Texte d’Henri SAVIDAN, Président de l'Association des Amis du Peintre Léon
HAMONET
Un artiste attaché à Erquy
Né à Erquy ( Côtes d’Armor ) au mois de décembre 1877 au lieu dit ''La Ville Bourse'', Léon Hamonet demeurera fidèle au pays qui l'a vu grandir. Partageant son talent de dessinateur avec sa jeune sœur Elise et leur oncle Lucien, en effet, Léon HAMONET, dès l'enfance, croque avec bonheur les sites qui l'entourent. S'il se passionne pour la mer, la fragilité de sa santé ne lui permettra pourtant pas de poursuivre les activités paternelles. Henri HAMONET, son père, en effet, armateur puis capitaine au long cours, s’embarquait depuis le port de Dahouët : la cale actuelle en porte encore le nom. Comme souvent, c'est le frère aîné de Léon, également prénommé Henri, qui, témoignant d'aptitudes remarquables, devait poursuivre la tradition familiale. Mais, revenant d'un séjour offert par son père, le jeune homme, alors âgé de 20 ans, meurt en mer. Malgré sa santé fragile et d'encourageantes aptitudes artistiques, toujours cultivées, c'est Léon qui semble alors désigné pour suivre les traces paternelles. Ainsi, en 1903, il part travailler comme employé aux écritures pour la société des sécheries Cabisol de Port de Bouc à Saint-Pierre et Miquelon. Il n'y restera que quelques mois ... A son retour, son père lui fait construire un atelier derrière la Ville-Bourse, entre le poulailler et le verger. C'est là que Léon HAMONET va exercer ses talents de peintre jusqu'à sa mort.
De l'Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux aux ruelles de Dinan
Au début des années 1890, Henri HAMONET décide d'installer sa famille à Bordeaux afin de ne plus imposer à son épouse Elise et à leurs enfants de trop longues périodes d'absence. Léon HAMONET y effectue sa scolarité. Ses talents artistiques s'affirmant dans un climat familial cultivé et ouvert, ses parents accepteront de l'inscrire à l'Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux. Auprès du maître Alfred SMITH, proche de COROT et de COURBET, Léon HAMONET intègre également les leçons impressionnistes dans le traitement comme dans le choix des thèmes décrits. Datée de la fin des années 1890, une petite huile montre la place de l'église d'Erquy animée de silhouettes aux vêtements sombres et aux coiffes réginéennes blanches, traité dans une palette colorée, dominée de teintes orangées. Daté de 1903, baignant dans une lumière bleutée caractéristique, "Le séchage de la morue" montre au premier plan les précieux poissons, suggérés en touches alertes ; au second plan, les maisons de bois s'inscrivent en aplats denses, alors qu'on devine au loin les reliefs dénués d'arbres. Sous l'impulsion de son maître, Léon HAMONET commence à exposer dans les galeries bordelaises, où il reçoit d'encourageants commentaires. Dans un article de ''La Vie bordelaise'' du début des années 1900, Maurice DESBANS le qualifie même de ''maître de demain''. Ainsi, jusqu'au début des années 1910, Léon HAMONET se partage entre la maison familiale d'Erquy l'été, et Bordeaux, puis Dinan, l'hiver. Entouré des siens, il va continuer de travailler son art, toujours complice de sa sœur Elise. Leurs liens seront d'autant plus forts que la jeune femme, récemment mariée à Auguste LHEVEDER, notaire à Lamballe, se retrouve brutalement veuve alors qu'elle vient de mettre au monde une petite Yvette. De nombreux croquis esquisseront les joues rondes de l'enfant. Une petite huile la montre assise par terre, jouant avec des chatons. Peut-être est-ce elle qui, un peu plus tard, sortant de l'école de Dinan, sera peinte par son oncle depuis sa chambre-atelier en un point de vue original dans les rues enneigées de la cité bretonne. C'est tout naturellement que Léon HAMONET va familiariser la petite fille aux couleurs et aux pinceaux, influençant certainement celle qui, plus tard, deviendra peintre à son tour. Comme son oncle, en effet, Yvette LHERITIER peindra sa vie durant les nombreux paysages que la carrière de son mari l'inviteront à observer - le Périgord, la Tunisie, Madagascar ... Autant de luxuriances qu'Yvette LHERITIER traitera en de larges et vigoureuses touches portées par une palette de couleurs vives et chatoyantes. Léon HAMONET continue d'exposer dans différentes galeries de Bordeaux, puis de Dinan, du Havre, de Saint-Brieuc, de Rennes ou de Nantes. Il semblerait bien que ce soit durant son séjour à Dinan que Léon HAMONET ait affirmé son talent d'aquarelliste. S'il étudia bien-sûr cette pratique durant ses études, il semble bien, en effet, que ce soit au début de ces années 1910 qu'il privilégia avec de plus en plus de réussite cette captation des nuances colorées des paysages si changeants de la Bretagne. En mai 1910, en effet, le journaliste de ''L'Eclaireur dinannais'' écrivait ceci : ''(...) Dans les aquarelles, un début sans doute, les tons bien posés, de teintes justes, il manquait un peu de souplesse et de légèreté. Mais rapidement tout s'affina, prit plus de forme, plus de réalité, les progrès étaient sensibles, rapides (...)''. En juin 1911, la même source commente la nouvelle exposition en ces termes : ''(...) Il a exposé chez M. Fougeray, rue Thiers, une série d'aquarelles qui témoignent éloquemment de progrès considérables (...)''. Un peu plus tard, le journaliste de ''L'Eclaireur Dinannais'' confirme que ''(...) les progrès de M. HAMONET comme aquarelliste ont été surprenants et il se classe rapidement parmi les plus renommés du genre (...)''. Après avoir épousé Anna LHEVEDER, fille d’un notaire du pays de Lannion, le couple se fixera définitivement à la Ville-Bourse. Deux enfants naîtront de leur union : Henry, né en 1911, et Susanne, née en 1913.
''Le Sorcier de la côte d'Améthyste''
Si Léon HAMONET a son permis de conduire, jamais, cependant, il n'aura de véhicule. C'est donc à pieds ou en bicyclette que le peintre cheminera inlassablement le long de cette côte qu'il connaît depuis l'enfance et aime avec la passion des marins demeurés à terre - il aura d'ailleurs plusieurs petits bateaux avec lesquels il pêchera le maquereau. Ainsi, pendant plus de quarante années, Léon HAMONET va marquer de sa longue et fine silhouette les Réginéens, accompagné de son chevalet et de sa palette, la tête parfois couverte d'un panama, le mégot souvent éteint au coin des lèvres, et l’œil musardant afin d'arrêter le point de vue, d'esquisser la silhouette en mouvement et de capter la juste tonalité. Alliant précision des détails et justesse des proportions, la qualité du trait de Léon HAMONET, entretenue depuis plus de trente ans, s'efface peu à peu afin de servir les coloris que l'artiste aspire à coucher sur les supports. Du Cap Fréhel à Val-André, des Sables d’or à Dahouët, Léon HAMONET s'ingénie à retenir les couleurs de cette remarquable côte où les verts sombres des landes côtoient les bleus intenses des ciels, où les mouvements de la mer reflètent les ciels nuageux, où les troncs de pins noueux parfois rosés se découpent sur des fonds lointains. Presque toujours, il place un mouvement de vie au travers d'une silhouette un peu courbée, d'une voile gonflée de vent, d'une mouette au vol léger. Personnalité enjouée, ne rechignant pas à se costumer ou à se mettre en scène dans des petits tableaux fantaisistes, le peintre conservera de sa nature optimiste cette vision claire et heureuse de la côte bretonne. Contrairement aux images encore parfois attendues alors d'une Bretagne arrièrée et cernée de conservatisme, Léon HAMONET, à sa manière toute discrète, va participer à l'ouverture de la Bretagne au tourisme naissant. Dans un article de ''La Bretagne touristique'' daté de 1928, en effet, Léon HAMONET est associé aux artistes réunis par Octave-Louis AUBERT au moment de l'inauguration de la nouvelle Maison de la Bretagne touristique, ''Ti-Breiz'', sise à Saint-Brieuc. Si l'artiste n'aspire nullement à révolutionner la peinture et n'appartient à aucun groupe, en effet, il s'inscrit pourtant dans une dynamique destinée à offrir de la Bretagne un visage dénué de tout exotisme, mouvement d'ouverture au tourisme déjà favorisé par les voies de chemins de fer des compagnies privées qui sera forcément stimulé aux heures du Front populaire. Les journaux de l'époque, peut-être parfois soucieux de sensationnalisme, tenteront de tracer le portrait d'un ''humble ermite'', ''cœur excellent'' reclus dans ''son modeste atelier'', ''aquarelliste distingué'', ''d'aspect très réservé, distant même parfois'' ( ''Ouest-Eclair'', ''Le Petit Parisien'' ). Si les contemporains de Léon HAMONET évoquent effectivement cette discrétion, ils insistent davantage sur son attitude ouverte et attentive aux promeneurs, n'hésitant pas à répondre aux demandes de conseils. Par contre, il est certainement juste de dire que Léon HAMONET ne chercha pas la reconnaissance. Homme de talent aimant peindre, il oeuvra toute sa vie à consacrer les beautés de la nature sur des toiles qu'il vendait lors des visites amicales dans son atelier d'amateurs désireux d'emporter avec eux un peu de cette côte, charmante et si belle. Mais, ''redoutant les coups de clairon'', il assurera la vente de ses toiles avec la modestie et l'humilité d'un artisan. Dans un article fort élogieux de ''La Bretagne touristique'', la romancière et poétesse Marie-Paule SALONNE lui reproche d'ailleurs sans détour ''de s'emmurer dans le silence'', considérant comme ''une grande faute'' cette discrétion alors qu'elle compare l'artiste à un ''sorcier'' capable de garder ''la source des émotions exquises et des évocations pleines de lumière !'' ''(...) C'est là, dans son petit atelier (...), que toutes les splendeurs des paysages environnants sont fixés sur les murailles, par sa magique volonté ... L'harmonie troublante des jours d'hiver, l'émouvante flambée des ors d'automne, la gamme infinie des landes violemment colorées, les mille et un visages de la région sont là : souriants, renfrognés, tragiques, débonnaires, rêveurs, glorieux, sombres, indécis, magnifiques, angoissés ... Tous ces reflets de la lumière sur les choses, tous ces instants si fugitivement fragiles et que nous avions cru passés, ils sont là, en leur vérité parfaite et en leur poésie, immobilisés dans leur fuite quotidienne, par un sort mystérieux et séduisant. (...)'' Malgré cet éclairage enthousiaste, répété en 1941 par Ar Gaztenner, journaliste à ''Ouest-France'' ( ''(...) C’est une des plus belles parties de notre captivante, capricieuse, pittoresque et énigmatique Bretagne que l’on se plait à voir vibrer sous son pinceau de magicien (...)''), ''l'ennemi des éloges'' Léon HAMONET conservera vis- à-vis de sa production une retenue déjà qualifiée de ''criminelle modestie'' par SALONNE.
Peintre de la mer et de la terre
Si Léon HAMONET résida à Erquy jusqu'en 1953, il eut cependant l'occasion de passer en 1928 une année à Pau. Leur fils Henry souffrant de troubles respiratoires, en effet, le couple demeura dans cette région, offrant ainsi à l'artiste l'occasion de reproduire avec force, précision et délicatesse de nouveaux thèmes : différentes vues du Château de Pau ; les jardins, où de longues silhouettes marchent à l'ombre des arbres ; les crêtes enneigées des Pyrénées. Au début des années 1930, le mariage de leur fille Suzanne avec Edouard DESHAYES, médecin à Mûr-de-Bretagne, lui permettra à nouveau de diversifier ses sujets et de s'intéresser à la Bretagne intérieure : le lac de Guerlédan, la chapelle et la fontaine Sainte-Suzanne, les champs aux broussailleuses bottes de foin, les gibiers par son gendre chassés. Si Léon HAMONET est l'auteur de plusieurs autoportraits, il aura eu très tôt l'occasion de reproduire à l'huile, au pastel, au fusain ou à l'aquarelle, certains membres de sa famille offerts à son attention : son père Henri ; sa mère Elise et sa tante Marie ( peut-être inspirée du célèbre tableau de WHISTLER ) : deux remarquables huiles aux accents réalistes et lumineux ; Henry et Suzanne, visages confiants de ses enfants abandonnés dans le sommeil ; ses premiers petits- enfants, Georges, Suzanne et Claude. Curieusement, on ne connaît aucune reproduction de son épouse Anna. Il acceptera des commandes de portraits de la part de quelques familles amies ou de passage à son l’atelier. En février 1953, amaigri et éprouvé par une chute dans la maison familiale, Léon HAMONET s'éteint à l’âge de 76 ans, à Rennes, auprès de son fils Henri, lui murmurant : ''les mouettes ...! les mouettes ...!'' Léon HAMONET est enterré au cimetière marin d’Erquy.
''L'Association des Amis du Peintre Léon HAMONET''
Si la maison familiale de la Ville-Bourse a été vendue après le décès de son fils Henry en 2003, l'atelier du peintre appartient toujours à la famille HAMONET. Il fut occupé et entretenu par l'une de ses petites-filles, Marie-Annick. C'est elle qui, en 2004, créa et présida ''l'Association des Amis du peintre HAMONET'' afin d'entretenir la mémoire de cet aïeul si discret en apportant un nouvel éclairage sur une oeuvre si conséquente. En effet, les travaux connus de Léon HAMONET sont très nombreux. Si les diverses expositions qui ont eu lieu depuis 2004 ont permis de considérer l'importance quantitative de son travail, elles ont également permis de confirmer la diversité du talent de l'artiste et d'enrichir la collection de nouvelles toiles, jamais exposées.
Marie-Annick HAMONET publia deux ouvrages destinés à inscrire le talent de Léon
HAMONET dans l'histoire de la peinture en Bretagne : ''HAMONET, l'homme et l’œuvre’’ ( 2006, réédition 2011 ) et ''Léon HAMONET, Extraits des carnets de croquis ( 1893-1920 )'' ( 2008, épuisé ). Décédée en 2008, elle aura initié une dynamique qui perdure et se renforce. En 2010, en effet, Léon HAMONET a été exposé dans des manifestations collectives à Saint- Malo ( ''Peintres de la Côte d'Emeraude - du Mont-Saint-Michel au Cap Fréhel'', chapelle Saint-Sauveur du 27 juin au 19 septembre 2010 ) et à Saint-Brieuc (automne 2010- hiver 2011). Fidèle et reconnaissante, la ville d'Erquy a accueilli du 7 au 14 juillet 2010 plus de 90 oeuvres de cet enfant du pays, toiles souvent rares et inédites. Près de 1 000 visiteurs ! ont ainsi pu découvrir des aspects méconnus de l'artiste et confirmer leur attention à l'égard d'un homme dont les qualités picturales sont désormais reconnues. Témoin attentif des évolutions d'un pays qu'il connaît bien, admirateur du peintre et ami d'Henry HAMONET, soutien fidèle de l'Association depuis sa création, Edmond HERVE en est membre d’honneur.
Henri SAVIDAN Président de l'Association des Amis du Peintre Léon HAMONET
Remarques sur la technique de quelques peintres provençaux: J.-A. Constantin, Marius Granet, Camille Roqueplan, Honoré Daumier, Émile Loubon, Gustave Ricard, Adolphe Monticelli, Stanislas Torrents