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Notion: La transfiguration poétique.

Définition:Au fig. Changer le caractère, la nature de quelque chose en exaltant, en


sublimant. Transfigurer l'existence, le réel; transfigurer la souffrance en joie.

les fonctions de la poésie

Poésie : transfigurer le réel - Français Première - Les Bons Profs

Dans la vidéo, quels sont les éléments principaux ?


- La poésie sert à transfigurer le réel : la poésie exprime une fonction poétique.
Le poète ne décrit pas la réalité telle qu’elle existe, mais telle qui la recrée en
lui donnant une beauté nouvelle. (Baudelaire)
- Le poète peut chercher la beauté dans le quotidien (Exemple : Ponge)

Sujet de dissertation avec nombreuses références


La poésie a-t-elle pour seule fonction de transfigurer la réalité et d'exprimer la beauté des
choses ?

A. Le poète, un coloriste, un portraitiste, un plasticien...

Bien des poèmes sont consacrés à la beauté des lieux, au hasard d'inspirations diverses... Il
suffit de songer aux auteurs de la Pléiade (Du Bellay, Ronsard, au XVIème siècle). Aux œuvres
romantiques d'un Lamartine, d'un Vigny ou d'un Musset, pour qui l'automne, source
d'imprévisibles bourrasques à la manière de Chateaubriand, sert de cadre idyllique - ou lugubre -
pour évoquer des lieux féériques (L'automne, de Lamartine, Chanson d'automne de Baudelaire,
Automne malade d'Apollinaire...).
La poésie est un battement de cœur, stylistique, linguistique, mais aussi une entreprise qui
consiste souvent à revivre ce que nous vivons. Je suis ce que je revis, semble dire le faiseur de
vers. Dans ces œuvres poétiques, la beauté se voit grâce aux yeux du poète, qui parvient à
capter l'indicible, l'inénarrable. Nommer une chose, qu'il s'agisse d'un meuble (« Le buffet » de
Rimbaud, « La bicylcette » de Jacques Réda, le piano chez Verlaine « Le paquebot », poème-
fleuve de Supervielle), c'est la faire exister. Certains écrivains, comme Francis Ponge (« La
valise », « La bougie », « Le mimosa », « Le pain », « Le savon », pour ne citer que ces
compositions) excellent dans cette manie qui consiste à regarder ce que l'on a déjà sous les
yeux. Comme si le poète plasticien avait l'ambition de voir un petit mieux que nous, de mettre à
jour des objets dans une autre lumière, sous un angle d'éclairage différent... Et cette
transfiguration de l'objet décrit diffuse une étrange vérité sur le monde qui nous entoure. Toute la
force insinuante d'évocation du langage poétique réside dans sa manière d'agir : nous ouvrir les
yeux sur les choses qu'on n'a pas vues, qu'on n'aura pas voulu voir.

La poésie, un genre bien plus discret que le roman, se déploie bien des fois dans un
tourbillon sentimental et met en lumière cet effroyable traquenard qu'est la vie.

B. La poésie, le langage du cœur


A la suite de Rousseau, le lyrisme poétique nous fait croire que la musique des vers est
avant tout l'expression d'une authenticité, d'une profondeur.
Il y a des ouvrages de poésie qui expriment une curiosité pour le monde, pour la réalité
de la vie, qui restent aux lisières de notre quotidien, qui remâchent notre existence. Les « Petits
poèmes en prose » (ou « Spleen de Paris » de Baudelaire) font partie de ces compositions
majestueuses qui se nourrissent des événements anecdotiques de la vie domestique.Il y en a
d'autres qui témoignent de la modernité : Apollinaire fait partie de ces chroniqueurs de l'ère
industrielle (voir l'ouverture paradoxale du recueil « Alcools » - 1912 - avec le poème « Zone » :
« Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin »). Cette littérature nous entraîne
dans de délicates transpositions artistiques (l'atmosphère vaporeuse et tendre des analogies
baudelairiennes ou verlainiennes), dans le flou voluptueux d'une mélancolie fine qui fait (« Clair
de Lune » de Verlaine), dans le décor subtil d'une élégante promenade champêtre, dans des
paysages surannés empruntés à la peinture. Le lecteur est emporté dans l'impétueux torrent
poétique d'une conscience particulière, souvent gémissante. Le romantisme, par exemple, rêve
d'une fusion pleine d'harmonie entre l'idéal et le réel, entre l'intelligible et la réalité sensible. D'où
des bouleversements spectaculaires dans l'art poétique (l'amour romantique, le spleen
baudelairien). Dans ses « Poésies nouvelles » (1850), Musset fixe les objectifs de l'art poétique :
« Peut-être éterniser le rêve d'un instant », // « Aimer le vrai, le beau, chercher leur harmonie, //
Ecouter dans cœur l'écho de son génie [...] Du poète ici-bas voilà la passion, Voilà son bien, sa
vie et son ambition ». La bonne ou mauvaise fortune galante des madrigaux, de Bernart de
Ventadour (troubadour du XIIème siècle, auteur de la chanson occitane « Can vei la lauzeta
mover »), Louise Labé [1524-1566], Guillaume du Bartas [1544-1590] jusqu'à la poésie-chanson
du XXème siècle (Trenet, Vian, Gainsbourg, Brassens, Brel, Barbara, Juliette Gréco) nous
arrache des larmes. Ces effusions lacrymales nous feraient presque oublier que l'écriture
poétique n'est pas seulement une leçon de musique, mais aussi une leçon de vie, une manière
de penser. Cette réflexion vaut également pour toutes les autres formes artistiques, notamment
pour les arts plastiques : « La peinture, prétendait Picasso, n'est pas faite pour décorer les
appartements, c'est une arme offensive contre l'ennemi ».

Autrement dit, la poésie n'a pas pour seule vocation de décrire les pots de géranium ou
de nous faire rêver d'un départ pour Cythère en compagnie de je ne sais quelle sylphide
voltigeante !

II. Du poète visionnaire au réveil des consciences...

La littérature poétique a parfois pour ambition de mettre en perspective des


développements thématiques radicalement différents : des formes bien plus sombres qui vont
bien au-delà du simple jeu des métaphores filées...
On peut distinguer, grosso-modo, deux territoires de la poésie : la scène de l'intime (dans
le goût de chacun) et la scène de l'histoire (pas forcément dans le goût de tout le monde) . Il
existe d'autres formes d'écriture, plus conceptuelles, plus intellectuelles, des compositions qui
témoignent d'une sensibilité artistique non moins talentueuse ! La rage, la colère, l'indignation
sont également des sources d'inspiration poétique. Autrement dit, et très simplement, n'y a pas
que les bons sentiments ! Ecrire de la poésie, c'est entrer en relation avec autrui par le langage,
certes, mais aussi par l'intelligence, par la pensée. Certains chefs d'œuvre au lyrisme
crépusculaire frappent le lecteur comme des coups à l'estomac, des uppercuts qui le laissent
abasourdi. C'est le cas des « Tragiques » (1616) d'Agrippa d'Aubigné. Il y a de nombreux
auteurs qui, délaissant les rêves d'évasion, d'amour passionné, n'excellent pas moins dans la
satire, le libelle, le pamphlet (dénonciation de la misère sociale, de l'esclavage des enfants,
chez Victor Hugo). Ces écrivains ne perdent pas de vue le potentiel subversif de la littérature,
qu'ils s'appellent Robert Desnos ou Eluard. Et ils montrent un art consommé pour les harangues
de prétoire. Une littérature au style scrupuleux qui est loin d'apaiser l'esprit, dans la mesure où
elle se propose de décrire la cruauté, de décrier la barbarie universelle ! Citons deux exemples,
celui de Senghor (« Aux Tirailleurs Sénégalais morts pour la France » de Léopold Sédar
Senghor dans Hosties noires, 1938). On peut penser également à des créations plus
philosophiques comme l'apologue en alexandrins d'Alfred de Vigny qui a pour titre « La mort du
loup » (1843) ou les méditations sur le temps d'Apollinaire dans « Le Pont Mirabeau »....Mais
aussi aux fables de Jean de La Fontaine qui a signalé son immense talent sous le règne du roi
Louis XIV. Inspiré par les neufs Sœurs (les Muses), le fabuliste, à la manière d'un Montaigne,
laisse entendre dans ses fables que les hommes gaspillent leur vie à la recherche des faux
biens, des fausses richesses... Poète de l'eau vive, il a célébré l'amitié (« Les Deux Amis »),
l'amour « Les deux pigeons », la liberté (« Le loup et le chien »). Grand artiste des ressources
musicales de la langue française, ses odes nous enchantent par l'oreille, sans conteste, mais
aussi et surtout par l'esprit. Toute son œuvre se résume à un plaidoyer émouvant pour une
sagesse sereine... Qui mieux que la poésie serait en mesure de soulever les cœurs, de
galvaniser les consciences ? De contribuer à édifier un idéal dans la conscience collective ?
L'idéal d'une école républicaine et laïque chez Victor Hugo (et ceci, bien avant les lois Jules
Ferry), nous émeut encore aujourd'hui. Foin de tout raffinement, de toute préciosité
obséquieuse, foin de toute virtuosité rhétorique, semble nous dire ce propagandiste dévoué
corps et âme à la révolution sociale. Avec Hugo, le mage romantique devient un chantre de
l'émancipation des consciences : « Le Poète en des jours impies / Vient préparer des jours
meilleurs / Il est l'homme des utopies ». Celui qui, en toutes circonstances, doit « faire flamboyer
l'avenir » (« Les rayons et les ombres », 1840). Le poète est un visionnaire passionné, qui voit
en grand, aux dimensions de l'histoire... Bien des œuvres épiques portent au mouvement, à
l'action, en tournant le dos aux vaines méditations solitaires ! Bien des poèmes résonnent
comme des hymnes républicains nous rappelant notre devoir de résistance face à un pouvoir
tyrannique...La poésie, en définitive, est une alliée de nos propres résistances.

Mais pas seulement. Elle est enfin et surtout une résonance. Le seul pouvoir des
mots transforme la réalité : « Laissez, laissez mon cœur s'enivrer d'un mensonge », écrivait
Baudelaire dans son sonnet « Semper eadem »...

B. La poésie, un art du mensonge : vers des formes nouvelles d'écriture...

Une évidence s'impose : on ne saurait séparer la beauté (l'émotion, le plaisir esthétique)


de la langue qui cherche à l'exprimer (le plaisir de l'intelligence), c'est-à-dire du mode d'éclosion
de l'œuvre d'art ou de tout autre ouvrage de la pensée. Pour parler plus simplement, c'est le
style qui transforme le regard sur la réalité en vision. Idée qu'exprime très bien Baudelaire [1821-
1867] dans l'ébauche du deuxième épilogue des Fleurs du Mal (1857) : « Tu m'as donné de la
boue et j'en ai fait de l'or ». Baudelaire ne manquait pas de lucidité dans cet aveu qu'il lâche
dans « Le voyage » : « l'imagination qui dresse son orgie // Ne trouve qu'un récif aux clartés du
matin » (Les Fleurs du Mal). Chaque œuvre et donc chaque époque historique engagent une
manière de voir la vie. La révolution industrielle, par exemple, a vu naître de nouveaux courants
littéraires : le réalisme, le naturalisme, le romantisme, le symbolisme, l'oulipisme… Les auteurs
de la modernité considèrent que la dimension imaginaire est au cœur de la création poétique. Le
lecteur occupe dès lors une position centrale : le poète invite le lecteur à un déchiffrement.
L'esprit du poète entre en résonance, non seulement avec les corps et les objets qui l'entourent,
mais aussi avec ses lecteurs. Ce qui importe pour un grand nombre de ces auteurs (Mallarmé
pour le symbolisme, Cros pour le décadentisme, Tristan Tzara, pour le courant dadaïste, les
surréalistes Breton, Eluard, Desnos, Soupault, sans parler des auteurs inclassables comme
Prévert, Ponge, Michaux), c'est la suggestion plus que la représentation elle-même. A la
condition que ce qui est enfoui en soi puisse être compris, ressenti, et compris par les autres.
C'est-à-dire le lectorat. Avec la poésie moderne, la beauté des choses cesse d'être le centre de
gravité : il ne s'agit plus d'éclairer le monde ou de l'expliquer, mais plutôt d'en multiplier les
composantes. En fait, les sources d'inspiration sont multiples. Comme si la poésie moderne se
fixait pour tâche un dépassement des contradictions apparentes entre le rêve et le réel. La
poésie ne se résume pas à une dictée de la pensée rationnelle : elle doit être source de surprise.
La psychanalyse freudienne, on le sait, a profondément influencé certaines pratiques littéraires :
l'expérience du sommeil hypnotique chez Desnos, l'automatisme psychique comme mécanisme
de production de sens chez Breton. Le poème en prose, depuis Aloysius Bertrand [1807-1841]
dans « Gaspard de la nuit », jusqu'à Rimbaud (« Aube ») et Francis Ponge, témoignent
également d'un renouvellement des contraintes formelles. Les calligrammes de Guillaume
Apollinaire, le vers librisme, la poésie pataphysique (Jarry, Queneau, Daniil Harmes) la prose
poétique de Saint-John Perse (recueil « Amers » paru en 1957), ou de Rainer Maria Rilke, sont
autant de tentatives de faire du neuf, tout en renouant avec une certaine tradition lyrique,
profane ou sacrée, de la poésie traditionnelle. La poésie saura-t-elle dispenser encore la saveur
de la découverte, exalter des sentiments ? Saura-t-elle raviver une mythologie, brasser de
nouveaux symboles, nous emporter vers d'autres pérégrinations, sur des terres en friche ? La
poésie parviendra-t-elle à combler le vide laissé chez le lecteur si habitué à s'immerger dans les
mangas ou la fantasy ? La poésie persiste à renouveler cette appréhension du monde qui
demande, comme la musique, la peinture, la danse, à être partagée. Tant qu'il se passera
quelque chose dans nos vies, il lui restera une place. Pour nous égayer, nous apaiser, nous faire
voir le bonheur, nous faire supporter le malheur, pour faire la nique au néant. Pour déchiffrer
encore et toujours l'énigme de notre présence au monde.

Conclusion

Poème-incantation, poème-spectacle ou poème-reportage ? Chant-poème ou


essai-poème ? Tableau-poème ou histoire-poème ? On ne saurait trancher, sauf à partager le
sentiment qu'exprimait Alfred de Musset : « Faites-vous de ce monde un songe sans réveil, //
Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse ! » (poème dramatique « La coupe et les lèvres
»).
Mais renversons la perspective, et rapprochons-nous, non pas de l'œuvre produite, mais
du producteur du sens, de l'auteur. Nous l'avons dit, le poète n'est pas qu'un écumeur de
littérature lyrique. Il est un homme de combat. Il faut en convenir, nombreux furent les poètes-
phares, même parmi les farouches artisans d'une écriture formelle, qui se sont mis au service
de la résistance. Citons Queneau, Eluard, et Breton. On parle souvent de « cratylisme » à
propos de Francis Ponge, mais on oublie son engagement syndical lors des grèves du Front
Populaire en 1937, ses activités de résistant clandestin sous Pétain, et son refus de
subordonner la littérature aux idéologies dominantes. Il en va de même pour Robert Desnos,
qui mourut au camp de concentration de Theresienstadt, à quelques encâblures du village
martyr de Lidice !

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