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HELB Ilya Prigogine

Département social
Ecole Ouvrière supérieure

Recherche en sciences sociales


Notes 2020-2021

Titulaire : Maud SNEL©

1
Attention : Il s’agit d’un résumé. Ces notes ne sont donc pas
suffisantes pour la compréhension du cours et la réussite de
l’examen. Les étudiants devront le compléter avec leurs notes
personnelles et les compléments postés sur e-campus.

1
Introduction
Pourquoi un cours de recherche pour des futurs travailleurs
sociaux ?

Les chercheurs universitaires ne sont pas les seuls à être concernés par la
recherche. Certains travailleurs sociaux sont amenés à être en contact avec
des recherches à différents niveaux.

Ils peuvent être :


- les bénéficiaires de résultats d’une recherche qui les concerne ou qui
concerne leur public
- les commanditaires d’une recherche
- Ils peuvent aussi être amenés à entreprendre un processus de recherche, à
des échelles variables selon le contexte. Ce processus peut émaner d’une
institution ou d’un individu. Une organisation peut ressentir le besoin de
réaliser une recherche portant sur elle-même, sur son objet social, sur ses
activités,…
Les acteurs sociaux qui se mettent à rechercher des réponses à des situations-
problèmes complexes qu’ils rencontrent deviennent des « acteurs-chercheurs
» ou des « praticiens –chercheurs »1

De façon plus pragmatique, vous serez amenés, en bloc 3, à réaliser un TFE


pour lequel vous devrez pouvoir mobiliser une série d’acquis de ce cours. Le
TFE est un exercice qui nécessite de pouvoir objectiver et généraliser. Il
implique de récolter des données théoriques et empiriques (terrain) et d’en
tirer des conclusions.

Il faut donc pouvoir :

- savoir ce qu’on cherche (problématique à cerner/question de recherche)


- comment on peut récolter des données de manière adéquates et fiables ?
-comment on peut traiter ces données.
Mettre en place un dispositif de recherche n’est pas simple, surtout quand on
est soi-même partie prenante de l’action.
1
L. ALBARELLO, Apprendre à chercher. L’acteur social et la recherche scientifique, DE BOECK,
Bruxelles, 2004 (2e éd.) , p11.

1
Qu’est –ce que la recherche en travail social/sciences
sociales ?2

On parle en général de recherche en travail social lorsqu’on fait référence à


des études réalisées par des travailleurs sociaux et dont la méthode
d’investigation s’appuie sur une démarche scientifique (méthode
hypothético-déductive)

Rq : méthode hypothético-déductive = va reposer sur des hypothèses. Les


hypothèses sont des réponses provisoires à la question de départ. On va les
tester par rapport aux faits rassemblés sur le terrain.
L'approche hypothético-déductive consiste à émettre des hypothèses, à
recueillir des données, puis à tester les résultats obtenus pour réfuter ou
appuyer les hypothèses. Elle contraste avec d'autres approches comme
l'approche inductive. (cf raisonnement inductif/ déductif voir + loin)

Pascal Lièvre définit la recherche en travail social comme « une méthode


d’investigation des phénomènes sociaux s’apparentant à une forme
d’ingénierie sociale, c’est-à-dire une étude finalisée d’une situation sociale
datée et localisée, s’appuyant explicitement sur du savoir de type
scientifique, quelle se soit son origine disciplinaire, aussi bien en termes de
contenu que de méthodes. » 3

Ces études peuvent avoir pour objectif :

- l’identification de problèmes sociaux dans une perspective d’intervention

- l’évaluation de pratiques professionnelles dans le champ du social

La finalité d’une recherche en TS est l’intervention

Trois types de situations professionnelles peuvent motiver une recherche en


TS :

- un nouveau problème social apparait, que ce soit quantitativement ou


qualitativement.

2
P. LIEVRE, Manuel d’initiation à la recherche en travail social, Presses de l’EHESP,
Rennes, 1998, p.15-23.
3
Idem, p.15.

1
Ex quantitatif : une population touchée par une problématique sociale
augmente (ex : les endettés, les femmes SDf,…)
Ex qualitatif : un phénomène social se met à perturber la cohésion sociale sur
un territoire (apparition d’un sentiment d’insécurité, modification dans les
comportements des jeunes d’un quartier,…)

- une politique sociale entraine des effets pervers ou des lacunes dans son
application.

- un diagnostic s’impose au niveau local avant de mettre en place des


innovations sociales.

Différences entre recherche en T.S et recherche en sciences sociales :

Recherche en Recherche en TS
sc.sociales
Finalité expliquer des identifier des
phénomènes généraux phénomènes localisés
pour faire progresser leet datés pour préparer
savoir sur une question l’intervention qui va
suivre
· Question de départ prend son sens à partir part de questions que
d’un point de vue les professionnels se
théorique posent sur le terrain
Auteurs de la chercheurs acteurs de terrains-
recherche professionnels, travailleurs sociaux
universitaires (« acteurs-chercheurs »
ou « praticiens-
chercheurs »

On peut retenir que les questions traitées par la recherche en TS se posent


directement aux travailleurs de terrain. La recherche en TS traite de
phénomènes complexes alliant des dimensions psychologiques,
sociologiques, économiques,…

!!!!! En réalité, ces deux démarches se complètent, s’enrichissent


mutuellement. Il est important de maintenir un lien entre les deux. C’est
pourquoi ce cours est construit autour des deux approches.

1
L’étude scientifique des faits sociaux

La recherche en sciences sociales découle de la volonté de faire de celles-ci


des sciences à part entière.

Ainsi, Auguste Comte, un des fondateurs de la sociologie considère qu’ « il


y a des lois aussi déterminées pour le développement de l’espèce humaine
que pour la chute d’une pierre ».

Toute science a pour objectif de mettre en avant des lois. Dans les sciences
naturelles, on fait des observations, des expériences, on obtient des résultats
que l’on confronte aux connaissances disponibles. → Soit on confirme/
complète les connaissances existantes, soit on impose une nouvelle
connaissance via un nouveau modèle d’interprétation.

En sciences sociales, l’expérimentation au sens strict est le plus souvent


impossible :

- Des motifs éthiques limitent les expériences envisageables


- Si les phénomènes naturels sont réputés constants et réitératifs, les
phénomènes sociaux sont tributaires des individus impliqués, du lieu, de
l’époque, d’éléments culturels, idéologiques,…

Une autre différence notable est que l’analyste/chercheur interagit forcément


avec l’objet observé.

Il y a donc certaines difficultés pour généraliser. 4 Malgré ces obstacles, il


est tout de même possible de tirer des conclusions à partir d’études en
sciences sociales basées sur la recherche de preuves et de construire un
corpus de connaissances suffisamment fiables et généralisables,

Il faut toutefois être attentif au fait que les théories issues des recherches en
sciences sociales ne sont pas à considérer comme des « vérités immuables ».
Vu le caractère profondément idéologique des sciences sociales, on peut
4
Rq : Il est nécessaire de généraliser pour créer du savoir.
E. DESVEAUX, Faire des sciences sociales. Généraliser. Editions de l’école des hautes études en
sciences sociales, Paris, 2013, p. 14-27.

1
aboutir à des interprétations très différentes d’une même réalité sociale (ex :
Bourdieu/Boudon sur l’école). De plus, les sociétés évoluent : quelque chose
qui était vrai au début du XXe siècle ne l’est plus forcément aujourd’hui.

L’étude scientifique des faits sociaux a pour objectif de créer une


connaissance scientifique, qui doit se différencier de la connaissance
courante. Cela passe nécessairement par la recherche.

Les objectifs de cette connaissance scientifique sont :

 Expliquer, c’est-à-dire établir des relations de cause à effet


 Prévoir : l’explication permet la prévision. S’il est établi que
dans certaines conditions une cause A produit un effet B, la répétition
de la cause A, sous les mêmes conditions, entrainera d’office l’effet B.

Pour atteindre ces objectifs, la recherche passera pas trois étapes :

- La description : Elle se construit grâce à l’observation et à la définition


d’une situation dans sa réalité « brute ». Cette description donnera lieu à
l’élaboration de typologies ou de classification des observations qui
amèneront à une explication. Seule la liaison des hypothèses entre elles
permettra de donner toute leur dimension à l’analyse et à la classification.
Les résultats bruts n’ont évidemment que peu de valeur scientifique. Il s’agit
pour le chercheur d’opérer une manœuvre de déconstruction de ce qui est
observé. Si pour l’observateur, les actions sont en général directement
pourvues de sens, il n’en est pas moins vrai que les interprétations sont
multiples. C’est ici qu’intervient la phase compréhensive.

- La compréhension : Cette phase implique un effort d’analyse qui a pour


objectif de démontrer, dans un cadre conceptuel et méthodologique, la
signification des motivations qui déterminent l’agent ou l’acteur à agir.

- L’explication : Elle n’est jamais absolue, et ne peut donc s’interpréter que


dans un sens probabiliste. En effet, l’analyse sociologique n’exclut pas
d’autres types d’interprétations d’un phénomène (biologiques, économiques,
…). Si la compréhension visait à donner un sens à l’action, l’explication
s’efforce d’éclairer la signification à la lumière d’une théorie ou d’un modèle

1
d’interprétation. Toutefois, le cadre d’explication théorique ne peut être trop
vague.5

La connaissance scientifique répond aussi à 5 critères6 :

- La précision qui s’oppose au caractère approximatif de la connaissance


courante

- L’objectivité qui s’oppose au caractère subjectif de la connaissance


courante

- La généralité qui s’oppose au caractère partiel de la connaissance courante

- Le caractère cumulatif qui pallie aux insuffisances mnémoniques de la


connaissance courante

- Le caractère vérifié qui s’oppose au caractère seulement vraisemblable,


plausible de la connaissance courante

Les principes de la recherche 7

Les principes de la recherche sociologique peuvent être définis comme des


règles générales qui doivent présider à l’acquisition de connaissances. Ce
sont en quelque sorte les « commandements du chercheur ». Ces principes
peuvent être dérivés de l’objet formel de la sociologie ; ils sont d’ailleurs
contenus implicitement dans ce qui a été dit plus haut, dont ils constituent la
traduction sous forme de prescriptions.

a) Des données quantitatives doivent être rassemblées chaque fois que c’est
possible : Ce principe répond à l’impératif de précision qui constitue un des
critères de la connaissance scientifique.

b) Les influences personnelles doivent être éliminées dans la récolte des


données et dans leur analyse : Ce principe répond à l’impératif
d’objectivité. Il ne vise pas seulement les jugements de valeur mais aussi
les influences liées aux différences dans la perception du réel.

c) Les connaissances doivent être acquises de manière telle qu’elles soient


généralisables ou qu’elles puissent servir de généralisations : Ce principe
répond à l’impératif de généralité
5
F. DEFRAINE, Syllabus Recherche, HELB, 2016-2017.
6
Idem
7
Idem.

1
d) Les connaissances acquises doivent être présentées de manière telle
qu’elles soient le plus aisément communicables : Ce principe répond à la
nécessité de donner un caractère cumulatif à la connaissance

e) Les connaissances acquises ne doivent être considérées comme vraies


qu’à partir du moment où elles ont été vérifiées selon des procédés adéquats
et seulement aussi longtemps qu’elles continuent à être vérifiées. : Ce
principe répond au souci de ne considérer comme vérité scientifique que ce
qui a un caractère vérifié. Il met l’accent également sur le caractère
mouvant de la réalité sociale ; la vérification ne peut jamais être considérée
comme définitive.

f) Les faits étudiés doivent être placés dans le cadre le plus large possible :
Ce principe demande au chercheur de considérer les faits étudiés du point de
vue de la société ou du groupe. Insistons sur le terme « possible » : il
implique l’idée d’un compromis – au niveau de la stratégie de la recherche –
entre ce qui est souhaitable et ce qui est effectivement réalisable. En fait ce
principe doit être compris comme l’indication de la nécessité de considérer
des systèmes sociaux et d’étudier toutes les variables susceptibles d’avoir
une valeur explicative

Ces principes définissent des objectifs à atteindre ; ils constituent en quelque


sorte une déclaration d’intention. Les moyens pour y parvenir nous seront
fournis par les méthodes et les techniques. (Voir + loin)

Ces principes, comme les méthodes et techniques de la recherche


scientifique, vont être utiles pour permettre au praticien-chercheur (ou à
l’étudiant-stagiaire) de prendre la distance nécessaire. En effet, il va devoir
être capable de « jeter sur un terrain dans lequel il évolue bien souvent lui-
même en tant qu’acteur, un regard qui n’est précisément plus celui de
l’acteur  »8

Comment jeter un regard critique sur une réalité, une institution, des
pratiques que je connais et dont je connais les acteurs ? Comment avoir
suffisamment de recul lorsque l’on partage une proximité culturelle,
psychologique, ou autre avec son objet d’étude ? Comment traiter des
aspects délicats (dysfonctionnements de la structure par ex.) ?
Qu’est ce qu’un fait social ?

Nous évoquons depuis le début la nécessité d’étudier les faits sociaux selon
une méthode scientifique mais nous n’avons jusqu’ici pas défini le fait
social. De manière courante on emploie ce terme pour désigner à peu près

8
L. ALBARELLO, op.cit, p.20.

1
tous les phénomènes qui se passent à l’intérieur de la société. Les faits
sociaux présentent des caractères particuliers qui permettent de les définir :
ils consistent en des manières d’agir, de penser, de sentir, qui sont
extérieures à l’individu, et qui sont douées d’un pouvoir de coercition. Ils
s’imposent aux individus. Ils n’ont pas l’individu pour fondement
(contrairement aux phénomènes psychiques ou psychologiques) mais bien la
société.

Pour Durkheim , « est fait social toute manière de faire, fixée ou non,
susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure ; ou bien qui
est générale dans une société donnée, tout en ayant une existence propre,
indépendante de ses manifestations individuelles »9. Pour Durkheim, le fait
social et contraignant, extérieur et inévitable.

L’étude des faits sociaux, c’est l’étude scientifique des comportements


humains en tant qu’ils sont influencés par la société (ou par le groupe auquel
l’individu appartient)
Illustration  : EMILE DURKHEIM

Durkheim, considéré comme le fondateur de la sociologie française, est


aussi un auteur fondateur pour la recherche en sciences sociales.
Dans Les règles de la méthode sociologique, il énonce les principes et les
règles méthodologiques qui doivent permettre au chercheur de réaliser une
étude sociologique à caractère scientifique.
La méthode de Durkheim est qualifiée d’objectivisme holiste.

 Le fait social
La sociologie de Durkheim a pour objet principal le fait social. Il définit
celui –ci de la manière suivante : «  un fait social consiste en une manière
d’agir, de penser et de sentir extérieure à l’individu et douée d’un pouvoir
de coercition en vertu duquel les faits sociaux s’imposent à lui »10
(→déterminisme)
Dans la sociologie de Durkheim, la société existe en dehors des individus
qui la composent.
Les faits sociaux sont extérieurs aux individus et à leur conscience. Ils
exercent une contrainte sur les individus qui vont donc s’y plier,
consciemment ou pas.
Un fait est donc social à partir du moment où il peut être considéré comme
extérieur aux individus à qui il s’impose car il possède un pouvoir
impératif et coercitif.

9
E. DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique.
10
Idem.

1
 « Considérer les faits sociaux comme des choses »11
Cela suppose de tenir à l’écart toutes les prénotions que le chercheur aurait
par rapport à son objet d’étude. (Rupture épistémologique : rupture par
rapport à certaines connaissances antérieures ou vis-à-vis de modèles
d’explication existants)
Les faits sociaux ne sont pas des choses, alors pourquoi les traiter comme
tels ? La chose se donne à observer de l’extérieur.
Le chercheur doit aborder l’étude des faits sociaux de la même façon que
le physicien étudie la nature, comme s’ils ne les connaissaient pas. Il doit
mettre de côté son expérience personnelle de la vie sociale. Cette
prescription est difficile à suivre car le chercheur est un acteur de la vie
sociale : il a une vie familiale, politique, etc il devra mettre les faits
sociaux à distance en choisissant des instruments qui permettent de les
observer de façon indépendante de leur manifestation individuelle.
Comme l’observateur peut d’emblée penser comprendre les faits sociaux,
le danger est de ne découvrir que ce qu’on sait déjà. On appliquera donc
une méthode objectiviste, en faisant comme si on ignorait tout des faits
sociaux observés.
Considérer les faits sociaux comme des choses induit le passage par des
techniques quantitatives.

 Primauté des données statistiques


Pour Durkheim, seule la statistique permet de saisir les faits sociaux dans
leur globalité, indépendamment des cas individuels. Un fait social doit
présenter une régularité .

 Expliquer les faits sociaux par d’autres faits sociaux


« La cause déterminante d’un fait social doit être cherchée parmi les faits
sociaux antérieurs, et non parmi les états de conscience individuelle. »12

Le suicide (1897)

Durkheim choisit ce sujet car, de prime abord, on peut penser qu’il dépend
avant tout de causes individuelles, psychologiques,… Or le suicide est un
11
H. MENDRAS et J. ETIENNE, Les grands auteurs de la sociologie, Hatier, Paris, 1996, p.93.
12
E. Durkheim, op.cit.

1
fait social et doit donc être expliqué par d’autres faits sociaux.
A travers cette enquête et l’ouvrage qui suivra, il applique les règles
méthodologiques développées dans Les règles de la méthode sociologique.

 La méthode des variations concomitantes


Durkheim met en évidence plusieurs corrélations : le taux de suicide peut
être corrélé avec le fait d’être un homme/une femme, de vivre dans une
grande ville/en province, en fonction de la religion de l’intéressé, de sa
situation familiale… Pour cela il a récolté des données dans les registres
officiels de plusieurs pays (France, Angleterre, Allemagne,…) pour
réaliser des statistiques.

 Les conclusions
Durkheim conclut que le suicide varie du degré d’intégration de l’individu
à des groupes sociaux.
Il dégage également une typologie des suicides :
Défaut Excès
Intégration Suicide égoïste Suicide altruitse
Régulation Suicide anomique Suicide fataliste

1
Rappel :
Holisme Individualisme
méthodologique
Macrosociologie Microsociologie
Explication La sociologie doit aborder Le social est le produit
la société comme un tout des actes des individus
dont il faut décrypter le et de leurs interactions.
fonctionnement. Les individus sont
Le fonctionnement de la perçus comme des
société est un phénomène acteurs rationnels qui
en tant que tel. On ne peut agissent en fonction de
comprendre les stratégies et fabriquent
phénomènes sociaux qu’en ainsi la société.
les replaçant dans leur
contexte global. Cette
conception considère que
les individus subissent
(souvent inconsciemment)
un jeu social qui les
dépasse.
Fondateurs Marx, Durkheim Weber
Vision de la société Un tout différent de la Le produit de
somme des parties l’agrégation
d’interactions entre
individus
Posture des individus Ils subissent des règles Les acteurs font des
liées à des structures qui choix, construisent des
leur échappent et qui stratégies.
modèlent leurs
comportements et leurs
croyances
Objet de la sociologie Faits sociaux qui Résultat des actions
s’imposent aux individus individuelles qui
et les contraignent souvent produisent le social.
à leur insu (→
dévoilement)
Travail des Etudier les faits sociaux en Comprendre les actes
sociologues les analysant de l’extérieur des individus et le sens
qu’ils leur donnent.
Méthode de Observation indirecte et Observation directe,
prédilection objective voire participante
Instruments/techniques Statistiques, Entretiens, récits de vie

1
questionnaires, toutes
données chiffrées

LA DEMARCHE DE RECHERCHE

R. Quivy et L.Van Campenhoudt proposent le schéma suivant :


LES ÉTAPES DE LA DÉMARCHE13

Étape 1 La question de départ

Étape 2 L'exploration

RUPTURE Les entretiens


Les lectures exploratoires

Étape 3 La problématique

CONSTRUCTION
Étape 4 La construction du modèle d'analyse

Étape 5 L'observation

CONSTATATION Étape 6 L'analyse des informations

Étape 7 Les conclusions

13
R. QUIVY et L. VANCAMPENHOUDT, Manuel de recherche en sciences sociales, Dunod, Paris,
1995,p.16

1
1
Dans leur Manuel de recherche en sciences sociales, R. Quivy et L. Van
Campenhoudt commencent par lister ce qu’il ne faut surtout pas faire
lorsqu’on commence une recherche en sciences sociales.
 « gloutonnerie livresque ou statistique »

 « Impasse aux hypothèses »

 « Emphase obscurcissante »

Chaque recherche est particulière, chaque démarche spécifique. Chaque


recherche a son contexte, ses contraintes, le chercheur doit s’adapter, faire
des choix. Cependant, il y a une série de principes, de règles
méthodologiques généraux qu’il s’agit de respecter. Selon Bachelard, « le
fait scientifique est conquis, construit et constaté »14
 Conquis sur les préjugés
 Construit par la raison
 Constaté dans les faits
Le schéma fait référence aux 3 actes de la démarche de recherche, la rupture,
la construction et la constatation. (cf P. Bourdieu, J.Cl Chamboredon, J.Cl
Passeron, Le métier de sociologue, p.89 sq.)
 La rupture
Les sciences sociales étudient des phénomènes à propos desquels chacun
s’est construit une représentation, des explications,… via une expérience
directe ou indirecte. Et souvent, le chercheur choisit de traiter un phénomène
qui l’intéresse, avec lequel il a un lien. Cet intérêt, cette connaissance et cette
expérience sont positifs à plus d’un titre, mais ils présentent aussi des
dangers et des inconvénients.
Les représentations que nous avons déjà de notre sujet peuvent marquer la
recherche, la biaiser. Il est absolument nécessaire de prendre du recul par
rapport aux idées préconçues et aux interprétations issues du sens commun.
Il doit y avoir rupture entre le sens commun et les préjugés d’une part, et la
connaissance scientifique d’autre part. Pour constituer des connaissances
valides celles-ci doivent être produites en suivant des procédures rigoureuses
(méthodologie), contrairement au sens commun. (→ rupture
épistémologique/rupture méthodologique)

14
Idem, p.14.

1
 La construction
La construction tend à reconsidérer le phénomène étudié à partir de
catégories de pensées qui relèvent des sciences sociales, à se référer à un
cadre conceptuel. Grace au cadre théorique, le chercheur va construire des
propositions explicatives du phénomène, un plan de recherche. Il va pouvoir
anticiper la phase d’observation.
 La constatation (ou expérimentation)
Pour accéder au statut de connaissance scientifique, la proposition du
chercheur doit être vérifiée sur le terrain, grâce à une collecte d’informations
concrètes. Cette mise à l’épreuve des faits est appelée constatation ou
expérimentation.
Les trois actes de la démarche scientifique sont interdépendants et se
constituent mutuellement. Ainsi, la rupture se poursuit dans et par la
construction. 15
Les 7 étapes de la démarche de recherche :
 La question de départ
 L’exploration
 La problématique
 La construction du modèle d’analyse
 L’observation
 L’analyse des informations
 Les conclusions
Le schéma présente les 7 étapes comme des étapes séparées, pour des raisons
didactiques et de clarté, mais dans une recherche, les étapes interagissent les
unes avec les autres.(cf les boucles de rétroaction –flèches)
Le chercheur est régulièrement amené à revenir en arrière, pour réadapter sa
recherche en fonction de divers facteurs. Les étapes présentes dans le schéma
garantissent une cohérence générale à la démarche scientifique. Cependant,
la démarche présentée dans le schéma ne doit pas être suivie de façon
mécanique, une recherche se réalise dans un contexte concret et le chercheur
doit pouvoir s’adapter aux réalités de ce contexte. Il sera amené à revenir en
arrière, reformuler une hypothèse imprécise ou inadéquate, revenir sur un
concept, adapter son cadre théorique, retourner sur le terrain chercher des
informations manquantes,…

15
Idem, p.20.

1
1. La question de départ
La traduction d'un projet de recherche en question est une étape obligée. Il
est impossible de formuler d’emblée un projet de recherche de manière
complètement satisfaisante. La question de départ va être le premier fil
conducteur qui va permettre au chercheur de commencer à travailler.
Ce n’est pas grave si votre réflexion n’est pas tout à fait aboutie. La question
de départ est une question de lancement 16, elle peut être modifiée plus tard si
nécessaire
Remarque 1 : Il faut pouvoir distinguer formellement le thème, le sujet et la
question de départ de votre travail. En exprimant votre sujet de TFE sous
forme d’une question, votre projet est clairement de tenter de répondre à
cette question. L’hypothèse ou les hypothèses viendront donc comme
réponse(s).
Remarque 2: Même les auteurs réputés énoncent leurs projets de recherche
sous la forme de questions simples et claires, ce qui n’empêche pas ces
questions d’être sous-tendues par une réflexion théorique très consistante.
Ex17 : •«Qu’est-ce qui prédispose certains à fréquenter les musées ?
Contrairement à la grande majorité de ceux qui ne les fréquentent pas ?» Il
s’agit de la question de départ de la recherche effectuée par Pierre Bourdieu
et Alain Darbel sur le public des musées d’art européens et dont les résultats
ont été publiés sous le titre L’Amour de l’art (Paris, Éditions de Minuit,
1969).
I.1. CRITERES POUR UNE BONNE QUESTION DE DEPART :
La question de départ est le premier moyen par lequel on entreprend une
démarche scientifique : elle participe à la rupture avec les préjugés et les
prénotions ;
1ere RQ : une bonne question doit pouvoir être traitée – Il faut pouvoir y
répondre.
a) Les qualités de clarté
Ex18 :
Question 1) Quel est l'impact des drogues sur la vie des jeunes ?

16
J. CADIERE, L’apprentissage de la recherche en travail social, Presses de l’EHESP, Rennes 2013,
p 51.
17
R. QUIY et L. VAN CAMPEHOUDT, op.cit p.23.
18
Les exemples de questions sont issus de R. QUIY et L. VAN CAMPEHOUDT, op.cit.

1
La question est trop vague. 1.Quelles drogues ? Licites ou illicites ? Des
jeunes de quel âge ?
Beaucoup d'interprétations peuvent être apportées à cette question. Il faut
pouvoir préciser tous les termes de la question. Il s'agit que les personnes à
qui vous poserez la question, sachent directement de quoi vous parlez. Sans
quoi, ils risquent d'apporter une réponse à une question qu'ils auront perçue
de manière différente.
→ PRECISION

Question 2) Dans quelle mesure l'augmentation des cadences de travail dans


l'industrie automobile peut-elle influencer le taux d'emploi des populations
immigrées ainsi que leur intégration dans les conflits sociaux ?
La question est trop longue et embrouillée et ne permet pas de comprendre
ce que l'on cherche vraiment. Cherche-t-on à lier le taux d'emploi immigré
aux cadences de travail ou à leur participation aux conflits sociaux ? On a
l'impression que le chercheur s'embrouille dans les problématiques étudiées.
Il y a plusieurs questions dans la question !
La question doit donc être, autant que possible, UNIVOQUE ET CONCISE
b) Les qualités de faisabilité
Question 3) Les délégués syndicaux européens comprennent-ils les enjeux
de l'adoption de la Constitution européenne ?
A moins de disposer de centaines d'enquêteurs et de plusieurs années pour
réaliser l'enquête, il semble qu'il soit impossible de répondre à la question de
départ. Il est important de mesurer dès le départ les besoins en termes de
temps et de moyens matériels. Ici l'exemple est caricatural, mais mesurez
bien le temps et les moyens dont vous disposez ( pour un TFE quelques mois
seulement)
→ Rester REALISTE
c) Les qualités de pertinence
Question 4) La répartition des richesses en Belgique est-elle juste ?
La démarche de recherche en sciences sociales ou en travail social ne nous
permet pas de nous avancer sur les chemins du jugement ou de la morale. Il
est difficile pour les répondants de disposer d’une définition du mot « juste
». Cela n'empêche pas de s'intéresser à des problèmes d'ordre éthique ou
politique afin de contribuer à résoudre les problèmes sociaux. Mais le rôle

1
du chercheur est avant tout de réaliser une analyse, de travailler à la
compréhension d’un phénomène. La crédibilité des résultats de son travail
dépendront aussi de cette qualité.
Une question de départ ne peut contenir de connotation morale. On ne
cherche pas à juger mais à expliquer/comprendre

Question 5) Les patrons exploitent-ils les travailleurs ?


C’est une fausse question ! Derrière cette question se cache une affirmation
déguisée. On sent très vite que dès le départ le chercheur a une idée précise
de ce que devrait être la réponse. En conséquence, la question elle-même
induit la réponse (oui ou non).
→ Prévoir une QUESTION OUVERTE, qui permet plusieurs réponses /
Une VRAIE QUESTION
Question 6) Quels changements significatifs modifieront-ils l’enseignement
dans les trente prochaines années ?
Cette question a pour ambition de prévoir l’évolution d’un secteur entier de
la vie sociale, l’enseignement.
Vous ne pouvez pas prévoir l’avenir. Le chercheur peut au mieux dégager les
enjeux, les logiques ou la marge de manœuvre des acteurs sociaux. Cette
option s’appuie alors sur le passé et l’analyse du présent pour espérer
pouvoir dégager des perspectives pour l’avenir. Mais il n’est pas possible de
répondre valablement à cette question.

Question 7) Les jeunes sont-ils plus touchés par le chômage que les
travailleurs adultes ?
Cette question laisse penser que le chercheur se contentera de rassembler
des données, à les hiérarchiser et à donner une réponse strictement
descriptive.
Il est préférable que la question de départ laisse transparaître une volonté de
comprendre les phénomènes sociaux, plutôt que de simplement les décrire.
La compréhension de la question de départ doit être immédiate pour votre
interlocuteur. Vous êtes arrivé à sa formulation lorsque19 :
 Il n’y a plus qu’une manière de la formuler
 Il n’y a plus de mot à enlever ou à rajouter
19
P. LIEVRE, Manuel d’initiation à la recherche en travail social, EHESP, Rennes, 2016,p.37.

1
 Tous les termes ont été soigneusement choisis
 L’étudiant est à l’aise avec tous les termes (appropriation)
Le choix du sujet qui mènera à la question de départ peut s’inspirer de
plusieurs sources20 :
1. Les expériences du chercheur/ de l’étudiant peuvent être à l’origine
du choix d’un sujet: une situation intéressante que l’on a rencontrée;
un problème organisationnel auquel on est confronté
2. Les observations et discussions. Avec des collègues, des
professionnels….
3. Les enjeux sociaux et sujets d’actualité

Isabelle Bourgeois21 compare la détermination du problème de recherche qui


aboutit à la question de recherche, à un entonnoir. On commence par énoncer
le sujet, les buts et la pertinence de la recherche, on fait état des
connaissances acquises et l’on parvient alors à clarifier suffisamment la
question de recherche.
Le chercheur doit pouvoir déterminer quels sont les intérêts de la recherche
envisagée. Il s’efforcera de répondre aux questions suivantes : « Pourquoi
cette étude est-elle nécessaire/utile ? », « Quel problème allons-nous
élucider ? » Il doit également envisager quel type d’investigation empirique
il va mener.

22

20
B. GAUTHIER et I. BOURGEOIS (dir), Recherche sociale. De la problématique à la collecte des
données, PUQ, Québec, 2016, 52-53.
21
Idem,p.56.
22
Idem

1
2. La phase d’exploration
La phase d’exploration va permettre de rassembler suffisamment
d’informations pour concevoir une problématique de recherche23
La phase d’exploration comprend :
- Des lectures
- Des entretiens exploratoires
- De l’observation
Elle permet de faire l’état des connaissances dans le domaine (connaissances
scientifiques et connaissances empiriques)
2.1. LES LECTURES
Lorsqu’un chercheur entame un travail de recherche, il va recenser les écrits
déjà existants, ceci afin de résumer l’état des connaissances actuelles. (cf –
Etat de l’art)
En fonction de l’importance de la recherche, le chercheur sera amené à
réaliser une revue de la littérature afin de saisir l’état des connaissances par
rapport au sujet mais aussi, dans un second temps, d’inscrire sa recherche à
l’intérieur des débats théoriques déjà existants. 24
2.1.1. Choisir ses lectures
Les documents que vous sélectionnez doivent avoir une valeur reconnue : le
document doit être identifiable et fiable.
FAMILIARISATION25

Sujet Connaitre les faits importants


Définir les concepts clés

Objectif Pouvoir mener une discussion informée et intelligente sur le


sujet

Outils :
- quotidiens et hebdomadaires
-dictionnaires spécialisés

23
R. QUIY et L. VAN CAMPEHOUDT, op.cit p. 41.
24
L. OLIVIER, G. BEDARD et J. FERRON, L’élaboration d’une problématique de recherche ;
sources, outils et méthode, L’Harmattan, Paris, 2005, p. 29.
25
Idem,p.45.

1
-Encyclopédies
- ouvrages généraux

Résultats :
- Délimitation spacio-temporelle du sujet
- Précision de l’aspect traité

Les dictionnaires spécialisés et encyclopédies permettent de se familiariser


avec le sujet, découvrir les auteurs, les concepts incontournables. Il s’agit
d’un point de départ intéressant mais c’est insuffisant
REVUE DE LA LITTÉRATURE26

Passage du sujet à l’objet de recherche

But -identifier les ouvrages et articles scientifiques sur le sujet


-problématiser ce qui a été écrit sur le sujet
Formuler une question spécifique de recherche

Outils Index bibliographiques spécialisés / informatisés


Fichiers documentaires
Bibliographies de bibliographie

Les sources seront maintenant plus précises et spécialisées :


- Monographies
- Articles de périodiques scientifiques
- Articles de périodiques professionnels
- Documents non publiés
! Choisir des documents qui proposent des éléments d’analyse et
d’interprétation.
! Choisir des approches diversifiées
Il n’est pas forcément productif de surcharger son programme de lecture :
privilégier la qualité et bien cibler, ne pas s’éloigner de sa question de départ
Le chercheur va alterner les phases de lecture et de réflexion pour préciser et
orienter l’objet de recherche et l’approche privilégiée.
2.1.2 Où et comment trouver ses sources ?

26
Idem,p. 51.

1
- Ne pas se contenter d’une seule bibliothèque
- Utiliser les catalogues en ligne des bibliothèques (ex. Cible + de
l’ULB)
- Utiliser des bases de données qui regroupent les publications
existantes dans un ou plusieurs domaines (ex/ Francis – CNRS, Base
Search – Univ. de Bielfeld, Erudit – Canada, Persée, Cairn.Info)
- S’inspirer des bibliographies d’articles récents qu’on a consultés
- Se renseigner auprès de spécialistes du sujet
2.1.3 Comment lire ?
- Prendre des notes
- Réaliser des grilles de lecture
- Réaliser des résumés
2.2. LES ENTRETIENS EXPLORATOIRES27
Ils permettent de récolter des informations sur le terrain auprès de
spécialistes ou d’acteurs de terrain.
Ils rencontrent deux objectifs :
- s’informer le mieux possible sur la question étudiée avant d’entrer plus
avant dans le vif du sujet et de mobiliser des ressources plus importantes.
- prendre conscience d’aspects du problème qui n’avaient pas été
envisagés au moment de la formulation de la question de départ,
d’imaginer de nouvelles pistes (éventuellement reformuler cette question
de départ).
Les entretiens exploratoires n’ont donc pas pour fonction de vérifier des
hypothèses préétablies mais bien de guider la suite du travail. Pour cette
raison, il est essentiel que l’entretien se déroule de façon très ouverte et très
souple. Bien utilisé, l’entretien exploratoire va éviter au chercheur de se
lancer tête baissée sur une mauvaise piste ou de négliger des aspects
essentiels du problème.
L’entretien exploratoire permet des contacts avec des personnes qui
expérimentent, dans leur vie professionnelle, sociale ou personnelle, les
phénomènes que la recherche entend étudier. Ces premiers contacts seront
souvent utiles plus tard et pourront, si nécessaire, être remobilisés.

27
R. QUIY et L. VAN CAMPEHOUDT, op.cit p.63 sq.

1
Pour permettre une rupture avec les prénotions du chercheur et une ouverture
vers des perspectives de recherche valables, la préparation des entretiens
exploratoires doit envisager les trois questions suivantes:
 Avec qui est-il utile d’avoir un entretien?

- des chercheurs spécialisés et experts dans le domaine concerné.


- des témoins privilégiés (acteurs de terrain).
- le public directement concerné par l’étude.
 En quoi consistent les entretiens et comment y procéder?
On parlera d’entretiens semi-directifs ou semi-structurés.
Le chercheur s’efforcera d’adopter une attitude aussi peu directive et aussi
«facilitante» que possible. Il s’agit de :
- adopter une attitude de neutralité bienveillante;
- être aussi peu directif que possible et donc poser le moins de questions
possibles tout en veillant à poursuivre les objectifs de l’entretien
- reconnaître à l’interviewé une compétence réelle, lui montrer qu’on vient
apprendre auprès de lui et le laisser maître du choix de ses propos, bref le
placer en «position haute»
- accepter inconditionnellement ses propos comme une perception légitime
des problèmes et des situations étudiées, sans imposer nos propres
catégories mentales ni prendre part à un débat d’idées avec lui. On verra ci-
dessous comment concrétiser ces principes généraux de l’entretien
exploratoire.28
 Le contexte de l’entretien
Le cadre spatio-temporel doit répondre aux conditions suivantes :
-un endroit permettant l’isolement, le calme et la discrétion, pour que
l’interviewé se sente à l’aise.
-choisir le moment de l’entretien afin de disposer du temps nécessaire, sans
être interrompus. (min. 1h)
- tenir compte du rapport social entre l’interviewer et l’interviewé.
Rq : question pratique- faut-il enregistrer ou prendre notes ?

28
Idem

1
L’enregistrement des entretiens est indispensable pour ne pas perdre une
grande partie du contenu de l’entretien. Cela permet au chercheur d’avoir
l’esprit disponible pour son interlocuteur avec toute la concentration requise.
Il est bien entendu subordonné à l’autorisation préalable de l’interviewé.
La prise de notes systématique en cours d’entretien est à éviter. Elle distrait
aussi bien l’interviewer que l’interviewé. Par contre, il est utile de noter
quelques mots pour structurer l’entretien (points à éclaircir, questions sur
lesquelles revenir, thèmes qui restent à aborder, etc).
 Le premier contact
La première difficulté est de convaincre les interviewés potentiels d’accepter
de se prêter à l’entretien et de vaincre leurs réticences éventuelles.
 La conduite de l’entretien
Il est préférable de se baser sur un guide d’entretien reprenant l’ensemble
des points à aborder. Ces points ne doivent pas être abordés dans un ordre
préétabli, vous pouvez vous laisser guider par la personne interviewée. Le
guide d’entretien permettra de vérifier, de temps à autre, quels sont les
points qui n’ont pas encore été abordés
Les interventions suivantes de l’interviewer seront de nature à faciliter
l’expression libre de l’interviewé. Pour cette raison, on les nomme
couramment des «relances»:
– «Que voulez-vous dire exactement par…» (pour faire préciser une idée);
– «Vous avez évoqué l’existence de deux aspects de ce problème. Vous avez
développé le premier, quel est le second?» (pour revenir sur un «oubli»,
volontaire ou non);
– «Nous n’avons pas encore parlé de…; pouvez-vous me dire comment vous
voyez…?» (pour aborder un autre aspect du sujet). 29
Dans le même esprit, il ne faut pas craindre les silences
Les questions plus intrusives seront posées en fin d’entretien (elles
pourraient braquer l’interviewé si vous les posez au début)
 L’exploitation des entretiens exploratoires

29
Idem

1
- Repérer les divergences de points de vue entre les interlocuteurs. Les
divergences et contradictions doivent être traitées comme des données
objectives et permettre d’élargir nos interprétations du phénomène.

- Il s’agit d’écouter et réécouter les enregistrements les uns après les


autres, noter les pistes et les idées, à mettre en évidence les contradictions
internes et les divergences de points de vue et à réfléchir à ce qu’ils
pourraient bien signifier.
2.3. L’OBSERVATION
Selon Luc Albarello, « l’observation, c’est l’action de regarder avec
attention les faits pour les étudier, les comprendre, les analyser. »30
Observer qui ? observer quoi ?
 Les sujets, acteurs, agents, groupes, classes
 Leurs comportements, pratiques, intentions, attitudes, les stratégies ,
les relations de pouvoir, de domination
 La situation, l’environnement, les structures
 Les effets et les conséquences
Les phénomènes observés par le chercheur ont un sens, même si celui-ci
échappe à sa compréhension. Son travail consiste à rechercher le « sens
profond » qui se cache derrière le sens ou non-sens apparent.
Lorsque vous menez des observations, il est conseillé de noter vos
observations dans un cahier, un carnet de bord.
Attention, votre participation à la vie quotidienne du groupe observé peut
influencer votre point de vue, vous rendre moins objectif. Il est nécessaire de
trouver une manière de prendre distance via des échanges entre
professionnels par exemple.

30
L. ALBARELLO, op.cit,p.22.

1
3. La problématique
Avec les éléments récoltés via l’exploration (lectures, observations,
entretiens exploratoires) on va définir une problématique de recherche,
c’est-à-dire qu’on va déterminer l’approche théorique que l’on va utiliser.
3.1. Définitions
Le sens donné au terme « problématique de recherche » varie d’un auteur à
l’autre.
Ex :
 «  toile de fond » sur laquelle repose le travail de recherche
 «  l’ensemble construit autour d’une question principale,
d’hypothèses de recherche et des lignes d’analyse qui permettront de
traiter le sujet choisi »
 «  L’ensemble des éléments formant problème, la structure
d’informations dont la mise en relation engendre chez le chercheur
un écart se traduisant par un effet de surprise ou de questionnement
assez stimulant pour le motiver à faire une recherche » 31
Pascal Lièvre, quant à lui, dans le cadre de la recherche en travail social,
parle de « problématique sociale ». Il définit celle-ci comme « un
positionnement, un discours construit, étayé, cohérent vis-à-vis de la
question de départ, qui permet à la fois de mieux préciser les termes de cette
même question et d’y apporter des éléments de réponse. (…) Cette
construction repose sur des bases théoriques et pratiques explicites »32
La problématique sociale repose sur au moins un concept, une théorie, mais
la place accordée aux informations recueillies sur le terrain (via les
interviews, les observations,…) est prépondérante.
La problématique de recherche se construit en 3 étapes :
 Faire le point sur la question de départ
 Inscrire son travail de recherche dans un cadre théorique
 Exposer les concepts fondamentaux

31
L. OLIVIER, G. BEDARD et J. FERRON, L’élaboration d’une problématique de
recherche. Sources, outils et méthodes, L’Harmattan, Paris, 2005,p.10-11.
32
P. LIEVRE, op.cit,p. 77.

1
Exemples développés en cours :
1. Question de départ : « Que pense la population de la justice de son
pays ? »
2. . Durkheim – Le suicide

3.2. Le choix d’une théorie


Afin de préciser ma problématique, je dois choisir une théorie qui va me
permettre de l’expliquer.
Qu’est-ce qu’une théorie ? On entend par « théorie » « un ensemble de
propositions logiquement reliées, encadrant un plus ou moins grand nombre
de faits observés et formant un réseau de généralisations dont on peut
dériver des explications pour un certain nombre de phénomènes sociaux. »33
Un modèle théorique explicatif, dominant dans une discipline donnée à un
moment donné, est appelé un paradigme.
Durant cette étape, le chercheur sera amené à sélectionner :
 Une théorie
 Un/des concepts clés
 Un angle d’approche
 Une école
 Un schème d’interprétation,…
REMARQUE : le choix d’une théorie n’est pas neutre ! Les théories, en
sciences sociales, sont liées à des points de vue idéologiques
Exemple développé au cours34 – différentes possibilités pour théoriser en
partant d’une question de départ portant sur la manière dont justice et
médecine psychiatrique collaborent concernant les justiciables atteints de
troubles mentaux - Théories possibles :
- Interactions / Interactionnisme (Goffman)
- Zones d’incertitudes (Crozier- Friedberg)
- Champ/ habitus/violence symbolique (Bourdieu)
- Fonctions/fonctionnalisme (Merton)
- Etc

33
B. GAUTHIER et I. BOURGEOIS, op.cit,p.105.
34
Inspiré de R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit/

1
Les concepts impliquent une certaine conception de la réalité, un angle
d’approche pour problématiser.
3.3. Marche à suivre et critères
La problématique s’établit en 2 temps :
 Identifier et faire le point sur les problématiques possibles
 Faire le choix de la problématique que l’on va privilégier
Critères pour choisir sa problématique35 :
- Pertinence par rapport aux objectifs du chercheur
- Réalisme par rapport aux ressources
- Possibilités d’opérationnalisation
Remarques :
- Un chercheur chevronné aura tendance à combiner différentes
approches théoriques pour construire sa problématique. Un chercheur
débutant (un étudiant) préfèrera retenir une approche théorique
existante, adaptée à la question, et dont il peut maitriser les concepts.
- La construction de la problématique implique généralement une
reformulation de la question de départ
La problématique de recherche comprend aussi régulièrement un exposé des
motifs.

35
R. QUIVY et L. VANCAMPENHOUDT, op.cit,p.101.

1
schèmes d’explication et de compréhension
Ces modèles permettent de réaliser une analyse visant l’explication ou la
compréhension des faits sociaux.
 Schème causal : vise l’explication de l’apparition d’un phénomène
social par sa mise en relation avec un autre (corrélation)

 Schème dialectique : se base sur 3 principes qui se recouvrent, sont


liés :
- principe d’opposition : les choses n’existent pas de manière
isolée, c’est en les opposant les unes aux autres que l’on peut
les définir. (ex : chômage/travail, bourgeoisie/prolétariat)
- principe de totalité : les deux réalités n’existent qu’ensemble.
Elles prennent leur sens dans leur opposition et forment un
système. Si un élément bouge, l’autre aussi.
- Principe d’identité : ce principe implique qu’il y a une unité
obligatoire entre les deux termes de la contradiction.

 Schème fonctionnel : (fonctionnalisme) se base sur l’idée que chaque


fait social remplit une fonction dans la société (fonction
explicite/implicite)

 Schème actanciel : fait appel à la théorie de l’acteur, vision


interactionniste- ce sont les conduites des acteurs qui expliquent les
faits sociaux. On s’intéresse aux motivations des acteurs.

 Schème herméneutique : (herméneutique= science de


l’interprétation des textes). Ici on recherche la signification, le sens
des faits sociaux

1
4. La construction du modèle d’analyse
Définition : « Le modèle d’analyse constitue le prolongement naturel de la
problématique en articulant sous une forme opérationnelle les repères et les
pistes qui seront finalement retenus pour présider au travail d’observation et
d’analyse. Il est composé de concepts et d’hypothèses qui sont étroitement
articulés entre eux pour former un cadre d’analyse cohérent. »36
Construire un modèle d’analyse consiste à élaborer un système cohérent de
concepts et d’hypothèses qui permettront d’opérer sur le terrain en récoltant
des données mesurables et objectivables.
Un modèle d’analyse est composé de concepts et d’hypothèses qui sont
articulés entre eux pour former un cadre d’analyse cohérent. Sans ce cadre, il
n’est pas possible de structurer valablement sa recherche.
Il est recommandé de conserver un nombre réduit de concepts et
d’hypothèses. Cela ne veut pas dire que vous ne serez pas amenés à utiliser
des concepts qui ne figurent pas dans le modèle d’analyse mais qui seront
utiles pour développer une idée en utilisant un vocabulaire précis (ex :
concepts fréquemment utilisés dans les sciences sociales)
Remarque : Dans la construction du modèle d‘analyse, on va de l’abstrait
vers le concret puisque c’est la dernière étape avant la récolte des données
sur le terrain.
Approche inductive ou déductive  37?

Approche déductive : établir d’abord des relations théoriques (hypothèses) entre


des concepts ou des éléments déjà connus puis procéder à une collecte de
données qui permettra de confirmer ou infirmer les hypothèses. (privilégie les
méthodes quantitatives)

Approche inductive : présuppose que les connaissances scientifiques sont


dérivées d’abord de l’observation et de l’expérience avant d’être interprétées.
C’est à partir de nos observations que l’on peut dégager des propositions
explicatives. Les données recueillies dans le cadre d’une recherche inductive
permettent ensuite au chercheur de proposer une théorie (méthodes qualitatives)

36
R. QUIVY et L. VANCAMPENHOUDT, op.cit,p.137.
37
B. GAUTHIER et I. BOURGEOIS, op.cit,p.68-69.

1
Comment procéder ? 38
- Construction des concepts
Selon Quivy et Van Campenhoudt, la conceptualisation constitue une
« construction abstraite qui vise à rendre compte du réel. A cet effet, elle ne
retient pas tous les aspects de la réalité concernée mais seulement ce qui en
exprime l’essentiel du point de vue du chercheur. Il s’agit donc de
construction-sélection »39
Il faut également déterminer quels seront les indicateurs (manifestations
repérables et mesurables du concept)
Rq : le chercheur peut aussi élaborer des idéaux-types (Cf Weber)

- Construction des hypothèses


L’hypothèse est « une réponse anticipée à la question de recherche,
exprimant une relation entre deux ou plusieurs concepts. C’est la
déclinaison de la problématique en termes opérationnels. » (Ph Dessus)40
L’hypothèse doit être une proposition que l’on peut facilement valider ou
invalider. Elle ne doit pas être évasive, contenir du pour et du contre. Elle est
une prise de position41
Elle doit :
- Etre précise et courte :
- Etre explicable par des résultats de recherches antérieures 
- Se référer à des notions mesurables
- Etre vérifiable 
- Une hypothèse est provisoire
- Une hypothèse n’est pas une certitude

5. L’observation
38
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit,p. 121 sq.
39
Idem,p.137
40
Université de Grenoble – Ph DESSUS- Problématique et hypotheses de recherche. http://espe-rtd-
reflexpro.u-ga.fr/docs/sciedu-cours-rech-educ/fr/latest/tuto-problematique.html, consulté le 25
novembre 2019.
41
P. LIEVRE, op.cit,p.85.

1
Cette étape comprend l’ensemble des démarches visant à confronter le
modèle d’analyse aux faits, à des données observables. Ce travail de terrain
consiste à récolter des données, analyser des matériaux concrets (via des
données statistiques, des questionnaires, des entretiens,…)
L’observation poursuit les objectifs suivants :
 Tester les hypothèses
Rq : en fonction des dispositifs méthodologiques il peut y avoir un aller-
retour régulier entre les hypothèses et les observations qui se nourrissent
mutuellement.(Voir les différentes méthodes et techniques)
 Conférer à la recherche un « principe de réalité »42
 Permettre d’explorer des aspects du phénomène éloignés des
intuitions de départ
Quelle que soit la méthode que le chercheur va choisir d’utiliser, celle-ci doit
être explicitée. Le chercheur doit démontrer qu’il ne procède pas d’une
manière arbitraire et qu’il travaille avec rigueur. Ces explications vont
permettre à ceux qui consulteront la recherche de bien comprendre de quelle
manière le chercheur est arrivé aux résultats qu’il présente.
5.1. Que va ton observer ?
Pour tester les hypothèses, le chercheur a besoin de pouvoir observer des
éléments concrets
 Les indicateurs
Les données qui seront récoltées sont celles qui sont nécessaires pour vérifier
la validité des hypothèses (= données pertinentes).
Au contraire, récolter des données surnuméraires va conduire le chercheur à
fournir un travail conséquent mais inutile pour sa recherche.
5.2. Le champ d’analyse43
2 possibilités :
 L’objet du travail de recherche définit lui-même les limites de
l’analyse. (ex : analyse du fonctionnement à l’intérieur d’un
hôpital en particulier, analyse de pratiques dans une localité, un
quartier,…)

42
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit,p. 142.
43
Idem,p.146.

1
 Le chercheur veut observer un processus social (Ex- Durkheim-
Le suicide). Le chercheur devra alors circonscrire son champ
d’analyse en fonction d’une série de critères (délais, ressources,
lieux comparables ou pas…)
Il est important que le champ d’analyse soit clairement délimité.
5.3. Observation directe et observation indirecte
 Observation directe : le chercheur procède directement au recueil des
informations.
 Observation indirecte : le chercheur collecte les informations en
s’adressant aux sujets de l’enquête (via questionnaire, entretien…)

5.4. L’observation en 3 étapes44 :


 Concevoir l’instrument d’observation
 Tester l’instrument d’observation
 Collecter les données
5.5 L’échantillon
Définitions :
La population est l’ensemble des éléments (ou unités) concernés par la
recherche.
L’échantillon est une fraction de la population. C’est « la partie de la
population désignée suivant différentes méthodes qui sera interrogée et dont
l’étude amènera des conclusions pouvant être étendues à l’ensemble de cette
population  »45
Nous noterons que considérer que « les résultats obtenus sur un échantillon
sont valables pour l’ensemble, revient à prétendre que les caractéristiques,
opinions, etc de quelques personnes interrogées représentent
approximativement celles de la population laquelle porte notre étude ; on
parle alors d’échantillon représentatif »46
Mais pour que la généralisation soit possible, pour que les résultats soient
fidèles à la réalité, l’échantillon doit être construit selon une méthodologie
particulière.

44
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op .cit, p.163-164.
45
P. LIEVRE, op.cit,p.95
46
J. M. FIRDION, Construire un échantillon, in. S. PAUGAM (dir), op.cit,p.71.

1
Différents types d’échantillons
1. échantillons représentatifs
 Échantillons probabilistes (ou aléatoires)
- Tirage simple au hasard
- Echantillon systématique
- Echantillon stratifié

 Echantillons empiriques
- Echantillon par quotas 

2. Échantillons non représentatifs47 (non probabilistes)


Il est parfois nécessaire de recourir à des techniques d’échantillonnage qui
n’assurent pas la représentativité de l’échantillon. Se pose alors la question
de la généralisation.
- Échantillons accidentels
- Echantillons de volontaires
- Echantillons en boule de neige
- Méthode des unités types : choix raisonné
Remarque : Le biais des non réponses : un faible taux de réponses à une
enquête réduit sa fiabilité.
Les enquêtes qualitatives : la question de l’échantillon ne s’y pose pas dans
les mêmes termes. L’objectif est de comprendre des situations. Le nombre de
sujets rencontrés pourra être réduit mais il doit être choisi de manière
raisonnée.

47
N. BERTHIER, Les techniques d’enquête en sciences sociales, Armand Colin, Paris, 2016, p.171.

1
6. méthode quantitative
informations générales
La méthode quantitative s’appuie sur des faits démontrables et mesurables.
Elle se base sur des chiffres, construit des démonstrations, établit des
statistiques. L’approche quantitative vise l’explication des faits sociaux.
Les chiffres ont à la fois une faculté descriptive et explicative. Ils permettent
un certain détachement de la part du chercheur (considérer les faits sociaux
comme des choses) Utiliser des chiffres dans un objectif explicatif permet de
viser l’objectivation des faits étudiés. Cela permet aussi de pas interpréter
les actions des individus uniquement comme des choix individuels (vision //
holisme)
Rq : Objectivation ≠objectivité
6.1. l’analyse de données existantes
 Analyse d’une base de données construite par un tiers48 :
Le chercheur utilise des bases de données chiffrées (instituts de statistiques,
collectifs de chercheurs, monde associatif,…). Mais ces bases de données
n’ont pas forcément été réalisées pour répondre aux questions que le
chercheur se pose.
 Mobilisation de données existantes à des fins statistiques
Les organisations collectent une grande quantité de données. Certaines sont
utilisées par les structures à des fins statistiques, d’autres dans le travail
journalier, ou dans un objectif d’archivage par exemple. Toutes ces données
constituent un matériau considérable qui peut être exploité dans le cadre
d’une recherche. 49
6.2. le questionnaire
L’enquête par questionnaire permet d’interroger un échantillon de la
population étudiée afin de récolter des données que l’on pourra chiffrer.
« La confection d’un questionnaire directif est une phase essentielle de
toute recherche quantitative », affirme Luc Albarello. Pour qu’il soit
opérationnel, chacune des questions doit trouver son sens par rapport à une
des hypothèses postulées par le chercheur. C’est indispensable pour pouvoir
traiter les résultats et confirmer ou infirmer les hypothèses. 50
48
F. BUGEJA-BLOCH et M-P. COUTO, Les méthodes quantitatives, PUF, Paris, 2015, p.11.
49
L. ALBARELLO, op.cit, p.93.
50
Idem,p.94.

1
Attention : l’enquête par questionnaire ne vise pas à décrire des conduites
avec le plus de détails possible mais « d’expliquer ce que les acteurs font par
ce qu’ils sont, et non par ce qu’ils disent de ce qu’ils font »51 nous disent P.
Bourdieu et J Cl Passeron.
Le questionnaire sera choisi dans le cadre d’une recherche à visée
explicative.
6.2.1. La formulation des questions
Le questionnaire étant considéré comme un instrument de mesure, il devra
être standardisé52 c’est-à-dire qu’il doit être absolument identique pour
toutes les personnes interviewées. On ne peut pas le modifier durant
l’enquête. Il est donc important de le tester sur quelques personnes avant de
lancer l’enquête.
Les thématiques abordées à travers les questions seront sélectionnées en
fonction de ce que l’on veut savoir. 53
Le recours à de multiples indicateurs, et donc la rédaction de plusieurs
questions, sera nécessaire pour récolter suffisamment d’informations au sujet
des notions centrales de la recherche.54
Le questionnaire comprendra deux types de questions : celles liées à la
détermination sociale et celles liées à la description des pratiques.
6.2.1.1 Catégories de questions55 :
 Questions fermées : elles présentent aux personnes interrogées
différentes réponses types. (2 ou plus) On peut y répondre par une
seule réponse ou plusieurs.
 Questions ouvertes : la réponse est explicitée par la personne
interrogée sans que le chercheur n’aiguille son choix. ! Elles doivent
pouvoir être facilement comprises et il faudra éviter tout risque
d’interprétations variées. Le dépouillement est complexe. Il arrive
régulièrement que l’on récolte des réponses vagues, hors sujet,…
 Questions semi-ouvertes : Une partie de la question est fermée mais
il y a une possibilité laissée pour donner une autre réponse que celles
prévues (ex : « autres (préciser)… »
 Les échelles : Le répondant doit se situer sur une échelle
51
F. DE SINGLY, Le questionnaire, Armand Colin, Paris, 2016,p.15.
52
N. BERTHIER, op.cit,p.92.
53
F. DE SINGLY, op.cit,p.21.
54
Idem,p.26.
55
N. BERTHIER, p.95

1
 Les questions scénarii : Les personnes interrogées doivent prendre
position pour un des modèles proposés.
 On peut aussi imaginer des questions basées sur des supports tels que
des images, du son,…
6.2.1.2. Conception des questions
 Langage clair : « Chaque mot utilisé dans un questionnaire sera (…)
soigneusement choisi en tenant notamment compte de la population à
laquelle le questionnaire est adressé. Le langage utilisé doit toujours
être simple, direct et parfaitement compréhensible pour la
population de référence. »56
 Privilégier les questions de fait.
 Une question ne doit pas comprendre plusieurs idées. Par contre, une
idée peut être exploitée dans plusieurs questions
 Eviter les doubles négations
 Utiliser un niveau conceptuel adapté et concret
 Attention aux biais : réaction de prestige (l’interviewé choisit une
réponse qui lui semble plus valorisante), tendance à répondre plus
facilement de manière positive, effet attendu de la formulation…
 Penser au traitement ultérieur des données (de quoi ai-je besoin ?
sous quelle forme ?)
6.2.1.3. les questions indirectes
Certains phénomènes sociaux, certaines attitudes, certains comportements,
ne peuvent pas être évoqués de manière directe dans un questionnaire. Il sera
plus efficace de les traiter « indirectement » en repérant des indicateurs de
ces attitudes qui permettront une certaine mise à distance. Ces indicateurs
permettront de reconstituer l’attitude des sujets, peu importe leur degré de
conscience de celle-ci.57

6.2.2. Organisation du questionnaire


On veillera tout particulièrement à58 :

56
L. ALBARELLO, op.cit, p.97.
57
L. ALBARELLO, op.cit, p.105.
58
N. BERTHIER, op.cit,p. 120-124.

1
 L’agencement des questions : déroulement logique et harmonieux
 Prévoir des transitions ou des titres
 Choisir une première question « brise-glace » : une question assez
générale, claire, intéressante pour donner envie de continuer.
 Doser les difficultés : les questions difficiles et/ou gênantes ne sont
pas placées au début du questionnaire
 Eviter l’ « effet de halo » ou phénomène de contagion.
 La longueur du questionnaire (penser aux conditions dans lesquelles
il sera complété et par quelle population)
Remarque :Il est utile de placer au début du questionnaire une introduction
expliquant le contexte de l’étude (qui, pourquoi, anonymat,…)
Exemple de questionnaire :
Source : F. BUGEJA BLOCH et M-P. COUTO, Les méthodes quantitatives, PUF,
Paris, 2015. (voir annexe)

1
7. Méthode qualitative
Elle met au premier plan le point de vue de l’acteur, les motivations des
individus, la façon dont ils expliquent et comprennent leurs actes – cf
Weber- individualisme méthodologique→ les faits sociaux sont vus comme
les conséquences d’actions individuelles qui se combinent.

7.1. L’entretien

« Pour comprendre ce qui se passe dans des lieux qui, comme


les « cités » ou les « grands ensembles », et aussi nombre
d’établissements scolaires, rapprochant des gens que tout
sépare, les obligeant à cohabiter, soit dans l’ignorance ou dans
l’incompréhension, soit dans le conflit, latent ou déclaré, avec
toutes les souffrances qui en résultent, il ne suffit pas de rendre
raison de chacun des points de vue saisi à l’état séparé. Il faut
aussi les confronter, comme ils le sont dans la réalité, non pour
les relativiser, en laissant jouer à l’infini le jeu des images
croisées, mais, tout au contraire, pour faire apparaitre, par le
simple effet de la juxtaposition, ce qui résulte de l’affrontement
des visions du monde différentes ou antagonistes : c’est-à-dire,
en certains cas, le tragique qui nait de l’affrontement sans
concession ni compromis possible de points de vue
incompatibles, parce que également fondés en raison sociale. »
P. BOURDIEU, La Misère du Monde, ed Seuil 1993(p.13)

L’entretien est, avec le questionnaire, une des modalités les plus fréquentes
pour collecter des matériaux dans le cadre de recherches en sciences sociales.
Ce type d’entretien porte généralement sur des comportements, des pratiques
sociales et concerne la compréhension des représentations mentales des
individus interrogés. Le chercheur choisit d’interroger certaines personnes
parce qu’elles possèdent certaines caractéristiques (classe sociale, histoire
personnelle,…) qui l’intéressent.59
L’entretien de recherche est utilisé pour étudier :
- Des actions passées
- Des représentations sociales
- Le sens donné aux choses – aux actions
- Les modèles culturels
- ….
L’entretien en phase d’observation se distingue de l’entretien exploratoire :

59
L. ALBARELLO, op.cit,p.63.

1
 Le chercheur centrera l’échange sur ses hypothèses de travail
 Le contenu récolté durant l’entretien fera l’objet d’une analyse de
contenu systématique
 L’objectif est de tester les hypothèses de travail60
7.1.1Une double « filiation »61
 La psychologie clinique et Carl Rogers : l’approche centrée sur la
personne a largement contribué à construire la posture de l’enquêteur.
 Les grandes enquêtes sociales de la fin du 19e siècle.
7.1.2 Variantes :
L’entretien peut être individuel/collectif
-Individuel → plus de liberté de parole pour la personne interviewée
-collectif → peut susciter réflexion et co-construction par l’ensemble des
participants. Mais ne pas sous-estimer la pression du groupe (leaders/ pers.
plus effacées, contrôle social) - dans certains cas c’est à éviter – prévoir
moins de 10 participants/groupe
L’entretien semi-directif :
Il n’est ni entièrement ouvert, ni canalisé par une succession de questions
précises.
Il est mené sur base d’un guide d’entretien constitué de différents
thèmes/questions élaborés en fonction des hypothèses ou d’une série de
« questions-guides » relativement ouvertes. (Compter une dizaine de
thèmes/questions, à aborder dans le même ordre)62
L’entretien non directif :
Le chercheur présente un thème – le sujet interrogé a toute liberté de parler
de ce qui lui semble le plus pertinent par rapport à ce thème.
Ex : Il existe en Belgique une structure d’enseignement spécialisé (qui
n’existe pas dans tous les pays) pour des enfants nécessitant une intervention
particulière qui n’est pas dispensée dans l’enseignement ordinaire. Qu’en
pensez-vous ?

60
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit, p.170.
61
J. BARBOT, Mener un entretien de face à face, in : S. PAUGAM (dir), L’enquête sociologique,
PUF-Quadrige, Paris, 2017, p.115.
62
A adapter : certains auteurs considèrent que le chercheur doit avant tout privilégier la parole la plus
libre possible de la personne interviewée et donc adapter l’ordre de ses questions le cas échéant. (ex :
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT)

1
L’entretien centré (« focused interview »63:
Il se concentre sur un évènement, une expérience précise qu’il veut analyser,
dont le chercheur veut comprendre l’impact sur ceux qui l’ont vécu.
L’enquêteur se base sur une liste de points précis qu’il abordera en fonction
du déroulement de l’échange.
7.1.3 Pertinence et validité des matériaux récoltés :
Pour Albarello, « il faut que les matériaux que l’on va recueillir et analyser
soient susceptibles de témoigner adéquatement des systèmes de sens
présents dans le chef des sujets ; il faut donc qu’ils soient appropriés c’est-
à-dire qu’ils couvrent au mieux l’ensemble des systèmes de sens susceptibles
de se manifester par rapport à une problématique donnée. La
«  significativité » des matériaux se définit donc par leur variété et leur
qualité, c’est-à-dire leur adéquation à la manifestation des systèmes de
sens. 64»
Critère important de la validité = la saturation65 : « lorsque les données que
l’on recueille ne sont plus nouvelles(…) que ce que l’on récolte rentre dans
les cadres déjà connus, on peut s’arrêter » ; (On a fait le tour)
Albarello considère que la saturation, une fois atteinte, confère une base très
solide à la généralisation et de la sorte, elle remplit pour l’approche
qualitative la même fonction que la représentativité pour l’approche
quantitative.66
En qualitatif, parfois une seule observation apporte énormément de sens et
contribue fortement à la construction d’un modèle de compréhension
Qui interroger ?
- Raisonner en terme de matrice :
On interroge un petit nombre de personnes →pas de possibilité de
représentativité au sens statistique.
La valeur de l’échantillon dépend de son adéquation avec les objectifs de la
recherche en prenant comme principe de diversifier les profils des personnes
interrogées en vérifiant qu’aucune situation importante pouvant faire varier

63
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit, p.171.
64
L. ALBARELLO, op.cit, p.65.
65
MUCHIELLI, Les méthodes qualitatives, PUF, 1991.
66
L. ALBARELLO, idem

1
les résultats n’a été oubliée → les individus sont choisis en raison de leur
caractère exemplaire par rapport à l’objet de recherche
Ainsi, pour Blanchet et Gotman, il ne s’agit pas seulement de « faire décrire,
mais de faire parler sur »67. Les entretiens permettent de saisir des
représentations articulées à un contexte. La somme de ceux-ci permet
d’établir un réseau de significations. Ensuite, il appartient au chercheur de
« traduire perpétuellement les épreuves personnelles en enjeux collectifs, et
de donner aux enjeux collectifs leur riche dimension humaine » (C.W.
Mills)68
- Rechercher la saturation (cf. + haut)

- Eviter une trop grande proximité  : Interroger des acteurs du champ


que l’on côtoie personnellement est une situation délicate à éviter.
Les entretiens doivent être enregistrés puis retranscrits intégralement afin
qu’ils puissent être analysés par la suite.
7.1.4 La grille d’entretien (ou guide d’entretien):
Janine Barbot qualifie la grille d’entretien d’ « outil hybride dans lequel
l’enquêteur articule différentes questions »69. Elle se distingue du
questionnaire car elle « structure l’interrogation mais ne dirige pas le
discours »70
Le chercheur va organiser va construire un système organisé de thèmes, puis
pouvoir l’utiliser sans avoir à le consulter sans cesse.
Exemple – voir Annexe 2-
La posture de l’enquêteur :
 Eviter le «  méthodologisme » / la centration sur le relationnel
 Rôle: choix adéquat du cadre pour mettre à l’aise la personne
interrogée (lieu, temps,…)
 La disponibilité : il ne s’agit pas ici d’une « qualité humaine » mais
de la mise en œuvre d’un dispositif qui va rendre l’enquêteur
disponible (matériel d’enregistrement-mémorisation de la grille –
écoute active - attention distribuée71)

67
A. BLANCHET et A. GOTMAN, L’entretien, Armand Collin, Paris, 2015, p.25.
68
C.W. MILLS, L’imagination sociologique, Maspero, Paris, 1978,p.198.
69
J. BARBOT, op.cit,p.126.
70
A. BLANCHET et A. GOTMAN, op.cit, p. 62.
71
J. BARBOT, op.cit,p.130.

1
RQ : Réaliser un entretien ne se conçoit pas comme faire passer un
questionnaire : le chercheur doit intégrer la situation d’interaction, sans quoi
il risque fort de manquer son but. Il s’agit non seulement d’écouter les
enquêtés, mais aussi de pouvoir les faire parler librement. 72
Avantages Limites et problèmes73
Possibilité d’analyser en profondeur Difficulté de mise en œuvre pour le
les éléments recueillis chercheur inexpérimenté vu la
souplesse au niveau technique
Dispositif souple et peu directif qui Les informations recueillies ne
permet de s’adapter au cadre de permettent pas une analyse directe-
référence de l’interlocuteur nécessite de prévoir comment
l’analyse des informations sera
réalisée → coupler avec l’analyse
de contenu

7.2. Le récit de vie


Il s’agit de travailler sur des récits auto-biographiques récoltés par le
chercheur auprès des personnes interviewées. Le chercheur ne récolte pas
seulement des faits mais le sens donné aux évènements, les sentiments et
émotions qui y sont liés, la manière dont les personnes les décrivent…
Le récit de vie permet de saisir l’individu dans une trajectoire. Cette
technique est donc pertinente pour analyser des processus ou des trajectoires
La subjectivité inhérente au récit de vie apporte les matériaux nécessaires à
« l’étude du système de significations et de valeurs propres au récitant, en
tant qu’être social. (…). Le récit de vie doit être considéré dans sa
subjectivité car au plus profond de cette subjectivité se trouve enfouie la
réalité sociale et collective incorporée par le sujet »74
D’un point de vue technique, pour le recueil des informations, le chercheur
peut se référer aux éléments développées pour l’entretien semi-directif.
Enfin, Albarello insiste sur « les dimensions éthiques et déontologiques de ce
type d’intervention » (confidentialité, violence symbolique, respect de la
personne) qui doivent être prises en considération par le chercheur. 
Rq : récits de vie croisés (V. De GAULEJAC)

72
A. BLANCHET et A. GOTMAN, L’entretien, Armand Collin, Paris, 2015, p.20.
73
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit, p.173
74
LALIVE D’EPINAY,1985, in L. ALBARELLO, op.cit,p.77.

1
7.3. L’observation directe

« On vous a dit d’aller fouiner à la bibliothèque pour accumuler


des montagnes de notes et une grosse couche de saleté. On vous
a dit de choisir des problèmes pour lesquels vous pouviez
trouver des piles moisies de dossiers monotones issus d’emplois
du temps triviaux, préparés par des bureaucrates fatigués et
remplis par des demandeurs d’aide sociale réticents, des âmes
charitables un peu maniaques, ou des employés indifférents.
C’est ça qu’ils appellent « vous salir les mains dans la vraie
recherche ». Ceux qui vous conseillent sont sages et
honorables ; les raisons qu’ils donnent sont de grande valeur.
Mais il faut autre chose encore : l’observation de première
main. Allez vous asseoir dans les salons des hôtels de luxe et sur
les paliers des refuges de nuit ; sur les sofas de la Gold Coast
comme sur les lits de fortune des taudis ; à l’Orchestra Hall
comme au Star and Garter Burlesque. Bref, allez vous salir les
fonds de pantalon avec de la vraie recherche »
Robert Park (1927)75

L’observation directe est la seule méthode qui permet au chercheur d’accéder


aux comportements des acteurs en situation, sans intermédiaire.
Elle est particulièrement adaptée pour enquêter sur « les comportements qui
ne sont pas facilement verbalisés, ou qui le sont trop »76 ou encore pour
accéder à d’autres informations que des réponses convenues, un discours
officiel qui ne nous apprendra que peu de choses sur notre problématique.
Elle permet d’avoir accès à des pratiques non-officielles, des réalités
institutionnelles non-dites,… Elle permet aussi d’analyser le non-verbal, les
codes comportementaux,…
Généralement l’objet d’étude est le groupe, ses rapports de pouvoir, son
fonctionnement, etc
Les terrains privilégiés pour utiliser l’observation directe sont des espaces
circonscrits, bien délimités (un quartier, une institution,…), un groupe
d’individus restreint ayant des activités, des pratiques particulières ou un
mode de vie en commun.77

75
Cité par S. CHAUVIN et N. JOUNIN, in S. PAUGAM (dir), L’enquête sociologique, PUF-
Quadrige, Paris, 2017, p.144.
76
A-M. ARBORIO et P. FOURNIER, l’Observation directe, Armand Collin, Paris 2014, p.22
77
,Idem p.14-15.

1
7.3.1. Le choix du terrain :
Le choix d’un espace circonscrit s’impose au chercheur car celui est face à
«  un ensemble fini et convergent d’interactions »78. Mais le caractère
délimité du lieu d’observation ne suffit pas à définir à lui seul l’objet d’étude.
Le terrain sera choisi en suivant deux critères principaux79 :
 La pertinence sociale : le terrain doit être un tout autonome,
analysable pour lui-même et en lien avec la question traitée par le
chercheur. Il doit pouvoir être complètement appréhendé par son
observateur.
 La pertinence pratique : le terrain doit être clairement délimité,
accessible, stable et d’une ampleur correspondant au temps dont
dispose le chercheur.
Le temps consacré à l’observation doit être assez long pour que le chercheur
puisse être confronté à la diversité des situations qui correspondent à la
réalité du terrain.
Le chercheur va :
- Être sur place parmi les personnes observées et s’adapter au milieu
- Observer le déroulement ordinaire des évènements
- Consigner en prenant des notes
- Interpréter ce qu’il a vu et faire un compte rendu

7.3.2. Les modes d’observation :

 Observation non participante80 : étudier un groupe ou une structure en


observant de l’extérieur (uniquement rôle d’observateur)
 Observation participante : le chercheur se mêle à la vie collective du
groupe /de la structure.
 Observation à découvert/Incognito81
Chacun de ces modes d’observation comporte des avantages et des
inconvénients.

78
Idem
79
Idem, p.28-29.
80
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit, p.174-175.
81
A-M. ARBORIO et P. FOURNIER, op.cit, p.30-31.

1
L’observateur non participant aura lus de difficultés, vu sa seule étiquette de
chercheur, à créer un lien de confiance avec les personnes observées.
L’observation participante permet une meilleure inclusion dans le groupe
mais elle nécessite de la part du chercheur une capacité de distanciation plus
importante.
L’observation incognito permet de ne pas modifier les comportements et
attitudes des acteurs mais peut confronter le chercheur à des questions
éthiques.
La façon dont l’observateur va pouvoir poser des questions aux différents
acteurs sera également différente en fonction du mode d’observation choisi.
7.3.3. Observer 82:

 Le cadre normatif : les règles formelles qui régissent la structure, les


interactions, etc.
 Les scènes de la vie sociale
 Les actions des acteurs
 Les interactions
 Les propos tenus par les acteurs en situation
 Les conversations entendues
 Les attitudes, les signes de sentiments éprouvés
 L’occupation du temps/ de l’espace
Le chercheur va mobiliser ses 5 sens , observer de manière systématique afin
d’élargir son regard, de s’arrêter sur « ce qui n’est pas à sa place », ce qui
« surprend » à tel endroit ou dans telle circonstance,…
Il est souvent conseillé d’utiliser une grille d’observation
Observer va nécessiter de coupler la faculté de développer sa mémoire et sa
capacité d’étonnement.
7.3.4. Consigner 83:
Il est nécessaire que le chercheur tienne un journal de terrain. Il ne pourra
souvent pas noter ses observations directement, ou seulement des notes très
brèves. Il consignera ses observations dans son journal en dehors des
moments passés sur le terrain
 Description détaillée de ce qui a été vu/entendu
 Parties de conversations significatives
82
Idem, p.47 sq.
83
Idem,p.52 sq.

1
 Comptages
 Cartes de déambulation (usage de l’espace)
 Lexique indigène
En relisant son journal de terrain, le chercheur pourra le compléter avec de
nouveaux souvenirs, des réflexions, des analyses, des liens avec les aspects
théoriques,…
Il peut être utile d’élaborer un guide d’observation. (Niveaux d’observation,
catégories, critères, aspects quantitatifs et qualitatifs)
7.3.5. Avantages /inconvénients84 :
Avantages Inconvénients et limites
Permet de saisir sur le vif les Difficultés pour se faire accepter
comportements et les évènements comme observateur si on travaille à
découvert
Permet de recueillir un matériau La mémoire du chercheur est
d’analyse spontané (non suscité par centrale dans la compilation des
le chercheur via des questions par données – problème de fiabilité des
ex.) traces
Comportement des acteurs plus Interprétation des observations
spontané et donc plus sincère
La présence du chercheur peut
modifier les comportements des
acteurs

Remarque : S. BEAUD et F. WEBER émettent des réserves concernant


l’observation appliquée par un débutant : selon eux celui-ci « risque de ne
rien voir ou de ne voir que ce qu’il projette de ses expériences antérieures
dans une situation nouvelle ». Le néophyte risque de « voir de travers,
d’entendre de travers, de se méprendre sur le sens de ce qu’il perçoit » et ce,
sans s’en rendre compte. Ils préconisent donc d’utiliser l’observation en
parallèle d’autres techniques. 85
Il n’est donc pas conseillé de vous baser uniquement sur vos observations
pour la réalisation de votre futur TFE.

84
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit, p.177.
85
S. BEAUD et F. WEBER, Guide de l’enquête de terrain, ed. La découverte, Paris, 2003, p.125-126.

1
7.4. L’étude de cas
Comme son nom l’indique, l’étude de cas se centre sur une ou plusieurs
unités particulières. Le chercheur va choisir d’analyser en profondeur
quelques cas considérés comme significatifs par rapport aux hypothèses
qu’il a émises.86
L’étude de cas vise à la fois la description et l’interprétation. Il s’agit
d’approfondir l’observation d’une personne, d’une situation, d’une
organisation,… pour en tirer un enseignement, une analyse, des conclusions.
Le(s) cas étudié(s) permet(tent) de comprendre un système plus large.
Forces Faiblesses
 Permet une compréhension
fine et approfondie du  Représentativité faible
contexte  Problèmes de validité
 Permet de rendre compte de
facteurs qui ne sont pas ou
difficilement mesurables
 Apport intéressant en
complémentarité avec des
données quantitatives

Démarche à favoriser :
1. Cadre théorique pertinent et adapté : le chercheur sélectionne le
cas en fonction de ce cadre théorique . Le cadre théorique permet
aussi de savoir dans quelle mesure on peut
généraliser à partir des EDC choisies, l’objectif étant tout de même
de pouvoir tirer des conclusions qui dépassent le cas lui-même.
2. La sélection du cas : Même si le cas ne sera jamais représentatif sur
un plan statistique, il peut l’être sur un plan théorique. 87
Rq : On ne va pas nécessairement rechercher des résultats totalement
répétitifs d’un cas à l’autre. Une analyse des variations entre les cas permet
de faire des comparaisons instructives pour le sujet traité.

86
L. ALBARELLO, op.cit, p.89
87
B. GAUTHIER et I. BOURGEOIS, op.cit,p.217.

1
7.5. L’analyse institutionnelle88
Un des rôles de l'analyse institutionnelle est d’identifier les rapports de
pouvoir implicites, de mettre en évidence les "non-dits" des réalités se
présentant comme allant de soi.
Cette approche repose sur les concepts d’institution et d’analyseur.
L’analyseur, selon R. Lourau est ce qui permet de révéler la structure de
l’institution, de la provoquer, de la forcer à parler. Il permet de mettre au jour
les non-dits.

7.6. L’herméneutique
L’herméneutique est une méthode d’interprétation collective de textes –
particulièrement de récits socio-biographiques- « qui vise à faire émerger le
sens latent contenu dans le discours d’un individu et par là remonter à ses
représentations, ses structures de conscience. »89
Un groupe d’analyste réalise un travail d’interprétation sur base de textes u
d’interviews intégralement retranscrites. Ils mettent en parallèle leur
compréhension du texte et d’éventuels sens latents de celui-ci.

8. Autres modes de recueil d’informations


8.1. Le recueil de données existantes90
Le chercheur est amené à récolter des informations via des documents de
toutes sortes. Ces documents peuvent notamment fournir des données
macrosociales (statistiques etc).
Le recueil de données convient particulièrement pour
 L’analyse des phénomènes macrosociaux, démographiques, socio-
économiques,…
 L’analyse des changements sociaux et du développement des
phénomènes sociaux
 L’étude des idéologies, systèmes de valeurs, au sens large

88
(CF : AA- Analyse des pratiques sociales –R. SAFI)
89
L. ALBARELLO,op.cit.p .90.
90
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit, p. 179-180.

1
8.2. L’analyse de contenu (v. chapitre suivant car concerne davantage
l’analyse que le recueil d’informations)

1
9. L’analyse des informations91
Il s’agit ici de traiter l’information obtenue par l’observation afin de pouvoir
utiliser les résultats et les comparer aux hypothèses.
Elle comprend 3 opérations :
1. Préparer les données et les informations – les présenter de manière à
permettre leur analyse.
En analyse quantitative il s’agit de réaliser des tableaux de distribution,
d’agréger les données, de les regrouper en sous-catégories
En analyse qualitative, il s’agit de retranscrire et d’organiser le matériau
pour en permettre l’analyse.
2. Mesurer les relations entre les variables
En qualitatif et en quantitatif, l’objectif est de faire des liens ou de
montrer qu’il n’y en a pas. On met en avant des corrélations, des
typologies
3. Comparer les relations observées à ce qui est attendu au niveau des
hypothèses.

9.1. Les méthodes d’analyse des informations


Il existe deux grandes catégories :
 9.1.1. L’analyse statistique
Le développement des logiciels a fortement transformé l’analyse des
données. Il est actuellement possible de manipuler rapidement des masses de
données considérables.
Ainsi, on notera des procédures statistiques telles que l’analyse factorielle
des correspondances qui permet de visualiser et d’étudier les liaisons entre
plusieurs dizaines de variables en même temps.
Pouvoir disposer de données sous diverses formes favorise la qualité et la
diversité des interprétations. Les chercheurs ne renoncent pas pour autant à
l’usage de techniques plus anciennes comme les tableaux croisés.
Cette méthode convient pour toutes les recherches axées sur l’étude des
corrélations entre des phénomènes susceptibles d’être exprimés en variables
quantitatives. Dès lors, elle s’applique généralement très bien aux
91
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit, p.197-205.

1
recherches menées dans une perspective d’analyse causale. (…) Elle
s’impose dans tous les cas où les données sont recueillies à l’aide d’enquêtes
par questionnaire où les questions sont dites « fermées »92
Avantages Limites
 précision rigueur permettant L’outil statistique ne dispose pas,
d’apprécier la démarche de la en lui-même, d’un pouvoir
recherche. explicatif.
 Les moyens informatiques
qui permettent de manipuler
très rapidement un grand
nombre de variables.
 La clarté des résultats

9.1.2 L’analyse de contenu :


Selon Quivy et Vancampehoudt, on peut considérer 3 grandes catégories de
méthodes selon que l’examen porte principalement sur certains éléments du
discours, sur sa forme ou sur les relations entre ses éléments constitutifs.
L. Bardin différencie93:
 Les analyses thématiques (analyse catégorielle / analyse de
l’évaluation)
 Les analyses formelles (analyse de l’expression/ de l’énonciation)
 Les analyses structurales (analyse des co-occurences/ analyse
structurelle)
Objectifs pour lesquels la méthode convient particulièrement
L’analyse de contenu a un très vaste champ d’application. Elle peut porter
sur des communications de formes très diverses
Sur le plan des objectifs de recherche, elle peut être utilisée pour :
– l’analyse des idéologies, des systèmes de valeurs, des représentations et
des aspirations ainsi que de leur transformation ;
– l’examen des logiques de fonctionnement d’organisations grâce aux
documents qu’elles produisent ;
– l’étude des productions culturelles et artistiques ;

92
Idem, p. 203-204.
93
L. BARDIN, L’analyse de contenu, PUF-Quadrige, Paris, 2013 (2e ed)

1
– l’analyse des processus de diffusion et de socialisation (manuels
scolaires,journaux, publicités...) ;
– l’analyse de stratégies, des enjeux d’un conflit, des composantes d’une
situation problématique, des interprétations d’un événement, des réactions
latentes à une décision, de l’impact d’une mesure... ;
– la reconstitution de réalités passées non matérielles : mentalités,
sensibilités94

10. CONCLUSIONS
 Pluralisme méthodologique
 Recherches non linéaires
(si développé en cours)

94
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit , p.209.

1
BIBLIOGRAPHIE
L. ALBARELLO, Apprendre à chercher. L’acteur social et la recherche
scientifique, DE BOECK, Bruxelles, 2004 (2e éd.)
A-M. ARBORIO et P. FOURNIER, l’Observation directe, Armand Collin, Paris
2014
L. BARDIN, L’analyse de contenu, PUF-Quadrige, Paris, 2013 (2e ed)

S. BEAUD et F. WEBER, Guide de l’enquête de terrain, ed. La découverte, Paris,


2003
H. S. BECKER, Les Ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en
sciences sociales, La découverte, Paris, 2002.
N. BERTHIER, Les techniques d’enquête en sciences sociales, Armand Colin,
Paris, 2016
P. BOURDIEU, J.Cl CHAMBOREDON et J.Cl PASSERON, Le métier de
sociologue, Mouton-Bordas, Paris, 1968.
A. BLANCHET et A. GOTMAN, L’entretien, Armand Collin, Paris, 2015
F. BUGEJA-BLOCH et M-P. COUTO, Les méthodes quantitatives, PUF, Paris, 201
V. DE GAULEJAC (dir), La recherche clinique en sciences sociales, ERES,
Toulouse, 2013.
F. DE SINGLY, Le questionnaire, Armand Colin, Paris, 2016
E. DESVEAUX, Faire des sciences sociales. Généraliser. Editions de l’école des
hautes études en sciences sociales, Paris, 2013
B. GAUTHIER et I. BOURGEOIS (dir), Recherche sociale. De la problématique à
la collecte des données, PUQ, Québec, 2016
P. LIEVRE, Manuel d’initiation à la recherche en travail social, Presses de
l’EHESP, Rennes, 1998
O. MARTIN, L’analyse quantitative des données, Armand Collin, Paris, 2017.
L. OLIVIER, G. BEDARD et J. FERRON, L’élaboration d’une problématique de
recherche ; sources, outils et méthode, L’Harmattan, Paris, 2005
J. Cl PASSERON, Le raisonnement sociologique, un espace non poppérien de
l’argumentation, Albin Michel, Paris 2006 (2e ed.)
S. PAUGAM (dir), L’enquête sociologique, PUF-Quadrige, Paris, 2017
R. QUIVY et L. VANCAMPENHOUDT, Manuel de recherche en sciences
sociales, Dunod, Paris, 1995

1
ANNEXES

1
Annexe- Exemple de questionnaire : Source : F. BUGEJA BLOCH et M-P.
COUTO, Les méthodes quantitatives, PUF, Paris, 2015

1
58
Annexe 2 – Exemple de guide d’entretien – A. BLANCHET et A. GOTMAN,
L’entretien, Armand Collin, Paris, 2015-p.60-61. Recherche sur l’hospitalité
Consigne initiale :
« Vous avez hébergé {un neveu, un réfugié,…} pendant plusieurs mois. Pouvez-vous me dire
comment ça s’est passé ? »95
Guide thématique
(série de thèmes à explorer au cours de l’entretien)

LES CIRCONSTANCES INITALES DE L’HEBERGEMENT


- Circonstances {événement déclencheur, lien avec l’hôte}
- Prise de décision {protagonistes, discussions, résolutions,… }
- Réactions de l’entourage {famille proche, amis, collègues,… }

LA MISE EN PLACE DES TERMES DU CONTRAT


- Arrangements pris de part et d’autre {chambre, rangements à libérer, autres dispositions-
aide scolaire, soins, autres ; contreparties matérielles, autres}
- Les débuts {premiers souvenirs, étonnement, décalages, premiers désagréments ; ce qui a
surpris, dérangé, déçu}
- Attitudes, réactions non prévues ; ce qui a perturbé les hotants et leurs explications
-
L’ORGANISATION DE L’HEBERGEMENT ET LES REGLES DE VIE COMMUNE
- Durée du séjour { limité/illimité}
- Accès aux différents espaces de la maison, conventions d’horaires {clés, cuisine, séjour,
téléphone, télévision, espace fumeur}
- Accompagnement, suivi, contrôle de la vie de l’hôté au dehors {études, loisirs}
- Contribution aux services domestiques {linge, ménage, préparation des repas}
- Participation à la vie familiale, sociale des adultes, des enfants, de la famille et de ses
proches {ritualisée, régulière, occasionnelle, en famille, pour les sorties}
-
PLACE DANS LA MAISON, DANS LA FAMILLE
- Préséances, rôles {autorisations, délégations ; étendue et limites de la prise en charge
personnelle, économique de l’hoté ; impact de la présence sur la vie intra-familiale}
- Autonomie {accès libre ou contrôlé à la centrale domestique ; droit de recevoir, obligations,
changements d’habitudes, transformations personnelles introduits à la suite de ce séjour}
- Gratuité {distribution d’affectivité, d’amitié, de cadeaux, hiérarchisation et réciprocité des
échanges ; ce que l’on a donné, ce que l’on a reçu ; bénéfices pour l’hôte}
-
L’HOSPITALITE DANS LA DUREE, FIN DE l’HOSPITALITE
- L’intégration et ses étapes {conflits de territoire et intimité, confiance et défiance,
problèmes relationnels, prise de distance, manifestations de rejet}
- Retour sur les craintes, préventions et espoirs initiaux {exemples marquants, expériences
passées, tradition, quête personnelle ; différences et points communs avec l’expérience
présente}
- Jugements et perceptions réciproques de l’hôtant et (supposées) de l’hôté
- Fin de l’expérience {circonstances, décalages entre les critères de l’hôtant et l’hôté}
- Bilan {devenir des relations avec l’hôté après la fin de l’hospitalité, si c’était à
recommencer ? }

95

58
***********************

58

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