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REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE

Union-Discipline-Travail
--------------- ------
DIRECTION GENERALE DE LA
FONCTION PUBLIQUE
----------------
DIRECTION DES CONCOURS
--------------

COURS DE DROIT ADMINISTRATIF


(A l’attention des candidats aux concours de la Fonction Publique)

CELLULE PEDAGOGIQUE DE DROIT ADMINISTRATIF

M. SANOGO Mory, Docteur en droit, chef de la cellule,

M. FOFANA Mamadou, Docteur en droit.

JURY

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Avertissement
Ce document de droit administratif est destiné aux candidats aux différents
concours d’accès à la fonction publique. Il s’agit d’un manuel très allégé pour
permettre aux candidats d’avoir quelques notions du droit administratif. Il n’a
donc pas la prétention de présenter tout le droit administratif général tel qu’il
est enseigné dans les facultés de droit des universités. Les candidats pourront
donc renforcer leurs connaissances de la matière en se référant aux ouvrages
classiques de droit administratif général et particulièrement aux ouvrages
ivoiriens (voir bibliographie).

INTRODUCTION
Ce cours porte sur le droit administratif. Il convient donc de définir le droit et
de préciser la notion de droit administratif.

I- LA DEFINITION DU DROIT

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La vie en société rend nécessaire l’élaboration d’un ensemble de règles visant à
ordonner les comportements des individus et des groupes. On note ainsi qu’il existe
différents types de règles : la morale, la religion, les règles de bienséance ou de
courtoisie....
Parmi ces règles, on distingue les règles juridiques. On peut les définir comme
l’ensemble des règles obligatoires dont le respect est assuré par la puissance
publique. Ces règles sont dénommées « Droit ».
On divise les règles de droit en deux grandes catégories que sont le droit privé
et le droit public. Le droit privé est l’ensemble des règles juridiques qui régissent les
relations entre les personnes privées. Les personnes privées sont les personnes qui
défendent un intérêt personnel. Par exemple, une société commerciale ou un club de
football. En revanche, le droit public s’analyse des règles juridiques qui s’appliquent
d’une part aux rapports entre les personnes publiques et d’autre part aux rapports
entre les personnes publiques et les particuliers. Il en va ainsi des relations entre le
Président de la République et le parlement et des relations de l’administration avec
les administrés.
Le droit administratif qu’il s’agit d’étudier est une partie du droit public.

II- LA NOTION DE DROIT ADMINISTRATIF


Pour appréhender la notion de droit administratif, il convient de préciser son
objet et d’en fournir une définition.
A- L’objet du droit administratif : l’administration
Les règles du droit administratif s’appliquent à l’Administration. Celle-ci se
définit comme l’activité par laquelle les autorités publiques, et parfois privées,
pourvoient, en utilisant le cas échéant des prérogatives de puissance publique, à
la satisfaction des besoins d’intérêt public. Elle se distingue des organismes privés
et des autres personnes publiques.
1- Administration et organismes privés
L’Administration, à la différence des personnes privées, poursuit la
satisfaction de l’intérêt général c’est-à-dire l’utilité ou le bien public. Cependant,

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les personnes privées comme une société commerciale, recherchent en principe la
satisfaction de leur intérêt propre.
Une autre différence réside dans le fait que l’Administration est dotée de
prérogatives de puissance publique. Celles-ci s’analysent des droits reconnus à
l’administration qui lui permettent de commander et de s’imposer, par exemple le
droit de réquisitionner, le droit de perquisitionner, le droit d’exproprier ou le droit de
prendre des décisions unilatérales. Mais de tels droits ne sont pas reconnus aux
personnes privées.
Distincte des personnes privées, l’Administration l’est également des autres
personnes publiques.
2- Administration et autres personnes publiques
L’administration se distingue des autres personnes publiques que sont le
parlement, le pouvoir judiciaire et le gouvernement.
En effet, le parlement est l’organe étatique chargé du vote des lois. Il exerce le
pouvoir législatif. Mais l’Administration fait partie du gouvernement qui détient le
pouvoir exécutif. Ce pouvoir est chargé de l’exécution des lois. L’Administration
participe donc à l’exécution de la loi et non à son adoption qui relève du parlement.
L’Administration est également distincte du pouvoir judiciaire. Ainsi, les
décisions prises par l’Administration sont revêtues de l’autorité de la chose décidée.
Cela veut dire que les décisions administratives sont contestables et susceptibles
d’être annulées par l’autorité administrative même qui les a prises. Ce n’est pas le cas
pour les décisions de justice qui sont revêtues de l’autorité de la chose jugée c’est-à-
dire que les décisions de justice ne peuvent être contestées devant le même juge qui
les a rendues. De plus, l’Administration est subordonnée au juge qui contrôle son
action et qui peut, le cas échéant, annuler ses décisions et la condamner à
réparer les conséquences dommageables de ses actes.
La distinction entre l’administration et le gouvernement est plus délicate à
opérer. Cette difficulté tient au fait que le gouvernement exerce des compétences
politiques. En effet, « Le Président de la République détermine et conduit la politique
de la nation. » (Art 64 de la Constitution). En plus de ses compétences politiques, le

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gouvernement dispose de compétences administratives. Ainsi, le gouvernement
participe à deux types de compétences. Cependant, l’administration exerce
exclusivement des fonctions administratives.
Matériellement, la fonction administrative se distingue de la fonction
gouvernementale. En effet, administrer, c’est assurer l’application journalière des
lois, veiller aux rapports des citoyens avec l’Administration centrale ou locale ou les
diverses administrations entre elles. En revanche, gouverner, c’est veiller à
l’observation de la Constitution, au fonctionnement des grands pouvoirs publics,
assurer les rapports avec le parlement, ceux de l’Etat avec les puissances
étrangères. C’est à l’Administration ainsi perçue que s’applique le droit administratif
qu’il convient de définir.
B- La définition du droit administratif
Le droit administratif peut être défini au double plan organique et matériel.
Suivant la définition organique, le droit administratif est l’ensemble des règles
juridiques qui s’appliquent à l’administration. C’est le droit de l’Administration. De
ce point de vue, le droit administratif est constitué aussi bien des règles du droit
public que des règles du droit privé.
Quant à l’approche matérielle du droit administratif, elle consiste à restreindre
le contenu du droit administratif, à le limiter aux seules règles spécialement conçues
pour l’Administration. De ce point de vue, le droit administratif est un droit
spécial applicable à l’Administration. Sont donc exclues du droit administratif les
règles du droit privé.
La définition matérielle prévaut sur la définition organique car elle seule
exprime la spécificité du droit administratif.
Dans le cadre de ce cours, nous nous attèlerons à circonscrire l’étude du droit
administratif aux quatre chapitres suivants :
-l’organisation administrative ;
-le principe de légalité administrative ;
-les actes administratifs unilatéraux et;
-le service public.

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CHAPITRE I : L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE

L’organisation administrative désigne l’ensemble des organes chargés de la


fonction administrative. Elle désigne aussi les règles qui déterminent la hiérarchie, la
composition et la compétence de ces organes. Ainsi, l’organisation administrative
renvoie à l’étude des procédés d’organisation administrative et des structures
administratives.

Section 1 : Les procédés d’organisation administrative


Les procédés d’organisation administrative sont au nombre de trois : la
centralisation, la déconcentration et la décentralisation.

Paragraphe 1 : La centralisation
Il convient de définir la centralisation avant de présenter ses avantages et ses
inconvénients.
A - Définition de la centralisation
Il y a centralisation lorsque le pouvoir de décision appartient à des autorités
compétentes sur l’ensemble du territoire de l’Etat. Au contraire, si la
compétence d’une autorité est limitée à une portion déterminée du territoire, elle
n’est pas une autorité centrale mais locale. Ainsi, le Président de la République est
une autorité centrale tandis que le Maire est une autorité locale.
La centralisation comporte des avantages et des inconvénients.
B: Avantages et inconvénients de la centralisation administrative
La centralisation est particulièrement utile dans les Etats dont la cohésion est
encore mal assurée, tels que la plupart des Etats africains. En effet, la centralisation
permet de renforcer l’unité nationale. Elle contribue également à une plus grande
unité de l’action administrative.

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Cependant, elle est peu favorable à l’expression des particularismes locaux. En
outre, elle est lourde en ce sens que tout est décidé depuis la capitale. La
centralisation ne peut donc être intégralement appliquée, d’où le recours à la
technique de la déconcentration.

Paragraphe 2 : La déconcentration
La déconcentration implique par définition un contrôle de l’Etat sur les
autorités déconcentrées.
A - La notion de déconcentration
Pour cerner exactement la notion de déconcentration, il faut en fournir la
définition ainsi que les modalités.
Il y a déconcentration lorsque le titulaire du pouvoir de décision délègue
certaines de ses compétences à des agents qui le représentent et qui lui restent
subordonnés.
On distingue deux modalités de la déconcentration que sont : la
déconcentration territoriale et la déconcentration fonctionnelle. Dans la
déconcentration territoriale, le transfert du pouvoir administratif se fait au
profit d’une autorité qui agit dans le cadre de la circonscription administrative.
Par exemple, le département ou la sous-préfecture. Quant à la déconcentration
fonctionnelle, elle consiste à transférer les attributions administratives à des
services de l’Etat, par exemple : les directions des ministères comme la Direction
des Examens et Concours (DECO) du Ministère de l’éducation nationale.
La déconcentration appelle logiquement un contrôle de l’Etat sur les autorités
déconcentrées appelé contrôle hiérarchique.

B-Le contrôle hiérarchique


Le contrôle ou pouvoir hiérarchique désigne à la fois le droit et
l’obligation pour un supérieur hiérarchique de contrôler son subordonné. On
analysera les principes et les modalités du contrôle hiérarchique.
1-Les principes du contrôle hiérarchique

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Le pouvoir hiérarchique s’exerce de plein droit par l’autorité supérieure. Cela
veut dire que le supérieur hiérarchique peut agir à l’égard du subordonné sans qu’un
texte ne prévoie cette intervention. Le pouvoir hiérarchique lui est reconnu en sa
qualité même de supérieur hiérarchique. De plus, le subordonné n’a pas de moyen de
défense contre les actes du supérieur c’est-à-dire qu’il ne peut contester les actes du
supérieur sauf si ces actes portent atteinte à son statut personnel.
Quelles sont les modalités du contrôle hiérarchique ?
2-Les modalités du contrôle hiérarchique
Le pouvoir hiérarchique s’exerce aussi bien sur les agents que sur les actes qu’ils
édictent. Le contrôle sur les agents se traduit par la nomination et les sanctions
disciplinaires que le supérieur hiérarchique peut infliger à son subordonné.
Le supérieur hiérarchique peut également contrôler les actes du subordonné
grâce aux instructions, à l’approbation, l’annulation et la réformation. L’instruction et
l’approbation interviennent avant l’édiction de l’acte par le subordonné. En effet,
avant l’édiction d’un acte, le supérieur hiérarchique peut donner des instructions qui
consistent dans des ordres de service ou des circulaires dans lesquels le supérieur
hiérarchique indique à ses subordonnés l’attitude qu’ils doivent adopter face aux
différentes questions dont ils seront saisis.
Le contrôle hiérarchique avant l’édiction de l’acte se réalise également au moyen
de l’approbation préalable. L’approbation préalable consiste dans l’accord que le
supérieur hiérarchique donne à l’acte de son subordonné pour que celui-ci puisse
s’appliquer.
Le contrôle hiérarchique peut s’exercer après l’édiction de l’acte par le
subordonné. Il se traduit alors par le pouvoir d’annulation et de réformation de l’acte
du subordonné. L’annulation c’est l’invalidation de l’acte du subordonné tandis que
la réformation consiste à en modifier le contenu.
Qu’en est-il de la décentralisation ?

Paragraphe 3 : La décentralisation

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Parce qu’elle consacre l’autonomie de certains organes par rapport à l’Etat, la
décentralisation, une fois réalisée, appelle un contrôle de l’Etat sur les autorités
décentralisées.
A- La notion de décentralisation
La décentralisation consiste dans le transfert d’attributions de l’Etat à des
institutions (territoriales ou non) juridiquement distinctes de lui et bénéficiant,
sous la surveillance de l’Etat, d’une certaine autonomie de gestion
administrative.
La décentralisation étant définie, il convient d’en présenter les conditions de
réalisation et les modalités.
1-Les conditions de réalisation de la décentralisation
Une structure doit satisfaire trois conditions pour être reconnue comme une
structure décentralisée : elle doit bénéficier de la personnalité juridique, avoir des
organes propres et des intérêts propres.
La personnalité juridique désigne la capacité à jouir de droits et à supporter des
obligations juridiques. La décentralisation suppose l’octroi de la personnalité
juridique, ici la personnalité morale, à des entités. Cela leur permet d’exister
juridiquement et distinctement de l’Etat. La personnalité morale permet à la
collectivité décentralisée de disposer de la pleine capacité juridique, par exemple, la
capacité de recruter du personnel ou d’ester en justice. Une autre condition de la
décentralisation est l’existence d’organes propres à l’entité en question.
La décentralisation implique aussi l’existence d’organes propres par lesquels
une entité donnée s’auto-administre. C’est le cas du Conseil municipal et du Conseil
régional qui sont des organes propres à la Commune et à la Région. La réalisation de
la décentralisation suppose enfin la reconnaissance d’intérêts propres.
Les intérêts propres s’analysent des besoins locaux par opposition aux besoins
généraux de l’Etat. La collectivité locale doit donc avoir à gérer des affaires distinctes
de celles de l’Etat. Les affaires locales qui appartiennent à une collectivité locale sont
généralement définies par la loi. C’est le cas de la loi du 05 août 2014 portant
orientation de l’organisation générale de l’Administration territoriale. Ce texte

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prévoit à son article 32 que les collectivités territoriales ont pour mission notamment
« la promotion et la réalisation du développement rural ».
Quelles sont les modalités de la décentralisation ?
2- Les modalités de la décentralisation
La décentralisation est réalisée suivant deux modalités que sont : la
décentralisation territoriale et la décentralisation technique. La décentralisation
territoriale consiste à confier l’autonomie administrative à une circonscription
locale en lui octroyant la personnalité juridique. La circonscription locale ainsi
personnifiée est appelée collectivité territoriale ou collectivité locale. C’est le cas des
Régions et des Communes en Côte d’Ivoire.
La décentralisation technique ou fonctionnelle consiste à confier
l’autonomie administrative à un service public en lui octroyant la personnalité
juridique. Le service qui est ainsi doté de la personnalité juridique est dénommé
établissement public. Ainsi, un établissement public est un service public
personnalisé ou personnifié. C’est le cas des Universités ou des Etablissements
publics nationaux tels que l’Ecole Nationale d’Administration (ENA). Pour prévenir
des abus préjudiciables à l’intérêt général, la loi a institué un contrôle sur les entités
décentralisées qualifié de tutelle.
B- Le contrôle de tutelle
Le contrôle de tutelle est la surveillance que l’Etat exerce sur les autorités
décentralisées. On étudiera les principes et les modalités de ce contrôle.
1-Les principes du contrôle de tutelle
Le contrôle de tutelle ne peut être exercé que si un texte l’a prévu et organisé.
Il n’y a donc « pas de tutelle sans texte, pas de tutelle au-delà du texte ». C’est le
cas de la tutelle des Régions qui est prévue et organisée par la loi du 05 août 2014
précitée portant orientation de l’administration territoriale.
Les autorités décentralisées peuvent contester les actes pris dans le cadre de la
tutelle. Les autorités décentralisées peuvent exercer le recours pour excès de pouvoir
contre les actes de l’autorité de tutelle.
Ainsi organisé, le contrôle de tutelle s’exerce selon plusieurs modalités.

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2-Les modalités du contrôle de tutelle
Le contrôle consiste dans la révocation et la suspension. Ainsi, le Maire,
autorité décentralisée, peut être suspendu par le Ministre de l’intérieur, autorité de
tutelle. Le Maire peut être également révoqué par le Président de la république par
décret pris en conseil des Ministres. Quant au conseil municipal, il peut être dissout
par décret pris en conseil des ministres.
La tutelle comprend aussi le contrôle sur les actes. Ce contrôle est réalisé grâce
aux pouvoirs précédemment évoqués que sont l’annulation, l’inspection, la
substitution d’office. La substitution d’office consiste pour l’autorité de tutelle à
prendre des décisions aux lieux et places de l’autorité décentralisée. Elle n’est
possible qu’en cas de défaillance de l’autorité décentralisée et après mise en demeure
infructueuse.
Tels sont les principes sur la base sur lesquels sont organisés les structures
administratives.

Section 2 : Les structures administratives


On distingue deux types de structures administratives : d’une part les structures
centrales qui constituent l’administration centrale et d’autre part les structures locales
qui forment l’administration locale.

Paragraphe 1 : L’administration centrale


L’Administration centrale comprend le Président de la république, le Vice-
Président, le gouvernement et les autorités administratives indépendantes.
A- Le Président de la république
Aux termes de l’article 67 de la Constitution, « le Président de la République
est le chef de l’administration. Il nomme aux emplois civils et militaires ». Les
fonctionnaires qui animent les services de l’Etat sont donc nommés par le Président.
En pratique, le Président délègue au Ministre de la fonction publique le pouvoir de
nommer la plupart des fonctionnaires, en se réservant le droit de nommer aux emplois
supérieurs de l’Administration, par exemple, les directeurs d’administration centrale,
chef d’état-major des armées etc. Il détient et exerce aussi le pouvoir réglementaire.
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Aux termes de l’article 65 de la Constitution, « le Président de la république
assure l’exécution des lois et des décisions de justice. Il prend des règlements
applicables à l’ensemble du territoire de la République ». L’article 65 consacre ainsi
le pouvoir réglementaire général c’est-à-dire le pouvoir d’édicter (par décret) des
normes de portée générale applicables sur l’ensemble du territoire.
Le Vice-président de la République exerce également des compétences
administratives.
B- Le vice-Président de la République
La Constitution du 8 novembre 2016 institue un poste de vice-Président en ses
articles 78 à 80. Il est choisi par le Président de la République en accord avec le
parlement. (Article 55 nouveau).
Le vice-Président dispose de compétences administratives. En effet, il exerce
les compétences que le Président de la République lui délègue. De même, le Vice-
Président supplée le Président de la République lorsque celui-ci est en dehors du
pays. Dans ce cas, le Président peut lui déléguer la présidence du Conseil des
ministres sur un ordre du jour bien précis.
Le vice-Président est également chargé d’assurer l’intérim du Président de la
République en cas de vacance de la Présidence de la République.
Le gouvernement exerce également des compétences administratives.
C- Le gouvernement
Le gouvernement est composé du Premier Ministre et des Ministres. Aux
termes de l’article 70 de la Constitution, le Premier Ministre est le chef du
Gouvernement. Ses attributions administratives consistent dans son rôle d’animation
et de coordination de l’action du gouvernement. Il les exerce surtout à l’occasion du
Conseil de gouvernement qui est la réunion des membres du gouvernement qu’il
préside. Le Conseil de gouvernement a lieu afin de préparer le Conseil des Ministres.
En plus de cette compétence générale, le Premier Ministre peut exercer les
attributions administratives que le Président, titulaire du pouvoir exécutif, lui délègue
en vertu de l’article 76 de la Constitution. Enfin, le premier Ministre supplée le

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Président de la République lorsque celui-ci et le vice-Président sont en dehors du
pays.
Les autres membres du gouvernement que sont les Ministres disposent
également d’attributions administratives. Les Ministres sont chacun chef d’un
ensemble de services de l’administration d’Etat érigés en « département ministériel »
ou « ministère ». En sa qualité de chef du département ministériel, le Ministre peut
prendre des arrêtés déterminant l’organisation et le fonctionnement du ministère. Ce
pouvoir lui est reconnu même en l’absence de texte.
Le Ministre dispose également de prérogatives à l’égard des agents. Ainsi, le
Ministre de la fonction publique procède à la nomination des agents et exerce le
pouvoir disciplinaire en ce qui concerne les sanctions du second degré. Quant au
Ministre technique, il prend les décisions d’affectation et de mutation interne ainsi
que les sanctions du premier degré. En plus du Président de la République, du Vice-
Président et du Gouvernement, l’administration centrale comprend les autorités
administratives indépendantes.
D- Les Autorités Administratives Indépendantes (AAI)
Il convient de définir les AAI et de préciser leurs missions.
1-La définition des AAI
Il est possible de définir les AAI positivement et négativement. L’approche
positive consiste à dire ce que sont les AAI. Comme leur nom l’indique, les AAI ont une triple
caractéristique.
Ce sont des autorités car elles disposent de véritables pouvoirs de décision.
Elles peuvent donc prendre des règlements, des mesures individuelles ou formuler
des propositions dans le domaine de leur compétence.
Elles sont des institutions administratives parce qu’elles appartiennent à
l’administration centrale d’Etat. Il en va ainsi du Conseil des télécommunications
(CTCI) créée par la loi du 7 Juillet 1995. L’article 50 de ce texte qualifie le CTCI de
« haute autorité administrative indépendante ». Il en va de même pour l’Autorité
Nationale de la Presse (ANP) créée par la loi du 27 décembre 2017.
Enfin, ce sont des organismes indépendants. En effet, bien que dépourvues de
la personnalité juridique, bien que budgétairement rattachées à l’Etat, les AAI
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échappent à tout contrôle administratif, qu’il s’agisse du contrôle hiérarchique ou
du contrôle de tutelle. C’est le cas pour le Médiateur de la République. Le Médiateur
de la République est une AAI. Suivant les termes de l’article 165 al. 1 de la
constitution, le Médiateur de la République, AAI, « ne reçoit d’instruction d’aucune
autorité ». Ces traits des AAI permettent de les distinguer d’autres autorités.
L’approche négative permet de dire ce que les AAI ne sont pas. Ce ne sont pas
des établissements publics. En effet, les établissements publics ont la personnalité
juridique et sont soumis au contrôle de tutelle. Ce qui n’est pas le cas pour les AAI
qui n’ont pas la personnalité juridique et qui ne sont soumis à aucun contrôle. De
plus, les AAI se distinguent des juridictions car à la différence de celles-ci, les AAI
ne prennent pas de décision revêtue de l’autorité de la chose jugée. Enfin, les AAI ne
se confondent pas avec les corps d’inspection et de contrôle. Ainsi, les AAI sont
différents de l’Inspection Générale d’Etat. En dépit de son autonomie et de ses
pouvoirs étendus, l’Inspection Générale de l’Etat est placée sous l’autorité du
Président de la République à la différence des AAI. Ces caractéristiques des AAI
s’expliquent par l’importance de leurs missions.
2- Les missions des Autorités Administratives Indépendantes
En général, les AAI exercent une mission de contrôle. Celle-ci consiste à
veiller à l’application des règles régissant les activités qui les concernent. Ainsi, si les
AAI sont affranchies de la hiérarchie administrative, c’est pour leur permettre de
contrôler en toute indépendance le respect du droit dans des secteurs hautement
sensibles comme la concurrence, la communication ou les élections. C’est le cas
pour le Conseil des télécommunications susvisé. Il doit « veiller au respect du
principe d’égalité de traitement des opérateurs du secteur des télécommunications ».
Quant à la Commission Electorale Indépendante (CEI), elle est chargée de veiller à
l’application des textes électoraux par toutes les personnes intéressées par l’élection.
L’action de l’Administration centrale est prolongée par l’Administration locale.

Paragraphe 2 : L’Administration locale

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L’Administration locale désigne les structures administratives dont la
compétence est limitée à une portion bien déterminée du territoire de l’Etat. Certaines
structures locales représentent l’Etat dont elles sont un simple prolongement : ce sont
des structures locales déconcentrées. D’autres structures administratives locales
disposent de la personnalité juridique : ce sont des structures locales décentralisées.
Le District doit être étudié à part en tant qu’il est donné comme une entité
particulière.
A-L ’Administration locale déconcentrée
L’Administration locale déconcentrée est régie et organisée par la loi du 05
août 2014 portant orientation de l’organisation générale de l’Administration
territoriale. Il en résulte que les structures territoriales déconcentrées sont les
circonscriptions administratives hiérarchisées que sont les régions, les départements,
les sous-préfectures et les villages. La création de ces entités administratives répond
au souci de rapprocher l’Administration des populations. On les étudiera
successivement.
1-Les Régions
La Région est une circonscription administrative dirigée par un Préfet. La
Région constitue le maillon de l’Administration territoriale où sont conçues et
harmonisées les opérations de développement économique, social et culturel de
l’ensemble des services des administrations civiles et territoriales de l’Etat.
Chaque Région a un chef-lieu qui est constitué par le département le plus
important de la Région. Le Préfet de Région est donc le Préfet du département chef-
lieu de Région. Toutefois, le Préfet de Région n’est pas le supérieur hiérarchique des
Préfets des départements qui constituent la Région.
Le Préfet constitue le seul organe de la Région considérée comme une
circonscription administrative. Le Préfet de Région est nommé par décret pris en
conseil des Ministres. Il exerce plusieurs types de compétences.
Le Préfet est le délégué du gouvernement dans la Région où il représente
chacun des Ministres. Il est chargé d’une mission générale de développement et
d’administration de la Région. Il dirige et coordonne les activités des Préfets des

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Départements ainsi que les services administratifs et techniques de la Région. Il
assure la gestion des personnels de l’Etat. En dessous de la Région se trouve l’autre
échelon de l’Administration territoriale déconcentrée à savoir le département.
2- Le Département
La nature juridique du Département a évolué depuis 2011. Le Département
apparait aujourd’hui uniquement comme une circonscription administrative dirigée
par un Préfet.
Pendant longtemps, le Département a eu une double nature juridique en Côte
d’Ivoire. Il constituait à la fois une circonscription administrative et une collectivité
locale. En tant que circonscription territoriale, il était une entité déconcentrée dirigée
par un Préfet nommé par le Président de la République. En sa qualité de collectivité
locale, le Département était dirigé par un Conseil général.
Toutefois, le Département a été supprimé en tant que collectivité territoriale. A
l’heure actuelle, il n’existe plus que sous la forme de circonscription territoriale. Les
Départements sont créés par décret pris en conseil des ministres. Leur nombre a
continué à augmenter dans le temps pour atteindre aujourd’hui 109. Le Département
est dirigé par un Préfet.
Le Préfet de Département est nommé par décret pris en conseil des Ministres. Le
Préfet est chargé d’harmoniser les actions de l’Etat et celles des collectivités
territoriales situées dans le ressort du Département. Il assure l’exécution des lois, des
règlements et des décisions de justice. Le Préfet de Département doit animer et
coordonner les activités des services administratifs du Département. Les chefs de ces
services sont placés sous son autorité à l’exception des chefs des services de la
justice, de la défense et des services extérieurs des Ministères. Le Préfet de
Département est responsable de l’ordre public dans le Département. Il dispose à cet
effet des forces de l’ordre. Il exerce la tutelle et contrôle les collectivités territoriales
de son ressort. Le Préfet est assisté dans sa tâche de secrétaires généraux de
Préfecture et de sous-préfets à qui il peut déléguer une partie de ses attributions et sa
signature.
Une autre circonscription territoriale déconcentrée est la sous-préfecture.

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3-La Sous-préfecture
La Sous-préfecture est la circonscription administrative intermédiaire entre le
Département et le Village. Elle est comprise dans le Département dont elle est une
division interne.
La Sous-préfecture est dirigée par un agent de l’Etat en l’occurrence le Sous-
préfet. Il est nommé par décret pris en conseil des ministres. Il est le représentant de
l’Etat dans la Sous-préfecture. Sous l’autorité du Préfet, il contrôle et supervise
l’action des Chefs de villages du territoire de la Sous-préfecture. Il coordonne et
contrôle les activités des agents des services administratifs et techniques de sa
circonscription territoriale. Il est responsable du maintien de l’ordre public sur
l’ensemble du territoire de sa circonscription. Le Sous-préfet est officier de l’état
civil. Il doit rendre compte de toutes ses actions et décisions au Préfet du
Département dont il relève.
La dernière circonscription administrative est le village.
4- Le Village
Le Village est la circonscription administrative de base du territoire national. Il
est composé de quartiers ou de campements. Le Village est administré par un Chef de
village assisté d’un Conseil de village ou d’une Notabilité.
En vertu l’article 175 de la Constitution, la Chefferie traditionnelle est
représentée par la Chambre nationale des Rois et chefs traditionnels. Celle-ci
regroupe tous les rois et chefs traditionnels de Côte D’Ivoire. Elle est chargée
notamment du règlement non juridictionnel des conflits dans les villages et elle peut
participer à l’administration du territoire dans les conditions prévues par la loi.
En dehors de ces structures administratives, l’Administration locale comprend
des structures décentralisées.
B- L’Administration locale décentralisée
L’importance de la décentralisation apparaît dans le fait que la Constitution
elle-même a créé dans le paysage administratif ivoirien deux structures locales
décentralisées que sont la Région et la Commune. On les étudiera successivement.

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1- La Région
La Région est composée d’au-moins deux départements. Ses organes sont au
nombre de quatre : le Conseil Régional, le Président du Conseil Régional, le Bureau
du Conseil Régional et le Comité économique et social régional.
Le Conseil Régional est composé de conseillers élus par la population de la
Région. Le nombre de conseillers varie en fonction du nombre d’habitants de la
Région. Le Conseil Régional est l’organe délibérant de la Région. Il est chargé de
prendre des délibérations pour régler les affaires de la Région.
Le Président du Conseil Régional est l’organe exécutif de la Région. Il est la
tête de la liste sortie vainqueur de l’élection régionale. Il est chargé de l’exécution des
délibérations du Conseil régional. Il gère les services de la Région et la représente
dans tous les actes de la vie civile.
Le Bureau du Conseil Régional est composé du Président du Conseil Régional
et de Vice-présidents. Il est chargé d’assister le Président du Conseil Régional dans
l’exécution de ses tâches.
Le Comité Economique et Social Régional est composé de personnes
représentatives des activités économique, sociale, culturelle et scientifique de la
Région. A cette liste s’ajoute les représentants des associations de développement,
d’élus locaux ainsi que de personnalités reconnues pour leurs compétences. C’est
l’organe consultatif de la Région. Qu’en est-il de la Commune ?
2- La Commune
La Commune est une collectivité territoriale constituée d’un regroupement de
quartiers ou de villages. Les organes de la Commune sont le Conseil municipal, la
Municipalité et le Maire.
Le Conseil municipal est composé de Conseillers municipaux dont le nombre
varie de 25 à 50. C’est l’organe délibérant de la Commune.
Quant à la municipalité, elle est composée du Maire et de ses adjoints qui sont
élus pour la même durée que le Conseil municipal. Le nombre d’adjoints varie en
fonction du nombre d’habitants de la Commune.

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En ce qui concerne le Maire, il est élu par le Conseil municipal à sa première
réunion. Ses attributions sont nombreuses. Il exerce certaines attributions en sa
qualité d’autorité municipale. Ainsi, le Maire est chargé de l’administration de la
Commune. Il représente également la Commune. Le Maire dispose d’autres
attributions en sa qualité de représentant du pouvoir exécutif. A ce titre, il est chargé
de la publication et de l’exécution des lois et règlements dans la commune. Le Maire
est également officier de l’état civil. Il est responsable du maintien de l’ordre public
dans la Commune.
Une autre structure administrative locale est le District Autonome.
C- Le District autonome
Le District autonome est une entité territoriale particulière qui est régie
par les règles de la décentralisation et de la déconcentration. Il regroupe soit un
ensemble de régions soit un ensemble de départements de communes et de sous-
préfectures.
Il existait deux Districts Autonomes en Côte d’Ivoire : le District Autonome
d’Abidjan et le District Autonome de Yamoussoukro. Ces deux entités sont dotées de
la personnalité morale et de l’autonomie financière.
Suite à la création de douze (12) nouveaux Districts Autonome, par décret
no2021-276 du 09 juin 2021, en plus de ceux d’ABIDJAN et Yamoussoukro, la Côte
D’Ivoire compte désormais quatorze (14) Districts Autonome à savoir : le District
Autonome d’Abidjan, le District Autonome du BAS-SASSANDRA, District
Autonome de la COMOE, le District Autonome du DENGUELE, le District
Autonome du GOH-DJIBOUA, le District Autonome des LACS, le District
Autonome des LAGUNES, le District Autonome des MONTAGNES, le District
Autonome de SASSANDRA, le District Autonome des SAVANES, le District
Autonome de la VALLEE DU BANDAMA, le District Autonome du WOROBA, le
District Autonome de YAMOUSSOUKRO et le District Autonome du ZANZAN.
Le District est composé de trois organes que sont : le Conseil du district
autonome, le Bureau du Conseil du District autonome et le Gouverneur du District
autonome.

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Le Conseil du District est l’organe délibérant du District autonome. Le Conseil
est composé pour 2/3 de membres désignés au sein des conseils municipaux des
Communes composant le District autonome. Le tiers restant est nommé par décret
pris en Conseil des Ministres et représente les intérêts économique, sociaux, culturel
et scientifique du District autonome.
Le Bureau du Conseil du District autonome est composé du Gouverneur, de
Vice-gouverneurs, d’un Secrétaire et d’un Secrétaire adjoint. Il est chargé d’assister
le Gouverneur dans l’exécution de ses tâches.
Le Gouverneur du District autonome est nommé par décret en conseil des
Ministres Il est l’organe exécutif du District autonome. Il a rang de Ministre et a
préséance sur les Préfets. Il est chargé d’ordonner les recettes et les dépenses,
d’exécuter les décisions du Conseil du District. Il est chef des services du District.
L’ensemble des structures administratives ainsi étudiées doivent respecter le
principe de légalité.

CHAPITRE II : LE PRINCIPE DE LEGALITE ADMINISTRATIVE


Le principe de légalité signifie que l’Administration est soumise au droit
c’est-à-dire non seulement à la loi mais également à toutes les règles de droit.
Elle doit respecter la loi et faire respecter la loi. La soumission de l’Administration au
droit est la caractéristique même de l’Etat de droit. L’Etat de droit s’oppose à l’Etat
de police qui désigne un Etat où l’Administration n’est pas tenue de respecter le droit.
Ainsi, le principe de légalité permet de protéger les administrés contre l’arbitraire
auquel ils seraient exposés si l’administration n’était liée par aucune règle préalable.
Dès lors, se pose la question de savoir quelles sont les règles dont le respect
s’impose à l’Administration : c’est la question des sources de la légalité qu’il faudra
étudier avant d’indiquer les limites du principe de légalité.

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Section 1 : Les sources de la légalité
Les sources de la légalité sont les règles que l’Administration est tenue de
respecter. Certaines sources sont non écrites ; d’autres écrites. Seules les sources
écrites seront analysées ici. Il s’agit d’une part de la constitution et du traité et d’autre
part de la loi et du règlement.

Paragraphe 1 : La Constitution et le traité


On étudiera successivement la Constitution et le traité.
A- La Constitution
La constitution est l’ensemble des règles relatives à la dévolution, l’exercice et
la transmission du pouvoir politique. Elle est la norme suprême de l’Etat. Certaines
dispositions de la Constitution concernent l’action administrative. Il s’agit par
exemple de :
-l’article 63 qui désigne le Président la République comme le détenteur exclusif du
pouvoir exécutif ;
- l’article 65 qui formule que le Président de la République assure l’exécution des lois
et décisions de justice et prend à cet effet des règlements ;
-l’article 67 qui dispose que le Président de la République est le chef de
l’Administration et nomme aux emplois civils et militaires ;
-l’article 103 qui prévoit que les matières autres que celles qui sont du domaine de la

loi relèvent du domaine réglementaire.


En plus de la Constitution, l’Administration doit respecter les traités
internationaux.
B- Les traités
Un traité est un accord écrit conclu entre des sujets de droit international public
en vue de régler leurs rapports mutuels. Le traité est supérieur à la loi de sorte que sa
violation par celle-ci est sanctionnée. En effet, aux termes de l’article 123 de la
Constitution, « les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication,
une autorité supérieure à celle des lois sous réserve de son application par l’autre
partie. »

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Le traité étant ainsi supérieur à la loi, il s’impose donc à l’Administration qui
doit en respecter les termes. Un acte administratif qui viole un traité international
peut être annulé par le juge administratif. L’Administration est également tenue de
respecter la loi et le règlement.

Paragraphe 2 : La loi et le règlement


La loi et le règlement constituent deux normes distinctes dont le respect
s’impose à l’Administration. Ce qui est confirmé par le fait que ces deux normes ont
des domaines propres. Toutefois, certaines normes participent de la loi et du
règlement.
A- Les domaines de la loi et du règlement
La Constitution ivoirienne en ses articles 101 et 103 définit les domaines
respectifs de la loi et du règlement. Le domaine de la loi comprend d’une part les
matières dont la loi « fixe les règles », par exemple, la citoyenneté, la nationalité, la
détermination des crimes et délits… D’autre part, il y a des matières dont la loi
détermine seulement les principes fondamentaux, par exemple l’enseignement et le
droit du travail etc. La loi apparaît ainsi comme l’acte voté par le parlement dans
les matières définies par l’article 101 susvisé.
Quant au domaine du règlement, il regroupe toutes les autres matières que la
Constitution n’a pas confiées à la loi. Ainsi, l’article 103 dispose que : « les matières
autres que celles qui sont du domaine de la loi relèvent du domaine réglementaire ».
Le règlement est donc l’acte pris par les autorités exécutives dans les matières
visées par l’article 103 susvisé.
Quelle est la hiérarchie des lois et des règlements ?
B-La hiérarchie des lois et des règlements
Il existe plusieurs catégories de lois dans l’ordre hiérarchique suivant : les lois
référendaires, les lois organiques et les lois ordinaires.
Les lois référendaires sont adoptées par le peuple se prononçant par
référendum. Ces lois échappent au contrôle de constitutionnalité des lois.

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Les lois organiques ont pour objet de régir les différentes institutions,
structures et systèmes prévus ou qualifiés comme tels par la Constitution. Les lois
organiques sont adoptées à la majorité absolue des membres de chacune des deux
chambres du parlement que sont l’Assemblée nationale et le Sénat. En cas de
désaccord entre les deux chambres, la loi organique est adoptée par l’Assemblée
nationale mais à la majorité qualifiée des 2/3. Les lois organiques sont
obligatoirement soumises au contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation.
Constituent par exemple une loi organique, la loi portant organisation et
fonctionnement du Conseil constitutionnel ; la loi portant composition, organisation
et fonctionnement du Conseil supérieur de la Magistrature ou encore la loi
déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la
Conseil d’Etat.
Les lois ordinaires sont votées à la majorité simple des membres des deux
chambres du Parlement. En cas de désaccord entre les deux chambres, la loi ordinaire
est adoptée à la majorité simple des membres de l’Assemblée Nationale.
Si les lois sont hiérarchisées entre elles, il en va de même pour les règlements.
Le règlement d’une autorité supérieure l’emporte sur celui d’une autorité
subordonnée. De même, les décrets pris en conseil des ministres sont supérieurs aux
décrets pris après avis du Conseil constitutionnel ou de la Cour suprême. Et ceux-ci
sont au-dessus des décrets simples.
Dans les rapports entre un règlement et une décision individuelle, le règlement
d’une autorité supérieure s’impose à la décision individuelle d’une autorité
subalterne. Cependant, le règlement d’une autorité subalterne l’emporte sur la
décision individuelle d’une autorité supérieure. Certaines mesures participent de la loi
et du règlement.
C-Les ordonnances de l’article 106 de la Constitution
Certaines mesures sont le fruit de la collaboration entre le gouvernement et le
parlement. C’est le cas des ordonnances qui s’analysent comme les mesures prises
par le Président de la République dans le domaine de la loi. En effet, aux termes de
l’article 106 de la constitution, « le Président de la République peut, pour

23
l’exécution de son programme, demander au parlement l’autorisation de
prendre par ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont
normalement du domaine de la loi ». Les ordonnances ne peuvent donc être
édictées qu’à trois conditions :
- il faut une loi d’habilitation par laquelle le parlement autorise le
gouvernement à prendre des mesures dans son domaine ;
- les ordonnances doivent être prises en conseil des Ministres après avis éventuel
du Conseil constitutionnel ;
- le projet de loi de ratification doit être déposé devant le parlement avant la date
fixée par la loi d’habilitation.
Lorsque ces conditions sont satisfaites, l’ordonnance peut produire ses effets.
Pendant la durée de l’habilitation législative, les ordonnances ont la valeur d’un acte
administratif. A la fin de ce délai, le parlement est appelé à ratifier les ordonnances et
est saisie d’une loi de ratification. Si elle vote la loi de ratification, les ordonnances
ont valeur de loi. Si elle ne vote pas la loi de ratification, les ordonnances
conservent leur valeur d’acte administratif. Telles sont les normes auxquelles
l’Administration doit se soumettre.
Cette soumission, si elle est absolue en principe, connaît certaines limites.

Section 2 : Les limites du principe de légalité


Les limites ou tempéraments apportés au principe de légalité apparaissent aussi
bien en période normale qu’en période de crise.
Paragraphe 1 : Les limites du principe de légalité en période normale.
En période normale, les limites du principe de légalité consistent dans le
pouvoir discrétionnaire reconnu à l’Administration et les actes de gouvernement.
A- Le pouvoir discrétionnaire de l’Administration
On parle de compétence discrétionnaire lorsque l’Administration a la
faculté de choisir entre plusieurs décisions qui sont toutes conformes à la
légalité. Dans ce cas, elle est libre d’apprécier en opportunité, en fonction des
circonstances, la décision qui lui paraît la mieux adaptée à la situation. Ainsi,

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l’Administration bénéficie d’un pouvoir discrétionnaire dans le choix des mesures
disciplinaires à infliger à un agent fautif : le statut général de la fonction publique se
borne à énumérer les sanctions disciplinaires qui peuvent frapper un fonctionnaire
sans obliger l’autorité compétente à choisir l’une ou l’autre sanction. Le Ministre de
la fonction publique est donc libre de choisir la sanction appropriée : on dit qu’il
bénéficie d’un pouvoir discrétionnaire.
Cependant, le pouvoir discrétionnaire n’est pas un pouvoir arbitraire. La liberté
de choix offerte à l’Administration ne s’exerce que dans le respect de la légalité c’est-
à-dire que l’Administration ne peut choisir qu’entre des décisions qui sont toutes
conformes à la légalité.
La compétence discrétionnaire s’oppose à la compétence liée. « On dit qu’il y
a compétence liée lorsque l’Administration est, d’une part tenue d’agir, d’autre
part tenue d’agir dans un sens déterminé, sans possibilité d’appréciation ou de
choix. » Il en va ainsi pour la mise à la retraite des fonctionnaires. Lorsqu’ils
atteignent la limite d’âge (65 ans), ils sont admis à la retraite. Ici, le départ à la
retraite intervient automatiquement sans que l’Administration ne puisse prendre une
autre décision : on dit que la mise à la retraite constitue une compétence liée de
l’Administration.
Une autre limite à l’obligation pour l’Administration de se soumettre au
principe de légalité réside dans les actes de gouvernement.
B- Les actes de gouvernement
Les actes de gouvernement sont des actes qui, bien qu’accomplis par des
autorités administratives, ne sont susceptibles d’aucun recours juridictionnel en
raison de leur caractère politique. Ces actes bénéficient ainsi de l’immunité
juridictionnelle ne pouvant être attaqués devant aucun juge. Ce sont par exemple, la
décision de recourir au référendum, de ratifier un traité etc. D’autres limites au
principe de légalité s’observent en période de crise.

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Paragraphe 2 : Les limites au principe de légalité en période de crise : les
circonstances exceptionnelles
Les exigences de la légalité ne peuvent être les mêmes en toutes circonstances.
En effet, il peut arriver que l’Administration soit confrontée à des circonstances qui
sortent de l’ordinaire, circonstances particulièrement graves, par exemple en cas de
guerre, de troubles politiques ou sociaux graves. On parle alors de circonstances
exceptionnelles. En de telles circonstances, l’Administration se trouve affranchie de
la stricte obligation de respecter les règles qui régissent normalement son action. La
légalité normale est mise en vacances au profit d’une légalité de crise. Ces
circonstances sont définies par le juge et par des textes.
Ici, nous parlerons des circonstances définies par les textes. Il s’agit de l’état de
crise, de l’état de siège et de l’état d’urgence et de la réquisition.
A- L’état de crise
L’article 73 de la Constitution autorise le Président de la République à exercer
la totalité des pouvoirs exécutif et législatif. Pourtant, en période normale, le principe
de séparation des pouvoirs s’applique. Celui-ci interdit au Président de cumuler les
deux pouvoirs exécutif et législatif. En période de crise, lorsque le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics, l’intégrité du territoire, l’indépendance de la
nation sont menacés, l’article 73 permet d’écarter la légalité normale pour lui
substituer une légalité d’exception qui permet au Président de jouir des deux
pouvoirs exécutif et législatif.
Qu’en est-il de l’état de siège et de l’état d’urgence
B-L’état de siège et l’état d’urgence
L’état de siège est prévu par l’article 105 de la Constitution. Quant à l’état
d’urgence, il est prévu par la loi n°59-231 du 7 novembre 1959.
Ce sont deux régimes d’exception ayant de nombreux points en commun même
s’il existe quelques différences entre eux. Ainsi leur instauration obéit aux mêmes
conditions. Il faut en effet qu’il y ait un péril imminent pour la sécurité de la nation,
de l’économie ou le fonctionnement des services publics. De plus, l’état de siège et
l’état d’urgence sont proclamés en conseil des ministres pour une période de 15 jours.

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La prolongation au-delà de ces 15 jours doit être autorisée par le parlement. En cas
de désaccord entre les deux chambres du Parlement, l’Assemblée Nationale seule
décide de prolonger l’état de siège.
L’état de siège et l’état d’urgence produisent les mêmes effets. En effet,
lorsqu’ils sont proclamés, ils entraînent une extension des prérogatives de
l’Administration. Elle peut donc interdire des réunions, saisir des publications,
interdire la circulation, procéder à des perquisitions de jour et de nuit…
Notons que dans l’état de siège, les pouvoirs susvisés sont exercés par
l’autorité militaire qui se substitue à l’autorité civile. Mais dans l’état d’urgence, il
n’y a pas de substitution, l’autorité civile continue à exercer les pouvoirs de police.
Un autre régime d’exception est la réquisition.
C-La réquisition
Elle est prévue par la loi n°63-4 du 17 janvier 1963 relative à l’utilisation des
personnes en vue d’assurer la promotion économique et sociale de la nation. Cette loi
permet au gouvernement de requérir des personnes pour l’accomplissement de
certaines tâches d’intérêt national.
Ainsi appréhendé, le principe de légalité commande l’ensemble de l’action
administrative y compris les actes administratifs unilatéraux.

CHAPITRE III : LES ACTES ADMINISTRATIFS UNILATERAUX


L’administration dispose de moyens juridiques qui lui permettent de mener à
bien les missions qui lui sont assignées. Ce sont les actes administratifs. Il en existe
deux types : les actes administratifs bilatéraux (contrats administratifs) et les actes
administratifs unilatéraux dont on précisera la notion et le régime juridique.

Section 1 : La notion d’acte administratif unilatéral


Il existe plusieurs catégories d’actes administratifs unilatéraux.

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Paragraphe 1 : Définition
Un acte administratif unilatéral est un acte émanant de la seule volonté de
l’Administration et qui revêt un caractère décisoire.
A-Un acte émanant de la seule volonté de l’administration
On étudiera les deux dimensions de la définition : un acte émanant d’une
autorité administrative et un acte unilatéral.

1- Un acte émanant d’une autorité administrative


Un acte, pour revêtir le caractère administratif, doit émaner d’une autorité
administrative. En conséquence, les actes émanant des personnes privées ne sont
pas normalement des actes administratifs. De même, ne sont pas administratifs, les
actes pris par les autorités publiques qui n’ont pas la qualité d’autorités
administratives. Il s’agit des actes du législateur (loi) et les actes du juge (les
décisions de justice).
Le principe ainsi posé admet des exceptions. En effet, tous les actes pris par
les autorités administratives ne sont pas nécessairement des actes administratifs.
Ainsi, les actes de l’Administration relatifs au statut des agents temporaires sont des
actes privés et non des actes administratifs.
L’autre élément qui caractérise l’acte administratif est son caractère unilatéral.
2-Un acte unilatéral
Un acte unilatéral est un acte destiné à s’appliquer à des personnes qui
n’ont pas participé à son élaboration. Ainsi, le caractère unilatéral de l’acte est
déterminé en fonction de la participation de ses destinataires à son édiction. Si
un acte vise à s’appliquer à des personnes qui sont étrangères à son édiction, il
s’agit d’un acte unilatéral. Ainsi, l’acte unilatéral s’oppose au contrat qui est un acte
bilatéral ou multilatéral : le contrat est par définition un acte qui émane de la volonté
de plusieurs parties auxquelles il s’applique. Au surplus, l’acte unilatéral peut émaner
de plusieurs personnes, par exemple un arrêté interministériel encore appelé arrêté

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conjoint. Il s’agit d’un acte unilatéral dès lors que ses destinataires n’ont pas
contribué à son édiction.
En plus d’être le produit de la seule volonté de l’Administration, l’acte
administratif se caractérise par le fait qu’il revêt un caractère décisoire.
B- Un acte revêtant un caractère décisoire
Après avoir relevé le critère de la distinction entre acte décisoire et acte non
décisoire, il conviendra de présenter le cas particulier des circulaires, exemple d’acte
non décisoire.

1-Le critère de distinction


Analysés comme acte émanant d’une autorité administrative, les actes
administratifs unilatéraux se répartissent entre actes décisoires ou décision et actes
non décisoires. « Un acte unilatéral est une décision lorsque la manifestation de
volonté de son auteur se traduit par l’édiction d’une norme destinée à modifier
l’ordonnancement juridique ou bien, au contraire, à le maintenir en l’état. » Il y
a modification de l’ordre juridique soit lorsqu’une règle nouvelle est édictée (par
exemple octroi d’une autorisation) soit lorsqu’une règle est supprimée (par exemple,
suppression d’une autorisation). Il y a maintien de l’ordre juridique lorsqu’une norme
est réaffirmée ou lorsque l’Administration refuse d’accorder une demande. L’acte
décisoire est également appelé « acte faisant grief ».
Tous les actes administratifs qui ne font pas grief (qui ne sont pas des
décisions) sont des actes non décisoires. C’est le cas en principe pour les circulaires.
2-Le cas particulier des circulaires
Les circulaires sont les instructions qu’une autorité supérieure (par
exemple, un ministre) donne aux agents placés sous son autorité afin de leur
faire connaître l’interprétation d’un texte ou la conduite à suivre face à un
problème précis. En quelque sorte, les circulaires sont le « mode d’emploi » pratique
de la loi ou du règlement. En effet, une circulaire présente et explique les règles à
respecter, les délais à observer, les contrôles à exercer etc.

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Ainsi définie, la circulaire a normalement un caractère interprétatif. Elle se
borne à éclairer les dispositions à appliquer et ne comporte donc pas de mesures
nouvelles. Elle apparaît simplement comme un instrument de circulation de
l’information entre une autorité hiérarchique et ses subordonnés.
Cependant, il peut arriver que les circulaires ne se contentent pas de rappeler et
commenter la réglementation existante. En effet, le supérieur hiérarchique peut, au
lieu de prendre un arrêté en bonne et due forme, glisser dans une circulaire de
nouvelles dispositions, par exemple des conditions supplémentaires pour bénéficier
de tel ou tel droit prévu par une loi. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’une circulaire
interprétative mais d’une circulaire réglementaire.
On le voit, la circulaire réglementaire, à la différence de la circulaire
interprétative, ne se limite pas à expliquer la législation en vigueur, elle lui
ajoute des dispositions nouvelles soit en créant des droits nouveaux soit en
imposant des obligations supplémentaires. La circulaire réglementaire est une
circulaire dans la forme mais dans le fond (son contenu) elle est un véritable acte
réglementaire qui fait grief. En conséquence, il est possible d’attaquer devant le juge
une circulaire réglementaire. Ce qui n’est pas le cas pour une simple circulaire
interprétative qui n’a pas d’effet sur les administrés. Il reste à préciser la typologie
des actes administratifs.

Paragraphe 2 : La typologie des actes administratifs


On peut classer les actes administratifs unilatéraux au regard de leur caractère
ou au regard de leur auteur.
A-La typologie basée sur le caractère de l’acte unilatéral
En tenant compte de leur caractère, on distingue deux catégories d’actes
administratifs : les actes administratifs réglementaires et les actes administratifs
individuels.
Le règlement édicte des règles générales et impersonnelles destinées à des
sujets de droit indéterminés. Par exemple, un arrêté du maire fixant les conditions
de stationnement des taxis dans la Commune. Quant à la décision individuelle, elle

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vise des destinataires nominativement désignés. Par exemple, l’arrêté accordant
l’autorisation d’exploiter un taxi.
Ainsi, le nombre de personnes visées n’est pas le critère de distinction de l’acte
réglementaire et de l’acte individuel. Un acte peut être réglementaire même s’il
s’applique à un individu, dès lors que le destinataire n’est pas désigné par son
nom mais par des qualités générale et impersonnelle. Inversement, un acte peut
être individuel même s’il s’applique à un grand nombre de personnes, dès lors
que ces personnes sont désignées par leur nom.
Une autre classification des actes administratifs unilatéraux tient compte de
l’auteur de l’acte.

B- La classification des actes administratifs unilatéraux au regard de leur auteur


On peut distinguer les actes des autorités administratives individuelles et les
actes des autorités administratives collégiales.
1-Les actes des autorités administratives individuelles
Une autorité administrative est dite individuelle lorsqu’elle est incarnée
par une seule personne physique. Comment s’appellent les actes pris par de telles
autorités ? On distinguera le cas du Président de la République et celui des autres
autorités individuelles.
Les actes unilatéraux pris par le Président de la République sont appelés
décret. En plus des décrets, le Président de la République peut prendre des actes
administratifs appelés ordonnances.
Quant aux autres autorités administratives individuelles, les actes qu’elles
prennent sont appelés arrêtés. On parle ainsi d’arrêté ministériel (Ministre), d’arrêté
préfectoral (Préfet), d’arrêté municipal (Maire) ou d’arrêté (appelé une décision) d’un
Directeur etc.
D’autres actes administratifs unilatéraux émanent des autorités collégiales.
2- Les actes des autorités administratives collégiales
Une autorité administrative est dite collégiale lorsqu’elle est incarnée par
plusieurs personnes physiques à la fois. Dans ce cas, l’autorité administrative est

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constituée par une assemblée. C’est le cas du Conseil municipal, du Conseil
régional ou encore du Conseil de discipline.
Les actes administratifs émanant de telles autorités sont appelés délibération.
On parle ainsi de délibération du Conseil municipal ou de délibération d’un jury.
Après avoir cerné la notion d’acte administratif unilatéral, il convient à présent
d’en analyser le régime juridique.
Section 2 : Le régime juridique des actes administratifs unilatéraux
Le régime juridique comporte les règles d’élaboration et les règles fixant les
effets des actes administratifs unilatéraux.
Paragraphe 1 : L’élaboration des actes administratifs unilatéraux
L’élaboration des actes administratifs obéit à des règles de compétence d’une
part et d’autre part des règles de forme et procédure.
A- Les règles de compétence
La compétence est l’aptitude légale reconnue à une autorité administrative
à prendre des actes administratifs. Une autorité administrative ne doit intervenir
que dans les matières qui lui ont été attribuées, faute de quoi l’acte édicté par elle
serait entaché d’incompétence. Chaque autorité administrative exerce sa compétence
sur un cadre territorial donné. Les autorités centrales (Président de la République, les
Ministres…) exercent leurs compétences sur l’ensemble du territoire de la
République.
Quant aux autorités locales, elles ont des compétences seulement dans leurs
ressorts territoriaux par exemple, le Préfet de Département qui est compétent
uniquement dans le département. En principe, la compétence doit être exercée par
l’autorité même qui en a été investie. Ce principe est atténué en cas de délégation de
compétence.
La délégation de compétence consiste pour le titulaire d’une compétence,
le délégant, à transmettre, pour un temps, l’exercice de cette compétence à
l’autorité qui lui est subordonnée, le délégataire ou le délégué. La délégation de
compétence revêt deux formes que sont la délégation de pouvoir et la délégation de
signature. La première transmet la compétence du supérieur au subordonné et

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modifie donc l’ordre des compétences. La seconde ne transfère au subordonné que la
tâche matérielle de la signature. Ces deux types de délégations obéissent aux mêmes
conditions de validité mais produisent des effets différents.
Primo, les délégations doivent être prévues par un texte. Ainsi, la constitution
prévoit à son article 76 que : « le Président de la république peut, par décret,
déléguer certains de ses pouvoirs (…) aux membres du gouvernement. » Secundo, les
délégations doivent être partielles c’est-à-dire que le délégant ne peut se dépouiller de
tous ses pouvoirs au profit du délégataire. Tertio, les délégations doivent être publiées
pour être opposables aux tiers. Quarto, les délégations ne doivent émaner que du
titulaire de la compétence d’où l’interdiction des subdélégations.
La délégation de pouvoir a des effets plus importants que ceux d’une
délégation de signature. L’auteur de la décision prise sur délégation est différent
dans les deux cas. La délégation de pouvoir opère un véritable transfert de
compétence de sorte que le bénéficiaire (le délégataire) agit en son nom propre.
En conséquence, les décisions qu’il prend ont la nature formelle et le rang
correspondant à sa situation administrative. Ainsi, l’arrêté pris par un ministre sur
délégation de pouvoir du Président de la république est un arrêté ministériel et non un
arrêté ou un décret présidentiel.
Mais dans la délégation de signature, le délégataire agit au nom du
délégant. Donc, son acte revêt la nature formelle et le rang correspondant à celui du
délégant. Par exemple, un arrêté signé par le chef de cabinet bénéficiant d’une
délégation de signature du Ministre est un arrêté ministériel.
De plus, dans la délégation de pouvoir, le délégant devient incompétent pour
décider dans les matières qu’il a déléguées tant que la délégation n’a pas été
révoquée. En revanche, en cas de délégation de signature, le délégant peut toujours
prendre lui-même des décisions dans les domaines pour lesquels il a simplement
délégué sa signature à un collaborateur.
Il y a aussi la différence quant à la durée de la délégation. La délégation de
pouvoir vise non pas une personne nommément désignée mais le titulaire d’une
fonction. Elle demeure donc valable même si le délégant ou le délégataire ne sont

33
plus les mêmes personnes physiques. Mais la délégation de signature est
consentie à une personne nommément désignée. Elle cesse donc si cette personne
quitte ses fonctions aussi bien que si le délégant lui-même perd les fonctions qui
lui ont permis d’accorder la délégation de signature.
L’élaboration de l’acte administratif obéit également à des règles de forme et
de procédure.
B- Les règles de forme et de procédure
En ce qui concerne la forme, l’acte administratif peut être écrit ou non. Il est
très souvent écrit et rarement non écrit. De plus, l’acte administratif n’est pas en
principe motivé. C’est-à-dire que l’autorité administrative compétente n’est pas tenue
d’indiquer les raisons de droit ou de fait qui motivent ses décisions sauf si un texte de
loi lui en fait l’obligation.
En ce qui concerne la procédure, il faut dire que l’élaboration d’un acte
administratif conduit souvent à l’accomplissement de certaines formalités. Il en va
ainsi de la procédure consultative et du respect du principe des droits de la
défense.
La procédure consultative consiste à recueillir l’avis d’un organisme avant
l’édiction d’un acte administratif. Cet organisme rend un avis. Tantôt, l’autorité
administrative est libre de solliciter ou non un avis : on parle alors d’avis facultatif.
Par exemple, l’avis que le Président de la République ‘‘peut’’ solliciter de la Cour
suprême avant de prendre un décret en Conseil des Ministres. Tantôt l’autorité
administrative est tenue de solliciter un avis sans être obligé de le suivre : on parle
alors d’avis obligatoire. Par exemple, l’avis du conseil de discipline avant le
prononcé d’une sanction disciplinaire du second degré ou l’avis du conseil des
Ministres avant la signature des décrets réglementaires par le Président de la
République. Tantôt, l’autorité administrative est tenue de prendre un avis et de le
suivre : on parle alors d’avis conforme. C’est le cas de l’avis de la commission
d’attribution des lots industriels. Les avis de cette commission s’imposent aux
autorités chargées d’attribuer les lots industriels.

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Hormis les avis, l’élaboration des actes administratifs est parfois subordonnée
au respect du principe des droits de la défense. En effet, lorsque l’acte administratif
revêt le caractère d’une sanction, il ne peut être édicté sans que le destinataire ait été à
même de présenter préalablement ses observations et objections.
Une fois élaboré, l’acte administratif produit des effets.
Paragraphe 2 : Les effets des actes administratifs unilatéraux
L’acte administratif produit des effets à partir de son entrée en vigueur,
pendant son exécution et jusqu’à sa fin.
A- Entrée en vigueur de l’acte administratif
L’acte administratif entre en vigueur à partir de sa signature. Ainsi, un acte
administratif ne peut trouver à s’appliquer aux faits antérieurs à sa signature. Il ne
devient opposable qu’à partir de sa publicité. La publicité consiste à faire connaître
l’existence de l’acte aux administrés. Elle se fait selon deux modes : la publication et
la notification. La publication est le mode de publicité utilisé pour les actes
réglementaires c’est-à-dire les mesures administratives générales et impersonnelles.
Elle se fait généralement par l’insertion du texte réglementaire dans le journal officiel
de la république.
Quant à la notification, elle est le mode de publicité utilisé pour les actes
individuels c’est-à-dire les actes qui visent personnellement et nominativement
les intéressés. Les effets de l’acte administratif cessent à sa fin.
B- La fin de l’acte administratif

La fin de l’acte administratif peut résulter de son annulation par le juge. Elle
peut résulter aussi de sa caducité ou péremption lorsque le terme de l’acte a été
atteint. En dehors de ces hypothèses, la fin de l’acte administratif résulte de la volonté
de l’Administration. Celle-ci peut mettre fin à ses décisions de deux façons : par le
retrait ou par l’abrogation.
1-Le retrait de l’acte administratif
Le retrait d’un acte, on dit aussi rapporter, consiste pour l’auteur à le
supprimer avec tous les effets déjà accomplis. Les conditions du retrait varient
selon que l’acte est régulier ou non.
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a- Le retrait de l’acte régulier
Le retrait de l’acte régulier n’est possible que si celui-ci n’a pas créé de droits.
Il y a donc lieu de distinguer l’acte créateur de droits de l’acte non créateur de droits.
Un acte créateur de droits est un acte qui confère à son destinataire une
situation juridique plus favorable que sa situation antérieure. Voici des exemples
d’actes créateurs de droits : permis de conduire, permis de construire, autorisation de
se présenter à un concours, décision d’octroi d’une aide publique.
Quant aux actes non créateurs de droits, ce sont par exemple les règlements. En
effet, par définition, les règlements ont un caractère général et impersonnel. Ils ne
sont donc pas pris dans l’intérêt de telle ou telle personne à la différence des actes
individuels. Par conséquent, les règlements ne sont pas créateurs de droits. Ne sont
pas également créateurs de droits, les décisions recognitives (par exemple, un relevé
de notes délivré par l’administration), les autorisations précaires et révocables (par
exemple, les autorisations d’occupation du domaine public), les décisions obtenues
par fraude.
L’acte régulier créateur de droits ne peut être retiré à la différence de l’acte
régulier non créateur de droits qui peut être retiré ou rapporté.
Qu’en est-il du retrait de l’acte irrégulier ?
b- Le retrait de l’acte irrégulier
Les conditions de retrait de l’acte irrégulier varient selon qu’il crée des droits
ou non. En ce qui concerne l’acte irrégulier non créateur de droits, son retrait est
possible à tout moment, l’administration a même l’obligation de procéder au retrait.
Quant aux actes irréguliers créateurs de droits, leur retrait ne peut intervenir que dans
le délai du recours contentieux qui est de deux mois pour compter de la notification
ou de la publication de l’acte.
La fin de l’acte administratif peut provenir également de son abrogation.

2-L’abrogation de l’acte administratif

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L’abrogation consiste à faire disparaître l’acte pour l’avenir. Les
conditions de l’abrogation varient selon qu’il s’agit d’un acte réglementaire ou d’un
acte non réglementaire.
a-L’abrogation des actes réglementaires
L’abrogation des actes réglementaires est toujours possible car nul ne peut
s’opposer à la modification pour l’avenir d’une situation générale et impersonnelle,
quels que soient les droits que le règlement a pu faire acquérir pendant le moment où
il était en vigueur. S’il s’agit d’un règlement illégal, l’administration a même
l’obligation de l’abroger.
Qu’en est-il de l’abrogation des actes non réglementaires ?
b-L’abrogation des actes non réglementaires
L’abrogation est toujours possible lorsqu’il s’agit d’un acte non réglementaire
n’ayant pas créé de droits. Quant aux actes non réglementaires ayant créé des droits
(par exemple, la nomination d’un fonctionnaire), l’abrogation est en principe
impossible : c’est ce qu’on appelle l’intangibilité des effets individuels des actes
administratifs. Ce principe ne signifie pas que la situation créée par l’acte serait
immuable. Cela veut dire simplement qu’on ne peut mettre fin à un tel acte que par la
procédure de l’acte contraire. Par exemple, pour destituer un fonctionnaire, on ne
peut abroger purement et simplement son acte de nomination. Il faut entreprendre la
procédure de l’acte contraire c’est-à-dire celle de la révocation.
Or, une telle procédure n’est pas la même que celle de l’abrogation. La
procédure de révocation comporte des garanties plus fortes pour le fonctionnaire
(communication du dossier, comparution devant le conseil de discipline). Ainsi
présenté, l’acte administratif unilatéral constitue le moyen privilégié par lequel
l’Administration réalise les missions qui lui sont confiées notamment la mission de
service public.

CHAPITRE IV : LE SERVICE PUBLIC

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L’Administration a pour but de satisfaire l’intérêt général. La satisfaction de
l’intérêt général exige que les activités des particuliers ne troublent pas l’ordre public.
Aussi l’une des missions de l’Administration est de veiller au maintien de l’ordre
public : c’est cette mission qu’on appelle la police administrative. L’autre mission qui
sera étudiée ici est le service public.
Qu’entend t-on par cette notion et quel en est le régime juridique ?

Section 1-La notion de service public


L’étude de la notion de service public conduit à en fournir la définition et en
présenter les différentes catégories.

Paragraphe 1 : La définition
Le service public est une activité d’intérêt général exercée par
l’Administration ou sous le contrôle de celle-ci. Cette définition laisse donc
apparaître l’existence de deux critères du service public: un critère organique et un
critère matériel.
A- Le critère organique
Au sens organique, le service public désigne un ensemble d’agents et de
moyens qu’une personne publique affecte à une même tâche, par exemple le
Ministère de l’éducation nationale ou un centre hospitalier universitaire. Une activité
ne peut donc être un service public que si elle est assurée par l’Administration
directement ou indirectement sous son contrôle.
En général, les services publics sont assurés directement par une personne
publique. Toutefois, il peut arriver que des organismes privés assurent une
mission de service public. C’est le cas de la concession de service public qui
consiste pour l’Administration à confier à une personne privée la gestion d’un service
public moyennant une rémunération perçue sur les usagers.
En l’absence de ces éléments organiques que sont l’exercice de l’activité par
une personne publique ou, au moins, son rattachement indirect à une personne
publique, il n’y a pas de service public même si l’activité vise à satisfaire l’intérêt

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général. C’est ainsi par exemple que certaines organisations non gouvernementales à
caractère humanitaire ne sont pas des services publics en dépit du caractère d’intérêt
général de leurs activités car ces organisations échappent à tout contrôle de l’autorité
publique.
A ce critère organique, il faut ajouter un critère matériel pour qu’on puisse
parler de service public.
B- Le critère matériel
Au sens matériel, le service public désigne une activité visant à satisfaire
l’intérêt général. L’intérêt général peut être l’intérêt de la collectivité nationale dans
son ensemble. Ainsi, constituent des services publics, la défense nationale, la police,
la justice etc. L’intérêt général s’entend aussi de la satisfaction directe des besoins
individuels par les personnes publiques.
Il arrive que certaines activités privées visent aussi la satisfaction de l’intérêt
général par exemple, l’agriculture. Toutefois, elles se distinguent du service public
dans la mesure où la finalité de l’entreprise privée est la recherche du profit au
bénéfice de l’entrepreneur tandis que la finalité du service public reste liée à la
satisfaction de l’intérêt général. Quelles sont les différentes catégories de service
public ?

Paragraphe 2 : Les différentes catégories de service public


On distingue deux catégories de services publics : les services publics
administratifs (SPA) et les services publics industriels et commerciaux (SPIC).
Dans certains cas, la loi portant création d’un service public indique clairement
quelle est la nature de ce service : service public administratif ou service public
industriel et commercial.
Lorsque la loi n’a rien dit sur la nature du service, on tient compte alors de trois
critères pour distinguer les SPA des SPIC : il s’agit du critère de l’objet du service, de
l’origine de ses ressources et de ses modalités d’organisation et de fonctionnement.
Un service ne sera reconnu comme industriel et commercial que si, à ces trois points
de vue, il ressemble à une entreprise privée.

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En revanche, si le service diffère d’une entreprise privée à l’un de ces trois
points de vue, il sera administratif. Quel est le régime juridique du service public ?

Section 2 : Le régime juridique du service public


Le régime juridique se rapporte aux règles qui s’appliquent aux services
publics. Il s’agit d’une part des principes qui régissent le fonctionnement des services
publics et d’autre part les modes de gestion des services publics.

Paragraphe 1 : Les principes de fonctionnement des services publics


Trois grands principes s’appliquent aux services publics. Ce sont le principe de
continuité, le principe d’adaptabilité ou de mutabilité et le principe d’égalité.
A- Le principe de continuité
Le principe de continuité signifie que le service public doit fonctionner de
manière ininterrompue. L’administration ne doit pas fonctionner par saccades et de
manière intermittente.
Ce principe peut entrer en conflit avec la possibilité pour les agents de faire
grève. C’est pourquoi la loi tente de concilier les deux exigences. La grève est ainsi
interdite à certains agents de la fonction publique car un arrêt de travail de leur part
pourrait entrainer de réelles menaces pour la sécurité publique. C’est le cas pour les
magistrats, les policiers et les militaires. Pour les autres agents, la nécessité de
concilier le principe de continuité et le droit de grève conduit à leur imposer le
respect d’un service minimum (personnels de santé) et à exiger le dépôt d’un préavis
avant d’entrer en grève. Qu’en est-il du principe d’adaptabilité ?
B- Le principe d’adaptabilité ou de mutabilité
Le principe de mutabilité signifie que le service doit évoluer en fonction des
besoins du public et s’adapter aux changements par exemple, l’innovation technique
ou encore l’accroissement de la population. En conséquence, les usagers et les agents
du service ne peuvent s’opposer aux modifications résultant d’une réorganisation ou
d’une suppression du service. Il comporte donc des conséquences différentes du
principe d’égalité devant le service public.

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C- Le principe d’égalité devant le service public
Le principe d’égalité devant le service public s’applique aux agents des
services qui seront soumis aux mêmes règles tant dans l’accès aux emplois que dans
le déroulement de leur carrière. Ce principe s’applique aussi aux usagers qui peuvent
exiger que le service fournisse à chacun les mêmes prestations à condition qu’ils se
trouvent dans une situation identique. Cependant, si les usagers se trouvent dans des
situations différentes, ils peuvent être alors traités différemment.
Les principes de fonctionnement des services publics étant ainsi précisés, il
convient d’examiner leurs modes de gestion.

Paragraphe 2 : Les modes de gestion des services publics


Le service public peut être géré par une personne publique ou par une personne
privée.
A- La gestion par une personne publique
La gestion du service public par une personne publique peut se faire de deux
manières : la régie et l’établissement public.
On parle de régie lorsque le service public est directement exploité par
l’administration avec ses biens et son personnel. Par exemple, les Ministères. Les
services gérés en régie ne constituent pas des personnes juridiques distinctes de la
collectivité dont relève le service.
A la différence de la régie, l’établissement public est un service public doté
de la personnalité juridique. Il découle de cette personnalité juridique la pleine
capacité juridique c’est-à-dire la capacité civile et l’autonomie financière. Par
exemple, l’Ecole Nationale d’Administration, les Universités publiques, les Centres
Hospitaliers Universitaires etc.
Quels sont les modes de gestion par une personne privée ?
B- La gestion par une personne privée
Le principal mode de gestion du service public par une personne privée est la
concession de service public. La concession de service public est le procédé par
lequel une personne publique, appelée autorité concédante ou concédant, confie

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à une personne privée, dénommée concessionnaire, l’exploitation d’un service
public moyennant une rémunération perçue sur les usagers. Par exemple en Côte
d’Ivoire, la distribution et la vente d’eau (SODECI) et le transport urbain (SOTRA).

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BIBLIOGRAPHIE

1-DEGNI-SEGUI René, Droit administratif général, Tome 1, 2 et 3 ;


2-KOBO Pierre Claver, Droit administratif général ;
3-LATH Yédo Sébastien, Droit administratif.

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