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LA SCIENCE

Qu'est-ce qui caractérise le discours scientifique ? S'il est légitime de se poser cette
question, c'est que par le passé, la science a bien souvent servi d'alibi à des doctrines ou des projets
politiques afin de légitimer leurs idées, leurs actions ou leur régime. On a ainsi parlé de
«  socialisme scientifique  » en U.R.S.S et on se souvient des « théories racistes scientifiques » de
savants comme Gobineau ou Carrel, que la génétique moderne a depuis infirmées. Il faut donc
commencer par distinguer ce qui relève de l'idéologie et de la connaissance véritable. Pourtant, on
remarque que le terme « science » est encore fréquemment usurpé et qu'il est appliqué à de
multiples activités qui semblent bien étrangères les unes aux autres.

I A QUOI RECONNAÎT-ON UNE SCIENCE ?

1°) L'efficacité de la science :

a) De prime abord, on peut mesurer l’efficacité de la science aux profondes


transformations qu'elle fait subir à la nature. Si l'on se tourne vers la magie ou la superstition, on
verra assez vite leur impuissance à agir sur le monde. Tandis que les sciences sont effectivement
efficaces en ce qu'elles accroissent (à tort ou à raison), la domination de l'homme sur le monde
matériel. Les sciences ont transformé le monde comme le montre par exemple la découverte des
vaccins avec Pasteur par exemple, qui en 1885, découvre comment vaincre la rage ou Denis Papin
qui invente la machine à vapeur. En comparaison, aucun alchimiste n'a pu réaliser Le Grand œuvre
et transformer le plomb en or. Les sciences dites « occultes » pourraient dès lors être considérées
comme de « fausses sciences », sur le modèle de ce qu'est l'astrologie à l'astronomie, parce qu'elles
n'ont aucune action réelle sur le monde naturel et matériel. Là où la science astronomique affirme
des prévisions confirmées par l'observation, l'astrologie ne fait qu'affirmer des prédictions souvent
démenties par l'expérience vécue.

b) On remarque d'emblée le lien moderne et très fort qui unie science et technique,
les sciences favorisent le progrès technique et se mettent bien souvent à son service. C'est avec
l'émergence de la science moderne (avec Bacon, Descartes et Galilée) que l'occident met en œuvre
un projet de domination, la technique devenant comme une application de la science. Pour agir
sur la nature, il faut d'abord connaître ses lois : « On ne peut commander la nature qu'en lui
obéissant » déclare dans son ouvrage Novum Organum Francis Bacon (1561-1626, philosophe
anglais). Depuis le XVIIIe siècle, la technique transcrit ainsi une volonté de puissance, de maîtrise
et d'exploitation de la nature en prenant pour devise la célèbre formule de Descartes : « nous rendre
comme maîtres et possesseurs de la nature » (Discours de la méthode, 6ème partie, 1637) qui
deviendra le programme de toute la science moderne. La technique est l'expression d'un vouloir
humain et ce vouloir ne peut devenir un pouvoir qu'à la condition de reposer sur un savoir. Il faut
donc que soit connue la relation scientifique de cause à effet pour que puisse s'instaurer la relation
technique de moyen à fin.

c) Cependant, si l'on constate à l'époque moderne que l'évolution des techniques


recoupe celle des sciences, on ne peut pour autant confondre science et technique.
Chronologiquement, la technique précède l'apparition de la science car la connaissance est un luxe
alors que l'action est le plus souvent impérative, cependant on ne peut en conclure que la science
soit le prolongement de la technique car cette dernière ne conduit qu'à des recettes pratiques et
particulières, tandis que la science a pour objet des lois théoriques et générales. La technique a
pour seul but l'efficacité et le résultat (d'ailleurs, l'esprit se trouve satisfait dès que le résultat a été
atteint), alors que l'attitude scientifique consistera à essayer de comprendre comment le résultat a
été atteint, de façon générale et théorique, comme d'une loi de la nature (une chose est d'utiliser un
levier, une autre est de comprendre les lois physiques du levier). Ainsi, le passage de la technique à
la science exige le même « décalage » que le passage de l'intelligence pratique à l'intelligence
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théorique. La science est toute autre chose qu'un simple moyen d'action sur la nature car elle
répond à une curiosité intellectuelle, à un savoir désintéressé. D'ailleurs, si l'action matérielle
et l'efficacité étaient le signe infaillible de la science, on ne pourrait qualifier les
mathématiques pures de « science ».

2°) Toute science nécessite une méthode :

a) Si la connaissance scientifique trouve une légitimité, c'est qu'en science, une


vérification en est toujours possible par la voie la plus universelle, celle de l'expérience. Dans son
sens scientifique, expérience signifie « expérimentation » : observation de certains phénomènes,
interrogation méthodique et réglée. L'expérimentation désigne alors les procédures par lesquelles on
contrôle la vérité d'une théorie ou d'une hypothèse en la confrontant à des faits. Il faut remarquer le
caractère à la fois passif mais surtout actif de l'expérience, car il y a d'une part un élément de
réceptivité (l'observation) et d'autre part et de façon essentielle, un élément lié à l'activité
intellectuelle (la construction de l'expérience). L'hypothèse scientifique elle-même ne naît que s'il y
a un fait à expliquer. Ainsi serait scientifique par excellence la méthode qui commence par
l’observation des phénomènes, qui formule une hypothèse explicative et la vérifie grâce à
l'expérimentation. On peut donc avancer qu'une science se reconnaît par sa méthode.

b) Un fait scientifique ne prend donc sens que dans la théorie qui l'informe. La
théorie se propose alors comme un énoncé universel synthétique, autrement dit, un système
intégrant un très grand nombre de faits, permettant de les comprendre et de les unifier
rationnellement (la théorie de la gravitation de Newton explique à la fois le mouvement des
marées ; le retour des comètes et l'attraction des planètes ou la chute des pommes !). En effet,
une théorie a un rôle unificateur en donnant cohérence aux diverses lois et aux divers secteurs
scientifiques, elle synthétise différents domaines de la réalité et les soumet au même
formalisme mathématique.
Gaston Bachelard (1884-1962) a particulièrement montré que c'est le dialogue entre
l'expérimentateur et le théoricien qui constitue la base de tout travail scientifique, le premier étant
proche du concret et le second, de l'abstrait. « Si elle (l'activité scientifique) expérimente, il faut
raisonner ; si elle raisonne, il faut expérimenter » (Le nouvel esprit scientifique, 1960). Si le
théoricien peut annoncer un phénomène nouveau, inversement, l'expérimentateur peut modifier la
théorie scientifique régnante.

c) Ainsi dans le domaine des sciences expérimentales, le vrai c'est ce qui est vérifié
par un faisceau de preuves de plus en plus serré. Pour Claude Bernard (biologiste français et
théoricien de la méthode expérimentale, 1812-1878), il faut un grand nombre d'expériences réussies
pour confirmer une théorie, alors qu'il ne suffit que d'une seule expérience pour infirmer une
théorie. Il dégage ainsi un schéma de la méthode expérimentale : observation/constatation d'un
phénomène ; puis formulation/élaboration d'une hypothèse ; enfin, expérimentation en vue
d’établir une loi scientifique vérifiée.
La pratique expérimentale se comprend dès lors comme une théorie qui guide une
expérimentation afin de la confirmer ou de l'infirmer. La vérité n'est plus alors absolue mais relative
(dépendante) à l'étendue (en possibilité) ainsi qu'à la précision du champ expérimental, elle dépend
donc sans cesse de la valeur croissante des techniques de vérification, de mesure, on comprend dès
lors pourquoi la vérité absolue ne fait plus partie du vocabulaire scientifique.

Cependant, parler de la science n'a pas pas beaucoup de sens puisque, force est de
constater, que l'on parle à la fois de sciences physiques aussi bien que de sciences économiques,
humaines ou naturelles. Ce nom générique commun serait-il le fait d'une confusion et ne serait-il
pas alors préférable de distinguer plusieurs grandes espèces de sciences ?

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