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V.

SPECTROMÉTRIE DE RÉSONANCE MAGNÉTIQUE NUCLÉAIRE


V. 1. Généralités

La spectroscopie RMN est une technique qui exploite les propriétés magnétiques de certains
noyaux atomiques. Elle est basée sur le phénomène de résonance magnétique nucléaire. Celle que
nous allons étudier est la RMN du proton (les atomes d’hydrogène de la molécule).
La spectroscopie RMN est utile dans l’étude des composés en solution ou à l’état solide. Elle est
utilisée en analyse quantitative et en analyse structurale mais c'est surtout dans ce dernier domaine
qu'elle fait preuve de toute sa puissance car elle permet de préciser la formule semi-développée et la
stéréochimie des molécules organiques.
Le spectre de RMN résulte de l’absorption par l’échantillon de certaines des fréquences envoyées
par une source électromagnétique dans la région des fréquences radio (60 à 600 MHz).
La RMN constitue une forme de spectre d’absorption comme les spectres UV et IR.
V. 2. Comment lire un spectre RMN ?
Un spectre RMN se présente de la manière suivante :
A. Sur l’axe des ordonnées, une unité arbitraire proportionnelle à l’intensité du signal.
B. Sur l’axe des abscisses, la fréquence de résonance convertie en une grandeur appelée «
déplacement chimique » qui ne dépend pas de la fréquence émise par le spectromètre. Le
déplacement chimique est exprimé en partie par million noté PPM et est caractéristique d’une
configuration précise d’atomes d’hydrogène. Ces différentes configurations sont consignées dans
des tables qui peuvent être en dernier recours utilisées pour orienter votre analyse du spectre
RMN.
C. Des pics simples ou multiples qui correspondent aux signaux des atomes d’hydrogène.
D. les courbes « en escalier » correspondent à l’intégration des signaux précédents et leur hauteur est
proportionnelle au nombre de protons (Dispositif appelé intégrateur lié à l’enregistreur permet de
mesurer l’aire des signaux).
Exemple

Fig. V. 1. Présentation
conventionnelle d’un spectre de
RMN des atomes d’hydrogène d’un
composé organique. Ici, spectre de
C3H7Br avec, en superposition, la
courbe d’intégration, qui permet
d’évaluer les aires relatives des
principaux groupes de signaux
repérés sur le spectre.

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V. 3. Principe de la RMN
Lorsque on soumet un noyau de spin nucléaire donné a un champ magnétique il se produit
une interaction qui modifié l’énergie potentiel de noyau.
Un noyau peut être étudié par RMN si son spin nucléaire I est non nul. Pour l’hydrogène, il
n’y a que deux états d’énergie possible car I=1/2. Ces deux états sont appels α (=1/2) et β(= -1/2). Le
spin rendant compte de la rotation d’une particule chargée sur elle-même va induire un vecteur
moment magnétique. Appliquons à ce proton un champ magnétique ⃗ H 0 et soient ⃗
μ1et ⃗μ2 les
projections sur H0* des moments magnétiques correspondant à I1 et I2 (Fig. V. 2). On montre que
l’énergie induite dans de telles conditions est égale au produit du moment ⃗ μ1et ⃗
μ2 sont égaux et
opposés on a ⃗μ1=⃗
μ2=⃗μ❑. On crée donc deux niveaux énergétiques (Fig. V. 2) E1 et E2.

Fig. V. 2. Les deux orientations et niveaux d’énergie du proton.


DE entre les deux états dépend de la force du champ magnétique H0.
Sachant que ⃗μ=γ ⃗
H0
Où : γ rapport gyromagnétique dépendant du noyau
h
Les valeurs de ⃗μ et ⃗
B0 sont quantifiés ⃗
H 0 =h ⃗I h=

⃗μ=γ ℏ ⃗I , { ⃗I : vecteur spin nucléaire¿

Le mouvement de précession avec vitesse angulaire w0 est proportionnel au champ :


w0 = g.H0
D’autre part, w0 = 2 p n0
w0 γ H0
A partir des relations (1) et (2) on obtient : ν 0= =
2π 2π
Donc il est possible d’effectuer une transition entre les deux niveaux en fournissant au noyau
h
l’énergie électromagnétique hν 0=E 2−E1=γ H
2π 0
La fréquence de résonance ν0 est appelée fréquence de Larmor. Elle est en première
approximation directement proportionnelle au champ appliqué 20 =  H0 c’est une relation
fondamentale de la RMN.
La fréquence de transition (résonance du noyau) se situe dans le domaine des ondes radio.

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V. 4. Techniques expérimentales
V. 4. 1. Appareillage
Il existe deux types de spectromètres RMN :
a. Spectromètre à balayage ou à onde continue ;
b. Spectromètre à transformée de Fourier.
a. Spectromètre à balayage ou à onde continue
Un aimant fournissant le champ H0 sépare les états d’énergie du spin nucléaire. L'échantillon
à analyser est placé au centre de l’aimant, dans une sonde qui contient une bobine émettrice et une
bobine réceptrice (Fig. V. 3). L’émetteur et le récepteur sont couplés à travers les noyaux de
l’échantillon (les protons dans ce chapitre). Le spectre obtenu est représenté comme une série de raie
dont la surface et proportionnelle au nombre de protons qu’ils représentent.

Fig. V. 3. Les éléments d’un Spectromètre à balayage.

Inconvénient principal de la technique à onde continue : beaucoup de temps pour enregistrer


un spectre.
b. Spectromètre à transformée de Fourier
1. Une pulsation de radiation (radiofréquence RF) provoque le retournement des spins des noyaux
atomiques dans le niveau d’énergie supérieur.
2. Les noyaux atomiques sont stimulés simultanément.
3. Un signal de RF est émis lorsque les noyaux atomiques retournent à leur état d’origine.
4. Signal détecté avec une bobine de récepteur radio perpendiculaire au champ magnétique statique
5. Signal numérisé et enregistré sur un ordinateur
6. Résultat ensuite converti en un signal de fréquence par une transformée de Fourier
Spectre résultant similaire au spectre produit par balayage.

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V. 4. 2. Echantillonnage
V. 4. 2.1. Echantillons
RMN en solution
Pour RMN1H la quantité de produit nécessaire est de 10 à 50 mg de composé dans environ 0.4ml de
solvant. Placé dans un tube en verre cylindrique de 18 cm de long et de 5 mm de diamètre mis
en rotation au centre d'une bobine magnétique afin d'homogénéiser le champ dans l’échantillon.
V. 4. 2. 2. Solvants
Le solvant idéal choisi pour l'étude des spectres RMN1H dépourvu d'atomes d’hydrogène et
doit être inerte, non polaire, à bas point d’ébullition et bon marché.
Le solvant le plus courant est le chloroforme deutéré (CDCl 3). Il existe d’autres solvants tel
que tétrachlorure de carbone CCl4 , CD3OD, CD2Cl2…
V. 5. Le déplacement chimique
V. 5. 1. Champ induit et constante d’écran
Généralement, au sein d’une molécule, chaque atome se trouve dans un environnement
rapproché qui lui est propre si bien que la valeur du champ extérieur atteignant son noyau lui est
spécifique à moins qu’il y ait des éléments de symétrie particuliers dans la molécule. Ces variations
locales de champ ont pour origine les électrons des liaisons qui par leur circulation créent un très
faible champ induit qui s’oppose au champ extérieur. Cet effet d’écran magnétique, appelé blindage,
conduit à un décalage de la fréquence de résonance par rapport à celle qu’on observerait pour le
même noyau dans le vide (Fig. V. 4).
Un nuage électronique crée un champ ⃗ H i=−σ i ⃗
H0

avec si : constante d'écran dépend de la densité électronique autour du noyau i.

Un noyau i soumis au champ local H i=H o (1−σ i)


H
La Fréquence de résonance est νi =γ i

Ho
En remplaçant Hi, la Relation de Larmor de vient νi =γ (1−σ i )

Plus la constante d'écran σ i grande plus le champ nécessaire à la résonance sera élevé.

Fig. V. 4. Blindage diamagnétique des noyaux créé par circulation des électrons.

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Remarque
 Protons de même environnement chimique : résonance pour le même champ, sont des noyaux

magnétiquement équivalents (isochrones) ; même d (Fig. V. 5).

Fig. V. 5. Spectre RMN1H de molécule symétrique.

 Protons avec des environnements différents : résonance à des fréquences différentes sont des noyaux
magnétiquement différents (anisochrones) ; d ≠ (Fig. V. 6 ).

Fig. V. 6. Spectre RMN1H de molécule asymétrique.

V. 5. 2. Mesure du déplacement chimique


La position des différentes raies est fonction de si par rapport à une référence.
Cas du RMN1H: La référence est le tétraméthylsilane ((CH3)4Si) noté TMS.

Le signal du TMS apparaîtra à l’abscisse 0 sur le spectre (les 12 H ont le même


environnement électronique. Ils donnent un signal unique). C’est un composé inerte et volatil
(Teb=27°C) que l’on dissout à 1 à 2% dans la solution de l’échantillon.
On introduit une échelle de notation : le déplacement chimique noté di
δ i=σ ref −σ i
Comme Href = H0-srefH0
et
Hi = H0 - si H0

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Donc le déplacement chimique devient
H i−H ref
δ i=
H0
Sachant que
Hi
νi =γ

Le déplacement chimique final devient
ν i−ν ref
δ i=
ν0

di est de l’ordre du millionième. Par commodité, exprimé en partie par million (ppm). di est sans
dimension:
ν i−ν ref
δ ppm = . 106
ν0
Avec : ν i : fréquence de résonance du noyau i ;
ν ref : fréquence de résonance de la référence (TMS) ;
ν 0 : fréquence du champ statique H0.

Comme δ est caractéristique de l’environnement du proton, donc la valeur de δ permet une


identification des groupes de protons.
Un proton qui résonne vers les champs forts sera dit « blindé » alors qu’un proton qui résonne
vers les champs faibles sera dit « déblindé » comme est illustré sur la Fig. (V. 7).

Fig. V. 7. Effets d’écran en fonction de déplacements chimiques en RMN du proton.

V. 5. 3. Facteurs affectant les déplacements chimiques


Plusieurs facteurs vont affecter le déplacement chimique :
 Un effet électronique attracteur va diminuer les densités électroniques donc déblinder les protons,
réciproquement un effet donneur provoque un blindage. Par exemple, les protons d’un
groupement méthyle engagés dans un alcane (CH3-R) résonnent vers 0,9 ppm alors que dans un
éther (CH3-OR) ces mêmes protons donnent un signal aux alentours de 3,3 ppm (Fig. V. 8)

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Fig. V. 8. Effets électroniques inductif.

 La présence de liaisons π crée un phénomène d’anisotropie magnétique, c’est-à-dire que le nuage


π crée un cône fictif appelé cône d’anisotropie; Plus le noyau est éloigné du cône d’anisotropie,
plus l’effet diminue (Fig. V. 9).

Fig. V. 9. Effets d’anisotropie et de champs locaux induits.

Les protons éthyléniques sont déblindés car ils sont situés dans un plan appauvri en électrons.
Inversement, les protons acétyléniques, situés dans l’axe de la liaison CºC, sont plongés dans
une zone riche en électrons et sont par conséquent blindés.
Les protons aromatiques sont fortement déplacés vers les champs faibles parce qu’à
l’effet d’anisotropie précédent, s’ajoute un champ local provenant du « courant de cycle », qui se
superpose au champ principal au niveau de ces protons.
 La présence de liaisons hydrogène intermoléculaires dont l’importance est largement fonction de
la concentration en substrat implique que les protons engagés dans de telles interactions (−OH,
−NH2…) vont résonner sur une très large plage de déplacements chimiques (par exemple OH
entre 0,5 et 7,7 ppm et NH2 entre 1 et 5 ppm).

V. 5. 4. Tables des déplacements chimiques


Tables empiriques des déplacements chimiques de RMN1H de 0 à 15ppm en fonction des
structures sont résumé dans la Fig. (V. 10) par rapport à la référence TMS (d = 0).

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Fig. V. 10. Déplacement chimique des principaux types de protons des molécules organiques en RMN.

Quelques exemples de déplacements chimiques usuels sont indiqués sur le tableau 1. Un


proton de typeméthyle (CH3) sera plus blindé qu’un proton méthylène (CH2) lui même plus blindé
qu’un proton méthine (CH).

Tableau 1. Déplacements chimiques des principaux protons.

V. 6. Les protons (atomes d’hydrogène) équivalents


Des protons équivalents sont représentés par le même signal sur le spectre. En effet, plusieurs
protons peuvent contribuer au même signal. Des protons sont équivalents s’ils ont le même
environnement chimique. On considère des protons comme équivalents s’ils sont portés par le même
atome de carbone, ou s’ils sont portés par deux atomes de carbone impliqués dans une relation de
symétrie dans la molécule (Fig. V. 11).

Fig. V. 11. Protons équivalents.

V. 7. Les protons voisins

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Deux atomes d’hydrogène sont dits voisins s’ils sont séparés par trois liaisons simples. Si des
atomes d’hydrogène sont séparés par plus de 3 liaisons simples, ils ne sont pas voisins (Fig. V. 12).

Fig. V. 12. Proton voisins.


V. 8. La courbe d’intégration
La courbe d’intégration du spectre RMN correspond au nombre d’atomes d'hydrogène
équivalents responsables du signal. La hauteur de chaque palier est proportionnelle au nombre
d’atomes d’hydrogène équivalents responsable du signal (Fig. V. 13).
Exemple
Le spectre RMN1H du composé (CH3)3C-CH2-OH (Fig. V. 13) montre la présence de 3
signaux de surface relatives intégrant 9, 2, 1 H :
d=1,4 ppm; 9 H de groupe tertiobutyle ;
d=3,9 ppm; deux protons du groupe CH2 ;
d=4,3 ppm; proton du groupement O-H.

Fig. V. 13. Spectre RMN1H du composé (CH3)3C-CH2-OH avec


superposition de courbe d’intégration.
V. 9. Multiplicité des signaux
Un signal de résonance comporte souvent plusieurs pics dû aux différents couplages spin-
spin. On peut tirer une information sur la molécule en comptant le nombre de pics selon la règle
suivante : si un ensemble de pics dispose de n pics, alors les atomes d’hydrogènes contribuant à cette
partie du signal seront entourés de n-1 atomes d’hydrogène voisins.
Exemples
La figure V. 14 présente un spectre RMN1H du composé C3H7Br :
- un proton dispose de deux voisins,
alors son pic sera un triplet soit 3 pics.

- un proton dispose d’un voisin,


alors son pic sera un doublet soit 2 pics.

Fig. V. 14. Spectre RMN1H du composé C3H7Br.


- un proton dispose de n voisins,
alors son pic sera un multiplet soit (n+1) pics.

V. 9. 1. Le couplage spin-spin
Champ local auquel est soumis le proton dépend de son environnement électronique. Il est
influencé par la présence et l’orientation des spins d’autres noyaux si ces spins différent de zéro.
Le champ local réel reçu effectivement par le proton résonant est perturbé par le champ
magnétique exercé par le noyau voisin.
Soit Ha le proton résonant et Hb le proton voisin de Ha (Fig. V. 15)

Fig. V. 15. Deux protons voisins Ha et Hb.


Le champ local au voisinage de Ha est influencé par les 2 orientations possibles du spin de H b
(+½ et -½):
- Spin = +1/2 : champ local blindé
- Spin = -1/2 : champ local déblindé
L’effet de deux champs des deux orientations de Hb magnétiques sur Ha provoque un signal
RMN sous la forme d’un doublet (Fig. V. 16).

Fig. V. 16. Déplacement chimique de Ha. En pointillé : Ha en l'absence de Hb.

V. 9. 2. Constante de couplage J
L’interaction entre noyaux est appelée couplage spin-spin. Elle se transmet par les électrons
de liaison. L’importance du couplage est estimée par une constante J (Fig. V. 17):
- J : constante de couplage, exprimée en Hertz
- Indépendante du champ magnétique externe
- Renseigne sur le voisinage des noyaux

Fig. V. 17. Constante10de couplage J


Les couplages ne peuvent apparaître qu'entre protons non équivalents

V. 9. 3. Généralisation pour un système de premier ordre


HA couplé avec n protons équivalents voisins le signal est multiplet de (n+1) raies. Les
intensités relatives des raies suivent la règle de triangle de Pascal.
Nombre de voisins Nombre de pics Nature du signal
isochrones (n) et intensité relative
0 1 singulet
1 1 1 doublet
2 1 2 1 triplet
3 1 3 3 1 quadruplet
4 1 4 6 4 1 quintuplet
5 1 5 10 10 5 1 sextuplet
6 1 6 15 20 15 6 1 heptuplet

Exemple
CH3-CH2-Cl :
- Signal du -CH2- :
quadruplet d’intensités 1/3/3/1
-Signal du -CH3 :
triplet d’intensités 1/2/1

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