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N.

Gharbi

Chapitre 3- L’acceptation de la lettre de change :


Arts 283 à 288, art 275, arts 306 et s. et les arts 322 et s. du code de commerce.

L’acceptation est l’engagement souscrit par le tiré de payer le montant de la


lettre de change à l’échéance. L’acceptation se traduit par une signature
supplémentaire que le tiré jusque là étranger à l’opération, appose sur le titre.

L’acceptation crée un lien entre le tiré et le porteur .le porteur a désormais un


nouveau débiteur

L’acceptation fait naitre contre le tiré un engagement cambiaire indépendant


de toute idée de provision et qui lui interdit de se prévaloir des exceptions
tirées de ses rapports personnels avec le tireur ou les endosseurs. L’acceptation
signifie donc que le tiré s’engage irrévocablement à payer à l’échéance même
s’il n’a pas reçu provision.

Rappelons aussi, que toute personne qui appose sa signature n’est engagée
cambiairement à payer le montant de la lettre de change à l’échéance. Cela
implique que le signataire prend un engagement distinct des engagements des
autres signataires en raison du principe de l’indépendance des signatures.

Section 1 – La présentation de la traite à l’acceptation :

§1-La présentation de la traite à l’acceptation par le porteur :

A- principe

La lettre de change peut être acceptée dés sa créations. Si ce n’est pas le cas, il
appartient au porteur, s’il veut s’assurer que le tiré est disposé à accepter la
lettre de change et s’engager cambiairement, de la lui présenter.

L’art.283 cc considère que la présentation à l’acceptation par le porteur est en


principe facultative

le porteur est donc libre de présenter ou pas la lettre de change à


l’acceptation ,mais ce principe connait des exceptions .en effet ,le porteur est
des fois obligé de solliciter l’engagement du tiré .Dans d’autres cas, il lui est
interdit de le faire.

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B - la présentation obligatoire :

Il y a des cas où l’acceptation est obligatoire .L’obligation de présenter la traite


à l’acceptation a son origine tantôt dans la loi, tantôt dans une clause inscrite
sur la traite par le tireur ou un endosseur.
1– L’obligation légale :

-Selon l’art.283 cc al.6, les lettres de change à un certain délai de vue, doivent être
présentées à l’acceptation dans un délai d’un an à partir de leur date. Cette présentation fait courir
normalement le délai de vue .Elle traduit aussi le souci du législateur à ne pas laisser les garants trop
longtemps exposés à un recours au cas de non paiement par le tiré .Selon l’art.283 al.7 cc le tireur
peut abréger le délai d’un an ou le rendre plus long par contre les endosseurs ne peuvent qu’abréger
le délai .

2 - La clause stipulant l’obligation de présenter la traite à l’acceptation :

L’obligation de présentation à l’acceptation peut avoir son origine dans une clause insérée dans le
titre « clause contre acceptation ». Cette clause peut être insérée, soit par le tireur, soit par tout
endosseur (art.283 al.2 cc).

On peut se demander, pourquoi le tireur prévoit la présentation de la traite à l’acceptation ?

Il le fait par ex lorsqu’il est pressé de remettre la traite au bénéficiaire, et qu’il désire être
rapidement renseigné sur les intentions du tiré.

Par le défaut de présentation à l’acceptation le porteur est considéré porteur négligent et il est
déchu de ses recours cambiaires (art.315cc).

C – L’interdiction de présenter la traite à l’acceptation :

L’art. 283 al.3 cc permet au tireur d’interdire la présentation à l’acceptation par la clause « non
acceptable », lorsque par exemple le tirage est fait entre commerçants clients .aussi à coté de
l’interdiction pure et simple prévue par l’art.283 al3 ,l’ al.4 du dit article a prévu une interdiction de
présentation à l’acceptation limitée dans le temps ,ce qui lui permet de ne pas constituer la
provision avant un terme indiqué .

Si malgré la clause « non acceptable », la lettre de change est présentée à l’acceptation, les
conséquences sont les suivantes :

-soit le tiré accepte, l’acceptation dans ce cas est valable et produit ses effets, car on
suppose que le tiré renonce au bénéfice de la clause.

-soit il refuse et dans ce cas aucun recours anticipé ne peut être exercé par le porteur
faute d’acceptation.

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Quels sont les cas où cette clause « non acceptable » serait inopérante ? Cette clause est interdite
lorsque :

- la lettre de change est à un certain délai de vue, car la présentation à l’acceptation


permet de déterminer l’échéance (art.292cc)

-la lettre de change est payable chez un tiers ou dans une localité autre que celle du
domicile du tiré (art.283 cc).

§2- L’acceptation de la traite par le tiré :

A- L’acceptation de la traite par le tiré est facultative :

L’acceptation est en principe, une simple faculté pour le tiré, qui est libre de
refuser l’acceptation de la lettre de change .Et bien évidemment, sa
responsabilité n’est pas engagée pour autant .Cela s’explique par la gravité de
l’engagement du tiré accepteur qui doit payer même s’il n’a pas reçu provision
au jour de l’échéance.

B- Exception : il y a des cas où l’acceptation est obligatoire :


1-La conclusion d’un contrat de fourniture entre commerçants 

La loi a prévu une exception au principe de la liberté d’acceptation pour le tiré, lorsque la lettre de
change est créée entre commerçants en exécution d’une convention relative à des fournitures de
marchandises ,et que le tireur a satisfait aux obligations résultant pour lui du contrat ,le tiré ne peut
refuser de donner son acceptation dés l’expiration d’un délai conforme aux usages normaux de
commerce en matière de reconnaissance de marchandises (art.283 cc).Pour ce genre de lettre de
change, l’acceptation du débiteur est demandée pour faciliter la circulation de l’effet .Les
dispositions de l’article 283 cc ,étant dérogatoires au droit commun ,ils doivent être interprétées
restrictivement, c'est-à-dire si les conditions suivantes sont réunies :

-le montant de la traite représente le prix de la marchandise fournie au tiré

-les parties sont l’une et l’autre des commerçants

-le tireur a satisfait une obligation résultant pour lui du contrat .c.-à-d. il a livré les
marchandises promises.

Le tiré doit donner son acceptation à l’expiration d’un délai conforme aux usages normaux de
commerce en matière de reconnaissance de marchandises.

En cas de refus du tiré d’accepter, le porteur pourrait rechercher sa responsabilité civile pour
violation d’une obligation légale.

Les effets du refus sont :

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-la déchéance du terme de l’obligation commerciale dont est débiteur le tiré dans le cadre du
rapport fondamental qui le lie au tireur

-ouverture de l’exercice des recours cambiaires anticipés contre les signataires de la traite.

2- La promesse d’acceptation :

C’est le cas lorsque le tiré a promis de faire «  bon accueil « » aux traites émises sur lui par le
tireur .La promesse résulte d’un accord intervenu entre le tiré et le tireur .Elle n’est pas faite sur le
titre sinon elle devient une acception, c’est un engagement pris selon les règles de droit commun et
ne revêt pas le caractère cambiaire puisqu’elle ne figure pas sur le titre. En cas de refus du tiré
d’honorer son engagement, ce sont les règles de droit commun qui seront applicables, le porteur est
fondé à engager la responsabilité civile du tiré.

Section 2- La forme de l’acceptation :

La lettre de change est présentée à l’acceptation au domicile du tiré même si


la traite est domiciliée car le domiciliataire ne s’engage pas à la place du tiré il
est seulement chargé d’exécuter les ordres de celui-ci.

La lettre de change peut être présentée à l’acceptation, à tout moment avant


l’échéance.

L’acceptation est exprimée par le mot « accepté » ou tout autre terme


équivalent. Elle doit être signée par le tiré au recto de la lettre de change. La
simple signature du tiré apposé au recto de la lettre de change vaut
acceptation.

L’acceptation, selon l’art.285 al.1cc, doit être portée directement sur la lettre
de change. L’acceptation sur une allonge n’engage pas le tiré sur un terrain
cambiaire, cela veut dire qu’elle peut valoir comme promesse de payer la dette
représentée par la provision et produire ses effets sur le plan extra cambiaire,
mais elle n’a pas de valeur cambiaire. L’art.285 al.1 cc est une expression du
formalisme cambiaire qui ne se contente pas d’exiger une forme déterminée
(un écrit) mais prescrit en plus, le lieu où cette forme doit être observée (le
titre lui-même). Le fondement de cet article réside dans l’auto suffisance du

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titre qui est appelé à circuler et qui ne peut circuler que si l’acceptation du tiré
y figure.

L’acceptation doit être pure et simple : elle ne peut être conditionnelle


(art.285cc).

Mais le tiré peut restreindre son acceptation à une partie de la somme portée
sur la lettre de change.

Pour le surplus (=la différence entre le montant de la traite et la somme pour


laquelle l’acceptation est donnée) :

- le porteur ne peut agir contre le tiré que comme cessionnaire des droits
du tireur en vertu du transfert de la provision (action de droit commun)

- le porteur peut faire dresser immédiatement un protêt faute


d’acceptation et recourir avant l’échéance contre les autres signataires.

Section 3 – Les effets de l’acceptation

§1- L’engagement du tiré à payer à l’échéance :

1- par l’acceptation le tiré s’oblige à payer la lettre de change à l’échéance .il


assume à l’égard du porteur un engagement direct de nature cambiaire abstrait
dont la valeur est sans rapport avec la provision. Le tiré devient le principal
obligé sur le plan cambiaire. A défaut de paiement  le porteur (même s’il est le
tireur) a contre le tiré accepteur une action directe cambiaire résultant de la
lettre de change. Si le tiré n’accepte pas, le porteur n’a pas d’action cambiaire
directe contre le tiré.

2 - par l’acceptation, l’engagement du tiré est irrévocable une fois il s’est


dessaisi du titre, même s’il y a signé par erreur .Pour que la rétractation du tiré
accepteur soit valable, il faut qu’il procède au biffage de son acceptation avant
la remise de la lettre de change (art.288 cc).

§2- L’acceptation suppose la provision :

Bien que l’existence de l’engagement cambiaire du tiré est sans rapport avec la
provision (il est indépendant de l’engagement fondamental), mais il est prévu
par le législateur dans l’art.275 cc que l’acceptation du tiré suppose la
provision. en effet, en constituant une présomption de l’existence de la
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provision ,l’acceptation permet encore au porteur d’agir contre le tiré sur le


plan extra cambiaire sans être obligé de rapporter la preuve de la provision.
Précisons, qu’il est admis par la jurisprudence que :

-cette présomption est irréfragable entre le tiré et le porteur lorsque le


porteur veut agir sur le plan cambiaire. /Mais si le porteur et les endosseurs
veulent agir sur le plan extra cambiaire en vertu de l’action de provision, la
présomption fondée sur l’acceptation du tiré quant à l’existence de la provision
peut être conservée mais ce n’est qu’une présomption simple.

-cette présomption est simple entre le tireur et le tiré .Le tiré peut donc
prouver contre le tireur l’absence de provision malgré son acceptation de la
lettre de change.

Par ailleurs, selon la doctrine française, l’acceptation avant l’échéance bloque


la créance de provision au bénéfice du porteur.

Remarque : le droit cambiaire exerce une influence sur le rapport fondamental,


il en facilite l’exécution.

§3- La purge des exceptions  ou règle de l’inopposabilité des exceptions :

L’acceptation opère une purge des exceptions, c’est-à-dire que le tiré accepteur
ne peut opposer au porteur les exceptions liées au rapport fondamental, qu’il
aurait pu opposer au tireur, sauf si le porteur est de mauvaise foi.

Le porteur de mauvaise foi, est le porteur qui en acquérant la lettre de change


était au courant qu’il agissait au détriment du tiré (art.280cc).

Cette purge des exceptions ne s’applique pas entre le porteur et le tiré


accepteur, lorsque le premier est en même temps le tireur de la lettre de
change.

Car la signature de la lettre de change constitue à l’égard des tiers une


apparence détachée de l’acte de volonté qui l’a engendré ,il y a une dans ce
cas, indépendance entre le rapport cambiaire (issu de l’apparence de
signature), et le rapport fondamental (contractuel à l’origine de la création de
la lettre de change).Mais, l’indépendance entre ces deux rapports de natures
différentes, n’exclut pas leur interférence. Ce qui est concrétisé par
l’importance de la théorie de la provision dans le droit cambiaire Tunisien.
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Section 4 – Le refus de l’acceptation :

§1- Les effets du refus d’acceptation

L’acceptation est en principe, une simple faculté pour le tiré, qui est libre de
refuser l’acceptation de la lettre de change .Et bien évidemment, sa
responsabilité n’est pas engagée pour autant (sauf lorsque son acceptation est
obligatoire voir page 3,4 : acceptation de la traite par le tiré) .Cela s’explique
par la gravité de l’engagement du tiré accepteur qui doit payer même s’il n’a
pas reçu provision au jour de l’échéance.

Dans tous les cas le refus d’acceptation doit être constaté par un protêt
« faute d’acceptation », pour que le porteur puisse exercer ses recours
cambiaires (art.307 cc), sauf clause « sans frais sans protêt ». Le protêt est un
acte authentique dressé par un huissier notaire.

Le porteur doit aussi porter le refus d’acceptation à la connaissance de son


endosseur, dans les 4 jours qui suivent le jour du protêt, ou de la présentation
en cas de clause sans frais sans protet.son endosseur doit avertir à son tour
son propre endosseur, on remonte ainsi jusqu’au tireur (art.308 cc).

Les effets du refus d’acceptation se résument ainsi :

-à l’égard du tiré : le refus d’acceptation exclut toute action cambiaire à


son égard un tel recours serait en contradiction avec l’art.287 cc qui
subordonne l’engagement cambiaire du tiré à son acceptation .il reste
cependant qu’il peut être poursuivi sur le terrain du droit commun, à condition
de prouver sa dette vis à vis du tireur(prouver qu’il a reçu provision).par contre
lorsque l’acceptation est obligatoire le refus engendre la perte du terme prévu,
autrement dit ,le lien fondamental qui le lie au tireur devient exigible (art.283
cc). (il Peut aussi être condamné à des dommages et intérêts)

- à l’égard des autres signataires : le refus d’acceptation rend la lettre de


change suspecte d’où la possibilité pour le porteur d’exercer ses recours
cambiaires contre les autres signataires de l’effet d’une manière anticipée
art.306 cc (sauf dans le cas d’une lettre de change non acceptable 323 cc)

§2- L’acceptation par intervention

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Pour éviter les recours anticipés du porteur suite au refus d’acceptation , toute
personne peut intervenir et accepter par intervention pour le compte de l’un
des signataires art.323 cc .Le porteur peut refuser cette intervention, dans ce
cas , les recours anticipés lui sont ouverts. Au contraire, s’il accepte il ne peut
exercer ses recours contre celui pour lequel l’acceptation a été donnée et les
signataires postérieurs.

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