens. ». Cela signifie qu’une existence « ouverte » vers le
monde n’est pas une existence inconsciente, ensevelie dans la nature. L’ « ouverture » vers
le monde rend l’homme religieux capable de se connaître en connaissant le monde, et cette
connaissance lui est précieuse parce qu’elle est « religieuse », parce qu’elle se réfère à l’Être.

En somme Historiquement, l’homo sapiens a toujours été un être religieux comme le


montre son attitude à l‘égard de la mort et la place accordée au sacré et aux rites dans les
communautés primitives. C’est ainsi que la religion a permis aux hommes de s’adapter à leur
environnement hostile pour renforcer leur capacité de survie. Toutefois, cet aspect voile le
fait que la religion est aussi un système de normes et de dogmes, fondés sur des lois et des
interdits qui limitent la puissance naturelle de l’homme, l’aliène et le prive de sa volonté et
de sa capacité à œuvrer librement dans le monde. C’est cela qu’i va falloir maintenant
interroger.

II/ Par certains de ses aspects, la religion affaiblit les hommes, les dénature, les aliène
et provoque leur souffrance et leur malheur :

1) La religion conditionne l’homme pour qu’il soit un être passif enfermé dans une
essence négative et limitative :

- D’une part, la religion apprend la passivité aux hommes : Alain écrit : «  il y a de la


passivité dans la religion. On y craint le bruit et le nouveau. On y dort sur les deux oreilles.
Cela ne conduit pas à une forte pensée, tout au plus à une poésie un peu molle, trop
humaine. ».

- d’une autre part, elle les enferme dans une définition essentialiste négative et
dépréciative : « Une des erreurs de nos religions occidentales, comme le marque Auguste
Comte, c'est d'avoir enseigné que l'homme est égoïste toujours et sans remède, à moins
d'un secours divin. » 

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- sans oublier qu’elle constitue un dispositif autoritaire de domination et de dressage à
la soumission comme l’écrit Freud quand il déclare que « Nous savons qu'il existe dans la
masse humaine le fort besoin d'une autorité qu'on puisse admirer, devant laquelle on
s'incline, par laquelle on est dominé et même éventuellement maltraité. La psychologie
de l'individu nous a appris d'où vient ce besoin de la masse : c'est la nostalgie du père. »

- En effet, Par son système de valeurs, par ses dogmes et sa doctrine, la religion exige la
soumission à la divinité et à une vérité unique et indiscutable. Or la posture de
soumission n’incite pas à l’action et n’autorise pas le l’usage de l’esprit critique, de la
pensée et encore la volonté et la puissance. En effet le propre de la religion est de
maintenir l’homme dans l’état que Kant appelle la minorité. Nietzsche propose
également une critique puissante du caractère aliénant de l’homme par la religion. En
effet, il a fondé sa critique radicale du fait religieux sur le dévoilement et la
condamnation de la culture de la peur, de la honte et de la culpabilité que les systèmes
doctrinaires religieux installent dans les esprits et les cœurs. Le philosophe a ainsi
démontré que les hommes en créant les religions ont transfère sur la figure fantasmée
de dieu toute l’excellence humaine possible la rendant de facto inaccessible à l’effort
humain. Il s’ensuit, selon de Nietzsche, que la religion a appris à l’homme à se mépriser
et à se contenter de la faiblesse et de la petitesse. De même, il considère que
l’invention par la religion de l’idée des arrières-mondes ( le monde après la mort, celui où
règne Dieu et où les hommes vivront éternellement au paradis ou en enfer et qui
s’oppose au monde matériel et l’existence humaine réelle ), a eu pour conséquence de
pousser les hommes à détester la vie terrestre, à la vivre sous le signe de la culpabilité et
de la mauvaise conscience et à désirer la quitter le plus vite possible . Ce sentiment
s’explique par le fait que la religion en posant l’au-delà comme un idéal et un salut a
installé dans la conscience des hommes la conviction que leur vie terrestre est ce de quoi
il se libérer pour accéder au paradis et à l’immortalité. Il s’ensuit que la religion
empêche les hommes de vivre la seule vie dont ils disposent concrètement et instille du
poison dans les plaisirs que leur accorde le monde et ce en les liant au péché, à la
 Outre cela, il convient aussi de souligner culpabilité et à la peur du
que Dieu et la religion sont suspects et peu châtiment. C’est ce que
crédibles car ils correspondent tellement montre  Nietzsche quand
il bien à nos désirs les plus forts et les fous critique la diabolisation
de la qu'il y a lieu de penser que nous les avons sexualité par le
inventés pour satisfaire nos illusions, notre christianisme : « le
imagination et nos délires :La religion est christianisme, dit-il, a
une sotériologie, une doctrine de salut qui donné à boire du poison
à promet à l’homme de le sauver de tout ce Eros. Il n’en est pas mort,
il a qui le fait souffrir. De même elle tient sa dégénéré en vice. »
grande force du fait qu’elle garantit à
- Dan
l’homme qu’elle peut lui offrir dans l’autre s
monde tout ce qu’il a désire en vain dans ce
bas monde sans jamais l’obtenir. La religion
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est donc un puissant sédatif. 
l’avenir d’une illusion, Freud : considère que la religion est une névrose
obsessionnelle générale qui appartient aux et aux systèmes d’autorité
dont la fonction est de domestiquer et de dresser la nature désirante
et pulsionnelle de l’homme. Ce travail de domestication nuit à
l’équilibre psychologique et physiologique des individus et des groupes
et génère des frustrations et des souffrances. Dans un autre livre de
Freud intitulé malaise dans la civilisation – culture, Freud démontre
que l’homme s’est rendu malade et frustré en inventant la culture et la
civilisation qui ne sont en vérité que des systèmes de lois et de règles
qui interdisent aux hommes de satisfaire, sans sentiment de culpabilité
et sans mauvaise conscience, leurs désirs naturels et particulièrement
le désir sexuel. Par conséquent la religion rend l’homme malade en
l’obligeant à mépriser sa propre nature et en le forçant à la dénigrer et
à s’en éloigner. Il s’ensuit que la religion attriste l’homme, provoque sa
souffrance et son malheur au lieu d’améliorer sa condition ou de
libérer ses puissances, sa liberté et sa volonté : « La religion, écrit-il,
porte préjudice à ce jeu du choix et de l’adaptation [au principe de
réalité], du fait qu’elle impose à tous de la même façon sa propre voie
pour l’acquisition du bonheur et la protection contre la souffrance. Sa
technique consiste à rabaisser la valeur de la vie et à déformer de façon
délirante l’image du monde réel, ce qui présuppose l’intimidation de
l’intelligence. »
-
2) La religion enseigne l’espoir est en tant que telle elle tue la volonté, la pensée et le
courage de vivre

Emile Cioran : «  l’espoir est la vertu des esclaves. ». Il entend


par cela que la religion en tant que sotériologie promet et fait
espérer des choses merveilleuses qui se réaliseront pour les
hommes dans l’autre monde, mais en les faisant espérer elle
leur interdit de réagir dans le monde terrestre. En effet, la
religion empêche les hommes de désespérer, et donc de
penser, d’agir et d’affirmer leur la liberté et leur
responsabilité. Par cet empêchement la religion éloigne
l’homme et ce qu’il a de plus grand et de plus noble en lui :
son vitalisme, sa liberté et sa volonté de puissance. Donc
quand bien même elle serait naturelle, elle ne pourrait pas
constituer ce qu’il y a de meilleur et de plus élevé en la nature
humaine.

Donc, la religion est un système doctrinaire univoque et dogmatique qui est


structurellement violent et hégémonique. L’anthropologue égyptologue Assmann a
démontré que toutes les religions monothéistes sont violentes dès leur apparition car
elles ont besoin, dit-il, d’être des contre-religions, autrement dit, elles doivent, pour
s’affirmer et gagner en audience et en légitimité, s’attaquer violemment aux religions qui
les précèdent. Quand elles s’établissent et deviennent dominantes, elles se déploient
comme des tyrannies intolérantes et belliqueuses.

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Ainsi, la religion correspond à une partie de la nature humaine, mais semble étouffer
et aliéner ce qu’il a de plus de plus puissant en cette même nature puisqu’elle oblige à se
soumettre et à renoncer à lui-même et sa propre liberté. Elle lui apprend de ce fait à
compter sur la providence et le salut et lui désapprend de vouloir et d’agir. Assurément
la religion vaut comme une sotériologie, mais doit- elle prétendre être la seule possible ?
N’est-il pas permis de penser à la légitimité d’une sotériologie et d’une spiritualité sans
dieu ?

III/ la religion demeure une connaissance et une sotériologie possible, mais elle n’est
la seul à l’être car une sotériologie sans dieu est également et logiquement accessible
à l’homme. Par ailleurs, la religion n’a pas à revendiquer, de ce fait même, le
monopole de la vérité ni celui de la spiritualité puisque cette dernière est possible
même sans dieu une spiritualité (est spirituel tout ce qui ne relève pas du sensible,
du terrestre et du corporel ; la spiritualité renvoie également au fait l’homme, être
fini, limité et incomplet possède le pouvoir et la capacité, grâce au langage et à la
pensée, de concevoir et de formuler l’infini et l’absolu)

1) Tant que la religion est humble et tolérante et refuse la posture de la vérité


unique, elle vaut en tant que solution possible pour consoler l’homme et lui
permettre de vaincre ses peurs et ses angoisses :
- La proposition sotériologique religieuse est de toute évidence la plus
puissante de toutes les doctrines de salut car elle est un messianisme
providentialiste qui promet la protection divine dans le bas monde et
la béatitude et l’immortalité dans l’au-delà. Mais elle est comme
toutes les autres limitée et faillible et ne vaut que par l’amour et la
liberté des fidèles. Elle n’est pas non plus la seule. Certes, sa
proposition est puissante et fort séduisante comme l’écrit Valéry : « 
une religion fournit aux hommes, des mots, des actes, des gestes, des
pensées pour les circonstances où ils ne savent que dire, que faire,
qu’imaginer. ». Mais il importe de souligner qu’elle est comme toute
chose humaine nécessairement incertaine, faillible, non définitive et
de ce fait susceptible d’être critiquée et interrogée. De même parce
qu’elle existe, nécessairement son contraire qui constitue une
proposition concurrente. Or en tant que produit de la liberté, de
l’imaginaire et de la foi, la religion ne peut pas constituer un sujet de
l’entendement puisque nous ne pouvons pas lui appliquer les
catégories de la raison ni la démontrer. Car, comme le souligne André
Comte-Sponville : « Si l'absolu est inconnaissable, qu'est-ce qui nous
permet de penser qu'il est Dieu? C'est la limite du fidéisme. Si la foi
excède toute raison, comment savoir en quoi l'on croit? ». par
conséquent, l’on ne peut pas faire subir l’épreuve de vérité à la religion.
2) Les religions sont certes imaginaires mais cela ne les empêchent pas d’être vraies :

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- car elles sont révélatrices de la vérité de notre humanité, c’est-à-dire
des bassesses dont nous sommes coupables et des noblesses dont
nous sommes capables. Dans tous les cas de figure les religions nous
disent au moins ce que nous sommes, ce que nous pouvons être, ou
devons être. Par conséquent et ne serait-ce que pour cette raison, les
religions ne peuvent pas être fausses : « la religion, écrit Alain à ce
propos, est comme les contes. Les contes ont un grand sens, mais
personne ne demande s’ils sont vrais. ».
- Mais il importe de souligner que cela nous apprend plus sur
l'humanité, hélas, que sur la religion ou Dieu car la religion, comme le
déclare André Comte-Sponville, est une «  une doctrine qui explique
quelque chose que l’on ne comprend pas (l’existence de l’univers, de la
vie, de la pensée…) par quelque chose que l’on comprend encore
moins (Dieu) ». Par ailleurs, elle ressemble beaucoup à nos désirs et en
tant que telle elle peut constituer une illusion : «  La religion, souligne
le philosophe, correspond exactement à nos désirs les plus forts, qui
sont de ne pas mourir, ou pas définitivement, et d'être aimés. C'est
une des raisons de s'en défier. Une croyance qui correspond si bien à
nos désirs, il y a tout lieu de penser qu'elle a été inventée pour cela,
pour nous rassurer, pour nous consoler, pour nous satisfaire au moins
par anticipation. C'est la définition de l'illusion (...). »
- Freud dans Malaise dans la civilisation dit ce qui suit : « Il y a, comme
nous l’avons dit, de nombreuses voies qui peuvent mener au bonheur,
tel qu’il est accessible à l’homme, il n’y en a aucune qui y conduise à
coup sûr. La religion, elle non plus, ne peut tenir sa promesse. Lorsque
le croyant se trouve finalement obligé de parler « des décrets
insondables » de Dieu, il avoue ainsi qu’il ne lui reste, dans la
souffrance, comme ultime possibilité de réconfort et de source de
plaisir, que la soumission sans condition.  »
-

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1) En vérité, la question essentielle de l’Etre va beaucoup plus loin que
la question de dieu et de la religion :

- En philosophie parler de la question de l’Etre, c’est


poser l’interrogation suivante : «  pourquoi y a-t-il
quelque chose plutôt que rien. ». La religion choisit la
première choisit la première de l’alternative en
admettant l’existence d’une puissance divine
supérieure/ Mais la question suppose aussi le choix du
rien donc Dieu n’est pas la solution qui résout cette
question, il fait partie du problème et ce dernier est
insoluble pour l’entendement et la connaissance des
hommes.
- André Comte-Sponville écrit à ce propos : « pourquoi y
a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » La question va
au-delà de Dieu, puisqu’elle l’inclut. Pourquoi Dieu
plutôt que rien ? »
-
Par ailleurs, le sacré et la spiritualité ne sont pas nécessairement et
exclusivement religieux car l’homme peut posséder une spiritualité
sans dieu. Du reste même dans l’ordre de la religion le summum de la
sainteté est de savoir se passer de dieu pour être dans une foi sincère
et une morale de l’homme libre qui agit par amour et non par intérêt
ou par peur. 

- En vérité  l’homme est inconsolable et rien ne saurait lui assurer le salut quand bien
même il trouverait une cause première ou finale à tout, car une cause peut expliquer un
commencement, une origine ou un aboutissement et des fins, mais elle ne peut pas les
justifier en fournissant à l’homme un sens qui annulerait son désespoir, ses peurs, son doute
et ses incertitudes.

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