CONTENU
Introduction............................................................................................................................................. 3
Hier, la tradition ...................................................................................................................................... 4
Aujourd’hui, que se passe-t-il ? ............................................................................................................... 5
Et demain ? .............................................................................................................................................. 6
Conclusion ............................................................................................................................................... 7
Bibliographie............................................................................................................................................ 8
INTRODUCTION
Nous vivons dans une société dont le changement social fait désormais partie intégrante. De jour en
jour, les choses changent ; plus que jamais, la société peut être étudiée sous un jour nouveau.
Particulièrement, le cas de la religion mérite que l’on s’y attarde. En effet, la société occidentale
moderne est depuis quelques siècles dans un processus de sécularisation et de perte de légitimité du
sacré et des institutions qui, depuis des siècles, assuraient la stabilité du lien social.
C’est ce contexte que je voudrais approfondir ici. Le but de cette réflexion est de jeter des pistes pour
l’avenir, tout en tenant compte du passé et du présent. On ne construit pas une maison sans
fondations ; de la même manière, on ne peut imaginer le futur sans une contextualisation antérieure.
Notre réflexion se construira donc sur un schéma chronologique, en commençant par le passé. Nous
parlerons ensuite de l’avenir en tant que tel de la religion dans notre société, non sans avoir établi
auparavant un petit compte-rendu des enjeux sociétaux actuels sur la question.
Cette démarche se veut interdisciplinaire : elle tend à faire intervenir à la fois la théologie, la
sociologie et la philosophie (y incluse l’éthique). Nous retrouverons de cette manière à la fois la
structure générale du cours dans le cadre duquel nous réalisons ce travail, et l’objet même de mon
intérêt personnel dans la matière.
Dans cette société qui se cherche, et que nous essayons de comprendre, unissons les points de vue
de ces disciplines, parfois très différentes, afin de parvenir tous ensemble à des conclusions
satisfaisantes.
HIER, LA TRADITION
Le passé est une véritable mine d’or. En l’observant, on peut trouver de précieuses informations sur
l’expérience de nos prédécesseurs, qui avant nous se sont sans doute posé les mêmes questions que
nous nous posons aujourd’hui. L’observation du passé est donc de l’ordre du constat et de la leçon.
Ainsi donc, jadis, quelle était la place de la religion dans la société ?
De tout temps, l’homme a vécu en relation avec le phénomène religieux, de manières très
différentes selon les époques et les lieux. Si, sous certains régimes, la religion est rigoureusement
repoussée dans la sphère privée, il y eut aussi des régimes qui agrégèrent les pouvoirs temporel et
spirituel en une seule et même entité.
Certains courants religieux ont même parfois inspiré aux hommes des théories politiques ou
économiques : ainsi, Weber met en évidence les affinités électives existant entre le protestantisme
et le capitalisme, ce dernier étant né dans le sillage du premier [1].
S’interroger sur la fonction sociale de la religion dans le passé revient à s’interroger sur l’origine de la
religion elle-même. Selon Durkheim, l’idée de Dieu « n’est autre chose que la société hypostasiée et
transfigurée » [2]. Pour exister, Dieu aurait donc nécessairement besoin de l’homme, qui en retour
aurait aussi besoin de Dieu [3]. Ainsi, les individus trouveraient en leur(s) dieu(x) une entité qui leur
assure un lien social avec leurs semblables. Freud, quant à lui, voit dans la religion « des illusions, la
réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l'humanité […] » [4]. Marx,
enfin, utilise la célèbre formule de la religion comme opium du peuple [5], en ce sens que « la
religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit de
conditions sociales d'où l'esprit est exclu » [5].
Il a toutefois été mis en évidence que la religion a aussi, bien entendu, des aspects problématiques.
La plupart d’entre eux tournant notamment autour de la question de la tolérance envers les autres
convictions. Se pose alors la question d’une éventuelle « religion civile ». Rousseau, à l’origine de ce
concept, le définit comme « une profession de foi purement civile dont il appartient au souverain de
fixer les articles, non pas précisément comme dogmes de religion, mais comme sentiments de
sociabilité, sans lesquels il est impossible d’être un bon citoyen ni sujet fidèle » [6]. Une religion
simple d’un point de vue dogmatique, et indissociable de l’état ; tel est son point de vue sur la
question, en proposant l’instauration d’une telle religion à l’échelle de nos sociétés.
Nous voici armés des leçons du passé. Observons maintenant la situation actuelle de la religion dans
la société, afin de mieux pouvoir, par après, imaginer quelle serait la place de la religion dans une
société idéale. Notre démarche se situe donc désormais dans le registre de l’observation et de
l’interprétation. De nos jours, de plus en plus et ce depuis plusieurs siècles, le changement social fait
partie intégrante de notre société. En permanence, les normes sociales évoluent, à une vitesse bien
plus élevée qu’elles ne pouvaient le faire il y a quelques siècles. Il n’est plus possible de ne pas le
prendre en compte dans les analyses sociétales, tant celui-ci est devenu omniprésent.
Plusieurs processus sont à l’œuvre dans la société contemporaine ; parmi eux, dans le domaine
religieux, considérons le processus de sécularisation de la vie sociale. Depuis la révolution française
de 1789, le religieux est peu à peu repoussé dans la sphère privée. La religion et les convictions
religieuses sont considérées comme des affaires privées, bien en dehors de la sphère publique.
Ainsi Weber considère-t-il l’histoire de nos sociétés comme celle d’une rationalisation progressive, un
désenchantement du monde, en étudiant la manière dont la magie et la religion ont peu à peu perdu
de leur emprise au fur et à mesure que l’homme a appris à mieux connaître et maîtriser le monde [7].
Gauchet observe la même rationalisation que Weber, mais dans le cadre de l’organisation de la
société seulement. Observant la manière dont le christianisme a, au fil de l’histoire, créé des
institutions en dehors desquelles il était possible de se situer, il qualifie le christianisme de « religion
de la sortie de la religion » [8].
ET DEMAIN ?
Armés de l’expérience du passé, conscients des enjeux actuels de notre société, attaquons-nous
désormais à la question de l’avenir. Il s’agit cette fois d’une analyse de l’ordre de l’utopie. Les
questions quant à l’avenir de notre société sont légion, à deux niveaux principaux.
D’une part, la réflexion sur le futur de la structure sociale, c’est-à-dire au niveau macro : quel rapport
au religieux conviendrait-il le mieux à notre société occidentale ? Les réponses sont nombreuses ;
essayons cependant d’imaginer quelques pistes.
Dans son célèbre article La religion civile en Amérique, Bellah explique qu’on trouve là-bas une forme
de religion bien particulière, « un ensemble de croyances, de symboles et de rites », une quasi-religion
d’État où « l’ultime souveraineté est attribuée, implicitement et souvent même explicitement, à
Dieu » [9]. Cela se fait à travers de fréquentes allusions au créateur, inspirées de la chrétienté mais
restant néanmoins assez générales d’un point de vue doctrinal. On l’a compris : il s’agit bien du
concept de Rousseau dont nous avons parlé plus haut. À la fin de son article, Bellah propose
l’instauration d’un tel type de religion à l’échelle mondiale, montrant bien en cela la visée
« civilisatrice » des États-Unis.
Pour sa part, Steven Lukes imagine cinq pays idéal-typiques : Utilitaria, Communitaria, Libertaria,
Egalitaria et Proletaria. Chacun raisonne selon un processus bien précis, respectivement le calcul
utilitariste, la vie en communauté, le libéralisme économique, l’égalité des chances et la domination
prolétaire [10].
D’autre part, il convient de se demander quel comportement religieux devrait ou non adopter le
citoyen au sein de la société. L’essentiel de la réponse à cette question réside dans la distinction
entre le privé et le public. Hobbes [11], puis Marx [12], constatent tous deux dans la société le
principe de l’abstraction : de nos jours, l’individu est comme clivé en deux entre une part sociale,
avec ses convictions, sa foi, ses particularités, et l’individu politique, seul responsable juridiquement,
égal et semblable aux autres.
Se pose aussi la question de la liberté de l’individu : quels droits celui-ci est-il censé avoir quant à sa
religion ou ses opinions ? Que doit faire la société pour laisser se développer – ou non – des formes
libres de religiosité propres à une société individualisée et sécularisée ? Les libertés de pensée et
d’expression semblent indispensables, dans notre contexte actuel, au développement d’une société
idéale. Sowle Cahill explique que « l’Église est dans la société mais elle ne peut pas en être » [13]. Elle
se positionne en faveur d’une Église disposée à mener une action sociale « en croyant que les efforts
sociaux des chrétiens peuvent avoir un impact significatif et positif sur les situations d’oppression
répandues de par le monde » [13]. Dans ce sens, Médevielle fait état de la notion d’intégralisme de la
foi (dans le sens d’une foi qui intervient dans tous les domaines de la vie) qui entre en paradoxe avec
la sécularisation de nos sociétés [14].
CONCLUSION
Sur base de ce que nous avons appris par le passé, conscients des processus à l’œuvre dans notre
société contemporaine, nous avons tracé quelques pistes de ce que pourrait être le monde dans
lequel nous vivrons demain.
N’oublions pas que quoi qu’il en soit, on ne peut satisfaire tout le monde ; l’utopie et le rêve des uns
sera le cauchemar des autres. Il ne faut néanmoins pas pour autant tomber dans le calcul utilitariste
et ne chercher que le bonheur du plus grand nombre.
Entre le privé et le public, ne cherchons pas à brouiller les pistes ; continuons plutôt à réfléchir, en
société, à la meilleure manière de concilier les différents points de vue sans faire complètement
abstraction d’une partie ou l’autre de chaque individu. Optons pour un intégralisme maîtrisé et
responsable, propre à faire fonctionner une société toujours en quête d’elle-même.
BIBLIOGRAPHIE
[2] É. Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris: CNRS Éditions, 2008, p. 497.
[3] D. Vidal, «Émile Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse,» Archives de sciences
sociales des religions, pp. 163-274, 144 2008.
[9] R. N. Bellah, «La religion civile en Amérique (civil religion in America),» Archives de sciences
sociales des religions, pp. 7-22, 35 1973.
[10] S. M. Lukes, «Five fables about human rights,» chez The Human Rights Reader, Major Political
Essays, Speeches and Documents from the Bible to the Present, Routledge, 1997, pp. 233-247.
[12] K. Marx, «Sur la question juive (Zur Judenfrage),» Deutsch-Französische Jahrbücher, 1844.
[14] G. Médevielle, «La foi chrétienne, ressource pour vivre les questions de société,» Théologiques,
pp. 81-106, Vol. 14, n°1-2 2006.