PLAN DU COURS
1. LA SYLLABE
1.1. La structure syllabique
1.2. Les types syllabiques
1.3. Constitution de la syllabe
1.4. Représentation arborescente
2. L’ACCENT
2.1. Les différents types d'accent
2.2. La place de l'accent
2.3. La fonction de l'accent
3. LE TON
3.1. Les différents registres tonals
3.2. La fonction distinctive du ton
3.3. L'étude du statut phonologique d'un ton
4. L’INTONATION
4.1. Les fonctions de l'intonation
4.2. Caractéristiques intonatives de quelques valeurs modales
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Ducrot (Oswald), 1995, Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage. Paris,
Seuil.
Garde (P.), 1968, L’accent, Paris, PUF.
Garric (Nathalie), 2007, Introduction à la linguistique, Paris, Hachette.
Maingueneau (Dominique), 2009, Aborder la linguistique, Paris, Seuil.
Monneret (Philippe), 2007, Exercices de linguistiques, Paris, PUF, Quadrige.
Schön (Jackie), 2008, La linguistique, Toulouse, Milan.
Vaissière (Jacqueline), 2006, La phonétique, Paris, PUF, « Que sais-je ? ».
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Introduction
La matière sonore est constituée de l’ensemble des phénomènes dits segmentaux et
suprasegmentaux ou encore des unités segmentales et suprasegmentales. En phonétique et
phonologie, les unités segmentales sont des unités de la chaîne phonologique segmentable c’est-
à-dire susceptibles d’être segmentées (des unités qu’on peut découper dans la chaîne parlée,
telles que les consonnes ou les voyelles). Les unités segmentales sont constituées de voyelles
et de consonnes. Quant aux unités suprasegmentales, ce sont des unités de taille supérieure.
Elles ne font pas directement partie de la chaîne phonologique segmentable. Cela revient à dire
que ces unités ne peuvent être isolées indépendamment des phonèmes mais qu'elles s'y ajoutent.
Elles n'ont pas d'existence propre sans eux. On compte au rang des unités suprasegmentales
principalement les traits prosodiques : le ton, l’accent et l’intonation. C'est ainsi que la
linguistique décrit souvent la prosodie comme la somme des phénomènes d’accentuation,
d’intonation et de ton connue sous le nom de phénomènes suprasegmentaux.
L’objectif de ce cours est d’initier les étudiants de la première année de linguistique à la
prosodie. Pour l’atteindre, nous examinerons l’un après l’autre le terme prosodie en ses
composantes : accent, ton, rythme et intonation mais aussi la syllabe en tant que support des
précédents.
1. LA SYLLABE
"On appelle syllabe la structure fondamentale qui est à la base de tout regroupement des
phonèmes dans la chaîne parlée. Cette structure se fonde sur le contraste des phonèmes appelés
traditionnellement voyelles et consonnes" Jean DUBOIS (2002:459).
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Structure Exemples
1. C V [va] "vent"
2. C V C [lak] "lac"
3. V C [aR] "art"
En général, les phonèmes vocaliques sont des syllabèmes et les consonnes des asyllabèmes ;
mais il y a des exceptions.
En français : seules les voyelles ont le statut de syllabèmes ; car il n'y existe pas de sonante
vocalisée : pas de [n̩] ou de [r̩], au contraire de l'anglais, du sanskrit ou encore du croate). Ainsi,
pour savoir combien de syllabes compte un mot français, il suffit de compter le nombre de
voyelles, qui formeront les syllabèmes (on séparera les syllabes par des points). Le mot français:
dextre : [dɛkstʁ̥] est composé d'une voyelle [ɛ] donc forme une syllabe.
Les consonnes finales de ce mot français ne sont pas noyau ou centre de syllabe. Si l'on
ajoute un ǝ caduc (lors de la lecture de vers, par exemple, devant consonne), on ajoute une
voyelle, donc une syllabe :
[dɛkstʁ̥ǝ] : deux voyelles = deux syllabes [dɛk.stʁ̥ǝ]
Autres exemples (les noyaux sont soulignés ; /C/ représente « toute consonne », /V/ « toute
voyelle ») :
- poésie [pɔezi] : trois voyelles = trois syllabes [pɔ.e.zi] = /CV.V.CV/ ;
Dans d'autres langues, il est possible de placer autre chose qu'une voyelle comme noyau
ou centre syllabique. Ce sont alors des consonnes vocalisées, « utilisées comme voyelle », mais
la plupart du temps des sonantes (ici représentées par /S/) :
- sanskrit vrkas [vr̩.kɐs] : deux noyaux = deux syllabes = /CS.CVC/ ;
- anglais little [lɪ.tl̩] : deux noyaux = deux syllabes = /CV.CS/ ;
- anglais written [ɹɪ.tn] : deux noyaux = deux syllabes: /CV.CS/ ;
2. L’ACCENT
"L'accent est un phénomène prosodique de mise en relief d'une syllabe, parfois plusieurs,
dans une unité (morphème, mot, syntagme)". DUBOIS (2002:3). "L'accentuation est la
proéminence d'énergie articulatoire qui se manifeste par une augmentation physique de
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Dans certaines langues, l'accent est libre, c'est-à-dire qu'il peut porter sur une, deux ou trois
syllabe du mot ou plus. La place de l'accent dans le mot est libre (on ne peut déterminer sa
place à l’avance) et ne peut être connue que par la mémorisation de chaque mot. Exemples :
l'anglais, l'italien, l'espagnol, le russe etc.
En anglais l’accent peut se placer sur la dernière syllabe, la pénultième (avant-dernière
syllabe) ou l’antépénultième (qui précède la pénultième).
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En castillan (langue officielle de l’Espagne = espagnol) l'accent dans les verbes tend à
remonter le « plus loin » possible (c'est-à-dire qu'il tombe sur la pénultième ou la finale ;
l'antépénultième et la pré-antépénultième sont là considérées « irrégulières » pour cette classe
lexicale). Au prétérit et au futur, cependant, sauf dans certains verbes irréguliers, il est souvent
attiré à la finale bien qu'elle soit vocalique :
Dans d'autres langues, l'accent a une place fixe dans le mot. Dans ces langues, la place de
l'accent est plus ou moins déterminée : l'accent « tombe » toujours au même endroit dans le
mot. En règle générale, on détermine la place de l'accent en partant de la fin du mot.
En polonais (a) l'accent frappe toujours l'avant-dernière syllabe. En hongrois (b), l’accent tombe
sur la première syllabe.
(a) polonais :
['vɔda] eau
['ɔɡʲɛɲ feu
[mɛʃ'tɨzna] homme
[kɔ'bʲɛta] femme
['duʒɨ] grand
(b) hongrois :
['fold] terre
['fe:ɾfi] homme
['ɛn:i] manger
['in:i] boire
['e:jsɑkɑ] nuit
2.3.1. Démarcative
La fonction démarcative facilite le décodage des unités de sens ou syntagmes. Elle peut
servir à lever une ambiguïté en introduisant une joncture.
En polonais, l'accent frappe toujours l'avant-dernière syllabe. En français, l'accent tombe
toujours sur la dernière syllabe du mot, ce qui implique qu'il a une fonction démarcative et
permet de distinguer les limites des unités accentuelles.
En français
L'otarie : [lota'ri]
L'hôte a ri : ['lotari]
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La fonction démarcative sert à limiter. Elle est possible avec un accent déterminé et fixe. Un
tel accent permet de distinguer de manière plus précise les unités syntaxiques et sémantiques
fondamentales puisqu'on peut en reconnaître les limites (au contraire de ce qu'il se passe avec
l'accent libre).
Par exemple, il sera simple de découper une phrase hongroise (a) en mots puisque l'accent
tonique tombe toujours sur la première syllabe : chaque occurrence de l'accent marque la limite
entre la fin d'un mot et le début d'un mot suivant. C'est également l'exemple du polonais (b)
l’accent tombe sur l’avant-dernière syllabe.
['fold] terre
['fe:ɾfi] homme
['ɛn:i] manger
['in:i] boire
['e:jsɑkɑ] nuit
['vɔda] eau
['ɔɡʲɛɲ feu
[mɛʃ'tʃɨzna] homme
[kɔ'bʲɛta] femme
['duʒɨ] grand
2.3.2. Distinctive
La place de l'accent peut avoir également une valeur distinctive. Dans les langues comme
l'anglais, l'italien, l'espagnol; le russe etc. l'accent est libre c'est-à-dire qu'il peut porter sur une,
deux ou trois syllabe du mot ou plus, et faire varier par là le sens du mot. L'accent a donc une
fonction distinctive qui permet, par exemple, d'opposer en :
anglais italien
'permit "permission" 'ancora "ancre"
per'mit "permettre" an'cora "encore"
'import "importation" 'debito "dette"
im'port "importer" de'bito "dû"
russe
'mouka "tourment"
mou'ka "farine"
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3. LE TON
Le terme ton est souvent réservé aux variations de hauteur qui affecte une syllabe d'un mot
dans une langue donnée. De ce point de vue, l'on parle de tons à registres.
- Tons ponctuels
Quand une syllabe porte un registre et un seul sans modification de la haut eur musicale, on
parle de ton ponctuel. (S = syllabe)
H H
M
B B
S1 S2 S1 S2 S3
langue A langue B
- Tons modulés
Quand une même syllabe porte plusieurs registres, il y a en même temps modification de la
hauteur musicale en passant d'un registre à un autre et modulation, on parle de tons modulés.
Ce qui est pertinent, cette fois-ci, c'est tout autant la hauteur que la modulation.
H H
B B
S1 S2
langue A langue B
mɛ « boire » attié
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Méthode suggérée
Corpus 1
1. [epa] "ronflement"
2. [evi] "kola rouge"
3. [evi] "fils"
4. [epa] "poisson (espèce)"
Corpus 1
1. [epa] "ronflement"
2. [evi] "kola rouge"
3. [evi] "fils"
4. [epa] "poisson (espèce)"
Ce corpus compte trois (3) tons. Ce sont : [H], [B] et [BH].
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Corpus 1
1. [epa] "ronflement"
2. [evi] "kola rouge"
3. [evi] "fils"
4. [epa] "poisson (espèce)"
On trouve deux paires minimales de ce corpus. Il y a opposition par paire minimale entre :
[H] / [B] et [B] / [BH].
- [H] / [B] Exemple : [epa] "ronflement" / [epa] "poisson (espèce)"
- [B] / [BH] Exemple : [evi] "kola rouge" / [evi] "fils"
4. S'il y a des paires minimales, ces tons sont considérés comme des tonèmes.
Cf. Corpus 1.
Les tons [H], [B] et [BH] sont des tonèmes.
Corpus 2
1. [agba] "assiette"
2. [asi] "main"
3. [akpa] "côté"
4. [eba] "bâton"
5. [edɔ] "travail"
6. [ekɔ] "sable"
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d_#
Le ton [BH] apparaît après des consonnes sonores.
4. L’INTONATION
L'exemple du français
L’intonation est décrite comme l’ensemble des variations de hauteur musicale qui
accompagnent l’émission d’une proposition, d’une phrase ou l’ensemble de l’énoncé.
L'intonation aurait une fonction distinctive (Ducrot, Schaeffer et collab., 1995 : 342)
lorsqu'elle permet précisément d'opposer une affirmation à une interrogation, à un ordre ou à
une simple exclamation.
Énoncé affirmatif : Tu es étudiant.
Énoncé interrogatif : Tu es étudiant ?
Énoncé impératif : Tu es étudiant.
Énoncé exclamatif : Tu es étudiant!
L'intonation a des fonctions expressives quand elle traduit des états d'âme, toutes sortes
d'émotions et de sentiments, comme le peur, la fatigue, la lassitude, l'irritation, la révolte, etc.
Différents types de classes d'émotions ont été retenus (Cf. Derivery, 1997 : 59), qui se
caractérisent par certains traits acoustiques :
- une absence d'intensité et de variations de hauteur conviendrait à l'expression du chagrin,
de la tristesse, de l'ennui, de la honte, etc.
Exemple : Voisin, je regrette pour votre fils.
- une intensité maximale et peu de variations de hauteur de la fréquence fondamentale
peuvent traduire l'affection, l'amusement, la gratitude, etc.
Exemple : Voisin, je regrette pour votre fils.
- une intensité maximale doublée de grandes variations de hauteur traduisent l'agacement,
l'irritation, la colère, la peur, etc.
Exemple : Voisin, je regrette pour votre fils.
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Niveau 5
Niveau 4
Niveau 3
Niveau 2
Niveau 1
La question
On appelle question l’intonation caractéristique des phrases interrogatives appelant une
réponse par oui ou par non l’interrogation étant alors dite totale. Elle porte sur l’ensemble de la
phrase.
On peut schématiser l’intonation de question par un contour mélodique issu du niveau 2 et
atteignant le niveau 4.
On la trouve à trois structures syntaxiques :
syntaxe énonciative simple : sujet-verbe-complément ;
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L’interrogation
On appelle interrogation l’intonation caractéristique des phrases interrogatives comportant
un mot interrogatif (pronom, adverbe, adjectif). L’interrogation est partielle et ne porte que sur
un des composants de la phrase : le sujet, le verbe ou le complément. Elle peut être schématisée
par un contour mélodique issu du niveau 4 et atteignant le niveau 1.
Elle est liée aux trois mêmes structures syntaxiques avec adjonction d’un mot interrogatif.
L’exclamation
Elle peut être schématisée par un contour mélodique issu du niveau 4 et atteignant le niveau
1. Mais elle ne se confond pas avec l’intonation interrogative grâce à sa forme particulière. Elle
est caractérisée par une tenue au niveau 4, puis une chute de plus en plus rapide de la voix.
Quel danseur ! C’est merveilleux ! Qu’il a de la chance !
L’ordre
Une intonation d’ordre peut être schématisée par une chute mélodique brutale et régulière
issue du niveau 4 et atteignant, elle aussi, le niveau 1.
Écrivez ! Donnez-les-moi ! Allez les chercher !
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