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Bien des poèmes sont consacrés à la beauté des lieux, au hasard d'inspirations diverses... Il
suffit de songer aux auteurs de la Pléiade (Du Bellay, Ronsard, au XVIème siècle). Aux œuvres
romantiques d'un Lamartine, d'un Vigny ou d'un Musset, pour qui l'automne, source
d'imprévisibles bourrasques à la manière de Chateaubriand, sert de cadre idyllique - ou lugubre -
pour évoquer des lieux féériques (L'automne, de Lamartine, Chanson d'automne de Baudelaire,
Automne malade d'Apollinaire...).
La poésie est un battement de cœur, stylistique, linguistique, mais aussi une entreprise qui
consiste souvent à revivre ce que nous vivons. Je suis ce que je revis, semble dire le faiseur de
vers. Dans ces œuvres poétiques, la beauté se voit grâce aux yeux du poète, qui parvient à
capter l'indicible, l'inénarrable. Nommer une chose, qu'il s'agisse d'un meuble (« Le buffet » de
Rimbaud, « La bicylcette » de Jacques Réda, le piano chez Verlaine « Le paquebot », poème-
fleuve de Supervielle), c'est la faire exister. Certains écrivains, comme Francis Ponge (« La
valise », « La bougie », « Le mimosa », « Le pain », « Le savon », pour ne citer que ces
compositions) excellent dans cette manie qui consiste à regarder ce que l'on a déjà sous les
yeux. Comme si le poète plasticien avait l'ambition de voir un petit mieux que nous, de mettre à
jour des objets dans une autre lumière, sous un angle d'éclairage différent... Et cette
transfiguration de l'objet décrit diffuse une étrange vérité sur le monde qui nous entoure. Toute la
force insinuante d'évocation du langage poétique réside dans sa manière d'agir : nous ouvrir les
yeux sur les choses qu'on n'a pas vues, qu'on n'aura pas voulu voir.
La poésie, un genre bien plus discret que le roman, se déploie bien des fois dans un
tourbillon sentimental et met en lumière cet effroyable traquenard qu'est la vie.
Autrement dit, la poésie n'a pas pour seule vocation de décrire les pots de géranium ou
de nous faire rêver d'un départ pour Cythère en compagnie de je ne sais quelle sylphide
voltigeante !
Mais pas seulement. Elle est enfin et surtout une résonance. Le seul pouvoir des
mots transforme la réalité : « Laissez, laissez mon cœur s'enivrer d'un mensonge », écrivait
Baudelaire dans son sonnet « Semper eadem »...
Conclusion