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I.

SITUATION GEOGRAPHIQUE DU FAUTA DJALON


La Moyenne Guinée représente 1/3 de la surface de la Guinée. De par son climat, cette
zone offre de grandes possibilités au développement de la culture de la pomme de terre
qui représente une grande source de revenu aux paysans producteurs. La pomme de
terre est principalement produite au Fouta Djallon. Compte tenu de l’engouement qu’a
suscité cette culture, la production est passé de 200t/an en 1992 à 35000 t/an en 2017.
Le Fouta Djallon est situé entre les 10° 10’ et 12° 30’ de latitude Nord et les 11°30’ et
13°30’ de longitude Ouest et couvre une superficie d’environ 65000 km2 soit 25 % de la
superficie de la Guinée.
Le Fouta Djallon est limité au Nord par les Républiques de Guinée Bissau, du Sénégal et
du Mali, au Sud et à l’Ouest par la Basse Guinée et à l’Est par la Haute Guinée.
Fouta-Djalon (ou Fouta Djallon) est une des quatre régions naturelles de la Guinée.
C'est un massif montagneux de la Moyenne-Guinée à la pluviométrie importante, région
réputée productrice de pommes de terre. La Sous-préfecture de Timbi-Madina, située à
30 km de Pita et à 450 km de Conakry, produit à elle seule 70% de la production
nationale. La culture de ce tubercule s’est développée grâce à l’effort des groupements
de producteurs de la pomme de terre rattachés à une structure mère appelée Fédération
de paysans du Fouta-Djalon

Le Fouta-Djalon (République de Guinée) dispose d’une image forte digne d’une image
d’Epinal. Il est le “ château d’eau de l’Afrique de l’Ouest ” dégradé et menacé par des
pratiques agropastorales prédatrices. Nous identifierons et caractériserons tout d’abord
les représentations usuelles qui le fondent ce discours “ officiel ”. Puis l’analyse de deux
campagnes du Fouta-Djalon nous permettra de nuancer cette image et d’en montrer les
limites, en tant qu’état de référence. Enfin nous dégagerons les dynamiques sociales et
environnementales actuelles qui animent le Fouta - Djalon et engagent à reconsidérer les
fondements mêmes de ses représentations
II. MOUVEMENT MIGRATOIRE DES PEULS

Les Français disent le « peul » ou « poular » pour désigner ce groupe humain qui se
désigne lui-même par « pullo » au singulier et « fulbhè » au pluriel et ils disent parler du
« pular ». Il semblerait que le mot « peul » leur aurait été attribué par les Wolof avant
d’être repris par les français.

Il n’y a pas de consensus entre les chercheurs sur la date exacte de la première
migration des Peuls au Foutah Djalon. Les documents historiques disponibles notent
deux vagues migratoires de Peul en Guinée. Ces deux vagues sont venues en des périodes
éloignées les unes des autres dans le temps et à plusieurs endroits.

Les premiers Peul non islamisés nommés puuli [29]  auraient migré sur le territoire actuel
de la Guinée en de petites vagues à partir du IX ème siècle. DIALLO (1975 : 30) affirme
que c’est vers le XIIIème siècle que la migration des Peuls animistes prendra de l’ampleur
pour devenir massive autour du XIVème siècle. Du Sahara, ils auraient atteint le
Bambouk à partir duquel le groupe se scinde en deux : les premiers se dirigèrent vers le
Ouassoulou et les seconds longèrent les vallées du Tinkisso et du Bafing pour atteindre le
Foutah Djalon.

Pour certains historiens comme ES SADI, dans son « Tarrech es sudan », Tenguella,
père de Koli, avait rallié à son bord les « arbe » (pluriel de ardo) « feroobe, wolarbe et
uururbe et tous les yaalalbe » (pluriel de jaalaalo) de son clan pour se tailler un empire
dans le Kingi (le Fuuta Kingi) au nez et à la barbe des Askia Sonray. L’armée de
l’Askia, commandée par, son frère Amar, marcha contre Tenguela le père et le
poursuivit jusqu’à Diâra, où elle le défit et le tua en 1512. C’est après la mort de son
père que Koli Tenguela[30] va récupérer les troupes qui restaient de son père pour
rappliquer à l’Ouest au Tekrur, en passant par le Foutah Djalon. Dans cette contrée, il
va mettre en place un Etat avec une capitale située dans l’actuelle préfecture de
Télimélé. C’est de là qu’il va lever une armée et remonter vers l’Ouest entrainant avec
lui une armée dans laquelle étaient incorporés des Dialonké, des Malinké, des Köniagui,
des Baga, des Nalou, des Diola, des Serère, bref tous les peuples trouvés sur le chemin du
Tekrur qu’il rebaptisera du nom de « Foutah Tooro »[31]. Le territoire de Tekrur qu’il
annexa, il lui donna le nom de Fouta en souvenir du Fuuta Kingi de son père et auquel il
adjoignit Tooro, une des provinces du Fouta (KANE, 2004).

Cette remontée et la prise du pouvoir dans le Tekrur en 1552 aura pour conséquence
d’imposer sa dynastie (Denyankobé[32]), sa langue (le pular) et la culture Peul à toutes les
populations du Royaume. Ce serait ainsi que toute la région du Fouta Tooro devenue
majoritairement « foulaphone » Halpulaar’en (ceux dont la langue est le Pular avec une
forte dominance Toucouleur).

Plusieurs siècles plus tard (XIX ème siècle), El hadj Omar TALL fera le même chemin,
mais en sens inverse. Du Foutah Tooro, il descendra au Foutah Djalon, traversera
Dinguiraye pour remonter vers le Fouta Kingi pour affronter Hamadou-HAMADOU, et
le tuer en 1862, le fils de Sékou HAMADOU et petit-fils de Sékou HAMADOU
fondateur de la dynastie des BARRY du MASSINA.

Selon le professeur KANE (2004), auteur du livre : « La première hégémonie Peule : Le
Fuuta Tooro de Koli Tenguella à Almaami Abdul », l’assimilation Peul des ethnies du
Tekrur aurait commencé avant l’avènement de Koly Tenguela, mais atteindra son point
culminant et la plus parfaite intégration ou la « foulanisation » des descendants de la
tribu du Tekruri, que sont les Toucouleur (Ly, Sy, Kane, Wane, Tall, Aw, etc.).

La seconde vague migratoire des Peuls en direction du territoire actuel de la Guinée est
celle de la fin du XVI ème siècle jusqu’au XVIIIème siècle. Païens, puis islamisés, des Peuls
et des Toucouleurs quittent les territoires actuels du Mali, du Sénégal et de la
Mauritanie à des périodes de désordre, de guerres avec désormais une nouvelle foi :
l’Islam.

Les Peulhs musulmans du Foutah Djalon auraient donc suivi deux voies principales et
ce, à des périodes plus ou moins différentes pour arriver, s’installer et se sédentariser et
fonder l’Etat théocratique du Foutah Djalon: La voie du Nord venant du Fouta Tooro et
du Bundu (essentiellement) et la voie de l’Est venant principalement du Macina.
Ils arrivèrent par groupes et par étapes, les uns passant par les contreforts des
montagnes de la Préfecture de Mali, les autres en traversant la Préfecture de Koundara
avant de rejoindre les montagnes qui surplombent le fleuve Komba en direction de
Lélouma et de Labé et par l’Est en pénétrant dans le Dinguiraye pour rejoindre les
vallées de Mamou. Ils vont se fixer en plusieurs points du Foutah Djalon poussant
devant eux leurs nombreux troupeaux de bœufs et de talibé (élèves et étudiants). Ils s’y
fixaient à leur tour en faisant ce que d’autres avaient fait avant eux : refouler certains et
absorber d’autres.

Selon Cheick Sidy Mohamed DIALLO (1970)[33], ces différentes vagues migratoires se
faisaient en famille et en clan. De l’Est, principalement du Macina vont arriver les
Dayèbhè[34] (BARRY) qui vont s’installer en lignage : les Seydiyanke à Timbo
(Préfecture de Mamou) et les Seriyankebhè à Fougoumba (Préfecture de Mamou). Les
Férobhè (SOW) vont s’installer dans Kébali non loin de Fougoumba et de Timbo.
Certaines de ces vagues se seraient installées elles dans l’actuelle préfecture de Tougué
(ce sont les Koulounnanké Balla et Simpé). Les Ururbhè vont s’installer dans deux
endroits différents en fonction des clans : les Koulounnabhe à Koïn (Préfecture de
Tougué) et les Helâyâbhe à Timbi-Touni (Préfecture de Dalaba).

Les Irlabhé (DIALLO) et une partie des Ururbhé, quant à eux sont arrivés par le nord.
Les DIALLO vont se repartir en lignage. Les Khaldouyabhè vont occuper région du
Nord de Labé, un autre lignage « Diâlobhe » va s’installer dans le Kolladhe (Préfecture
de Tougué), Kankalabé (Préfecture de Dalaba) et Timbi-Madina (Préfecture de Pita) et
un troisième lignage « Thimbobhè » va s’installer dans Bhouria (Préfecture de Mamou).

Parmi cette vague, d’autres, après avoir séjourné dans le Foutah Djalon, l’ont quitté
pour continuer leur chemin vers d’autres localités et dans d’autres pays de l’Afrique de
l’Ouest. C’est le cas des Peuls du Nigéria dont certains seraient partis de Sokoto dans la
Préfecture de Mamou pour se retrouver après une très longue migration dans l’actuelle
République Fédérale du Nigéria.

III. INFORMATION SUR LA SITUATION DES PEULHS, L'HISTORIQUE DE


LEUR ORIGINE :

Les origines de l'ethnie peulh demeurent peu claires, mais certains indices portent à
croire que les Peulhs sont un peuple du Moyen-Orient qui s'est installé avant le xie siècle
au Sénégal, où il a adopté un des parlers locaux (ibid.; Encyclopaedia Britannica s.d.d.;
Johnston 1967, ch. 2). Par la suite, les Peulhs se sont installés dans la région du Fouta-
Djalon entre le xvie siècle et le xviiie siècle (Université Laval 2001; Atlas
Universalis 2000) et y ont instauré régime féodal axé sur l'idéologie islamique (ibid.). Au
xviiie siècle, les Peulhs du Fouta-Djalon ont entrepris une série de guerres saintes (jihad)
pour convertir les autres peuples à l'islam (Mondes en développement 1989, 156; Atlas
Universalis 2000; Johnston 1967, ch. 2). On dit même que les Peulhs seraient à l'origine
de l'islamisation d'une grande partie de l'Afrique de l'Ouest (University of Iowa 1998).
Les Peulhs ont établi un vaste empire et auraient réduits en esclavage tous ceux qui ne
voulaient pas se convertir à l'islam (Mondes en développement 1989). Cet empire a duré
jusqu'à la fin du xixe siècle, soit jusqu'à ce que la France prenne le contrôle du territoire
peulh (Encyclopaedia Britannica s.d.b.; Atlas Universalis 2000).
Pour ce qui est de l'apparence physique des Peulhs, l'Encyclopaedia Britannica précise
que [traduction] « l'incidence de traits physiques non négroïdes est beaucoup plus élevée
chez les pastoralistes », c.-à-d. Chez les Peulhs non sédentarisés (s.d.a.). Dans un ouvrage
publié en 1967, H.A.S. Johnston affirme que les Peulhs ont typiquement [traduction] «
un teint cuivré, des cheveux peu crépus, un nez étroit, des lèvres minces et un corps
mince mais musclé ».
Un professeur d'histoire qui est également doyen du Honors Collège de l'Université of
Illinois à Chicago a quant à lui affirmé que
D'une certaine façon, un bon observateur peut « reconnaître » un Peul par ses traits
phénotypiques. Cependant, le même observateur peut aisément errer en la matière
puisque tous les Peuls, y compris ceux d'origine aristocratique, ne sont pas de teint clair.
En outre, des non-Peuls possèdent des traits phénotypiques supposés caractériser
l'ethnie peule. Ce qui distingue les Guinéens les uns des autres, surtout maintenant après
des [décennies] de brassage, se rattache principalement aux noms patronymiques. Il y a
des noms essentiellement propres aux Peuls de la Moyenne-Guinée ... (6 juin 2001).

IV. LE CONTEXTE HISTORIQUE DE CONSTITUTION DE L’EMPIRE


THEOCRATIQUE

Je vais aborder à présent le contexte socio-historique de la constitution de l’Etat


théocratique du Fouta Djallon pour une meilleure compréhension de l’apport poétique
et rhétorique peul à la culture universelle.

Le Fouta Djallon est une région entièrement dominée, d’une part, par des massifs
montagneux – dont le sommet culminant est de 1515 mètres – avec de hauts plateaux et,
d’autre part, par des étendues de surfaces latéritiques. Avec son relief montagneux, le
Fouta est une région dont le couvert végétal est formé de savanes arborées sur les
plateaux, qui alternent avec des îlots forestiers sur les montagnes et des forêts galeries le
long des cours d’eau. L’effet conjugué du relief et du climat confère à cette région de la
Guinée le statut de château d’eau de l’Afrique Occidentale. Cette dénomination lui est
attribuée à cause de la multiplicité des cours d’eau qui prennent leur source dans les
dépressions de ses chaînes de montagnes. La multiplicité de ces cours d’eau et l’étendue
de riches pâturages étaient susceptibles d’attirer la population peule. Ce peuple
d’éleveurs nomades trouva dans cette région du Fouta, particulièrement arrosée par des
cours d’eau, des motifs sûrs pour se sédentariser.

L’incursion des Peuls au Fouta Djallon remonte vraisemblablement entre les XVII ème et
XVIIIème siècles. Arrivés par vagues successives, les Peuls s’installèrent dans la région en
livrant la guerre aux Diallonké. Toutefois, l’occupation des hauts plateaux par les
éleveurs Peuls s’inscrit dans la dynamique d’un vaste mouvement de population qui
débuta au xvème siècle. Ces mouvements migratoires résultent d’une poussée du Nord
vers le Sud. Les historiens rapportent qu’à partir du XV ème siècle la chute des grands
empires de l’Afrique Occidentale modela la composition de la population guinéenne.
Sous la direction d’un chef migrateur, Koly Tenguela, plusieurs vagues de populations
essaimèrent du nord – Soudan, actuelle République du Mali – vers le sud (Guinée). C’est
pourquoi les premiers occupants du Fouta Djallon furent, d’abord, les Baga que les
Diallonké refoulèrent vers la côte, avant de s’établir sur les hauts plateaux. Selon Odile
Goerg (1986 : 19)

Les mouvements des population peulh du Moyen-Niger vers le Fouta, à partir du


XVème siècle au plus tard provoquèrent les nouvelles aux XVII ème XVIIIème siècles avec la
formation de l’Etat théocratique du Fouta Djallon. Fuyant l’islamisation forcée, les
Soussous essaimèrent vers la Côte, refoulant à nouveau les Baga ; ils assimilèrent les
autres peuples et leur langue devint peu à peu la langue de communication de la Côte.

L’hégémonie peule dans la région du Fouta Djallon fut marquée par la naissance et la
consolidation d’un Etat qui repose sur la foi musulmane. L’épanouissement de cet
empire favorisa également le développement de centres culturels qui propagèrent
l’Islam en Guinée et dans les pays voisins. Ces grandes écoles formèrent une élite
intellectuelle rompue à la récitation de cantiques religieux, à la lecture de versets
coraniques et à l’écriture en arabe. Elles rivalisèrent d’ardeur dans l’œuvre de création
littéraire. C’est dans cet environnement socioculturel que naquit et se développa,
parallèlement aux habitudes oratoires de la poésie incantatoire, une littérature écrite en
caractères arabes : l’ajami. Certains auteurs qualifient cette poétique d’Islam
noir, tandis que d’autres l’appelle tout simplement littérature arabo-islamique
d’expression peule. Quelle que soit la terminologie utilisée, l’essentiel consiste à
considérer qu’avec le contact de civilisations entre le monde arabe et l’Afrique noire une
littérature écrite a vu le jour.

V. LES STRUCTURES SOCIALES ET POLITIQUES

Vainqueurs de la guerre de conquête musulmane qui s’est poursuivie plusieurs années,


les Peuls imposèrent une nouvelle législation politique et une nouvelle administration
aux populations autochtones animistes. Avec la naissance d’un Etat théocratique au-
dessus des communautés villageoises, l’empire peul musulman du Fouta Djallon compte
neuf(9) provinces.

1- diiwè (diiwal au singulier) :
2- Timbo (la capitale politico-administrative),
3- Timbi
4- ɓuriya
5- Labè
6- Fugumba (la capitale religieuse)
7- Koyin
8- Kollaaɗè
9- Kèbaali

Fodè Hajji. Abordant cette page de l’histoire du Fouta Djallon, Suret-Canale (1970 : 31)
note

C’est dans la première moitié du xviii ème siècle que commença la guerre sainte qui devait
aboutir à la formation d’un Etat théocratique, fondé sur l’islam, aux structures sociales
fortement hiérarchisées : Fouta Djallon .

De l’avis de cet auteur, cette guerre, présentée de manière simpliste, s’est poursuivie
plusieurs années de suite dans le but de pacifier les poches de résistance.Chaque
province, citée précédemment, est dirigée par une lignée familiale. Les diiwè regroupent
sous leur autorité les villages et hameaux. Ainsi se forme de la base au sommet une
aristocratie guerrière et maraboutique qui se consacre aux métiers des armes et se
réserve exclusivement le droit exclusif d’exercer le pouvoir politique et spirituel.
Fortement hiérarchisée, la société était subdivisée en différentes classes. Au sommet de
la pyramide se situe l’aristocratie composée de quatre lignées patrilinéaires qui
correspond chacune à l’un des quatre patronymes peuls : Uruɓɓè (Uruuro au singulier)
ou Bah, Jallooɓè ou Diallo, Dayèèɓè (dayèèjo au singulier) ou Barry, Fèroɓɓè (pèrèèjo
au singulier) ou Sow. Cette aristocratie qui se réservait l’exclusivité de l’exercice du
pouvoir politico-administratif et spirituel, était structurée de la manière suivante.

A la tête de l’Etat se trouve l’Almami de l’arabe al-imam (le commandeur des croyants).


Il résidait à Timbo, siège du pouvoir central. Chef spirituel d’abord, chef militaire et
politique ensuite, l’Almami était toujours choisi dans la même famille seydiyanké -
Barry. Après leur victoire militaire sur les animistes, les vainqueurs de la guerre sainte,
fondateurs de l’Etat théocratique, reconnurent librement dans leur loi fondamentale,
l’autorité du clan seydiyanké – Barry qui eut le privilège de diriger le Fouta. Toutefois,
les querelles de succession au niveau du pouvoir central modifièrent le paysage politique
du Fouta Djallon (Diallo, 1972). Cette situation donna naissance à deux grands
partis : Alfaya se réclamant de la descendance de Karamoko Alfa et Soriya qui réunit
ceux qui se réclament de la lignée d’Ibrahima Sori, deux frères fondateurs de la même
dynastie.

Viennent ensuite les lamɓè qui comprenaient les chefs des provinces ou diiwè, leur


famille et leur lignage ou suudu laamu. Celle-ci correspondait à une lignée masculine
ou gorol, au-delà de laquelle se trouvait le musidal ou l’ensemble des parents issus de la
même cour – dambugal gootal. La référence à ces liens de parenté montre que la
succession dans l’exercice du pouvoir était héréditaire, d’où la prépondérance des
lignages qui reposaient sur ces liens de sang.

Les hoorèɓè leydi, notables et karamoko influents exerçaient des fonctions


administratives telles que la justice, les droits coutumiers, sous l’autorité des lamɓè
diiwè ou chefs de provinces. La justice, l’armée étaient bien organisées et constituaient
des départements-clefs de cette administration. Autour du pouvoir central – Almami, du
pouvoir provincial – lamɓè diiwè et du pouvoir administratif – hoorèèɓè
leydi, gravitaient les mawɓè, qui exerçaient un pouvoir gérontocratique.
Les mawɓè étaient les représentants des différentes lignées masculines ou gorol ou
encore l’ensemble des parents, qui sont issus du même patriarche, et qui forment
le musidal. Chaque mawɗo musidal ou ancien de parentage (Vieillard 1939) représentait
sa lignée masculine dans le conseil des anciens : les mawɓè. Le conseil des anciens
ou mawɓè était composé des représentants des différentes provinces, ambassadeurs qui
siégeaient dans la cour de l’Almami.

La province ou Diiwal est organisée à l’image du pouvoir central de Timbo. Son chef


– lanɗo diiwal, qui représente l’Almami appartient en général à l’une des quatre
grandes tribus de l’aristocratie peule mentionnées précédemment. L’organisation du
village est aussi identique à la structure sociale et politique du pouvoir central et de la
province. Cette hiérarchisation sociale montre que l’individu est traduit devant la loi
par l’intermédiaire du seul représentant de sa lignée masculine auprès du pouvoir
hiérarchique. Cette disposition juridique impose à chaque communauté parentale
d’assumer les actes délictueux de chaque membre de la lignée parentale. A l’aune de ce
système juridique, on voit poindre à l’horizon toute l’importance que revêt l’éducation
familiale, car tout fait délictueux constitue un déshonneur pour la famille du prévenu.

En dehors des institutions présentées précédemment, le reste de la société était structuré


de la manière suivante.

Les rimɓè ou hommes libres viennent après les couches privilégiées. Il s’agit de tous les
peuls qui n’appartiennent pas aux lignées exerçant directement le pouvoir par droit
héréditaire. Appartiennent aussi à cette catégorie les Maninka et les Diakanké islamisés,
qu’on appelle aussi soninké. Ils sont venus de Diakaba, une des régions de la République
du Mali.

Les professionnels du bois, du métal (forgerons, bijoutiers), de la poterie, les griots


forment une couche particulière qu’on désigne sous le nom de ŋeeŋuɓè. On peut y
ajouter les tisserands et les teinturiers. Toutefois ces deux dernières catégories
professionnelles ne sont pas toujours exercées exclusivement par des hommes de castes.

Au bas de l’échelle sociale se trouvent les haaɓè ou captifs sur qui reposent l’essentiel de
la production sociale, du travail manuel et de la vie domestique. Les captifs se
subdivisent en deux catégories. Les captifs domestiques ou de case sont les descendants
des premiers habitants du Fouta vaincus, qu’on désigne sous le nom de ndimaaɓè ; ils
vivent dans la concession de leur maître et sont commis à tous les travaux domestiques.
Les captifs des champs, achetés ou capturés au cours de razzias exécutaient des travaux
durs, notamment la construction des clôtures, le labour des champs, l’entretien des
cultures et la récolte des céréales : ils pouvaient être échangés ou vendus ; ils vivaient
dans des hameaux de culture ou rundè sous l’autorité d’un Manga ou d’un Satigi.
VI. Le Djihad Peul Contre Les Animistes

La révolution musulmane (djihad peul) sous Karamokho Alfa (1725-1751)


En 1725, le savant musulman Karamokho Alfa, à la tête d’une coalition multiethnique à
majorité peule, gagne la bataille de Talansan. Les chefs jalonkés (Soussous) sont
repoussés vers la côte de la future Guinée. Karamokho Alfa prend le titre d’almamy et
fonde la confédération du Fouta-Djalon, un État théocratique féodal qui s’appuie à la
fois sur les traditions peules et sur les principes de l’Islam.
La confédération était divisée en neuf provinces ou diwe (diwal au singulier) : Labé,
Bouriya, Timbi, Timbo, Kébali (en), Kolladé, Koyin (en), Fougoumba (en), Fodé Hadji.
Les chefs portaient le titre d’alfa, chacun recevant la charge du territoire qu’il avait
libéré au cours de la guerre sainte. Ainsi, Karamokho Alfa était non seulement almamy
de la confédération, mais aussi alfa du diwal de Timbo, la capitale. Le pouvoir de
l’almamy était limité non seulement par la grande autonomie des différentes provinces,
mais aussi par un conseil des anciens qui, se réunissant à Fugumba (capitale religieuse),
jouait le rôle de parlement.
Mais la guerre sainte se prolongea par la tentative de convertir à l’islam l’ensemble des
populations du Fouta-Djalon. Cela provoqua une farouche résistance notamment de la
part des pasteurs peuls nomades, qui considéraient l’islam comme un facteur de
sédentarisation et de contrôle politique et économique.
Alfa Ibrahima Sori Maoudo (1751-1791)
Après la mort de Karamokho Alfa vers 1751, le pouvoir de l’almamy revint à Ibrahima
Sori (en) dit Maoudo (le Grand), qui mena une politique militaire d’agressionenvers les
peuples voisins, en alliance avec le royaume jalonké du Solimana. Cette guerre se faisait
comme auparavant au nom du djihad, mais elle avait désormais pour but d’asservir les
peuples voisins au profit de l’aristocratie, et de s’enrichir en participant à la traite
atlantique des esclaves dont la demande était croissante.
L’histoire du Fouta-Djalon, comme celle du Dahomey ou de la Confédération ashantie, ne
peut se comprendre en-dehors du contexte global de la traite négrière qui dominait
l’ensemble de la côte atlantique. Le Fouta-Djalon, qui s’était constitué en réaction aux
conséquences désastreuses de la chasse à l’homme à grande échelle se consolida et finit
par lui-même participer à ce commerce – soit pour s’enrichir, soit par souci de maintenir
l’économie. Dès lors, la nouvelle religion n’était plus qu’une idéologie pour justifier le
maintien au pouvoir de la classe dirigeante.
L’alliance du Fouta-Djalon et du Solimana fut battue en 1762 par Kondé Bourama, roi
du Sankaran. Le Solimana quitta alors l’alliance et en 1762, le Sankaran occupait
Timbo, capitale politique du Fouta-Djalon. Un sursaut national stoppa l’armée du
Sankaran devant les portes de Fougoumba (capitale religieuse), et permit finalement
non seulement de repousser le Sankaran en 1776, mais aussi d’imposer la domination du
Fouta-Djalon sur les plaines à l’Est. Cette victoire consolida définitivement l’autorité de
l’almamy Sori Maoudo et celle de sa faction militariste (la soriya (en)).
Le partage des pouvoirs après Sori Maoudo[modifier | modifier le code]
La mort de Sori Maoudo en 1791 ouvrit une période d’anarchie. Son fils Sadou fut
assassiné par les partisans de la faction maraboutique (l’alfaya (en)) regroupée autour
de Abdoullaï Bademba, fils de Karamokho Alfa. On adopta alors un système
d’alternance entre les deux familles alfaya et soriya, qui demeura en vigueur jusqu’au
xxe siècle.
Cette alternance, similaire à celle en vigueur dans les royaumes sebbe, affaiblit
considérablement le pouvoir central par rapport aux chefs de province, et permit
auconseil des anciens (chargé de faire respecter la charia) de contrôler le pouvoir de
l’almamy. L’organisation de l’État constituera un exemple de décentralisation à base de
laquelle se trouvaient les « conseils de village » élisant leurs représentants avec
consultation directe, qui devenaient alors membres du Conseil des anciens.
La consolidation de l’aristocratie et la mise en place d’un système esclavagiste
Le royaume du Fouta-Djalon put maintenir son indépendance et même agrandir ses
frontières, jusqu’à l’invasion européenne. Mais le régime perdit son caractère
révolutionnaire car le parti maraboutique, une fois assurée la sécurité des musulmans
au Fouta-Djalon, se transforma en une aristocratie religieuse et militaire, qui participa
activement à la traite esclavagiste. C’est l’islam même qui servit de prétexte pour
réduire en esclavage les païens vivant en-dehors du Fouta-Djalon.
À partir du XVIIIe siècle, les Européens cessaient en effet d’acheter de l’or, de l’ivoire et
des cuirs et n’étaient plus intéressés par aucune autre marchandise africaine que les
esclaves. Le commerce des esclaves et l’organisation de caravanes vers la côte devinrent
monopole d’État. Le Fouta-Djalon, vu sa position centrale entre la côte et le Mali,
échangeait également sur la côte les esclaves capturés dans la savane et la forêt contre
des marchandises venues d’Europe (notamment le sel, nécessaire à l’élevage intensif).
Cela amena au Fouta-Djalon un nombre énorme d’esclaves de toutes origines.
Le Fouta-Djalon lui-même commença à faire grand usage d’esclaves dans son économie.
Les esclaves travaillaient aux champs pour satisfaire les besoins en nourriture de leurs
maitres mais aussi la demande en céréales des navires négriers (pour la nourriture des
esclaves pendant la traversée).
L’histoire du Fouta-Djalon ne peut donc être décrite comme un simple conflit ethnique
entre Peuls et Jalonkés, elle ne peut être considérée hors du contexte global de la traite
esclavagiste. S’il est vrai que les Peuls y étaient dominants, il s’agissait d’une société
multiethnique divisée en classes sociales.
L’intégration autour des Peuls au XVIIIe siècle.
À la fin du XVIIIe siècle, la capitale religieuse de l’État théocratique du Fouta-Djalon
est Fougoumba, où est intronisé l’Almamy (d’imam), qui gouverne dans la capitale
politique, Timbo, assisté du « Conseil des Anciens ». L’élément peul domine, dans un
État multiethnique. La société est fortement hiérarchisée et inégalitaire, le clivage
fondamental se situant entre musulmans et non-musulmans.
Au sommet, se trouve l’aristocratie militaire et la classe maraboutique (lasli), puis
viennent les hommes libres musulmans (rimbé).
Parmi ceux-ci, en bas de l’échelle, se trouvaient les Peuls de brousse, convertis
tardivement à l’islam après le djihad ; ils travaillaient eux-mêmes la terre et leur bétail,
tâche considérée comme impure par l’aristocratie, et étaient exploités par le reste des
citoyens libres sous forme d’impôts et corvées.
Les serviteurs et esclaves généralement non-musulmans (mattioubé), originaires d’un
très grand nombre de pays et d’ethnies, étaient parqués dans des villages de culture
(roundé), exploités au profit de l’aristocratie des Peuls. Plusieurs révoltes d’esclaves se
produisirent d’ailleurs dans le pays à la fin du XVIIIe siècle.
Comme dans les sociétés de l’Europe antique, l’esclavage libéra l’aristocratie du travail
manuel et déclencha une véritable révolution culturelle. La classe maraboutique se
consacra toute entière a l’enseignement, implantait des écoles dans tout le pays,
traduisait le Coran en langue peule afin qu’il soit plus facilement accessible à l’ensemble
du peuple. On vit également apparaitre une riche et abondante littérature en langue
peule. Contrairement aux États maliens où, jusque-là, l’islam était demeuré la religion
de l’élite, l’islam du Fouta-Djalon devint une religion largement répandue parmi la
population.
La prospérité économique et une relative stabilité politique favoriseront la cohabitation
entre diverses ethnies. Le brassage des populations, l’adhésion à l’islam et aux valeurs
des Peuls favoriseront l’intégration qui aboutira à une homogénéisation ethnique.
De plus, l’interdiction formelle de réduire un musulman en esclavage garantit également
une grande stabilité interne, contrastant fortement avec l’anarchie, la violence et le
dépeuplement qui avait cours partout ailleurs du fait de la chasse à l’homme
esclavagiste à grande échelle – c’est ce qui explique encore à l’heure actuelle la très forte
densité de population au Fouta-Djalon alors que la zone est pourtant relativement
pauvre en ressources naturelles.
Finalement, ce système inspira un grand nombre de révolutions musulmanes en Afrique
de l’Ouest dans la période qui suivit, comme par exemple celle dufouta Toro de la fin du
XVIIIe siècle.
La « guerre sainte » du XIXe siècle
Au cours du XIXe siècle, les Peuls du Fouta-Djalon mèneront des opérations de
résistance pour se protéger contre les attaques venant des régions voisines.
La colonisation française commença en 1838 en Guinée. Dès 1850, les Français fondent
un protectorat des rivières du Sud, rattaché au Sénégal. La colonisation s’était heurtée à
une très forte résistance, en particulier chez les Peuls du Fouta-Djalon, les Coniaguis et
les Guerzés. Sous l’autorité française se développa une élite citadine commerçante qui
adopta culture et langue françaises.
Profitant de la division sur la succession au trône, les envahisseurs, sous le
commandement d’Alfred Dodds, occupent la capitale Timbo et le dernier almamy du
Fouta indépendant, Bokar Biro, est vaincu à la bataille de Porédaka en 1896. Les chefs
du Fouta qui avaient assisté les Français, seront soit assassinés (Alpha Ibrahima Sori
Yilili), soit envoyés en exil Alpha Yaya.
Renforcement de la colonisation française au XXe siècle
En 1897, les Français installent un almamy au Fouta-Djalon avant de démembrer la
République théocratique. Le Fouta est intégré dans sa majorité à la nouvelle colonie des
Rivières-du-Sud qui deviendra la Guinée française, englobée, deux ans plus tard, dans le
gouvernement général de l’Afrique-Occidentale française1. Une partie est occupée par
la Grande-Bretagne en Sierra Leone et les Portugais s’empareront du Gabou en Guinée-
Bissau. La France impose une dure occupation militaire et instaure un esclavage, appelé
travaux forcés.
Le Fouta-Djalon fut un centre de culture théologique peul. Les grands poètes-théologues
sont Thierno Samba Mombéya, Thierno Saadou Dalen, Thierno Aliou Bhoubha Ndian
et Thierno Diawo Pellel. Ils sont considérés comme d’illustres personnalités issues de la
noblesse du Fouta et prêchant le bon exemple (le Peul savant et pieux, fervent dans la
religion).

Conclusion

Je viens de survoler dans ses grandes lignes les modes d’expressions poétique et
rhétorique en milieu peul du Fouta Djallon. Quoique schématique, cette présentation
permet de comprendre que, dans les sociétés africaines, l’expression de la pensée et des
sentiments emprunte des canaux variés. Cette variété des usages dans l’expression
littéraire bouscule, sans aucun doute, le clivage oral vs écrit, derrière lequel se cache la
tendance rétrograde à accorder le statut exclusif de production littéraire aux seules
œuvres écrites. La production poétique, comme je viens de le montrer, en ce qui
concerne le Fouta Djallon, est d’une grande richesse. Elle est l’œuvre de poètes
appartenant à toutes les catégories sociales. Des lettrés d’une grande notoriété ont fait
valoir leur talent, tout comme de modestes amateurs ont tenté.

out ce qui précède, on peut déduire que même si la poésie religieuse a connu un
développement spectaculaire grâce à l’écriture, elle est avant tout d’expression orale
parce qu’elle est destinée à être chantée. Cantiques religieux ou poésie populaire, quel
que soit son mode d’expression et quel que soit son genre, la poétique peule du Fouta
Djallon - et d’ailleurs - est le signe de la vitalité, de la variété et de la richesse du
patrimoine culturel d’un peuple.

Bibliographie

1. Cheick Sidi Mohamed DIALLO (1975) ; « Contact de civilisations et brassage


culturel dans le Fouta traditionnel », DES, IPTJNK, Kankan, Guinée.

2. M. GAUTHIER (1908) ; « Monographie du cercle de Labé », Dossier N° 6,


Archives nationales, Conakry, Guinée.

3. Boubacar BARRY (1975) ; « Monographie historique du Diwal de Koyin, de


la mise en place des populations à l’implantation coloniale », DES, IPGAN,
Conakry, Guinée. Cet auteur n’est naturellement pas à confondre avec le
Professeur Boubacar BARRY de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar
(Sénégal).
Tableau Des Matières

I- Situation Géographique du Fauta Jalon


II- Mouvement migratoire des peuls
III- Information sur la situation des Peulhs, l’historique de leur origine :
IV- Le contexte historique de constitution de l’empire théocratique
V- Les structures sociales et politiques
VI- Le Djihad Peul Contre Les Animistes

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