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INTRODUCTION
L’histoire de la pensée juridique doit être cherchée d’abord à travers les différentes manifestations
de la vie du droit et de l’activité des juristes : on la rattache à l’histoire de la pensée en général et à
l’histoire de la réflexion proprement théorique sur le droit qui est menée soit par les philosophes soit
par les théoriciens du droit.
Les thèmes de la philosophie du droit : comprendre les fondements du droit, d’expliquer le pourquoi
des formes, le caractère et la raison d’être des méthodes et formes qui sont mis en œuvre, afin de
présenter les fins visées par les institutions. La philosophie du droit est élaborée en général par des
hommes étrangers à la vie concrète du droit. Elle voit le droit à travers ceux qui ont pensé le droit,
non à travers ceux qui l’ont fait.
Deux héritages essentiels : l’Antiquité et celui ensuite du Moyen-Âge. C’est à partir des Temps
Modernes, donc du 16ème siècle, que le droit français se constitue et acquiert sa réelle spécificité.
A partir du 16ème siècle, la réflexion sur le droit se détache de l’encrage théologique pour permettre
l’émergence d’un droit fondé sur la raison et la volonté humaine, avant, dans les deux dernières
leçons, d’évoquer ce qui apparaît comme le point d’arrivée de cette évolution, à savoir, le
phénomène de la codification et les débats et questions qu’elle suscite dans la réflexion et la
pratique juridique du 19ème siècle.
L’ANTIQUITÉ
Introduction générale
Trois apports :
- la Bible
- l’Antiquité grecque
- l’Antiquité romaine
INTRODUCTION ET GÉNÉRALITÉS
Du 4ème au 17ème siècle : importance de l’écriture Sainte dans l’histoire de la pensée juridique
européenne. Réflexion dominée par les dogmes de la foi chrétienne : nécessaire origine
transcendante du pouvoir.
Deux textes écrits au 17ème : « Politique tirée des propres paroles de l’écriture sainte » de Bossuet,
Jean Domat « Les Lois civiles dans leur ordre naturel ».
Données historiques
Fin du 11ème siècle avant Jésus Christ un peuple se forme sur la côte palestinienne et constitue un
royaume vers les années 1010 avant J-C : le roi David fonde Jérusalem + impose un Dieu, que les Juifs
appellent Yahvé, comme dieu national + met en place les bases essentiellement religieuses de l’unité
du peuple juif. David meurt vers 971 avant J-C. Son fils, le roi Salomon, lui succède.
931 av JC : mort de Salomon, division entre les différentes tribus et remise en cause de
l’indépendance de l’État juif qui passe sous des dominations diverses : il sera déporté à Babylone,
puis les Juifs reviennent en Judée au 6ème siècle mais ils demeurent sous domination perse avant
d’être inclus dans l’un des royaumes hellénistiques qui est mis en place à la fin du 4ème siècle
lorsque s’achèvent les conquêtes d’Alexandre.
2ème siècle : la Judée est conquise par les Romains. En l’an 6 après Jésus Christ, elle passe sous
l’autorité directe de l’Empire romain. En 61 – 74 de notre ère, à la suite d’une révolte généralisée
contre Rome, Jérusalem est prise par les troupes romaines et le temple est détruit.
En 132, un dernier soulèvement du peuple juif contre la domination romaine entraîne l’expulsion des
Juifs de Judée et c’est le début de la diaspora.
Le récit biblique
La Bible hébraïque (l’ancien Testament, pour les Chrétiens) élaboration du milieu 10 ème siècle
jusqu’au 6ème siècle écrit en Hébreu :
- La Genèse qui relate la création du monde,
- L’Exode qui décrit la sortie d’Egypte du peuple juif sous la conduite de Moïse,
- Le Deutéronome qui reprend le récit de la révélation de la loi par Dieu.
Puis livres historiques, les livres poétiques et sapientiaux où se rencontrent certains des textes qui
seront plus particulièrement utilisés par la réflexion politique et juridique (psaumes qui sont des
poèmes attribués par la tradition au roi David), le livre de la sagesse, attribué par la tradition au roi
Salomon, livres prophétiques (livre D'Isaïe et le livre des lamentations).
Ancien Testament traduit en grec au 3ème siècle avant J-C par un groupe de 70 savants -> bible des
Septantes.
Déluge : Dieu tente de régénérer l'humanité à partir d'un seul être. Destruction de l’humanité, il
sauve un homme (arche de Noé), mais nouvelle humanité corrompue aussi.
Tour de Babel : disperser les hommes qui cherchaient à égaler Dieu, particularise leur langage.
Premiers royaumes apparaissent : conquête et domination.
Raison d’être de l’alliance entre Dieu et un homme qui aboutit à la constitution du peuple
élu. C’est Abraham. Lien qui traduit une obéissance entière et la Bible en est l’histoire.
La loi divine
La protection de Dieu est liée au respect de la loi (écrite par sa main sur une pierre) par les Hébreux.
Rôle des dirigeants d’Israël : pas seulement mission de paix, prospérité mais aussi obéissance à la
volonté divine.
Forme étatique exceptionnelle, la Bible est la présentation des règles et institutions qui
permettaient de donner à l’Etat et à la puissance publique la forme politique qui devait être
la sienne pour qu’elle puisse servir les fins divines.
Conclusion
Bible : réservoir de principes et de modèles -> origine transcendante du pouvoir et du droit.
Mais : interprétations diverses quant aux modalités par lesquelles le pouvoir passe de Dieu aux
Hommes.
L’ORIGINE TRANSCENDANTE DU POUVOIR ET DU DROIT
Introduction et généralités
Jusqu’aux premières décennies du 18ème siècle : indispensable de faire repose l’État et les lois sur un
fondement extérieur, transcendant.
- Thème du Dieu créateur
- Egalite entre les êtres humains : les humains doivent être unis par l’amour
- Mais cela n’est pas observé : droit entre bien et mal
Le dieu créateur
Dieu : créateur du monde, créateur de l’Homme et donc leur seul maître légitime -> tout pouvoir
politique vient nécessairement de Dieu.
- Soit le prince gouverne à la place de Dieu et pour le compte de Dieu.
- Soit il gouverne parce que Dieu veut bien le laisser gouverner à sa place.
L’hétéronomie du droit, l’hétéronomie des institutions : principe qui va dominer la réflexion
juridique et politique jusqu’à la fin du 17 ème siècle
L’autonomie dans la deuxième moitié du 18ème siècle, l’homme se donne sa loi en lui-même.
L’HÉRITAGE ANTIQUE
La connaissance du monde antique
La connaissance de l’histoire, des institutions, de la littérature et de la pensée du monde antique est
partagée par l’ensemble de l’élite cultivée européenne : Humanités -> facteur d’unité.
- Nécessaire pour poursuivre des études de Droit 1 et indispensable pour mener une carrière
juridique.
- Pas une visée proprement historique, l’Histoire est avant tout exemplaire. Rousseau «
l’Histoire a vocation à permettre à l’homme d’enrichir sa réflexion » « d’accroître sa vertu par
la méditation sur de grand exemples ».
1
Rappelons que l’enseignement du droit est dispensé en latin
de Justinien, texte qui rassemble l’essentiel du droit romain -> renaissance de la science du droit et
l’émergence d’une caste qui avait disparu : les juristes. Le droit romain, devient le droit commun
européen, aura un rôle essentiel d’abord dans la formation des juristes et dans les techniques de
mise en œuvre et d’interprétation.
Une très large majorité des penseurs de ce continent ont, pendant des siècles, choisi de rattacher
l’essentiel de leur culture et leurs institutions à l’antiquité grecque et romaine.
LE MODÈLE SPARTIATE
L’organisation politique
Droit public commun des cités grecques :
- Statut des différents organes : véritable gérontocratie : les membres du conseil doivent avoir
plus de soixante ans. Règle est critiquée par Aristote « il y a une vieillesse de l’esprit comme il
y a une vieillesse du corps ». L’assemblée ne fait que voter les lois sans les proposer ni les
amender par des acclamations dont on essaie de mesurer l’ampleur.
- La répartition des prérogatives entre les différents organes : net déséquilibre en faveur des
organes de commandement au détriment des organes de délibération.
Organisation sociale et politique difficile à juger : Platon a fait l’éloge de Sparte car efficacité
de la division des tâches à l’intérieur de la cité permet à chacun d’accomplir de la meilleure
manière la fonction qui lui revient.
Conclusion
C’est donc ici le modèle athénien qui fonde sa critique -> La volonté de permettre à tous de participer
de manière rigoureusement égalitaire à l’exercice du pouvoir est le fondement de la démocratie
radicale que les Athéniens ont entendu mettre en place.
Rappels historiques
- Seconde moitié du 7ème siècle, l’âge des législateurs : Dracon, qui œuvre dans les années - 630
/ - 620, confection et publication du Code de loi qui met fin au régime judiciaire antérieur où
seules quelques personnes connaissaient les lois.
- Premières décennies du 6ème siècle : Solon, parallélisme entre les lois de la nature et les lois
de la société. Il introduit des réformes importantes : sur base du tirage au sort, une
assemblée tirée du peuple qui joue un rôle essentiel en matière judiciaire. Le plus
révolutionnaire est que cet appel au peuple n’est pas seulement ouvert à la partie lésée mais
qu’il peut être mis en œuvre par n’importe qui : le tort fait à l’un des membres de la
communauté est considéré comme fait à l’ensemble de la communauté. Aristote affirme que
cette étape est essentielle dans la mise en place de la démocratie : Quand le peuple est
maître de la justice, il est maître de la cité.
Artificialisme et conventionnalisme
Artificialités : les sophistes écartent rigoureusement l’idée que l’ordre de la cité doive être cité dans
un ordre du monde -> Les institutions, comme les lois, sont des créations des hommes.
Conventionnalisme : le seul critère de décision doit être cherché dans l’accord des esprits : choisir ce
qui paraît le meilleur.
Conclusion
Le discours sophistique permet donc de donner des fondements à la pratique institutionnelle.
Mais ils n’assignent aucune limite à l’art de la persuasion -> rendus responsables des excès
démagogiques de la dernière période de la démocratie athénienne.
La voie utopique
La République idéale que décrit Platon est organisée sur le mode de l’âme :
- Organisation des fonctions : confiées à des groupes dont le statut est différent :
o La classe des gouvernants (philosophes) : partie rationnelle de l’être humain.
o Les gardiens : la protection et la défense de la Cité, partie affective de l’âme, au siège
du cœur et du courage.
o Les laboureurs et les artisans : partie de l’âme qui est le siège des désirs.
- Fonctions et richesses : Gouvernants et gardiens ne doivent rien posséder car « la richesse
pervertit irrémédiablement l’exercice du pouvoir ». Le peuple ne participe en aucune
manière au gouvernement. Les gouvernés se fient aux gouvernants -> il faut confier le
gouvernement à ceux qui ont le véritable savoir, c'est-à-dire aux philosophes.
Mythe de la caverne : ce gouvernement de la compétence rend inutiles les fonctions de la
persuasion, de la délibération. Platon, à l’inverse de la pensée sophistique, déqualifie la rhétorique
comme moyen de gouvernement.
Les conséquences pour le statut des lois et des juges sont essentielles : les philosophes n’ont pas
besoin de suivre les lois édictées par la cité car imparfaites car générales. Il faut, en chaque
occurrence, les particulariser.
La voie réaliste
Platon consacre au droit deux ouvrages La Loi et La Politique : il va tenter de donner un contenu plus
précis aux institutions et de déterminer quel est le meilleur régime -> mélange de démocratie et de
monarchie.
Lois : rôle essentiel, substitut de raison. Importance du préambule des lois qui développe les raisons
d’être et les fins de la mesure -> Pour confectionner les lois, le législateur humain doit s’inspirer de
l’art divin qui introduit de l’ordre dans la matière.
Conclusion
Chez Platon deux figures de la loi et donc deux figures du juge :
- Dans La République, c’est le roi philosophe qui juge en toute indépendance puisqu’il est le
seul à connaître la Vérité.
- Dans les autres textes, Platon reconnaît la supériorité du régime légaliste. Le juge est un
gardien de la loi. Il ne peut s’en affranchir même si on l’autorise à en combler les lacunes.
Aristote va accroître cette part d’autonomie du juge et lui donner un rôle plus important dans sa
réflexion sur le politique.
Le législateur et le juge
Fonction essentielle dans la cité : législateur.
- Ceux qui ont les compétences nécessaires : pas les philosophes. Pour Aristote, le savoir du
philosophe est un savoir scientifique rigoureux qui porte sur l’universel et le nécessaire. Le
savoir du législateur est un savoir pratique pour lequel doit intervenir la vertu de prudence.
- Rôle : adapter les principes généraux en tenant compte des circonstances qui sont
changeantes et toujours incomplètement connues -> délibération.
- Autonomie du juge : loi imparfaite, œuvre du législateur /= Le droit solution proposée par le
juge au terme du procès. Pour prendre cette décision, au cours du procès, le juge doit utiliser
des moyens divers : les lois qu’un moyen parmi d’autres comme l’équité pour déterminer
quelle est la solution juste au regard de l’ensemble des circonstances dont le juge est appelé
à connaître.
Hugues
Le droit romain
A la Renaissance, tous les juristes dans tout l’Occident vont étudier le droit romain :
Emprise substantielle du droit romain : une partie importante des règles de droit public ou privé
subissent de manière plus ou moins importante l’influence du droit romain
Influence formelle qui s’exerce sur les catégories, les concepts et les méthodes de règlement.
Pendant des siècles, les juristes du monde occidental ne vont pas utiliser les sources originelles
mais un ensemble de textes bcp plus tardifs qui datent du VIe siècle ap JC : les fameuses
Compilations de Justinien.
Les documents originaux ont pour la plus grande partie d’entre eux été perdus. C’est par des
documents qui rassemblaient des sources plus anciennes qu’on a pris connaissance du droit romain
pendant des siècles.
Les maîtres médiévaux du droit romain savaient que le droit venait de sources et d’époques
différentes mais le voyaient comme l’expression privilégiée d’un droit permanent.
Au XVIe siècle se forme avec l’Humanisme l’école historique du droit (française pour
l’essentiel) qui se donne comme tâche de redécouvrir le droit romain dans sa forme
originelle pensé dans son altérité historique et géographique. Etudié désormais comme
l’expression d’un droit de raison, source de modèle et de principes : base à la conception des
premiers systèmes de droit naturel.
Pour comprendre l’histoire européenne du droit romain il faut donc le présenter dans sa réalité
historique originelle.
Dans les siècles qui précèdent l’ère chrétienne, Rome réussit à imposer sa domination sur le pourtour
de la méditerranée et une grande partie de l’europe actuelle. Organisé pendant plusieurs siècles sous
une forme dite républicaine, létat romain se transforme à partir du premier siècle en une forme
politique monarchique, le pouvoir d’un seul, connye sous le nom d’mepire. L’état romain perdra cette
prééminence politique fondée avant tout sur la puissance des armes et armées romaines au cours des 4 e
et 5e siècle ap JC. Mais les lois et institutions romaines maintiendront leur emprise pendant les siècles
suivant grâce à leur supériorité de raison qui lzur fut toujours reconnue. L’importance des influences
du droit romain est particulièrement sensible en droit privé, mais le droit public européen a également
emprunté un certain nombre de concept aux institutions publiques romaines.
Comme en droit privé, conservation de nombreux termes, mais glissement du sens avec des
ambivalences qui ont eu une certaine importance dans l’histoire de la réflexion sur l’Etat, tant dans le
vocabulaire emprunté à la République qu’à l’Empire pour les institutions, les procédures ou les
prérogatives.
o Le consul : Sous la République, 2 consuls sont élus chaque année pour une sorte de mandat de
premier ministre. Réapparition du terme fin 18e
o Le tribun : Elu de la plèbe qui la défendait avec un pouvoir de véto, réapparait avec Napoléon
o Les préteurs : Magistrats chargés de la justice qui avaient le pouvoir de créer du droit à
l’occasion des procès droit prétorien
o Conciles
o Plébiscites
Mission de dictature à Rome : un homme désigné de manière légale par les autorités régulières de la
Rep lorsque la survie du régime était en cause, qui gouverne au-dessus des lois.
A travers cette institution, c’est l’une des premières mises en œuvre de la théorie de l’état
d’exception. Origine de l’idée que le salut du peuple est la loi suprême.
Sénat :
Auctoritas est un pouvoir de commandement plutôt moral qui exprime une prééminence fondée
sur la supériorité de raison ou de vertu. Il appartient à son titulaire par une forme de droit propre,
c’est un pouvoir qui n’est pas un pouvoir délégué. En droit romain, la prérogative de l’autorité ne
donnait pas à son titulaire un pouvoir d’initiative mais plutôt un pouvoir de contrôle.
Appartient plutôt au Sénat puis revient à l’Empereur (aujourd’hui : l’autorité parentale, celle du
magistère spirituel ou toute autorité fondée sur la compétence ou le savoir).
Imperium :
Concept le plus important légué par le DP de cette période. Pouvoir de commandement, il appartient
aux principaux magistrats de la République (consuls), il passe ensuite à l’Empereur glissement
de sens, terme « Empire »
Empire :
Forme d’organisation politique qui rassemble des peuples éventuellement divers et se prévaut
d’une vocation universelle. L’assise territoriale à laquelle est rattaché ce régime n’est qu’un élément
de son existence : l’Empire se prétend appelé à rassembler les autres peuples sous son autorité. Le
fondement de son universalisme peut varier : fondements religieux, politiques ou les deux.
Moyen-Âge : idée de la mise en place nécessaire d’une communauté des chrétiens, continuation ou la
résurrection de l’Empire romain chrétien.
Le terme « Empire » sera laïcisé avec les nombreux projets de « républiques universelles » destinées à
la paix perpétuelle ou les états aspirant à fonder des empires. Au XIXè : « Empires coloniaux ».
Droit chez les romains : Jus (le droit, la justice) et fas (le droit : ce qui est permis de faire en fonction
des lois divines et naturelles)
Droit dans des sources diverses : règles des dieux et des hommes, écrit et non écrit. Nombreuses
sources, acteurs, formes.
a. Les « sources » (ce terme était utilisé par les jurisconsultes) du droit romain sous la
République
- Deux principales qui nous ont largement inspiré :
o La coutume
o La loi
- La jurisprudence : A Rome désigne ce que nous appelons la doctrine. L’autorité des
jursprudents ou jurisconsultes est bcp plus forte que celle des auteurs aujourd’hui
- L’édit du préteur par lequel le magistrat crée au cas par cas des possibilités d’action en
justice et par la même crée du droit.
Sur les premiers siècles de l’Histoire Romaine, la valeur respective des différentes sources va
évoluer, préfigurant l’Histoire des sources de notre propre droit : évolution d’un droit lié à des sources
multiples vers un droit identifié à la volonté étatique Compilations de justinien vers 530.
Dans la Rome républicaine, la part des sources non étatiques est primordiale :
Coutumes : usage des anciens, règles qui ont toujours été respectées, validité issue de l’ancienneté
Jurisprudence :
Résultat de l’activité des jurisconsultes qui interprètent à la demande d’un particulier les normes, afin
de donner la solution d’un cas particulier. C’est une source de droit casuistique : les règles qui en
sortent ne sont pas des principes généraux qui n’ont pas vocation à être présentées de manière
systématique comme aujourd’hui. Rien n’oblige les juges à suivre les recommandations des
jurisconsultes (hommes sans fonction officielle qui bénéficient d’une autorité personnelle due à leur
réputation) même si c’est souvent le cas et elles sont souvent reprises par les autres jurisconsultes
sorte de généralisation.
C’est aux jurisconsultes qu’on doit probablement l’essentiel des règles du droit romain que l’on
utilise toujours. Dans l’HPJ, la JP romaine est devenue une sorte de paradigme du droit, un mythe,
le modèle d’un droit non étatique.
A Rome il prend un édit où il énumère les cas dans lesquels il va donner une action qui permettra de
défendre une situation juridique devant les tribunaux : à Rome il faut pour qu’un droit existe qu’il
puisse être défendu par une action (et non pas qu’il existe pour pouvoir être défendu). Il faut
donc que ces actions soient données par la loi ou que le préteur étende ces actions à des situations
nouvelles. Le préteur crée donc le droit : il étend, grâce à des fictions, la possibilité d’intenter les
actions de la loi soit à d’autres personnes que des citoyens, soit à des situations différentes que
celles qui étaient prévues. Le préteur est l’un des artisans de l’extension du droit aux nouvelles
dimensions de l’Etat Romain.
La loi :
Dans la conception romaine c’est avant tout un commandement, un ordre auquel il faut obéir.
Définition d’un jurisconsulte : « la loi est un ordre du peuple rendu à la requête du magistrat »,
traduction du processus de formation des lois sous la République. Le magistrat proposait son projet
et le peuple manifestait son consentement.
Influencés par cette procédure et par les Grecs les penseurs des derniers siècles de la République ont
développé une véritable idéologie de la loi. Elle est « l’expression d’un pacte fondamental qui
unit les citoyens en un corps politique ». (Cicéron). On y verra l’expression de l’essence de la loi
romaine et de ce que doit être toute loi.
Cependant, durant cette période la loi intervient surtout pour les questions politiques et économiques.
Le droit privé ne commence lentement à relever du domaine étatique qu’avec l’Empire. Cette
évolution se fait par un mouvement de rattachement et de soumission des diverses sources classiques à
l’autorité de l’Etat.
Déclin rapide de la loi votée : à partir du IIIe siècle elle a complètement disparue et on désigne
par « loi » les actes par lesquels le pouvoir impérial crée du droit.
L’édit du préteur continue à jouer un rôle essentiel durant le premier siècle de l’empire. Il répond
au besoin essentiel de normes nouvelles provoqué par l’extension de la domination romaine. il
va perdre ses capacités créatives à partir du moment où il est fixé, au début du IIe siècle ap JC
lorsque l’Empereur Hadrien charge un jurisconsulte de mettre en ordre l’édit pour le fixer.
« Mettre en ordre » a conduit certains historiens à penser à une certaine codification. Mais
l’ordre d’exposition retenu est ici l’ordre du procès. Donc pour la détermination de l’ordre par
lequel on codifie le droit, on retient l’ordre historique, produit d’un travail collectif
d’accumulation des règles menée sur plusieurs règles, pas un ordre rationnel.
La coutume n’est plus mentionnée comme source du droit à l’époque impériale. On considère
qu’il s’agit d’un « fait ». Il faut distinguer selon qu’on l’applique à Rome ou dans le reste de
l’Empire : rôle subsidiaire à Rome et important dans le reste de l’Empire.
Rome en effet ne cherche pas à imposer son droit privé aux peuples conquis qui conservent
leurs propres règles. La seule règle imposée par les romains est que ces principes coutumiers ne
remettent pas en cause les principes de droit romain, l’ordre public.
Deux types de droit sont alors mis en concurrence : droit romain et droit particulier, de
nature et de niveau d’élaboration très différent. Dans la plupart des cas, la supériorité technique du
droit romain, plus complet, plus rationnel, lui vaut la préférence des populations déclin des
droits traditionnels.
A partir de l’ère chrétienne, la question de la hiérarchie entre loi et coutume est posée : la
réflexion théorique servira de cadre à la théorie médiévale de la coutume. Pour la coutume : en +
de l’ancienneté, importance du consentement supposé par la répétition des mêmes pratiques.
L’influence des principes nouveaux diffusés par la religion chrétienne conduit à tenter de
rationnaliser la coutume. Désormais il ne suffit pas qu’une règle soit suivie depuis longtemps
mais également qu’elle soit raisonnable, critère de fond et pas de forme : permet un certain
contrôle du juge et donc de l’Etat.
Pour la coutume qui va au-delà de la loi pas de problème, légitimité du rôle subsidiaire. Mais en
cas de conflit loi/coutume il y a débat principe général : la coutume ne doit l’emporter ni
contre la loi ni contre la raison. Mais ces deux sources ont le même fondement : le
consentement (exprimé formellement dans la loi, tacitement dans la coutume). laquelle
prévaut ?
Nombre de lois impériales n’ont pas été appliquées ou sont tombées en désuétudes,
remplacées par un usage différent : la loi n’est pas complètement supérieure.
La jurisprudence reste une source essentielle. Durant les 3 premiers siècles, la science du droit
sciencia juris atteint un remarquable degré de perfectionnement mais va perdre un peu sa
capacité créative et passer partiellement sous le contrôle de l’Etat.
Outre leur fonction traditionnelle de conseils auprès des particuliers, les jurisconsultes entrent
dans les rouages de l’Etat. Les plus grands gardent une véritable autorité personnelle. C’est au
IIIe siècle qu’ils vont énoncer des définitions très influentes qui assurent que les
jurisconsultes sont les prêtres du droit et que la jurisprudence est la science des choses
divines et humaines. Mais à côté de l’autorité personnelle du jurisconsulte, un nouveau
fondement apparait au premier siècle : Auguste crée en faveur de quelques jurisconsultes
un privilège : le droit de donner des avis en vertu de l’Autorité du prince. Rapprochement
entre autorité de l’Empereur et des jurisconsultes : début de soumission de la JP à l’Etat
- Enseignement juridique qui oblige les jurisconsultes qui enseignent le droit à présenter à
ceux qui les écoutent une vision d’ensemble du droit fondée sur des définitions et
classifications qu’il faut introduire entre les différentes normes. Les nécessités de cet
enseignement demandent une synthèse entre droit impérial et JP. IL faut alors
hiérarchiser les règles, ce qui se fait au profit du droit étatique. Le droit impérial devient
la référence obligée pour discuter des règles : droit commun principiel. Il faut
également modifier la forme des règles présentes. Droit casuistique droit
systématique, règles générales fondées sur l’imputation de la norme à l’autorité qui
l’a édictée.
- Les autorités impériales réglementent l’utilisation des règles jurisprudentielles : loi
des citations en 426 : seuls les 5 plus grands jurisconsultes peuvent être allégués
devant les tribunaux. En cas de divergence majorité. Le juge n’a plus une complète
liberté d’appréciation face aux opinions jurisprudentielles : cette valeur est fixée
autoritairement par l’Etat Etatisation du droit
Emprise liée au pouvoir monarchique mais s’amplifie avec la christianisation début IVème
siècle. L’affirmation de l’origine divine du pouvoir conduit à une sacralisation du souverain et de
son pouvoir : souveraineté d’origine divine qui ne doit rencontrer aucune limite. Nouveau rôle pour
l’Etat et donc pour sa loi. Les règles de droit ne sont plus le moyen de réguler l’activité humaine
mais sont le moyen d’une activité politique d’un type nouveau qui vise à faire progresser la
société humaine vers un au-delà. Renforcement du rôle de la loi, seule source créatrice du
droit à partir du IVème, en continuation de l’évolution depuis la mise en place des institutions
impériales.
Ces justifications, présentées dans les premières pages des compilations de justinien, constitueront
l’une des bases de la réflexion des jurisconsultes européens sur l’une des bases de ce qu’on appellera
le pouvoir législatif.
L’idée selon laquelle l’Empereur peut par sa volonté seule créer des règles obligatoires pour tous
a mis un certain temps à s’imposer. Durant les premières décennies de l’Empire les empereurs
émettent de simples avis. Le principe était que les règles édictées par le prince ont valeur
obligatoire seulement lorsqu’elles sont délibérées en conseil. Cette exigence tend à s’estomper par
la suite. L’idée que les règles issues de la volonté du prince créent du droit au même titre que les
lois votées sous la Rép s’impose.
- Les édits sont comme nos lois modernes, des actes de portée générale et perpétuelle
Procédures particulières plus propres au droit romain :
- Procédure de rescrit, réponse par l’empereur à une question posée soit par des
fonctionnaires impériaux ou un habitant. En droit la réponse de l’Empereur donne la
solution du cas. Cette réponse a une valeur casuistique mais sera réutilisée pour les cas
semblable : forme de généralisation. Jusqu’au début du IVè source principale de
législation impériale, manifeste l’ingérence de l’autorité centrale dans la procédure
judiciaire et permet de modifier le fond du droit selon des méthodes spécifiquement
romaines.
- Décrets : jugements rendus par l’empereur en son conseil sur des procès portés en
appel devant lui. Comme pour les rescrits ces décrets sont repris et deviennent une source
du droit
-
Appelées constitution puis loi, ces différentes catégories de normes édictées par l’Etat deviennent
presque la seule source créatrice du droit à partir du IVème.
L’abondance de cette législation pousse à la création de recueils des principales mesures. Après
la confection de compilations privés au tournant IIIe-IVeme, on s’avance vers une codification
générale.
En 435, l’Empereur Théodosien confie à une commission de rassembler les constitutions depuis
début IVè et de les classer de façon rationnelle par matière et de supprimer ce qui est inutile et
contradictoire voire même de modifier pour harmoniser. On passe de la compilation à une opération
d’un type nouveau, proche d’une codification. Le texte ainsi confectionné est promulgué par une
publication qui change le fondement des normes contenues dans les textes. Les textes rassemblés
ne doivent plus être allégués en justice que selon la forme du nouveau code promulgué.
Ces recueils faits sur ordre de l’Empereur et promulgués par lui constituent une mutation
fondamentale de la forme du droit.
Texte initial incipit : « deo auctore » « grâce à l’aide de Dieu » (voir recueil de texte)
Objectif de rattacher toutes les règles à l’Etat, d’homogénéiser les normes pour leur donner le
même fondement : elles expriment la volonté impériale.
Agathe
Le Moyen-Âge
Introduction générale
Bornes chronologiques : 5e/6e siècle (fondation des différents royaumes « barbares » post Empire
Romain) jusqu’au 16 siècle (émergence de la modernité politique).
La tradition scolastique
Pensée dite scholastique, car elle est enseignée dans les écoles (universités). La pensée dominante
en Europe à l’époque. Opère dans une tension : les chrétiens sont persuadés qu’il existe un « verum
jus », un vrai droit (expression de Cicéron reprise par Pascal). Ce vrai droit est en Dieu, et donc c’est
à ce droit que l’Homme doit se conformer. Mais l’Homme ne peut pas connaître ce vrai droit d’une
manière certaine, car il est divin et donc hors de sa compréhension. L’Homme doit donc tenter de se
rapprocher le plus possible de ce modèle.
Critères :
- universalité
- permanence
=> un droit qui aurait ces caractéristiques serait le plus proche possible du fondement divin. On parle
ici de droit positif.
Généralités
3 catégories de règles constituent des droits à vocation universelle : des outils pour faire converger
le droit humain et le droit divin :
Mais pas suffisant, car l’Homme ne peut connaître véritablement la volonté divine, donc il faut
d’autres outils.
1) Le droit des gens : désigne ensemble des institutions et règles dont le juriste constate
qu’elles sont présentes chez tous ou chez la plupart des peuples. Universalité constatée est le
signe que ces normes expriment quelque chose du droit véritable.
2) Les droits savants : les droits enseignés. Le droit canonique donc, universel car s’applique à
toute la chrétienté, et le droit romain, qui a vocation à servir de droit commun à toute
l’Europe.
L’hydre médiévale
11e siècle : émergence des seigneuries entraîne fragmentation du corps social. Avant, société globale
du monde romain. Là on a une multitude de petites communautés organisées autour d’un Seigneur
qui détient le pouvoir à titre héréditaire. Puissance publique disloquée : le Roi a peu de pouvoir,
système féodal. A l’ancienne subordination politique générale des membres de la communauté
envers des chefs tenus pour ses représentants a succédé un ensemble complexe de liens de
caractère personnel et viager (suzerains, vassaux…). Influence sur le droit, car il n’y a plus d’Etat ! On
a donc recours aux coutumes locales. « Un monde à mille têtes » (cours).
Il reste des structures au pouvoir universel : l’Église et le Saint Empire. Leur forme politique va
servir de modèle pour la constitution des Etats territoriaux à la fin du MA.
Le peuple chrétien
L’Europe médiévale est avant tout chrétienne.
=> Importance du clergé, très organisé et hiérarchisé.
=> Une mission spirituelle qui est en vérité une forme de pouvoir, sur les esprits et les âmes. Il se
fonde sur la volonté de Dieu et n’a donc pas de limite dans l’espace, « car tous les hommes ont
vocation à devenir chrétiens ». Donc universel et permanent dans le temps, car l’Église ne cessera
qu’avec la fin du monde. Cette universalité et permanence fera de l’Église un modèle de l’Etat.
Le Saint Empire
800 : Empire de Charlemagne, première tentative de restauration de l’Empire Romain.
936 : dynastie princière germanique, nouvelle restauration. Le Saint Empire revendique la direction
politique de l’ensemble des chrétiens, car il se prétend ressusciter l’empire romain chrétien. Le
Sacrum Imperium affirme détenir un domaine universel car se base sur des principes du droit romain
et des traditions chrétiennes.
Si les chrétiens ont le même dieu, ils devraient être soumis au même droit : logique donc de
tendre à intégration dans une même communauté politique.
Pouvoir de type nouveau, car se fonde sur la souveraineté : refus de l’Etat d’accepter concurrence
d’un pouvoir autre que le sien ! (celui de l’Église par exemple). On date émergence vers 13 e siècle.
Réapparition du législateur et multiplication des règles édictées par l’Etat.
Généralités
Quasi-disparition de la science juridique entre le 6 e et le 12e. On redécouvre les Compilations de
Justinien. La science savante du droit se forge alors pour jouer rôle important dans la tradition
juridique européenne :
- Le professeur d’université (Rôle savant).
- Rôle à jouer dans le domaine politique également : les légistes sont les conseillers des princes et
contribuent à la montée de la puissance étatique.
- Dans la société civile, notaires, juges et avocats permettent régulation des rapports sociaux fondés
sur la loi et le droit : l’Etat de justice.
La science du droit reste cependant dépendante des maîtres à penser du monde médiéval, les
théologiens. C’est la théologie qui fait l’unité du droit médiéval, même socle de pensée pour tout le
monde médiéval européen.
Réalistes et nominalistes
Au 14e siècle, querelle des réalistes et des nominalistes qui marque la réflexion sur le droit.
- Réalistes : les idées générales (les universaux) correspondent à des structures de l’être. Le
Bien, le Vrai, ont par eux-mêmes une forme d’existence. La communauté prime sur l’individu.
- Les nominalistes disent que les universaux ne sont que des créations de l’esprit et n’ont rien
de réel. Provoque accent sur l’individu : le Bien c’est la somme des intérêts particuliers.
Malgré différences entre les penseurs, utilisent la même méthodologie : la dialectique (pro et contra
sic et non), et la même langue, le latin. Donc on a une création commune de pensée juridique grâce à
des cadre théoriques communs à l’Europe.
Introduction
Le droit naturel est une notion qui se retrouve à tous les âges de l’histoire de la pensée juridique mais
n’a pas la même portée/rôle à chaque époque. Au MA, notion influencée par héritage antique +
pensée chrétienne.
Introduction
La particularité du droit naturel et divin au MA c’est qu’on considère qu’il trouve sa source dans un
dieu créateur et maître naturel des hommes. Mais s’exprime par divers registres. 3 canaux
principaux :
La conscience est donc pensée comme le lieu d’émergence de la loi, morale ou juridique. Des
principes gravés par Dieu lui-même dans l’esprit humain. Les penseurs modernes eux, donneront une
grande importance à cette voie de connaissance et la penseront comme la raison humaine, la volonté
propre à chacun qui mène au droit naturel.
Conclusion
Le droit naturel reste toujours insaisissable car il est divin. Tous ces outils ne permettent que de le
viser, de s’en approcher. C’est là qu’est la singularité de la vision scolastique.
Premier principe : sur l’articulation avec le droit positif : il doit sa légitimité au lien avec l’expression
du droit naturel. Il ne peut aller à son encontre (Une loi injuste n’est pas une loi disait Saint Thomas
d’Aquin) et comme le dit Saint Augustin, « dans la loi humaine il n’est rien de juste qui ne dérive du
droit naturel. » Mais cette vision est très restrictive : pauvreté du droit naturel car l’Homme ne peut
en avoir qu’une connaissance limitée.
Dans la pensée chrétienne, l’Homme est un être déchu de sa perfection originelle. Il a usé
du libre arbitre donné par Dieu pour se séparer de lui. Cette rupture, source de tous les maux
humains, est le ressort essentiel des limites de sa raison. Les passions qui l’animent
pervertissent sont jugement. Il n’y a en fin de compte pas de processus qui permettrait de
passer selon les seules voies de la raison du droit juste en soi aux mille règles qui se révèlent
nécessaires au fonctionnement des sociétés humaines.
o C’est en cela que la pensée médiévale s’oppose à celle des modernes : la raison
humaine n’est pas en mesure de construire un système de droit naturel rationnelle,
de déduire un ensemble complet de normes en les déduisant des principes premiers
par la seule force de la logique.
Donc le droit naturel est insuffisant. Comment procéder pour que soit maintenu le lien au droit
naturel qui assure la validité du droit positif ?
Principes manquants
Principe de soumission du droit positif à une norme supérieure : comment y parvenir ?
- pas de présentation systématique et détaillée des règles constituant le droit naturel. Il manque
l’énoncé du contenu des droits de l’Homme.
- pas de proclamation par l’autorité publique de la valeur supérieure de ces règles de droit naturel.
La scholastique propose une méthode pour lier le droit naturel et le droit positif. Permettre aux
interprètes du droit de retrouver et faire prévaloir en toutes règles de droit positif la part de droit
naturel qui est son fondement. Moyen : relever l’accord de certaines institutions chez la plupart des
nations. Critère de généralité.
L’autre base, c’est le droit romain, présenté par les auteurs comme un instrument pour viser le droit
naturel. Même s’il a été conçu par un peuple païen, le droit romain est un don de Dieu, celui qui peut
être mis en œuvre en tout temps et tous lieux, soit pour combler les lacunes du droit existant, soit
pour les interpréter.
Définition
Aujourd’hui, ça veut dire le droit international public forgé à partir du début du 19e. Mais jusqu’à la
fin du 17e, l’expression avait un sens plus large. Il s’agit d’institutions dont on constate qu’elles sont
présentes dans l’ordonnancement juridique de la quasi-totalité des communautés politiques
organisées. Les droits des gens sont aussi appelés droits naturels secondaires. Le sens a changé avec
nouvelle conception du droit naturel, car on modifie les voies de connaissance (la raison humaine
prime), et on sépare le droit naturel du droit positif de manière stricte.
Si la règle étudiée remplit ces critères, on l’isole et lui donne un statut particulier. Une sorte
d’inventaire, un catalogue d’institutions. Fait penser à la liste de droits naturels attribués à l’homme
par la DDHC…
Ces listes concernent, en gros :
- la constitution des Etats
- l’établissement des propriétés privées
- les échanges
- les associations entre les individus et entre les peuples
Sont les règles principales nécessaires à la vie en société. On a donc à une définition
matérielle et c’est la recherche des raisons, des fondements qui permettent d’expliquer la
généralité́ de ces institutions qui va conduire la pensée scholastique à faire de ce droit un
droit médiateur, et, en conséquence, qui va les conduire à lui assigner un rôle particulier
dans la mise en œuvre des normes.
Fondements et rôles
Premier fondement : dans la forme historique particulière qui leur est donné à l’intérieur de
chaque société́ politique, les normes du droit des gens reposent sur la puissance publique
qui les édicte. A ce titre, les règles du droit font partie du droit posé par l’Homme. Elles
dépendent du législateur.
Mais, deuxième fondement, comme le montrent les convergences dans le temps et dans
l’espace qui font apercevoir à travers elles une sorte de modèle universel, il faut également
poser qu’elles expriment un ordre supérieur. A ce titre, elles relèvent de ce droit juste qu’est
le droit naturel. Elles doivent échapper à l’arbitraire humain.
Comment penser cette articulation ? Le rattachement des règles du droit des gens à la raison
humaine va jouer un rôle primordial. La scolastique va mêler les indications du droit romain avec les
principes à partir desquels ils pensent l’ordre qui structure la création. Si la Création est l’œuvre d’un
Dieu unique, il est logique de considérer qu’elle est régie par une seule loi qui peut néanmoins se
manifester de différentes manières, dans l’instinct des hommes mais surtout dans le discursus
rationis (le discours de la raison) : le travail rationnel par lequel l’Homme constitue son droit. En effet
c’est la raison qui fait la spécificité de l’Homme, donc c’est elle qui constitue le droit des gens.
Conclusion : le droit des gens doit être considéré comme le mode humain du droit naturel : il
en est la forme rationnelle.
On observe donc définition plus large du droit naturel pour y intégrer la raison humaine, ce
qui permet de concilier l’aspect créateur de la raison sans oublier ses limites (humain vs
divin). Afin de pouvoir constituer les nombreuses règles nécessaires à la vie en société, la
raison doit abandonner la logique du nécessaire et adopter la logique du probable (le droit
des gens : règle très répandue donc probable qu’elle soit naturelle). Faire converger le
nécessaire et le contingent pour faire du droit
Une autre raison entre en jeu, la raison pratique, ou encore la raison probable : cad la raison de
ceux qui se sont formés par l’étude et la pratique des affaires humaines. Comme les solutions
qu’elle obtient ne peuvent être que probables, elles doivent être confirmées le consentement
général , dont sont l’objet les institutions du droit des gens.
Les règles du droit des gens ont donc vocation à borner l’emprise du législateur humain, à
influencer l’interprétation des juges. Annonce finalement la DDHC de 1789, qui énumère liste
de droits de l’Homme « naturels » même si différence importante : les DDHC sont des « sur-
droits » auxquels le droit positif doit se soumettre. Le droit des gens classique est plus un
droit à l’intérieur du droit, et la comparaison de ce droit avec le droit positif doit permettre
de discerner :
- d’une part ce qui relève de la raison, scrutant la nature des choses, la nature des hommes;
-d’autre part ce qui relève de l’autorité́ imposant un ordre conventionnel.
o Conséquence sur les méthodes d’interprétation : il faut tenir compte de l’intention
du législateur qui édicte, mais le juge ou l’avocat doit aussi examiner les fins
conformes à la nature des choses et aux exigences de sociétés humaines qui sont
visées par la loi. Le juge doit imposer le but visé par les institutions du droit des
gens. Concrètement, on se sert beaucoup du droit romain comme droit des gens de
référence.
Définition
Le Jus Comune : Angleterre exceptée, la plupart des nations européennes ont connu le droit
romain. Certains ont pensé que le droit romain pouvait être un instrument et un modèle dont on
pouvait s’inspirer. Devient donc le « droit commun » (qualifié comme cela dans les textes
médiévaux). Certains penseurs aujourd’hui disent que le droit romain comme droit commun relève
d’un mythe européen : certes il y avait des normes homogènes mais c’était surtout des principes de
bon sens très basiques, pas vraiment un droit commun en tant que tel.
On pose donc la question de la réalité du droit commun européen : une invention des historiens du
droit ? C’est surtout l’expression d’une sorte de foi : Il y a une sorte de croyance infaillible des
penseurs médiévaux au droit romain. Ils voient les droits « barbares » comme fragmentaires,
désordonnés, donc pas utilisables alors que le droit romain est un amalgame de tous les droits par
son lien à l’Empire cosmopolite. Deux convictions :
- pour eux, les droits supposent le droit : un droit commun dont les règles particulières sont la
preuve.
- convaincus que le droit romain est le meilleur possible – document impressionnant des
Compilations de Justinien conforte cette idée. A l’époque, le droit romain est surtout celui lu dans les
Compilations, à tel point que ce texte est appelé simplement « le droit » par les auteurs du 12e siècle.
Cependant il est vrai que le travail des médiévaux sur le droit romain n’a pas vraiment abouti à un
droit commun, et qu’on observe surtout des règles particulières qui en découlent. De plus, le droit
romain n’est pas le seul « droit commun » à exister au MA. On a aussi le droit canonique. D’autres
normes ont aussi cette qualité : le droit édicté par l’Etat car commun à tous dans l’intérieur du
territoire, les coutumes. Ces dernières sont vues comme des « statuts », cad des exceptions au droit
commun (expression venue du droit romain). Au 16 e, cette relation s’inverse, on considère que le
droit commun se trouve dans les coutumes régionales.
On voit donc bien que l’expression droit commun est polysémique : c’est la conséquence de la
double qualité qu’on recherche dans le droit : substantielle et relative.
- Qualité relative: elle résulte en effet à chaque fois d’un jugement de la raison juridique laquelle, en
face d’un casus pour lequel elle doit donner une solution, choisit, rapproche et puis hiérarchise deux
règles d’origines différentes. A la suite de cette hiérarchisation, elle interprète l’une, considérée
comme particulières, à la lumière de l’autre posée comme plus générale et exprimant le droit
commun.
- Substantielle : Malgré la liberté des choix d’interprétation il est nécessaire que cette hiérarchie
établie par la raison juridique entre deux normes réponde à des qualités internes. Le contrôle de la
règle. Et pour les juristes du 12e, le meilleur outil de contrôle c’est le droit des Compilations.
La question à poser : le droit commun européen forme-t-il une seule et même réalité avec le droit
romain ? Réponse oui/non. Statistiquement, on reconnait que le raisonnement médiéval qualifie une
règle de droit commun une règle souvent tirée ou inspirée du Corpus des Compilation. Nuance : la
règle n’est pas juste commune parce qu’elle est romaine mais aussi car la raison juridique est en
mesure d’y discerner un principe général donc la règle particulière peut alors être considérée comme
la mise en œuvre.
On met donc ainsi en tension le droit particulier (national) avec le droit plus général qui s’exprime par
la règle romaine. Permet de trouver dans le droit particulier « ce qui doit être amplifié » disent les
juristes. Les principes communs dégagés seront appelés « principes favorables et la règle de droit
particulier qui les exprime « recevra la plus grande extension ». En revanche, toute règle particulière
qui apparaît comme une exception aux principes communs sera d’interprétation « étroite ». Ce
travail permet donc de préciser la portée des règles à mettre en œuvre : travail d’interprétation, de
la loi à l’espèce.
Le droit commun n’est donc pas une idée abstraite : il est un moyen, mais aussi le résultat du travail
interprétatif par lequel les juristes insèrent les règles particulières dans une matrice où le droit
romain est au cœur. Garantit une certaine unité du droit et discerner les règles de pur
commandement (édicté par l’Etat particulier) et les principes généraux (expression de la raison).
Articulation autorité/raison qui justifie applicabilité universelle du droit romain.
Pour cette tradition de pensée, les lois romaines ou lois civiles sont surtout des « raisons qui
perçoivent ». Elles valent en tant que raison mais sont aussi des raisons qui obligent, car elles sont
des lois véritables. Le droit romain a donc une double qualité :
Il oblige, par son lien avec une autorité qui l’authentifie. Mais le pouvoir de validation de
cette autorité ne vient pas véritablement de la puissance effective qui est la sienne, elle vient
des fins poursuivies par cette autorité. Importance de la justification IMPERIALE pour fonder
la validité attribuée au droit romain : si le droit des Compilations a vocation à s’appliquer à
toute l’Europe, c’est parce qu’il est le droit de l’Empire romain chrétien, et que pour les
penseurs médiévaux, tout dans l’Histoire atteste que l’Empire universel établi par les
Romains est le résultat de la volonté divine.
o Le Saint Empire prétend le ressusciter : bcp considèrent alors que le droit qui doit s’y
appliquer est celui des Romains !
Mais on sait que le caractère universel de cette autorité impériale est rapidement contesté,
en particulier par les rois de France. D’où l’importance de montrer que, si on reste fidèle à
une certaine validation par l’autorité, c’est en considérant qu’il faut voir dans l’empire non
pas l’empire romain ou le Saint Empire mais plutôt l’expression de l’unité qui devrait être
celle du peuple de Dieu.
o En effet, pour les médiévaux, la totalité de ceux qui partagent la foi ont vocation à
être unis en Dieu, sous un droit unique. Or, tout dans l’histoire de Rome semble
attester que cette unité a existé ou a failli exister. Elle est donc à reconstruire.
Le droit romain est un instrument indispensable sans être un substitut de la loi divine : il reste une
création de la raison naturelle, venu d’un peuple d’infidèle. Médiateur entre Dieu et les Hommes.
Conclusions : le droit romain doit beaucoup aux maîtres médiévaux : efforts pour le réinventer et le
diffuser, traces encore aujourd’hui. Travail d’assemblage, de hiérarchisation. Méthodes
d’interprétation aussi : insertion d’une norme dans la totalité du droit permet son interprétation et
sa mise en œuvre. Encore valable aujourd’hui.
Vision du droit romain comme droit commun cependant obsolète car les modernes n’acceptent plus
légitimation médiévale comme droit médiateur de la volonté divine : eux veulent trouver la force du
droit dans l’autorité de l’Etat. On passe d’une hiérarchie des contenus (commandements divins puis
droit romain supérieurs au reste) à une hiérarchie des formes (constitution, traités, lois, etc).
Sarah
RENAISSANCE
INTRODUCTION
Résistances de + en + fortes des droits médiateurs car échappent à l’autorité étatique + rupture dans
la foi chrétienne à cette époque. Rappel : réforme protestante.
2. Lien de l’Homme à l’espace. Grandes découvertes (surtt 1492) = conscience d’une altérité
entre cultures donc entre les droits. Nvlles règles à implémenter sur ce nvx monde.
Légitimisation de l’invasion par utilisation vs ces pop du
droit spirituel (Opposition face à pop non chrétiennes, inférieures)
droit romain (bien sans maître = propriété de celui qui les occupe, i.e. occupation des
terres par europ ok)
droit de la guerre (ok dépossession + esclavage) – vient du droit romain
Dénonciation de tout cela remise en question du droit nvx discours sur le droit.
Autre théorie : pratiques contraires aux règles du droit naturel (sacrifices hum…) -> intervention esp
légitime + indispensable
droit d’ingérence = L’atteinte aux droits naturels peut rendre légitime une intervention armée
venant d’une puissance qui par ailleurs n’est pas concernée par ces atteintes aux droits naturels.
Rappel : Moyen-Age (St Thomas d’Aquin), H proprio de la totalité des créatures-> parole divine. Droit
à la conservation = fdmt de la propriété. Domaine hum = prolongemt terrestre du domaine div.
Emerg droit de l’H Naissance du droit subjectif. Droit sur les choses car qualité d’ê humain, pas
interv divine. Aucune interv de l’autorité pol n’est nécessaire pr le lui conférer. Corollaire : aucun
acte publ ne peut légit l’en dépouiller.
Colonisation -> réflexion « juste ordonné par loi nat » / « juste ordonné par Dieu ». Ecart -> école du
droit de la nature construit par la seule raison hum.
Fond coutumier insuffisant pour constituer droit commun dont la pratique a besoin recours au
droit romain.
Réapparition volonté divine, raison, usage, autorité étatique. Ms accentuation autonomie du juge +
certaine mainmise de l’Etat.
Volonté divine tjs présente : Jean Domat se fonde sur droit romain. Grâce à Dieu, qualités qui
justifient en raison le recours au droit romain. Idée que le droit romain est un droit de raison.
Critique : à trop accentuer le rôle de la raison, on déjuridicise le droit romain, on lui fait perdre sa
qualité de droit. arbitraire judiciaire substantiel.
Réponse : pas n’importe quelle raison. Raison qui est écrite dans les livres du droit romain. Et usage
universel de ces règles confirme caractère rationnel. Usage pas imposé par les armes dc
consentement implicite. Et universalité de l’usage -> rattachement à l’autorité de l’Etat – conciliation
de la souveraineté étatique & utilisation d’un droit venu d’ailleurs.
Périodes modernes : on s’interroge sur la portée de l’usage. Progression de l’idée que le droit
appliqué sur le territoire doit reposer sur l’autorité du souverain de ce territoire. Forme d’étatisation
du droit ms tjs loin de la codification.
Le rôle de l’Etat
Part de l’Etat ds la création & surveillance de la mise en œuvre des normes augm.
Etat : innovations dans la loi + prépare unification du droit franç.
Hiérarchie des txt édictés par le pv souverain :
- Edits (ou ordonnances) = mesures qui visent l’ensemble des sujets
- Déclarations = interprétées à la lumière des volontés générales
Droit public du royaume. Droit privé relève de la coutume. Distinction moins tranchée mais
globalement respecté (jusqu’au XVIIe).
Ordonnance de 1667, Louis XIV + conseil royal + parlement -> réforme procédure civile. Gvnmt veut
abolir l’ensemble des règles antérieures. Au final, seules sont abolies les règles qui sont en
contradictions avec les lois anciennes.
-> Absence de la clause d’abolition générale pas codification.
Tous ces txt sont utilisés pr codes napoléoniens. Unification & étatisation du droit.
Ms unification que partielle. Donc malgré part croissante des règles édictées par l’Etat, droit franç
demeure droit dominé par doctrine & jurisprudence pdt siècles de la période moderne.
Salma
1e étape de constitution du droit naturel moderne = mise à l’écart du droit des gens entendu au sens classique.
Droit des gens tel que décrit au 16 e s. s’oppose à la séparation théorique radicale imposée par la pensée juridique
moderne entre
Un droit naturel présenté comme une pure construction de la raison
Un droit positif tirant sa validité que de l’autorité qui en est la source et qui l’impose.
16e s. désintégration des fondements du droit des gens et reclassement de ses institutions avec deux
conséquences :
Incorporation des principales institutions au droit naturel acquisition de contenu
le terme « droit des gens » désigne le droit régissant les seules relations entre les nations (droit international
public, théorisé par Bentham au début du 19e s.
Début du 17e s. le théologien jésuite espagnol Francesco Suarez démontre que le droit des gens diffère
essentiellement du droit naturel et qu’il n’est qu’une partie du droit positif :
Rejet de la vision extensive classique du droit naturel conçu comme un ordre de nature assignant à chaque
chose et à chaque être animé une place au sein de l’univers. 2 évolutions l’expliquent :
o progression de la nouvelle image de l’univers par l’avancée de la science moderne mise en cause
de la vision hiérarchique justifiant l’idée d’un droit naturel commun à l’ensemble de la Création ;
o progrès de la vision subjective du droit : le droit, la justice et la loi sont liés à la liberté et à la raison
qui caractérisent l’être humain et ne conviennent par conséquent qu’à lui.
Disparition des autres éléments de la vision classique plus controversée. Rôle important mais incomplet de la
raison dans la construction traditionnelle : aucun caractère de nécessité dans la constitution des règles du droit
des gens. Par simplification, 2 modes de raisonnement peuvent en découler :
Ou bien la raison déduit tous les préceptes contenus dans les principes généraux du droit naturel alors, ces
conclusions ont la même valeur que les prémices d’où elle est partie et constituent du droit naturel.
Ou bien alors la raison raisonne sur le probable, et le contingent, alors les règles édictées tirent leur force
obligatoire de ce qu’elles sont imposées par l’homme.
Suarez démontre la nécessité de changer de paradigme, affirmant que : ou bien la force du précepte tient de ce
qu’il est rationnellement déduit des principes premiers il fait partie du droit naturel. Ou bien la force de ce
précepte ne vient pas de la raison droit positif. Suarez reprend alors la liste des institutions classiquement
rattachées au droit des gens et les redistribuent entre le droit naturel et le droit positif. Il fait passer la plus grande
partie des anciennes institutions du droit des gens dans le domaine du droit naturel l’émergence du nouveau
droit naturel conçu comme un ensemble de facultés légitimes.
Rôle assigné au consentement des nations permet de corroborer ces conclusions + de donner au droit des
relations entre Etats un statut en partie nouveau. Emergence du nouveau droit international conçu comme le
droit de cette communauté de l’humanité. Il naît soit d’accord particulier, les traités, soit d’un accord virtuel dont
les coutumes internationales sont l’expression.
Introduction
Parmi les premiers maîtres, souvent appelés fondateurs, deux noms sont essentiels.
Hugo de Groot
Appelé de son nom latin Grotius. Jurisconsulte et diplomate des Pays-Bas. Œuvre maîtresse : Du Droit de la
guerre et de la paix (1625) considérée par les penseurs attachés aux thèses nouvelles comme posant les bases de
la nouvelle figure du droit naturel.
Prolégomènes de l’ouvrage formules clefs de la nouvelle vision des fondements du droit : « il faut que toutes
les règles présentées puissent être considérés comme valides et vraies même si l’on accepte de considérer que
Dieu n’existe pas. » Importance de la validité du droit naturel même si Dieu est mis à l’écart de la
construction juridique.
Samuel de Pufendorf
Luthérien professeur de droit naturel à l’université de Heidelberg. Œuvre principale : Le Droit de la nature et des
gens (1660-70) s’ouvrant sur une distinction essentielle empruntée à Descartes : la distinction entre les êtres
moraux et les êtres physiques. Pufendorf détache ainsi la présentation des concepts juridiques de tout ancrage
dans les faits et en donne une analyse purement abstraite.
Conclusion
Question cruciale : quels sont les moyens qui permettent d’assurer concrètement à ces droits naturels la
supériorité que la raison leur reconnaît ? Rôle de l’Etat
Introduction
Dans l’historiographie française : le magistrat Jean Domat (17e s.) = au premier rang des jurisconsultes
précurseurs de la codification. Son œuvre principale, Les Lois civiles dans leur ordre naturel considérée au 19e s.
comme la préface du code Napoléon.
Son œuvre s’enracine dans la puissante tradition augustiniste qui a tendance à attendre de l’autorité publique
qu’elle contribue, comme la puissance spirituelle, à rétablir dans une société et un monde déréglé par la
perversion des hommes, l’ordre qui avait vocation, selon la volonté divine, à y régner ; afin d’unir à nouveau
Dieu et les hommes.
Le lien qui est ainsi établi à travers son œuvre entre le passé et le futur explique l’importance de sa pensée.
Sa vie
Né à Clermont en 1625, mort à Paris en 1696. Etudie le droit à Bourges, son maître = un disciple de Cujas, un
grand maître de la jurisprudence humaniste. D’abord avocat à Clermont, il y rencontre en 1649 Pascal, avec
lequel il noue une profonde amitié. En 1657 il devient avocat du roi aux présidiales de Clermont en 1657, il
exercera 30 ans.
1665 : il participe aux grands jours d’Auvergne rencontre des hauts magistrats du parlement de Paris, qui
joueront un rôle dans son installation à Paris en 1681 + la présentation du plan de son ouvrage au roi
agrément pension pour s’y consacrer.
1689 : parution des Lois civiles dans leur ordre naturel précédée du Traité des lois (prolégomènes théoriques).
Réédition en 1697 (après sa mort) +adjonction de 4 livres de droit public. Selon Boileau, cette œuvre témoigne
de l’émergence d’une nouvelle raison juridique.
Jusqu’au début du 19e s. : ses traités font l’objet de multiples rééditions + grand nombre de citations et
d’emprunts faits à l’œuvre de Jean Domat lors de la rédaction du code civil.
Sa pensée
Selon Domat l’origine des défauts de la justice monarchique réside d’une part dans l’incertitude et le désordre
des lois, d’autre part dans les défaillances humaines des juges. Son projet s’enracine dans une méditation sur les
moyens susceptibles de permettre au juge de remplir la mission que Dieu lui a expressément assignée i.e. celle
de ramener les Hommes vers Dieu.
Pour lui (comme pour la plupart des jurisconsultes de son époque) la justice demeure la première et la principale
fonction de l’Etat i.e. l’instrument essentiel d’un pouvoir, le pouvoir politique, ayant vocation selon la croyance
de l’époque à mener les hommes vers Dieu. Pour être légitime et efficace, elle doit être construite sur les
paroles de l’écriture sainte. Domat donne une portée véritablement constituante aux règles qu’il tire de la
parole divine pour organiser la justice qui ne fait qu’un avec Dieu selon lui. Les juges ont ainsi vocation à tenir
la place de Dieu sur terre comme l’affirme le texte saint « ils sont appelés à rendre le jugement de Dieu ».
En tranchant un différent, le juge applique des lois inventées par les hommes, le droit positif mais doit pour
accomplir sa véritable mission, rétablir une autre loi, d’essence divine, dont les lois humaines ne doivent être que
la mise en œuvre.
Pour lui les juges, en France, manquent presque continuellement à leur véritable mission car l’hétérogénéité de
règles en termes d’origines et de portées leur laisse une trop grande liberté de mise en œuvre. Les dangers de
cette trop grande liberté sont aggravés par la position du juge dans le débat judiciaire i.e. homme parmi d’autres
hommes, ne pouvant totalement s’extraire des intérêts et passions qui se présentent devant lui expliquant la
multiplicité d’interprétations.
Conclusion
Domat est convaincu qu’il faut contraindre le juge à respecter non seulement la loi elle-même mais à respecter
l’ordre purement logique qui doit lier les lois entre elles. C’est l’objectif de son œuvre : mettre en système la
totalité des règles nécessaires pour la résolution des conflits.
Le projet de mettre les lois dans leur ordre naturel doit se comprendre à la lumière de l’éloignement de Domat de
la vision traditionnelle selon laquelle la validité des lois posées par les hommes leur vient de ce qu’elles
expriment la loi divine. Domat transforme ce lien traditionnellement établi par le juge, dans le jugement, i.e. de
manière nécessairement ponctuelle et précaire, en un lien purement logique s’imposant au juge lui-même.
Deuxième mutation : faire ce travail pour la totalité des lois nécessaires à la vie sociale +en les faisant toutes
apparaître comme les conséquences logiquement déduites d’un seul et unique principe.
Il estime pour cela qu’il faut changer radicalement, non pas le contenu du droit (il réutilise pour l’essentiel le
droit romain) mais les méthodes de la science juridique ; i.e. les procédés d’exposition des règles, et les
techniques de leur mise en œuvre. Il reprend les procédés de la raison mathématique qu’il estime constituer une
méthode infaillible car elle « permet de déduire une infinité de règles particulières de quelques principes
premiers et évidents » (Domat, paraphrasant Descartes). La mise en système de l’ensemble des règles en un
corps unifié commence par l’identification des règles nécessaires à la vie sociale utilisation des lois civiles
dont l’emprunt au droit romain est considéré comme indispensable par Domat (trop long à élaborer de 0). 2 e
étape : déterminer le principe premier à partir duquel pourra être édifié le corps de règles. Selon Domat, c’est la
loi proposée par le Christ, Dieu fait homme, qui doit être le fondement de toutes les règles destinées à régir les
hommes, à savoir, la loi fondamentale de l’Amour. Domat va s’attacher à reconstituer les liens logiques
permettant de présenter les lois civiles comme des déductions de la loi fondamentale ordonnant aux hommes de
s’aimer entre eux.
Ce travail de mise en système permet d’unifier les lois selon un ordre à la fois vertical (par le raisonnement
déductif) et horizontal. En effet, à chaque degré de cette chaine démonstrative, plusieurs règles sont déduites.
Constitution d’une pyramide de normes où se distinguent des sortes d’étages dans l’ordonnancement juridique
général, chaque loi ayant un rang déterminé par sa relative proximité avec la norme fondamentale ainsi qu’une
place au sein de cet ordonnancement juridique. Conséquences pour l’interprétation et la mise en œuvre par les
juges
L’établissement de liens logiques, rassemblant l’ensemble des normes, les fait toutes apparaître comme la
mise en œuvre du principe fondamental, les lois ont dès lors la même valeur fixe et irréfutable que le
principe premier dont elles sont déduites.
Le juge perd son pouvoir d’appréciation de la valeur des lois.
Chaque loi a désormais son champ d’application déterminé par sa place dans le nouveau corps du droit.
Le juge discerne immédiatement les lois applicables au cas soumis + l’ordre d’applicabilité auquel il
convient de les interpréter (caractère pyramidal du système)
La mise en système du droit transforme l’acte de jugement en un pur acte de connaissance nouveau statut du
juge.
L’apport le plus important de Domat = exigences, processus et conséquences d’une unification des règles
juridiques appelée plus tard codification, irréductible à une simple amélioration technique de modes de
présentation des normes, mais mutation essentielle qui affectant les buts assignés à la loi mais surtout les
modalités de sa mise en œuvre ( statut du juge).
Margot
L’époque contemporaine
1. Un nouveau monde
Introduction
La Révolution française bouleverse le paysage institutionnel et juridique français : les hommes de
1789 veulent rompre entièrement avec l’ancien droit et se dotent d’une déclaration de droits et
d’une constitution écrite. Ce sont les éléments essentiels d’une hiérarchisation des droits.
On assiste à la mise en place d’un droit entièrement identifié avec la loi, expression de la volonté de
l’Etat, appelée le légalisme. L’Etat s’approprie le droit grâce à sa codification, réalisée en 1804.
Les destructions
Les révolutionnaires veulent instaurer le règne de la loi étatique en détruisant les structures sociales
et politiques anciennement installées par la monarchie. A la place d’un Etat divisé en communautés,
régies par leurs propres règles, ils mettent en place une société où la loi est la même pour tous les
citoyens. Ils édictent un droit défini comme l’expression de la volonté de la communauté politique :
c’est l’avènement de la loi expression de la volonté générale, pour reprendre la formulation de
Rousseau.
L’obstacle des jurisconsultes à la réorganisation du système judiciaire
Les révolutionnaires veulent une nouvelle figure du juge pour le cantonner dans une stricte fonction
d’application de la loi. On dénonçait l’infinie diversité de l’univers normatif propre à l’ancien droit et
l’excessive liberté que les méthodes d’interprétation des normes donnaient aux juges.
Face à cette stricte limitation de leur rôle et de leur pouvoir, les juges et jurisconsultes, organisés en
un corps uni et détenant une puissance considérable depuis des siècles, s’opposent et constituent un
obstacle important sur cette voie de la rénovation.
Avant 1789, aucune hiérarchie des normes n’existait. Les juges ignoraient l’idée d’une hiérarchie
fondée sur la qualité des autorités édictant la loi. Ils refusent le principe d’une hiérarchie autoritaire
entre les textes de loi imposée par l’Etat. Pour eux, c’est la raison du juriste qui tranche, ce qui
garantit l’indépendance des juges de l’ancienne monarchie.
Le juriste italien Cesare Beccaria, dans Le Traité des délits et des peines, dénonce ces défauts de
l’ancien système et plaide pour la rédaction de lois fixes, claires, que le juge aurait l’obligation
d’interpréter de manière uniforme. Il plaide aussi pour une stricte proportionnalité entre les délits et
les peines ainsi que pour la suppression des cruautés inutiles.
Conclusion
Cette volonté de rupture se traduit par l’émergence de la figure du juge, « bouche de la loi », et par
la volonté de restituer le pouvoir judiciaire au peuple souverain.
Généralités
Les hommes de la Révolution sont animés par les principes des philosophes des Lumières. Tout ce qui
ne trouve pas grâce aux yeux de la raison doit être détruit, c’est la politique de la table rase.
La pensée juridique moderne part du principe que les hommes ont des droits naturels et que le but
des lois est de garantir ces droits inaliénables.
Pour garantir ces droits, il faut un ordre politique nouveau qui repose sur un nouveau fondement :
l’association volontaire d’êtres libres et indépendants.
Le contractualisme, nouvel ordre politique
L’Etat naît donc d’un contrat : le contrat social. Le contrat forme la société politique, puisse-t-elle
encore agir.
Sur ce point, la notion de représentation apparaît. Le peuple doit déléguer son pouvoir à des
hommes/organes qui vont exercer le pouvoir à sa place.
Définition de la représentation : mandater des représentants choisis par la nation pour qu’ils agissent
en son nom et sous son contrôle.
Conclusion
Les hommes de la révolution croient en 3 points majeurs :
La mise par écrit des principes supérieurs : constitution et Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen
La constitution
Elle vient critiquer la constitution coutumière de la monarchie, sujette à la mouvance de la coutume.
Elle critique surtout le caractère lacunaire des lois fondamentales de l’ancien droit, qui ignoraient la
séparation des pouvoirs. C’est dans ces critiques que s’enracine le mouvement constitutionnaliste qui
veut doter ce texte d’une supra légalité (valeur constitutionnelle).
C’est la traduction juridique de la vision contractualiste : il faut un écrit. On veut instaurer un Etat qui
sera construit sur les principes de la raison.
Emanuel Joseph Sieyès, dans Qu’est que le tiers état ? distingue le pouvoir constituant et le pouvoir
constitué.
- Pouvoir constituant : appartient à la nation, laquelle est au-dessus des lois car elle est la loi
elle-même.
- Pouvoir constitué : ce sont les détenteurs de l’autorité publique qui n’existent que par les
règles préalablement posées.
Citation : « il est impossible de créer un corps pour une fin sans lui donner une organisation, des
formes et des lois propres à lui faire remplir les fonctions auxquelles on a voulu le destiner ».
- La déclaration américaine crée des droits particuliers, elle donne des garanties concrètes
- La déclaration française reconnaît les droits, elle est uniquement déclarative. Les droits
existent par eux-mêmes (avant la déclaration). Elle affirme également les liens entre ces
droits. La DDHC est universaliste (pour l’humanité toute entière).
Les droits de l’homme constituent une liberté civile qui est constituée par l’ensemble des droits
naturels qui apparaissent comme les prolongements des deux droits fondamentaux : liberté et
égalité. De ces deux droits, naît la propriété (= mise en œuvre de la liberté humaine à l’égard des
choses), droit sacré. La liberté est uniquement limitée par tout ce qui nuit à autrui. Quelques autres
droits fondamentaux :
- Sûreté
- Liberté religieuse
- Liberté d’opinion
- Libre communication des pensées
Elle fonde le principe de séparation des pouvoirs et celui de la souveraineté du corps social,
souveraineté exprimée par la loi.
Elle définit la loi comme l’expression de la volonté générale (selon Rousseau). La loi établit l’ordre
public et définit les bornes de la liberté. Elle fait le passage entre les droits de l’état de nature et les
droits détenus par les hommes vivant en société.
Pour beaucoup, le seul véritable pouvoir est le pouvoir législatif. Ses directives sont mises en œuvre
par le pouvoir exécutif, lequel comprend, selon Montesquieu, l’exécution non contentieuse, i.e.
l’administration, et l’exécution contentieuse par le juge. Le pouvoir judiciaire est l’application de la loi
à un fait particulier : ce n’est donc que l’exécution de la loi.
Les révolutionnaires sont méfiants à l’égard de la jurisprudence et veulent réduire le rôle des juges à
la réalisation d’un simple syllogisme : le juge n’a aucune liberté d’appréciation.
Le constituant institue alors le référé législatif qui fait obligation au juge, en cas de doute sur le sens
de la loi, de saisir le législateur afin que ce dernier fixe l’interprétation authentique de la norme
juridique.
Référé institué par deux mesures de 1790 (qui ne vont pas vivre longtemps) :
- Prohibition des arrêts de règlements (autorisation des tribunaux de fixer pour l’avenir
l’interprétation à donner à une question de droit incertaine) : les tribunaux devront saisir le
corps législatif dans ce cas.
- Référé obligatoire au législateur : après deux recours en Cassation, le tribunal de Cassation
doit renvoyer l’affaire au corps législatif qui prend un décret déclaratoire auquel le tribunal
devra se conformer.
Dans une décision de 1796, la Cass rend aux tribunaux le droit de statuer et d’interpréter dans le
silence de la loi en les soumettant à son autorité. La Cass s’octroie le pouvoir d’unifier la JP.
Les révolutionnaires sont étrangers à l’idée d’un contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois.
Mais une forme de contrôle de constitutionnalité est organisée malgré eux entre les différents
organes politiques dans les constitutions de :
1) 1791 : Le roi dispose d’un pouvoir de sanction face au corps législatif
2) 1793 : Le peuple peut se prononcer sur un texte législatif pour censurer les dispositions
attentatoires à ses droits fondamentaux
3) 1795 : Les deux conseils qui se partagent le pouvoir législatif sont conservateurs de la
Constitution et peuvent refuser leur agrément aux textes de loi.
- Procédures de conciliation
- Election des juges
- Institution du jury
Système mixte qui conjugue procédures contentieuse et conciliatoire, pour alléger et simplifier
les procédures contentieuses, cf. le principe du strict nécessaire : l’arbitrage. Arbitres nommés par
accord des parties. Décident selon l’équité. Prononcent compromis exécutoires sur simple
ordonnance du président du tribunal du district. Notions de morale et d’équité.
Les juges de paix, sans compétence juridique spéciale sont là pour rendre une justice rapide et
facile qui suit le bon sens. Justice + immédiate et + rapide. Instauration de l’appel circulaire,
interjetés contre les tribunaux de districts : l’affaire portée devant le tribunal de district le plus
proche. Procédé supprimé en 1800.
On ôte au pouvoir exécutif la faculté d’instituer les juges principe de l’élection. Juges élus à temps.
Suppression de l’inamovibilité qui entrainerait la possibilité de faire prévaloir une volonté propre du
corps des juges au détriment de la volonté générale. Volonté de placer les magistrats sous la tutelle
de la nation et sous la puissance de l’opinion. Danton disait « que la justice des tribunaux commence
et la justice du peuple cessera ».
La codification
A partir du 19ème siècle, la quasi-totalité des pays européens passent sous le régime codifié (sauf
régime de Common Law). Des critiques de l’école savignienne refusent l’identification du droit à la loi
étatique, que présente la codification.
La théorie
On veut faire de l’ensemble des règles compilées un système cohérent et exhaustif par lequel le juge
est enfermé dans le corps des règles de droit que constitue le code. Le code est exhaustif. Cette
exhaustivité passe par l’abrogation entière du droit ancien.
La totalité des règles repose désormais sur l’autorité de l’Etat. Toutes les règles ont la même source
et donc la même valeur : il y a homogénéisation des règles.
La codification assure la lisibilité du droit. La codification change la nature des liens qui rattachent les
règles entre elles et donc les méthodes d’interprétation par les juges (encadrement des méthodes
d’interprétation judiciaire).
Les projets, soumis à des contraintes très strictes (anéantir la puissance des juges et juristes et rejeter
tout le droit du passé), sont tous rejetés par les assemblées.
Les députés prennent donc conscience qu’il est indispensable de réutiliser les acquis du passé et
développent un nouvel esprit de transaction, de conciliation entre le nouveau et l’ancien droit.
Portalis s’élève contre la prétention de faire des lois permanentes et celle de faire des lois qui servent
à changer l’Homme et la société.
Pour le droit intermédiaire, ils s’écartent des idées de la Révolution mais conservent celle de
l’unification des règles. Sont maintenues les règles unifiant le statut de la personne et celles unifiant
le régime des biens. Le nouvel article 544 met en place une définition unitaire du droit de propriété.
Les relations familiales sont en revanche régies par les règles anciennes. Le divorce régi par le droit
intermédiaire.
On conserve tout ce qui n’est pas nécessaire d’être détruit.
On réalise une synthèse entre la coutume et le droit romain (le droit ancien). Le droit des obligations
et des contrats est repris du droit romain de Justinien. Le droit romain est considéré comme la raison
écrite pour interpréter le code.
La pérennité de ce code civil tient à la réussite de cette synthèse entre les principes nouveaux et les
règles venues du droit ancien.
Pour Portalis, la loi ne peut pas tout prévoir, elle se borne à fixer les grands principes. Il veut
redonner au juge le pouvoir d’interpréter la loi, i.e. d’adapter les principes généraux énoncés aux cas
particuliers que le juge a à résoudre. Le juge peut modérer, voire compléter la loi. Selon lui, le
pouvoir d’interpréter la loi est donc inséparable de la fonction judiciaire.
Portalis rencontre l’opposition des hommes restés fidèles aux révolutionnaires, qui voient en ce
pouvoir d’interprétation un pouvoir personnel qui substitue à la volonté du législateur la volonté
d’un homme, alors que les hommes, comme le voulait Rousseau, ne doivent être soumis qu’au
pouvoir de la loi, expression de la volonté générale.
Les débats portent sur la clause d’abrogation, qui permet aux juristes d’interpréter les différents
articles du code comme les parties d’un tout. Pour assurer cette nouvelle méthode d’interprétation, il
faut ôter aux juristes la possibilité d’avoir recours à leurs instruments traditionnels, i.e. la mise en
relation du droit nouveau avec le droit ancien. Il faut donc abolir la totalité du droit ancien.
Peut-on prendre ce risque ? Les codificateurs forgent donc un tempérament (une exception) et
utilisent une clause d’abrogation générale mais pour certains domaines seulement : « dans les
matières qui font l’objet des lois composant le code civil, toutes les dispositions du droit ancien
cesseront d’avoir force de loi ».
Cet article refuse de créer le vide juridique total. Si le droit ancien est dépouillé de sa juridicité, il
conserve le statut de règle. Le juge peut prendre les dispositions du droit ancien pour guide sans s’y
être obligé de s’y conformer.
Prédominance de la continuité
La portée de l’interprétation est ambigüe. Le code civil est considéré à l’époque comme un droit
additionnel et non pas un droit nouveau.
Rappelons que le livre préliminaire énonçait que dans le cas du silence de la loi, le juge, redevenait
un ministre d’équité.
Les arrêts de règlement : art. 5 du CCiv
L’article 5 interdit aux juges de donner valeur générale à l’interprétation qui sert de fondement à
l’une de leurs décisions.
L’absence de rupture
La rupture avec le droit ancien ne se produit pas : les nouveaux professeurs du Code, les auteurs et
les juges restent fidèles aux méthodes traditionnelles (donc à l’ancien droit). Ils interprètent les
dispositions du code civil comme s’ajoutant simplement au droit ancien. La seule raison qui les
pousse à écarter une règle du doit ancien est l’inconciliabilité de la règle. S’il n’y a pas impossibilité
absolue de concilier le droit codifié et le droit ancien, il convient de combiner les dispositions des
deux. On laisse subsister les règles qui sont identiques, on opère une fusion.
Les silences du code sont aussi importants que ses articles. Pour ces hommes, le fait que le code ne
reprenne pas une loi ancienne ne signifie pas qu’il la rejette, mais qu’il la tient pour acquise. Le
silence du législateur ne renvoie pas à l’absence mais à l’évidence : soit parce personne ne saurait en
contester la validité (cf. le droit naturel), soit parce qu’elle est l’expression du droit juste par soi, i.e.
du droit intemporel.
Pour interpréter les dispositions obscures ou incomplètes du Code, on se réfère donc à cette règle
permanente aperçue comme une référence exprimant une nature des choses à laquelle aucun
législateur raisonnable ne peut déroger.
On note que le code a marqué l’histoire juridique française et l’histoire juridique européenne.
L’ambivalence de la clause d’abrogation a mis en lumière les liens qui permettent de comprendre les
principales dispositions du nouveau code comme un renouvellement de consécration des principes
véhiculés par la tradition juridique. Comme une sorte d’incorporation.
Il faut ensuite comparer les lois entre elles. Toutes les matières se tiennent entre elles et s’expliquent
mutuellement. Cela vient de la réflexion initiale selon laquelle pour que les règles codifiées
fonctionnement comme un code, il est indispensable qu’elles fassent corps entre elles et qu’elles
cessent de faire corps avec le droit ancien.
Les juges motiveront leur décision en se fondant uniquement sur les lois du code ou celles proposées
par le législateur.
Les nouvelles méthodes d’interprétation concluent que la conciliation entre dispositions anciennes et
nouvelles est impossible. Les dispositions anciennes sont virtuellement abrogées.
Cette idée va de pair avec l’idée de système. Les magistrats distinguent la portée de la clause
d’abrogation selon le type de dispositions que présente le code. Cette clause ne s’applique que pour
les matières pour lesquelles le code n’« offre seulement quelques dispositions isolées ». Pour le reste,
celles qui sont régies par un système complet, le juge n’a pas à « chercher dans le droit ancien un
principe de cohérence qu’on peut faire surgir de la simple combinaison des articles du code entre
eux ».
On écarte définitivement le recours au droit naturel. Charles Demolombe affirme qu’une loi est
toujours positive (explicite). Rupture flagrante avec le droit ancien.
Cette méthode de mise en réseau des règles sur la base des seuls articles proposés par le code (l’idée
de système) fait du code une machine à produire les règles nouvelles indispensables pour régler les
lacunes de la loi, elle fait du droit un droit véritablement généralisable : un ensemble de règles qu’on
peut appliquer à d’autres objets que ceux sur lesquels portent ces dispositions expresses.
Dès la fin du 19ème siècle, on critique, cette volonté de soumission absolue au texte (citons François
Gény) et on propose des méthodes d’interprétation qui restaurent au profit des juges une véritable
liberté.
Conformément à ce que disait Portalis : aucun instrument juridique ne peut fixer le droit à jamais.