Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
DU PATRIARCAT DE CONSTANTINOPLE
ENTRE 1462 ET 1465
À propos du patriarche Sôphronios I er
(Sylvestre) Syropoulos*
* L’auteur remercie le professeur Matei Cazacu pour sa relecture critique du texte, ainsi
que les deux évaluateurs anonymes qui ont bien voulu lui prodiguer leurs critiques et sugges-
tions. De même, il est reconnaissant envers les professeurs John Monfasani et Ionuţ Tudorie
pour l’aide bibliographique précieuse qu’ils lui ont accordée durant la rédaction de cette étude
pendant le confinement de l’été 2020. – Liste des abréviations à la fin de l’article.
1. Pour un point bibliographique sur les chronologies patriarcales, voir V. Grumel, Traité
d’études byzantines. I, Chronologie, Paris 1958, p. 434, qui fonde la partie post-byzantine de
sa liste sur l’étude de Germanos de Sardes, Συμβολὴ εἰς τοὺς πατριαρχικοὺς καταλόγους
Κωνσταντινουπόλεως ἀπὸ τῆς Ἁλώσεως καὶ ἑξῆς, Constantinople 1935.
l’absence dans certaines sources intrigue et mérite une analyse plus détaillée.
La relecture des sources disponibles permettra en outre de revisiter une ques-
tion liée, et longuement discutée récemment, à savoir le statut du premier
patriarche de l’époque ottomane, Gennadios II Scholarios, après sa démission
au début de l’année 1456. Après un bref séjour au Mont Athos, il s’est retiré,
peut-être en 1457, au monastère Saint-Jean-Prodrome sur le mont Ménécée,
stavropégie patriarcale située à proximité de la ville de Serrès7. L’analyse des
annotations de Scholarios à ses propres œuvres a permis en outre d’attester
deux « retours forcés » de l’auteur à Constantinople durant les années 1460.
Quelle était la nature de ces déplacements dans la nouvelle capitale ottomane
en devenir : voyage officiel, officieux ou strictement privé ? Les réponses
des spécialistes sont, encore maintenant, loin d’être unanimes. Revenir sur la
question à nouveaux frais n’est donc pas une démarche inutile.
Dans un contexte de relative pénurie d’informations comme celui qui est
en discussion, tout apport documentaire supplémentaire peut s’avérer déci-
sif. Ainsi, l’entreprise de Laurent avait été encouragée par la publication en
1966, par les soins de Christos Patrinélès, de deux discours de Théodore
Agallianos qui, reflétant les soubresauts de la première décennie de l’his-
toire de l’Église constantinopolitaine sous la domination ottomane, fournis-
saient un cadre sûr pour poser les jalons chronologiques des deux premiers
pontificats de la période8 : ceux de Gennadios II et de son successeur Isi-
dôros II, dont Agallianos indique la date précise de la mort, le 31 mars 14629.
Cet apport d’informations strictement contemporaines remettait sérieuse-
ment en cause la fiabilité des sources du 16e siècle qui, nous l’avons vu,
assignaient à Gennadios un pontificat d’environ cinq ans. De cette manière,
la date certaine de la mort d’Isidôros II est devenue un véritable socle sur
lequel doit se reconstruire la chronologie des premiers pontificats de l’époque
ottomane.
Elle permet en premier lieu de dater avec exactitude le début de son pon-
tificat et, par conséquent, la fin de celui de Gennadios II. En outre, Laurent
tira profit d’un catalogue patriarcal conservé dans le manuscrit d’Iviron, 286
(Lampros 4406 ; Diktyon 23883), fol. 175v, qui précisait qu’Isidôros II avait
dirigé l’Église durant « six ans et deux mois et demi ». Par conséquent son
24. Après en avoir douté dans un premier temps (« il n’est pas absolument certain qu’il
[le patriarche Sôphronios] s’identifie avec notre auteur [Sylvestre Syropoulos] » (V. Laurent,
À propos des Mémoires du grand ecclésiarque Sylvestre Syropoulos, REB 23, 1965, p. 140-
147, ici p. 141 n. 4), il l’affirme avec prudence dans V. Laurent, Les premiers patriarches de
Constantinople, p. 250-251, pour le prouver avec une assurance raisonnable dans V. Laurent,
Les « Mémoires » du grand ecclésiarque de l’Église de Constantinople, Sylvestre Syropoulos,
sur le concile de Florence (1438-1439), Rome-Paris 1971, p. 16-19.
25. Voir PLP, no 27217 ; malheureusement, le recueil réuni par F. Kondyli, V. Andriopou-
lou et E. Panou, Sylvester Syropoulos on Politics and Culture in the Fifteenth-century Medi-
terranean : Themes and Problems in the “Memoirs”, section IV, Farnham 2014, qui comprend
plusieurs études sur la vision du monde de cet auteur, n’explore pas son activité en tant que
patriarche – aspect qui n’est d’ailleurs même pas évoqué – ni les possibles continuités entre
l’avant et l’après 1453. Voir le compte rendu de M.-H. Blanchet, REB 74, 2016, p. 430-433.
26. V. Laurent, Les faux de la diplomatique patriarcale, p. 265-278.
27. Ch. Gastgeber, Ein Bericht zur Eroberung Konstantinopels.
28. V. Laurent, Les faux de la diplomatique patriarcale, p. 27663-66, 278 ; Ch. Gastgeber,
Ein Bericht zur Eroberung Konstantinopels, p. 32560-64 (avec quelques légères différences de
190 DAN IOAN MUREŞAN
Mais surtout, cet acte présente un problème lié à son émetteur, celui-ci
étant « Sôphronios par la miséricorde de Dieu archevêque de Constanti-
nople la Nouvelle Rome, et patriarche œcuménique » (Σωφρόνιος ἐλέῳ
Θεοῦ ἀρχιεπίσκοπος Κωνσταντινουπόλεως, Νέας Ῥώμης καὶ οἰκουμενικὸς
πατριάρχης)29. La coïncidence des dates est on ne peut plus frappante :
en effet, le 15 août 1464, selon la théorie des patriarcats multiples de Scho-
larios, c’est ce dernier qui aurait été à la tête de la Grande Église. Bien
évidemment, les deux ne pouvaient être en même temps et au même titre en
charge du patriarcat de Constantinople. Pour rendre compte de cette contra-
diction flagrante, Laurent dut avoir recours à une déduction chronologique,
mais qui n’est, comme il l’avoue, qu’hypothétique30. C’est pourtant sur cette
hypothèse que, tout en l’éditant, Laurent se fonda pour classer sans appel ce
document parmi les cas exemplaires de « faux de la diplomatique patriar-
cale ». En effet, selon lui : « en dépit de trop belles apparences, la lettre
passée sous le nom de Sophrone Ier n’est, à tout prendre, qu’un faux notoire
fabriqué par un Byzantin réfugié à l’étranger et soucieux de vendre au prix
fort à quelque haut seigneur le précieux objet dont il avait eu soin de se
munir »31. Ainsi on peut se demander si ce qui a poussé Laurent à rejeter
l’authenticité de cet acte n’a pas été bel et bien la théorie des trois patriar-
cats de Scholarios. La publication de cette étude dans le même fascicule de
la Revue des études byzantines de 1968 que sa recherche sur les premiers
patriarches de l’époque ottomane incite à le penser : il fallait bien expliquer
cette apparente anomalie afin de dégager une chronologie cohérente.
Prenant le contre-pied de ces auteurs, trois biographes récents de Schola-
rios n’en ont pas moins remis en question la théorie des patriarcats multiples
transcription) : εἰς πίστιν δὲ πάντων τῶν ἐντευξομένον αὐτοῦ ἐδώθη τὸ παρὸν συστατικὸν
γράμα τὴς ἡμῶν μετριὅτητος τῶ εὐγὲνει ἄρχοντι κῦρ Γεωργίῳ τῷ Πόλῳ κατα μήνα αὔγου-
στον ἔτει ̗ϛωϡωοβω | Μην αὔγουστος ἰνδικτιώνος ιβ΄.
29. V. Laurent, Les faux de la diplomatique patriarcale, p. 2741-2 ; Ch. Gastgeber, Ein
Bericht zur Eroberung Konstantinopels, p. 3241-2.
30. V. Laurent, Les faux de la diplomatique patriarcale, p. 274 : « En effet Gennade
Scholarios, suivant sa propre déclaration, prononça le sermon de l’Assomption dans l’église
de la Pammacaristos. Or rien ne laisse supposer que ce jour fut le premier de son troisième
patriarcat, aucune allusion n’étant faite dans ce long discours à un récent retour. D’autre part,
il n’est pas dit non plus que Sophrone aurait été déposé le premier du mois. Or l’exclusion de
ce dernier, que l’on devine agitée, le choix, à sanctionner par la Porte, et l’élection de son
successeur, la notification qui dut lui être portée à près de 450 kilomètres, du côté de Serrès,
ses hésitations certaines et son retour dans la capitale nécessitèrent en tout état de cause plus
de quinze jours même à la belle saison. J’en conclurai que la pseudo-lettre patriarcale a bien
été rédigée à la date qu’elle porte et que le rédacteur, travaillant loin de Constantinople qu’il
avait quittée au moment où Sophrone Ier occupait le trône œcuménique, ignorait qu’il en avait
été déchu. Dans cette hypothèse la fin du patriarcat de ce même Sophrone ne saurait être de
beaucoup antérieure au mois d’août 1464. »
31. V. Laurent, Les faux de la diplomatique patriarcale, p. 267.
L’HISTOIRE DU PATRIARCAT DE CONSTANTINOPLE ENTRE 1462 ET 1465 191
Plus récemment, cet ordre a été partiellement validé mais aussi modifié
par un nouvel apport documentaire fourni par l’éminent spécialiste du
patriarcat de Constantinople de l’époque post-byzantine et proto-ottomane,
Dimitris Apostolopoulos41. Dans le cadre de son entreprise de longue haleine
de reconstruction du registre contenant les actes du patriarcat produits durant
le premier siècle de la domination ottomane, le chercheur grec a retrouvé
et mis à profit la liste patriarcale jadis utilisée par Gédéon, rédigée par Théo-
dore Agallianos et recopiée ultérieurement dans un manuscrit de Ioannina,
Spoudastèrion historias néotérôn chronôn tou panépistèmiou, Kourilas 5
(Diktyon 32797). Sur le f. 322v on peut ainsi lire :
γος Σωφρόνιος ὁ Συρόπουλος χρόνον α΄ ἥμισυ, καὶ ἐξεβλήθη.
le troisième [patriarche] : Sôphronios Syropoulos, un an et demi, et il fut
renversé42.
Observant à son tour qu’il n’existe aucune référence dans cette liste à un
deuxième patriarcat de Scholarios, Apostolopoulos, qui en accepte pourtant
la réalité en accord avec les recherches de l’école de Jugie, estime que
celui-ci serait à placer entre le pontificat de Sôphronios (écarté en septembre
1463) et celui de Iôasaph Kokkas. Comme aucun renseignement n’est non
plus donné sur la fin du patriarcat de Kokkas, l’historien grec conclut rai-
sonnablement qu’Agallianos avait dû rédiger sa liste avant l’achèvement du
pontificat de Kokkas. Par conséquent, il suppose qu’Agallianos aurait tout
simplement reversé la durée temporelle du deuxième patriarcat de Scholarios
dans le total établi à son endroit à la première ligne, obtenant ainsi une
durée totale « de deux ans et demi »47.
En outre, Apostolopoulos a repris par la même occasion la discussion
autour du document du patriarche Sôphronios de 1464, prenant position par
rapport à des recherches récentes autour de l’authenticité de l’acte. Bien
qu’il en ait donné une nouvelle édition, Gastgeber s’est prudemment gardé
de se prononcer sur la question de son authenticité, là où le verdict de
Laurent avait été tout à fait catégorique48. Thierry Ganchou a en revanche
entrepris dernièrement une véritable révision de l’interprétation de ce docu-
ment49. Grâce à une percée documentaire permise par d’infatigables recherches
dans les archives vénitiennes, le byzantiniste français a reconstitué en détail
la carrière du bénéficiaire de l’acte, le marchand vénéto-crétois Georges
Pôlos, installé dans les années 1460 en Moldavie. Or pour Laurent, le fait
qu’on ignore tout de Pôlos dans les sources byzantines constituait un argu-
ment de poids pour conclure à l’inauthenticité du document. Fort de sa
reconstruction biographique, Ganchou a affirmé au contraire la crédibilité
historique des renseignements du document, en en donnant une première
réévaluation50.
Prenant brièvement le contre-pied de cette démonstration, Apostolopoulos
a pourtant argumenté dans le sens contraire : « l’hypothèse de l’élaboration
d’un faux dans lequel était cité le nom d’un personnage inexistant présentait
une lacune logique dans sa conception. Or, des recherches plus récentes – je
me réfère ici à celles de Thierry Ganchou – ont montré que le personnage
bénéficiaire, Georgios Pôlos, avait bel et bien existé ; et ce nouvel élément,
conformément à la théorie que nous venons de développer, confortait
l’hypothèse de l’inauthenticité du document »51. À peine levée, l’ombre
d’un doute semble ainsi retomber sur cet acte. Selon ce raisonnement,
l’inauthenticité du document serait certaine dans tous les cas, que l’on
connaisse ou non l’identité de son destinataire. Parmi les arguments qui
confortent ce jugement négatif, le plus important, voire catégorique, est
celui de l’incompatibilité chronologique radicale entre le pontificat de
Sôphronios (qui prenait fin en septembre 1463) et la date du document
(août 1464).
En intégrant les résultats découlant de cette importante découverte docu-
mentaire, Apostolopoulos et Machi Païzè-Apostolopoulou ont établi une
nouvelle chronologie des premiers patriarches, qui structure l’organisation
de la matière documentaire de leurs regestes du registre patriarcal du premier
demi-siècle de la domination ottomane52.
Gennadios II (6 janvier 1454-janvier 1456) (1)
Isidôros II (janvier 1456-31 mars 1462)
Sôphronios (1er avril 1462-septembre 1463)
Gennadios II (automne-fin 1463) (2)
Iôasaph Kokkas (début 1464-fin mars 1464)
Gennadios II (ante 15 août 1464-automne 1465) (3)
Markos Xylokarabès (début-milieu 1466)
Syméon Ier de Trébizonde (été-automne 1466) (1)
Dionysios Ier (automne 1466-fin 1471)
Syméon Ier de Trébizonde (fin 1471-début 1475) (2)
55. V. Laurent, Les premiers patriarches de Constantinople, p. 233 (texte grec) et 235
(trad. fr.) : Καὶ χειροτονεῖται Ἀντώνιος ὁ Κώκας ὁ ἐκ Λατίνων υἱός, ὃς ἐκλήθη Ἰωάσαφ, καὶ
τὴν λαμπρὰν κυριακὴν πίπτει οἰκειοθελῶς ἐν τῇ κιστέρνῃ τῆς Παμμακαρίστου καὶ ἐξέβαλον
αὐτὸν ἠμίθανον καὶ ἔστειλαν αὐτὸν εἰς τὴν Ἀγχιάλου. Ἀντ᾽ αὐτοῦ δὲ χειροτονεῖται κῦρ
Σωφρόνιος πατριάρχης…
56. M.-H. Blanchet, L’Union de Florence après la chute de Constantinople, p. 67 n. 47.
57. V. Laurent, Les premiers patriarches de Constantinople, p. 247, conclusion réitérée
naturellement dans V. Laurent, Les « Mémoires » du grand ecclésiarque, cité n. 24, p. 18-19,
sur la base de l’incontournable V. Grumel, Chronologie, cité n. 1, p. 263.
198 DAN IOAN MUREŞAN
ans plus tard, à savoir à Pâques 146558. Mais toutes ces estimations doivent
cependant être revues désormais à la lumière du nouveau témoignage de
Théodore Agallianos.
Mais avant d’y recourir, il faut examiner un instant deux indications qui
avaient déjà été mises à contribution auparavant dans la discussion visant à
établir la chronologie de la période. En premier lieu, dans son Apologie
personnelle adressée à Théodore Branas, Scholarios explique les raisons de
sa discrétion publique et politique face aux critiques de ses adversaires, et
fait allusion à un terrible événement, « indicible pour ceux qui savent tout
ce que, la deuxième année déjà, le mauvais démon a machiné »59. Pour
Jugie et Laurent, ce passage ferait référence précisément à la tentative de
suicide de Kokkas : pour eux, l’ex-patriarche Gennadios II serait alors
revenu aux affaires pour sauver l’Église de la crise provoquée par ce geste
désespéré. Sur la foi de ce détail, l’Apologie fut datée de fin 1464 ou début
146560. Konortas a noté toutefois que l’allusion de ce texte au pişkeş, un
impôt versé par le patriarche au sultan lors de son avènement, qui fut intro-
duit sous le pontificat de Syméon de Trébizonde, le placerait plutôt après la
seconde moitié de 146561, ce qui a amené Blanchet à dater l’Apologie de
1466/146762. Ainsi, si cette allusion fait bien référence au geste désespéré
de Kokkas63, cela inviterait effectivement à le reporter vers 1464 ou 1465.
Il faut revenir ensuite au document patriarcal de Sôphronios d’août 1464,
dont le témoignage ne saurait être balayé. Car même en supposant qu’il
s’agisse d’un acte fabriqué de toutes pièces, comme le considèrent Laurent
et Apostolopoulos, encore fallait-il qu’un faux crédible se fondât sur des
réalités, aussi minces fussent-elles64. De ce fait, l’auteur de l’acte devait
avoir au moins connaissance qu’à un certain moment durant l’année 1464,
Sôphronios avait été effectivement patriarche, sans quoi cet acte d’allure
Après […]72 mois suivant l’arrestation de ces princes à Andrinople, ils les
emmenèrent à Constantinople et les placèrent, eux et les cinq [fils de David ?],
dans la prison de Goulou, du côté de Stoudios, près du monastère [du même
nom]. Et après […] mois ils les exécutèrent par l’épée un samedi73, le
1er novembre, à la 4e heure de la nuit, de l’année 6972, 11e [corr. 12e] indiction.
72. Lacune dans le texte au niveau du nombre des mois, comme aussi plus loin.
73. En fait, le 1er novembre 1463 était un mardi.
74. S. P. Karpov, История Трапезундской империи, cité n. 69, p. 438-439. L’auteur de
l’Ecthesis chronica avoue ignorer les causes de l’exécution de David Comnène : Ecthesis
chronica, éd. S. P. Lampros, p. 27 ; Ecthesis chronica, trad. M. Philippides, p. 70-71.
202 DAN IOAN MUREŞAN
78. Ecthesis chronica, éd. S. P. Lampros, p. 27-28 ; Ecthesis chronica, trad. M. Philip-
pides, p. 72-73 ; Historia politica, p. 38-39 ; Historia patriarchica, p. 96-100. Sur cet épi-
sode, voir B. Janssens, P. Van Deun, George Amiroutzes and his Poetical Œuvre, dans
B. Janssens, B. Roosen et P. Van Deun (éd.), Philomathestatos. Studies in Greek and Byzan-
tine Texts presented to Jacques Noret for his Sixty-Fifth Birthday (Orientalia Lovanensia
Analecta 137), Louvain-Paris-Walpole, MA 2004, p. 297-324, ici p. 303-304 ; M.-H. Blanchet,
Georges-Gennadios Scholarios, p. 233-234 n. 63 ; J. Monfasani, George Amiroutzes : the
Philosopher and his Tractates (Recherches de théologie et philosophie médiévales, Biblio-
theca 12), Louvain-Paris 2011, p. 11.
79. V. Laurent, Les premiers patriarches de Constantinople, p. 249-250.
80. M.-H. Blanchet, Georges-Gennadios Scholarios, p. 221-222.
204 DAN IOAN MUREŞAN
4. – Le retour de Sôphronios Ier
88. Ibidem, p. 233 (texte grec) et p. 235 (trad. fr.) : Ἀντ᾽ αὐτοῦ δὲ χειροτονεῖται κῦρ
Σωφρόνιος πατριάρχης καὶ ἀνερχόμενος ἐν τῇ κλίμακι πίπτει καὶ κλάσας τὸν πόδα αὐτοῦ
τέθνηκεν.
89. Ibidem, p. 251. C’est nous qui soulignons.
L’HISTOIRE DU PATRIARCAT DE CONSTANTINOPLE ENTRE 1462 ET 1465 207
93. R. Lopez, Il principio della guerra veneto-turca nel 1463, Archivio veneto, série 5, 15,
1934, p. 45-131 ; J. Israel, A History Built on Ruins : Venice and the Destruction of the
Church of the Holy Apostles in Constantinople, Future Anterior : Journal of Historic Preser-
vation, History, Theory, and Criticism 9, 2012, p. 107-122 ; J. Raby, From the Founder of
Constantinople to the Founder of Istanbul. Mehmed the Conqueror, Fatih Camii, and the
Church of the Holy Apostles, dans M. Mullett et R. G. Ousterhout (éd.), The Holy Apostles,
cité n. 20, p. 247-283.
L’HISTOIRE DU PATRIARCAT DE CONSTANTINOPLE ENTRE 1462 ET 1465 209
98. M. Jugie, Les œuvres pastorales, p. 158 n. 2. C’est nous qui soulignons.
99. M.-H. Blanchet, Georges Gennadios Scholarios a-t-il été trois fois patriarche ?,
p. 63-64.
100. Ibidem, p. 65 ; cf. D. G. Apostolopoulos, Ὁ « Ἱερὸς Κῶδιξ » τοῦ Πατριαρχείου
Κωνσταντινουπόλεως, cité n. 90, p. 10136-37 : αὐτῆς τῆς πατριαρχίας τοῦ ἁγιωτάτου πατριάρ-
χου, τοῦ κοινοῦ πατρὸς καὶ διδασκάλου κυροῦ Γενναδίου.
101. C. J. G. Turner, Notes on the Works of Theodore Agallianos, cité n. 13, p. 34.
102. V. Laurent, Les « Mémoires » du grand ecclésiarque, cité n. 24, p. 19 n. 4.
L’HISTOIRE DU PATRIARCAT DE CONSTANTINOPLE ENTRE 1462 ET 1465 211
le contraire qui est vrai : en bonne méthode, ce sont les sources qui ne men-
tionnent pas les trois pontificats qui devraient avoir priorité sur le prétendu
« fact that Scholarius was Patriarch more than once ». Que cela n’ait pas
toujours été le cas indique bien à quel point une théorie préétablie peut
fourvoyer même la recherche la plus méticuleuse.
Il n’est pas sans conséquence de remarquer que les informations concer-
nant Sôphronios Syropoulos ont été réutilisées par inadvertance au bénéfice
de Scholarios. Il est désormais possible de conclure que la reconfiguration
de la chronologie grâce aux dernières recherches réduit considérablement
les bases non seulement du deuxième pontificat supposé de Gennadios II,
mais aussi du troisième. Sans pouvoir déborder en aval sur ces patriarcats
surnuméraires, la durée de « deux ans et demi » du pontificat unique de
Gennadios II doit être désormais comptabilisée en amont. Par conséquent,
si l’on prend en compte le patriarcat canonique qui s’est déroulé entre
janvier 1454103 et janvier 1456, il s’ensuit que ces « deux ans et demi » du
patriarcat effectif devraient remonter jusqu’à la nomination de Gennadios
comme patriarche à Edirne durant l’été ou l’automne 1453 par le seul sul-
tan, avant son élection par le synode, et l’octroi par Mehmed II du berat
d’investiture à cette occasion104.
103. Plus exactement le 6 janvier 1454, lors de la fête de l’Épiphanie, quand il a reçu,
selon son propre aveu, l’ordination épiscopale et l’élection canonique comme patriarche de la
part d’un synode électif : Lettre à propos de la démission, dans Georges Scholarios, Œuvres
complètes, IV, p. 231-233, ici p. 23329-33, analysée par M. Jugie, Les œuvres pastorales,
p. 156-157 ; V. Laurent, Les premiers patriarches de Constantinople, p. 245.
104. G. Hering, Das Islamische Recht und die Investitur des Gennadios Scholarios
(1454), Balkan Studies 2, 1961, p. 231-256, ici p. 247-248 ; E. A. Zachariadou, Δέκα τουρ-
κικά έγγραφα για την Μεγάλη Εκκλησία (1483-1567), Athènes 1996, p. 46-48 ; interpréta-
tion suggérée aussi par D. G. Apostolopoulos, Σωφρόνιος ὁ Συρόπουλος, p. 55 n. 16 et vers
laquelle nous penchons également. Pour une présentation détaillée des circonstances, voir
M.-H. Blanchet, Georges-Gennadios Scholarios, p. 70-84.
212 DAN IOAN MUREŞAN
105. V. Laurent, Les premiers patriarches de Constantinople, p. 233 (gr.), 235 (trad. fr.) :
κῦρ Σωφρόνιος πατριάρχης καὶ ἀνερχόμενος ἐν τῇ κλίμακι πίπτει καὶ κλάσας τὸν πόδα
αὐτοῦ τέθνηκεν· καὶ ἀντ᾽ αὐτοῦ γίνεται Συμεὼν ὁ Τραπεζούντιος ὁ ἀρχηγὸς τῆς σιμωνιακῆς
αἱρέσεως.
106. P. Konortas, Les contributions ecclésiastiques « patriarchikè zèteia » et « basilikon
charatzion ». Contribution à l’histoire économique du patriarcat œcuménique aux xve et xvie siècles,
dans Économies méditerranéennes, équilibres et intercommunications, xiiie-xixe siècles. Actes du
IIe Colloque international d’histoire, Athènes, 18-25 septembre 1983, III, Athènes 1986, p. 217-
255 ; Idem, Relations financières entre le patriarcat orthodoxe de Constantinople et la Sublime
Porte (1453-fin du xvie siècle), dans Le patriarcat œcuménique de Constantinople aux xive-
xvie siècles. Rupture et continuité. Actes du colloque international, Rome, 5-7 décembre 2005
(Dossiers byzantins 7), Paris 2007, p. 299-318 ; T. Papademetriou, Render unto the Sultan:
Power, Authority, and the Greek Orthodox Church in the Early Ottoman Centuries, Oxford
2015, p. 112-116.
L’HISTOIRE DU PATRIARCAT DE CONSTANTINOPLE ENTRE 1462 ET 1465 213
ce Macaire déposé, Marc, qui n’acceptait pas ce dernier parce que latino-
phrone, s’y refusa et fut suspendu par Syméon107.
107. V. Laurent, Les premiers patriarches de Constantinople, p. 233 (gr.), 235 (trad. fr.).
108. PLP, no 20958.
214 DAN IOAN MUREŞAN
– évoqué plus haut – l’a signée à son tour le 12 février 1464 (6972)118. Une
précision chronologique s’impose : si le patriarche évoqué dans la profes-
sion de Léon Atrapès est bien Sôphronios Ier, le patriarche auquel le métro-
polite Makarios de Nicomédie remit le même texte muni de sa signature devait
être, en février 1464, Iôasaph Kokkas. L’acceptation par deux patriarches dif-
férents d’un même document doctrinal de référence montre la continuité
idéologique qui marque, au-delà des querelles des personnes, les deux pon-
tificats successifs.
Or, à son retour sur le trône patriarcal en avril 1464, ainsi que nous le
proposons, Sôphronios se retrouvait dans une position fragilisée, au milieu
d’une crise interne, ce qui l’obligea à engager des négociations avec le camp
opposé, celui des adversaires des anciens « latinophrones », dont Markos
Xylokarabès était alors le chef de file. Dès lors, quel sens donner à la nomi-
nation de celui-ci sur le siège, si important, d’Andrinople, ville qui était
alors encore la capitale de l’Empire ottoman ? Sôphronios devait infléchir
son ancienne politique conciliatrice envers les repentis de l’union, tendance
qui avait été prolongée sous le pontificat de Iôasaph Kokkas. L’élection de
Markos sur le trône d’Andrinople apparaît comme une « ouverture » desti-
née à assurer un certain calme en donnant des gages à toutes les tendances
au sein de la communauté orthodoxe de Constantinople, dans une tenta-
tive de réconciliation des deux camps opposés. Loin de l’objectif escompté,
cette politique fut en réalité à l’origine des conflits qui secouèrent le pontificat
de son successeur immédiat, Syméon Ier, au point de lui coûter provisoire-
ment le trône.
Dans la mesure où cette reconstitution est plausible, l’acte de nomination
de Markos comme métropolite d’Andrinople fournit désormais également un
terminus post quem pour le second pontificat de Sôphronios Syropoulos.
Celui-ci aura pris fin au décès inattendu du patriarche à un moment donné
durant l’année 6973, à savoir entre le 1er septembre 1464 et le 31 août 1465.
Cette précision ajoutée, il serait peut-être encore possible d’affiner de
manière provisoire cette chronologie. Nous avons en effet commencé cette
recherche avec l’observation que les chroniques du 16e siècle concordent
pour conférer assez curieusement au patriarcat unique de Gennadios II Scho-
larios une durée d’environ cinq ans (et un nombre non spécifié de mois), tout
en faisant entièrement l’impasse sur la figure du patriarche Sôphronios Ier119.
Une si étonnante manière de doubler, voire plus, la durée réelle du pontificat
* * *
C’est sur la base des considérations qui précèdent que nous avançons
donc, en guise de conclusion, une nouvelle chronologie des premiers patriar-
cats après la conquête ottomane de Constantinople, dans laquelle nous nous
efforçons d’intégrer tous les acquis factuels, que nous considérons comme
décisifs quand ils s’opposent aux diverses interprétations élaborées pour
éclairer cette période particulièrement trouble.
Gennadios II (été 1453/6 janvier 1454-début janvier 1456)
Isidôros II (ca 15 janvier 1456-31 mars 1462)
Sôphronios (1er avril 1462-septembre/octobre 1463) : 1er patriarcat (déposition)
Iôasaph Kokkas (septembre/octobre 1463-1er avril 1464) (tentative de suicide)
Sôphronios (début avril 1464-avril/mai 1465) : 2e patriarcat (mort accidentelle)
Syméon Ier de Trébizonde (avril/mai 1465-fin 1465/début 1466) : 1er patriarcat
Markos Xylokarabès (fin 1465/début 1466-fin 1466)
Dionysios Ier (fin 1466-début 1471)