Explorer les Livres électroniques
Catégories
Explorer les Livres audio
Catégories
Explorer les Magazines
Catégories
Explorer les Documents
Catégories
par
D.E. KOULOUGHLI
(CELLMA, CNRS/ENS Fontenay St-Cloud)
0. Introduction
1
Nous tenons à remercier G. Bohas et M. Chairet pour les critiques et les sugges-
tions qu’ils nous ont faites sur une version préliminaire de ce travail.
2
Sur les divers types de tanw“n on consultera surtout les ouvrages didactiques comme
la "Ë[urrmiyya ou la "Alyya (et leurs commentaires) souvent caractérisés par leur souci
de classi cations nettes. Le tanw“n y étant traité comme un indice identi catoire du nom,
c’est à la présentation des parties du discours que cette question est généralement traitée
en tant que telle, mais elle fait retour en divers autres points de la grammaire, partout
où elle peut avoir des eVets sur la morphologie casuelle.
3
Sur la portée du concept de tamakkun cf. Chairet (2000). Sur la genèse et l’évolu-
tion de ce concept cf. Kouloughli (à paraître).
22 d.e. kouloughli
4
Il faut exclure de ce « cas général » au moins un théoricien de stature exception-
nelle, Rˆ¶“ l-D“n Al-"AstarˆbˆÅ“ (m. 1287) qui a bien vu les insuYsances de la con-
ception « classique » sur le tanw“n. Sur son analyse, cf. Kouloughli (à paraître). Voir
aussi plus loin les conjectures formulées par Silvestre De Sacy . . .
24 d.e. kouloughli
5
Il n’est pas question de passer ici en revue tous les travaux d’arabisants occiden-
taux ayant traité du tanw“n. Nous nous contenterons de présenter le traitement de cette
question chez les auteurs (notamment francophones) que les arabisants d’aujourd’hui
sont le plus susceptibles de consulter.
6
Précisons tout de suite, nous y reviendrons, que la plupart des arabisants français
utilisent le couple « détermination/indétermination » pour « dé nition/indé nition ».
Cette confusion terminologique est corrélative, on le montrera plus loin, d’une confu-
sion conceptuelle entre niveau morpho-syntaxique et niveau sémantique.
7
Gatje (1970) (citant les kleinere Schriften de Fleischer) à propos de la valeur de l’état
TANWíN 25
d’annexion à un indé ni fait justement remarquer que imra"atu úa[[ˆmin n’est pas
« la femme d’un barbier » mais « une femme de barbier » . . .
8
Il s’agit d’une classe, à première vue assez hétérogène, de noms qui ne peuvent
pas prendre le tanw“n. A ce titre ces noms posent des problèmes à toute analyse de
l’arabe voulant voir dans le tanw“n un article indé ni. Nous reviendrons plus loin sur
ce problème.
26 d.e. kouloughli
9
Pour reprendre la terminologie et les intuitions remarquables de G. Guillaume (1919).
Nous reviendrons dans un autre travail sur l’analyse détaillée des valeurs du tanw“n.
TANWíN 27
12
Ce sont nos « noms communs ».
13
Le système d’Al-"AstarˆbˆÅ“ (cf. Kouloughli, à paraître) n’est pas exactement celui-là . . .
14
Ici encore nous ne prétendons pas rendre compte exhaustivement de tous les travaux
linguistiques qui ont parlé du tanw“n en arabe, mais des plus signi catifs. Si le lecteur
avait connaissance d’omissions importantes en la matière, nous lui serons reconnaissant
de nous aider à corriger nos insuYsances.
TANWíN 29
15
En réalité, deux classes morphologiques ont échappé à Kozah, classes qui pré-
cisément ont un comportement qui « chevauche » les diptotes et les triptotes : d’une
part celle des pluriels féminins externes, qui exibent un tanw“n mais n’ont que deux cas,
et celle de noms pluriels comme [qawˆ n] qui exhibent à l’état indé ni un tanw“n au
nominatif et au génitif mais pas à l’accusatif (où l’on a [qawˆ ya]). L’existence de cette
dernière classe montre à l’évidence qu’il y avait à l’œuvre, dans la morphologie arabe,
au moment de la codi cation opérée par les grammairiens, de fortes tendances régu-
larisatrices visant à généraliser la distribution complémentaire caractéristique des trip-
totes. Témoignent dans le même sens les faits relatifs aux divers types de tanw“n ©ayr
"a§“l (qui tendaient à généraliser l’occurrence du tanw“n en n de nom) et les fautes
courantes comme [mafˆt“úun] qui correspondent à la même tendance . . .
30 d.e. kouloughli
On est donc d’autant plus surpris de lire tout de suite après, sous la
plume de cet auteur (op. cit. p. 231) : « Toutefois le fait de considérer
la nounation comme une marque de l’indé ni face à (’a)l appelle plus
d’une réserve ». La lecture de la suite révèle que les réserves en ques-
tion sont au nombre de trois. Nous allons les présenter et les discuter
l’une après l’autre.
La première objection de Kozah concerne le caractère « non néces-
saire » du tanw“n dans l’indication de l’indé ni, puisque dans les deux
premières classes de noms dont il a été fait mention ci-dessus l’indé ni
n’est pas indiqué par cette marque.
Cette objection est quelque peu surprenante. En eVet, il n’est pas
rare, dans les langues naturelles, qu’une marque morphologique incon-
testablement corrélée à une valeur syntactico-sémantique ne couvre
16
Une approche historique du problème permet de justi er ce rapprochement tout
en montrant que précisément l’évolution diachronique à séparé les deux types de for-
mes qui ne fonctionnent plus, en grammaire synchronique de l’arabe, de façon iden-
tique. Mais la tentation d’assimiler les deux marqueurs synchroniquement, tentation
que n’autorise pas le respect des principes de l’analyse distributionnelle, conduit à des
conclusions linguistiquement non fondées. C’est pourtant à cette tentation qu’a cédé
A. Fassi Fehri (1993). Nous y reviendrons . . .
TANWíN 31
17
Il est vrai, cependant, que la position informationnellement défavorable du tanw“n
(comme des voyelles casuelles d’ailleurs), aggravée par l’eVet des règles de pause sur ces
marques, a joué un rôle décisif dans l’évolution de la langue d’un système à morphologie
casuelle vers un système sans cas, et d’un système à deux marques de l’indé nition (Ø
et n) à un système à une seule marque (Ø).
32 d.e. kouloughli
18
Il faut bien comprendre que l’argument ne consiste pas à dire que le tanw“n de
zaydun n’est pas un tanw“n, ni même qu’il est « inséparable » de sa base : On a bien en
eVet : yˆ zaydu! (comme yˆ kalbu!) ou zaydunˆ (comme kalbunˆ). Mais ces deux tanw“n
n’ayant pas les mêmes latitudes distributionnelles (al-kalb-u commute avec kalb-u-n mais
pas *al-zaydu avec zayd-u-n), ils ne peuvent pas avoir les mêmes valeurs.
34 d.e. kouloughli
morphosyntaxiques qui obligent à la chute du déterminant dans qˆhi-
ratu l-fuqarˆ"i, ou yˆ qˆhiratu !, mais ce déterminant ne joue aucun rôle
dans le statut dé nitionnel de l’unité car la seule alternance qui y est
possible est entièrement automatique . . .
Ce point établi, il faut alors reconsidérer le cas que la tradition arabe
appelle justement tanw“n al-tank“r (nûnation d’indé nition). Cette marque
s’ajoute précisément aux noms propres sans tanw“n lorsque l’on veut leur
associer (en « violation » de leur fonctionnement naturel) une référence
indé nie, c’est-à-dire lorsque l’on veut marquer que plusieurs indivi-
dus partagent le même nom propre, ou, en d’autre termes, que ce nom
propre se met à renvoyer à une classe ayant plus d’un membre. On
dira alors, par exemple, hˆÅˆ S“bawayhin [ad“dun « c’est un nouveau
S“bawayhi ». On s’aperçoit alors que, dès lors que l’alternance (cette
fois délibérée et non pas automatique) entre présence et absence du
tanw“n est formellement possible, cette alternance devient fonctionnelle
et est bel et bien corrélée à une alternance de valeur dé ni/indé ni.
On peut même pousser plus loin l’argument et dire que, si la valeur
d’indé nitude est bien intentée par le locuteur, c’est-à-dire que ce dernier
veut faire comme si c’était lui qui avait choisi de mettre un tanw“n sur
un nom propre triptote comme zaydun, alors, même pour ces noms prop-
res, le tanw“n marque bien l’indé nitude. Voici ce que dit S“bawayhi
(Kitˆb, II, 103) à ce sujet :
fa"in qulta hˆÅˆni zaydˆni mun aliqˆni wahˆÅˆni ’amrˆni mun aliqˆni lam yakun hˆÅˆ
l-kalˆmu "illˆ nakiratan min qibali "annaka [a’altahu min "ummatin kullu ra[ulin minhˆ zay-
dun wa’amrun walaysa wˆúidun minhˆ "awlˆ bihi min al-"ˆ¢ari. wa’alˆ hˆÅˆ l-úaddi
taqlu hˆÅˆ zaydun mun aliqun. "alˆ tarˆ "annaka taqlu hˆÅˆ zaydun
min al-zayd“na "ay hˆÅˆ wˆúidun min al-zayd“na kaqawlika hˆÅˆ ra[ulun
min al-ri[ˆli.
Si l’on dit « voici deux Zayd qui s’en vont » ou « voici deux ’Amr qui s’en vont », cela ne
peut avoir qu’une valeur d’indéni en ce sens que [ces termes] sont traités comme éléments d’une
classe dont chaque élément est un Zayd ou un ’Amr sans que l’un d’entre eux mérite plus
ce nom qu’un autre. Dans ce même sens, on peut dire « voici (un) Zayd
qui s’en va ». En eVet cela équivaut à « voici un Zayd parmi les Zayd »
ou « voici l’un des Zayd » comme on dit « voici un homme parmi les
hommes ».
Ce qui est pertinent ici c’est que le choix délibéré du locuteur rend le
tanw“n de zaydun fonctionnel et que, rendu fonctionnel, ce dernier ne
peut fonctionner que comme un tanw“n tank“r, un déterminant indé ni.
* * *
Dans une communication de 1987, le linguiste A. Fassi Fehri analysant
la structure du syntagme nominal de l’arabe, et constatant que le suYxe
[n] de noms comme ra[ul-u-n est en distribution complémentaire avec
TANWíN 35
19
Certes l’auteur ajoute (dans une note p. 275): « this [n] occurs only on so-called
sound plurals, and duals. Broken plurals do not carry [n] when they are de nite.
Traditional grammarians make a distinction between this [n] which they call nuun (i.e.
a simple n) and tanwin (nunation). This distinction is simply graphic, in my view. The
two [n] are uni ed here and provided a single treatment ».
36 d.e. kouloughli
Comment expliquer les formes eVectives, qui diVèrent par une voyelle
nale des formes reconstruites, et, surtout, comment expliquer que pré-
cisément pour ces formes (où le [n] sera suivi de voyelle) il n’y a plus
d’incompatibilité entre cette marque et l’article dé ni [al ] alors que
pour toutes les autres formes à tanw“n la co-occurrence de l’article dé ni
est impossible ?
L’explication est assez simple, même si l’on postule que le [n] de la
dernière syllabe des formes ci-dessus est bien, à l’origine, un tanw“n. On
constate, dans cette hypothèse, que ces formes sont les seules qui, dans
la langue, font apparaître le tanw“n après une voyelle longue ou une
diphtongue, ce qui engendre alors des syllabes « surlongues » CVVC
ou CVGC20. Or les contraintes de structure syllabique de l’arabe clas-
sique ne permettent généralement pas de telles syllabes dans la représen-
tation phonologique d’un mot. Les voyelles [a] ou [i ] qui apparaissent
après le [n] du tanw“n (et dont le timbre est entièrement prédictible
puisqu’il est en simple dissimilation par rapport à la voyelle précédente)
sont donc en fait de simples voyelles anaptyctiques destinées à récon-
cilier ces formes avec les contraintes de structure syllabique de la langue.
La règle qui commande l’introduction des ces voyelles est :
Ø ® { a/i } / { ,“ / ˆ,ay } #n__##
Règle qui se lit : insérer une voyelle brève de timbre [a] (respective-
ment [i]) après un tanw“n (représenté ici, de façon non équivoque comme
un morphème /n/ enclitique de n de mot) si ce dernier est précédé
d’une voyelle longue [ ou “] (respectivement [ˆ] ou diphtongue [ay]).
20
Le symbole G est mis ici pour « Glide » ou « semi-voyelle ».
TANWíN 37
Mais une fois cette règle appliquée, la règle de pause applicable aux
formes comme [muslimna] ou [muslimˆni] n’est plus celle qui est appli-
cable aux autres mots terminés par tanw“n (à savoir eVacement du tan-
w“n et de la voyelle casuelle) mais la règle applicable aux mots terminés
par une voyelle brève! Donc /muslimna/ > [muslimn], et /muslimˆni/ >
[muslimˆn]. Les conditions se sont alors trouvées réunies pour que cette
classe de mots (c’est-à-dire les mots où le tanw“n suit une voyelle longue
ou une diphtongue) ne soient plus reconnus comme des mots à tanw“n.
Cette réanalyse ne pouvait qu’être renforcée par le fait que les classes
de mots concernées correspondent à des duels et des pluriels, ce qui
favorisait une réinterprétation des suYxes ˆn(i)/ayn(i) et n(a)/“n(a)
comme des marques de quanti cation21.
Les formes comme muslimn n’étant plus senties comme des formes
à tanw“n, rien ne s’opposait plus à l’adjonction du déterminant dé ni
[al ] à ces formes, d’où al-muslim--na. Seules les formes en état d’an-
nexion (qui n’ont jamais eu le tanw“n) ont résisté à cette confusion, du
moins à l’époque où la langue a été codi ée.
Ce qui semble con rmer cette analyse, c’est qu’en arabe dialectal
maghrébin (et sans doute aussi ailleurs) le nivellement analogique s’est
poursuivi dans les formes en état d’annexion. Seules celles avec pronom
clitique (qui forment pratiquement un paradigme gé) ont résisté à la
généralisation du [n] en nale des pluriels externes et duels. On a donc :
[wˆld“kum] = « vos parents » (sans /n/ entre le nom et le pronom suYxe)
mais [wˆld“n Muúammad ] = « les parents de Muúammad » (avec « intro-
duction » du /n/ par généralisation de la forme [wˆld“n] comme forme
de base).
En conséquence, et dès l’époque classique, l’assimilation du [n] des
formes à duel et à pluriel externe avec celui des formes normales à
tanw“n n’a plus aucune réalité dans la grammaire synchronique de la
langue et toutes les conclusions fondées sur une telle assimilation sont
sans fondement.
* * *
L’article de G. Ayoub (1991) intitulé « La nominalité du nom ou la ques-
tion du tanw“n », est l’étude la plus volumineuse qu’il nous ait été donné
21
Kurylowicz (1950) semble penser, pour sa part, que les marques [na/ni ] du pluriel
externe et du duel sont dès l’origine des marques distinctes du tanw“n et que leur
disparition à l’état d’annexion est un fait distinct de l’impossibilité d’occurrence d’un
déterminant en "i¶ˆfa. Sur ce point nos analyses divergent, mais l’une comme l’autre
reviennent à in rmer celle de Fassi Fehri.
38 d.e. kouloughli
de lire sur ce thème. Elle est malheureusement aussi celle dont l’argu-
mentation est la plus diYcile à suivre : on reste perplexe, à l’issue d’une
lecture diYcile, où les points de vue morphologique, syntaxique et séman-
tique se télescopent plutôt qu’ils ne s’articulent, et où les théories des
écoles les plus diverses (grammaire arabe ancienne, grammaire généra-
tive, logique, approche énonciative) sont appelées tour à tour à l’appui
de telle ou telle analyse, sans que la question fondamentale de la cohérence
et de la compatibilité des ces diverses théories soit jamais problématisée.
C’est aussi et surtout une étude aux conclusions des plus paradoxales
concernant le statut du tanw“n en arabe : c’est en tout cas ce que l’on
peut penser à la lecture d’une thèse formulée ainsi (op. cit. p. 191) :
Le suYxe [n] est le marqueur d’un statut nominal non marqué.
22
Il existe de nombreuses recherches sur la déclinaison diptote : cf. les indications
que donne Fleisch (op. cit. § 56 c).
TANWíN 41
23
Sur des éléments de ce processus, cf. Fleisch, op. cit. § 55 sq.
42 d.e. kouloughli
24
On a vu aussi que les noms propres, qui se répartissent morphologiquement sur
tous les types possibles de syntagmes nominaux arabes, ne sont pas, en tant que tels,
sensibles à l’eVet des marques grammaticales qu’ils portent (sauf visée spéci que du locu-
teur).
25
Sur certains de ces outils, cf. par exemple Anghelescu 1985.
26
Le lecteur voudra bien garder à l’esprit qu’une « histoire » de ce type, qui remonte
bien au delà des documents linguistiques attestés, est à bien des égards conjecturelle . . .
L’esquisse que nous présentons ici, et qui est, pour l’essentiel, celle que propose Kurylowicz
(1950), a pour elle de reposer sur des assises linguistiques générales solides.
TANWíN 43
27
Cf. sur cette question l’article de G. Bohas (1998) qui présente la situation en
syriaque . . .
28
Kurylowicz dit « individué » pour indé ni.
44 d.e. kouloughli
29
Peut-être commence-t-on cette entrée dans l’indé ni par un indé ni de « saisie
étroite », à valeur assez spéci que, comme celui dont parlait Blachère (cf. note 9 ci-
dessus) avant de dériver vers les indé nis de « saisie large » totalement non spéci ques
. . . C’est une question qui reste à documenter . . .
TANWíN 45
ETAT PREHISTORIQUE II :
DéWni Générique IndéWni
kalb-u-n kalb-u-n kalb-u
A ce stade, caractérisé par un tanw“n qui a perdu son aptitude à exprimer
un dé ni situationnel, intervient un fait capital : une innovation expres-
sive conduit à l’introduction du démonstratif pré xé [al-]30 pour « raviver »
la valeur de dé ni situationnel. On aboutit donc au nouvel état :
ETAT PREHISTORIQUE IV :
DéWni Générique IndéWni
al-kalb-u kalb-u-n kalb-u-n
Cet état, caractérisé par un emploi fortement situationnel de l’article
dé ni [al-] et un emploi générique du tanw“n, a laissé dans la langue
des traces que certains auteurs (notamment Reckendorf, 1921) ont
relevées. Parmi ces traces, citons l’usage quasi-démonstratif de l’article
[al-] dans des formes comme [al-yawm] = aujourd’hui (lit. « ce jour »)
ou man al-ra[ul = qui es-tu ? (lit. « qui est cet homme »). Pour les usages
génériques du tanw“n on cite des exemples tels que man ya"tihi min ¢ˆ"in
. . . = « quiconque, ayant peur, vient le trouver . . . ». Mais un exem-
ple classique de la grammaire arabe, Òarr-u-n "aharra ň nˆb-i-n « quelque
mal aura fait gronder le canin », est plus probant puisqu’on ne peut y
invoquer, contrairement à l’exemple précédent, une valeur de « partitif ».
A ce stade, la tendance à l’extension de la forme dé nie vers les
valeurs génériques peut de nouveau jouer : cette fois c’est [al-] qui
occupe le créneau du générique. On aboutit alors à la situation que
nous connaissons pour l’arabe classique :
mais il tend aussi, en dehors de quelques cas qui font presque gure
de paradigmes gés, à remplacer l’antique état construit dans l’expres-
sion de la relation génitivale, et ce, par l’intermédiaire de la construc-
tion [dyˆl + pronom]. C’est ainsi que l’on a : [bnu] = « son ls », mais
[l-mra dyˆlu] en concurrence avec [mrˆtu] pour « sa femme » et, de
façon désormais quasi exclusive [6lktˆb dyˆlu] pour « son livre ». En n,
la généralisation progressive du syntagme [w6úd 6l-]31 (littéralement :
« un le ») comme article indé ni tend à faire dé nitivement disparaître,
dans ces parlers, la forme « nue » de l’usage : [w6úd 6l-ktˆb] = « un livre »,
et à faire, du même coup, de l’article « dé ni » un pré xe quasi-oblig-
atoire du nom. On n’est plus très loin de l’état syriaque32 . . .
Un dernier mot, pour conclure, sur la théorie de Kurylowicz : elle
explique, bien qu’à notre connaissance ni lui ni personne d’autre ne
31
Ce syntagme, qui signi e littéralement « un le » suppose, on le voit, que l’article
dé ni a déjà dé nitivement conquis l’ensemble du domaine du générique. Il faut, à cet
égard, le distinguer nettement du syntagme ["aúad al ] qui tend, en arabe standard mo-
derne, à fonctionner lui aussi comme article indé ni, mais marque encore clairement
une « extraction » (glosable par « un des ») comme le montre bien la nécessité qu’il soit
suivi par un substantif au pluriel et le fait qu’il ait un féminin: ["iúdˆ al-] alors que
[w6úd 6l-] est invariable . . .
32
Je remercie G. Bohas d’avoir attiré mon attention sur ce point . . .
48 d.e. kouloughli
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
33
Sur l’hypothèse selon laquelle les langues sémitiques étaient bien, dans leur état
le plus ancien, de type SOV, cf. Givón 1979.
TANWíN 49
Bohas, G. (1998)
Les « états du nom » en syriaque
in: Etudes sémitiques et samaritaines oVertes à Jean Margain.
(Eds. C.B. Amphoux, A. Frey & U. Schattner-Rieser)
Editions du zèbre, Lausanne.
Chairet, M. (2000)
ÝiVa, Æiqal et tamakkun : régime d’incidence et classes de mots
Langues & Littéarures du Monde Arabe, I, 1 (pp. 213-226)
Fassi Fehri, A. (1987)
Generalized IP Structure, Case, In exion and VS word order
Proceedings of the 1st international Conference of the linguistic
Society of Morroco, Rabat.
Fassi Fehri, A. (1993)
Issues in the Structure of Arabic Clauses and Words
Kluwer, Dordrecht.
Fleisch, H. (1960)
Traité de philologie arabe, Vol. 1
Imprimerie Catholique, Beyrouth.
Gatje, H. (1970)
Zum BegriV der Determination und Indetermination im
Arabischen
Arabica 17, pp. 225-251. Leiden
Givón, T. (1979)
On understanding Grammar
Academic Press, New York.
Greenberg, J.H. (1963)
Some Universals of Grammar with Particular Reference to the
Order of Meaningful Elements
M.I.T. Press, Cambridge, Mass.
Guillaume, G. (1919)
Le problème de l’article et sa solution dans la langue française
Hachette, Paris.
Kouloughli, D.E. (1982)
Sur la phonographématique arabe
Analyse/Théorie, 1 (pp. 79-151). Université de Paris 8.
Kouloughli, D.E. (à paraître)
Le nom propre arabe avec nounation
Communication à la journée de la SHESL sur le nom propre.
ENS Fontenay/Saint-Cloud ( Janvier 2000)
Kozah, S. (1975)
La nounation et l’opposition dé ni/indé ni en arabe
Cahiers de Linguistique d’Orientalisme et de Slavistique 5-6 (pp.
227-234). Aix-en-Provence.
Kurylowicz, J. (1950)
La mimation et l’article en arabe
Archiv Orientalni, 18, N o 1-2, 323-328, Prague.
Moscati, S. (et al.) (1964/1980)
An Introduction to the Comparative Grammar of the Semitic
Languages: phonology and morphology
Otto Harrassowitz, Wiesbaden.
Reckendorf, H. (1921/1977)
Arabische Syntax
Heidelberg.
50 d.e. kouloughli