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TRIBUNAL SPÉCIAL

POUR LE LIBAN

DEUXIÈME RAPPORT ANNUEL


(2010-2011)

1er mars 2010


TRIBUNAL SPÉCIAL POUR LE LIBAN

DEUXIÈME RAPPORT ANNUEL (2010-2011)

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Monsieur le Secrétaire Général,
Monsieur le Premier Ministre,

Il me revient le devoir et le privilège de vous soumettre, en vertu de l’article 10 2) du Statut du Tribunal spécial
pour le Liban, le second Rapport Annuel relatif au fonctionnement et aux activités du Tribunal. Ledit Rapport
couvre la période du 1er mars 2010 au 28 février 2011.

Ce Rapport, comme celui de l’année dernière, présente une vue d’ensemble des activités menées pendant la
période considéré par les quatre principaux organes du Tribunal : les Chambres, le Bureau du Procureur, le
Bureau de la Défense et le Greffe. Chaque section du Rapport a été préparée par le chef de l’organe concerné,
qui assume également la responsabilité du contenu de la section relevant de son autorité. Je me suis borné à
assurer la coordination et la mise au point des quatre sections et à rédiger l’introduction et la conclusion, qui,
quant à elles, reflètent mon point de vue, mais pas nécessairement celui des autres organes du Tribunal.
Le résumé qui suit met en exergue les points saillants de ce deuxième Rapport Annuel, mais ne restitue pas
l’intégralité de son contenu. Dans le Rapport proprement dit, nous présentons une description concise des
activités menées par le Tribunal. Nous considérons que la présentation d’un tel rapport exhaustif est
nécessaire, eu égard à l’originalité de notre institution et au besoin d’informations détaillées sur les difficultés,
activités et perspectives qui sont les siennes.

Dans la conclusion, je m’efforcerai de résumer brièvement ce que je considère comme étant les grandes
réalisations, mais aussi les insuccès de notre Tribunal au cours de l’année écoulée. Je proposerai également ce
qui pourrait constituer les prochaines étapes de l’année à venir (1er mars 2011-29 février 2012).

Le Président du Tribunal spécial pour le Liban

Antonio Cassese

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Table des matières

Résumé ...............................................................................................................................................................7
Ière PARTIE – INTRODUCTION ........................................................................................................................... 10
IIe PARTIE – PRINCIPALES ACTIVITÉS DU TRIBUNAL AU COURS DE LA PÉRIODE CONSIDÉRÉE ....................... 12
A. Les Chambres ..................................................................................................................................... 12
1. Introduction .................................................................................................................................... 12
2. Activités judiciaires ........................................................................................................................ 12
3. Activités réglementaires ................................................................................................................. 13
4. Activités administrative et autres ................................................................................................... 15
5. La nécessité d’une gestion prudente des ressources ....................................................................... 16
6. Les prochaines étapes .................................................................................................................... 17
B. Le Greffe ............................................................................................................................................ 18
1. Introduction .................................................................................................................................... 18
2. Cabinet du Greffier ......................................................................................................................... 18
3. Appui judiciaire .............................................................................................................................. 20
4. Communication et affaires publiques ............................................................................................. 22
5. Appui administratif ......................................................................................................................... 24
6. Les prochaines étapes ..................................................................................................................... 25
C. Bureau du Procureur ........................................................................................................................... 27
1. Introduction .................................................................................................................................... 27
2. Les enquêtes ................................................................................................................................... 27
3. Les poursuites ................................................................................................................................. 28
4. Information publique et communication ........................................................................................ 29
5. Les prochaines étapes ..................................................................................................................... 30
D. Bureau de la Défense .......................................................................................................................... 32
1. Introduction .................................................................................................................................... 32
2. Organisation du Bureau .................................................................................................................. 32
3. Participation aux activités judiciaires ............................................................................................. 32
4. Rôle du Bureau de la Défense ........................................................................................................ 33
5. Cadre réglementaire........................................................................................................................ 33
6. Liste des conseils ............................................................................................................................ 34
7. Liste de membres de l’équipe de la défense ................................................................................... 35
8. Presse, affaires publiques et communication .................................................................................. 35
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9. Avis juridiques ................................................................................................................................ 35
10. Les prochaines étapes ..................................................................................................................... 36
IIIe PARTIE – TENTATIVE DE BILAN ET OBSERVATIONS FINALES ..................................................................... 38
A. La mission principale du TSL ............................................................................................................ 38
B. Ce qui n’a pas été fait ......................................................................................................................... 39
C. Les réalisations accomplies en douze mois ........................................................................................ 40
D. Plan d'orientation pour la troisième année d'activité du TSL ............................................................. 40
E. Observations finales ........................................................................................................................... 41

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Résumé

Le Tribunal spécial pour le Liban (le « TSL » ou le « Tribunal ») a, tout au long de la période considérée
(2010-2011), enregistré des progrès significatifs dans l’accomplissement de son mandat. Les travaux des
Chambres, du Greffe, du Bureau du Procureur et du Bureau de la Défense ont été guidés par des
considérations de justice, d’efficacité et de transparence.

Dans toutes les activités qu’il mène, le TSL s’attache à veiller au respect des normes les plus élevées de
justice internationale. La période couverte par le présent rapport a été marquée par le début de la
phase judiciaire, à proprement parler, de ses travaux. Développement notable de la période
considérée : le Procureur a, en date du 17 janvier 2011, présenté au Juge de la mise en état un acte
d’accusation confidentiel (accompagné de volumineuses pièces justificatives) aux fins de sa
confirmation. Le Juge de la mise en état procède actuellement à l’examen de l’acte d’accusation, afin de
déterminer à première vue si les charges qui y figurent sont étayées par les éléments de preuve qui lui
ont été soumis. La Section de participation des victimes (SPV) a commencé en octobre 2010 à
s’acquitter de sa tâche. Cet élément témoigne également de l’engagement du TSL pour la justice,
puisque la SPV prêtera son concours aux victimes, afin que celles-ci fassent valoir leurs droits devant le
Tribunal.

Le Tribunal est déterminé à avancer dans ses travaux aussi efficacement et rapidement que possible. Le
Bureau du Procureur, le Bureau de la Défense et le Greffe ont apporté leur appui aux Chambres afin
qu’elles tranchent rapidement toutes les questions qui leur ont été soumises au cours de la période
considérée. À cet égard, il convient de saluer les décisions rendues non seulement par le Juge de la mise
en état, mais également par la Chambre d’appel, notamment la décision rendue à la suite de l’appel
interjeté par le Procureur en l’affaire El Sayed et la décision interlocutoire portant sur des questions
fondamentales touchant à la détermination du droit applicable. Cette décision compte 150 pages et
n’intervient que quelques semaines après l’ordonnance du Juge de la mise en état invitant la Chambre
d’appel à répondre à ces questions et quelques jours après le dépôt d’observations émanant du Bureau
du Procureur et du Bureau de la Défense. Les quatre organes ont œuvré ensemble en vue de
rationaliser le cadre et les outils juridiques qui s’avèrent nécessaires au fonctionnement effectif du
Tribunal. Le fonctionnement efficient du Tribunal témoigne de l’ardeur au travail de son personnel.

Le TSL attache un grand prix à la transparence. Aussi s’est-il évertué à rendre ses activités accessibles à
la communauté juridique libanaise et au public en mettant en œuvre de vastes programmes de
communication et de relations extérieures. Tout au long de la période considérée, des représentants
des quatre organes ont effectué des visites au Liban, accueilli des forums de médias, organisé des
séminaires sur des thèmes portant sur les travaux du Tribunal et rencontré des interlocuteurs locaux et
internationaux. Le TSL a noué des contacts avec des professionnels invités ressortissants du Liban en
vue de promouvoir une compréhension mutuelle et une coopération plus approfondies. Par ailleurs, le
site internet du Tribunal a été régulièrement mis à jour et des textes fondamentaux (notamment le
Statut, le Règlement de procédure et de preuve, des directives pratiques et des comptes rendus
d’audience) ont été mis en ligne dans leur version anglaise, française et arabe.

Les travaux du Tribunal ont été rendus possibles grâce au soutien énergique et continu de
l’Organisation des Nations Unies, du Gouvernement libanais et de la communauté internationale. Le
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Tribunal ne doute pas qu’il continuera de bénéficier de ce soutien pendant la troisième année de son
mandat.

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Ière PARTIE – INTRODUCTION

1. En cette deuxième année d’activité, le Tribunal a pris un bon nombre de mesures significatives en vue
de remplir sa mission. Il n’a pu cependant s’acquitter de sa fonction primordiale, comme je l’avais
fortement espéré et comme le laissait effectivement présager mon premier Rapport Annuel : entamer à
tout le moins, à la suite de la présentation d’un ou de plusieurs actes d’accusation par le Procureur, des
procédures de mise en état à l’encontre des auteurs présumés des crimes relevant de la compétence du
Tribunal. À la fin de sa deuxième année de fonctionnement, le Juge de la mise en état est saisi d’un acte
d’accusation que le Procureur lui a présenté, le 17 janvier 2011, mais n’a pas encore été en mesure de
se prononcer sur sa confirmation.
2. Néanmoins, le Tribunal est allé de l’avant, achevant ses préparatifs en vue de la procédure en première
instance, recrutant le personnel requis pour s’acquitter des futures tâches liées au déroulement du
procès (y compris les fonctions du Bureau de la Défense) et renforçant et intensifiant son programme
de communication.

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IIe PARTIE – PRINCIPALES ACTIVITÉS DU TRIBUNAL AU COURS DE LA PÉRIODE
CONSIDÉRÉE

A. Les Chambres

1. Introduction

Lorsque j’ai évoqué les « prochaines étapes » des Chambres, il y a douze mois, j’ai précisé que je
prévoyais de prendre les mesures nécessaires à la mise au point définitive des outils juridiques et des
infrastructures permettant au Tribunal d’être efficace et en mesure de faire face à l’activité judiciaire à
venir.

Comme indiqué plus en détail ci-dessous, les Chambres – qui ont encouru cependant des dépenses de
personnel et des coûts contractuels extrêmement limités – ont réussi à mettre en place la grande
majorité des instruments juridiques nécessaires à leurs activités judiciaires proprement dites. Elles ont
également réglé, promptement et objectivement, toutes les questions judiciaires portées à leur
attention.

Les activités des Chambres du Tribunal sont au nombre de trois : judiciaires, réglementaires et
administratives. En 2009, les Chambres se sont principalement attachées à définir le cadre juridique
nécessaire au fonctionnement du Tribunal – en particulier, le Règlement de procédure et de preuve
ainsi que les accords de coopération initiaux. Les douze derniers mois (2010-2011) ont quant à eux
permis essentiellement de : i) finaliser l’ensemble des instruments juridiques et pratiques nécessaires à
l’ouverture de la procédure judiciaire et ii) conduire l’activité judiciaire proprement dite. Ainsi les
Chambres ont-elles abordé la question sensible de l’accès au dossier de l’enquête que sollicitait
M. Jamil El Sayed, l’une des personnes remises en liberté par le Tribunal au début de son mandat. Le
deuxième événement judiciaire majeur a été le dépôt d’un acte d’accusation le 17 janvier 2011 et les
mesures prises ultérieurement à cet égard.

2. Activités judiciaires

Au cours de l’année écoulée, l’activité judiciaire principale a porté sur la requête déposée le 7 mars
2010 par M. Jamil El Sayed – précédemment détenu au Liban dans le cadre de l’attentat commis contre
Rafic Hariri – mais remis en liberté le 29 avril 2009 ainsi que trois autres personnes en vertu d’une
ordonnance du Juge de la mise en état du Tribunal, dans laquelle il était indiqué qu’il n’existait pas
d’éléments de preuve suffisants pour justifier son maintien en détention. M. El Sayed (le requérant) a
demandé l’accès aux documents relatifs à sa détention au Liban qui, selon lui, seraient en la possession
du Procureur, dans l’intention déclarée de poursuivre devant les tribunaux nationaux compétents les
personnes ayant prononcé les déclarations à l’origine de son implication.

En bref, le 15 avril 2010, le Président du Tribunal a rendu une décision portant renvoi de l’affaire devant
le Juge de la mise en état qui, à son tour, a pris une ordonnance portant calendrier par laquelle il
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sollicitait les vues de M. El Sayed et du Procureur, d’une part sur la compétence du Tribunal à l’égard du
point concerné, et d’autre part sur la question de savoir si le Requérant avait qualité pour demander
accès aux documents sollicités.

Après l’échange de nombreuses pièces écrites, une audience s’est tenue le 13 juillet 2010, avec la
participation de M. El Sayed et de son avocat, de représentants du Procureur, et du chef du Bureau de
la Défense (des comptes rendus d’audience sont disponibles dans les trois langues officielles sur le site
internet du Tribunal). Le 17 septembre 2010, le Juge de la mise en état a rendu une ordonnance par
laquelle il a affirmé que le Tribunal disposait d’une compétence inhérente pour statuer sur ce type de
requête et que M. El Sayed avait qualité pour ester devant le Tribunal. Le 29 septembre 2010, le
Procureur a interjeté appel de ces deux conclusions et, le 10 octobre 2010, le Président du Tribunal a
rendu une ordonnance portant calendrier par laquelle il convoquait, pour la première fois, la Chambre
d’appel. Après avoir statué sur les demandes de récusation de deux juges libanais de leurs fonctions à la
Chambre d’appel, celle-ci a confirmé, le 10 novembre 2010, l’ordonnance du Juge de la mise en état,
rejetant ainsi l’appel du Procureur.

Les questions de compétence et de qualité pour agir ayant ainsi été réglées, le Juge de la mise en état,
le 16 novembre 2010, a demandé à recevoir des observations sur le fond de la requête, c’est-à-dire sur
le point de savoir si le requérant avait un droit d’accès aux documents en question et, si tel était le cas,
dans quelles conditions. Une audience sur le fond s’est tenue le 14 janvier 2011. Le Juge de la mise en
état attend actuellement que le Procureur lui présente les motifs précis justifiant la non-divulgation de
chacun des documents ou de chaque type de documents.

En ce qui concerne la compétence principale du Tribunal, le Juge de la mise en état s’est entretenu, au
cours de l’année écoulée, avec le Procureur, conformément à l’article 88 du Règlement de procédure et
de preuve. Cet article a été adopté afin de permettre au Procureur de communiquer des informations
et des documents au Juge de la mise en état, aux fins d’aider ce dernier à s’acquitter de sa mission au
cours du processus de confirmation des actes d’accusation.

Le 17 janvier 2011, le Procureur a déposé auprès du Juge de la mise en état un acte d’accusation
confidentiel en vue de sa confirmation. Le 21 janvier 2011, le Juge de la mise en état – aux fins
d’examiner et de statuer sur l’acte d’accusation de manière efficace – a demandé à la Chambre d’appel
de rendre une décision interlocutoire sur la base des articles 68 G) et 176 bis du Règlement de
procédure et de preuve. Le Juge de la mise en état a soulevé des questions qui, sur cinq points précis,
devaient être tranchées afin qu’il puisse confirmer l’acte d’accusation, à savoir les notions de
terrorisme, de complot, d’homicide avec préméditation, de coaction et de concours de qualifications
devant être retenues par le Tribunal. Le même jour, le 21 janvier 2011, le Président du Tribunal a rendu
une ordonnance portant calendrier par laquelle il autorisait le Procureur et le chef du Bureau de la
Défense à être entendus sur les questions soulevées par le Juge de la mise en état. Le 31 janvier 2011 et
le 4 février 2011, des observations écrites ont ainsi été reçues et, le 7 février 2011, une nouvelle
audience s’est tenue aux fins de présentation des arguments oraux. La Chambre d’appel a rendu sa
décision le 16 février 2011.

3. Activités réglementaires

i) Règlement de procédure et de preuve

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La plupart des instruments réglementaires fondamentaux sont désormais en place. Les juges ont
toutefois modifié certains articles du Règlement de procédure et de preuve et d’autres documents
essentiels afin de rationaliser les procédures applicables au niveau de la mise en état et du procès et de
porter la transparence des activités judiciaires du Tribunal à un niveau encore jamais atteint par
d’autres tribunaux pénaux internationaux (nouvel article 5 I)). De plus, le nouveau Règlement clarifie
certains aspects de la procédure par défaut afin que toutes les parties concernées aient connaissance
du calendrier prévu pour ce type de procès. D’autres modifications précisent que des cas d’entrave à la
justice peuvent survenir à tout stade de la procédure, que certaines déclarations écrites de témoins qui,
pour des raisons valables, ne peuvent venir déposer en personne au Tribunal sont recevables, et que les
victimes peuvent solliciter des copies certifiées de jugements du Tribunal en vue de demander
réparation devant les tribunaux nationaux.

Après l’entrée en vigueur du Règlement de procédure et de preuve révisé en novembre 2010, le


Président a rendu public son premier rapport en application du nouvel article 5 I) dudit Règlement. Y
sont résumées les modifications du Règlement retenues, certaines propositions importantes de
modification qui ont été rejetées ainsi que les raisons de tels choix (ce rapport est disponible dans les
trois langues officielles sur le site internet du Tribunal).

ii) Instruments internationaux et relations avec les États

Conscient de l’importance de la coopération avec les États tiers, le Président a maintenu les contacts
avec les diplomates de certains pays de la région et de quelques autres pays, aux fins de promouvoir la
coopération judiciaire avec le Tribunal. L’an passé, le Président et le chef de Cabinet ont adressé des
courriers officiels aux autorités d’États membres des Nations Unies au sujet de leur coopération avec le
Tribunal. De plus, le Président et le Vice-président ont rencontré à La Haye les représentants de
plusieurs États intéressés (y compris sept États faisant partie de la région), et ont eu des contacts avec
l’Ambassadeur syrien à Bruxelles, aux fins de discuter, notamment, de problèmes actuels, de formes
simplifiées de coopération et de la nomination de points de contact. Quatre gouvernements, dont
certains de la région, ont répondu positivement à cette demande, et se sont déclarés prêts à fournir
une assistance juridique comprenant, par exemple, la désignation de leurs représentants diplomatiques
ou juristes aux Pays-Bas en qualité de points de contact pour les besoins de la coopération judiciaire.
Par ailleurs, plusieurs autres gouvernements ont réitéré leur soutien au Tribunal et leur coopération
sans faille, et nombre d’entre eux ont promis d’accepter sans délai, par courrier officiel, l’offre de
coopération, et de désigner leur point de contact.

iii) Code de conduite des conseils

Après de longues discussions entre tous les organes, le Président a, le 28 février 2011, publié, sous la
forme d’un document complet, un Code de conduite professionnelle des conseils plaidant devant le
Tribunal. Ce code se démarque de ceux en vigueur au sein des autres tribunaux internationaux et
internationalisés, en ce qu’il s’impose tant aux conseils de l’Accusation qu’à ceux de la Défense, ainsi
qu’aux représentants légaux des victimes participant à la procédure.

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4. Activités administrative et autres

i) Généralités

Le Président a continué d’assister aux réunions tenues régulièrement par le Comité de direction, en vue
d’examiner et de trancher diverses questions. Les différents organes ont ainsi pu adopter une méthode
de travail plus coordonnée.

Le Vice-président a continué de superviser la création de la Section de participation des victimes. En


coordination avec la Section de communication, il a veillé au développement et à la mise en place d’un
programme de communication au Liban.

À la suite du « Mémento de la procédure applicable par le Tribunal spécial pour le Liban », qui résume
les points saillants de la procédure applicable au Tribunal, les juristes des Chambres ont élaboré un
« Guide d’information sur la participation des victimes à la procédure devant le Tribunal ». Cette
brochure expose de manière concise les principales caractéristiques de la procédure applicable par le
Tribunal et, en particulier, constitue un outil aisément accessible aux victimes qui désirent participer
aux procédures devant le Tribunal, ainsi qu’à leurs représentants.

Les Chambres ont également traité des appels de décisions relatives à des mesures disciplinaires
internes.

ii) Documentation et séminaires

Afin d’instaurer la nécessaire réflexion juridique sur les thèmes susceptibles d’être abordés par le
Tribunal, plusieurs séminaires ont été organisés sur diverses questions touchant aux travaux du
Tribunal. Ces séminaires, ouverts à tout le personnel, ont abordé des questions telles que les modes de
responsabilité en droit libanais ou en droit international ainsi que le système juridique libanais. Les
Chambres ont également continué à organiser des réunions internes pour les juges – la dernière avec
des juges afghans en janvier – le personnel et les stagiaires, afin d’échanger les résultats de travaux de
recherche sur une série de questions de droit et de procédure afférentes au Tribunal.

Afin de rendre les travaux du Tribunal aisément accessibles au public, des documents de référence tels
que les traductions des Codes libanais et d’autres documents fondamentaux sont publiés sur le site
internet du Tribunal.

iii) Activités de communication et visite au Liban

Comme indiqué à la fin de l’année 2009, les Chambres se sont à nouveau rendues au Liban, le Président
et le Vice-président effectuant leur deuxième visite à Beyrouth. Du 10 au 15 mai 2010, le Président, le
Vice-président et le Juge de la mise en état ont séjourné à Beyrouth. Au cours de leur visite, ils ont
rencontré le Ministre de la justice et le Ministre de l’intérieur du Liban, et ont discuté de questions de
coopération et de la négociation d’un accord sur l’application des peines par le Liban. Ils se sont
également entretenus avec des représentants d’organisations non gouvernementales libanaises et

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internationales, le représentant du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies au Liban et le
chef de la délégation de l’Union européenne au Liban ainsi qu’avec les ambassadeurs ou conseillers des
États membres du Comité de gestion.

Pendant leur séjour à Beyrouth, le Président, le Vice-président et le Juge de la mise en état ont aussi
participé à une conférence de deux jours, organisée conjointement par le Tribunal et l’Université Saint-
Joseph, qui portait sur la comparaison du droit applicable par le Tribunal et par le Liban. Ils ont
essentiellement abordé des questions d’intérêt commun, notamment le statut des victimes participant
à la procédure devant le TSL, les procès par défaut, ainsi que les droits de l’accusé tels que consacrés
dans le Statut et le Règlement de procédure et de preuve.

Au printemps et à l’été 2010, des professeurs de droit venus du Liban ont été engagés en tant que
professionnels invités et ont organisé des séminaires sur le droit libanais, notamment sur les modes de
responsabilité pénale et sur les relations existant entre le droit international coutumier et le droit
conventionnel, d’une part, et le système juridique interne libanais, d’autre part. Grâce à ces activités,
les juges et les juristes des Chambres ont acquis une meilleure connaissance de ces questions, et la
compréhension mutuelle entre le Tribunal et la communauté juridique libanaise a été renforcée.

De surcroît, au cours de ces derniers mois, les Chambres ont participé à deux forums des médias
organisés à l’intention des journalistes libanais, et ont apporté une contribution essentielle au projet
d’outils en ligne destiné à créer un système de gestion électronique de dépôt de documents pour
l’ensemble du Tribunal et son héritage.

5. La nécessité d’une gestion prudente des ressources

Les Chambres ont veillé à faire preuve d’une très grande prudence dans la gestion des ressources. À cet
égard, trois exemples d’une telle gestion rationnelle méritent d’être mentionnés qui, s’ils peuvent être
considérés, de par eux-mêmes, comme dénués de conséquences, sont néanmoins importants.
Premièrement, tout au long de l’année dernière, les Chambres ont continué de n’avoir qu’un seul
assistant personnel mis à la disposition des trois juges (ainsi que des huit autres juges lorsqu’ils se
réunissent à Leidschendam à l’occasion des assemblées plénières ou lorsque la Chambre d’appel siège).
Par ailleurs, les Chambres n’ont bénéficié des services que d’un seul juriste (même si le Juge de la mise
en état, en prévision du dépôt d’un acte d’accusation et du volume élevé de travail qui devrait s’en
suivre, avait opportunément recruté trois juristes à compter de la fin de 2010). Deuxièmement, au
cours des deux années passées, les huit juges à qui il a n’a pas été demandé de siéger à titre permanent
à La Haye et d’exercer leurs fonctions à plein temps n’ont reçu aucun traitement. Lorsque le Président
du Tribunal leur demande de travailler à leur domicile ou de se rendre à Leidschendam pour s’acquitter
de leurs fonctions judiciaires ou assister aux réunions plénières des juges, il ne leur est versé que des
indemnités journalières de subsistance (en plus, dans certains cas, de 1/30ème de leurs émoluments
pour chaque jour de travail). Troisièmement, contrairement à ce qui a cours dans la plupart des
tribunaux internationaux, le Président du Tribunal a décidé que si un juge ou un fonctionnaire est
brièvement associé à une activité en rapport avec la profession juridique et autorisée par le Président,
toute rémunération perçue au titre de cette activité doit être reversée au Tribunal. À la faveur de cette
décision, le Tribunal a pu constituer un modeste fonds grâce à l’argent provenant de cette source de
financement, et il a l’intention d’affecter les ressources ainsi obtenues au recrutement de stagiaires.

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6. Les prochaines étapes

Au cours du prochain exercice, le Président, en liaison avec les autres juges, entend :

i) Se concentrer sur l’activité judiciaire, en particulier sur les questions relevant de la compétence
principale du Tribunal, en vue d’améliorer le rythme des procédures et de garantir une justice
rapide et équitable – sans entraves d’ordre politique ;
ii) Tenir, à cette fin, des consultations avec le Secrétaire général sur la date appropriée de l’entrée
en fonctions des autres juges ;
iii) Développer les relations avec les États tiers en vue d’établir un réseau de coopération stable
facilitant la poursuite de l’activité du Tribunal ;
iv) Intensifier les relations avec les autorités libanaises ;
v) Poursuivre le recrutement de juristes appelés à assister les Chambres dans l’exécution des
tâches judiciaires qui leur seront confiées ; et
vi) Aider à la mise en œuvre du programme de communication déjà en place.

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B. Le Greffe

1. Introduction

Le Greffe, sous la direction du Greffier, est chargé d’aider au fonctionnement de tous les organes du
Tribunal, au siège de cette institution aux Pays-Bas et à Beyrouth. Les trois principaux domaines de
responsabilité du Greffe sont les suivants :

Relations extérieures – Le Greffier remplit une fonction diplomatique importante et est chargé de
mobiliser des ressources suffisantes pour permettre au Tribunal de fonctionner. En outre, il est
responsable de la négociation d’accords relatifs à la réinstallation de témoins ainsi que d’autres
arrangements de coopération avec les États. La Section de communication externe et des affaires
publiques du Greffe joue un rôle important dans les échanges qui interviennent avec le public et pour
la diffusion d’informations sur les activités du Tribunal.

Appui judiciaire – Le Greffe a notamment pour tâches l’administration judiciaire, l’appui aux victimes
qui participent à la procédure, les services de traduction et d’interprétation, l’administration de l’Unité
de détention, la sécurité et la protection des témoins et l’appui à ceux-ci.

Appui administratif – Le Greffe fournit aussi un appui au Tribunal dans les domaines des ressources
humaines, du budget, des finances, des achats, des services généraux et des technologies de
l’information.

Le Greffier est nommé par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Le 1er mars 2010, à
la suite de la démission de M. Tolbert, le Secrétaire général a nommé M. Herman von Hebel en qualité
de Greffier par intérim du Tribunal. M. von Hebel a été nommé Greffier le 10 décembre 2010.

Au cours des douze derniers mois, le Greffe a fourni avec succès un appui aux enquêtes du Procureur
ainsi qu’aux Chambres et au Bureau de la Défense, notamment en ce qui concerne l’activité du Tribunal
et l’organisation des audiences, ainsi que l’Assemblée plénière des juges. Le Greffe a aidé au
recrutement de membres du personnel, a réorganisé et renforcé la structure et les fonctions du bureau
extérieur de Beyrouth, a créé des sections distinctes du Greffe pour la communication externe et les
affaires publiques en vue d’intensifier les efforts dans ces domaines, a noué des relations avec les États
en vue d’obtenir leur coopération et de mobiliser des fonds, et a élaboré une stratégie globale de
communication.

2. Cabinet du Greffier

Le Cabinet a transmis des observations et propositions à l’Assemblée plénière des juges sur le
Règlement de procédure et de preuve ainsi que sur les modifications apportées à celui-ci, et
notamment certaines propositions soumises par la Section de participation des victimes, qui ont permis
d’aligner les critères de sélection des conseils des victimes sur ceux retenus par le Bureau de la Défense
pour sa propre liste de conseils. Depuis mars 2010, le Cabinet du Greffier est également intervenu dans
les activités suivantes.

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i) Relations extérieures

Pendant toute la période considérée, le Greffier a tenu, à Leidschendam, La Haye, Beyrouth, New York
et ailleurs, des réunions bilatérales avec des représentants de la communauté diplomatique, en vue
d’effectuer des appels de fonds et de négocier des accords de coopération.

En avril 2010, au cours d’une visite à Beyrouth (Liban), le Greffier a exprimé sa gratitude au
Gouvernement libanais pour le soutien précieux apporté au Tribunal et de renforcer davantage les
relations avec les autorités libanaises, escomptant ainsi faire progresser le travail du Greffe et celui du
Tribunal dans son ensemble. Au cours de ce déplacement, le Greffier a également rencontré des
représentants de la société civile libanaise et des experts aux fins de discuter ouvertement des travaux
du Tribunal.

À Leidschendam, des réunions ont été régulièrement organisées avec des représentants de la
communauté diplomatique. De plus, un certain nombre de représentants d’ambassadeurs et de
diplomates ont été invités au Tribunal afin de visiter ses locaux et de rencontrer son personnel.

Le Greffier s’est rendu à New York, en juillet et octobre 2010, afin de tenir des réunions bilatérales avec
des membres du Comité de gestion, des membres du Conseil de sécurité, des États régionaux et des
donateurs potentiels, ainsi qu’avec des départements de l’Organisation des Nations Unies. À New York,
des réunions ont également été organisées à l’intention du Groupe d’États intéressés et de conseillers
juridiques de l’Union européenne.

Par ailleurs, le Greffier s’est rendu dans plusieurs capitales afin de plaider la cause d’un soutien
politique et financier accru au Tribunal.

Des négociations ont été menées avec les autorités françaises et des arrangements mis en place
concernant les volets qui avaient trait à l’agencement administratif et à la responsabilité de la mise en
œuvre d’un essai de caractérisation d’explosion, demandé par le Procureur, au camp militaire de
Captieux (France).

ii) Bureaux du TSL situés hors des Pays-Bas

Bureau de Beyrouth :
Au cours de l’année passée, le nombre de fonctionnaires du Tribunal affectés au bureau de Beyrouth a
augmenté, et un chef permanent du Greffe a été nommé en juin 2010. Les activités quotidiennes du
Greffe à Beyrouth sont restées inchangées pendant toute la période considérée. En particulier, des
efforts importants ont été consentis en vue d’appuyer les travaux des enquêteurs du Bureau du
Procureur, à demeure ou en mission, ainsi que les fonctions administratives et organiques de base du
Greffe lui-même, telles que les relations extérieures, la sécurité, la protection des témoins et la
communication externe.

19 | P a g e

Traduction officielle du Tribunal


Le nombre total de fonctionnaires en poste, sur une base régulière, au bureau de Beyrouth est
désormais supérieur à 60, si l’on inclut le personnel de sections telles que celles de la sécurité et des
services linguistiques, le Cabinet du Greffier, la section d’appui aux victimes et aux témoins, la
communication externe, les services généraux et l’informatique.

Bureau de liaison de New York :


Le bureau de New York du Tribunal a aidé le Comité de gestion dans ses travaux et assuré une
communication fiable et efficace entre le Tribunal et le Comité. Il a en outre renforcé ses liens avec les
États intéressés, les départements de l’Organisation des Nations Unies et des organisations non
gouvernementales en fournissant régulièrement des informations actualisées et en communiquant des
renseignements sur l’activité du Tribunal. Enfin, le bureau de liaison a organisé et encadré tout au long
de l’année les visites à New York des représentants du Greffe, du Bureau du Procureur et du Bureau de
la Défense.

iii) Relations avec l’État hôte

Le Greffe a continué de bénéficier de l’étroite coopération du Gouvernement du Royaume des Pays-


Bas, y compris d’un appui en ce qui concerne les locaux du Tribunal, la sécurité extérieure, la délivrance
de visas et de permis de séjour et d’autres questions.

Le 10 décembre 2010, le Greffe a signé un accord avec les autorités du Royaume des Pays-Bas portant
sur les établissements pénitentiaires et services connexes mis à disposition des détenus en instance de
jugement ou de jugement en appel, devant le Tribunal, ou autrement détenus sous son autorité.

Au nom du Tribunal, le Greffier a signé un mémorandum d’accord avec l’Institut néerlandais de police
scientifique (INPS), qui vise à instituer un cadre pour la prestation de services de police scientifique par
l’INPS au profit du Bureau du Procureur et du Bureau de la Défense.

iv) Coopération avec les autres tribunaux

Après l’installation dans les locaux du Tribunal en 2009 du sous-bureau du Tribunal spécial pour la
Sierra Leone (ci-après le « TSSL »), sis jusque-là à La Haye, le Tribunal a signé, le 15 avril 2010, un
Protocole d’accord complémentaire avec le TSSL concernant la mise à disposition de la salle d’audience
et de services connexes. L’utilisation par le TSSL pour le procès Taylor de la salle d’audience du Tribunal
a permis à ce dernier d’améliorer la technologie de ladite salle ainsi que les services et procédures
connexes, et d’être ainsi préparé pour ses propres activités judiciaires.

3. Appui judiciaire

i) Comité de services d’appui judiciaire

Un Comité de services d’appui judiciaire (CSAJ), placé sous la direction du Cabinet du Greffier, a été
créé, avec pour mission d’assurer une coordination harmonieuse entre les sections du Greffe chargées
20 | P a g e

Traduction officielle du Tribunal


de l’appui judiciaire et les Chambres. Les sections du Greffe représentées au CSAJ sont les suivantes : la
Section de l’administration judiciaire, la Section des services linguistiques, la Section d’appui aux
victimes et aux témoins, la Section de participation des victimes et la Section de détention.

ii) Administration judiciaire

La Section de l’administration judiciaire (SAJ) a fourni son appui aux Chambres, au Bureau du Procureur
et au Bureau de la Défense à l’occasion du dépôt des observations et des ordonnances, ainsi que de
l’organisation des audiences dans le cadre des questions concernant la requête de M. El Sayed et l’acte
d’accusation que le Procureur a déposé au Greffe le 17 janvier 2011.

Au cours de la période considérée, la SAJ a traité 70 documents publics, lesquels correspondent à 3 881
pages d’actes publics de procédure déposés, dont la plupart a été traduite dans les trois langues
officielles du Tribunal, soit l’anglais, l’arabe et le français. Au cours de la période considérée, des
audiences se sont tenues pour une durée totale de quatre jours.

Afin d’être en mesure de fournir l’appui organisationnel et logistique voulu aux audiences du Tribunal
avec un personnel aussi réduit que possible, la SAJ a adopté une démarche souple consistant à
combiner le recrutement de personnel, une formation transversale visant à permettre au personnel
d’accomplir plusieurs tâches, ainsi que l’externalisation de certains services d’appui judiciaire, tel que la
sténotypie des débats.

Un contrat a été conclu aux fins de l’installation d’un système informatique intégré (Electronic Tools) de
gestion des informations et des processus des fonctions judiciaires et non judiciaires du Tribunal, telles
que le service des audiences, le dépôt des documents, la communication des pièces, la présentation de
documents au prétoire et l’archivage des dossiers judiciaires. La mise en œuvre d’Electronic Tools
devrait avoir lieu au début de 2011.

Au cours de la période considérée, la bibliothèque du Tribunal a assemblé une collection exhaustive


dans les domaines du terrorisme, du droit pénal international, du droit et de la jurisprudence libanais.
Cette collection comprend environ 3 400 articles, y compris 1 200 ouvrages gracieusement offerts par le
Président du Tribunal, en plus d’une sélection de revues juridiques essentielles et de bases de données
électroniques. La bibliothèque a mis en œuvre avec succès un système de gestion intégrée afin de servir
de fournisseur principal de services d’information juridiques aux organes du Tribunal.

iii) Section d’appui aux victimes et aux témoins

Au cours de la période considérée, la Section d’appui aux victimes et aux témoins (SAVT) a mis au point
le cadre opérationnel visant à faciliter les déplacements des témoins en vue d’un procès. L’assistance
accordée par les États, sous forme d’accords de réinstallation des témoins et d’autres facilités octroyées
pour leur protection, est d’une importance vitale pour la réussite des travaux du Tribunal. À cette fin, la
Section a continué d’entretenir des liens de coopération avec les États et de solliciter leur soutien. Le
difficile environnement opérationnel demeure l’un des défis majeurs que doit relever la Section.

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Traduction officielle du Tribunal


iv) Section de participation des victimes

La Section de participation des victimes a entamé ses travaux le 1er octobre 2010, à la suite de la
nomination du chef de la Section. L’objectif principal de la Section est de garantir que les prérogatives
que lui reconnaissent le Statut et le Règlement de procédure et de preuve sont immédiatement
effectives, en cas de confirmation de l’acte d’accusation par le Juge de la mise en état.

Dans cette perspective, la Section a pris toutes les mesures voulues et poursuit ses efforts pour mettre
en place les principaux outils requis pour s’acquitter de ses fonctions. Premièrement, la Section a établi
un formulaire de demande à l’intention des victimes désireuses de participer à la procédure.
Actuellement en cours de traduction dans les trois langues officielles, ce formulaire sera téléchargé sur
le site internet du Tribunal et il sera diffusé, dès confirmation de l’acte d’accusation, par toute une
gamme d’autres canaux. Deuxièmement, la Section a publié un appel à candidatures à l’intention de la
communauté des juristes au Liban et de par le monde qui souhaitent être admis sur la liste des
représentants légaux des victimes participant à la procédure. Troisièmement, la Section s’attache
actuellement à l’élaboration de règles fixant les conditions auxquelles les victimes participant à la
procédure seraient admises à bénéficier de l’aide juridictionnelle. Enfin, la Section a, avec le concours
des services de technologie de l’information, créé sur le site internet du Tribunal une page internet
informant les victimes de leurs droits, des modes de représentation légale des victimes participant à la
procédure, et d’autres faits importants concernant les travaux de la Section qui pourraient présenter un
intérêt pour les parties concernées et le public dans son ensemble.

En vue d’assurer la mise en œuvre intégrale et efficiente de ce programme, le chef de la Section s’est
rendu à Beyrouth. Il a tenu une réunion avec le Ministre de la Justice, aux fins d’aborder la question de
savoir comment les victimes pourront obtenir réparation auprès de tribunaux nationaux à la suite de
jugements définitifs. Par ailleurs, le chef de la Section a tenu des réunions avec l’association du barreau
de Beyrouth et celle du barreau de Tripoli afin de solliciter leur concours visant à susciter des candidats
susceptibles d’assurer la représentation légale des victimes au sein de la communauté juridique
libanaise. Des efforts concertés ont également été déployés en vue d’établir le contact avec les
victimes, d’abord en rencontrant les avocats qui se sont fait connaître comme représentants des
victimes de l’attentat du 14 février 2005, ensuite en s’adressant aux victimes par l’entremise
d’entretiens accordés à divers médias libanais, et enfin en rencontrant des membres de la société civile
et en recensant des organisations non gouvernementales qui seraient en mesure de faciliter la mission
de la Section sur le terrain.
.

4. Communication et affaires publiques

Afin d’intensifier son action en matière d’information publique et de communication, le Tribunal a, à


partir du 1er janvier 2010, mis en place la Section de la communication et de l’héritage, dont les
attributions relevaient jusque-là de la Section des affaires publiques. Chacune de ces deux sections a
été pourvue d’un nouveau chef au cours de la période considérée. Les chefs nommés sont entrés en
fonction respectivement le 1er juillet 2010 (Communication et héritage) et le 1er novembre 2010
(Affaires publiques).

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Traduction officielle du Tribunal


i) Section de la communication et de l’héritage
Au cours de l’année écoulée, le Tribunal a mis en œuvre un programme de communication qui a pris de
l’ampleur de jour en jour. En coordination avec tous les organes du Tribunal, bon nombre d’activités ont
été menées au Liban et aux Pays-Bas en vue de nouer le dialogue avec les différentes parties
intéressées, y compris les communautés des juristes et des diplomates, les organisations non
gouvernementales internationales et locales ainsi que les médias.

Outre les conférences, séminaires et autres initiatives mentionnés ailleurs dans le présent rapport, les
activités ci-après menées par la Section de la communication méritent particulièrement d’être
signalées.

En octobre et en novembre 2010, en coopération avec l’Association de la presse étrangère aux


Pays-Bas, la Section a organisé deux Forums des médias qui ont rassemblé plus de 40 rédacteurs en
chef et journalistes libanais à La Haye. Les représentants des médias ont eu l’occasion de se familiariser
avec les travaux du Tribunal, par l’entremise d’exposés et de discussions avec les responsables du
Tribunal. Les journalistes ont également visité le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et la
Cour pénale internationale et ont eu de francs et fructueux échanges de vue sur les difficultés liées à la
diffusion d’informations sur les institutions judiciaires internationales avec leurs confrères, venus
d’autres horizons.

En décembre 2010, la Section a également mis en service, sur l’actuel site internet du Tribunal, un
nouvel onglet appelant davantage l’attention sur le contenu audiovisuel. Le nouvel onglet contient bon
nombre d’outils destinés à aider les journalistes, les praticiens du droit et les autres personnes aptes à
comprendre ce que fait le Tribunal. Les documents qui y sont disponibles comprennent les questions
fréquemment posées (en versions audio et texte), un glossaire des termes juridiques en anglais, arabe
et français, une liste de documents de référence et une présentation virtuelle de la salle d’audience du
Tribunal. La Section a également produit des documents d’information écrits destinés à être distribués
au Liban ainsi qu’au siège du Tribunal.

Tout au long de la période considérée, la Section a tenu, avec les interlocuteurs locaux, de nombreuses
réunions et des séances d’information portant sur les travaux du Tribunal.

ii) Section des affaires publiques

La Section des affaires publiques a pour mission d’aider le public et les médias à comprendre l’action du
Tribunal et le processus judiciaire. Tout au long de l’année écoulée, la SAP a apporté son appui au
Greffe, aux Chambres et au Bureau de la Défense concernant la diffusion de leurs messages auprès du
public et des médias, par exemple en aidant à l’organisation d’interviews avec les journalistes libanais
et étrangers. Au cours de la période qui a précédé la présentation de l’acte d’accusation par le
Procureur au Juge de la mise en état, la SAP s’est entretenue par téléphone avec plus de soixante
journalistes et rédacteurs en chef libanais et non libanais de renom en vue d’expliquer les prochaines
étapes de la procédure devant le Tribunal. Le Greffier a également accordé des interviews à des
agences de presse internationales, à la faveur desquelles des procédures souvent complexes ont été
expliquées au grand public.

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Étant une institution judiciaire, le Tribunal subit de rigides contraintes quant aux informations qu’il peut
et doit rendre publiques concernant ses travaux. En même temps, au feu nourri de critiques dont le
Tribunal a fait l’objet depuis sa création a succédé une campagne dirigée par certains milieux contre
l’existence même du Tribunal. Cependant, la présentation d’un acte d’accusation par le Procureur au
Juge de la mise en état marque la transition de la phase dominée par l’enquête, qui, de par sa nature,
doit demeurer confidentielle, vers une phase où les juges sont en première ligne, dont les travaux
jouiront d’une plus grande visibilité à la faveur des décisions et avis qu’ils rendront ainsi que de la tenue
d’audiences publiques.

La SAP continue de fournir l’appui voulu aux autres organes (en particulier les Chambres) dans le cadre
de leurs déclarations publiques et de la couverture médiatique des audiences (par exemple celles
tenues par la Chambre d’appel dans le cadre de l’examen de l’acte d’accusation par le Juge de la mise
en état). Tout au long des développements de cette activité judiciaire, la préparation d’avis aux médias
et de communiqués de presse détaillés a fait l’objet d’un travail considérable, grâce auquel il a été
rendu compte de la complexité de la mission dévolue aux juges. Immédiatement après la présentation
de l’acte d’accusation, le Greffier a également réalisé plusieurs entretiens avec des représentants de
chaînes de télévision et d’organes de presse panarabes et de plusieurs journaux libanais. Les
communications en ligne constituent un outil essentiel de la SAP aux fins d’expliquer efficacement les
travaux du Tribunal. Un gestionnaire de projet internet a rejoint la SAP en début 2011, avec pour
mission d’assurer le lancement du nouveau site internet du Tribunal et de rehausser, en collaboration
avec les parties prenantes du Tribunal, la qualité des communications en ligne sur les travaux du
Tribunal en arabe, français et en anglais.

Au cours de la période considérée, la SAP a également contribué à la réception de nombreux officiels et


organisations intéressés par les travaux du Tribunal.

5. Appui administratif

i) Budget et financement

Le Greffier est responsable de la préparation du budget du Tribunal et de la présentation de celui-ci au


Comité de gestion aux fins de son approbation.

Le budget approuvé pour l’exercice allant du 1er janvier au 31 décembre 2010 s’élevait à 55,4 millions
de dollars des États-Unis. Le budget approuvé pour l’exercice allant du 1er janvier au 31 décembre 2011
s’établit à 65,7 millions de dollars des États-Unis. La hausse du budget pour 2011, par rapport au budget
pour 2010, doit permettre au Tribunal de faire face à l’augmentation du volume d’activités en 2011.

Conformément à l’article 5 de l’Annexe à la résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité, 51 pour cent
des dépenses du Tribunal sont financées par les contributions volontaires versées par les États, et 49
pour cent par le Gouvernement libanais. Depuis la création du Tribunal, 25 pays ont versé des
contributions au profit du Tribunal, soit sous forme de contributions volontaires, soit sous forme de
contributions en nature. Outre le Liban, les pays ayant versé des contributions sont les suivants :
Allemagne, Autriche, Belgique, Canada, Croatie, États situés dans la région, États-Unis d’Amérique, ex-
République yougoslave de Macédoine, Fédération de Russie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande,

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Traduction officielle du Tribunal


Italie, Japon, Koweït, Luxembourg, Pays-Bas, République tchèque, Royaume-Uni, Suède, Turquie et
Uruguay.

Le Commissaire aux comptes du Tribunal, nommé par le Comité de gestion, a effectué le premier audit
du Tribunal et un rapport faisant état d’un audit non assorti de réserves a été publié en septembre
2010.

ii) Recrutement du personnel

Au 22 février 2011, le Tribunal comptait au total 336 fonctionnaires dont 63 au bureau extérieur de
Beyrouth. Soixante-deux nationalités sont actuellement représentées au Tribunal, la répartition par
sexe étant de 35 pour cent de femmes et 65 pour cent d’hommes.

Le programme de stages a continué d’être mis en œuvre avec succès. Quatre-vingt-quinze stagiaires ont
été recrutés par le Tribunal depuis le lancement du programme en mai 2009. Le Tribunal continue
d’encourager les citoyens libanais à soumettre leur candidature au programme.

En 2010, un programme de professionnels nationaux invités a également été lancé, dont le but est de
fournir aux jeunes juristes libanais en début de carrière l’occasion d’apporter leur contribution aux
travaux du Tribunal et de favoriser leur perfectionnement professionnel. À ce jour, quatre juristes
libanais ont participé à ce programme.

6. Les prochaines étapes

Au cours de l’année prochaine, le Greffier veillera surtout à ce que le Tribunal reçoive l’appui financier
et la coopération voulus pour s’acquitter de son mandat. En particulier, il s’attachera prioritairement à :

i) Mettre en œuvre la stratégie de mobilisation de fonds élaborée par le Tribunal ;

ii) Poursuivre la négociation d’accords de réinstallation de témoins et d’exécution des peines ;

iii) Renforcer les sections directement appelées à fournir l’appui au déroulement des
procédures, notamment les Sections de l’administration judiciaire, de participation des
victimes et d’appui aux victimes et aux témoins ;

iv) Poursuivre la mise en œuvre d’une vigoureuse politique de mobilisation des médias ainsi que
de la stratégie de communication du Tribunal, afin de s’assurer que la mission et les activités
du Tribunal sont bien comprises par les citoyens du Liban, du Moyen-Orient et sur la scène
internationale. Un nombre accru de documents d’information seront produits, à la fois sous
forme écrite, électronique et audiovisuelle, en vue de pouvoir toucher l’audience la plus large
qui soit. Par ailleurs, une série d’événements portant sur les travaux du Tribunal sera
organisée aussi bien à Beyrouth qu’à La Haye ;

v) Continuer à fournir l’appui aux Chambres, au Bureau du Procureur et au Bureau de la


Défense ; et
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Traduction officielle du Tribunal


vi) Renforcer le logiciel et les politiques de sécurité des informations dans les bureaux du
Tribunal à Leidschendam, Beyrouth et New York.

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Traduction officielle du Tribunal


C. Bureau du Procureur

1. Introduction

Au cours de la période considérée, la Division des enquêtes a intensifié ses efforts visant à rassembler
les éléments de preuve susceptibles d’étayer un acte d’accusation dans le cadre de l’affaire Hariri. En
dépit des obstacles et difficultés qu’il a rencontrés au cours de l’enquête, le Bureau du Procureur a, le
17 janvier 2011, présenté, aux fins de sa confirmation, un acte d’accusation au Juge de la mise en état.
Le dépôt de cet acte d’accusation a ainsi marqué le début de la phase judiciaire des travaux du Tribunal.
Pour la première fois, une affaire concernant un crime terroriste a été portée devant une institution
judiciaire internationale.

2. Les enquêtes

Tout au long de la période considérée, la Division des enquêtes a travaillé en étroite collaboration avec
la Division des poursuites du Bureau du Procureur, afin de garantir que les éléments de preuve
rassemblés constituent des preuves solides pour étayer un acte d’accusation et soient susceptibles
d’être produits lors du procès qui s’en suivra.

Cette approche coordonnée a été cruciale pour garantir que la cause repose uniquement sur des
éléments de preuve crédibles et fiables. En effet, la qualité des éléments de preuve que les enquêteurs
ont recueillis a été continuellement vérifiée et mise en question par la Division des poursuites en vue de
garantir leur fiabilité et valeur probante.

De par sa nature, l’enquête est très complexe et requiert le concours de nombreux intervenants. Le
volume d’activités opérationnelles menées par le Bureau du Procureur peut donner une idée de
l’envergure de l’enquête. De difficiles travaux de police scientifique ont été effectués, y compris une
expérimentation d’explosion contrôlée réalisée en France en octobre 2010, dont les résultats ont
conforté et renforcé la théorie avancée par le Bureau du Procureur.

Plus de 150 missions ont été effectuées et 430 entretiens ont été menés, au Liban et dans d’autres
États, lesquels ont tous exigé d’intenses préparatifs et des mesures de suivi. Entre le 1er mars 2010 et le
18 février 2011, près de 750 demandes d’assistance ont été transmises au Procureur général du Liban.
Plus de 60 demandes d’assistance ont été également soumises à d’autres États au cours de cette
période. Par ailleurs, de nombreuses réunions ont été tenues avec des représentants des États et
d’autres organisations internationales sur les modalités pratiques de coopération dans le cadre des
enquêtes menées par le Bureau du Procureur.

Il ressort de cette vue d’ensemble, comme nous l’avons évoqué précédemment, que la coopération des
États constitue un élément essentiel permettant au Bureau du Procureur de s’acquitter avec succès de
son mandat. Il est souvent difficile d’obtenir au moment voulu la coopération des États et parfois des
informations de la part de ceux-ci. La justice internationale est un processus lent et ardu.

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Traduction officielle du Tribunal


Le Bureau du Procureur a obtenu des résultats, en dépit des déclarations hostiles envers le Tribunal,
lesquelles se sont exacerbées et muées, au cours de la période considérée, en mesures d’intimidation
manifestes et en actes de violence physique. L’intimidation des témoins a revêtu plusieurs formes : à
partir du dernier trimestre de 2010, plusieurs déclarations appelant au boycott du Tribunal ont été
faites ; des menaces publiques visant à dissuader toute coopération avec le Tribunal ont été proférées ;
et la diffusion illicite des enregistrements audio des dépositions de témoins faites à titre confidentiel
auprès de la Commission d’enquête internationale indépendante a été effectuée sur certaines chaînes
de télévision libanaises. Cette dernière mesure d’intimidation visait manifestement à décrédibiliser le
Tribunal et à saper la confiance que les témoins lui accordent. Le Bureau du Procureur s’est évertué à
empêcher la diffusion de documents confidentiels, en attirant l’attention sur l’illicéité d’un tel acte. Le
Bureau du Procureur a également ouvert une enquête afin d’élucider comment ces documents sont
tombés dans le domaine public et trouver des voies et moyens pour empêcher, à l’avenir, une telle
diffusion non autorisée. À cette fin, le concours du Procureur général du Liban a été sollicité.

Outre l’intimidation des témoins, des actes de violence physique ont été perpétrés à l’encontre des
enquêteurs du Bureau du Procureur. Le 27 octobre 2010, au cours d’un entretien en bonne et due
forme à Beyrouth-sud, lequel avait été autorisé par les autorités libanaises et auquel le témoin avait
consenti, des enquêteurs du Bureau du Procureur et une interprète du Tribunal ont fait l’objet d’une
agression physique. Le Bureau du Procureur a pris des mesures immédiates pour assurer la sécurité de
son personnel et éviter d’exposer des témoins potentiels à des risques, tout en affirmant clairement,
dans une déclaration publique, que ces actes n’auront aucun effet dissuasif sur l’enquête. Par ailleurs,
une enquête a été ouverte aussi bien au niveau interne que par le Procureur général du Liban. Le
Conseil de sécurité des Nations Unies a été informé de cet incident. Tenant compte de cette situation,
l’Assemblée plénière des juges, et à la demande du Bureau du Procureur, a modifié le Règlement de
procédure et de preuve en vue de faire comprendre clairement à tous que l’obstruction de la justice,
dans l’enceinte du Tribunal ou ailleurs, dans le cadre de procédures devant ce dernier et se rapportant à
des crimes relevant de la compétence de celui-ci, constitue une infraction punissable par le Tribunal.

La présentation d’un acte d’accusation marque une étape importante du processus, mais celle-ci ne
constitue toutefois qu’une première étape. Un acte d’accusation n’est qu’une allégation faite par le
Procureur fondée sur les éléments de preuve recueillis jusqu’ici et répondant au critère fixé par le
Statut. Si l’acte d’accusation est confirmé, il faudra travailler davantage afin de s’assurer que celui-ci
réponde au critère « au-delà de tout doute raisonnable », dont la démonstration doit être faite lors du
procès. L’enquête se poursuivra également afin d’identifier les autres auteurs de l’attentat.

L’enquête se poursuivra, par ailleurs, afin d’établir la vérité sur les autres attentats relevant de la
compétence du Tribunal.

3. Les poursuites

Au cours de la période considérée, la Division des poursuites a entrepris nombre d’activités notables en
vue d’entamer le processus qui doit se traduire par l’engagement de poursuites à l’encontre des
personnes responsables de l’attentat contre Rafic Hariri et d’autres attentats qui auraient un lien de
connexité avec l’affaire Hariri.

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Traduction officielle du Tribunal


i) Activités liées à l’acte d’accusation

Comme le prescrit l’article 88 du Règlement de procédure et de preuve, des réunions ont été tenues
avec le Juge de la mise en état afin qu’il se familiarise avec les éléments de preuve, en prévision de la
présentation d’un acte d’accusation, opération qui est intervenue le 17 janvier 2011.

Des observations détaillées et un résumé des arguments ont été déposés en prévision de l’audience
publique tenue le 7 février 2011 consacrée à la réponse aux questions posées par le Juge de la mise en
état afin que soit clarifié le droit applicable dans le cadre de son examen de l’acte d’accusation.

ii) Préparation en vue du procès

Les préparatifs en vue du procès et la coordination de la production des éléments de preuve requis
pour satisfaire au critère « au-delà de tout doute raisonnable » ont continué à occuper tous les
fonctionnaires de la Division.

Plus précisément, les préparatifs visant à permettre au Procureur de s’acquitter de ses obligations en
matière de communication de pièces ainsi qu’à assurer la participation des victimes ont exigé des
travaux de longue haleine. S’agissant de la divulgation des documents appartenant à l’ONU, de vastes
consultations ont été menées avec le Bureau des affaires juridiques à New York.

Une stratégie de prise en charge de la participation des victimes a été également élaborée, visant tout à
la fois à assurer une participation judicieuse des victimes et à garantir les droits de l’accusé.

iii) Autres litiges

Au nom du Procureur, la Division a joué un rôle de premier plan à l’occasion des réponses apportées à
l’instance introduite par M. El Sayed et de la présentation des arguments qui s’y opposent. M. El Sayed
demandait que lui soient remis des documents faisant prétendument partie des éléments de preuve en
la possession du Procureur. Deux audiences publiques se sont tenues en 2010 ; un appel interjeté
contre la première ordonnance rendue par le Juge de la mise en état a été rejeté par la Chambre
d’appel.

iv) Propositions de modification du Règlement soumises à l’Assemblée plénière des juges

Le Bureau du Procureur a rédigé plusieurs propositions de modification du Règlement de procédure et


de preuve du Tribunal et les a soumises à l’Assemblée plénière des juges qui s’est tenue en 2010. La
Division a également formulé des observations détaillées sur les propositions présentées par les autres
organes du Tribunal.

4. Information publique et communication

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La confiance du public est le socle sur lequel repose les travaux de tout tribunal. Aussi n’est-il pas
surprenant que les adversaires du Tribunal aient concentré leurs attaques sur la crédibilité de
l’enquête, dans le but de saper la confiance du public.

Le maintien et le renforcement de la confiance du public à l’égard de ses travaux auront été les piliers
de la politique de communication du Bureau du Procureur. C’est pourquoi le Bureau du Procureur a
répondu à ces attaques en se fondant sur les faits et de manière objective. La stratégie du Bureau du
Procureur a consisté à expliquer les fondements de son action en tant qu’organe du Tribunal. Certains
points essentiels ont été réitérés dans différents termes : indépendance du Procureur, absence
d’ingérence ou de politisation, objectivité et neutralité d’une enquête guidée par les preuves.

Le Bureau du Procureur a sélectivement publié d’importants communiqués de presse en vue de fournir


des mises à jour essentielles ou lorsqu’il a estimé qu’il était indispensable de réagir face aux
informations inexactes, à la désinformation ou aux mesures d’obstruction. En outre, le Bureau du
Procureur a présenté des messages vidéo, participé aux activités de communication entreprises par le
Tribunal, distribué des fiches d’information et brochures sur les questions fréquemment posées, et
communiqué directement avec les médias en vue de faire passer ses messages essentiels.

5. Les prochaines étapes

Il a fallu un niveau élevé d’engagement soutenu et bien ciblé pour produire l’acte d’accusation présenté
le 17 janvier 2011. Cet acte d’accusation est l’aboutissement d’efforts concertés consentis par une
équipe d’enquêteurs chevronnés, d’analystes et par un personnel de soutien œuvrant en collaboration
avec les substituts du Procureur en vue de garantir que les éléments de preuve recueillis sont suffisants
et admissibles.

Au cours de sa troisième année d’activités (1er mars 2011 – 29 février 2012), le Bureau du Procureur
envisage de :

i. S’assurer que, s’il venait à être confirmé sur la base d’éléments de preuve suffisants à première vue,
l’acte d’accusation présenté dans le cadre de l’affaire Hariri réponde au critère « au-delà de tout
doute raisonnable » dont il faut faire la démonstration lors du procès ;
ii. Continuer à déployer les efforts intensifs en vue de traduire en justice les autres auteurs présumés
de l’attentat ; et s’efforcer de poursuivre les personnes responsables des autres attentats qui
auraient un lien de connexité avec l’affaire.

Pour atteindre ces objectifs et accomplir son mandat, le Bureau du Procureur doit être en mesure,
grâce à l’expertise qu’il a développée, de protéger ses moyens d’enquête et ses ressources juridiques
actuels.

Au cas où le Procureur aurait besoin de temps supplémentaire pour atteindre ces objectifs, la question
sera soumise à l’examen du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.

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Traduction officielle du Tribunal


Des efforts sont consentis et continueront à l’être en vue d’utiliser les ressources de manière réfléchie,
rationnelle et en faisant preuve de responsabilité budgétaire. L’approche coordonnée entre les
enquêteurs et les substituts du Procureur illustre cette efficience. De surcroît, dans la mesure du
possible, les enquêtes évoquées plus haut sont menées concomitamment, et non les unes après les
autres.

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D. Bureau de la Défense

1. Introduction

Comme indiqué dans le premier Rapport Annuel, la création d’un Bureau de la Défense pleinement
indépendant prévue dans le Statut est une caractéristique inédite dans le domaine de la justice pénale
internationale. Les fonctions particulières du Bureau de la Défense associées à son caractère totalement
indépendant lui confèrent son caractère unique. Ses fonctions principales qui consistent à « protège[r]
les droits de la défense et apporte[r] un soutien et une assistance, sous la forme de recherches
juridiques, de rassemblement d’éléments de preuve ou de conseils juridiques si nécessaire, aux conseils
de la défense et aux personnes ayant droit à une aide juridique qui comparaissent devant le juge de la
mise en état ou devant une Chambre pour tel ou tel motif » (article 13 1) du Statut du Tribunal), font
que le Bureau de la Défense constitue une évolution importante vers un Tribunal qui rend une justice
qui soit tout à la fois équitable et perçue comme telle.

Le Bureau de la Défense s’acquitte de ses fonctions de manière autonome et loin de toute


considération politique. En clair, il ne représentera aucun suspect ni accusé, mais est chargé de leur
commettre des conseils indépendants.

Le Bureau de la Défense assume, dans une large mesure, un rôle de pionnier. Il procède aux entretiens
avec les candidats désireux d’être admis sur la Liste des conseils, assure la formation des conseils,
contrôle la performance des conseils de la défense conformément à ce que prévoit le Règlement de
procédure et de preuve, conclut des accords de coopération avec certains États et organisations, et
dispose du droit d’audience dans le cadre de questions relatives aux droits de la Défense.
Conformément au rôle plus traditionnel qui lui est imparti, le Bureau de la Défense est également
chargé de commettre les conseils, de gérer l’aide juridictionnelle et de fournir des avis juridiques aux
conseils.

2. Organisation du Bureau

Pendant la période considérée, aucun changement n’a été apporté à la structure organisationnelle du
Bureau de la Défense par rapport au précédent rapport annuel. En matière de personnel, d’importants
changements sont néanmoins intervenus. Tout d’abord, Mme Alia Aoun, de nationalité libanaise et
avocate au Barreau de Paris, a été recrutée au poste de chef adjointe du Bureau de la Défense en
septembre 2010. En outre, un chef de la Section des avis juridiques a été engagé en avril 2010. À la fin
de la période considérée, le Bureau de la Défense était composé de huit fonctionnaires.

L’équipe du Bureau de la Défense a été aidée par un professionnel invité originaire du Liban et par un
nombre variable de stagiaires qui ont contribué au fonctionnement du Bureau. Ces stagiaires venus à
Leidschendam proviennent d’un grand nombre de pays, dont le Liban.

3. Participation aux activités judiciaires

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Au cours de la période considérée, le Bureau de la Défense a joué un rôle dans les activités judiciaires
du Tribunal. Premièrement, le conseil de M. J. El Sayed, qui a déposé une requête auprès du Tribunal
(voir ci-dessus vraisemblablement) a bénéficié d’avis et d’une assistance juridiques. En tant qu’ancien
détenu, M. El Sayed était en droit de recevoir cette assistance dans la mesure où la requête portait sur
sa détention. En conséquence, le Bureau de la Défense a également confirmé Me Azoury en qualité de
conseil du requérant. De plus, lors de la procédure menée devant le Juge de la mise en état et la
Chambre d’appel, le Bureau de la Défense est intervenu afin de protéger les droits de la Défense en
général.

En outre, le nouvel article 176 bis du Règlement de procédure et de preuve dispose que la Chambre
d’appel entend le Procureur et le chef du Bureau de la Défense sur toute question préjudicielle
soulevée par le Juge de la mise en état dans le cadre du processus de confirmation. Dans un bref délai
suivant l’ordonnance portant calendrier de l’audience relative aux questions susvisées, le Bureau de la
Défense a présenté des observations écrites et orales devant la Chambre d’appel.

4. Rôle du Bureau de la Défense

La participation du Bureau à la procédure susmentionnée a fait naître des questions en ce qui concerne
le sens de la mission dévolue au Bureau de la Défense. Des discussions menées entre le Président et le
chef du Bureau de la Défense ont abouti à un accord sur les modalités de participation du Bureau de la
Défense aux procédures devant le Tribunal. Cet accord porte sur questions telles que la présence et la
participation du Bureau aux débats du prétoire, à l’accès aux documents déposés et aux documents du
Tribunal. Le Président publiera une directive pratique codifiant cet accord.

De surcroît, le Bureau de la Défense a mis en œuvre des procédures internes régissant le soutien et
l’assistance juridiques apportés aux conseils de la défense.

5. Cadre réglementaire

L’un des principaux projets du Bureau de la Défense concernait la conclusion d’un protocole d’accord
avec le Gouvernement de la République libanaise sur les modalités de leur coopération. Ce protocole
d’accord, négocié sur la base de l’article 15 du Règlement, régit la conduite des enquêtes de la défense
au Liban. Il reconnaît aux conseils de la défense le droit essentiel de mener indépendamment des
enquêtes. Les enquêtes effectuées dans le cadre des affaires portées devant le TSL n’étant pas placées
sous la supervision d’un juge d’instruction, il a fallu autoriser les futurs conseils de la défense à mener
ces enquêtes indépendamment. Ce système de procédure contradictoire est inconnu dans le système
juridique libanais. Plusieurs obstacles liés à la législation nationale ont dû être surmontés en vue de
faciliter ces enquêtes. Le Protocole d’accord a été signé le 28 juillet 2010.

Un autre document juridique important dénommé « Principes régissant l’aide juridictionnelle » a été
rédigé. Ce document a été remis au Président et au Greffier afin qu’ils l’examinent de concert. Ces
principes régissent tous les aspects de l’administration de l’aide juridictionnelle et s’appliquent
également aux procès par défaut. En raison de l’incidence budgétaire du document, ses aspects
financiers sont actuellement en cours d’examen par le Comité de gestion.

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Au cours de la période considérée, la Directive relative à la commission d’office de conseils de la
défense a été modifiée afin de garantir que les langues parlées et comprises par le conseil principal et le
coconseil assurent une représentation efficace de l’accusé. Dans la pratique, cela peut également
signifier que l’un des membres de l’équipe devra être en mesure de parler l’arabe.

Le Bureau de la Défense a proposé une série de modifications du Règlement de procédure et de preuve


et a formulé des observations sur les propositions faites par les autres organes.

6. Liste des conseils

Le droit reconnu à un accusé d’être représenté par un conseil de son choix constitue un droit
fondamental. Cependant, il convient de faire la distinction entre un accusé qui prend lui-même en
charge les frais liés à sa défense et un accusé qui reçoit une aide juridictionnelle pour couvrir les frais
liés à sa défense.

Dans le contexte du système d’aide juridictionnelle, la liberté de choix est, dans une certaine mesure,
restreinte afin de garantir la qualité de la représentation. Au TSL, une Liste de conseils est établie aux
fins de la commission d’office dans le cadre de l’aide juridictionnelle. Cependant, l’établissement d’une
telle liste suppose que toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour veiller à ce qu’il y ait
effectivement la possibilité de faire un choix parmi des conseils qualifiés et compétents.

Dans le cadre du processus d’admission sur la Liste, les candidats prennent part à un entretien devant
un jury composé de trois avocats, dont le chef du Bureau de la Défense. Au cours de la période
considérée, 29 nouvelles candidatures ont été reçues, et le jury a organisé 90 entretiens d’admission, y
compris certains qui avaient été programmés pendant la période précédente. À l’issue de ces
entretiens, 73 conseils ont été admis sur la Liste, parmi lesquels 44 peuvent être choisis comme conseil
principal et 29 comme coconseil. Au cours de la période considérée, sept conseils ont renoncé à faire
partie de la Liste.

À la fin de la période considérée, 93 conseils figurent sur la Liste. Ils sont inscrits au barreau de 25 pays
différents. Quatre conseils libanais sont admis sur la Liste. Ce chiffre constitue une source de
préoccupation. Des efforts visant à susciter un plus grand nombre de candidatures libanaises se sont
avérés infructueux, principalement en raison des pressions externes dont le Tribunal fait l’objet.

Le chef du Bureau de la Défense peut également recourir à Liste pour commettre d’office des conseils
aux procédures par défaut.

Dans le cadre des efforts qu’il déploie pour s’assurer du concours de conseils hautement qualifiés et
compétents, le Bureau de la Défense a mis en place une formation obligatoire à l’intention de tous les
conseils admis sur la Liste. Deux sessions se sont tenues en septembre et en octobre 2010, et il est
prévu que la troisième session se tiendra en mars 2011. Les sessions de formation organisées en 2010
ont enregistré la participation de 76 conseils, tandis que certains conseils ont été dispensés d’y
participer. Financée en grande partie par la Commission européenne, la formation visait à s’assurer que
tous les conseils figurant sur la Liste se familiarisent avec le Statut et le Règlement de procédure et de
preuve, un accent particulier étant mis sur les spécificités du TSL, notamment la participation des
victimes et le crime de terrorisme.

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7. Liste de membres de l’équipe de la défense

Comme signalé plus haut, le Bureau de la Défense tient également une liste de personnes qui peuvent
être appelées à assister le conseil, notamment des juristes, des chargés de la gestion des dossiers d’une
affaire et des enquêteurs. Pendant toute la durée de la période considérée, 117 personnes ont posé
leur candidature à cette liste, 73 personnes y ont été admises, dont 53 juristes, six chargés de la gestion
des dossiers et 11 enquêteurs. Il ressort de notre expérience que les personnes qualifiées les plus
difficiles à recruter sont les enquêteurs et les chargés de la gestion des dossiers.

La Liste contient actuellement 84 juristes, huit chargés de la gestion des dossiers et 15 enquêteurs.

8. Presse, affaires publiques et communication

Au cours de la période considérée, le Bureau de la Défense a publié un certain nombre de communiqués


de presse portant sur divers sujets, notamment : le processus de confirmation de l’acte d’accusation, le
résumé des missions au Liban et des rencontres avec les autorités libanaises, la nomination de l’adjoint au
chef du Bureau de la Défense et la formation des conseils.

Le Bureau de la Défense a effectué quatre missions au Liban, au cours desquelles le chef du Bureau de la
Défense et ses collaborateurs ont tenu des réunions avec le Président, le Président de l’Assemblée
nationale, le Premier ministre et d’autres ministres, notamment les ministres de la Justice et de
l’Intérieur, ainsi qu’avec les représentants des associations du barreau du Liban. Ces missions au Liban
visaient surtout à poursuivre le dialogue avec les parties prenantes libanaises concernant l’explication du
rôle que jouera le Bureau de la Défense dans les procédures qui s’annoncent. Le Bureau de la Défense a
souligné à maintes occasions qu’un acte d’accusation marque seulement le début de la procédure et ne
constitue pas une déclaration de culpabilité, puisque tout accusé sera présumé innocent jusqu’à ce que sa
culpabilité soit établie à l’issue d’un procès équitable. Le Bureau de la Défense a par ailleurs expliqué
comment la Défense fonctionnera dans le cadre du système en vigueur devant le TSL.

Le Bureau de la Défense a également entrepris des activités de communication ciblant les associations de
barreau et les facultés de droit au Liban, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et en Suisse.

Le chef du Bureau de la Défense a entretenu un contact régulier avec les représentants diplomatiques
accrédités aux Pays-Bas en vue de les tenir informés de l’évolution des travaux du Bureau de la Défense.

9. Avis juridiques

Dans le cadre des efforts qu’il déploie en vue d’obtenir l’aide extérieure pour fournir des avis juridiques
appropriés et dans les délais voulus, le Bureau de la Défense a également conclu plusieurs contrats avec
des universités au Canada, aux États-Unis, en France et deux universités libanaises.

En plus de contribuer aux activités décrites sous la rubrique « Participation aux activités judiciaires » la
Section des avis juridiques a poursuivi ses préparatifs en vue de fournir aux conseils l’appui voulu dans

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le cadre de procédures devant le Tribunal. La rédaction des mémoires juridiques se poursuit. Environ
100 thèmes ont déjà été identifiés. À la fin de la période considérée, la rédaction de mémoires sur près
des deux tiers de ces thèmes était achevée, et la rédaction de mémoires portant sur un autre quart de
ces thèmes est en cours. En facilitant une meilleure préparation au procès et en favorisant des
arguments de qualité, ces mémoires juridiques permettront aux conseils d’assurer une représentation
plus efficace de leurs clients, et aideront également les juges à rendre une justice équitable et effective.

Parmi les autres activités menées par la Section figurent les travaux sur le Code de conduite à
l’intention des conseils et la contribution à la traduction du Code pénal libanais et du Code de
procédure pénale libanaise.

10. Les prochaines étapes

Si le Juge de la mise en état venait à confirmer l’acte d’accusation, le Bureau de la Défense s’attachera
désormais aux aspects plus opérationnels de ses fonctions. Indépendamment du fait que les procédures
se tiendront ou non par défaut, le Bureau de la Défense commettra d’office ou désignera des conseils et
fournira l’appui opérationnel aux conseils concernés, et ce dès le premier jour. En cas de procédure par
défaut, ou dans le cas d’un ou de plusieurs accusés indigents, cet appui consistera en l’octroi de l’aide
juridictionnelle et en la commission d’office de membres de l’équipe de la défense.

Le Bureau de la Défense veillera également à garantir la confidentialité des informations en la possession


du conseil ainsi que la sécurité physique des membres de l’équipe de la défense. Il assurera, par ailleurs,
la coordination entre la Défense et les autorités gouvernementales, notamment les instituts de police
scientifique ou dans le cadre du Mémorandum d’accord signé avec le Gouvernement du Liban.

S’agissant de la Section des avis juridiques, les activités seront davantage axées sur la fourniture de
l’appui en coulisse, tandis que le conseil assumera un rôle de premier plan au prétoire. Il est prévu que la
Section se consacrera principalement aux demandes d’avis juridiques sur des sujets spécifiques qu’elle
reçoit.

Le rôle du Bureau de la Défense évoluera également vers la supervision du rendement des conseils.

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IIIe PARTIE – TENTATIVE DE BILAN ET OBSERVATIONS FINALES

A. La mission principale du TSL

Dès l’origine, guidé par le contenu de la résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité des Nations Unies
et de ses documents annexes, le Tribunal s’est efforcé d’atteindre ses trois principaux objectifs.

Le premier objectif consiste évidemment à poursuivre les enquêtes et à s’assurer que les auteurs
présumés des crimes terroristes relevant de la compétence du Tribunal soient identifiés et jugés dans le
respect des normes les plus élevées de justice, afin de démasquer les auteurs des crimes, élément
d’importance essentielle pour les victimes et le peuple libanais, ainsi que pour créer les conditions
requises pour le paiement de réparations aux victimes.

Le deuxième objectif, qui découle du premier, vise à aider le peuple libanais à régler une grave crise
nationale provoquée par l’assassinat de Rafic Hariri et d’autres personnes. Le recours à un mécanisme
judiciaire international, sollicité d’abord par le Liban lui-même, avait pour but de permettre que des
enquêtes complexes et ardues soient menées et de garantir que les normes internationales de justice
soient appliquées afin que soit satisfaite la demande de voir les auteurs de crimes répondre de leurs
actes devant la justice. À son tour, par cette exigence, on a voulu affirmer que les divergences
politiques ne doivent pas être réglées par le recours à la violence, mais grâce au dialogue, aux débats et
à la négociation. En menant une action crédible, équitable et impartiale, le Tribunal entend ainsi
contribuer à la réconciliation au Liban. Cette exigence entend également constituer un signal fort de la
nécessité d’adopter une nouvelle méthode de discours politique, non entachée de violence. Pour
reprendre les réflexions d’Hadrien, célèbre empereur et philosophe, telles que rapportées par un
écrivain français : « L’ordre dans les rues n’est pas suffisant ; c’est dans les esprits qu’il doit étendre son
empire. 1 »

Ce deuxième objectif a été pertinemment exprimé dans rapport publié par Chatham House :

« [TRADUCTION][…] l’obligation de répondre de ses actes devant la justice peut contribuer à


l’instauration d’une paix durable et à la cessation des violences politiques en créant des
antécédents historiques impartiaux fondés sur des éléments de preuve discutés devant une
juridiction, qui établissent la responsabilité individuelle à l’égard des crimes (plutôt qu’une
responsabilité liée à l’appartenance à un groupe) et favorisant l’unité au lieu de clivages
communautaires au sein d’un État, mettant fin à l’impunité pour ces crimes, en évinçant les
responsables de ces crimes de leurs positions d’influence au sein du pays, et en créant un
environnement dans lequel la réconciliation collective et devient une possibilité. 2 »

Je suis fermement convaincu qu’un tribunal à caractère international est essentiel pour mettre la
nécessaire action judiciaire à l’abri des contingences des luttes politiques et maintenir ainsi le cap de
long terme sur la nécessité de la justice comme socle de la paix.

1
Cf. M. Yourcenar, Mémoires d’Hadrien, Paris, Gallimard, 1989, p. 110
2
Chatham House, The Special Tribunal for Lebanon and the Quest for Truth, Justice and Stability, décembre 2010, p. 4.
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Il y a également une autre finalité sur laquelle j’ai dès le départ, à la lumière et sur la base des
instruments juridiques internationaux portant création du Tribunal, personnellement insisté. Il s’agit de
l’effort visant à tirer pleinement parti des possibilités que recèlent les nombreuses nouveautés du
Tribunal, telles qu’elles ressortent du Statut (principalement l’interpénétration entre les systèmes
procéduraux accusatoire et inquisitorial, le rôle de premier plan conféré au Juge de la mise en état,
l’existence d’un important et autonome Bureau de la Défense et le droit des victimes de participer à la
procédure). Ces nouveautés – j’en suis fermement convaincu – peuvent permettre de montrer, au sein
de la communauté internationale, l’exemple d’une justice équitable et rapide, afin de réfuter l’actuel
courant d’idée selon lequel les tribunaux pénaux internationaux ne peuvent qu’être lourds, lents et
extrêmement onéreux.

Je crois que c’est sur cette toile de fond que nous devons procéder à une évaluation sincère et sans
fards aussi bien de nos réalisations que de nos échecs après deux années d’activités.

B. Ce qui n’a pas été fait

Contrairement à nos attentes et à nos plus profonds espoirs, nous n’avons pas été en mesure d’ouvrir
de procès. C’est seulement le 17 janvier 2011, soit 22 mois après l’entrée en activité du Tribunal, qu’un
acte d’accusation a été déposé auprès du Juge de la mise en état. À la date de présentation de ce
rapport, l’acte d’accusation n’a pas encore été confirmé ni rejeté par le Juge de la mise en état, qui est
en train d’examiner soigneusement les questions juridiques soulevées par l’acte d’accusation
accompagné de volumineuses pièces justificatives que le Procureur lui a présenté. Il s’agit là d’un travail
considérable, nécessitant le concours d’une équipe réduite chargée d’examiner minutieusement l’acte
d’accusation ainsi que les milliers de pages qui l’étayent. Le Juge de la mise en état a dû également se
pencher sur la décision récente de la Chambre d’appel. En conséquence, l’examen de l’acte
d’accusation pourrait prendre davantage de temps qu’il n’avait été initialement prévu. Toutefois, le
Juge de la mise en état et son équipe travaillent aussi promptement que possible, tout en veillant à ce
que leur intervention s’inscrive dans le cadre d’un processus juste et équitable.

En outre, l’officialisation – par l’entremise d’un accord international de coopération judiciaire – de


notre coopération avec différents États de la région, sollicitée par le Président du Tribunal, ne s’est pas
concrétisée. Des États nous ont expliqué leur incapacité de conclure des accords formels en soulignant
les difficultés internes liées à la prompte ratification et application des traités internationaux. Ces États
ont plutôt proposé de coopérer de manière informelle et au cas par cas. En l’absence de résolutions
contraignantes du Conseil de sécurité des Nations Unies visant à imposer la coopération (eu égard du
statut juridique spécifique du Tribunal spécial), aucun cadre juridique permanent n’a donc pu être établi
en vue de la coopération avec les États autres que le Liban.

Par ailleurs, nous n’avons pas été en mesure d’atteindre l’objectif que j’avais retenu comme étant l’un
des principaux buts de notre Tribunal : démontrer que les tribunaux pénaux international peuvent être
relativement peu dispendieux. À mon regret, notre Tribunal s’est également avéré financièrement
onéreux. Il y a à cela plusieurs raisons précises. Premièrement, la majorité des dépenses financières
engagées jusqu’ici sont liées au caractère tout particulier de notre Tribunal, chargé de mener des
enquêtes sans précédent au sujet de crimes terroristes, lesquelles requièrent non seulement un
nombre assez considérable d’enquêteurs et d’experts, connaissant de près ce domaine particulier de
l’activité criminelle, mais également des mesures exceptionnelles (nous avons dû recruter 76 agents de

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sécurité pour sécuriser les locaux et le personnel à Leidschendam et à Beyrouth). Deuxièmement, notre
engagement en faveur d’une transparence accrue consistant à produire tous nos documents publics,
ainsi qu’à assurer l’interprétation simultanée des audiences du Tribunal dans les trois langues officielles
(arabe, anglais et français), a un coût. Troisièmement, les coûts afférents au démarrage d’un tribunal
international investi d’un mandat de courte durée sont proportionnellement beaucoup plus élevés que
ceux d’une juridiction qui prend son essor sur un plus long laps de temps. Si nous tenons compte de ces
trois considérations, il ressort que nous nous sommes évertués à demeurer une institution relativement
modeste, en ménageant nos ressources limitées, en particulier aux Chambres, avec la plus grande
prudence (voir ci-dessus, la Section concernant les Chambres).

C. Les réalisations accomplies en douze mois

En dépit des difficultés susmentionnées, nous soulignons avec fierté que notre bilan est déjà
conséquent. L’une de nos réalisations majeures tient au fait que, en dépit des obstacles rencontrés, le
Procureur a pu intensifier ses enquêtes et soumettre, pour examen, un acte d’accusation au Juge de la
mise en état. À cet égard, l’appui de l’ONU et du Gouvernement libanais a été crucial dans l’obtention
de notre part de succès et la défense du rôle important que doit jouer le Tribunal spécial.

Deuxièmement, le Juge de la mise en état et la Chambre d’appel se sont occupés de l’affaire El Sayed,
en tenant des audiences et en rendant des décisions relative à la requête de M. El Sayed concernant
son droit d’avoir accès à qu’il affirme être les faux témoignages sur la base desquels il a été placé en
détention pendant quatre années par les autorités libanaises.

Troisièmement, à la faveur des judicieuses modifications du Règlement de procédure et de preuve


approuvées par l’Assemblée plénière des juges, le Juge de la mise en état a demandé à la Chambre
d’appel de statuer avec autorité sur le droit applicable dans le cadre de la confirmation de l’acte
d’accusation. Cette mesure vise à accélérer la procédure d’examen des actes d’accusation et également
à assurer le respect des droits des futurs accusés en précisant les critères juridiques pertinents
applicables aux crimes et aux modes de responsabilité imputés dans l’acte d’accusation. La Chambre
d’appel a été, sur cette base, en mesure de rendre diligemment une importante décision interlocutoire,
dans laquelle sont clarifiées non seulement la définition du terrorisme, mais également de nombreuses
autres notions juridiques que le Juge de la mise en état appliquera probablement. La Chambre d’appel a
été considérablement aidée dans cette entreprise par les observations écrites et orales présentées avec
professionnalisme et diligence tant par le Bureau du Procureur que par le Bureau de la Défense.

Quatrièmement, tenant compte de l’expérience d’autres tribunaux pénaux internationaux, nous avons
décidé de lancer d’emblée un programme de communication, afin de combler l’écart qui sépare le
Liban de Leidschendam et de diffuser au Liban des informations sérieuses et détaillées sur le domaine
de compétence, la nature et la singularité du Tribunal, et d’expliquer tant aux représentants des
professions juridiques concernées qu’à la population dans son ensemble le mode de fonctionnement du
Tribunal.

D. Plan d'orientation pour la troisième année d'activité du TSL

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À mon avis, au cours de sa troisième année d’activité (1er mars 2011 – 29 février 2012), le Tribunal
devrait s’attacher à finaliser la présentation des actes d’accusation (et le cas échéant les confirmer).
L’achèvement des enquêtes, aux fins de soumettre des actes d’accusation d’ici le 29 février 2012,
devrait permettre au Tribunal d’entamer, avec la plus grande diligence, déjà au cours de cette troisième
année d’activité, les procédures de mise en état, ainsi que quelques procédures en première instance,
donnant ainsi la possibilité au Tribunal d’achever l’essentiel de sa mission dans un délai n’excédant pas
six ans. Au cours de cette période, le Tribunal devrait être à même de clôturer ses travaux, après s’être
acquitté de sa mission judiciaire en ayant fait preuve de professionnalisme, d’équité et d’efficacité.
Toutefois, dans le cas où le Procureur estimerait que la mise en œuvre de nouvelles enquêtes, donnant
lieu à la présentation d’autres actes d’accusation, nécessite davantage de temps, il lui appartiendrait de
formuler et de faire connaître, par l’entremise du Président, aux organes et entités compétents (le
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, le Conseil de sécurité et le Gouvernement
libanais), les raisons expliquant un tel état de choses ainsi que la nécessité qui en découle de prolonger
l’activité du Tribunal par delà deux mandats de trois ans.

Quoi qu’il en soit, je suis fermement convaincu que les efforts accomplis jusqu’à présent par la
communauté internationale ainsi que par le Liban, tant en matière d’apports financiers que de volonté
à aller de l’avant, commencent à porter leurs fruits et ne doivent pas être abandonnés en raison de
pressions indues. Grâce à une gestion consciencieuse et transparente, le Tribunal sera, comme il se
doit, en mesure de mener sa tâche à bien et de satisfaire à la demande de justice.

Dans le but d’accomplir les tâches qui lui incombent, à la lumière des objectifs mentionnés ci-dessus, le
Tribunal ne devra recruter que le personnel considéré comme étant strictement indispensable, et ce
afin d’éviter toute dépense qui ne soit justifiée par la poursuite efficace et diligente de sa mission. Dans
ce contexte, je considère que tous les juges, en dehors des trois juges déjà en fonctions, devraient
prendre part, à titre permanent, à partir de mi-septembre 2011, aux travaux du Tribunal. Puisqu’il s’agit
là d’une décision qui doit être prise par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, en
consultation avec moi, je ferai parvenir une demande en ce sens en temps voulu.

De plus, le TSL devra intensifier autant que possible son programme de communication, afin de diffuser
des informations exactes sur le rôle et les fonctions du Tribunal, et, par là même, dissiper toute
possibilité de malentendu ou de méprise concernant l’activité du Tribunal. Le bureau de la
communication devra également renforcer ses contacts au sein des professions juridiques au Liban, afin
de faciliter un accès plus large et plus direct aux mécanismes et techniques juridiques du Tribunal, ainsi
qu’au mode de fonctionnement, au jour le jour, de ce dernier.

E. Observations finales

Le Tribunal dans son intégralité, Président inclus, a pleinement conscience que la confirmation et, à
terme, la publication d’actes d’accusation pourraient avoir des répercussions importantes au Liban – ce
qui est prévisible lorsqu’un processus judiciaire est appliqué à ce que le Conseil de sécurité a nommé
« une menace pour la paix et la sécurité internationales ».

Nul n’ignore que l’utilité du Tribunal est source de débat au Liban comme ailleurs. Toutefois, en tant
que fonctionnaires internationaux œuvrant au sein d’une institution juridique internationale, et
notamment en tant que juges indépendants, nous sommes tenus de ne prendre en compte aucune

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considération politique. Ceux qui persistent à émettre des doutes et à faire preuve de méfiance à
l’égard du Tribunal ne prêtent pas attention au fait que le Tribunal a déjà fourni de nombreuses preuves
de son professionnalisme, de son impartialité et de son indépendance. Il suffit de rappeler
l’indépendance dont le Tribunal a fait preuve i) en ordonnant la relaxe immédiate, pour manque de
preuves à charge, de quatre généraux libanais incarcérés au Liban, et ii) en se prononçant en faveur des
efforts de M. El Sayed visant à saisir le Tribunal de sa requête concernant les documents auxquels il
souhaite avoir accès.

Nous avons la ferme volonté de défendre le principe énoncé par Hegel : fiat justitia ne pereat mundus
[TRADUCTION] (« que justice soit faite pour que le monde ne périsse point ») 3. À cet effet, nous devons
agir de façon à démontrer que nous sommes incontestablement prémunis contre tout préjugé d’ordre
politique ou idéologique, et que nous respectons invariablement et pleinement les droits
fondamentaux de tout défendeur potentiel, la présomption d’innocence figurant au premier plan de ces
droits. Non que nous ne soyions foncièrement indifférents quant aux divers points de vue politiques,
mais la mission qui nous a été confiée par les instances constitutives du Tribunal spécial nous astreint à
considérer le long terme et non les éventuels agissements et considérations politiques.

Les détracteurs du Tribunal négligent également la véritable nature de l’influence qu’une institution
pénale internationale pourrait avoir sur la société libanaise dans son ensemble. Rendre la justice n’a pas
uniquement pour but de punir ceux qui ont outrepassé ouvertement les règles de la société civilisée, et
de soulager la détresse des victimes. La justice pénale a aussi pour objectif d’apporter un minimum
d’apaisement au sein d’une société affligée par une violence endémique. Elle contribue puissamment à
la résolution des problèmes sociétaux à long terme. Si, après que des crimes violents qui affectent la
société dans son ensemble ont été commis, la justice n’intervient pas pour démontrer qu’une
institution publique impartiale est capable de punir les coupables et de rétablir le respect dû aux
impératifs du droit, la situation ne fera que se détériorer davantage. Tôt ou tard, la violence refait
surface. De fait, la dichotomie, souvent citée, consistant à opposer la paix et la justice est fallacieuse.
Ainsi, entre autres exemples, toute flambée de violence qui découlerait du processus judiciaire ne serait
aucunement attribuable à ceux qui sont désireux d’œuvrer dans le sens de la justice, mais à ceux qui
s’opposent tant à la justice qu’à la paix.

Gardons à l’esprit la véritable signification de ce qu’est la justice. Comme nous l’a enseigné le grand
philosophe du droit Hans Kelsen, la justice a pour but d’apporter le « bonheur » (Glück), c’est–à–dire de
satisfaire à certains besoins essentiels et reconnus comme tels par les autorités de l’ordre social, y
compris, à ce titre, le besoin de paix et de sécurité. [TRADUCTION] « Le désir de justice est tellement
fondamental, si profondément ancré dans le cœur de l’être humain, car il n’est en fait que l’expression
d’un besoin inaltérable de son propre bonheur subjectif », lequel, associé au « bonheur social »,
satisfait les attentes de la société dans son ensemble. 4 C’est parce que la justice est une exigence

3
Voir G.W.F. Hegel, Grundlinien der Phisolophie des Rechts, in G.W.F. Hegel, Werke, vol. 7 (Frankfurt am Main, 1979), at
p.243 (para 130). Hegel écrit “Le bien-être sans la loi n’est pas valable ; de même, la loi sans le bien-être n’est pas valable
(fiat justitia should not be followed by pereat mundus) (“das Wohl ist nicht ein Gutes ohne das Recht. Ebenso ist das Recht
nicht das Gute ohne das Wohl (fiat iustitia soll nicht pereat mundus zur Folge haben“).
4
H. Kelsen, Was is Gerechtigkeit? (Wien, F. Deuticke, 1953, pp. 47); Je cite ici une réimpression dirigée par R. Walser
(Philipp Reclam jun. Stuttgart, 2000) at 13-14. Traduction vers l’anglais par H. Kelsen, Essays in Legal and Moral
Philosophy, dirigée et présentée par O. Weinberger (Dordrecht-Holland, Boston, USA, D. Reidel Publishing Company, 1973),
at 3-4.
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tellement fondamentale et indispensable à tout être humain, ainsi qu’à la société dans son ensemble,
que notre Tribunal accomplit une tâche essentielle. Ce besoin de justice – je l’affirme avec force – ne
peut être éradiqué. La société libanaise a un besoin urgent de l’intervention d’une institution
internationale qui fasse preuve d’impartialité, et qui ne soit pas entravée par des préoccupations
d’ordre idéologique ou politique.

C’est le Liban, l’un des fiers membres fondateurs des Nations Unies, qui à l’origine a réclamé un tribunal
de caractère international qui se démarque des institutions nationales libanaises, afin de poursuivre
deux objectifs fondamentaux : soutenir et appliquer le principe de responsabilité judiciaire à ceux qui
s’écartent outrageusement des règles de la décence la plus élémentaire ; et ancrer la notion que la
démocratie ne peut survivre sans la justice et sans le respect des droits fondamentaux de tout un
chacun, y compris le droit à la vie et à la sécurité. Lors de sa demande d’établissement d’un tribunal
international, le Liban a repris une notion profondément innovatrice proposée initialement, en 1947 –
1948, par le grand philosophe et diplomate libanais Charles Malik, l’un des quatre coauteurs et
rédacteurs (avec E. Roosevelt, R. Cassin et P.C. Chang) de la Déclaration universelle des droits de
l’homme : la notion qu’il existe un lien étroit entre les sociétés nationales et la communauté
internationale. 5 Ce concept, inscrit à l’article 28 de la Déclaration et proposé par Charles Malik, énonce
que « [t]oute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel
que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet. » L’article
28 porte, entre autres, sur la nécessité d’un lien étroit entre les divers ordres juridiques nationaux et la
communauté internationale, en ce sens que celle-ci doit être façonnée et agencée de sorte que les
droits humains fondamentaux puissent être appliqués à l’échelon national. L’article postule une
corrélation qui va dans les deux sens, sur une base de réciprocité, entre les systèmes juridiques
nationaux et la communauté internationale : la jouissance des droits de l’homme peut être assurée à
l’échelon national uniquement si l’ordre international est structuré de façon à ce que cela soit
possible ; le postulat à la base des droits de l’homme doit donc être transposé au sein de la
communauté internationale. De même, chaque fois que l’exercice ou la pleine jouissance des droits de
l’homme ne peut être obtenu au niveau national, il incombe à l’ordre international de prendre toutes
les mesures nécessaires à la pleine réalisation des droits de l’homme à l’échelon national. La création
du TSL incarne dans une large mesure, dans son article 28, le principe fondamental énoncé par Charles
Malik : lorsqu’il s’est avéré impossible d’appliquer, au sein de la société libanaise, le principe de
responsabilité judiciaire en réponse aux crimes les plus abjects et méprisables commis en 2004-2005,
afin de rétablir la paix et la tranquillité dans une société brisée, il a été fait appel à la communauté
internationale. Il lui a été demandé d’établir tout à la fois les mécanismes nécessaires pour restaurer
l’ordre et la sécurité compromis par ces crimes, et de garantir le respect des droits de l’homme les plus
fondamentaux.

Par ces lignes, je suis conscient des limites du Tribunal, d’une part, et de l’autre de l’immensité de la
tâche à laquelle est confrontée la société libanaise. Néanmoins, tout effort, aussi insignifiant et

5
Voir UN doc. E/CN.4.SR.67, pp.3-14 and E/CN.4/SR.78, at pp.9-10. Pour le recueil des écrits de Charles Malik’s, voir aussi
Habib C. Malik (ed), The Challenge of Human Rights – Charles Malik and the Universal Declaration (Oxford: Charles Malik
Foundation, 2000). Voir également Ch. Malik, « The Challenge of Human Rights », Vol. IX, No. 6, Behind the Headlines
(décembre 1949), page 11 : « Jusqu’à présent, les droits de l’homme ont relevé en totalité de l’ordre interne de chaque
État, mais les conventions que nous entendons élaborer auront pour effet de faire passer l’objet de leurs dispositions du
champ de compétences indépendantes et exclusives d’États souverains distincts dans l’ordre des intérêts communs de
l’ensemble des États qui s’engagent par voie de convention. »
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modeste soit-il, mérite d’être accompli. Gardons à l’esprit les sages paroles prononcées par un autre
éminent philosophe du droit à propos de la question de la guerre : « Il est parfois arrivé qu’un
minuscule grain de sable, soulevé par le vent, enraye une grosse machine. Même s’il n’existe qu’une
chance infinitésimale que le minuscule grain de sable, soulevé par le vent, se retrouve dans les
engrenages les plus délicats [de la violence] et en bloque le mouvement », cela vaut la peine d’essayer. 6
Tel est exactement ce que nous devons faire.

6
N. Bobbio, Il Problema della Guerra e le Vie della Pace ( Bologna, Il Mulino, 1979), at 94-95.
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