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commentairecompose.fr/le-malade-imaginaire-acte-2-scene-8/
Ses comédies de mœurs dénoncent l’excès des vices et des passions, incarnés par des
personnages caricaturaux et comiques qui sèment la discorde dans leur maison.
Molière exprime ainsi une satire sociale cruelle dénonçant les inégalités des rangs, les
hypocrites et les charlatans. Son œuvre, à la fois populaire et raffinée, remobilise le
comique farcesque pour l’adapter aux goûts de la haute société.
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ARGAN.- Et n’avez-vous rien vu aujourd’hui ?
ARGAN.- Non ?
ARGAN.- Assurément ?
LOUISON.- Assurément.
ARGAN.- Oh çà, je m’en vais vous faire voir quelque chose, moi.
ARGAN.- Ah, ah, petite masque, vous ne me dites pas que vous avez vu un
homme dans la chambre de votre sœur ?
LOUISON se jette à genoux.- Ah ! mon papa, je vous demande pardon. C’est que
ma sœur m’avait dit de ne pas vous le dire ; mais je m’en vais vous dire tout.
ARGAN.- Il faut premièrement que vous ayez le fouet pour avoir menti. Puis après
nous verrons au reste.
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LOUISON.- Là, là, mon papa, ne pleurez point tant, je ne suis pas morte tout à fait.
ARGAN.- Voyez-vous la petite rusée ? Oh çà, çà, je vous pardonne pour cette fois-
ci, pourvu que vous me disiez bien tout.
ARGAN.- Prenez-y bien garde au moins, car voilà un petit doigt qui sait tout, qui me
dira si vous mentez.
LOUISON.- Mais, mon papa, ne dites pas à ma sœur que je vous l’ai dit.
LOUISON.- C’est, mon papa, qu’il est venu un homme dans la chambre de ma
sœur comme j’y étais.
ARGAN.- Hé bien ?
LOUISON.- Je lui ai demandé ce qu’il demandait, et il m’a dit qu’il était son maître à
chanter.
ARGAN.- Hé bien ?
LOUISON.- Elle lui a dit : « sortez, sortez, sortez, mon Dieu sortez, vous me mettez
au désespoir ».
ARGAN.- Hé bien ?
LOUISON.- Il lui disait tout ci, tout çà, qu’il l’aimait bien, et qu’elle était la plus belle
du monde.
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ARGAN.- Et puis après ?
ARGAN.- Voilà mon petit doigt pourtant qui gronde quelque chose. (Il met son doigt
à son oreille.) Attendez. Eh ! ah, ah ; oui ? Oh, oh ; voilà mon petit doigt qui me dit
quelque chose que vous avez vu, et que vous ne m’avez pas dit.
ARGAN.- Oh bien, bien, nous verrons cela. Allez-vous-en, et prenez bien garde à
tout, allez. Ah ! il n’y a plus d’enfants. Ah ! que d’affaires ; je n’ai pas seulement le
loisir de songer à ma maladie. En vérité, je n’en puis plus.
Problématique
Nous verrons comment, dans cet interrogatoire à la fois cruel et comique entre Argan et
Louison, le père manifeste sa tyrannie à l’encontre de sa naïve enfant.
Dans une deuxième partie, de « "Ah ! mon papa » à « morte tout à fait" », Louison lui
avoue qu’elle va tout lui révéler, puis feint la mort.
Enfin, dans une troisième partie, de « "Voyez-vous" » à la fin de la scène, Louison décrit
à Argan le rendez-vous galant entre Angélique et Cléante.
I – Argan veut battre Louison afin qu’elle lui révèle avoir surpris
Angélique avec un homme
Argan demande à Louison de lui faire le rapport de ce qu’elle a vu dans la maison : « "Et
n’avez-vous rien vu aujourd’hui ? "» L’adverbe temporel « aujourd’hui » suggère
qu’une telle demande est quotidienne.
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Ce père paranoïaque, tyrannique et méfiant souhaite absolument tout maîtriser dans sa
maison. Il fait de son enfant une informatrice au sein même de sa demeure. Il y a un
contraste comique entre la naïveté de Louison et la fonction qu’Argan lui attribue.
Dans une vive stichomythie, Argan s’assure que Louison assume son propos. Un
plaisant jeu de répétitions se met en place : « "Assurément ? / Assurément." » Ces
phrases nominales accélèrent le rythme du dialogue.
Le déni de Louison provoque alors la colère d’Argan, qui ironise : « "Oh çà, je m’en vais
vous faire voir quelque chose, moi." » Par antanaclase (= répétition d’un mot en lui
donnant une autre signification), Argan joue sur la polysémie du verbe « voir », puisqu’il
montre « "une poignée de verges" » à Louison.
Les pleurs de l’enfant n’attendrissent pas Argan, qui s’apprête à la battre. La cruauté du
père tyrannique se confirme. Louison suscite ainsi l’empathie, tandis qu’Argan suscite
l’antipathie.
II – Pour échapper aux coups, Louison lui avoue qu’elle va tout lui
révéler, puis feint la mort
(De « "Ah ! mon papa » à « je ne suis pas morte tout à fait "»)
Louison avoue alors à son père ce qu’elle sait : « "C’est que ma sœur m’avait dit de ne
pas vous le dire ; mais je m’en vais vous dire tout." »
L’antithèse (« "ne pas vous le dire » / « vous dire tout" ») mise en valeur par le
parallélisme entre les deux propositions séparées par le point-virgule et l’hyperbole
« vous dire tout » souligne la faiblesse et l’incapacité de l’enfant à conserver un secret.
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Malgré la trahison de Louison à l’égard de sa sœur, Argan veut tout de même la battre :
« "Il faut premièrement que vous ayez le fouet pour avoir menti." » La tournure
impersonnelle « Il faut » souligne sa froideur, d’autant plus que le châtiment est
désormais inutile.
Alors même qu’elle n’a pas été frappée, Louison se prétend blessée puis morte : « "Ah !
mon papa, vous m’avez blessée. Attendez : je suis morte. (Elle contrefait la morte.) "»
Pour se soustraire aux coups, Louison agit comme s’ils avaient été assénés. Elle cherche
à tirer avantage de la crédulité d’Argan, qu’elle sait sensible aux problèmes de santé, et
donc à la mort.
Mais la réplique est comique car absurde : Louison affirme sa mort au présent de
l’indicatif (« "je suis morte "») ce qui est impossible.
Argan va jusqu’à accuser les verges : « "La peste soit des verges ! Ah ! ma pauvre fille,
ma pauvre petite Louison ! "»
Elle souligne également les contradictions et le ridicule d’Argan, aussi naïf que
tyrannique.
Cependant Louison rassure son père : « "Là, là, mon papa, ne pleurez point tant : je ne
suis pas morte tout à fait. "»
L’amusante ruse de l’enfant contraste avec la crédulité du père. Cette scène souligne
également que le père tyrannique n’est pas dénué de toute tendresse pour ses filles,
ce qui amorce le dénouement où Argan finira par accepter le mariage entre Angélique et
Cléante.
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III – Louison décrit à Argan le rendez-vous galant entre Angélique
et Cléante
Argan reconnaît enfin le stratagème (« "Voyez-vous la petite rusée ?" »), avant de
reprendre son interrogatoire : « "je vous pardonne pour cette fois-ci, pourvu que vous me
disiez bien tout. "» C’est donc une scène de troc : révélations contre absence de coups.
L’enthousiasme enfantin de Louison (« "Oh ! oui, mon papa." ») est cependant modéré
par la mise en garde d’Argan à l’impératif : « "Prenez-y bien garde, au moins ; car voilà
un petit doigt qui sait tout, et qui me dira si vous mentez." »
Le père mobilise un jeu pour enfant, et l’inscrit dans un interrogatoire menaçant. Aussi
il se duplique, et c’est désormais le petit doigt qui justifiera une violence qu’Argan n’est
pas capable d’assumer seul.
Louison avoue alors : « "C’est, mon papa, qu’il est venu un homme dans la chambre de
ma sœur comme j’y étais." »
L’interrogatoire est un succès paradoxal pour Argan : il confirme ce qu’il savait, mais cette
vérité s’oppose à ses volontés. L’article indéfini « un homme » maintient néanmoins le
mystère quant à l’identité du prétendant.
Louison décrit alors à son père le rendez-vous galant entre Angélique et son maître de
musique, c’est-à-dire Cléante.
L’audace de Cléante contraste avec les craintes d’Angélique due à son père
tyrannique : « "Elle lui a dit : Sortez, sortez, sortez. "» Les répétitions du verbe « sortir »
soulignent qu’Angélique reste tout au long de la pièce une jeune fille obéissante malgré
la tyrannie de son père.
Molière se moque ici de l’amour galant. La répétition du verbe « dire » suggère en effet
une parole intarissable mais creuse, dont on ne se souvient plus du contenu.
L’imparfait itératif « disait » , « se mettait » , « lui baisait » suggère une scène qui
s’éternise.
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L’anaphore en « Et puis après ? » d’Argan est comique car elle pousse Louison à
continuer son dévoilement qu’Argan craint pourtant.
Louison prétend que l’arrivée de Béline interrompit les premiers baisers. Cependant,
Argan ne la croit pas, et recourt à son stratagème : « "Voilà mon petit doigt pourtant qui
gronde quelque chose. (Mettant son doigt à son oreille.) Attendez. Hé ! Ah, ah ! Oui ? Oh,
oh ! Voilà mon petit doigt qui me dit quelque chose que vous avez vu, et que vous ne
m’avez pas dit. "»
Le détournement du jeu enfantin suscite le rire, autant qu’il souligne la cruauté voire la
folie d’Argan, qui dialogue avec son propre doigt.
Le père, incapable de lui résister, et accablé par ses révélations, la fait partir.
Argan parvient ainsi à arracher à la rusée Louison des aveux capitaux pour la suite de
l’intrigue, puisque le père apprend que le maître de musique d’Angélique est en vérité
son amant.
8/9
♦ Le Malade imaginaire, acte 3 scène 10 (analyse)
♦ Le Malade imaginaire, acte 3 scène 12 (analyse)
♦ Le Malade imaginaire, acte 3 scène 14 (analyse)
9/9