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Département social
Ecole Ouvrière supérieure
1
Attention : Il s’agit d’un résumé. Ces notes ne sont donc pas
suffisantes pour la compréhension du cours et la réussite de
l’examen. Les étudiants devront le compléter avec leurs notes
personnelles et les compléments postés sur e-campus.
1
Introduction
Pourquoi un cours de recherche pour des futurs travailleurs
sociaux ?
Les chercheurs universitaires ne sont pas les seuls à être concernés par la
recherche. Certains travailleurs sociaux sont amenés à être en contact avec
des recherches à différents niveaux.
1
Qu’est –ce que la recherche en travail social/sciences
sociales ?2
2
P. LIEVRE, Manuel d’initiation à la recherche en travail social, Presses de l’EHESP,
Rennes, 1998, p.15-23.
3
Idem, p.15.
1
Ex quantitatif : une population touchée par une problématique sociale
augmente (ex : les endettés, les femmes SDf,…)
Ex qualitatif : un phénomène social se met à perturber la cohésion sociale sur
un territoire (apparition d’un sentiment d’insécurité, modification dans les
comportements des jeunes d’un quartier,…)
- une politique sociale entraine des effets pervers ou des lacunes dans son
application.
Recherche en Recherche en TS
sc.sociales
Finalité expliquer des identifier des
phénomènes généraux phénomènes localisés
pour faire progresser leet datés pour préparer
savoir sur une question l’intervention qui va
suivre
· Question de départ prend son sens à partir part de questions que
d’un point de vue les professionnels se
théorique posent sur le terrain
Auteurs de la chercheurs acteurs de terrains-
recherche professionnels, travailleurs sociaux
universitaires (« acteurs-chercheurs »
ou « praticiens-
chercheurs »
1
L’étude scientifique des faits sociaux
Toute science a pour objectif de mettre en avant des lois. Dans les sciences
naturelles, on fait des observations, des expériences, on obtient des résultats
que l’on confronte aux connaissances disponibles. → Soit on confirme/
complète les connaissances existantes, soit on impose une nouvelle
connaissance via un nouveau modèle d’interprétation.
Il faut toutefois être attentif au fait que les théories issues des recherches en
sciences sociales ne sont pas à considérer comme des « vérités immuables ».
Vu le caractère profondément idéologique des sciences sociales, on peut
4
Rq : Il est nécessaire de généraliser pour créer du savoir.
E. DESVEAUX, Faire des sciences sociales. Généraliser. Editions de l’école des hautes études en
sciences sociales, Paris, 2013, p. 14-27.
1
aboutir à des interprétations très différentes d’une même réalité sociale (ex :
Bourdieu/Boudon sur l’école). De plus, les sociétés évoluent : quelque chose
qui était vrai au début du XXe siècle ne l’est plus forcément aujourd’hui.
1
d’interprétation. Toutefois, le cadre d’explication théorique ne peut être trop
vague.5
a) Des données quantitatives doivent être rassemblées chaque fois que c’est
possible : Ce principe répond à l’impératif de précision qui constitue un des
critères de la connaissance scientifique.
1
d) Les connaissances acquises doivent être présentées de manière telle
qu’elles soient le plus aisément communicables : Ce principe répond à la
nécessité de donner un caractère cumulatif à la connaissance
f) Les faits étudiés doivent être placés dans le cadre le plus large possible :
Ce principe demande au chercheur de considérer les faits étudiés du point de
vue de la société ou du groupe. Insistons sur le terme « possible » : il
implique l’idée d’un compromis – au niveau de la stratégie de la recherche –
entre ce qui est souhaitable et ce qui est effectivement réalisable. En fait ce
principe doit être compris comme l’indication de la nécessité de considérer
des systèmes sociaux et d’étudier toutes les variables susceptibles d’avoir
une valeur explicative
Comment jeter un regard critique sur une réalité, une institution, des
pratiques que je connais et dont je connais les acteurs ? Comment avoir
suffisamment de recul lorsque l’on partage une proximité culturelle,
psychologique, ou autre avec son objet d’étude ? Comment traiter des
aspects délicats (dysfonctionnements de la structure par ex.) ?
Qu’est ce qu’un fait social ?
Nous évoquons depuis le début la nécessité d’étudier les faits sociaux selon
une méthode scientifique mais nous n’avons jusqu’ici pas défini le fait
social. De manière courante on emploie ce terme pour désigner à peu près
8
L. ALBARELLO, op.cit, p.20.
1
tous les phénomènes qui se passent à l’intérieur de la société. Les faits
sociaux présentent des caractères particuliers qui permettent de les définir :
ils consistent en des manières d’agir, de penser, de sentir, qui sont
extérieures à l’individu, et qui sont douées d’un pouvoir de coercition. Ils
s’imposent aux individus. Ils n’ont pas l’individu pour fondement
(contrairement aux phénomènes psychiques ou psychologiques) mais bien la
société.
Pour Durkheim , « est fait social toute manière de faire, fixée ou non,
susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure ; ou bien qui
est générale dans une société donnée, tout en ayant une existence propre,
indépendante de ses manifestations individuelles »9. Pour Durkheim, le fait
social et contraignant, extérieur et inévitable.
Le fait social
La sociologie de Durkheim a pour objet principal le fait social. Il définit
celui –ci de la manière suivante : « un fait social consiste en une manière
d’agir, de penser et de sentir extérieure à l’individu et douée d’un pouvoir
de coercition en vertu duquel les faits sociaux s’imposent à lui »10
(→déterminisme)
Dans la sociologie de Durkheim, la société existe en dehors des individus
qui la composent.
Les faits sociaux sont extérieurs aux individus et à leur conscience. Ils
exercent une contrainte sur les individus qui vont donc s’y plier,
consciemment ou pas.
Un fait est donc social à partir du moment où il peut être considéré comme
extérieur aux individus à qui il s’impose car il possède un pouvoir
impératif et coercitif.
9
E. DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique.
10
Idem.
1
« Considérer les faits sociaux comme des choses »11
Cela suppose de tenir à l’écart toutes les prénotions que le chercheur aurait
par rapport à son objet d’étude. (Rupture épistémologique : rupture par
rapport à certaines connaissances antérieures ou vis-à-vis de modèles
d’explication existants)
Les faits sociaux ne sont pas des choses, alors pourquoi les traiter comme
tels ? La chose se donne à observer de l’extérieur.
Le chercheur doit aborder l’étude des faits sociaux de la même façon que
le physicien étudie la nature, comme s’ils ne les connaissaient pas. Il doit
mettre de côté son expérience personnelle de la vie sociale. Cette
prescription est difficile à suivre car le chercheur est un acteur de la vie
sociale : il a une vie familiale, politique, etc il devra mettre les faits
sociaux à distance en choisissant des instruments qui permettent de les
observer de façon indépendante de leur manifestation individuelle.
Comme l’observateur peut d’emblée penser comprendre les faits sociaux,
le danger est de ne découvrir que ce qu’on sait déjà. On appliquera donc
une méthode objectiviste, en faisant comme si on ignorait tout des faits
sociaux observés.
Considérer les faits sociaux comme des choses induit le passage par des
techniques quantitatives.
Le suicide (1897)
Durkheim choisit ce sujet car, de prime abord, on peut penser qu’il dépend
avant tout de causes individuelles, psychologiques,… Or le suicide est un
11
H. MENDRAS et J. ETIENNE, Les grands auteurs de la sociologie, Hatier, Paris, 1996, p.93.
12
E. Durkheim, op.cit.
1
fait social et doit donc être expliqué par d’autres faits sociaux.
A travers cette enquête et l’ouvrage qui suivra, il applique les règles
méthodologiques développées dans Les règles de la méthode sociologique.
Les conclusions
Durkheim conclut que le suicide varie du degré d’intégration de l’individu
à des groupes sociaux.
Il dégage également une typologie des suicides :
Défaut Excès
Intégration Suicide égoïste Suicide altruitse
Régulation Suicide anomique Suicide fataliste
1
Rappel :
Holisme Individualisme
méthodologique
Macrosociologie Microsociologie
Explication La sociologie doit aborder Le social est le produit
la société comme un tout des actes des individus
dont il faut décrypter le et de leurs interactions.
fonctionnement. Les individus sont
Le fonctionnement de la perçus comme des
société est un phénomène acteurs rationnels qui
en tant que tel. On ne peut agissent en fonction de
comprendre les stratégies et fabriquent
phénomènes sociaux qu’en ainsi la société.
les replaçant dans leur
contexte global. Cette
conception considère que
les individus subissent
(souvent inconsciemment)
un jeu social qui les
dépasse.
Fondateurs Marx, Durkheim Weber
Vision de la société Un tout différent de la Le produit de
somme des parties l’agrégation
d’interactions entre
individus
Posture des individus Ils subissent des règles Les acteurs font des
liées à des structures qui choix, construisent des
leur échappent et qui stratégies.
modèlent leurs
comportements et leurs
croyances
Objet de la sociologie Faits sociaux qui Résultat des actions
s’imposent aux individus individuelles qui
et les contraignent souvent produisent le social.
à leur insu (→
dévoilement)
Travail des Etudier les faits sociaux en Comprendre les actes
sociologues les analysant de l’extérieur des individus et le sens
qu’ils leur donnent.
Méthode de Observation indirecte et Observation directe,
prédilection objective voire participante
Instruments/techniques Statistiques, Entretiens, récits de vie
1
questionnaires, toutes
données chiffrées
LA DEMARCHE DE RECHERCHE
Étape 2 L'exploration
Étape 3 La problématique
CONSTRUCTION
Étape 4 La construction du modèle d'analyse
Étape 5 L'observation
13
R. QUIVY et L. VANCAMPENHOUDT, Manuel de recherche en sciences sociales, Dunod, Paris,
1995,p.16
1
1
Dans leur Manuel de recherche en sciences sociales, R. Quivy et L. Van
Campenhoudt commencent par lister ce qu’il ne faut surtout pas faire
lorsqu’on commence une recherche en sciences sociales.
« gloutonnerie livresque ou statistique »
« Emphase obscurcissante »
14
Idem, p.14.
1
La construction
La construction tend à reconsidérer le phénomène étudié à partir de
catégories de pensées qui relèvent des sciences sociales, à se référer à un
cadre conceptuel. Grace au cadre théorique, le chercheur va construire des
propositions explicatives du phénomène, un plan de recherche. Il va pouvoir
anticiper la phase d’observation.
La constatation (ou expérimentation)
Pour accéder au statut de connaissance scientifique, la proposition du
chercheur doit être vérifiée sur le terrain, grâce à une collecte d’informations
concrètes. Cette mise à l’épreuve des faits est appelée constatation ou
expérimentation.
Les trois actes de la démarche scientifique sont interdépendants et se
constituent mutuellement. Ainsi, la rupture se poursuit dans et par la
construction. 15
Les 7 étapes de la démarche de recherche :
La question de départ
L’exploration
La problématique
La construction du modèle d’analyse
L’observation
L’analyse des informations
Les conclusions
Le schéma présente les 7 étapes comme des étapes séparées, pour des raisons
didactiques et de clarté, mais dans une recherche, les étapes interagissent les
unes avec les autres.(cf les boucles de rétroaction –flèches)
Le chercheur est régulièrement amené à revenir en arrière, pour réadapter sa
recherche en fonction de divers facteurs. Les étapes présentes dans le schéma
garantissent une cohérence générale à la démarche scientifique. Cependant,
la démarche présentée dans le schéma ne doit pas être suivie de façon
mécanique, une recherche se réalise dans un contexte concret et le chercheur
doit pouvoir s’adapter aux réalités de ce contexte. Il sera amené à revenir en
arrière, reformuler une hypothèse imprécise ou inadéquate, revenir sur un
concept, adapter son cadre théorique, retourner sur le terrain chercher des
informations manquantes,…
15
Idem, p.20.
1
1. La question de départ
La traduction d'un projet de recherche en question est une étape obligée. Il
est impossible de formuler d’emblée un projet de recherche de manière
complètement satisfaisante. La question de départ va être le premier fil
conducteur qui va permettre au chercheur de commencer à travailler.
Ce n’est pas grave si votre réflexion n’est pas tout à fait aboutie. La question
de départ est une question de lancement 16, elle peut être modifiée plus tard si
nécessaire
Remarque 1 : Il faut pouvoir distinguer formellement le thème, le sujet et la
question de départ de votre travail. En exprimant votre sujet de TFE sous
forme d’une question, votre projet est clairement de tenter de répondre à
cette question. L’hypothèse ou les hypothèses viendront donc comme
réponse(s).
Remarque 2: Même les auteurs réputés énoncent leurs projets de recherche
sous la forme de questions simples et claires, ce qui n’empêche pas ces
questions d’être sous-tendues par une réflexion théorique très consistante.
Ex17 : •«Qu’est-ce qui prédispose certains à fréquenter les musées ?
Contrairement à la grande majorité de ceux qui ne les fréquentent pas ?» Il
s’agit de la question de départ de la recherche effectuée par Pierre Bourdieu
et Alain Darbel sur le public des musées d’art européens et dont les résultats
ont été publiés sous le titre L’Amour de l’art (Paris, Éditions de Minuit,
1969).
I.1. CRITERES POUR UNE BONNE QUESTION DE DEPART :
La question de départ est le premier moyen par lequel on entreprend une
démarche scientifique : elle participe à la rupture avec les préjugés et les
prénotions ;
1ere RQ : une bonne question doit pouvoir être traitée – Il faut pouvoir y
répondre.
a) Les qualités de clarté
Ex18 :
Question 1) Quel est l'impact des drogues sur la vie des jeunes ?
16
J. CADIERE, L’apprentissage de la recherche en travail social, Presses de l’EHESP, Rennes 2013,
p 51.
17
R. QUIY et L. VAN CAMPEHOUDT, op.cit p.23.
18
Les exemples de questions sont issus de R. QUIY et L. VAN CAMPEHOUDT, op.cit.
1
La question est trop vague. 1.Quelles drogues ? Licites ou illicites ? Des
jeunes de quel âge ?
Beaucoup d'interprétations peuvent être apportées à cette question. Il faut
pouvoir préciser tous les termes de la question. Il s'agit que les personnes à
qui vous poserez la question, sachent directement de quoi vous parlez. Sans
quoi, ils risquent d'apporter une réponse à une question qu'ils auront perçue
de manière différente.
→ PRECISION
1
du chercheur est avant tout de réaliser une analyse, de travailler à la
compréhension d’un phénomène. La crédibilité des résultats de son travail
dépendront aussi de cette qualité.
Une question de départ ne peut contenir de connotation morale. On ne
cherche pas à juger mais à expliquer/comprendre
Question 7) Les jeunes sont-ils plus touchés par le chômage que les
travailleurs adultes ?
Cette question laisse penser que le chercheur se contentera de rassembler
des données, à les hiérarchiser et à donner une réponse strictement
descriptive.
Il est préférable que la question de départ laisse transparaître une volonté de
comprendre les phénomènes sociaux, plutôt que de simplement les décrire.
La compréhension de la question de départ doit être immédiate pour votre
interlocuteur. Vous êtes arrivé à sa formulation lorsque19 :
Il n’y a plus qu’une manière de la formuler
Il n’y a plus de mot à enlever ou à rajouter
19
P. LIEVRE, Manuel d’initiation à la recherche en travail social, EHESP, Rennes, 2016,p.37.
1
Tous les termes ont été soigneusement choisis
L’étudiant est à l’aise avec tous les termes (appropriation)
Le choix du sujet qui mènera à la question de départ peut s’inspirer de
plusieurs sources20 :
1. Les expériences du chercheur/ de l’étudiant peuvent être à l’origine
du choix d’un sujet: une situation intéressante que l’on a rencontrée;
un problème organisationnel auquel on est confronté
2. Les observations et discussions. Avec des collègues, des
professionnels….
3. Les enjeux sociaux et sujets d’actualité
22
20
B. GAUTHIER et I. BOURGEOIS (dir), Recherche sociale. De la problématique à la collecte des
données, PUQ, Québec, 2016, 52-53.
21
Idem,p.56.
22
Idem
1
2. La phase d’exploration
La phase d’exploration va permettre de rassembler suffisamment
d’informations pour concevoir une problématique de recherche23
La phase d’exploration comprend :
- Des lectures
- Des entretiens exploratoires
- De l’observation
Elle permet de faire l’état des connaissances dans le domaine (connaissances
scientifiques et connaissances empiriques)
2.1. LES LECTURES
Lorsqu’un chercheur entame un travail de recherche, il va recenser les écrits
déjà existants, ceci afin de résumer l’état des connaissances actuelles. (cf –
Etat de l’art)
En fonction de l’importance de la recherche, le chercheur sera amené à
réaliser une revue de la littérature afin de saisir l’état des connaissances par
rapport au sujet mais aussi, dans un second temps, d’inscrire sa recherche à
l’intérieur des débats théoriques déjà existants. 24
2.1.1. Choisir ses lectures
Les documents que vous sélectionnez doivent avoir une valeur reconnue : le
document doit être identifiable et fiable.
FAMILIARISATION25
Outils :
- quotidiens et hebdomadaires
-dictionnaires spécialisés
23
R. QUIY et L. VAN CAMPEHOUDT, op.cit p. 41.
24
L. OLIVIER, G. BEDARD et J. FERRON, L’élaboration d’une problématique de recherche ;
sources, outils et méthode, L’Harmattan, Paris, 2005, p. 29.
25
Idem,p.45.
1
-Encyclopédies
- ouvrages généraux
Résultats :
- Délimitation spacio-temporelle du sujet
- Précision de l’aspect traité
26
Idem,p. 51.
1
- Ne pas se contenter d’une seule bibliothèque
- Utiliser les catalogues en ligne des bibliothèques (ex. Cible + de
l’ULB)
- Utiliser des bases de données qui regroupent les publications
existantes dans un ou plusieurs domaines (ex/ Francis – CNRS, Base
Search – Univ. de Bielfeld, Erudit – Canada, Persée, Cairn.Info)
- S’inspirer des bibliographies d’articles récents qu’on a consultés
- Se renseigner auprès de spécialistes du sujet
2.1.3 Comment lire ?
- Prendre des notes
- Réaliser des grilles de lecture
- Réaliser des résumés
2.2. LES ENTRETIENS EXPLORATOIRES27
Ils permettent de récolter des informations sur le terrain auprès de
spécialistes ou d’acteurs de terrain.
Ils rencontrent deux objectifs :
- s’informer le mieux possible sur la question étudiée avant d’entrer plus
avant dans le vif du sujet et de mobiliser des ressources plus importantes.
- prendre conscience d’aspects du problème qui n’avaient pas été
envisagés au moment de la formulation de la question de départ,
d’imaginer de nouvelles pistes (éventuellement reformuler cette question
de départ).
Les entretiens exploratoires n’ont donc pas pour fonction de vérifier des
hypothèses préétablies mais bien de guider la suite du travail. Pour cette
raison, il est essentiel que l’entretien se déroule de façon très ouverte et très
souple. Bien utilisé, l’entretien exploratoire va éviter au chercheur de se
lancer tête baissée sur une mauvaise piste ou de négliger des aspects
essentiels du problème.
L’entretien exploratoire permet des contacts avec des personnes qui
expérimentent, dans leur vie professionnelle, sociale ou personnelle, les
phénomènes que la recherche entend étudier. Ces premiers contacts seront
souvent utiles plus tard et pourront, si nécessaire, être remobilisés.
27
R. QUIY et L. VAN CAMPEHOUDT, op.cit p.63 sq.
1
Pour permettre une rupture avec les prénotions du chercheur et une ouverture
vers des perspectives de recherche valables, la préparation des entretiens
exploratoires doit envisager les trois questions suivantes:
Avec qui est-il utile d’avoir un entretien?
28
Idem
1
L’enregistrement des entretiens est indispensable pour ne pas perdre une
grande partie du contenu de l’entretien. Cela permet au chercheur d’avoir
l’esprit disponible pour son interlocuteur avec toute la concentration requise.
Il est bien entendu subordonné à l’autorisation préalable de l’interviewé.
La prise de notes systématique en cours d’entretien est à éviter. Elle distrait
aussi bien l’interviewer que l’interviewé. Par contre, il est utile de noter
quelques mots pour structurer l’entretien (points à éclaircir, questions sur
lesquelles revenir, thèmes qui restent à aborder, etc).
Le premier contact
La première difficulté est de convaincre les interviewés potentiels d’accepter
de se prêter à l’entretien et de vaincre leurs réticences éventuelles.
La conduite de l’entretien
Il est préférable de se baser sur un guide d’entretien reprenant l’ensemble
des points à aborder. Ces points ne doivent pas être abordés dans un ordre
préétabli, vous pouvez vous laisser guider par la personne interviewée. Le
guide d’entretien permettra de vérifier, de temps à autre, quels sont les
points qui n’ont pas encore été abordés
Les interventions suivantes de l’interviewer seront de nature à faciliter
l’expression libre de l’interviewé. Pour cette raison, on les nomme
couramment des «relances»:
– «Que voulez-vous dire exactement par…» (pour faire préciser une idée);
– «Vous avez évoqué l’existence de deux aspects de ce problème. Vous avez
développé le premier, quel est le second?» (pour revenir sur un «oubli»,
volontaire ou non);
– «Nous n’avons pas encore parlé de…; pouvez-vous me dire comment vous
voyez…?» (pour aborder un autre aspect du sujet). 29
Dans le même esprit, il ne faut pas craindre les silences
Les questions plus intrusives seront posées en fin d’entretien (elles
pourraient braquer l’interviewé si vous les posez au début)
L’exploitation des entretiens exploratoires
29
Idem
1
- Repérer les divergences de points de vue entre les interlocuteurs. Les
divergences et contradictions doivent être traitées comme des données
objectives et permettre d’élargir nos interprétations du phénomène.
30
L. ALBARELLO, op.cit,p.22.
1
3. La problématique
Avec les éléments récoltés via l’exploration (lectures, observations,
entretiens exploratoires) on va définir une problématique de recherche,
c’est-à-dire qu’on va déterminer l’approche théorique que l’on va utiliser.
3.1. Définitions
Le sens donné au terme « problématique de recherche » varie d’un auteur à
l’autre.
Ex :
« toile de fond » sur laquelle repose le travail de recherche
« l’ensemble construit autour d’une question principale,
d’hypothèses de recherche et des lignes d’analyse qui permettront de
traiter le sujet choisi »
« L’ensemble des éléments formant problème, la structure
d’informations dont la mise en relation engendre chez le chercheur
un écart se traduisant par un effet de surprise ou de questionnement
assez stimulant pour le motiver à faire une recherche » 31
Pascal Lièvre, quant à lui, dans le cadre de la recherche en travail social,
parle de « problématique sociale ». Il définit celle-ci comme « un
positionnement, un discours construit, étayé, cohérent vis-à-vis de la
question de départ, qui permet à la fois de mieux préciser les termes de cette
même question et d’y apporter des éléments de réponse. (…) Cette
construction repose sur des bases théoriques et pratiques explicites »32
La problématique sociale repose sur au moins un concept, une théorie, mais
la place accordée aux informations recueillies sur le terrain (via les
interviews, les observations,…) est prépondérante.
La problématique de recherche se construit en 3 étapes :
Faire le point sur la question de départ
Inscrire son travail de recherche dans un cadre théorique
Exposer les concepts fondamentaux
31
L. OLIVIER, G. BEDARD et J. FERRON, L’élaboration d’une problématique de
recherche. Sources, outils et méthodes, L’Harmattan, Paris, 2005,p.10-11.
32
P. LIEVRE, op.cit,p. 77.
1
Exemples développés en cours :
1. Question de départ : « Que pense la population de la justice de son
pays ? »
2. . Durkheim – Le suicide
33
B. GAUTHIER et I. BOURGEOIS, op.cit,p.105.
34
Inspiré de R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit/
1
Les concepts impliquent une certaine conception de la réalité, un angle
d’approche pour problématiser.
3.3. Marche à suivre et critères
La problématique s’établit en 2 temps :
Identifier et faire le point sur les problématiques possibles
Faire le choix de la problématique que l’on va privilégier
Critères pour choisir sa problématique35 :
- Pertinence par rapport aux objectifs du chercheur
- Réalisme par rapport aux ressources
- Possibilités d’opérationnalisation
Remarques :
- Un chercheur chevronné aura tendance à combiner différentes
approches théoriques pour construire sa problématique. Un chercheur
débutant (un étudiant) préfèrera retenir une approche théorique
existante, adaptée à la question, et dont il peut maitriser les concepts.
- La construction de la problématique implique généralement une
reformulation de la question de départ
La problématique de recherche comprend aussi régulièrement un exposé des
motifs.
35
R. QUIVY et L. VANCAMPENHOUDT, op.cit,p.101.
1
schèmes d’explication et de compréhension
Ces modèles permettent de réaliser une analyse visant l’explication ou la
compréhension des faits sociaux.
Schème causal : vise l’explication de l’apparition d’un phénomène
social par sa mise en relation avec un autre (corrélation)
1
4. La construction du modèle d’analyse
Définition : « Le modèle d’analyse constitue le prolongement naturel de la
problématique en articulant sous une forme opérationnelle les repères et les
pistes qui seront finalement retenus pour présider au travail d’observation et
d’analyse. Il est composé de concepts et d’hypothèses qui sont étroitement
articulés entre eux pour former un cadre d’analyse cohérent. »36
Construire un modèle d’analyse consiste à élaborer un système cohérent de
concepts et d’hypothèses qui permettront d’opérer sur le terrain en récoltant
des données mesurables et objectivables.
Un modèle d’analyse est composé de concepts et d’hypothèses qui sont
articulés entre eux pour former un cadre d’analyse cohérent. Sans ce cadre, il
n’est pas possible de structurer valablement sa recherche.
Il est recommandé de conserver un nombre réduit de concepts et
d’hypothèses. Cela ne veut pas dire que vous ne serez pas amenés à utiliser
des concepts qui ne figurent pas dans le modèle d’analyse mais qui seront
utiles pour développer une idée en utilisant un vocabulaire précis (ex :
concepts fréquemment utilisés dans les sciences sociales)
Remarque : Dans la construction du modèle d‘analyse, on va de l’abstrait
vers le concret puisque c’est la dernière étape avant la récolte des données
sur le terrain.
Approche inductive ou déductive 37?
36
R. QUIVY et L. VANCAMPENHOUDT, op.cit,p.137.
37
B. GAUTHIER et I. BOURGEOIS, op.cit,p.68-69.
1
Comment procéder ? 38
- Construction des concepts
Selon Quivy et Van Campenhoudt, la conceptualisation constitue une
« construction abstraite qui vise à rendre compte du réel. A cet effet, elle ne
retient pas tous les aspects de la réalité concernée mais seulement ce qui en
exprime l’essentiel du point de vue du chercheur. Il s’agit donc de
construction-sélection »39
Il faut également déterminer quels seront les indicateurs (manifestations
repérables et mesurables du concept)
Rq : le chercheur peut aussi élaborer des idéaux-types (Cf Weber)
5. L’observation
38
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit,p. 121 sq.
39
Idem,p.137
40
Université de Grenoble – Ph DESSUS- Problématique et hypotheses de recherche. http://espe-rtd-
reflexpro.u-ga.fr/docs/sciedu-cours-rech-educ/fr/latest/tuto-problematique.html, consulté le 25
novembre 2019.
41
P. LIEVRE, op.cit,p.85.
1
Cette étape comprend l’ensemble des démarches visant à confronter le
modèle d’analyse aux faits, à des données observables. Ce travail de terrain
consiste à récolter des données, analyser des matériaux concrets (via des
données statistiques, des questionnaires, des entretiens,…)
L’observation poursuit les objectifs suivants :
Tester les hypothèses
Rq : en fonction des dispositifs méthodologiques il peut y avoir un aller-
retour régulier entre les hypothèses et les observations qui se nourrissent
mutuellement.(Voir les différentes méthodes et techniques)
Conférer à la recherche un « principe de réalité »42
Permettre d’explorer des aspects du phénomène éloignés des
intuitions de départ
Quelle que soit la méthode que le chercheur va choisir d’utiliser, celle-ci doit
être explicitée. Le chercheur doit démontrer qu’il ne procède pas d’une
manière arbitraire et qu’il travaille avec rigueur. Ces explications vont
permettre à ceux qui consulteront la recherche de bien comprendre de quelle
manière le chercheur est arrivé aux résultats qu’il présente.
5.1. Que va ton observer ?
Pour tester les hypothèses, le chercheur a besoin de pouvoir observer des
éléments concrets
Les indicateurs
Les données qui seront récoltées sont celles qui sont nécessaires pour vérifier
la validité des hypothèses (= données pertinentes).
Au contraire, récolter des données surnuméraires va conduire le chercheur à
fournir un travail conséquent mais inutile pour sa recherche.
5.2. Le champ d’analyse43
2 possibilités :
L’objet du travail de recherche définit lui-même les limites de
l’analyse. (ex : analyse du fonctionnement à l’intérieur d’un
hôpital en particulier, analyse de pratiques dans une localité, un
quartier,…)
42
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit,p. 142.
43
Idem,p.146.
1
Le chercheur veut observer un processus social (Ex- Durkheim-
Le suicide). Le chercheur devra alors circonscrire son champ
d’analyse en fonction d’une série de critères (délais, ressources,
lieux comparables ou pas…)
Il est important que le champ d’analyse soit clairement délimité.
5.3. Observation directe et observation indirecte
Observation directe : le chercheur procède directement au recueil des
informations.
Observation indirecte : le chercheur collecte les informations en
s’adressant aux sujets de l’enquête (via questionnaire, entretien…)
44
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op .cit, p.163-164.
45
P. LIEVRE, op.cit,p.95
46
J. M. FIRDION, Construire un échantillon, in. S. PAUGAM (dir), op.cit,p.71.
1
Différents types d’échantillons
1. échantillons représentatifs
Échantillons probabilistes (ou aléatoires)
- Tirage simple au hasard
- Echantillon systématique
- Echantillon stratifié
Echantillons empiriques
- Echantillon par quotas
47
N. BERTHIER, Les techniques d’enquête en sciences sociales, Armand Colin, Paris, 2016, p.171.
1
6. méthode quantitative
informations générales
La méthode quantitative s’appuie sur des faits démontrables et mesurables.
Elle se base sur des chiffres, construit des démonstrations, établit des
statistiques. L’approche quantitative vise l’explication des faits sociaux.
Les chiffres ont à la fois une faculté descriptive et explicative. Ils permettent
un certain détachement de la part du chercheur (considérer les faits sociaux
comme des choses) Utiliser des chiffres dans un objectif explicatif permet de
viser l’objectivation des faits étudiés. Cela permet aussi de pas interpréter
les actions des individus uniquement comme des choix individuels (vision //
holisme)
Rq : Objectivation ≠objectivité
6.1. l’analyse de données existantes
Analyse d’une base de données construite par un tiers48 :
Le chercheur utilise des bases de données chiffrées (instituts de statistiques,
collectifs de chercheurs, monde associatif,…). Mais ces bases de données
n’ont pas forcément été réalisées pour répondre aux questions que le
chercheur se pose.
Mobilisation de données existantes à des fins statistiques
Les organisations collectent une grande quantité de données. Certaines sont
utilisées par les structures à des fins statistiques, d’autres dans le travail
journalier, ou dans un objectif d’archivage par exemple. Toutes ces données
constituent un matériau considérable qui peut être exploité dans le cadre
d’une recherche. 49
6.2. le questionnaire
L’enquête par questionnaire permet d’interroger un échantillon de la
population étudiée afin de récolter des données que l’on pourra chiffrer.
« La confection d’un questionnaire directif est une phase essentielle de
toute recherche quantitative », affirme Luc Albarello. Pour qu’il soit
opérationnel, chacune des questions doit trouver son sens par rapport à une
des hypothèses postulées par le chercheur. C’est indispensable pour pouvoir
traiter les résultats et confirmer ou infirmer les hypothèses. 50
48
F. BUGEJA-BLOCH et M-P. COUTO, Les méthodes quantitatives, PUF, Paris, 2015, p.11.
49
L. ALBARELLO, op.cit, p.93.
50
Idem,p.94.
1
Attention : l’enquête par questionnaire ne vise pas à décrire des conduites
avec le plus de détails possible mais « d’expliquer ce que les acteurs font par
ce qu’ils sont, et non par ce qu’ils disent de ce qu’ils font »51 nous disent P.
Bourdieu et J Cl Passeron.
Le questionnaire sera choisi dans le cadre d’une recherche à visée
explicative.
6.2.1. La formulation des questions
Le questionnaire étant considéré comme un instrument de mesure, il devra
être standardisé52 c’est-à-dire qu’il doit être absolument identique pour
toutes les personnes interviewées. On ne peut pas le modifier durant
l’enquête. Il est donc important de le tester sur quelques personnes avant de
lancer l’enquête.
Les thématiques abordées à travers les questions seront sélectionnées en
fonction de ce que l’on veut savoir. 53
Le recours à de multiples indicateurs, et donc la rédaction de plusieurs
questions, sera nécessaire pour récolter suffisamment d’informations au sujet
des notions centrales de la recherche.54
Le questionnaire comprendra deux types de questions : celles liées à la
détermination sociale et celles liées à la description des pratiques.
6.2.1.1 Catégories de questions55 :
Questions fermées : elles présentent aux personnes interrogées
différentes réponses types. (2 ou plus) On peut y répondre par une
seule réponse ou plusieurs.
Questions ouvertes : la réponse est explicitée par la personne
interrogée sans que le chercheur n’aiguille son choix. ! Elles doivent
pouvoir être facilement comprises et il faudra éviter tout risque
d’interprétations variées. Le dépouillement est complexe. Il arrive
régulièrement que l’on récolte des réponses vagues, hors sujet,…
Questions semi-ouvertes : Une partie de la question est fermée mais
il y a une possibilité laissée pour donner une autre réponse que celles
prévues (ex : « autres (préciser)… »
Les échelles : Le répondant doit se situer sur une échelle
51
F. DE SINGLY, Le questionnaire, Armand Colin, Paris, 2016,p.15.
52
N. BERTHIER, op.cit,p.92.
53
F. DE SINGLY, op.cit,p.21.
54
Idem,p.26.
55
N. BERTHIER, p.95
1
Les questions scénarii : Les personnes interrogées doivent prendre
position pour un des modèles proposés.
On peut aussi imaginer des questions basées sur des supports tels que
des images, du son,…
6.2.1.2. Conception des questions
Langage clair : « Chaque mot utilisé dans un questionnaire sera (…)
soigneusement choisi en tenant notamment compte de la population à
laquelle le questionnaire est adressé. Le langage utilisé doit toujours
être simple, direct et parfaitement compréhensible pour la
population de référence. »56
Privilégier les questions de fait.
Une question ne doit pas comprendre plusieurs idées. Par contre, une
idée peut être exploitée dans plusieurs questions
Eviter les doubles négations
Utiliser un niveau conceptuel adapté et concret
Attention aux biais : réaction de prestige (l’interviewé choisit une
réponse qui lui semble plus valorisante), tendance à répondre plus
facilement de manière positive, effet attendu de la formulation…
Penser au traitement ultérieur des données (de quoi ai-je besoin ?
sous quelle forme ?)
6.2.1.3. les questions indirectes
Certains phénomènes sociaux, certaines attitudes, certains comportements,
ne peuvent pas être évoqués de manière directe dans un questionnaire. Il sera
plus efficace de les traiter « indirectement » en repérant des indicateurs de
ces attitudes qui permettront une certaine mise à distance. Ces indicateurs
permettront de reconstituer l’attitude des sujets, peu importe leur degré de
conscience de celle-ci.57
56
L. ALBARELLO, op.cit, p.97.
57
L. ALBARELLO, op.cit, p.105.
58
N. BERTHIER, op.cit,p. 120-124.
1
L’agencement des questions : déroulement logique et harmonieux
Prévoir des transitions ou des titres
Choisir une première question « brise-glace » : une question assez
générale, claire, intéressante pour donner envie de continuer.
Doser les difficultés : les questions difficiles et/ou gênantes ne sont
pas placées au début du questionnaire
Eviter l’ « effet de halo » ou phénomène de contagion.
La longueur du questionnaire (penser aux conditions dans lesquelles
il sera complété et par quelle population)
Remarque :Il est utile de placer au début du questionnaire une introduction
expliquant le contexte de l’étude (qui, pourquoi, anonymat,…)
Exemple de questionnaire :
Source : F. BUGEJA BLOCH et M-P. COUTO, Les méthodes quantitatives, PUF,
Paris, 2015. (voir annexe)
1
7. Méthode qualitative
Elle met au premier plan le point de vue de l’acteur, les motivations des
individus, la façon dont ils expliquent et comprennent leurs actes – cf
Weber- individualisme méthodologique→ les faits sociaux sont vus comme
les conséquences d’actions individuelles qui se combinent.
7.1. L’entretien
L’entretien est, avec le questionnaire, une des modalités les plus fréquentes
pour collecter des matériaux dans le cadre de recherches en sciences sociales.
Ce type d’entretien porte généralement sur des comportements, des pratiques
sociales et concerne la compréhension des représentations mentales des
individus interrogés. Le chercheur choisit d’interroger certaines personnes
parce qu’elles possèdent certaines caractéristiques (classe sociale, histoire
personnelle,…) qui l’intéressent.59
L’entretien de recherche est utilisé pour étudier :
- Des actions passées
- Des représentations sociales
- Le sens donné aux choses – aux actions
- Les modèles culturels
- ….
L’entretien en phase d’observation se distingue de l’entretien exploratoire :
59
L. ALBARELLO, op.cit,p.63.
1
Le chercheur centrera l’échange sur ses hypothèses de travail
Le contenu récolté durant l’entretien fera l’objet d’une analyse de
contenu systématique
L’objectif est de tester les hypothèses de travail60
7.1.1Une double « filiation »61
La psychologie clinique et Carl Rogers : l’approche centrée sur la
personne a largement contribué à construire la posture de l’enquêteur.
Les grandes enquêtes sociales de la fin du 19e siècle.
7.1.2 Variantes :
L’entretien peut être individuel/collectif
-Individuel → plus de liberté de parole pour la personne interviewée
-collectif → peut susciter réflexion et co-construction par l’ensemble des
participants. Mais ne pas sous-estimer la pression du groupe (leaders/ pers.
plus effacées, contrôle social) - dans certains cas c’est à éviter – prévoir
moins de 10 participants/groupe
L’entretien semi-directif :
Il n’est ni entièrement ouvert, ni canalisé par une succession de questions
précises.
Il est mené sur base d’un guide d’entretien constitué de différents
thèmes/questions élaborés en fonction des hypothèses ou d’une série de
« questions-guides » relativement ouvertes. (Compter une dizaine de
thèmes/questions, à aborder dans le même ordre)62
L’entretien non directif :
Le chercheur présente un thème – le sujet interrogé a toute liberté de parler
de ce qui lui semble le plus pertinent par rapport à ce thème.
Ex : Il existe en Belgique une structure d’enseignement spécialisé (qui
n’existe pas dans tous les pays) pour des enfants nécessitant une intervention
particulière qui n’est pas dispensée dans l’enseignement ordinaire. Qu’en
pensez-vous ?
60
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit, p.170.
61
J. BARBOT, Mener un entretien de face à face, in : S. PAUGAM (dir), L’enquête sociologique,
PUF-Quadrige, Paris, 2017, p.115.
62
A adapter : certains auteurs considèrent que le chercheur doit avant tout privilégier la parole la plus
libre possible de la personne interviewée et donc adapter l’ordre de ses questions le cas échéant. (ex :
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT)
1
L’entretien centré (« focused interview »63:
Il se concentre sur un évènement, une expérience précise qu’il veut analyser,
dont le chercheur veut comprendre l’impact sur ceux qui l’ont vécu.
L’enquêteur se base sur une liste de points précis qu’il abordera en fonction
du déroulement de l’échange.
7.1.3 Pertinence et validité des matériaux récoltés :
Pour Albarello, « il faut que les matériaux que l’on va recueillir et analyser
soient susceptibles de témoigner adéquatement des systèmes de sens
présents dans le chef des sujets ; il faut donc qu’ils soient appropriés c’est-
à-dire qu’ils couvrent au mieux l’ensemble des systèmes de sens susceptibles
de se manifester par rapport à une problématique donnée. La
« significativité » des matériaux se définit donc par leur variété et leur
qualité, c’est-à-dire leur adéquation à la manifestation des systèmes de
sens. 64»
Critère important de la validité = la saturation65 : « lorsque les données que
l’on recueille ne sont plus nouvelles(…) que ce que l’on récolte rentre dans
les cadres déjà connus, on peut s’arrêter » ; (On a fait le tour)
Albarello considère que la saturation, une fois atteinte, confère une base très
solide à la généralisation et de la sorte, elle remplit pour l’approche
qualitative la même fonction que la représentativité pour l’approche
quantitative.66
En qualitatif, parfois une seule observation apporte énormément de sens et
contribue fortement à la construction d’un modèle de compréhension
Qui interroger ?
- Raisonner en terme de matrice :
On interroge un petit nombre de personnes →pas de possibilité de
représentativité au sens statistique.
La valeur de l’échantillon dépend de son adéquation avec les objectifs de la
recherche en prenant comme principe de diversifier les profils des personnes
interrogées en vérifiant qu’aucune situation importante pouvant faire varier
63
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit, p.171.
64
L. ALBARELLO, op.cit, p.65.
65
MUCHIELLI, Les méthodes qualitatives, PUF, 1991.
66
L. ALBARELLO, idem
1
les résultats n’a été oubliée → les individus sont choisis en raison de leur
caractère exemplaire par rapport à l’objet de recherche
Ainsi, pour Blanchet et Gotman, il ne s’agit pas seulement de « faire décrire,
mais de faire parler sur »67. Les entretiens permettent de saisir des
représentations articulées à un contexte. La somme de ceux-ci permet
d’établir un réseau de significations. Ensuite, il appartient au chercheur de
« traduire perpétuellement les épreuves personnelles en enjeux collectifs, et
de donner aux enjeux collectifs leur riche dimension humaine » (C.W.
Mills)68
- Rechercher la saturation (cf. + haut)
67
A. BLANCHET et A. GOTMAN, L’entretien, Armand Collin, Paris, 2015, p.25.
68
C.W. MILLS, L’imagination sociologique, Maspero, Paris, 1978,p.198.
69
J. BARBOT, op.cit,p.126.
70
A. BLANCHET et A. GOTMAN, op.cit, p. 62.
71
J. BARBOT, op.cit,p.130.
1
RQ : Réaliser un entretien ne se conçoit pas comme faire passer un
questionnaire : le chercheur doit intégrer la situation d’interaction, sans quoi
il risque fort de manquer son but. Il s’agit non seulement d’écouter les
enquêtés, mais aussi de pouvoir les faire parler librement. 72
Avantages Limites et problèmes73
Possibilité d’analyser en profondeur Difficulté de mise en œuvre pour le
les éléments recueillis chercheur inexpérimenté vu la
souplesse au niveau technique
Dispositif souple et peu directif qui Les informations recueillies ne
permet de s’adapter au cadre de permettent pas une analyse directe-
référence de l’interlocuteur nécessite de prévoir comment
l’analyse des informations sera
réalisée → coupler avec l’analyse
de contenu
72
A. BLANCHET et A. GOTMAN, L’entretien, Armand Collin, Paris, 2015, p.20.
73
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit, p.173
74
LALIVE D’EPINAY,1985, in L. ALBARELLO, op.cit,p.77.
1
7.3. L’observation directe
75
Cité par S. CHAUVIN et N. JOUNIN, in S. PAUGAM (dir), L’enquête sociologique, PUF-
Quadrige, Paris, 2017, p.144.
76
A-M. ARBORIO et P. FOURNIER, l’Observation directe, Armand Collin, Paris 2014, p.22
77
,Idem p.14-15.
1
7.3.1. Le choix du terrain :
Le choix d’un espace circonscrit s’impose au chercheur car celui est face à
« un ensemble fini et convergent d’interactions »78. Mais le caractère
délimité du lieu d’observation ne suffit pas à définir à lui seul l’objet d’étude.
Le terrain sera choisi en suivant deux critères principaux79 :
La pertinence sociale : le terrain doit être un tout autonome,
analysable pour lui-même et en lien avec la question traitée par le
chercheur. Il doit pouvoir être complètement appréhendé par son
observateur.
La pertinence pratique : le terrain doit être clairement délimité,
accessible, stable et d’une ampleur correspondant au temps dont
dispose le chercheur.
Le temps consacré à l’observation doit être assez long pour que le chercheur
puisse être confronté à la diversité des situations qui correspondent à la
réalité du terrain.
Le chercheur va :
- Être sur place parmi les personnes observées et s’adapter au milieu
- Observer le déroulement ordinaire des évènements
- Consigner en prenant des notes
- Interpréter ce qu’il a vu et faire un compte rendu
78
Idem
79
Idem, p.28-29.
80
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit, p.174-175.
81
A-M. ARBORIO et P. FOURNIER, op.cit, p.30-31.
1
L’observateur non participant aura lus de difficultés, vu sa seule étiquette de
chercheur, à créer un lien de confiance avec les personnes observées.
L’observation participante permet une meilleure inclusion dans le groupe
mais elle nécessite de la part du chercheur une capacité de distanciation plus
importante.
L’observation incognito permet de ne pas modifier les comportements et
attitudes des acteurs mais peut confronter le chercheur à des questions
éthiques.
La façon dont l’observateur va pouvoir poser des questions aux différents
acteurs sera également différente en fonction du mode d’observation choisi.
7.3.3. Observer 82:
1
Comptages
Cartes de déambulation (usage de l’espace)
Lexique indigène
En relisant son journal de terrain, le chercheur pourra le compléter avec de
nouveaux souvenirs, des réflexions, des analyses, des liens avec les aspects
théoriques,…
Il peut être utile d’élaborer un guide d’observation. (Niveaux d’observation,
catégories, critères, aspects quantitatifs et qualitatifs)
7.3.5. Avantages /inconvénients84 :
Avantages Inconvénients et limites
Permet de saisir sur le vif les Difficultés pour se faire accepter
comportements et les évènements comme observateur si on travaille à
découvert
Permet de recueillir un matériau La mémoire du chercheur est
d’analyse spontané (non suscité par centrale dans la compilation des
le chercheur via des questions par données – problème de fiabilité des
ex.) traces
Comportement des acteurs plus Interprétation des observations
spontané et donc plus sincère
La présence du chercheur peut
modifier les comportements des
acteurs
84
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit, p.177.
85
S. BEAUD et F. WEBER, Guide de l’enquête de terrain, ed. La découverte, Paris, 2003, p.125-126.
1
7.4. L’étude de cas
Comme son nom l’indique, l’étude de cas se centre sur une ou plusieurs
unités particulières. Le chercheur va choisir d’analyser en profondeur
quelques cas considérés comme significatifs par rapport aux hypothèses
qu’il a émises.86
L’étude de cas vise à la fois la description et l’interprétation. Il s’agit
d’approfondir l’observation d’une personne, d’une situation, d’une
organisation,… pour en tirer un enseignement, une analyse, des conclusions.
Le(s) cas étudié(s) permet(tent) de comprendre un système plus large.
Forces Faiblesses
Permet une compréhension
fine et approfondie du Représentativité faible
contexte Problèmes de validité
Permet de rendre compte de
facteurs qui ne sont pas ou
difficilement mesurables
Apport intéressant en
complémentarité avec des
données quantitatives
Démarche à favoriser :
1. Cadre théorique pertinent et adapté : le chercheur sélectionne le
cas en fonction de ce cadre théorique . Le cadre théorique permet
aussi de savoir dans quelle mesure on peut
généraliser à partir des EDC choisies, l’objectif étant tout de même
de pouvoir tirer des conclusions qui dépassent le cas lui-même.
2. La sélection du cas : Même si le cas ne sera jamais représentatif sur
un plan statistique, il peut l’être sur un plan théorique. 87
Rq : On ne va pas nécessairement rechercher des résultats totalement
répétitifs d’un cas à l’autre. Une analyse des variations entre les cas permet
de faire des comparaisons instructives pour le sujet traité.
86
L. ALBARELLO, op.cit, p.89
87
B. GAUTHIER et I. BOURGEOIS, op.cit,p.217.
1
7.5. L’analyse institutionnelle88
Un des rôles de l'analyse institutionnelle est d’identifier les rapports de
pouvoir implicites, de mettre en évidence les "non-dits" des réalités se
présentant comme allant de soi.
Cette approche repose sur les concepts d’institution et d’analyseur.
L’analyseur, selon R. Lourau est ce qui permet de révéler la structure de
l’institution, de la provoquer, de la forcer à parler. Il permet de mettre au jour
les non-dits.
7.6. L’herméneutique
L’herméneutique est une méthode d’interprétation collective de textes –
particulièrement de récits socio-biographiques- « qui vise à faire émerger le
sens latent contenu dans le discours d’un individu et par là remonter à ses
représentations, ses structures de conscience. »89
Un groupe d’analyste réalise un travail d’interprétation sur base de textes u
d’interviews intégralement retranscrites. Ils mettent en parallèle leur
compréhension du texte et d’éventuels sens latents de celui-ci.
88
(CF : AA- Analyse des pratiques sociales –R. SAFI)
89
L. ALBARELLO,op.cit.p .90.
90
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit, p. 179-180.
1
8.2. L’analyse de contenu (v. chapitre suivant car concerne davantage
l’analyse que le recueil d’informations)
1
9. L’analyse des informations91
Il s’agit ici de traiter l’information obtenue par l’observation afin de pouvoir
utiliser les résultats et les comparer aux hypothèses.
Elle comprend 3 opérations :
1. Préparer les données et les informations – les présenter de manière à
permettre leur analyse.
En analyse quantitative il s’agit de réaliser des tableaux de distribution,
d’agréger les données, de les regrouper en sous-catégories
En analyse qualitative, il s’agit de retranscrire et d’organiser le matériau
pour en permettre l’analyse.
2. Mesurer les relations entre les variables
En qualitatif et en quantitatif, l’objectif est de faire des liens ou de
montrer qu’il n’y en a pas. On met en avant des corrélations, des
typologies
3. Comparer les relations observées à ce qui est attendu au niveau des
hypothèses.
1
recherches menées dans une perspective d’analyse causale. (…) Elle
s’impose dans tous les cas où les données sont recueillies à l’aide d’enquêtes
par questionnaire où les questions sont dites « fermées »92
Avantages Limites
précision rigueur permettant L’outil statistique ne dispose pas,
d’apprécier la démarche de la en lui-même, d’un pouvoir
recherche. explicatif.
Les moyens informatiques
qui permettent de manipuler
très rapidement un grand
nombre de variables.
La clarté des résultats
92
Idem, p. 203-204.
93
L. BARDIN, L’analyse de contenu, PUF-Quadrige, Paris, 2013 (2e ed)
1
– l’analyse des processus de diffusion et de socialisation (manuels
scolaires,journaux, publicités...) ;
– l’analyse de stratégies, des enjeux d’un conflit, des composantes d’une
situation problématique, des interprétations d’un événement, des réactions
latentes à une décision, de l’impact d’une mesure... ;
– la reconstitution de réalités passées non matérielles : mentalités,
sensibilités94
10. CONCLUSIONS
Pluralisme méthodologique
Recherches non linéaires
(si développé en cours)
94
R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, op.cit , p.209.
1
BIBLIOGRAPHIE
L. ALBARELLO, Apprendre à chercher. L’acteur social et la recherche
scientifique, DE BOECK, Bruxelles, 2004 (2e éd.)
A-M. ARBORIO et P. FOURNIER, l’Observation directe, Armand Collin, Paris
2014
L. BARDIN, L’analyse de contenu, PUF-Quadrige, Paris, 2013 (2e ed)
1
ANNEXES
1
Annexe- Exemple de questionnaire : Source : F. BUGEJA BLOCH et M-P.
COUTO, Les méthodes quantitatives, PUF, Paris, 2015
1
58
Annexe 2 – Exemple de guide d’entretien – A. BLANCHET et A. GOTMAN,
L’entretien, Armand Collin, Paris, 2015-p.60-61. Recherche sur l’hospitalité
Consigne initiale :
« Vous avez hébergé {un neveu, un réfugié,…} pendant plusieurs mois. Pouvez-vous me dire
comment ça s’est passé ? »95
Guide thématique
(série de thèmes à explorer au cours de l’entretien)
95
58
***********************
58