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La prévention des risques liés à la préparation physique du militaire.Étude sur les besoins de prévention des militaires et de leurs familles. Besoins de prévention des militaires d’active. 467
Ainsi, en corollaire des bienfaits pour la santé d’une Les accidents cardiovasculaires à l’effort chez les
activité physique régulière existent des risques liés à la sportifs sont classiquement repartis en deux grandes
préparation physique, en particulier dans les armées. catégories. La première correspond à une tranche d’âge
Nous scinderons de manière didactique les risques liés de 18 à 35 ans dans laquelle sont décrits des accidents
à cette préparation physique en risques vitaux majeurs survenant chez des sujets sans antécédents ni facteurs de
mais rares et des risques fonctionnels plus bénins, mais risques, le plus souvent sur un cœur présentant une
extrêmement fréquents. anomalie constitutive. Le mode de révélation est
majoritairement la mort subite au cours ou au décours
Les risques vitaux. immédiat d’une activité physique. La seconde correspond
aux personnes de plus de 35 ans, présentant un ou
La pratique d’activités physiques intenses est connue plusieurs facteurs de risques cardiovasculaires, chez
depuis longtemps pour être parfois responsable de décès qui la pathologie athéromateuse est la plus fréquente.
(le cas du soldat de marathon est fréquemment cité), Cette classif ication sera appliquée à la population
même si on exclut les causes traumatiques qui ne militaire dans cette revue parce que d’une part les
seront pas envisagées dans ce chapitre. La survenue données épidémiologiques suggèrent qu’elle est
d’un décès au sein d’une population militaire majo- applicable au sein des armées et d’autre part les actions de
ritairement jeune et considérée comme saine est prévention à proposer sont très différentes. La première
toujours traumatisante pour la famille, les camarades, catégorie relève d’une prévention dite « de masse »
le commandement et les intervenants médicaux. Le alors que la seconde relève plus d’une prévention
militaire sportif véhicule une image de bonne santé, médicale individualisée.
de force voire d’ « invulnérabilité » cultivée par la
communauté militaire, aussi l’impact émotionnel d’un
accident grave ou d’un décès, vécu comme inexplicable et La mort subite d’origine cardiaque du
injuste, est considérable. L’importance des décès non sujet jeune.
traumatiques liés à l’exercice dans les armées n’est pas
connue en France. Leur incidence dans les forces armées La littérature portant sur la mort subite du jeune sportif
américaines entre 1996 et 1999 était de 4,3/100 000 en relation avec l’activité physique repose principalement
personnes année (10). Les causes les plus fréquentes sont sur des études menées à l’étranger sur des populations très
les accidents cardiovasculaires, les coups de chaleur variées. La mort subite se définit comme un décès non
d’exercice et les noyades. traumatique, inattendu, résultant d’une cause naturelle, et
Les accidents cardiovasculaires à l’exercice représentent ayant lieu dans l’heure suivant l’apparition du premier
un groupe polymorphe de symptômes et de pathologies symptôme (15). Elle est considérée comme étant liée à
révélées par l’exercice, qui ont en commun une potentielle l’exercice quand elle survient au cours d’un exercice, ou
dans l’heure qui suit l’arrêt de l’exercice (16). Certains
gravité extrême, puisqu’ils sont les plus grands
auteurs considèrent cependant que le lien à l’exercice
pourvoyeurs de décès d’origine non traumatique au cours
peut-être retenu si le décès a lieu dans les 24 heures
de la pratique sportive.
suivant un exercice très intense (17, 18). La majorité de
Les accidents cardiovasculaires à l’effort ne font pas ces décès sont d’origine cardiovasculaire.
l’objet d’une surveillance épidémiologique spécifique
dans les armées françaises et leur incidence actuelle est
mal connue. Ils sont déclarés au sein des « accidents
Épidémiologie dans la population générale.
cardiovasculaires » qui ont pour critères de déclaration : Les études rétrospectives ou prospectives menées sur
« Premier épisode d'une affection aiguë de type de grandes populations de sportifs estiment l’incidence
angor, syndrome de menace, infarctus constitué, trouble de la mort subite d’origine cardiaque à 1 à 5 pour 100 000
du rythme ventriculaire ou rupture d'anévrisme cérébral, sportifs (15, 16), ce qui représente un risque 2 à 3 fois plus
quelles que soient les circonstances de survenue (au repos important que dans une population non sportive (19). Ces
ou à l'effort) ». Des études portant sur la population décès surviennent le plus souvent chez les hommes (sex-
militaire française ont envisagé ces pathologies, ratio : 10/1), au cours de la deuxième décennie. Dans ces
spécifiquement ou au sein d’études plus larges dans études portant sur la mort subite du sportif, environ 80 %
les années quatre-vingt (12-14). Cependant aucune des décès ont lieu pendant l’effort ou dans l’heure qui suit
étude n’a été publiée depuis la professionnalisation (15). Les étiologies retrouvées dans la population
des armées. Les données bibliographiques les plus générale sont bien décrites, reposent en majorité sur des
récentes reposent donc sur des études de populations anomalies cardiaques congénitales ou acquises non
de sportifs civils ou de militaires étrangers. Cette dépistées, mais leur fréquence dépend de la population
bibliographie est partielle dans la mesure où elle étudiée. Les données américaines rapportent une
s’intéresse majoritairement à la mort subite du sportif, et majorité (environ 35 %) de décès en relation avec des
ne rend pas compte d’un certain nombre d’autres cardiomyopathies hypertrophiques (CMH) (20), les
événements pathologiques (en particulier ischémiques), études italiennes décrivent elles une prédominance des
qui ne sont pas recensés ou qui se limitent à des symptômes dysplasies arythmogènes du ventricule droit et des
que les sujets ne déclarent pas. anomalies congénitales des artères coronaires (15). Les
La prévention des risques liés à la préparation physique du militaire.Étude sur les besoins de prévention des militaires et de leurs familles. Besoins de prévention des militaires d’active. 469
chez un sujet apparemment sain. La prévention de des patients décédés ont un ECG normal au repos (37).
ces accidents repose sur la sélection médicale et la Les pathologies ayant entraîné une interdiction de
diffusion de messages sur les règles de pratique de compétition dans l’étude italienne sont rapportées (15).
l’activité physique. Les troubles du rythme et les anomalies de la conduction
L’efficacité de la prévention par la sélection médicale a représentent 39 % des inaptitudes, suivis de
été bien démontrée dans une vaste étude prospective l’hypertension artérielle (23%) des anomalies valvulaires
italienne portant sur 25 ans et regroupant 42 386 jeunes (21 %) et des cardiomyopathies (principalement
sportifs (15, 35). La mise en place d’une sélection hypertrophiantes) (7 %).
médicale obligatoire pour l’inscription à un sport en Dans l’armée française ou les armées étrangères,
compétition a fait reculer l’incidence des morts subites aucune donnée sur l’efficacité de la sélection médicale
d’origine cardiovasculaire de 4,19/100 000 à n’est disponible. Cependant, en comparaison des sujets
2,35/100 000 sur les 12 premières années de l’étude, puis de la même classe d’âge de la population générale,
0,87/100 000 sur les 13 dernières années d’étude. La l’incidence de l’ensemble des décès d’origine non
visite médicale d’aptitude comporte un interrogatoire traumatiques est plus faible chez les recrues des armées
très ciblé sur les antécédents cardiovasculaires familiaux américaines, ce qui suggère que la sélection médicale
et personnels, un examen clinique et un ECG de repos 12 dépiste efficacement une partie des sujets à risques (33).
pistes. Les critères de positivité (en particulier électriques) Cependant ces données prennent en compte des
sont clairement codifiés et conduisent à une inaptitude pathologies non cardiovasculaires (infectieuses en
temporaire et un bilan cardiologique orienté pour particulier) et doivent être interprétées avec prudence.
décision (fig. 1). L’intérêt de l’ECG de repos a été très Les modalités de sélection et les critères d’aptitude
discuté par certains auteurs qui considèrent son rapport cardiovasculaire à la pratique du sport ont fait l’objet
coût/efficacité comme faible (20, 36), alors que d’autres de propositions détaillées (35), voire de consensus, et
le préconisent, tout en reconnaissant les limites car 90 % sont disponibles dans la littérature. Il faut citer les
Figure 1. Antécédents, examen clinique et ECG justifiant une consultation cardiologique dans le cadre d’une aptitude préalable à la compétition (adapté d’après 15).
Histoire familiale
! Mort soudaine prématurée d’origine cardiaque
! Maladie cardiaque chez un parent proche de moins de 50 ans
Histoire personnelle
! Souffle cardiaque.
! Hypertension artérielle systémique.
! Fatigue.
! Syncope/pré-syncope.
! Dyspnée excessive/inexpliquée à l’exercice.
! Douleur thoracique à l’effort.
Examen physique
! Souffle cardiaque (allongé/debout : identifier en particulier un souffle évoquant une obstruction de l’éjection ventriculaire
gauche).
! Pouls artériels fémoraux (exclure une coarctation de l’aorte).
! Signes évoquant le syndrome de Marfan.
! Mesure de la tension artérielle au bras (position assise).
Figure 2. Recommandations consensus de l’American Hearth Association pour la visite médicale d’aptitude des athlètes avant la participation à une compétition
(adapté d’après 161).
1/ Je respecte toujours un échauffement et une récupération de 10 minutes lors de mes activités sportives.
2/ Je bois 3 à 4 gorgées d’eau toutes les 30 minutes d’exercice à l’entraînement comme en compétition.
3/ J’évite les activités intenses par des températures extérieures inférieures à -5 °C ou supérieures à 30 °C.
4/ Je ne fume jamais 1 heure avant ni 2 heures après une pratique sportive.
5/ Je ne prends pas de douche dans les 15 minutes qui suivent l’effort.
6/ Je ne fais pas de sport intense si j’ai de la fièvre, ni dans les 8 jours qui suivent un épisode grippal (fièvre + courbatures).
7/ Je pratique un bilan médical avant de reprendre une activité sportive intense si j’ai plus de 35 ans pour les hommes et 45 ans pour
les femmes.
8/ Je signale à mon médecin toute douleur dans la poitrine ou essoufflement anormal survenant à l’effort.*
9/ Je signale à mon médecin toute palpitation cardiaque survenant à l’effort ou juste après l’effort.*
10/ Je signale à mon médecin tout malaise survenant à l’effort ou juste après l’effort.*
* quels que soient mon âge, mes niveaux d’entraînement et de performance, ou les résultats d’un précédent bilan cardiologique.
Figure 3. Les « dix règle d’or » diffusées par le Club des Cardiologues du Sport dans le cadre d’un programme de prévention des accidents
cardiovasculaires à l’exercice.
La prévention des risques liés à la préparation physique du militaire.Étude sur les besoins de prévention des militaires et de leurs familles. Besoins de prévention des militaires d’active. 471
but de sensibiliser la population sportive aux bonnes et représenté plus de 50 % des décès par mort subite liée à
mauvaises habitudes dans leur pratique sportive, avec l’exercice (10, 58). Cependant ces études ne prennent en
pour objectif de réduire la survenue d’accidents compte que les décès et ne rendent pas compte de tous les
cardiovasculaires en relation avec l’exercice. Cette IDM et autres accidents ischémiques. Dans l’armée
campagne de prévention s’appuie sur de nombreux française, l’incidence des IDM au cours de la pratique
supports tels que conférences, spots vidéo impliquant des sportive a été étudiée dans les années quatre-vingt avec
sportifs connus, affichage dans les structures sportives et des taux d’incidence rapportés variant de 3/100 000 (14) à
parcours sportifs publics, fiches personnelles et diffusion 43/100 000 (Hiltenbrand 1983, cité par Seigneuric (57)).
par voie de presse. Aucune statistique récente n’a été publiée, mais le
recueil épidémiologique du SSA a recensé dix décès par
La pathologie ischémique. IDM survenu au cours ou au décours d’un effort chez
les militaires français sur la période 2005 et 2008
La pratique régulière d’une activité sportive diminue (données DESP nord).
significativement le risque de survenue d’accidents Dans tous les cas étudiés, l’intensité de l’effort pratiqué
cardiovasculaire chez le sujet sain et la mortalité chez les semble plus déterminant que le type d’exercice ou de
patients présentant une coronaropathie (48). Cependant, sport en cause, ce dernier n’étant probablement qu’un
l’exercice physique intense peut aussi être un déclencheur reflet de la fréquence de pratique des disciplines dans les
d’infarctus du myocarde (IDM) conduisant parfois à la populations observées (52). Ainsi dans les armées,
mort subite (49-51). Les mécanismes physiopathologiques françaises ou étrangères, les sports individuels, collectifs
retrouvés sont classiquement la rupture de plaque avec et les activités physiques militaires (marche, marche
thrombose et spasme coronaire, mais aussi des spasmes commando, parcours d’obstacle) sont diversement
coronaires seuls, qui pourraient être plus fréquents chez représentés (10, 14, 30). En l’absence de surveillance
les sportifs que chez les sujets sédentaires (52). En effet, épidémiologique spécif ique, les circonstances de
les lésions identif iées sont le plus souvent mono- survenue sont le plus souvent mal définies, en particulier
tronculaires et près de 20 % des coronarographies sont les notions de séance à caractère obligatoire ou relevant
négatives, suggérant une fréquence accrue des IDM sur d’un examen ne sont pas connues.
artères coronaires saines.
Facteurs de risques.
Épidémiologie.
Les facteurs de risques intrinsèques sont tout d’abord
L’incidence des IDM au cours ou au décours immédiat les facteurs de risques cardiovasculaires (FRCV)
de l’exercice est mal connue et n’a pas fait l’objet d’étude classiques, cependant chez des patients ayant présenté
à grande échelle publiée. Les IDM liés à l’exercice un IDM à l’effort, le tabagisme, les dyslipidémies et
semblent représenter une faible proportion de la totalité l’obésité sont plus fréquemment retrouvés que dans une
des IDM recensés dans la population générale (53), le population ayant présenté un IDM « au repos » (49). Par
chiffre de 4,4 % a été rapporté par Mittleman (50). Il s’agit ailleurs le risque relatif d’IDM à l’effort est très supérieur
très majoritairement de sujets sportifs de sexe masculin chez les sujets peu entraînés (50).
âgés de 35 ans et plus, population dans laquelle la maladie Enfin la prise d’une douche chaude ou l’inhalation
athéromateuse est responsable de 80 % des morts subites de fumée de tabac immédiatement après l’effort
aux USA (54). En France, deux études prospectives sont retrouvés dans plus de 10 % des cas d’IDM
régionales, menées dans le Dauphiné et en Aquitaine, au décours de l’effort. Ces pratiques favoriseraient
permettent d’avoir des taux d’incidence dans la les spasmes coronaires et limiteraient l’apport en
population générale (55, 56). Les IDM non mortels oxygène, la diminution de la pression artérielle et de
survenus lors d’une activité sportive avaient une la fréquence cardiaque.
incidence respectivement de 2,17/100 000 et 2,4/100 000 Les facteurs de risques extrinsèques rapportés dans
habitants/an, avec un pic de fréquence entre 45 et 64 ans. la littérature sont le stress, la pollution atmosphérique et
Les incidences d’IDM mortels rapportées étaient de les conditions climatiques défavorables, comme le froid
0,85/100 000 habitants/an en Dauphiné versus intense ou la chaleur excessive qui par des mécanismes
1,74/100 000 habitants/an en Aquitaine. Bien que portant physiopathologiques différents augmentent la charge de
sur des périodes et des régions restreintes, ces données travail cardiaque à l’exercice (52).
permettent d’apprécier la fréquence de survenue de ces En l’absence d’études spécif iquement militaire
accidents dans la population générale en France. Comme récente, il n’est pas possible de définir des facteurs de
le notent les auteurs, le nombre croissant de personnes risques plus typiquement militaires.
pratiquant des activités sportives de loisir laisse présager
un nombre de cas d’IDM d’effort important dans la Prévention.
population française.
La survenue de ces accidents dans la population La prévention des accidents cardiovasculaires
militaire est connue et rapportée depuis longtemps (57). ischémiques repose trois types d’actions :
Dans deux études portant sur plus 10 ans et sur 3 ans, – la sélection médicale et la définition de l’aptitude
(armées britannique et américaine), les IDM ont est un point clé de la prévention. Les recommandations
La prévention des risques liés à la préparation physique du militaire.Étude sur les besoins de prévention des militaires et de leurs familles. Besoins de prévention des militaires d’active. 473
populations sont plus souvent issues des états chauds Un grand nombre de ces outils de prévention sont
du sud des États-Unis (68). disponibles en ligne sur le site de l’U.S. Army Center for
Les facteurs extrinsèques sont des facteurs d’ambiance Health Promotion and Preventive Medicine (http://
climatique qui compromettent la thermorégulation ou chppm-www.apgea.army.mil/heat).
augmentent la charge thermique (76). La température En somme le CCE est une pathologie potentiellement
ambiante élevée, une charge radiante importante (soleil, mortelle et fréquente dans les armées. L’efficacité d’une
sol restituant ou réfléchissant les radiations solaires), prévention bien menée à été montrée (33) et une large
hygrométrie élevée et absence de vent (60, 65, 77, 78). information est déjà délivrée dans l’armée française.
Cependant, bien que la survenue de CCE connaisse des En particulier l’éducation sanitaire portant sur la prise
pics saisonniers durant les mois chauds de l’année (78, en charge initiale semble bien acquise, car 96 % des
79), il ne faut pas méconnaître d’authentiques CCE en patients victimes de CCE dans les armées ont été
ambiance neutre ou froide (80), dans lesquels le rôle du refroidis précocement (72). Pourtant l’incidence de
vêtement porté est parfois déterminant (70). cette pathologie reste élevée, en particulier outre-mer
et l’existence d’un état des lieux précis et récent est un
Prévention. atout pour envisager la mise en place d’une stratégie de
prévention plus large.
La grande fréquence des pathologies liées à la chaleur
dans le monde sportif et dans les armées a fait développer
depuis longtemps des stratégies de prévention visant Les autres causes de mort subite et
à en limiter la survenue et la gravité (81-83). Le décès liés à la pratique d’un exercice
programme de prévention le plus développé est celui de physique.
l’armée américaine qui sera présenté ici. Les bases de la
prévention des pathologies liées à la chaleur dans l’armée
américaine sont 1) la sélection médicale, 2) l’amélioration Épidémiologie.
de la tolérance individuelle à la chaleur (entraînement,
acclimatation, hydratation), 3) la réduction de la charge Les autres causes de décès liés à l’exercice sont plus
thermique (se protéger de la chaleur ambiante, adapter rares et leur incidence n’est pas rapportée dans la
l’exercice et les vêtements) (66, 84). littérature. Les causes neurologiques, avec l’épilepsie et
La sélection médicale est incontournable et repose les hémorragies cérébrales par rupture d’anévrysme, sont
sur la recherche de facteurs de risques constitutifs ou régulièrement rapportées dans les études militaires (14,
passagers (vaccinations, état infectieux…) qui 17, 30, 33). Les autres étiologies rapportées sont l’asthme
contre-indiqueraient la pratique sportive en ambiance lié à l’effort, la crise drépanocytaire, les noyades, la prise
climatique à risque. Un aspect particulier est l’aptitude de stimulants (25, 32, 33).
future des patients victimes d’un CCE, pour qui il Les décès par noyades rapportées dans la littérature
faut caractériser la tolérance à la chaleur par des tests militaire représentent parfois un pourcentage
physiologiques (85, 86). important des décès recensés. Une étude américaine
Les autres aspects de la prévention s’appuient sur une récente les chiffrait à 20 % des décès non trauma-
éducation sanitaire adaptée à tous les militaires et une tiques liés à l’exercice (10). En France, la surveillance
éducation sanitaire ciblée visant le commandement et épidémiologique du SSA a sept décès par noyade sur
les cadres de contact. Les messages délivrés concernent la période 2005-2008 (données DESP nord). Bien
la connaissance des pathologies liées à la chaleur qu’elles ne fassent pas l’objet d’études publiées,
l’évaluation du risque sur le plan individuel et collectif, l’incidence des noyades en milieu militaire semble
l’adaptation de l’effort, des périodes de repos et des donc élevée, cependant elles arrivent dans des
vêtements en fonction du risque, enf in les règles circonstances très différentes, souvent diff iciles à
d’hydratation. L’enseignement porte par ailleurs sur la déterminer avec précision, et qui rendent l’analyse des
connaissance des symptômes de CCE et des gestes de cas diff icile. En effet, les causes ou circonstances
prise en charge initiale des patients. L’armée américaine a rapportées sont aussi variées que l’épuisement, les
développé des supports variés pour la prévention des malaises, les chocs thermiques en eau froide,
pathologies liées à la chaleur, avec la mise en œuvre l’alcoolisation aiguë, les crises comitiales… (10, 87).
d’outils prédictifs basés sur une mesure objective simple,
celle de la température WBGT (Wet Bulb Globe Prévention.
Temperature) qui permet de caractériser l’ambiance
thermique. En se référant à des abaques, cette mesure Étant donné la rareté de ces accidents durant la pratique
permet alors au commandement d’adapter les activités, sportive, aucune prévention spécifique n’est proposée
les périodes de repos et les apports hydriques. Par ailleurs, dans la littérature. Seule l’anamnèse lors d’une visite
l’armée distribue largement des brochures, des posters et médicale d’aptitude peut amener à diagnostiquer une
des cartes individuelles qui synthétisent les informations pathologie avérée qui contre-indique la pratique sportive
clés et constituent une aide claire et objective pour ou nécessite une adaptation des modalités de cette
chacun. Il faut noter que la surveillance épidémiologique pratique. La prévention des noyades n’est pas traitée dans
constitue un élément clé de ce dispositif de prévention. la littérature militaire.
La prévention des risques liés à la préparation physique du militaire.Étude sur les besoins de prévention des militaires et de leurs familles. Besoins de prévention des militaires d’active. 475
physique et le travail comme mécanicien étaient les deux Tableau III. Les blessures les plus fréquentes parmi les hommes et les femmes
principales causes de blessures. (98). lors du même programme d’entraînement physique militaire initial dans
l’armée américaine (96).
Une étude faite chez des militaires de l’infanterie
légère (99) rapporte que l’entraînement physique était
en cause dans 50 % des cas de blessures avec comme
cause la plus fréquente la course à pied, incriminée Classement
dans 30 % des cas. La lésion la plus fréquente concernait en Hommes Femmes
fréquence
le genou, puis le pied et la cheville. Dans une population
de parachutistes (100), un taux de 1,2 blessures par s
oldat par an est retrouvé, avec une moyenne de 13 jours
d’exemptions de service par soldat. Les fractures
par lésions traumatiques et les fractures de fatigue sont 1 Lombalgies (7,3 %) Lésions musculaires (15,6 %)
les blessures responsables de la plupart des jours de
travail perdus. Les blessures traumatiques chez ces
parachutistes militaires entraînés sont pour 30 % liées
à l’hypersollicitation et pour 60 % des lésions 2 Tendinopathies (6,5 %) Fracture de fatigue (12,3 %)
aiguës traumatiques.
Des études effectuées dans des unités du Génie et
de l’Artillerie ont montré un taux de blessures légèrement 3 Entorses (4,8 %) Entorses (5,9 %)
supérieur à ceux observés dans des unités d’Infanterie
(64 % pour le Génie, 56 % pour l’Artillerie comparé à
des taux de 51 %-55 % dans l’Infanterie) (101). Le type
de blessure le plus fréquent concerne le dos et les 4 Lésions musculaires (3,2 %) Tendinopathies (5,5 %)
membres inférieurs, en relation avec une hypersolli-
citation. Une explication envisagée est que les tâches
journalières de ces personnels comportent le port répété
5 Fracture de fatigue (2,4 %) « Genou forcé » (2,1 %)
de charges lourdes.
Un point intéressant à rapporter dans l’expérience
américaine est que les quatre principaux diagnostics
rapportés sur les théâtres d’opérations extérieures comme l’armée australienne ou britannique. Bien que les
ces quinze dernières années (dont Irak et Afghanistan) lombalgies soient citées comme première cause de
sont les lésions orthopédiques survenant en dehors blessures dans les différentes études, nous avons pris le
des opérations de combat, les affections respiratoires, parti de ne pas aborder le sujet car les lombalgies font
les affections cutanées (leishmanioses) et les affections l’objet d’un autre thème de prévention retenu cette année.
gastro-intestinales. (102). Durant la guerre du Golfe, Une étude concernant les nageurs de combat peut
la seconde cause d’hospitalisation sur le théâtre être citée, car elle implique un entraînement physique
d’opération était une lésion de l’appareil musculo- plus poussé : le taux de blessures chez ces stagiaires
squelettique (13 %), trois fois plus fréquente que le masculins est de 33 % sur une période d’entraînement
taux d’admission pour des blessures liées au combat. de 25 semaines, avec une répartition présentée sur le
Les fractures représentaient la première cause, suivies tableau IV. Ces blessures sont importantes en termes
des entorses. Dans les principales étiologies, la pratique
sportive était la troisième cause de traumatismes
Tableau IV. Les blessures les plus fréquentes (%) lors d’un entraînement
juste derrière les accidents de véhicules à moteur (18 %) intensif chez les fusiliers marins commandos (105).
et les chutes (19 %) (103).
Classement par
Les différents types de blessures fréquence
Type de blessure
musculo-squelettiques.
La littérature recense deux types de blessures musculo- 1 Fracture de fatigue (13,4 %)
squelettiques : celles survenant de manière aiguë, comme
les entorses de cheville ou de genou et celles survenant de
2 Syndrome bandelette ilio-tibiale (10,9 %)
manière plus insidieuse par hypersollicitation, comme les
tendinopathies (tab. III).
Les blessures les plus fréquentes lors de l’entraînement 3 Syndrome fémoro-patellaire (9,4 %)
Tableau VI. Répartition des principales blessures dans des unités britanniques constituées, qui ont achevé l’entraînement physique de base, et dont l’âge
s’étend de 17 ans à 55 ans (91).
Total Pourcentage
Type de blessure
n %
Fractures 52 1,3
Fractures de fatigue 1 0
La prévention des risques liés à la préparation physique du militaire.Étude sur les besoins de prévention des militaires et de leurs familles. Besoins de prévention des militaires d’active. 477
lésions impliquent : entre 5 à 10 % des blessures vit sa blessure comme un drame, avec une sensation
d’hyperutilisation (107). L’étude de Germain en 2007 d’échec vis-à vis de lui-même et de son entourage, avec
montre pourtant des pathologies d’hyperutilisation en parallèle une sensation d’isolement et d’abandon,
(ténosynovites) des membres supérieurs, en partie dues en particulier lors d’un arrêt prolongé de l’activité.
selon l’auteur à un manque d’entraînement avant le stage À côté peut coexister une sensation d’atteinte du corps
commando (108) ; et de l’image qu’elle véhicule. D’où il ressort une notion
– les lésions du membre inférieur : fondamentale de prise en charge globale par le
la particulière fréquence des lésions de la cheville lors corps médical pour permettre au blessé de récupérer dans
des sauts chez le parachutiste dans l’armée de terre des conditions optimales.
américaine, a amené à rechercher des mesures de
prévention, que ce soit au niveau des bottes de saut ou des
orthèses de cheville portées par dessus la chaussure ; Les facteurs de risque de blessures
– les lésions orofaciales : musculo-squelettiques liés a la
elles ont été décrites dans beaucoup d’activités
militaires, dont le parcours d’obstacle et les entraînements
préparation physique dans une
au corps à corps (à main nues ou à la baïonnette) ainsi que population militaire.
chez les parachutistes israéliens (109, 110) ;
– les fractures de fatigue : Identif ier et comprendre les facteurs de risque
une attention particulière est portée à ce type d’affection est un des points clés pour développer des métho-
dans la littérature médico-militaire en raison de sa des de prévention et de lutte contre les blessures
fréquence et de son retentissement sur l’aptitude musculosquelettiques.
physique et le taux de réformes, en particulier chez le Peu de données sont disponibles dans la littérature
personnel féminin. Elles surviennent chez environ 3 % à de langue française concernant ce domaine de la
6 % des recrues masculines lors des classes dans l’armée prévention des accidents sportifs, même si Guezennec,
américaine. (111) et chez environ 3,4 à 21 % des recrues dès 1997, avait attiré l’attention sur l’intérêt de la
féminines, localisées au membre inférieur en particulier prévention de ces accidents (2).
au fémur ou au bassin (112). Ces fractures de contrainte Dans le monde sportif civil, des études comme celle de
peuvent conduire à des fractures vraies, qui consolident Parkkari (114) recensent in extenso les différents facteurs
lentement ou incomplètement. Elles sont une cause de risque de blessures (tab.VII). Dans les populations
d’indisponibilité majeure dans l’armée israélienne. militaires, les différentes études réalisées (115, 116) se
Pour conclure cette partie, Rochcongar (113) insiste centrent plus particulièrement sur les facteurs
sur le retentissement physique, mais aussi psychologique indiscutables. Selon Almeida, les blessures traumatiques
et sociologique de la blessure : le sportif (ou le militaire) (entorses de cheville) et microtraumatiques partageraient
Tableau VII. Facteurs de risque extrinsèques et intrinsèques dans les blessures sportives en milieu civil (114).
Équipement
Équipement de protection
Équipement de jeu (raquette, bâton,…)
Chaussures, vêtements
La prévention des risques liés à la préparation physique du militaire.Étude sur les besoins de prévention des militaires et de leurs familles. Besoins de prévention des militaires d’active. 479
squelettiques : Gilchrist rapporte que le facteur de risque traumatismes avec d’autres variables comme le type,
le plus communément identif ié pour les entorses de l’intensité, la fréquence, la durée et les variations brutales
cheville est une entorse de cheville dans les antécédents de programmes d’entraînement (127).
(104). Germain quant à lui rapporte que les blessures Le taux de blessures élevé dans les premières semaines
antérieures au stage commando sont en cause dans 40 % de classes indique que le changement brutal du niveau
des échecs à ce stage (108). d’activité physique est en cause, surtout si les jeunes
recrues n’ont pas d’expérience de la course à pied. Dans
Les facteurs psycho-comportementaux. les activités physiques doivent être également pris en
compte les déplacements entre les sites d’entraînement
Comme dans la population générale, la prise de risque effectués en marchant (ou en courant selon le bon vouloir
peut être majorée chez les jeunes militaires de moins de des cadres de contact) (127).
30 ans : des facteurs intra-personnels comme la recherche Le risque est beaucoup plus élevé pour une activité
de sensations, l’impulsivité, l’agressivité, la trop grande comme la course à pied (>25 miles par semaine) que pour
confiance en soi et l’instabilité émotionnelle sont liés la marche avec sac à dos ou l’ordre serré (128).
avec un risque accru de blessures. D’autres facteurs intra-
personnels existent comme la culture du risque et Le type d’activité.
l’acceptation de la blessure.
Des facteurs inter-personnels peuvent exister comme la Le port de charges lourdes (sac à dos, tâches de
pression des camarades, du modèle parental ou des manutention militaires) et/ou les marches sur de longues
normes sociales et sont à prendre en compte. Il en est de distances sont des facteurs de risque en cause dans la
même la manière de commander des cadres de contact. survenue de blessures musculo-squelettiques (129-131).
Une étude britannique chez les Bérets Verts recommande Une étude portant sur une marche de cinq jours et 160 km
pour ces cadres de contact une attitude plus positive vis à dans une unité d’infanterie américaine a montré un taux
vis des stagiaires en difficulté lors du stage, même si l’on de blessures de 36 % chez les participants. Les blessures
garde les mêmes exigences (91). les plus fréquentes étaient des rachialgies, des
tendinopathies d’Achille, des ampoules et cloques
aux pieds (129-131).
Facteurs extrinsèques.
Les chaussures.
Les modalités d’entraînement. Pour les orthèses plantaires, les conclusions des
différentes études sont variables. Le seul point acquis est
Il est à noter que la préparation physique lors des classes que les chaussures de sport usagées ou vieilles sont
doit augmenter rapidement le niveau de force et associées avec un risque accru de fractures de fatigue
d’endurance des militaires et doit être différenciée (Gardner cité par (132)). Le port de différentes chaussures
de la pratique sportive dans les unités spécialisées qui militaires (chaussures en cuir ou en toile plus légère) dans
doit maintenir un niveau physique en relation avec le l’armée américaine semble avoir peu d’effets sur la
type d’emploi (chasseurs alpins, unité du génie, survenue de fractures de fatigue (112). De même, les
parachutistes…). La progression rapide de la charge modif ications des chaussures et le port d’orthèses
d’entraînement lors des classes aura des répercussions plantaires dans l’armée israélienne ne semblent pas jouer
sur le taux de blessures. Le nombre de blessures est plus sur la survenue des fractures de fatigue (122).
important lors des classes avec une pratique imposée,
sans notion de sexe ou de niveau sportif préalable, que lors Les surfaces d’entraînement.
d’une pratique ultérieure pouvant être aménagée en
intensité et durée pour les militaires plus âgés ou plus Il ne semble pas y avoir d’études indiquant que le fait
élevés en grade. de courir sur des surfaces dures (macadam) par rapport à
Almeida a réalisé une des premières études mettant des surfaces souples (terre) soit un facteur de risque
en relation les plans d’entraînement et le taux de blessures. de blessures. Mais des études de l’armée australienne
Les facteurs qui permettent d’obtenir un effet mettent en exergue l’importance de l’interface sol-
d’entraînement (fréquence, durée et intensité de chaussure dans la survenue des accidents, en particulier
l’exercice) sont également en relation avec la survenue dans les chutes, glissades et faux-pas (133).
de blessures. (104).
Ce taux de blessure augmente en fonction du volume L’environnement.
d’activités physiques hebdomadaire, qui peut atteindre
15 heures par semaine, ce qui constitue une erreur Une étude a montré que les blessures musculo-
d’entraînement surtout dans les trois premières semaines squelettiques sont plus fréquentes en saison chaude et
de classe (127). Bien que le volume d’entraînement moins fréquente en automne. Plus les températures sont
physique hebdomadaire soit cité comme un facteur hautes et plus le taux de blessures est élevé avec des
prédictif de blessures, les résultats de l’étude d’Almeida implications sur le plan de l’entraînement et/ou de
sont en faveur d’une responsabilité multifactorielle l’hydratation (134). Par ailleurs l’entraînement par temps
de l’entraînement physique dans la survenue de froid favorise la survenue de péri-tendinites achilléennes
Tableau VIII. Facteurs de risque pour les blessures liées à l’entraînement physique dans des populations militaires (118).
Augmentation du nombre de kilomètres parcourus à Âge (le risque augmente généralement avec l’âge)
l’entraînement (plus la distance parcourue augmente,
plus le risque augmente) Sexe (le risque est habituellement plus élevé pour
les femmes)
Type d’entraînement (le risque est plus élevé pour la
course que pour la marche) Anatomiques (le risque est associé à la foi avec la
morphologie des pieds et des jambes)
Augmentation brutale du niveau d’entraînement (le
risque est plus élevé si le niveau d’entraînement Souplesse (le risque apparaît être plus grand aux
augmente de manière trop rapide) deux extrêmes de la souplesse)
Chaussures et orthèses (données inconsistantes) Tabagisme (le risque est plus grand chez les
fumeurs
Surface d’entraînement (données inconsistantes)
La prévention des risques liés à la préparation physique du militaire.Étude sur les besoins de prévention des militaires et de leurs familles. Besoins de prévention des militaires d’active. 481
Respecter un entraînement progressif pour permettre grande progressivité dans la charge emportée, avec
aux recrues de s’adapter aux nouveaux exercices (127). apprentissage de la répartition du poids dans le sac et
La charge d’entraînement ne doit pas dépasser 10 à 15 % augmentation lente du kilométrage réalisé lors des
d’augmentation par semaine. Il convient d’insister marches (131). Cet entraînement doit se poursuivre tout
d’abord sur les activités aérobies avant de passer aux au long de la carrière du militaire, lui permettant ainsi de
activités anaérobies et au renforcement musculaire (93). mieux tolérer le port de charges lourdes par un
Il faut faire particulièrement attention aux jeunes recrues entraînement régulier (deux séances par mois sont
pendant les trois premières semaines de classes. recommandées). Une étude de l’US ARMY n’a montré
L’alternance d’un jour de travail intense et d’un jour de aucun effet protecteur d’une période de récupération
travail léger doit être la règle (Hard day, Easy day) (136). pendant les classes, avec une semaine sans course à pied et
Les britanniques proposent dans la programmation marche à la 2e, 3e, 4e semaine des classes (107). Pour les
l’utilisation de drapeaux rouges (« Traffic lights ») pour jeunes recrues, ces auteurs proposent un programme de
les activités à haute intensité (sport, marche course,…) course à pied un jour sur deux, avec un repos de deux jours
pour éviter qu’elles ne se succèdent dans le planning et par semaine sans course à pied ou marche. Ces
augmentent ainsi le nombre de blessés. programmes ont fait l’objet de plusieurs études qui ont
Réduire le kilométrage en course à pied : différentes validés leur efficacité (137, 142, 143).
études civiles et militaires suggèrent que la réduction du Un programme de travail a été proposé avant les classes
kilométrage en course à pied diminue le taux de blessures aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Australie pour
avec peu d’effets sur la condition aérobie évaluée par les améliorer le niveau de condition physique des recrues et
résultats aux tests de contrôle biannuels (Army Physical diminuer le risque de survenue de blessure (132). Ce
Fitness Test) (2,4 km) (111). Il convient de noter que le programme a permit une diminution de 23 % du taux de
kilométrage non effectué en course à pied était remplacé blessures pendant les classes. Les tests d’entrée avant les
par de la marche avec sac à dos. classes (« Basic Combat Training ») ont été modifiés et
Pratiquer l’ « interval-training » (137) : les séances sont les tests physiques de l’armée américaine (APFT) ont été
réalisées une à deux fois par semaine et comprennent 6 à adoptés. Ceux-ci comportent des pompes, des relevés
10 répétitions de sprint de 30 secondes, alternant avec une de buste et une course d’un mile (1,6 km) avec des seuils
marches de 90 sec. minimaux à atteindre. Chaque personne ayant échoué
Respecter les groupes de niveau en course à pied (138), aux tests d’entrée, bénéf iciait d’un programme
ce qui permet aux jeunes recrues de courir à des vitesses d’entraînement particulier (« Remedial Physical
adaptées à leur faible niveau de condition physique et Training ») qui comportait de la course à pied, de la
d’éviter une fatigue excessive. Il est à noter que des musculation, des pompes et des relevés de buste, de la
diff icultés de gestion de la vitesse de course sont marche sur route et un programme d’étirement avant de
rencontrées dans le cas de groupes de niveau mixte repasser les tests. Une étude anglaise a mis en place un test
femmes-hommes et que dans ces groupes, les taux de de pré-recrutement (2,4 km de course à pied chronométré
blessure des personnels féminins sont plus élevés (139). avec un niveau seuil) en vertu du principe que un faible
Proposer des exercices différents tout au long de la niveau de condition physique est associé avec un risque
semaine (entraînement croisé ou « cross-training ») : plus élevé de blessures, et donc un taux d’attrition plus
aucune étude ne conf irme pour l’instant que des élevé pendant les classes (144).
entraînements différents chaque jour diminue la survenue
de blessures, mais les spécialistes de médecine du sport Les modifications d’équipement.
recommandent souvent ce type d’entraînement croisé
dans ce but (140). Il semble maintenant bien établi que le port d’une
Utiliser la natation comme élément de récupération ou orthèse de cheville par-dessus la chaussure chez
comme entraînement peut être utile (136). Les australiens les parachutistes permet de diminuer la survenue
proposent d’ailleurs la course en piscine (« deep water d’entorses de cheville. En effet, il a été constaté
running ») pour prévenir les blessures ou pour la dans l’armée américaine que 8 à 14 traumatismes
réhabilitation des personnels blessé. survenaient pour 1 000 sauts d’aéronefs, que de 30 % à
Pas d’étirement avant les exercices : cette position 60 % de ces traumatismes étaient des entorses de cheville
semble valide à ce jour au regard de l’analyse critique de la et que le port d’orthèses abaissait ce taux. (9, 145-147)
littérature faite (123, 124, 141). Pour la prévention des blessures du membre inférieur,
Éviter l’excès d’entraînement. À titre indicatif, les le port de semelles intérieures en Sorbothane ® ou
soldats qui s’entraînent 10 heures ou plus par semaine néoprène pour diminuer les chocs ne semble pas devoir
ont un risque de blessures augmenté et les femmes être retenu (118). De plus, une étude anglaise récente n’a
qui courent plus de 20 km par semaine ont un risque montré aucun avantage en termes de réduction des
plus important de traumatismes (93). Différentes blessures du membre inférieur pour le port de semelles
études militaires suggèrent qu’il existe un niveau seuil chez des militaires de l’armée de l’air (148). Pour les
de course à pied au-dessus duquel le taux de blessures jeunes recrues de sexe féminin, le port de chaussures avec
augmente (93, 111). semelles en polyuréthane s’est cependant révélé capable
La programmation de l’entraînement avec sac à de diminuer les blessures du membre inférieur, ainsi que
dos chez les jeunes recrues doit respecter une très le taux de consultations (149).
La prévention des risques liés à la préparation physique du militaire.Étude sur les besoins de prévention des militaires et de leurs familles. Besoins de prévention des militaires d’active. 483
Stratégies de prévention. fournir des indicateurs de référence (pourcentages et
taux) permettant ultérieurement de vérifier la réalité de
À la lumière d’articles récents sur la prévention l’efficacité des programmes censés réduire les blessures.
des blessures sportives dans le monde civil, il parait Durant la seconde étape, les mécanismes et étiologies
opportun d’évoquer certaines stratégies d’intervention des traumatismes doivent être étudiés et les facteurs de
permettant une vision plus globale et pouvant limiter risque identifiés. Les facteurs de risque peuvent être
les résistances au changement individuelles et/ou intrinsèques comme l’âge, le sexe ou la condition
institutionnelles (155). physique, ou extrinsèques comme les programmes
Une première approche a été décrite par Van Mechelen d’entraînement, l’équipement ou le temps.
et al. au début des années quatre-vingt-dix (3). Son Une fois le problème reconnu et les facteurs de
modèle de santé publique propose une méthodologie risque identifiés, la troisième étape est l’intervention.
pour aborder la prévention des blessures qui comporte Cette étape implique de développer des stratégies
quatre étapes (fig. 5) : pratiques et créatives de réduction des blessures et puis
– déf inition du problème : incidence, gravité, de les tester pour vérifier leur efficacité. Ces stratégies
conséquence individuelle et sociale ; peuvent associer des modifications de l’équipement,
– étude des facteurs de risques : étiologies et des procédés d’entraînement ou des modifications de
mécanismes des traumatismes ; l’environnement d’entraînement par des mesures
– introduction des mesures de prévention ; techniques, l’éducation des personnels et la mise en
– évaluation de l’eff icacité des mesures et place ou le rappel des règlements.
actions d’adaptation. La dernière étape permet d’évaluer l’eff icacité
La première étape du processus est primordiale, car elle du programme de prévention dans l’environnement
permet de déf inir le problème et d’en déterminer opérationnel, puis de l’adapter si nécessaire. Ceci est
l’étendue. Une surveillance du problème doit être réalisé habituellement par la mesure et la comparaison
instituée et si cela n’est pas possible, des enquêtes des indicateurs avant et après la mise en œuvre
rétrospectives peuvent y pallier. Il est important de du programme.
Figure 5. Les quatre étapes de la prévention décrites par van Mechelen (adapté d’après 3).
La prévention des risques liés à la préparation physique du militaire.Étude sur les besoins de prévention des militaires et de leurs familles. Besoins de prévention des militaires d’active. 485
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