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TAILLEBOIS Simon Vendredi 04 Janvier 2013

09094
Sciences Sociales et Economie
La Métropole des Sciences Sociales
Fiche de Lecture

Présentation Générale

Françoise Choay, L'Allégorie du patrimoine, Paris, Seuil, coll. « La Couleur des idées », 2007
(réimpr. 1992, 1996, 1999, édition revue et corrigée), 271 p.

Françoise Choay, historienne des théories et des formes


urbaines et architecturales, est l’auteur de plusieurs ouvrages
traitant de l’architecture et de l’urbanisme montrant ainsi son
intérêt premier pour l’étude de la ville. A partir de ces
premiers ouvrages (L'urbanisme, utopies et réalités : Une
anthologie, en 1965 ; Essai sur l’évolution de l’espace urbain
en France en 1969 ; La Règle et le Modèle : Sur la théorie de
l'architecture et de l'urbanisme en 1980) et, ainsi, de ses
premières réflexions, des problématiques liées au patrimoine
commencent à surgirent au sein de ses écrits. C’est au cours
d’un entretien réalisé par Thierry Paquot, philosophe et
professeur des universités (Institut d'urbanisme de Paris, Paris
XII-Val-de-Marne) mais aussi éditeur de la revue Urbanisme, en 1994, que Françoise Choay
exprime son intérêt pour le Patrimoine à une époque où la technologie fait peu à peu
‘’disparaître’’ le temps, remplace les repères concrets par des ‘’illusions’’ virtuelles.

Dans le présent ouvrage, elle tente de comprendre cet attrait pour le patrimoine au sein des
sociétés contemporaines. Ainsi pouvons-nous lire sur la quatrième de couverture : « Pourquoi
le patrimoine historique, architectural et urbain a-t-il conquis aujourd’hui un public
planétaire ? Pourquoi sa connaissance, sa conservation et sa restauration sont-elles devenues
un enjeu pour les Etats du monde entier ? ». Selon elle, les arguments du savoir et du rôle
touristique (et donc économique) ne suffisent pas, il faut chercher plus loin et « remont[er]
aux origines […] des notions de monument et de patrimoine historique ».
Son hypothèse : cet intérêt pour les monuments et les monuments historiques serait en fait
source d’apaisement de nos angoisses. Alors que s’offre à nous un avenir incertain, nous nous
réfugions dans les illustrations du passé, nous nous rappelons de ce dont nous avons été
capables, nous tentons de sauver notre « compétence d’édifier ».

C’est ainsi par le biais d’une histoire des notions de monuments et monuments historiques que
Françoise Choay développe son discours, montrant à chaque chapitre (correspondant chacun à
une évolution, un tournant dans l’utilisation et la pensée de ces termes), l’évolution des
consciences collectives vis-à-vis des objets patrimoniaux, de la prise en compte de ces
derniers.

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Avant d’entamer ses axes de réflexion, Françoise Choay commence, dans son introduction,
par définir les termes, notions clés, qui apparaissent tout au long de l’ouvrage : ‘’patrimoine’’,
‘’patrimoine historique’’, ‘’monument’’, ‘’monument historique’’. Le patrimoine se
rapportant à l’héritage du père, le patrimoine historique renvoie à celui d’une « communauté
élargie aux dimensions planétaires » (p.9, l.8).
A partir de ces premières définitions, son sujet se dessine : parmi toutes les catégories
appartenant au patrimoine historique, elle traitera essentiellement du patrimoine bâti. Ce
patrimoine bâti renvoie aux deux notions que sont les monuments et les monuments
historiques. Françoise Choay introduit l’idée que ces deux notions différentes (la première
renvoyant à une fonction mémoriale, la seconde à une fonction cognitive ou sensorielle,
esthétique) se sont succédé au fil du temps, la première laissant peu à peu place à la seconde.
Ce ‘’changement’’ de notions à un impact sur les politiques de conservation. Le monument,
constamment « exposé aux outrages du temps vécu » (p.22, l.6), est condamné à l’oublie, la
destruction, la modification ; tandis que le monument historique (invention occidentale), est
« figé par le savoir » (p.22, l.31) et doit, de ce fait, être conservé à l’abri des outrages du
temps, et servir d’exemple, d’illustration intemporelle. De ce constat, l’auteur exprime son
souhait d’étudier l’intérêt des sociétés actuelles pour le patrimoine historique, leurs
« motivations […] qui sous-tendent aujourd’hui patrimoniales » (p.23, l.35), mais avec une
recherche approfondie sur les origines et l’évolution dans le temps de cet intérêt. Pour
comprendre à quoi nous renvoie la notion de patrimoine (son miroir), il faut comprendre avant
tout sur quelles bases cette notion s’est fondée (structures, strates définissant la surface lisse
de ce miroir). Le terme d’Allégorie est posé. Son étude s’étale de l’Antiquité à la Chartes de
Venise de 1964 en Europe. Ses exemples sont le plus souvent « empruntés à la France »
(p.24, l.20).

Chapitre I : Les Humanistes et le Monument Antique

Art Grec Classique et Humanités Antiques : Pour démarrer ses recherches,


Françoise Choay analyse les premiers ‘’préservateurs’’ de l’Antiquité (IIIème s. av. J-C). Les
objets, essentiellement d’origine grecque, qu’ils conservent voire exposent n’ont pas valeur de
patrimoine historique : la civilisation grecque disparue est, pour eux, le modèle d’une
civilisation supérieure qu’il faut copier. Il ne s’agit pas d’un travail de mémoire mais de
réappropriation. L’esthétique n’était pas plus prise en compte : il s’agissait plus de prestige,
de snobisme, de lucre ou goût du jeu. Il manque « la distanciation de l’histoire » (p.28, l.22)
et une volonté délibérer de conserver ces objets qui étaient détruits selon le bon vouloir de
chacun.
Restes Antiques et Humanitas Médiévales : Durant l’époque Médiévale, des
destructions du patrimoine antique sont effectuées mais certains bâtis (structures, murs, toits
etc…) sont conservés et réutilisés : c’est la conduite du « Bernard l’Hermite » (p.29, l.36)
(VIème s.). Est ajouté à cet aspect pratique, la fascination exercée par ces œuvres antiques
(dimensions, richesses des matériaux) que le clergé s’empresse de se réapproprier pour le
transposer dans le monde chrétien. Malgré l’utilisation de certains sites comme mines de
ressources, Rome fait figure d’exception et de transition : elle est conservée à des fins d’utilité
et de mémoire d’un « passé temporel et glorieux » (p.35, l.9). Françoise Choay ne peut
trancher entre monument et monument historique par manque de sources et par l’abandon de
Rome par les papes jusqu’en 1420 (conservation annulée).

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La Phase Antiquisante du Quattrocento : Les artistes italiens du quattrocento ne
copient plus, « les perspectives historiques et la richesse des humanitas gréco-romaines» leur
sont révélées par les humanistes, friands de textes et savoirs anciens. Rome est considérée par
Alberti comme une « somme de noms de Monuments » (p.41, l.19), une leçon de construction
et « une introduction aux problèmes de la beauté » (p.41, l.27). C’est « l’aboutissement d’une
inaugurale histoire de l’architecture ». (p.41, l.31)
La Renaissance marque la naissance du Monument Historique après la mise en ruine pastorale
de Rome. Cet objet nouveau est issus des « trois discours de la mise en perspective
historique, […] artistique et de la conservation ». (p.48, l.28)

Chapitre II : Le Temps des Antiquaires

Les humanistes des XV-XVIème siècles s’intéressent plus aux textes antiques qu’aux
objets se rapportant à cette époque. Ces derniers ne faisaient figures que d’illustrations des
textes. Mais une nouvelle élite se forme, celle des antiquaires. Ceux-ci préfèrent davantage se
référer aux objets qui révèlent des choses non écrites (mœurs, coutumes), plutôt qu’aux textes
considérés comme mensongers la plupart du temps. Les antiquaires effectuent des recherches
approfondies de nouveaux monuments en voyageant et en se familiarisant avec de nouvelles
cultures jusqu’ici ignorées. Le terme ‘’musée’’ apparait au même moment que ‘’Monument
Historique’’, il « institutionnalise la conservation matérielle [des objets d’art] et prépare la
voie à celle des monuments architecturaux. » (p.49, l.27)
La création du champ des Antiquité Nationales (regroupant les monuments Antiques
des différents pays européens) par les antiquaires annonce le début de ce que nous appellerons
plus tard l’Inventaire. Cette création est poussée par la volonté d’affirmer l’originalité de son
pays par sa propre histoire. On admire les mœurs et traditions anciennes. L’architecture
religieuse Gothique n’est admirée que pour ses exploits techniques et non ses résultats
esthétiques qui ne répondent pas aux canons de la Grèce Antique (en France ≠ d’Angleterre
où le gothique perdure jusqu’au XVIIIème, le goût italien ne s’y est jamais imposé).
L’Avènement de l’Image, ce besoin de représenter exactement les antiquités (En 1444, le
Parthénon est ‘’imaginé’’, il faut attendre 1770 pour obtenir une représentation exacte),
« contribue à l’achèvement du contexte de monument historique qui acquiert sa signification,
dénomination » (p.64, l.30) et annonce l’apparition de la valeur esthétique sensible des
Lumières (qui s’ajoute à la valeur historique donnée par les antiquaires). La Révolution
Française marque le passage de la conservation iconographique abstraite (jusqu’ici
dominante) à la conservation réelle (initiée cinquante ans plus tôt en Angleterre). Les
processus de protections ne dépendaient jusqu’ici que de l’affectif des différents
propriétaires : « le caprice et le mauvais goût du XVIIIème siècle ont été plus destructeurs que
le zèle aveugle des XVIème et XVIIème siècles ». (p.72, l.20)

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Chapitre III : La Révolution Française

La révolution française marque par ses destructions. Néanmoins, en parallèle de ces


destructions, est anticipée l’invention des pratiques de conservation des monuments
historiques. Celles-ci donnent lieu à la mise en place d’un Classement du Patrimoine qui
réparti les objets patrimoniaux en deux parties : les biens meubles (conservés dans des
musées) et les biens immeubles (sujets à transformation). Ces premières démarches de
conservations, somme toute assez sommaires, sont avant tout préventives. Il faut protéger les
biens patrimoniaux du vandalisme idéologique des populations. Tandis que le vandalisme
répond à une volonté d’abstraction du passé et des coutumes « pour vivre dans l’immédiateté
du présent » (p.85, l.5), la conservation, elle, répond à un besoin d’identité des individus basé
sur la durée et la mémoire. Même si ces destructions sont plus d’ordre patriotique et civique
que vandale selon certains, il n’en reste pas moins qu’il leur faut conserver ce passé rejeté ne
serait-ce que pour la valeur de la mémoire, conserver ce que c’est que le « Prix de la Liberté »
(p.85, l.30) (conservation des cicatrices liées aux destructions). Pour finir ce chapitre, l’auteur
dresse une hiérarchie des valeurs attribuées aux monuments, dans l’ordre: nationale (justifiant
l’inventaire), cognitive (monument = témoins de l’histoire), économique (œuvres = modèles
repris par les manufactures, ‘’tourisme’’ naissant) et enfin artistique. Le monument devient la
propriété par héritage du Peuple

Chapitre IV : La Consécration du Monument Historique 1820-1960

La citation de Charles Nodier et du Baron Taylor issue du premier volume des


Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France (1820) qui ouvre ce chapitre
permet à Françoise Choay d’illustrer le changement de statut attribué aux Monuments
Historiques. La hiérarchie des valeurs s’inverse : les bâtis anciens ne fondent plus un savoir
mais l’illustrent (sentiment national, valeur artistique). Les historiens de l’art remplacent peu
à peu les antiquaires. Alors qu’avant 1820, le monument historique est une œuvre égalable,
‘’surpassable‘’, après 1820 il devient irremplaçable, les dégâts sont irréparables, les pertes
irrémédiables. La consécration du monument historique est liée à l’ère industrielle : en
France, la modernité l’emporte (marche de l’histoire primée) tandis qu’en Angleterre, la
valeur de mémoire (nationale et historique) est considérée comme nécessaire à la vie.
Ces changements de valeurs ont un impact sur les pratiques de restaurations. Ces
pratiques sont difficiles à mettre en place (ignorance de l’art gothique + architectes du
patrimoine rejetés + restauration « non gratifiante » (p.113, l.4) pour les architectes qui
veulent créer). Deux types de pratiques se confrontent: la restauration interventionniste
défendue par Viollet le Duc (France) et la restauration non-interventionniste de Ruskin
(Angleterre). Françoise Choay trouve un compromis à ces deux pratiques en Camillo Boito
qui part du principe qu’il faut conserver en état actuel les bâtis anciens sans les modifier
(théorie Ruskinienne) exception faite des cas critiques qui, eux, auront besoin d’une
restauration (théorie de Viollet le Duc). Enfin, avec Riegl, l’auteur montre les deux catégories
de valeur qui fondent la nouvelle base des monuments historiques : la valeur historique et
ancienne de remémoration (savoir + sensibilité commune) et la valeur de contemporanéité
d’art et d’usage.
La consécration des monuments historiques s’achève sur la Charte de Venise de 1964.

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Chapitre V : L’Invention du Patrimoine Urbain

Il aura fallu près de 400 ans pour compter le patrimoine urbain, la ville historique dans
les rangs du patrimoine historique. Pourquoi ? Pour l’auteur, il s’agit d’une réponse au
processus d’urbanisation (terme défini par Cerdà en 1867 et apparu en France en 1910) qui
tend à raser le tissu ancien des villes en créant de grandes places et avenues aérées,
ensoleillées (exemple Haussmannien). Choay défini quatre figures de la ville ancienne : « la
figure mémoriale » (ville ancienne = lieu où l’on vit, l’on à vécu), « la figure historique
propédeutique » (ville ancienne = source d’enseignement), la problématique « figure
historique muséale » (doit - on faire des villes anciennes des villes-musées ?), et « la figure
historiale » (ville ancienne = monument, tissu vivant qu’il faut conserver et dont la modernité
doit s’adapter → Application de la méthode Boito).

Chapitre VI : Le Patrimoine Historique de l’Industrie Culturelle

Enfin, Choay rejoint les problèmes contemporains liés à des pratiques de restauration
excessives (Complexe de Noé : on veut tout protéger). L’auteur parle d’ « Industrie du
Culte » : les monuments et monuments historiques acquièrent le double statut de
dispensateurs de savoir et de plaisir pour tous et de produits culturels diffusés en vue de leur
consommation.
Le patrimoine bâti est aujourd’hui victime de son succès : on veut tout mettre en
valeur (problématique des Grands Ensembles classés) avec une surabondance d’effets
(lumière, spectacles, son, boutiques), le visiteur doit être satisfait et fini par passer avant le
monument historique (parkings à proximité de l’entrée). D’autres problématiques se posent
pour la conservation du patrimoine industriel (reconversion, problème de la coquille évidée
etc…). Les effets pervers sont multiples : dégradation causées par le tourisme de masse, perte
des valeurs historiques et d’art au profit du spectacle et de la nouveauté. Même les pratiques
de restauration-conservation sont influencées : celles-ci frôlent l’abus, sont parfois inventives,
imaginaires et ne respectent pas l’histoire du bâti (ex : les mâchicoulis de Provin), le but étant
d’époustoufler le public.
A ces problématiques, Choay fait émerger quelques solutions, quelques
Conservations stratégiques telles que des régulations de touristes voire des fermetures
programmées de sites, des doublages de sites (exemple des grottes de Lascaux) avec la
création de « musées Imaginaires » (p.176, l.35). Enfin, pour le tissu urbain, elle met en
évidence la réussite des centres anciens réappropriés par de petits commerces et non des
activités tertiaires importantes.

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Conclusion : La Compétence d’Edifier

Pour Choay la valeur du Patrimoine est, de nos jours, principalement économique. Le


succès de ce dernier repose sur la conduite narcissique de l’Homme: celui-ci s’admire dans
ce que l’auteur appelle « le Miroir du Patrimoine » en contemplant son passé « vertueux et
talentueux ». Ce dernier se rassure face aux bouleversements techniques et technologiques qui
ont tendances à lui faire perdre les notions de temps et d’échelle. Selon elle, l’Homme a peur
de perdre sa « Compétence d’Edifier » : « capacité d’articuler entre eux et avec leur contexte,
par le truchement du corps humain, des éléments pleins ou vides, solidaires et jamais
autonomes dont le déploiement à la surface de la terre et dans la durée fait sens,
simultanément pour celui qui édifie et celui qui habite, comme le déploiement des signes du
langage dans l’espace sonore et dans la durée signifie ensemble et indissociablement pour
celui qui parle et pour celui qui l’écoute. » (p.191, l.11)
Pour retrouver cette compétence, Choay propose de sortir de ce narcissisme et de « conjurer
le miroir patrimonial » (p.193). Nous devons retrouver notre compétence d’édifier et
conserver notre capacité à continuer et à remplacer le patrimoine plutôt que de le conserver tel
quel.

Méthodologie Employée

Françoise Choay s’appuie, dans cet ouvrage, sur une approche historique,
chronologique pour traiter du patrimoine bâti. Pour comprendre l’engouement de cet héritage
pour les sociétés actuelles, elle doit remonter aux origines, à l’invention non seulement de
cette notion mais aussi de tous les termes qui lui sont propres tels que ‘’monument’’ ou
‘’monuments historique’’. Comme elle l’explique, cette passion, qu’elle assimile à un miroir,
est formée par les strates successives issues des évènements du passé qui composent la
surface lisse actuelle. Ces évènements, elle les a regroupés pour former ses chapitres, chaque
chapitre illustrant un évènement, une période majeure dans l’évolution de la prise en compte
du patrimoine bâti : l’Antiquité - Moyen Age - Renaissance, le XV-XVIIIème siècle, la
Révolution Française, la consécration de 1820-1960, l’Urbanisme et l’Industrialisation du
XIXème siècle. Cette remontée aux origines lui a ainsi, permis de conclure sur une
explication de cet engouement, sur ses effets néfastes (à la fois pour l’Homme et le patrimoine
bâti qu’il veut conserver) et d’ouvrir son ouvrage sur une proposition, une hypothèse
d’amélioration.
Pour pouvoir effectuer une telle investigation (recherches sur plus de cinq siècles),
Françoise Choay se base essentiellement sur les textes contemporains de chaque période. Sa
bibliographie illustre l’ampleur de ses recherches (environ 300 ouvrages et articles cités). Il
s’agit, pour l’essentiel d’ouvrages et recueils historiques, de textes de loi, de correspondances,
carnet de voyages etc... Françoise Choay a le recul que les auteurs contemporains de ces
périodes n’avaient pas, ce qui lui permet d’affirmer ou de peaufiner certaines hypothèses,
analyses déjà présentées. Le croisement des différentes sources, des différents points de vue,
des différentes expériences lui permettent aussi d’énoncer une hypothèse globale propre à
chaque grande période traitée dans son ouvrage.

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Ainsi, à la première période correspond une réappropriation du patrimoine sans valeur
historique, la deuxième période voit naître le monument historique avec son admiration et un
début de conservation abstraite effectuée par les Antiquaires, la Révolution Française marque
la passage à une conservation réelle des monuments et l’émergence de nouvelles valeurs
(cognitive, économique et artistique), la quatrième période traite de la consécration du
patrimoine bâti et de ses premières problématiques en matière de conservation, en cinquième
phase cette consécration se poursuit avec son extension à l’échelle urbaine et la dernière phase
correspond à celle que nous vivons actuellement et développe les difficultés et effets néfastes
engendrés par le succès, cet engouement pour le patrimoine bâti.
Pour créer son discours, Françoise Choay ne fait pas que reprendre des extraits d’ouvrages,
elle interroge ces discours par des questions rhétoriques et invite le lecteur à s’interroger
aussi, le faisant participer à ses recherches. La lecture de son ouvrage n’en est ainsi que plus
riche et dynamique. Ces questionnements sont des articulations logiques entre les faits qu’elle
observe, les textes qu’elle lit et ses hypothèses.
Son ouvrage n’est pas dispensé d’illustrations : au nombre de seize pages, celles-ci on
été soigneusement choisies pour illustrer ses propos. On y trouve des photographies d’époque,
mais aussi des esquisses, des gravures, des peintures, photos de maquettes, plans etc… Ces
documents sont issus de bibliothèques (bibliothèque nationale, bibliothèque Mazarine), de
fondations (Fondation Le Corbusier) ou d’autres ouvrages.
Enfin, le titre (ainsi que l’introduction à son ouvrage) illustre sa méthodologie globale
à savoir présenter le patrimoine sous forme d’allégorie (« Expression d'une idée par une
métaphore animée et continuée par un développement »1). La figure de l’allégorie lui permet
de présenter cette notion complexe qu’est le Patrimoine en utilisant l’image de la métaphore
du miroir devant lequel l’Homme reste à s’admirer, à admirer sa gloire et son prestige passé,
et n’osant pas lui tourner le dos de peur de se perdre dans un avenir incertain. Il est plus facile
pour Françoise Choay d’expliquer sa proposition de refonte des pratiques de conservation-
restauration du patrimoine en initiant ses propos avec l’illustration de la traversée du Miroir.
L’Homme ne peut vraisemblablement pas détacher son regard de son reflet patrimonial mais
plutôt que de rester en face à le regarder, inactif, en perdant peu à peu ses compétences (et
notamment sa compétence d’édifier) Choay propose de « traverser le miroir » (p.198, l.1),
autrement dit de plonger dans le monde du patrimoine (à l’instar de Lewis Caroll dans son
œuvre De l’autre côté du miroir, avec Alice qui pénètre le monde du miroir), de vivre et
d’évoluer avec les œuvres construites antérieurement. L’allégorie permet, par l’image de la
métaphore filée, d’expliquer plus facilement la notion et les idées du patrimoine qu’elle
présente tout au long de son ouvrage.

1
Définition du Larousse.fr

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Approche Critique

Bien qu’à première vue cet ouvrage semble relativement simple à lire (c’est en tout cas
l’impression que l’ouvrage m’a donné après avoir rapidement lu l’introduction), il n’en reste
pas moins riche en connaissances, idées, réflexions… C’est pour moi le type d’ouvrage qui ne
se lit pas en une seule fois. Certaines choses ‘’passant à la trappe’’, il m’a été nécessaire, pour
pouvoir effectuer cette fiche de lecture, de faire plusieurs relectures de certains passages, et
notamment de la conclusion qu’il a été pour moi essentiel de bien comprendre. C’est
notamment au cours de ces relectures que j’ai pu bien assimiler l’intérêt de la forme
allégorique.
On comprend mieux, après lecture, pourquoi il s’agit d’un ouvrage de référence dans
le monde du patrimoine : Françoise Choay nous offre là un résumé complet de l’évolution des
pratiques patrimoniales européennes avec de nombreuses références. Les illustrations, peu
nombreuses, sont soigneusement choisies de telle sorte que le lecteur n’est pas noyé sous une
multitude de photos ou autres documents. A l’inverse, ce dernier se consacre pleinement à la
compréhension et à l’assimilation des idées développées par l’auteur. Les images choisies
sont des images ‘’chocs’’ : non seulement elles illustrent les propos, les arguments forts de
l’auteur, mais elles interpellent le lecteur qui les grave dans sa mémoire. Difficile d’oublier,
en effet, la comparaison entre le ‘’terrible’’ plan Voisin de Le Corbusier et le plan des
quartiers de Paris qui devaient être refondus par ce projet ou encore l’évolution des
représentations du Parthénon au fil des siècles…
Bien que subjective, l’auteur ayant un avis somme toute assez tranché (on aura bien
compris, par exemple, son rejet des idées corbuséennes confirmé dans son entretien avec
Thierry Paquot), cet ouvrage pose les questions auxquelles sont confrontées les architectes du
patrimoine en permanence et propose des solutions, des hypothèses, qui sont à étudier avec le
plus grand intérêt.

Contextualisation

Il ne faut pas s’y tromper, cet ouvrage ne fut pas publié en 2007. Réédité cinq fois, cet
ouvrage fut publié pour la première fois en 1992 et revu et corrigé plusieurs fois (Par ailleurs,
dans l’édition de 2007, Françoise Choay y inclut un avertissement dans lequel elle explique le
recul pris depuis la dernière édition de son ouvrage en 1999 et fait mention de quelques
modifications telles que la mise à jour de certaines références, la reformulation de « certains
passages insuffisamment explicites » et la correction de « quelques coquilles passées
inaperçues » p.7). Néanmoins, et cela explique ses nombreuses rééditions, l’ouvrage reste
d’actualité ainsi que les problématiques liées aux pratiques de restauration. Pour exemple, le
Château de Versailles et ses nombreuses polémiques liées à sa mise en valeur et à sa
restauration : installations d’œuvres d’arts contemporaines (Exposition Venet de 2011) issues
de milieux culturels divers et variés (Exposition de Takashi Murakami de 2010), restaurations
polémiques (la restitution de la Grille Royale en 2008, vivement contestée, considérée comme
réinventée par l’architecte des monuments historiques)…

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Le château subit, de plus, depuis quelques années une politique de ‘’dérestauration’’
visant à retirer les restaurations effectuées dans les années 70 qui ne respectaient pas les
pratiques historiques et n’avaient qu’un but strictement économique (ex : ardoises originaires
d’Espagne et installées avec des accroches en zinc à la place des ardoises locales avec des
clous en cuivre → économie financière et de temps à court terme car les ardoises espagnoles
sont de mauvaises qualités et l’accroche en zinc ne tient pas dans le temps) pour les remplacer
par des restaurations respectant la mise en œuvre historique.
Pour le président de l’établissement public du château, du musée et du domaine
national de Versailles (Jean-Jacques Aillagon jusqu’en 2011), le château de Versailles doit
« sortir du cliché ». Mon avis est que selon eux, le château ne se suffit plus à lui-même et à
besoin de nouveautés permanentes (spectacles, expositions contemporaines etc…) pour attirer
toujours plus de public et le faire revenir chaque année pour ainsi pérenniser une rentrée
d’argent régulière bénéfique pour l’établissement et l’Etat… comme toute autre attraction.

Les recherches de Françoise Choay dans le milieu du patrimoine ont évolué depuis la
publication de son allégorie :

*Françoise Choay, Patrimoine en questions : Anthologie pour un combat,


Paris, Seuil, coll. « La Couleur des idées », 22 octobre 2009, 272 p.

Ce dernier ouvrage n’est autre que la suite et l’approfondissement des problématiques


posées dans son Allégorie du Patrimoine sur le thème des pratiques de restauration actuelles.
Il ne me reste plus qu’à le lire…

Pourquoi ai-je choisi ce livre ?

J’ai choisi ce livre dans le but de pouvoir approfondir mes connaissances dans le
milieu du patrimoine. En effet, cette thématique est au cœur de mon sujet de séminaire
(L’évolution de la prise en compte de la Technique dans les pratiques du patrimoine au
Château de Versailles depuis la Charte de Venise de 1964 à nos jours) qui plus est, j’envisage
fortement de travailler dans le milieu du patrimoine à l’avenir. Il me sembla donc judicieux de
choisir cet ouvrage de référence pour pouvoir étudier dans le domaine.

Sources :
 www.wikipédia.fr
 Edouard Laugier, « Jean-Jacques Aillagon - ‘’Sortir Versailles du cliché’’ », Le
Nouvel Economiste.fr, 2011, http://www.lenouveleconomiste.fr/jean-jacques-aillagon-
sortir-versailles-du-cliche-9862/#.UOWw7-R_myM
 Thierry Paquot, « Entretien avec Françoise Choay, ‘’Parole sur la Ville ‘’ », Institut
d’Urbanisme de Paris.fr, 1994, http://urbanisme.u-
pec.fr/documentation/paroles/entretien-avec-francoise-choay-
505550.kjsp?RH=URBA_1Paroles

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