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Groupe SLA-01
PROJET D’INTÉGRATION
Travail présenté à
M. Pierre LETARTE
Cégep de Trois-Rivières
Abstract
This booklet is wanted to be the demonstration of a hypothesis that may seem “far-
fetched”. You will find the answer to the following question: “Why is man wearing the
beard?”Does-it appear obvious to you? After à diligent searching, I have come to the
conclusion that if man wears the beard, it is mainly to distinguish himself. Nature first
decides for him about his body and his fellow men’s one. If he has the opportunity to
grow a beard, he can do it or not, following the image he wants to show. Finally, the
man can be forced to wear a beard or to shave it under the command of a superior. In
details, here is the meaning of the beard.
Table des matières
Résumé \ Abstract............................................................................................................IV
Table des Figures et des images.......................................................................................VI
Introduction........................................................................................................................1
La structure.........................................................................................................................3
I : Une distinction naturelle................................................................................................7
A : L’adulte et le bambin..........................................................................................7
B : L’homme et la femme.........................................................................................9
C : Le barbu et l’imberbe........................................................................................11
D : Le vieillard et le jeune homme..........................................................................13
II : Une distinction volontaire...........................................................................................16
A : Image de puissance...........................................................................................16
B : Image de sagesse...............................................................................................20
C : Image de violence..............................................................................................22
D : Image de beauté................................................................................................25
III : Une distinction forcée...............................................................................................29
A : Il ne parlait pas dans sa barbe….......................................................................29
B : Rire dans sa barbe, c’est…................................................................................32
C : Te faire avaler ta barbe…..................................................................................33
Conclusion........................................................................................................................34
Médiagraphie....................................................................................................................35
Table des figures et des images
Qui est ce gros bonhomme, aux yeux cachés par de vieilles lunettes et à la longue
chevelure blanche? Qui est cet homme, qui porte une barbe blanche et fournie à souhait?
Le Père-Noël, bien sûr! La première question présente plus de renseignements à propos
de notre personnage que la seconde, mais elle ne permet pourtant pas, à elle seule,
d’identifier le mythique vieil homme. Un seul détail y est manquant, mais tout un. C’est
grâce à sa barbe unique qu’on le distingue avec assurance de tout autre homme.
un effet différent d’une autre. La barbe fait d’abord office d’insigne du pouvoir absolu
dans la plupart des grandes religions de l’histoire occidentale. Puis elle est associée à la
sagesse, à la virilité, à la méchanceté, aux soins corporels ou à l’absence de ceux-ci. Si
3
chaque homme est forcé de se raser ou de s’en abstenir dans un groupe donné, c’est
qu’une instance supérieure en décide ainsi. On constatera alors que celle-ci décide
d’abord de la pilosité de ses sujets par soucis de distinction. On différencie un peuple
religieux des autres, on distingue chaque personnage d’une saga ou on abolit au
contraire toute distinction.
1
Bo FORSLIND et Magnus LINDBERG. Skin, hair, and nails: Structure and function, New-York,
Marcel Dekker, Inc., 2004, 488p.
5
0,4 mm par jour, les cheveux peuvent atteindre une longueur de plusieurs mètres à cause
de leur espérance de vie plus longue que les autres, tandis que ceux-ci ne dépassent
6
généralement pas les quelques centimètres pour la raison inverse. L’organe du poil
organisant sa croissance ainsi que sa mort, son cœur, est appelé la matrice du poil. Celle-
ci se trouve par-dessus une cavité appelée la papille du poil. La matrice est la partie
qui demeure en place, avec le follicule pileux, après la mort de chaque poil. C’est elle
qui dirige sa création, sa croissance et sa mort. Le cycle de vie du poil est dû à
l’accumulation de keratinocytes, cellules assez rigides généralement constituantes de la
peau, qui se multiplient et s’accumulent dans la papille. Les cellules matricielles se
débarrassent des keratinocytes en les forçant à s’agglutiner pour former une structure
rigide qui suivra le follicule pileux jusqu’à la surface de la peau.
Quand la nature décide pour l’humain de son apparence, elle en fait un être
capable de se différencier de ses semblables plus que tout autre animal. Par son étrange
pilosité corporelle, d’abord, puis par celle qui recouvre son visage, il se distingue des
autres vivants. Même au sein de l’espèce, chaque individu est unique. C’est maintenant
le barbu qui nous intéresse, dans un curieux face à face avec l’autre.
A : L’adulte et le bambin2
Avant d’avoir une barbe bien fournie, il faut d’abord accepter le traditionnel
« duvet » qui recouvre inévitablement le menton, les joues et le dessus de la lèvre
supérieure durant la puberté. Le développement des poils faciaux, comme celui de la
plupart des caractères sexuels secondaires, s’effectue avec l’apport des hormones
androgènes mâles et femelles. Les formes de la femme se dessinent grâce aux
œstrogènes et à la progestérone, tandis que la voix de l’homme change suite à l’action de
la testostérone, provenant d’abord des testicules en croissance, sur certaines parties de sa
gorge. La modification qui nous intéresse est évidemment celle se déroulant à la surface
de la peau du menton des hommes pubères : le développement de la barbe. Celui-ci est
enclenché par l’arrivée de testostérone aux follicules pileux. Le développement de la
barbe débute à la puberté mais ne s’achève, en moyenne, que vers la mi-trentaine.
2
Bo FORSLIND et Magnus LINDBERG. Op. cit.
8
La croissance des poils suit une courbe variant selon les saisons et la sécrétion
d’androgènes. Il a été démontré que les mois de juin et de juillet sont ceux au cours
desquels les poils poussent le plus rapidement. En effet, comme le montre la figure 2,
8
La puberté est une période charnière pour l’homme en devenir. Sans celle-ci, la
présente recherche n’aurait que peu de sens. C’est à partir de l’âge pubère qu’un garçon
se distingue réellement d’une fille du même âge. À partir de maintenant, nous ne
considérerons plus le jeune garçon lorsqu’il sera question de l’homme. Nous pourrons
centrer notre attention sur l’adulte qui, d’une manière ou d’une autre, est différent des
autres, soit par sa barbe ou son absence. Outre le gamin, l’homme se distingue
principalement de son homologue féminin, à qui il est pratiquement impossible de se
laisser pousser la barbe. Tout est encore une question d’hormones.
B : L’homme et la femme
3
Jan BAETENS, Hergé, écrivain, Paris, Éditions Labor, 1989, p.35.
10
entraînant une pousse exagérée des poils d’un homme ou d’une femme. On compte près
d’une vingtaine de cas connus de femmes à barbes. Quelques unes d’entre elles ont été
faussement identifiées à des monstre et exhibées dans des foires ou des cirques. Faisant
fi des ces rares exceptions, nous éliminerons également les femmes de l’ensemble de nos
barbus potentiels.
symbole le plus représentatif de l’homme, amène la réflexion quant aux éternels conflits
d’égalité homme, femme. Que ce soit la barbe qui ait situé l’homme au dessus de la
femme, ou bien l’homme qui, s’étant posté au dessus d’elle, aurait élevé la barbe au
statut d’insigne de pouvoir, il est indéniable que la barbe signifie aujourd’hui dans
l’inconscient la virilité, la force et la puissance. C’est principalement en comparaison à
la femme que ces caractéristiques peuvent être associées à un simple attribut physique.
4
Maurice CROISET, La civilisation de la Grèce antique, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1969, p.18.
5
Molière, L’École des femmes, 17 mars 1663, cité par Jean FONTÈS, « Les trois vertus des
barbus », Historama, Histoire magazine, n° 61(mars 1989), p.58-61.
11
Le lien n’est pourtant pas totalement fictif. L’homme, en moyenne, peut véritablement
déployer une force plus grande que celle de la femme.
Les différences visibles entre l’homme et la femme se comptent presque sur les
doigts. La barbe en est certainement la plus flagrante et aussi celle sur laquelle sont
basés le plus de préjugés. De ce fait, la barbe est la distinction la plus évidente entre
l’homme et la femme. On distingue le sexe fort du sexe faible. C’est une distinction de
force. Outre la femme et le bambin, qui donc se distingue de l’homme barbu? Certains
peuples sont dans l’impossibilité de laisser leur barbe pousser. Nous nous attarderons
bientôt à cette dernière différence entre le barbu de nature, et les autres.
C : Le barbu et l’imberbe6
L’ancêtre de l’homme, homo sapiens, et ses propres ancêtres étaient tous poilus
de la tête aux pieds. L’évolution de l’homme dans divers milieux a cependant favorisé
une différenciation non-négligeable de la pilosité des peuples en fonction de leur lieu
d’évolution. La présence de la barbe dans les populations mâles du globe creuse un fossé
flagrant entre deux catégories d’hommes : les barbus et les imberbes. Bien que
l’appartenance à l’un ou l’autre des groupes ne donne pas d’indication absolue à propos
de l’origine d’un individu, on constate que le trait est généralement lié à certaines
6
Bo FORSLIND et Magnus LINDBERG. Op. cit.
12
L’être humain aurait, après s’être couvert de vêtements pour se protéger des
intempéries, perdu une grande part de sa pilosité corporelle. Les poils jouent pourtant,
on l’a vu, un rôle crucial dans la sélection naturelle. En effet, en plus de présenter un
caractère particulier, le corps sécrète des phéromones via les poils se retrouvant sur
l’ensemble du corps. Se privant des siens, l’homme compenserait leur rareté par un taux
de croissance et une durée de vie accrue des poils faciaux. Les cheveux et les poils de la
barbe seraient, entre autre, plus longs pour attirer la femme.
La taille démesurée des poils crâniens auraient peut-être une utilité purgative,
débarrassant le corps d’un excès de métaux lourds. En effet, la mélanine a l’heureuse
propriété de coller à certains métaux lourds, assimilés par le corps alors que les humains
avaient pour principale alimentation les produits de la mer – ceux-ci sont
particulièrement susceptibles de contenir des métaux lourds tel le mercure, le fer, le
cuivre ou le nickel qui peuvent donner de sérieux problèmes au système nerveux – aux
abords de laquelle, ils ont principalement évolué. En se déposant périodiquement dans le
poil et en y trainant les métaux lourds, la mélanine aurait favorisé la santé des hommes
et son évolution aurait tendu vers une croissance plus rapide des poils.
La nudité de l’homme aurait également mis l’accent sur les poils faciaux.
Accompagnés d’un visage déjà très expressif, les poils aurait été un aspect visuel très
important dans le choix du partenaire sexuel chez certaines populations, alors que le
glabrisme aurait été plus attrayant pour d’autres.
Dorénavant, l’homme, lorsqu’il sera cité, sera considéré comme l’adulte mâle à
qui la chance est donnée de se laisser pousser la barbe. À des fins pratiques, seront
13
éloignés l’imberbe, la femme et, comme dit précédemment, l’enfant. C’est maintenant
l’homme barbu qui est le centre de notre intérêt. Voyons ce que la nature lui réserve…
7
Bo FORSLIND et Magnus LINDBERG. Op. cit.
14
Image 3 : L’exagération de la pigmentation des poils humains est visible sur ce roux
Source : Ludo, LES ! JEUX – LE ! Blog du foot !, [En ligne], http://footludo.over-blog.com/categorie-
1264510.html (page consultée le 14 mai 2009).
Avec l’âge, la quantité de mélanocytes présents dans la matrice des poils diminue
et s’approche graduellement de zéro. Lorsqu’un poil, ne reçoit plus le pigment auquel il
est habitué, il grisonne et blanchi. En fait, la quantité de mélanocytes diminue, mais c’est
15
҉
Jusqu’ici, nous ne faisons que constater l’entière victoire de Dame Nature
contre l’homme qui est soumis à ses lois et ne peut que subir ses volontés. C’est elle qui
dicte sa physionomie, celle de l’enfant, de la femme, de l’imberbe, du roux ou du
vieillard. L’homme n’en a pas encore le choix, et déjà il se distingue des autres. Est-il si
dépendant de la nature? Ce que nous verrons au cours des parties suivantes, dépend de
la réponse à cette question. Et si non, a-t-il vraiment le choix de se distinguer ou pas?
Suivant une distinction toute naturelle, voici une distinction volontaire.
II : Une distinction volontaire
A : Image de puissance
royaume. L’Égypte antique est également le berceau d’une première forme d’écriture,
permettant aux scribes de l’époque de transmettre aux sociétés modernes des
18
informations fort précieuses à propos du mode de vie des Égyptiens moyen de l’époque.
Ce qui put être étudié et qui demeure, encore aujourd’hui, étudiable, nous révèle que le
paysan, le boucher, le chasseur, comme la très grande majorité des Égyptiens, sont
répugnés par tout poil8. L’épilation était d’ailleurs connue et utilisée à outrance par les
femmes et les hommes du pourtour du Nil. Paradoxalement, chacun est chevelu (parfois,
on préfère la perruque aux vrais cheveux) et le port du postiche est même un des
attributs principaux du souverain. Pourquoi porter une fausse barbe alors qu’en général,
les poils répugnent tous les Égyptiens? « Sans doute parce que cela pose son homme, lui
donne un air d’autorité, de sagesse » répond Florence Maruéjol, égyptologue. Certains
dieux sont également représentés avec une barbe, qui se distingue toutefois de celle des
rois par sa forme. Celle des pharaons est rectangulaire et massive et s’élargit légèrement
à son extrémité tandis que celle des dieux (ou des rois si ceux-ci sont représenté en
Osiris) se rétrécit en allongeant et se termine en courbe à son extrémité. Certains rois
protégeaient même leur postiche dans un étui d’or9. La barbe des dieux et des dirigeants
ou l’absence de celle-ci chez les autres témoigne d’un respect alors déjà établi envers ce
symbole de puissance et de force virile10.
Les exemples de ces représentations ne manquent pas dans les musées égyptiens ou
directement dans les vestiges de tombeau et de temples. On peut effectivement observer
des sculptures, des bas reliefs ainsi que des peintures présentant autant de scène de la vie
quotidienne que de pharaons ou de dieux, ces derniers ayant le monopole de la barbe.
Thoutmosis III, Aménophis IV, Ramsès II, Séthi II11, le roi Thor, Osiris12 et bien d’autres
portent généralement la barbe qui leur est propre sur leurs divers portraits. Inversement,
les scènes du quotidien des Égyptiens moyens montrent des hommes complètement
dépourvus de poils à l’exception de leur chevelure. Si la barbiche était bien réservée aux
8
Florence MARUÉJOL, L’Égypte ancienne pour les nuls, Paris, First Editions, 2006, 410 p.
9
Thibaut RÉMUZAT, « Une histoire au poil », Historia, No 678 (juin 2003), p. 44-45.
10
Jean GARDIN et al., « Barbe », Petit Larousse des symboles, Paris, Larousse, 2006, p. 79-82.
11
Jean YOYOTTE, Les trésors des pharaons, Genève, Suisse, Skira, 1968, 262 p.
12
François DAUMAS, « Égypte antique », Encyclopædia Universalis, Paris, Encyclopædia
Universalis, p.919-984.
19
rois et dieux, c’est en quelque sorte pour créer un fossé visuel évident entre l’homme de
la foule et l’homme sacré. Ainsi, quiconque s’y attarde peut désormais
distinguer celui-ci de celui-là par les simples formes superficielles qui ornent son
menton. Un exemple supplémentaire démontrant l’importance de ce signe distinctif est
celui d’une femme qui, jadis, gouverna l’Égypte en tant que pharaon. La reine
Hatchepsout serait la seule femme à avoir dirigé l'Égypte pharaonique.13 La récente
découverte de son corps a bouleversé le monde de l’archéologie. Certains avancent
même que cette découverte serait la plus importante dans la vallée des Rois depuis la
mise au jour de la tombe de Toutankhamon. Cette femme est l’initiatrice d’énormes
projets de construction. Le fait est que cette reine, qui s’est autoproclamée pharaon,
portait la fausse barbe comme ses prédécesseurs masculins. C’est dire à quel point le
symbole était important pour l’image du pharaon.
13
[ANONYME]. Archéologie : Hatchepsout identifiée, [En ligne], http://www.radio-canada.ca/
nouvelles/Science-Sante/2007/06/26/001-Egypte-Hatchepsout.shtml, (page consultée le 19 avril
2009).
20
La religion de la Grèce antique prenait une place très importante dans la vie des
populations grecques. Ce fait est relaté par les auteurs de l’époque et les historiens
d’aujourd’hui. En fait, leur polythéisme, qui venait de l’observation même des
phénomènes naturels indescriptibles, est le seul élément dont nous sommes encore
certains. Maurice Croiset a écrit : « Le Grec se représentait les dieux comme des êtres
très puissants, invisibles et immortels »14. Cette présentation des dieux par leurs
propriétés se constate aisément en observant les représentations que les artistes grecques
en ont faites. Les sculptures, principaux outils d’analyse des représentations divines,
présentent des dieux aux traits particuliers, selon qu’il soit le dieu de tel ou tel élément.
Athéna, par exemple, est la déesse de la sagesse et de la guerre15 et est habituellement
représentée avec un livre et un casque, ou parfois une lance. Apollon. Le dieu soleil, de
la lumière et de la musique16 est représenté avec sa lyre. Comment, alors, représenter
Zeus, le roi des dieux, celui qui est le père de la plupart d’entre eux? Comment
s’imaginer un dieu surpuissant, qui maitrise la foudre et dicte les lois des dieux? Les
Grecs l’ont d’abord présenté calme, plus grand que les autres et souvent assis, mais par-
dessus tout, ils l’ont doté d’une barbe pleine, fournie et particulièrement protubérante. Il
n’est pas la seule divinité grecque à porter une barbe – on peut notamment voir
Poséidon, dieu des torrents, représenté avec une longue barbe – mais sa taille et son
allure, jumelée à celle de son visage grave, lui donne une « expression majestueuse et
sereine, qui convient au roi des dieux […] Quand Zeus fronce le sourcil, la terre tremble
14
Maurice CROISET, La civilisation de la Grèce antique, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1969.
15
Tony SEVERIN S. J., La Grèce antique, Liège, H. Dessain, 1962, 112 p.
16
Ibid.
21
et le tonnerre gronde17 ». Encore une fois attribuée à une entité beaucoup plus puissante
que l’humain, la barbe est, cette fois-ci, le signe de la domination d’un dieu parmi les
dieux, tandis qu’en Égypte, la barbe situait les dieux par rapport aux hommes.
B : Image de sagesse
Sans être un dieu, il est tout de même possible de profiter de la barbe pour
sembler plus brillant. Curieusement, la longue barbe blanche tantôt décrite fait presque
toujours office d’insigne de l’érudition. Quand ce ne sont pas les philosophes grecs qui
la portent, ce sont les magiciens des contes, ou bien les savants les plus connus de
l’histoire scientifique, ou encore les druides et les mages des histoires fantastiques. Le
port de la barbe blanche renvoie invariablement à l’image de la sagesse. Peut-on trouver
l’origine de ce stéréotype dans l’âge de son porteur? Assurément! Tous les préjugés
viennent de quelque part. Si biologiquement, cette barbe blanche est réservée aux
hommes d’un certain âge, et que, psychologiquement, la sagesse est réservée à qui a
17
Tony SEVERIN S. J. Op. cit.
22
vécut assez longtemps pour l’acquérir, il est logique de voir plus d’hommes sage à la
barbe blanche qu’à la barbe rousse.
Les philosophes grecs étaient dotés d’une puissante barbe, comme le montre l’art
grec, par sa sculpture ou par la panoplie de ses vases décorés. 18 Socrate et son fidèle
Platon, pour ne nommer que ceux là, sont toujours représentés à un âge assez avancé et
décorés d’une barbe. En grec, le mot pogonotrophos signifie homme barbu ou
philosophe.19 Le Grec moyen ne portait pourtant pas la barbe, du moins, selon ce qu’il
nous reste des représentations de scènes de la vie quotidienne grecque. Les philosophes
et les héros, oui. « Les philosophes grecs étaient distingués par leur barbe 20». Encore ici,
la clé de l’énigme est là. Si le philosophe grec portait la barbe, c’était pour se distinguer.
Si on voyait jadis un homme à la belle barbe blanche, c’est qu’il était philosophe.
Image 6 : Socrate
Source : [ANONYME]. « Socrate », dans LES PHILOSOPHES GRECS, Les philosophes
grecs : Socrate, [En ligne], http://www.greceantique.net/socrate.php (Page
consultée le 29 avril 2009).
Évidemment, cette règle n’est pas absolue. Chaque cité grecque avait ses codes.
Même encore, si la barbe devait appartenir au philosophe à Athène, il était toujours
possible que certains paysans et certains vieillards portassent la barbe, ceux-ci n’étant
qu’une minorité. Il convient de rappeler que la barbe était avant tout, en Grèce, un
18
Michael SHALLY-JENSEN, « Beard », Encyclopedia Americana: International edition, Danbury,
Connecticut, Scholastic Library publishing, Inc., 2004, B – Birling, p. 403.
19
Ibid.
20
Ibid.
23
attribut des dieux et du père de famille. Voilà qui renforce clairement le lien entre le
sage et le barbu.
C : Image de violence21
Pourquoi les pirates les plus connues ont-ils tous une barbe mal sale et hirsute?
Pourquoi ceux qui les créent ou les représentent leur en attribuent-ils toujours une
vilaine? Assurément, la barbe n’est plus vue comme l’indice d’une sagesse ou d’une
puissance particulière dans ce contexte de piraterie. Encore une fois, ce sont plusieurs
centaines d’années d’associations entre un trait de caractère et un trait physique qui
auront contribué à la formation de stéréotypes puissants qui influent encore sur la
perception que nous avons du barbu. C’est la barbe du méchant et de l’homme violent.
Le stéréotype doit finalement être vu en détail afin de comprendre dans toute son
importance la force d’une simple image.
isolés de choisir un homme parmi plusieurs pour l’aider à résoudre une énigme, une
pluralité choisirait certainement un homme à barbe blanche plutôt qu’un imberbe ou
qu’un autre barbu.
D’où viennent ces stéréotypes? Eugene Hartley a démontré, en 1946, que les
stéréotypes ne provenaient pas absolument de l’expérience, en évaluant l’attitude
d’Américains envers 35 groupes ethniques. Parmi ces 35 groupes, trois étaient fictifs…
L’étude a démontré que les trois groupes fictifs étaient ceux les plus craints par les
résidants des États-Unis. Pourtant ceux-ci ne pouvaient vraisemblablement pas avoir eu
de mauvaise expérience avec l’un ou l’autre de ces 3 groupes. Il semblerait que les
stéréotypes proviennent essentiellement de l’éducation qui est prodiguée à l’enfant. Si
un parent a des préjugés, il les transmettra à ses enfants. Le statut social y joue
également un rôle car « ceux qui ont le plus besoin de se démarquer d’un groupe dominé
sont ceux qui appartiennent au groupe dominant, mais au bas de l’échelle. Ainsi, aux
États-Unis, nul n’étaient plus racistes que les "petits blancs" du sud 23». Pourtant, la
provenance du stéréotype chez l’enfant n’explique pas sa provenance fondamentale. En
scrutant l’histoire, on peut supposer que chaque stéréotype tient sa source d’une aversion
ou d’une admiration d’un groupe différent du nôtre. Les philosophes grecs, par exemple,
auraient, à cause de leur érudition, forgé l’idée qui indique qu’un porteur de la grande
barbe grise est plus intelligent que la moyenne.
Les stéréotypes perdurent à cause de leur rôle dans la société. Plusieurs facteurs
sont responsables du maintient des principaux stéréotypes. D’abord, la perception et la
mémoire sélective permettent à ceux qui croient à certains stéréotypes de recevoir les
arguments en faveur de leur opinion des groupes impliqués et de rejeter ou d’oublier
ceux à leur encontre. La pseudo-rationalisation permet aussi au « croyant » de conforter
sa croyance en donnant des « exceptions » aux groupes stéréotypés. Par exemple,
l’expression suivante : « Je connais un noir qui est étrangement très intelligent ». Cette
phrase laisse sous-entendre que les noirs n’ont pas coutume d’être intelligents. Bien
qu’elle donne un cas contraire, elle supporte l’existence d’une association entre la
23
Claudie BERT, loc. cit.
25
Autant la vue d’une belle barbe blanche peut donner une impression de sagesse et
de savoir, autant celle négligée du pirate fait l’effet d’une douche froide sur les
populations côtières de certaines régions du globe depuis des millénaires. L’image
moderne du pirate type est celle que nous présentent les livres et les films traitant
d’histoires de pirates du temps de l’exploration maritime et du colonialisme – surtout le
colonialisme britannique. Ceux-ci existent pourtant depuis l’aube de la civilisation
occidentale, en orient comme en occident, et pillent bateaux et villes côtières à la
recherche d’or ou de denrées pouvant être utiles à leur survie ou revendues sur le marché
noir. Le mode vie du pirate ne laisse apparemment que peu de temps à ses soins
corporels. La plupart des pirates célèbres représentés portent la barbe hirsute, longue et
de couleur variée. Les frères Barberousse, Barbe Noire, Davy Jones et plusieurs autres
encore sont représentés barbus. On peut affirmer que leur caractère agressif et malfaisant
fut associé à leur apparence tout au long de l’histoire et que ce qu’il nous en reste, ce
sont quelques symboles clichés, parmi lesquels on trouve invariablement la barbe.
Pour une troisième fois, le même ornement prend une signification différente. Si
un homme veut paraître méchant, il sait ce qu’il lui reste à faire. À l’opposé, s’il veut
plaire, il existe un dernier moyen de le faire par le port de la barbe. Il suffit de la tailler,
c’est plus beau.
26
D : Image de beauté24
24
Jean-Yves BAUDOUIN et Guy TIBERGHIEN. « Visage, ô beau visage », Sciences humaines, No
162 (juillet 2005), p. 26-31.
27
La conjoncture actuelle aurait-elle une influence sur les choix capillaires? Et bien
oui, la crise économique actuelle fait effectivement varier les tendances, selon plusieurs
stylistes. La barbe reprend du poil de la bête et l’explication en est simple : « dans des
temps difficiles, mieux vaut montrer sa sagesse que son intrépide jeunesse ». C’est ce
que pense Mathieu Perreault, journaliste de La Presse.
Il faut d’abord tenter d’éclaircir les principaux critères d’appréciation d’un visage
avant de trouver la place qu’y occupe la barbe. Des psychologues et des sociologues se
sont longuement penchés sur la question pour finalement en arriver à un « simili »
consensus séparant les différents facteurs qui feraient qu’un visage soit très beau, moyen
ou laid. Ce sont les caractéristiques néoténiques, matures, sénescentes, expressives ou
de soin. Chacune de ces caractéristiques est responsable d’une part de la beauté que
28
quelqu’un voit en un autre individu, à part les sénescentes. La première concerne les
traits du visage propres au nourrisson. Des grands yeux et un petit nez en sont des
exemples. La deuxième est celle qui englobe l’ensemble des traits acquis à la puberté ou
de ceux qui s’opposent aux caractéristiques néoténiques. Celles-ci couvrent l’apparition
de poils plus visibles au visage ainsi que la perte des coussinets buccaux, augmentant les
saillies des pommettes et du menton. Les caractéristiques sénescentes sont celles liées au
vieillissement du visage, les expressives sont celles concernant l’expression en réaction
à des émotions et les caractéristiques de soin sont celles démontrant l’attention que porte
une personne à son corps et l’hygiène qu’elle y applique. Mises à part les
caractéristiques sénescentes, elles jouent toutes un rôle dans la perception de la beauté
d’une personne à divers niveaux. Les stéréotypes entrent ici en jeu alors qu’un trait
physionomique est associé à un caractère particulier. Les traits néoténiques font sembler
une personne plus jeune et plus fragile. « Au contraire, une personne qui présente des
traits plus matures […] sera au contraire jugée plus…mature justement, avec certaines
aptitudes intellectuelles, un plus grand sens des responsabilités et une plus grande force
physique et psychologique. Elle aura cependant perdu certains traits de personnalité
infantile telles que la spontanéité et l’ouverture d’esprit25 ». La barbe, au même titre que
les sourcils ou la mâchoire proéminente, fait partie de ces caractéristiques matures
assurant à leur bénéficiaire un « look » mature, responsable et grave. Ce stéréotype
aujourd’hui expliqué en surface est certainement responsable de plusieurs siècles
d’association de certains traits matures à des caractéristiques tout aussi matures. La
connaissance exacte de la provenance de tels préjugés, comme on le sait, demeure
absente, bien que plusieurs siècles d’association entre le physique et le psychologique
soient très probablement responsables d’une partie du phénomène.
Finalement, la barbe aura signifié le soin corporel, après avoir été associée à la
puissance, à la sagesse, puis à la méchanceté. La beauté de l’homme barbu tient dans le
fait que celui-ci présente une image forte. La masculinité naturelle est mise en valeur par
la barbe qui semble être liée à des caractéristiques mentales précises appréciées de la
gente féminine.
25
Jean-Yves BAUDOUIN et Guy TIBERGHIEN, loc. cit.
29
҉
La barbe! On aura tout vu. Le même attribut, légèrement modifié, peut signifier
le soin corporel ou sa négligence, la sagesse ou la méchanceté et la violence, la toute-
puissance ou la vie de pirate. Clairement, lorsque l’homme peut choisir de porter la
barbe, il ne le fait pas sans raison. Ce qu’il veut, c’est présenter une image bien précise
aux autres. La situation aurait-elle été la même sans les siècles d’associations qui ont
formés les stéréotypes? Peut-être pas, mais il n’en demeure pas moins que des liens
réels unissent certains traits – la barbe blanche et la sagesse par exemple. Des entités
supérieures à l’individu esseulé auront éventuellement l’occasion de profiter de ces
clichés à maintes reprises afin de distinguer un groupe des autre, de distinguer
plusieurs personnages les uns des autres ou au contraire, d’anéantir toute trace de
distinction afin d’obtenir le meilleur rendement d’un groupe uni et obéissant. Après
s’être distingué de son plein gré, il le sera de force.
III : Une distinction forcée
…et n’avait pas la langue dans sa poche. Si le port de la barbe est un choix pour
la plupart des hommes, il est des doctrines l’exigeant. C'est le cas, entre autre, du
prophète de l’islam, Mahomet, qui oblige tout homme croyant à ne point se raser. Le
droit à la liberté corporelle est alors brimé par cette habitude imposée par le prophète.
Maintes religions imposent leurs coutumes et il peut être intéressant de se questionner
sur la pertinence et la légitimité de l’imposition de tels us. En effet, forcer un homme à
porter la barbe peut lui nuire s’il se trouve dans un milieu duquel la population n’aurait
que peu d’ouverture d’esprit et abuserait de préjugés envers les barbus. Le port
obligatoire de la barbe est donc un sujet de controverse à travers la population
musulmane du globe. Certains croient en la parole du prophète dur comme fer et voient
31
en ses dires des obligations formelles de garder la barbe, tandis que d’autres y voient
plutôt une ancienne coutume inutile à la croyance et au dévouement envers Allah et
32
26
Alî Jâd AL-HAQQ. La barbe, son port et son rasage, [En ligne], http://www.islamophile.org/
spip/La-barbe-son-port-et-son-rasage.html (page consultée le 28 avril 2009).
27
[ANONYME]. Is growing beards mandatory in Islam?, [En ligne], http://www.answering-
christianity.com/ growing_beards.htm (page consultée le 28 avril 2009).
33
28
Mouhammad PATEL, La page de l’islam – Le port de la barbe est-il nécessaire?, [En ligne], http://
www. muslimfr.com/modules.php?name=News&file=article&sid=96 (page consultée le 13 mai
2009).
29
Zaka Z, Connaissez-vous l’importance de la barbe dans l’islam?, [En ligne],
http://fr.answers.yahoo .com/question/index?qid=20090210184939AApkVL6 (page consultée le 13
mai 2009).
30
Zaka Z, Loc. cit.
34
…rire pour soi-même. C’est, entre autre, ce à quoi sont exposés les lecteurs des
célèbres histoires de Tintin. Cette bande dessinée relatant subtilement les faits les plus
marquants du vingtième siècle est un véritable chef d’œuvre de la littérature pour enfants
– et pour adultes aussi. La plume d’Hergé a permis à Tintin de faire le tour du globe, au
propre et au figuré. Dans sa démarche créative, l’auteur a dû faire preuve d’une grande
imagination, mais aussi d’une bonne dose de bon sens. Si Tintin est si seul dans ses
histoires, malgré son entourage, c’est qu’il est différent des autres.
moustache différente. Les Dupondt sont d’ailleurs identifiable par la leur. Dupond porte
une moustache ronde, tandis que Dupont en porte une qui se termine en pointes. En plus
de distinguer Tintin du reste des hommes des B.D., Hergé place la seule distinction
visible entre les acolytes Dupondt sur le bas de leur visage. Sans le vouloir, ces
personnages participent à l’éternelle distinction que fournit la barbe à travers le temps.
…c’est ce que pourrait entendre un soldat qui parlerait trop dans les rangs. S’il
est ici question des rangs, ce n’est point pour prouver que la barbe distingue les hommes,
mais bien que son interdiction absolue les empêche de se distinguer. Le rasage complet
des marines américains, par exemple, jumelé à un habillement obligatoire et à du
matériel semblable, met tous les soldats sur le même pied d’égalité. On favorise
l’assimilation des recrues en les empêchant formellement de se distinguer de quelconque
façon que ce soit des autres31. Cette mesure à pour effet de minimiser les tentatives de
défi à l’autorité. On peut donc apprivoiser les soldats pratiquement sans crainte qu’un
élément ne pose problème. Ce type de mesures peut également être contesté mais
l’organe régissant les marines américains est extrêmement rigide et espérer le modifier
relève du rêve. Tout, ici, dépend de la distinction. Elle est l’ennemi juré de l’autorité.
҉
Finalement, a brièvement été présentée l’usage qu’un individu en position d’autorité
religieuse, virtuelle ou militaire, peut faire d’une distinction toujours oubliée. Cet aspect
ne se limite évidemment pas à ces trois petits cas. Ceux-ci sont plutôt la pointe d’une
pleine moustache de cas hypothétiques et de cas réels qui ont eu un impact énorme sur
certains hommes subissant ces règles absurdes. Par-dessus l’action de la nature sur
l’homme et par-dessus l’action de l’homme sur lui-même, il faut désormais envisager un
monde dans lequel l’homme dépend d’un autre. La distinction ne revient plus à chacun.
31
Pierre LASRY, Les prisons de l’esprit, Office national du film du Canada, 1984.
Conclusion
GARDIN, Jean, et al. « Barbe », Petit Larousse des symboles, Paris, Larousse,
2006, p. 79-82.
2. Livres
YOYOTTE, Jean. Les trésors des pharaons, Genève, Suisse, Skira, 1968, 262 p.
3. Sites internet
40
[ANONYME]. « Cat Stevens Blasts Back From The Past », dans RELIGION,
Newspaper blog >> Religion, [En ligne], http://www.newspaperblog.net/
category/ religion/ (Page consultée le 29 avril 2009).
AL-HAQQ, Alî Jâd. La barbe, son port et son rasage, [En ligne], http://www.
islamophile.org/spip/La-barbe-son-port-et-son-rasage.html (page
consultée le 28 avril 2009).
GRAY, John. Hair Color - The world of hair, Hair pigmentation melanin and
hair color, [En ligne], http://www.pg.com/science/haircare/hair_twh_
Histoires_ou_Contes_du_temps_pass%C3%A9_(1697)_-_La_Barbe_
ble%C3%BCe (page consultée le 10 février).
MEYER, Laurence. Why does hair turn grey? - scientific american, [En ligne],
http://www.sciam.com/article.cfm?id=why-does-hair-turn-gray (page
consultée le 14 février).
4. Articles de périodiques
FONTÈS, Jean. « Les trois vertus des barbus », Historama, Histoire magazine,
No 61 (mars 1989), p. 58-61.
MÉTRA, Angélique. « Barbe et test d'ajustement : qui s'y frotte s'y pique? »,
Objectif prévention, Vol. 27, No 5 (2004), p. 20-21.
5. Bande vidéo