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Qu'est-ce qui caractérise le discours scientifique ? S'il est légitime de se poser cette
question, c'est que par le passé, la science a bien souvent servi d'alibi à des doctrines ou des projets
politiques afin de légitimer leurs idées, leurs actions ou leur régime. On a ainsi parlé de
« socialisme scientifique » en U.R.S.S et on se souvient des « théories racistes scientifiques » de
savants comme Gobineau ou Carrel, que la génétique moderne a depuis infirmées. Il faut donc
commencer par distinguer ce qui relève de l'idéologie et de la connaissance véritable. Pourtant, on
remarque que le terme « science » est encore fréquemment usurpé et qu'il est appliqué à de
multiples activités qui semblent bien étrangères les unes aux autres.
b) On remarque d'emblée le lien moderne et très fort qui unie science et technique,
les sciences favorisent le progrès technique et se mettent bien souvent à son service. C'est avec
l'émergence de la science moderne (avec Bacon, Descartes et Galilée) que l'occident met en œuvre
un projet de domination, la technique devenant comme une application de la science. Pour agir
sur la nature, il faut d'abord connaître ses lois : « On ne peut commander la nature qu'en lui
obéissant » déclare dans son ouvrage Novum Organum Francis Bacon (1561-1626, philosophe
anglais). Depuis le XVIIIe siècle, la technique transcrit ainsi une volonté de puissance, de maîtrise
et d'exploitation de la nature en prenant pour devise la célèbre formule de Descartes : « nous rendre
comme maîtres et possesseurs de la nature » (Discours de la méthode, 6ème partie, 1637) qui
deviendra le programme de toute la science moderne. La technique est l'expression d'un vouloir
humain et ce vouloir ne peut devenir un pouvoir qu'à la condition de reposer sur un savoir. Il faut
donc que soit connue la relation scientifique de cause à effet pour que puisse s'instaurer la relation
technique de moyen à fin.
b) Un fait scientifique ne prend donc sens que dans la théorie qui l'informe. La
théorie se propose alors comme un énoncé universel synthétique, autrement dit, un système
intégrant un très grand nombre de faits, permettant de les comprendre et de les unifier
rationnellement (la théorie de la gravitation de Newton explique à la fois le mouvement des
marées ; le retour des comètes et l'attraction des planètes ou la chute des pommes !). En effet,
une théorie a un rôle unificateur en donnant cohérence aux diverses lois et aux divers secteurs
scientifiques, elle synthétise différents domaines de la réalité et les soumet au même
formalisme mathématique.
Gaston Bachelard (1884-1962) a particulièrement montré que c'est le dialogue entre
l'expérimentateur et le théoricien qui constitue la base de tout travail scientifique, le premier étant
proche du concret et le second, de l'abstrait. « Si elle (l'activité scientifique) expérimente, il faut
raisonner ; si elle raisonne, il faut expérimenter » (Le nouvel esprit scientifique, 1960). Si le
théoricien peut annoncer un phénomène nouveau, inversement, l'expérimentateur peut modifier la
théorie scientifique régnante.
c) Ainsi dans le domaine des sciences expérimentales, le vrai c'est ce qui est vérifié
par un faisceau de preuves de plus en plus serré. Pour Claude Bernard (biologiste français et
théoricien de la méthode expérimentale, 1812-1878), il faut un grand nombre d'expériences réussies
pour confirmer une théorie, alors qu'il ne suffit que d'une seule expérience pour infirmer une
théorie. Il dégage ainsi un schéma de la méthode expérimentale : observation/constatation d'un
phénomène ; puis formulation/élaboration d'une hypothèse ; enfin, expérimentation en vue
d’établir une loi scientifique vérifiée.
La pratique expérimentale se comprend dès lors comme une théorie qui guide une
expérimentation afin de la confirmer ou de l'infirmer. La vérité n'est plus alors absolue mais relative
(dépendante) à l'étendue (en possibilité) ainsi qu'à la précision du champ expérimental, elle dépend
donc sans cesse de la valeur croissante des techniques de vérification, de mesure, on comprend dès
lors pourquoi la vérité absolue ne fait plus partie du vocabulaire scientifique.
Cependant, parler de la science n'a pas pas beaucoup de sens puisque, force est de
constater, que l'on parle à la fois de sciences physiques aussi bien que de sciences économiques,
humaines ou naturelles. Ce nom générique commun serait-il le fait d'une confusion et ne serait-il
pas alors préférable de distinguer plusieurs grandes espèces de sciences ?