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Répertoire de droit civil

   Table des matières


   Bibliographie
   Généralités (1 - 32)
   Chapitre 1 - Ouverture de la succession (33 - 87)
o   Section 1 - Causes de l'ouverture de la succession (33 - 48)
   Art. 1 - Mort avérée (35 - 39)
   Art. 2 - Mort présumée (40 - 48)
   § 1 - Absence (41 - 45)
   § 2 - Disparition (46 - 48)
o   Section 2 - Date de l'ouverture de la succession (49 - 79)
   Art. 1 - Hypothèses d'absence et de disparition (53 - 56)
   Art. 2 - Hypothèse des comourants (57 - 79)
   § 1 - Ancienne théorie des comourants (60 - 65)
   § 2 - Nouvelles règles de dévolution (66 - 79)
o   Section 3 - Lieu de l'ouverture de la succession (80 - 87)
   Chapitre 2 - Capacité successorale (88 - 99)
o   Section 1 - Situation des personnes simplement conçues (93 - 97)
o   Section 2 - Situation des personnes nées mais non viables (98 - 99)
   Chapitre 3 - Indignité successorale (100 - 164)
o   Section 1 - Causes de l'indignité successorale (107 - 128)
   Art. 1 - Indignité de plein droit (110 - 118)
   Art. 2 - Indignité facultative (119 - 128)
   § 1 - Atteintes à l'intégrité corporelle du défunt (120 - 126)
   § 2 - Témoignage mensonger ou dénonciation calomnieuse contre le défunt (127 - 128)
o   Section 2 - Mode de réalisation de l'indignité successorale (129 - 142)
   Art. 1 - Reconnaissance de l'indignité (131 - 137)
   § 1 - Indignité de plein droit (131 - 133)
   § 2 - Indignité facultative (134 - 137)
   Art. 2 - Faculté de relèvement (138 - 142)
o   Section 3 - Effets de l'indignité successorale (143 - 164)
   Art. 1 - Effets généraux à l'égard des héritiers appelés à la place de l'indigne (146 - 156)
   Art. 2 - Effets particuliers à l'égarddes enfants de l'indigne (157 - 162)
   Art. 3 - Effets à l'égard des tiers (163 - 164)
   Chapitre 4 - Vocation du successible à l'hérédité (165 - 415)
o   Section 1 - Succession ordinaire (166 - 386)
   Art. 1 - Parents (172 - 291)
   § 1 - Unité de la filiation (176 - 239)
   § 2 - Division des successibles en ordres (240 - 259)
   § 3 - Division des ordres en degrés (260 - 262)
   § 4 - Représentation successorale (263 - 291)
   Art. 2 - Conjoint survivant (292 - 368)
   § 1 - Des droits successoraux du conjoint survivant avant l'entrée en vigueur de la loi
no 2001-1135 du 3 décembre 2001 (294 - 313)
   § 2 - Des droits successoraux du conjoint survivant depuis l'entrée en vigueur de la loi
no 2001-1135 du 3 décembre 2001 (314 - 368)
   Art. 3 - État, successeur irrégulier (369 - 386)
   § 1 - Nature du droit de l'État (372 - 379)
   § 2 - Exercice du droit de l'État (380 - 386)
o   Section 2 - Successions anomales (387 - 415)
   Art. 1 - Successions anomales constitutives d'un droit de retour (391 - 407)
   § 1 - Droit de retour légal des père et mère donateurs (392 - 397)
   § 2 - Droit de retour légal en cas de concours entre conjoint survivant et collatéraux
privilégiés (398 - 405)
   § 3 - Droit de retour légal en matière d'adoption simple (406 - 407)
   Art. 2 - Successions anomales non constitutives d'un droit de retour (408 - 415)
   Index alphabétique
   Actualisation

Succession (1o dévolution)

Raymond LE GUIDEC
Professeur à l'Université de Nantes

Gérard CHABOT
Maître de conférences à l'Université de Nantes

janvier 2009 (actualisation : août 2017)

Table des matières

Généralités, 1 - 32

Chapitre 1 - Ouverture de la succession, 33 - 87


Section 1 - Causes de l'ouverture de la succession, 33 - 48
Art. 1 - Mort avérée, 35 - 39
Art. 2 - Mort présumée, 40 - 48
§ 1 - Absence, 41 - 45
§ 2 - Disparition, 46 - 48
Section 2 - Date de l'ouverture de la succession, 49 - 79
Art. 1 - Hypothèses d'absence et de disparition, 53 - 56
Art. 2 - Hypothèse des comourants, 57 - 79
§ 1 - Ancienne théorie des comourants, 60 - 65
§ 2 - Nouvelles règles de dévolution, 66 - 79
Section 3 - Lieu de l'ouverture de la succession, 80 - 87

Chapitre 2 - Capacité successorale, 88 - 99


Section 1 - Situation des personnes simplement conçues, 93 - 97
Section 2 - Situation des personnes nées mais non viables, 98 - 99

Chapitre 3 - Indignité successorale, 100 - 164


Section 1 - Causes de l'indignité successorale, 107 - 128
Art. 1 - Indignité de plein droit, 110 - 118
Art. 2 - Indignité facultative, 119 - 128
§ 1 - Atteintes à l'intégrité corporelle du défunt, 120 - 126
§ 2 - Témoignage mensonger ou dénonciation calomnieuse contre le défunt, 127 - 128
Section 2 - Mode de réalisation de l'indignité successorale, 129 - 142
Art. 1 - Reconnaissance de l'indignité, 131 - 137
§ 1 - Indignité de plein droit, 131 - 133
§ 2 - Indignité facultative, 134 - 137
Art. 2 - Faculté de relèvement, 138 - 142
Section 3 - Effets de l'indignité successorale, 143 - 164
Art. 1 - Effets généraux à l'égard des héritiers appelés à la place de l'indigne, 146 - 156
Art. 2 - Effets particuliers à l'égard des enfants de l'indigne, 157 - 162
Art. 3 - Effets à l'égard des tiers, 163 - 164

Chapitre 4 - Vocation du successible à l'hérédité, 165 - 415


Section 1 - Succession ordinaire, 166 - 386
Art. 1 - Parents, 172 - 291
§ 1 - Unité de la filiation, 176 - 239
§ 2 - Division des successibles en ordres, 240 - 259
§ 3 - Division des ordres en degrés, 260 - 262
§ 4 - Représentation successorale, 263 - 291
Art. 2 - Conjoint survivant, 292 - 368
§ 1 - Des droits successoraux du conjoint survivant avant l'entrée en vigueur de la loi n o 2001-
1135 du 3 décembre 2001, 294 - 313
§ 2 - Des droits successoraux du conjoint survivant depuis l'entrée en vigueur de la loi n o 2001-
1135 du 3 décembre 2001, 314 - 368
Art. 3 - État, successeur irrégulier, 369 - 386
§ 1 - Nature du droit de l'État, 372 - 379
§ 2 - Exercice du droit de l'État, 380 - 386
Section 2 - Successions anomales, 387 - 415
Art. 1 - Successions anomales constitutives d'un droit de retour, 391 - 407
§ 1 - Droit de retour légal des père et mère donateurs, 392 - 397
§ 2 - Droit de retour légal en cas de concours entre conjoint survivant et collatéraux privilégiés,
398 - 405
§ 3 - Droit de retour légal en matière d'adoption simple, 406 - 407
Art. 2 - Successions anomales non constitutives d'un droit de retour, 408 - 415

Bibliographie

I. Succession en général

C. AUBRY et C. RAU, Droit civil français, t. 9, 6e éd. par ESMEIN, 1953, Éditions techniques, § 582 et s. ;
t. 10, 6e éd. par ESMEIN, 1954, Éditions techniques, § 635 et s. - R. BEUDANT etP. LEREBOURS-
PIGEONNIÈRE, Cours de droit civil français, t. 5, Rousseau et Cie. - P. CATALA, La réforme des
liquidations successorales (L. no 71-523 du 3 juill. 1971), préface J. CARBONNIER, 3e éd., 1982,
Defrénois. - M.-C. CATALA DE ROTON, Essai de contribution à une réforme des successions entre époux,
préface F. TERRÉ, 1990, Économica. - A. COLIN et H. CAPITANT, Cours élémentaire de droit civil français,
t. 3, 10e éd., par L. JULLIOT DE LA MORANDIÈRE, 1950, Dalloz, n os 860 et s., 1280 et s. - M. DAGOT et
A. PRÉCIGOUT, Le nouveau droit des successions, 1972, Litec. - F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, Rénover le
droit de la famille, Rapport, 1999, Doc. fr. - A. DELFOSSE et J.-F. PENIGUEL, La réforme des successions
et des libéralités, 2006, Litec. - Ph. DURNERIN, La notion de passif successoral, préface G. CORNU, 1992,
LGDJ. - J. FLOUR, Le passif successoral, 1956-1957, Les Cours de droit. - J. FLOUR et H. SOULEAU, Les
successions, 3e éd., 1991, A. Colin. - M.-C. FORGEARD, R. CRÔNE et B. GELOT, La réforme des
successions. Loi du 3 décembre 2001. Commentaire et formules, préface G. MORIN, 2002, Defrénois ; Le
nouveau droit des successions et des libéralités. Loi du 23 juin 2006. Commentaire et formules, préface
Ph. MALAURIE, 2007, Defrénois. - M. GRIMALDI, Successions, 6e éd., 2001, Litec. - M. GRIMALDI (sous la
dir. de), Droit patrimonial de la famille, 2008/2009, Dalloz Action. - D. GUEVEL, Successions et libéralités,
2008, LGDJ. - J. HAUSER et Ph. DELMAS SAINT-HILAIRE, La réforme successorale du 3 décembre 2001,
juill. 2003, Cridon Bordeaux-Toulouse. - J. HÉRAIL, La réforme des règlements successoraux, 1973,
Cridon-Ouest. - J. HÉRON, Le morcellement des successions internationales, préface P. MAYER, 1986,
Économica. - C. LESCA D'ESPALUNGUE, La transmission héréditaire des actions en justice, préface
M. GRIMALDI, 1992, PUF. - Ph. MALAURIE, Les successions. Les libéralités, 3 e éd., 2008, Defrénois. -
G. MARTY et P. RAYNAUD, Les successions et les libéralités, 1983, Sirey. - J. MAURY, Successions et
libéralités, 6e éd., 2007, Litec. - H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, t. 4, 2e vol.,
Successions-Libéralités, 5e éd., 1999, par L. et S. LEVENEUR, Montchrestien. - N. NICOLAIDES, Le droit à
l'héritage, 3e éd., 2007, Litec. - J. PICARD, Technique des successions et libéralités, préface P. CATALA,
1976, Litec. - M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t. 4, par J. MAURY et
H. VIALLETON, 1956, LGDJ. - A. PONSARD, Liquidations successorales : rapport, réduction, partage
d'ascendant (Commentaire de la loi du 3 juill. 1971), 1977, Sirey. - N. et F. RANSAN, Les successions,
aspects civils et fiscaux, 2 e éd., 1995, LGDJ. - C. RENAULT-BRAHINSKY, Droit des successions, 2002,
Gualino. - G. RIPERT et J. BOULANGER, Traité de droit civil, t. 4, 1950, LGDJ, nos 1462 et s., 2203 et s. -
F. SAUVAGE, Successions. Dévolution. Indivision. Partage. Fiscalité, 2007, Delmas. - A. SÉRIAUX, Les
successions. Les libéralités, 2e éd., 1993, PUF. - F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, Les successions. Les
libéralités, 3e éd., 1997, Précis Dalloz.
J. BRETHE DE LA GRESSAYE, Science et technique du droit successoral, Mélanges Voirin, 1966, LGDJ
p. 55 et s. - A. COLIN, Le droit de succession dans le code civil, Code civil 1804-2004, Livre du
centenaire, rééd. 2004, Dalloz, p. 295 et s. - R. DEMOGUE, Les transformations du droit des successions
et donations en France depuis 1804, Le droit civil français, Livre-souvenir des Journées du droit civil
français (Montréal, 31 août-2 sept. 1934), 1937, Sirey, p. 21 et s., 1936. - Ph. JESTAZ, La parenté, Rev.
dr. McGill, mai 1996, p. 387. - R. LE BALLE, L'influence des lois successorales sur le progrès social,
Journées de droit civil en hommage à H. Capitant, 1939, Sirey. - Ph. MALAURIE, Premières vues sur le
droit des successions et des libéralités, D. 1989. Chron. 99 ; Droit des successions, Gaz. Pal. 1989. 2.
Doctr. 323. - H. MÉAU-LAUTOUR, La transmission patrimoniale à cause de mort, D. 2000. Chron. 266-14 
. - PIRET, L'évolution du droit successoral français depuis 1804, Ann. dr. sc. politiques 1948, t.  9,
p. 107 et s. - Ph. RÉMY, Rapport sur le droit français des régimes matrimoniaux, des successions et des
libéralités, in Travaux Assoc. H. Capitant, t. XXXIX, 1990, Économica. - G. TEILLIAIS, La succession de
l'absent, JCP N 1997. Prat. 3924. - H. VIALLETON, Famille, patrimoine et vocation héréditaire en France
depuis le code civil, Mélanges J. Maury, 1960, Dalloz, t. 2, p. 576. - J.-F. VOUIN, L'égalité successorale et
la réforme du droit des successions, Mélanges Derruppé, 1991, GLN-Joly, p. 307 et s.

A. BARRÈRE, L'exhérédation et le fondement du droit successoral, thèse, Toulouse, 1949. -


M. BEAUBRUN, L'ordre public successoral, thèse, Paris II, 1979. - G. CHABOT, Des distorsions entre droit
civil et droit fiscal en droit successoral, thèse, Nantes, 1997. - P.-J. CLAUX, La continuation de la
personne du défunt par l'héritier, thèse, Paris, 1969. - S. HOVASSE-BANGET, La propriété littéraire et
artistique en droit des successions, thèse, Rennes I, 1990. - D. PERNEY, La nature juridique de la réserve
héréditaire, thèse, Nice, 1976. - G. PEYRARD, Le conjoint survivant. Étude critique de sa situation
patrimoniale, thèse, Lyon, 1975. - G. SIESSE, Contribution à l'étude de la communauté d'héritiers en
droit comparé, thèse, Paris, 1922. - H. SOUM, La transmission de la succession testamentaire, thèse,
Toulouse, 1957. - F.-X. TESTU, L'influence de la destination des biens sur leur transmission successorale,
thèse, Paris X, 1983. - A. TISSERAND, L'enfant adultérin, thèse, Strasbourg III, 1990. - E. VALLIER, Le
fondement du droit successoral en droit français, thèse, Paris, 1903.

Travaux du 72e Congrès des Notaires de France, La dévolution successorale, Deauville, 1975. - Travaux
du 95e Congrès des Notaires de France, Demain la famille, Marseille, 1999.

B. BEIGNIER, R. CABRILLAC et H. LÉCUYER (sous la dir. de), Droit patrimonial de la famille, Lamy. -
P. CATALA et Ph. SIMLER (sous la dir. de), J.-Cl. Civil Code, LexisNexis.

II. Bibliographies spécifiques

Réforme successorale du 3 décembre 2001 (genèse et études générales). - M. BEAUBRUN, Les


fondements du droit à l'héritage à l'épreuve de la recomposition de l'ordre successif par la loi du
3 décembre 2001, Mélanges J. Normand, 2003, Litec, p. 17. - B. BEIGNIER, La loi du 3 décembre 2001 :
dispositions politiques. Le droit des successions, entre droits de l'homme et droit civil, Dr. fam. 2002.
Chron. 3. - F. BELLIVIER et J. ROCHFELD, Loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001, RTD civ. 2002. 156. -
J. CASEY, Droit des successions : commentaire de la loi du 3 décembre 2001, RJPF 2002-1, p. 6
(1re partie), RJPF 2002-2, p. 6 (2e partie). - P. CATALA, La jeune fille et le mort, Dr. fam., déc. 1997,
p. 4 ; La réforme du droit des successions, Dr. et patr., févr. 1993, p. 43 ; Le problème du droit
successoral, Dr. fam., no hors série, déc. 2000, p. 34 ; Pour une réforme des successions, Defrénois
1999, art. 36964 ; La veuve et l'orphelin, Mélanges Soyer, 2000, LGDJ, p. 57 ; Proposition de loi relative
aux droits du conjoint survivant, JCP 2001. Actu. 861. - J. COMBRET et J.-F. PILLEBOUT, Le règlement
des successions depuis la loi du 3 décembre 2001, JCP N 2003. 158. - V. COSSIC, De l'ancienne à la
nouvelle loi relative aux droits du conjoint survivant et subsidiairement aux dispositions diverses à fins
successorales, RRJ 2002. 313. - M. DAGOT, L'esprit des réformes récentes du droit successoral, Mélanges
Marty, 1978, Université des sciences sociales de Toulouse, p. 305 ; L'usufruit légal du conjoint survivant
dans le projet de réforme du droit successoral, JCP N 1994. I. 233. - G. GRILLON, Réforme des droits
successoraux du conjoint survivant et des enfants adultérins et de diverses dispositions de droit
successoral, JCP 2001. Actu. 2233. - Y. LEQUETTE, La règle de l'unité de la succession après la loi du
3 décembre 2001 : continuité ou rupture ?, Études Ph. Simler, 2006, Litec-Dalloz, p. 167. - G. MORIN,
Pierre CATALA et le droit des successions, Mélanges P. Catala, 2001, Litec, p. 363. - F.-J. PANSIER,
Présentation de la loi adoptée le 21 novembre 2001 sur la réforme des droits successoraux du conjoint
survivant et de l'enfant adultérin, Gaz. Pal. 2001. Doctr. 1946. - A. RAISON, Le projet de loi sur la
réforme des successions, Journ. not. 1989, art. 59746. - Ph. RÉMY, Les droits du conjoint survivant dans
le projet de réforme des successions. Regards sur la lex ferenda, Mélanges G. Cornu, 1994, PUF, p. 377. -
S. ROBINNE, De quelques interrogations en droit des successions depuis la loi du 3 décembre 2001, Dr.
et patr., déc. 2002, p. 24. - F. SAUVAGE, La réforme du droit des successions enfin adoptée, JCP N
2001. 1727 ; Les dispositions de la réforme des successions immédiatement applicables par la pratique
notariale, Bull. Cridon-Paris, 1er-15 déc. 2001, II, 265. - B. THOMAS-DAVID, La réforme des droits du
conjoint survivant en présence de descendants et le maintien de l'utilité des dispositions pour cause de
mort entre époux, JCP N 2002. 1242.

Réforme successorale du 23 juin 2006 (genèse et études générales). - D. ARTEIL, L'ascendant dans le
nouveau droit des successions et des libéralités, Defrénois 2007. 477, art.  38564. - B. BEIGNIER, Le
projet de réforme du droit des successions et des libéralités, RLDC 2006/25 (suppl.). 1066, p. 31 ;
Successions : une révolution ? Non, une réforme, RLDC 2006/33 (suppl.). 2336, p. 5. - J. CASEY,
Commentaire de la réforme des successions, RJPF 2006-10, p. 6 et RJPF 2006-11, p. 6. - P. CATALA, La
loi du 23 juin 2006 et les colonnes du temple, Dr. fam., nov. 2006, p.  5. - F. CHAVANAT, Successions :
premiers commentaires du décret du 23 décembre 2006, AJ fam. 2007. 26   ; Le droit de retour, une
pratique oubliée, RLDC 2008/55.3232, p. 51. - V. COSSIC, Libres propos sur la loi portant réforme des
successions et des libéralités, RLDC 2006/29. 2154, p. 49. - M. GRIMALDI, Présentation de la loi du
23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, D. 2006. Chron. 2551  . - H. LÉCUYER,
La réforme des successions et des libéralités, RLDC 2007/37 (suppl.). 2430, p. 68. - N. LEVILLAIN, Loi du
23 juin 2006 : principales nouveautés relatives aux successions, JCP N 2006. Actu. 446. - R. LE GUIDEC,
La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, vue panoramique, JCP 2006. I.
160. - A. LE STER, Réforme des successions, vers une meilleure transmissibilité des patrimoines  ?, RLDC
2005/19. 792. - Ph. MALAURIE, Examen critique du projet de loi portant réforme des successions et des
libéralités, Defrénois 2005. 1963, art. 38298. - F.-J. PANSIER, Présentation synthétique de la réforme, AJ
fam. 2006. 308  . - D. VIGNEAU, Le règlement de la succession. Observations sur le projet de loi
portant réforme des successions et des libéralités, JCP N 2006. 1144 ; Les nouvelles règles de dévolution
successorale, D. 2006. Chron. 2556  .

Capacité et indignité successorales. - M.-P. BAUDIN-MAURIN, Être ou ne pas être (à propos de la


modification de l'article 725 du code civil par la loi n o 2001-1135 du 3 décembre 2001), D. 2002, Point de
vue 1763  . - V. BRÉMOND, Indignité et droit transitoire : à propos de l'article 25-II-3 o de la loi du
3 décembre 2001, JCP N 2002. 1541. - I. CORPART, Les difficultés liées à la constatation des décès après
la loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001, JCP N 2002. 1483. - Ph. DAVIAUD, La nouvelle indignité
successorale. Loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001, D. 2002. Chron. 1856  . - N. LEVILLAIN, Le
rapport de la succession reçue en lieu et place de l'indigne, JCP N 2006. 1099. - J.-G. MAHINGA, Les
avantages matrimoniaux à l'épreuve de l'indignité successorale, RLDC 2007/36. 2461, p. 48.

Fente successorale. - E. BERRY, Du sort de la fente entre ascendants privilégiés et ordinaires après la loi
du 3 décembre 2001, JCP N 2004. 1527.

Représentation successorale. - E. BERRY-BERTIN, La représentation du renonçant : quelle représentation


et quelle renonciation ?, RLDC 2006/33. 2340, et 2007/34. 2373. - S. GAUDEMET, La représentation
successorale au lendemain de la loi du 23 juin 2006, Defrénois 2006, art. 38447. - M. GRIMALDI, La
représentation de l'héritier renonçant, Defrénois 2008. 25, art. 38698. - J.-P. MARGUENAUD, Les droits
successoraux de l'enfant adultérin au regard des dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001,
Defrénois 2008. 1554, art. 38808.

Enfant adultérin. - P. GOURDON, Quelques observations sur l'évolution du régime successoral des enfants
adultérins et ses conséquences imprévues, JCP N 2001. 1647 ; Suppression des discriminations
successorales touchant les enfants adultérins : les risques insoupçonnés de l'application rétroactive de la
loi, JCP N 2002. 1025.

Enfant adopté simple. - V. DAVID-BALESTRIERO, La succession de l'adopté (adopté simple) après la loi du
23 juin 2006, Defrénois 2007. 1085, art. 38630.

Droits du conjoint en général. - F. AUMONT, Réforme des droits du conjoint survivant : une loi attendue !,
JCP N 2001. 651. - M. BEAUBRUN, Droits du conjoint survivant : une réforme pour le plaisir, Defrénois
2001, art. 37386. - B. BEIGNIER, La loi du 3 décembre 2001 : le conjoint héritier, Dr. fam. 2002. Chron.
8. - F.-F. BONNART, Réflexions sur le projet de réforme sur les droits du conjoint en matière
successorale, LPA 21 juill. 1993, p. 21. - P. CATALA, J.-Cl. Civil Code, Art. 756 à 767, fasc. 10,
Successions. Droits du conjoint successible. Nature, Montant, exercice. - I. CORPART, L'amélioration de la
protection post mortem des conjoints par la loi n o 2001-1135 du 3 décembre 2001, D. 2002. Chron.
2952  . - M. DAGOT, Le conjoint survivant, héritier réservataire ?, D. 1974. Chron. 39. - S. FERRÉ-
ANDRÉ, Des droits supplétifs et impératifs du conjoint survivant dans la loi du 3  décembre 2001 (analyse
raisonnée de quelques difficultés), Defrénois 2002, art. 37572. - G. GOUBEAUX, Réforme des
successions : l'inquiétant concours entre collatéraux privilégiés et conjoint survivant, Defrénois 2002,
art. 37519. - G. GRILLON, Les nouveaux droits successoraux du conjoint, JCP 2002. I. 133. -
M. GRIMALDI, Droits du conjoint survivant : brève analyse d'une loi transactionnelle, AJ fam. 2002. 48 
. - Th. KERAVEC et E. MALLET, Réforme des successions : les droits du conjoint survivant et des enfants
adultérins, JCP N 2002. 117. - L. LEVENEUR, Pour le droit de retour de l'article 757-3 du code civil, avec
quelques améliorations, Études Ph. Simler, 2006, Litec-Dalloz, p. 184. - N. LEVILLAIN, Les nouveaux
droits ab intestat du conjoint survivant, JCP N 2002. 1163. - R. LIBCHABER, Les droits nouveaux du
conjoint survivant, BIM Lefebvre 2/02, p. 31. - B. LOTTI, La protection du conjoint survivant depuis la loi
du 3 décembre 2001, RRJ 2003. 775. - M. MATHIEU, La vocation légale du conjoint survivant en présence
d'enfants ou de descendants, JCP N 2002. 1192. - A.-D. MERVILLE, La réforme du statut du conjoint
survivant par la loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001 : le conjoint est-il un membre à part entière de la
famille ?, JCP 2002. I. 186. - C. PELLETIER, Bref aperçu des droits du conjoint survivant après la loi du
3 décembre 2001, D. 2002. Chron. 2280  . - G. PEYRARD, Conjoint survivant : une réforme
successorale inutile, D. 2001. Point de vue 3539  . - S. POUDEROUX, Réflexions sur les gains de survie
légaux, JCP N 1993. I. 127. - B. RENAUD, Droits du conjoint survivant : conséquences pratiques pour le
notariat de la loi du 3 décembre 2001, AJ fam. 2002. 54  . - J.-F. SAGAUT, Les vocations légales
viagères du conjoint survivant, AJ fam. 2004. 175  . - F. SAUVAGE, Brèves remarques sur la vocation
successorale des épouses d'un mari polygame depuis la loi du 3 décembre 2001, Defrénois 2003,
art. 37838.

Droit au logement. - B. BEIGNIER, La loi du 3 décembre 2001 : achèvement du statut du logement


familial, Dr. fam. 2002. Chron. 5. - A. BOITELLE, Droit au logement du conjoint survivant et donation
entre époux : jusqu'où aller ?, JCP N 2003. 1638. - V. BRÉMOND, Nouveaux droits locatifs du conjoint
survivant, LPA 30 juill. 2002. - P. CATALA, J.-Cl. Civil Code, Art. 756 à 767, fasc. 20, Successions. Des
droits au logement. - J.-P. GARÇON, Le droit au logement du conjoint survivant en cas de détention
indirecte de la résidence principale, JCP N 2002. 1402. - N. LEVILLAIN, Le droit au logement temporaire
du conjoint survivant, JCP N 2002. 1440 ; Le droit viager au logement du conjoint survivant, JCP N
2003. 1043. - M. MONTEILLET-GEFFROY, L'attribution préférentielle du logement conjugal, JCP N
2002. 1649. - S. PIEDELIÈVRE, Droit au logement du conjoint survivant, Mélanges Decottignies, 2003, PU
Grenoble, p. 269. - F. SAUVAGE, Le logement de la veuve, Dr. et patr. 2003, n o 111, p. 32. -
F. VAUVILLÉ, Les droits au logement du conjoint survivant, Defrénois 2002. 1277.

Droit à pension. - C. TOURNIER, La place de la faute du conjoint survivant au regard de ses droits
successoraux ou alimentaires, LPA 5 févr. 2003, no 26, p. 4 et s.

Exercice des droits successoraux du conjoint survivant. - A. BOITELLE, Les droits légaux en usufruit du
conjoint survivant : sur quels biens ?, JCP N 2003. 1435. - R. CRÔNE, Conversion en rente viagère du
droit d'usufruit légal d'un conjoint survivant après la loi du 3 décembre 2001, Defrénois 2002. 1294. -
C. JUBAULT, L'exercice de l'usufruit ab intestat du conjoint survivant (le retour de la masse d'exercice),
Dr. fam. 2003. Chron. 24. - H. MAZERON-GABRIEL, Le conjoint successible : un héritier comme les
autres ?, JCP N 2003. 1215.

Vocation légale du conjoint survivant et libéralités entre époux. - B. BEIGNIER et M. NICOD, Donations
entre époux : d'un droit à l'autre…, Defrénois 2005, art. 38104. - A. BOITELLE, L'articulation des droits
légaux avec les droits conventionnels du conjoint survivant, JCP N 2003. 1243 ; L'option du conjoint
survivant, JCP N 2003. 1560. - G. CHABOT, Brèves observations sur l'insertion d'une clause
d'exhérédation dans une donation entre époux, LPA 8 janv. 2004. - J. COMBRET et J.-F. PILLEBOUT,
Donation entre époux et testament après la loi du 3 décembre 2001, JCP N 2003. 1376. - B. DESFOSSÉ,
Nouveaux droits du conjoint survivant : petits ajouts sur le cumul, LPA 2003, n o 107, p. 8. - D. GILLES,
Les nouveaux droits ab intestat du conjoint survivant à l'épreuve de la volonté du disposant, JCP N
2003. 1593. - J. HAUSER et Ph. DELMAS SAINT-HILAIRE, Vive les libéralités entre époux !, Defrénois
2003. 3 ; Les quotités disponibles et la loi du 3 décembre 2001, Defrénois 2003. 739. - J. HUGOT et J.-
F. PILLEBOUT, L'intérêt actuel des donations entre époux, ibid. 2002. 1519. - C. JUBAULT, Combinaison
et cumul des libéralités entre époux avec la vocation successorale ab intestat du conjoint survivant,
Defrénois 2004. 81. - M. MATHIEU, Libéralités de biens à venir au profit du conjoint survivant : rapport et
imputation, JCP N 2003. 1355 ; Conjoint survivant. Droit légal en propriété et libéralités rapportables : les
pouvoirs du disposant, JCP N 2003. 1624. - Ph. POTENTIER, La nouvelle donation entre époux, Defrénois
2003. 1521. - E. PRIEUR, La place de la liberté face aux nouveaux droits du conjoint survivant, JCP N
2003. 1026. - S. PRIGENT, Les limites de la quotité disponible entre époux : réponse ministérielle du
3 mars 2003, Dr. fam. 2003. Chron. 33. - B. THOMAS-DAVID, La réforme des droits du conjoint survivant
en présence de descendants et le maintien de l'utilité des dispositions pour cause de mort entre époux,
JCP N 2002. 1242. - D. VIGNEAU, Donations entre époux : quel droit ?, D. 2005. Point de vue, 980  . -
V. ZALEWSKI, L'imputation des libéralités faites au conjoint survivant sur ses droits légaux, Defrénois
2007. 1184, art. 38638.

Acte de notoriété. - J. CASEY, Preuves en droit de la famille : preuve et droit des successions, AJ fam.
2008. 10  . - M. DAGOT, De la preuve de la qualité d'héritier, JCP N 2002. 1221 ; Nouvelles notoriétés :
loi du 3 décembre 2001, JCP N 2002. 1268. - L.-C. HENRY, Le régime de l'acte de notoriété selon la
jurisprudence récente, RTD civ. 1994. 11. - B. NUYTTEN, Preuve non contentieuse de la qualité d'héritier,
JCP N 2000. 11. - J. PICARD, L'acte de notoriété, preuve de la qualité d'héritier. Loi du 3 décembre 2001,
JCP N 2002. 1309 ; L'acte de notoriété : observations rédactionnelles, JCP N 2002. 1391. - J.-
F. PILLEBOUT, La nouvelle notoriété, JCP N 2002. 1584.

Droit transitoire (lois du 3 déc. 2001 et du 23 juin 2006). - V. BRÉMOND, Les dispositions transitoires de
la loi du 3 décembre 2001, JCP N 2002. 1375. - Ph. DELMAS SAINT-HILAIRE, Réforme des successions.
Examen d'une difficulté de droit transitoire : l'action en retranchement, Defrénois 2002. 153,
art. 37473. - M.-C. FORGEARD, Remarques sur les dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001,
Defrénois 2002. 1195. - C. JUBAULT, Contribution à l'étude théorique et pratique de l'article 25 de la loi
du 3 décembre 2001, Defrénois 2003. 275, art. 37679. - J.-P. MARGUÉNAUD et B. DAUCHEZ, Les
dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001 à l'épreuve de la CEDH, Defrénois 2002. 1366. -
M. NICOD, Les dispositions transitoires et interprétatives de la loi du 23 juin 2006, D. 2006. Chron. 2587 
.

Fiscalité successorale. - O. DEBAT, L'imposition des droits du conjoint survivant par les droits
d'enregistrement, Dr. fam. 2003. Chron. 25. - A. DELFOSSE, Les nouveaux droits du conjoint survivant
(analyse de l'instruction fiscale), JCP N 2003. 1344. - A. DELFOSSE et J.-F. PENIGUEL, Loi pour le travail,
l'emploi et le pouvoir d'achat (TEPA). Présentation des nouvelles mesures fiscales, JCP N 2007. 1252. -
C. DELORY etF. FRULEUX, Aspects fiscaux de la loi du 3 décembre 2001 : les nouvelles règles de
dévolution successorale, JCP N 2002. 1523. -A. DEPONDT, Droits successoraux du conjoint survivant :
l'instruction du 7 avril 2003, Dr. et patr. 2003, no 115, p. 24. - A. DEPONDT etP. BRELIER, Droits du
conjoint survivant et des enfants adultérins. Aspects fiscaux de la réforme du 3 décembre 2001,
BF Lefebvre, 5/02, p. 329. - F. DOUET, Les aspects fiscaux de la réforme des droits du conjoint survivant
(commentaire de l'instruction du 7 avr. 2003), Defrénois 2003. 897 ; Droit viager du conjoint survivant et
paiement différé des droits de succession. Commentaire de l'instruction du 10 juin 2003, Defrénois
2003. 1140. - F. FRULEUX, La loi TEPA et les droits de mutation à titre gratuit. Nouvel allègement,
nouvelles stratégies, JCP N 2007. 1272 et 1283 ; Fiscalité de la réforme des successions et des libéralités.
Éclaircissements, incertitudes et actualisation, JCP N 2008. 1171. - B. GELOT, Nouveaux aspects de la
fiscalité successorale au lendemain de la loi du 21 août 2007, Defrénois 2008. 36, art. 38699. -
M. GONZALEZ, Deux instructions commentent les conséquences fiscales de la réforme des droits du
conjoint survivant, RJPF 2003-7-8/41. - L. LADOUX, Réforme des successions et des libéralités : le point
sur les conséquences fiscales, RLDC 2008/45. 2831, p. 49. - R. LE GUIDEC, LoiTEPA et transmission :
incidences de la nouvelle fiscalité sur les techniques civiles de transmission, Rev. notaires 2008/33, p. 4.
Généralités

1. Définitions. - La succession est la transmission du patrimoine laissé par une personne décédée  : c'est
donc un mode d'acquisition par décès et à titre universel. En un autre sens, la succession est le
patrimoine ainsi transmis. On le désigne alors également des noms d'héritage ou d'hérédité. Il y a deux
sortes de successions. Les unes sont dévolues par la loi : ce sont les successions ab intestat ou
successions légales. Les autres sont dévolues par un acte volontaire du défunt, le testament, duquel il
faut rapprocher l'institution contractuelle ou donation de biens à venir (V.  Donation par contrat de
mariage, Donation entre époux).

2. Que la succession soit légale ou testamentaire, la personne dont la succession est ouverte est
couramment appelée de cujus : is de cujus successione agitur. L'expression a naguère été inscrite dans la
loi (C. civ., anc. art. 767, réd. L. 9 mars 1891). Les successibles ou héritiers présomptifs sont les
individus appelés par la loi à recueillir une succession, les héritiers ceux qui la recueillent effectivement  ;
en pratique, on prend parfois abusivement le mot héritier dans le sens de successible. Les individus qu'un
testament appelle à une succession portent le nom de légataires.

3. Fondement du droit de succession. - L'importance théorique du droit successoral n'est pas moindre que
son importance économique. Elle apparaît lorsqu'on recherche le fondement du droit de succession
(E. VALLIER, Le fondement du droit successoral en droit français, thèse, Paris, 1903 ; V. aussi
A. BARRÈRE, L'exhérédation et le fondement du droit successoral, thèse, Toulouse, 1949). Ce droit n'est
guère autre chose que l'effet produit par la propriété et les autres droits patrimoniaux après le décès de
leur titulaire, l'idée de continuation de la personne du défunt par les héritiers ne rendant que
partiellement compte de la réalité du droit de succession (V. sur la question : P.-J. CLAUX, La
continuation de la personne du défunt par l'héritier, thèse, Paris, 1969). Sa nature dépend donc, de la
façon la plus étroite, de la conception que l'on se fait de la propriété et des autres droits patrimoniaux
(V. sur la relation complexe entre droit successoral et droit des biens : F.-X. TESTU, L'influence de la
destination des biens sur leur transmission successorale, thèse, Paris X, 1983). Ainsi, le droit de
succession, largement placé sous l'emprise d'un ordre public qui lui demeure spécial (M. BEAUBRUN,
L'ordre public successoral, thèse, Paris II, 1979), sera entendu de façon différente selon que l'on verra
dans la propriété une liberté individuelle fondamentale, le droit d'une famille plutôt que d'un individu, une
concession faite par un suzerain à un vassal en vue de permettre à celui-ci de se consacrer au métier des
armes, ou encore une rétribution accordée par la société à ses membres à la mesure de leurs œuvres ou
de leurs besoins (M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t. 4, par J. MAURY et
H. VIALLETON, 1956, LGDJ, no 1 ; R. BEUDANT et P. LEREBOURS-PIGEONNIÈRE, Cours de droit civil
français, t. 5, Rousseau et Cie, no 62 ; G. RIPERT et J. BOULANGER, Traité de droit civil, t. 4, 1950, LGDJ,
no 1472 et s.). Quoique le droit positif ne puisse jamais s'inspirer exclusivement de considérations
théoriques et que le régime successoral ait toujours subi l'influence des mœurs et des traditions, il sera
possible de vérifier en quelque mesure ces observations en parcourant les systèmes révélés par l'Histoire
ou le droit comparé.

4. Éléments d'ordre historique : Antiquité et Ancien droit. - À Rome, la succession testamentaire était,
dès l'époque de la Loi des XII Tables, considérée avec plus de faveur que la succession ab intestat : cette
dernière ne s'ouvrait qu'à défaut d'une institution d'héritier. Divers systèmes de dévolution légale des
successions furent consacrés au cours de l'évolution du droit romain. Le plus ancien, celui de la Loi des
XII Tables, conserve, avec la catégorie des heredes sui et celle des agnats, des traces d'un régime inspiré
par l'idée de copropriété familiale. En revanche, dans les systèmes qui suivirent, des bonorum
possessiones prétoriennes et surtout des Novelles 118 et 127 de JUSTINIEN, les biens sont déférés selon
la proximité de la parenté par le sang, c'est-à-dire, en somme, dans l'ordre des affections probables du
défunt (P.-F. GIRARD, Manuel élémentaire de droit romain, 6 e éd., 1918, p. 804 et s., 855 et s., 883
et s. ; CUQ, Manuel des institutions juridiques des Romains, 1917, p. 677 et s., 717 et s. ; MONIER,
Manuel élémentaire de droit romain, 6e éd., t. 1, 1947, nos 321 et s., 340 et s., 356 et s.).

5. Les anciens Germains, au témoignage de TACITE, ne connaissaient pas le testament (Germanie, ch.
20). Plus tard, l'utilisation de l'affatomie permit peut-être aux individus de transmettre leurs biens au
successeur de leur choix, mais la première place appartint toujours à la dévolution coutumière de la
succession. Cette dévolution obéissait à des règles complexes qui, dans le droit du premier siècle comme
en droit franc développé, supposaient la division de la succession en plusieurs masses  : les immeubles
allaient aux membres mâles de la famille agnatique, ce qui répond probablement à l'idée que la propriété
de ces biens avait un caractère familial ; les meubles passaient aux plus proches parents par le sang, ce
qui constitue une concession à l'idée que la dévolution des biens doit suivre l'ordre des affections
présumées du défunt (F. PELTIER et G.-H. BOUSQUET, Les successions agnatiques mitigées. Étude
comparée du régime successoral en droit germanique et en droit musulman, 1935).

6. Le système des Novelles 118 et 127 de JUSTINIEN fut reçu en pays de droit écrit à partir du XII e siècle
(M. JARRIAND, Histoire de la Novelle 118 dans les pays de droit écrit, thèse, Paris, 1889 ; L. FABRE, Les
successions testamentaires et ab intestat en pays de droit écrit depuis JUSTINIEN jusqu'en 1789, thèse,
Toulouse, 1930 ; L. SIGARET, Essai sur l'histoire de la dévolution successorale ab intestat du Ve au
Xe siècle dans les pays de l'ancienne Gaule romaine, thèse, Dijon, 1951). En pays de coutumes,
s'appliquait, avec des nuances multiples et parfois subtiles, un système analogue dans son principe à celui
du droit germanique, mais devenu beaucoup plus complexe. La succession ab intestat régnait sans
conteste et il n'y avait d'héritiers que ceux qui étaient désignés par la coutume : Deus solus heredem
facere potest ; tout au plus admettait-on l'institution d'héritier dans le contrat de mariage. Les principes
coutumiers de dévolution obligeaient à distinguer les biens en plusieurs catégories suivant leur nature et
leur origine ; il fallait considérer au moins trois masses de biens : les propres paternels, les propres
maternels et les acquêts. Les propres allaient aux parents de la ligne de laquelle ils provenaient, les
acquêts aux plus proches parents par le sang. D'autres distinctions étaient souvent nécessaires,
notamment lorsque intervenaient des règles de caractère féodal (Ch. LEFEBVRE, L'ancien droit des
successions. Cours de doctorat sur l'histoire du droit civil français, 2 vol., 1912 et 1918 ; J. BRISSAUD,
Manuel d'histoire du droit français, t. 2, 1904, p. 1520 et s. ; P. VIOLLET, Histoire du droit civil français
accompagnée de notions de droit canonique et d'indications bibliographiques, 1905, 3 e éd., p. 874 et s. ;
E. MEYNIAL, Du rôle joué par la doctrine et par la jurisprudence dans l'œuvre d'unification du droit en
France, depuis la rédaction des coutumes jusqu'à la Révolution, en particulier dans la succession aux
propres, Congrès de droit comparé, Paris, 1900, t. 1, p. 269 et s. ; O. MARTIN, Histoire de la coutume de
la prévôté et vicomté de Paris, t. 1, 1922, p. 232 et s., 300 et s., 344 et s., et t. 2, 1926, p. 367 et s. ;
P. LEFEBVRE, Le droit commun des successions d'après les coutumes rédigées et la jurisprudence du
Parlement de Paris, thèse, Paris, 1911 ; E. VALLIER, thèse préc. ; R. BESNIER, La représentation
successorale en droit normand, thèse, Caen, 1929 ; L. SIGARET, thèse préc.).

7. Éléments d'ordre historique : Révolution française. - La Révolution créa, en matière successorale, un


régime nouveau. La Constituante avait élaboré un vaste plan qu'elle commença à peine à exécuter en
abolissant les privilèges d'aînesse et de masculinité par les décrets des 15 mars 1790 (Jur. gén., Vo
Succession, p. 151) et 8 avril 1791 (ibid.). Il revint à la Convention d'instituer, par divers textes, un
régime successoral nouveau. Le plus important de ces textes est le célèbre décret des 17-21 nivôse an II
(Jur. gén., Vo Succession, p. 152). Ce décret réduisait à peu de choses la faculté de tester : les individus
peuvent disposer du dixième de leurs biens s'ils ont des descendants, et du sixième s'ils n'en ont pas. La
dévolution légale a, de la sorte, une importance prépondérante et se fait en une masse unique selon un
système original, quoique ayant de lointains précédents, et tendant à favoriser les jeunes générations. Le
décret de nivôse marque, en la matière, le point culminant de la législation révolutionnaire qui revient,
après lui, à des règles moins novatrices (Ph. SAGNAC, La législation civile de la Révolution française,
thèse lettres, Paris, 1898 ; G. ARON, Étude sur les lois successorales de la Révolution française depuis
1789 jusqu'à la promulgation du code civil, Nouv. Rev. historique du droit 1901. 444 et s., 585 et s., et
1903. 673 et s. ; A. DEJACE, Les règles de la dévolution successorale sous la Révolution [1789-1794],
1957).

8. Avènement du code civil de 1804. - Le code civil n'a pas fait ici œuvre originale ; il s'est efforcé de
réaliser une transaction entre les divers systèmes antérieurs. Au droit coutumier, il paraît avoir emprunté
sa préférence pour la dévolution ab intestat, puisque, s'il parle parfois d'institution d'héritier, son article
1002 déclare qu'il n'y faut voir qu'un legs. Le droit romain a inspiré davantage les dispositions du code  :
de lui vient la dévolution de la succession en une masse unique ; les Novelles de JUSTINIEN sont à
l'origine de la dévolution des biens conformément aux affections présumées du défunt. Quant au droit
révolutionnaire, on en a surtout retenu que le même régime successoral doit s'appliquer sur tout le
territoire (A. COLIN, t. 1, p. 295 et s. ; C. AUBRY et C. RAU, Droit civil français, t. 9, 6e éd. par ESMEIN,
1953, Éditions techniques, § 588 ; M. PLANIOL et G. RIPERT, op. cit., t. 4, nos 1 et s. ; R. BEUDANT et
P. LEREBOURS-PIGEONNIÈRE, op. cit., t. 5, nos 86 et s. ; A. COLIN et H. CAPITANT, Cours élémentaire de
droit civil français, t. 3, 10e éd., par L. JULLIOT DE LA MORANDIÈRE, 1950, Dalloz, no 867 ; E. VALLIER,
thèse préc. ; FILDERMANN, La nature juridique de la transmission par décès et la succession des parents
légitimes, thèse, Paris, 1909 ; A. BARRÈRE, thèse préc.).

9. Le caractère transactionnel de l'œuvre du code civil en matière successorale laisse planer quelque
incertitude sur la position de notre loi devant certaines grandes questions théoriques. Ainsi, et comme il
vient d'être dit (V. supra, no 8), les textes, dont la rédaction est influencée par la tradition coutumière,
semblent donner le pas à la succession ab intestat sur la succession testamentaire. Cependant, la place
laissée à la succession testamentaire est large. D'autre part, on peut se demander si les expressions
légales répondent bien au fond des institutions : comme on l'a écrit (R. BEUDANT et P. LEREBOURS-
PIGEONNIÈRE, op. cit., t. 5, no 88), les légataires universels ou à titre universel ne sont-ils pas devenus
des successeurs in universum jus, comme les héritiers et successeurs, représentant alors ce qu'on
appelait jadis les héritiers institués, de telle sorte que le code aurait emprunté aux coutumes leur
vocabulaire, mais au pays de droit écrit le fond des choses ? Peut-être le mieux est-il d'admettre qu'il
n'existe pas de hiérarchie marquée entre les deux modes de succession, qui, placés sur le même plan, ont
des domaines d'application distincts (comp. H. VIALLETON, Annuario di diritto comparato e di studi
legislativi, 1913. 1. 299 ; C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 582, 583 et 589 ; M. PLANIOL et
G. RIPERT, op. cit., t. 4, no 4).

10. Le même caractère transactionnel du code civil apparaît lorsqu'on se demande selon quelle idée a été
réglée la dévolution des successions ab intestat. Assurément, la considération essentielle est celle de la
volonté probable du défunt : la succession suivra l'ordre des affections présumées du défunt. L'idée est
d'ailleurs féconde, puisque le désir de laisser des biens à ceux qu'il aime est pour l'individu un puissant
stimulant de l'activité et de l'esprit d'économie. Mais cette considération n'est pas exclusive  : le code civil
de 1804 admet largement la réserve héréditaire, c'est-à-dire l'existence de biens qui doivent
nécessairement être dévolus à certains parents proches. Il faut donc faire encore une place à l'idée d'un
droit de la famille sur les biens des individus. On peut admettre que tout individu a un certain devoir de
laisser une part de ses biens à sa famille ; ce devoir est ténu s'il s'agit de parents éloignés ; il se précise
au fur et à mesure que s'accroît la proximité du lien familial. Lorsqu'il s'agit de parents très proches, ce
devoir est assez fort pour que lui corresponde un véritable droit des parents à la succession.

11. Structuration du droit successoral dans le code civil. - Les successions ab intestat et les successions
testamentaires présentent de nombreux points communs. Néanmoins, les rédacteurs du code civil, fidèles
à cet égard aux traditions coutumières, les distinguent nettement. L'article 711 oppose la succession à la
donation entre vifs ou testamentaire. Les deux premiers titres du livre III du code ont respectivement
pour intitulés « Des successions » et « Des donations entre vifs et des testaments ». Ainsi, le code civil,
généralement suivi par la pratique, réserve la dénomination de successions aux successions ab intestat et
régit les transmissions testamentaires avec les donations et non avec les successions ab intestat. La
même méthode sera suivie ici, la présente étude devant être exclusivement relative aux successions ab
intestat (pour les successions testamentaires V. not. Legs, Testament).

12. Dans son état actuel, le code civil consacre aux successions, ainsi qu'il vient d'être dit, le titre I er de
son livre III, qui renferme les articles 720 à 892. Mais la présente étude aura pour seul objet la dévolution
successorale, tandis que la transmission et la liquidation de la succession feront l'objet de rubriques
distinctes (V. Succession [2o transmission], Succession [3 o liquidation et règlement du passif
héréditaire]). Les textes qui gouvernent la dévolution de la succession ont subi depuis 1804 nombre de
modifications, tantôt ponctuelles, tantôt de plus vaste ampleur, à l'image des réformes dernièrement
opérées par la loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001 (JO 4 déc., D. 2001. 3593), relative aux droits du
conjoint survivant et des enfants adultérins, et modernisant diverses dispositions de droit successoral, et
la loi no 2006-728 du 23 juin 2006, portant réforme des successions et des libéralités (JO 24 juin).

13. Réformes du code civil antérieures à la loi du 3 décembre 2001. - Au titre des réformes antérieures à
la loi du 3 décembre 2001, les lois qui ont modifié les textes qui nous intéressent sont : la loi du 14 juillet
1819 (Jur. gén., Vo Succession, p. 179), relative à l'abolition du droit d'aubaine et de détraction ; la loi du
31 mai 1854 (DP 1854. 4. 91), portant abolition de la mort civile ; les lois des 9 mars 1891 (DP 1891. 4.
17), 3 avril 1917 (DP 1919. 4. 281), 29 avril 1925 (DP 1926. 4. 15), 3 décembre 1930 (DP 1931. 4. 65),
26 mars 1957 (no 57-379, D. 1957. 289) et 13 juillet 1963 (no 63-699, D. 1963. 228) et l'ordonnance du
23 décembre 1958 (no 58-1307, D. 1959. 112), qui ont progressivement contribué au développement des
droits successoraux du conjoint survivant ; la loi du 25 mars 1896 (DP 1896. 4. 26), qui a amélioré la
condition de l'enfant naturel, et la loi 3 janvier 1972 (no 72-3, D. 1972. 51), qui l'a en principe, mais
imparfaitement, assimilée à celle de l'enfant légitime ; la loi de finances du 31 décembre 1917 (DP
1918. 4. 1), dont l'article 17 a ramené en principe au sixième le degré successible. On citera encore la loi
du 18 février 1938 (DP 1939. 4. 1), qui a fait subir un léger changement à l'article 776 à l'occasion de la
suppression de l'incapacité de la femme mariée et l'ordonnance du 24 octobre 1958 (no 58-1007,
D. 1958. 366) concernant la déshérence et la vacance des successions.
14. Les réformes ci-dessus évoquées ont eu, principalement, pour objet : 1o le développement du droit
successoral du conjoint survivant, alors appelé à recueillir à tout le moins un usufruit, mais succédant en
propriété à défaut de descendants, d'ascendants ou de collatéraux privilégiés, non seulement dans la
famille, mais dans l'une des lignes de la famille (L. 9 mars 1891, 3 avr. 1917, 29 avr. 1925, 3 déc. 1930,
26 mars 1957, 13 juill. 1963, et Ord. 23 déc. 1958, préc.) ; 2o l'amélioration du droit successoral de
l'enfant naturel (L. 25 mars 1896, préc.) et même l'assimilation de principe de l'enfant naturel à l'enfant
légitime du point de vue héréditaire (L. 3 janv. 1972, préc.) ; 3o la limitation, au sixième degré en
principe, du droit de succéder en ligne collatérale, que le code civil reconnaissait jusqu'au douzième degré
(L. 31 déc. 1917, art. 17, préc.). Ces diverses réformes, toujours substantielles mais aussi parcellaires
dans leur objet, ont tendu à mieux assurer, compte tenu de l'évolution des mœurs, la dévolution de la
succession dans l'ordre des affections probables du défunt et même, en quelque mesure, l'exécution du
devoir moral dont l'individu peut être tenu à l'égard de ses proches. On peut à cet égard signaler,
notamment en ce qui concerne le conjoint survivant, ce qu'un auteur a appelé la conception alimentaire
de la succession (R. RODIÈRE, Évolution comparative des droits successoraux du conjoint survivant, Bull.
soc. législ. comp. 1937. 295 ; rappr. E. ALFANDARI, Droits alimentaires et droits successoraux, Mélanges
Savatier, 1992, PUF, p. 1 et s.). L'époque moderne appelait toutefois une réforme élargie, sinon intégrale,
du droit successoral.

15. Refonte du droit successoral par les lois des 3 décembre 2001 et 23 juin 2006. - Une complète
refonte du droit des successions a été réalisée ces dernières années, par étapes successives. Un premier
volet de réforme a été constitué par la loi du 3 décembre 2001, relative aux droits du conjoint survivant
et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral (V. supra, no 12).
L'intitulé de ce texte révèle en soi, tout à la fois, l'intérêt substantiel et le champ d'application bien
circonscrit de la réforme opérée. Pour que la réforme fût complète, un deuxième volet législatif était
nécessaire et fut développé par la loi du 23 juin 2006, portant réforme des successions et des libéralités.
On comprend que l'effort de rénovation fut amplifié et parachevé par l'avènement de ce dernier texte, qui
n'omit pas de modifier et parfaire diverses dispositions initiées par la loi du 3  décembre 2001 elle-même.
L'une et l'autre de ces réformes doivent être généralement présentées, en ce qui concerne tant leur
genèse, que leur portée.

16. Réforme successorale du 3 décembre 2001 (genèse). - Précisément, la loi du 3 décembre 2001
(V. supra, no 12), relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant
diverses dispositions de droit successoral, est le fruit d'un cheminement laborieux, qui tient sans doute à
l'ampleur de la réforme à accomplir et à la difficulté des choix sociologiques inhérents à toute législation
successorale (V. sur les difficultés d'une telle réforme, P. CATALA, Le problème du droit successoral, Dr.
fam., no hors série, déc. 2000, p. 35). Tandis que les gouvernements successifs ont longtemps repoussé
l'ouverture d'une réforme, c'est finalement à la hâte que la législation nouvelle fut adoptée. Celle-ci
prend, en partie, source dans le projet de réforme générale du droit des successions, élaboré sous la
direction du doyen J. CARBONNIER et du professeur P. CATALA. Ce projet avait été présenté, à deux
reprises, par les ministres M. SAPIN, en 1991, et P. MÉHAIGNERIE, en 1995, mais aucune discussion
parlementaire n'avait finalement eu lieu. La doctrine n'avait pas pour autant désarmé, soulignant de
manière récurrente la nécessité de réformer une législation progressivement frappée d'obsolescence en
raison des mutations contemporaines de la famille (V. not. J. CARBONNIER, Le droit de la famille, état
d'urgence, JCP 1998. I. 184 ; P. CATALA, Pour une réforme des successions, Defrénois 1999, art. 36964 ;
La veuve et l'orphelin, Mélanges Soyer, 2000, LGDJ, p. 57). Le gouvernement du Premier ministre
L. JOSPIN devait relancer l'effort de réforme, prescrivant l'élaboration préalable de deux importants
rapports sur l'évolution de la famille (I. THÉRY, Couple, filiation et parenté aujourd'hui. Le droit face aux
mutations de la famille et de la vie privée, 1998, éd. O. Jacob et Doc. fr. ; F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ,
Rénover le droit de la famille, Rapport, 1999, Doc. fr.).
17. Alors qu'aucune initiative gouvernementale concrète ne se faisait jour en notre matière, c'est une
proposition de loi émanant du groupe socialiste à l'Assemblée nationale qui est à l'origine de la loi du
3 décembre 2001 (V. sur ce texte, P. CATALA, Proposition de loi relative aux droits du conjoint survivant,
JCP 2001. Actu. 861 ; M. BEAUBRUN, Droits du conjoint survivant : une réforme pour le plaisir, Defrénois
2001, art. 37386 ; V. aussi P. CATALA, Libres propos sur une réforme successorale annoncée, D. 2001.
Actu. 2900  ). Enregistrée le 17 janvier 2001 (no 2867), ladite proposition fut adoptée en première
lecture le 8 février, sur rapport du député A. VIDALIES, rapport présenté le 1er février au nom de la
Commission des lois (Doc. Ass. nat., n o 2910). Elle fut déposée, dès le 8 février, sur le bureau du Sénat
(no 224), lequel s'est toutefois montré favorable, non pas à une réforme modeste limitée à la correction
des dispositifs les plus contestables - tels les droits de l'enfant adultérin et ceux du conjoint survivant -,
mais à une réforme d'ensemble du droit des successions, visant aussi bien l'indignité successorale que la
preuve de la qualité d'héritier, ou encore l'option successorale et le règlement de la succession. En
définitive, l'influence qu'a exercée le Sénat, durant l'itinéraire de conception de la loi nouvelle, s'est
traduite par l'adoption de certaines dispositions de modernisation du droit successoral. Ces dispositions
sont le fruit du compromis établi entre la réforme complète du droit successoral que souhaitait le Sénat et
la réforme limitée que l'Assemblée nationale et le gouvernement concevaient comme plus réaliste, en
raison des « impératifs du calendrier parlementaire » (M. LEBRANCHU, JO Sénat, 21 juin 2001, p. 3392).
On sait que le gouvernement estimait, non sans raison, que seul un « texte limité aux droits du conjoint
survivant et de l'enfant adultérin trouvera[it] son aboutissement tant attendu avant la fin de la […]
législature » (M. LEBRANCHU, préc., p. 3393), un débat sur une réforme élargie risquant au contraire de
s'enliser.

18. Pour l'essentiel, l'avènement de la loi du 3 décembre 2001 a été salué par la doctrine et la pratique
(V. pour des commentaires généraux, S. PIEDELIÈVRE, Réflexions sur la réforme des successions, Gaz.
Pal. 2002. Doctr. 576 ; F. BELLIVIER et J. ROCHFELD, Loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001, RTD
civ. 2002. 156.; F. SAUVAGE, La réforme du droit des successions enfin adoptée, JCP N 2001. 1727 ;
J. CASEY, Droit des successions : commentaire de la loi du 3 décembre 2001, RJPF 2002-1, p. 6
[1re partie], RJPF 2002-2, p. 6 (2e partie) ; V. COSSIC, De l'ancienne à la nouvelle loi relative aux droits
du conjoint survivant et subsidiairement aux dispositions diverses à fins successorales, RRJ 2002.  313 ;
G. GRILLON, article préc., JCP 2001. Actu. 2233 ; F.-J. PANSIER, Présentation de la loi adoptée le
21 novembre 2001 sur la réforme des droits successoraux du conjoint survivant et de l'enfant adultérin,
Gaz. Pal. 2001. Doctr. 1946 ; S. THOURET, Présentation rapide de la réforme du droit des successions,
Procédures mars 2002, chron. 4, p. 8), majoritairement convaincues de la nécessité tant de la
suppression des textes discriminatoires frappant l'enfant adultérin que de la revalorisation des droits du
conjoint survivant. La réforme successorale n'en restait pas moins inachevée, la loi du 3 décembre 2001
n'ayant point réformé les questions essentielles que constituent l'option successorale et le règlement de la
succession (V. sur la poursuite de l'effort de réforme, infra, nos 25 et s.). Il allait falloir attendre la
réforme du 23 juin 2006 pour que fût complété l'effort de réforme.

19. Objet composite de la réforme successorale du 3 décembre 2001. - L'objet de la réforme opérée par
la loi du 3 décembre 2001 n'était que principalement successoral, en dépit de l'intitulé même du texte
nouveau. En vérité, diverses dispositions ont excédé les limites du cadre strictement successoral. À
l'extrême, on remarquera que les articles 23 et 24 de la loi du 3 décembre 2001 ont modifié certaines
dispositions légales s'insérant dans le droit du divorce, lequel a, ensuite, été profondément réformé par la
loi no 2004-439 du 26 mai 2004 (JO 27 mai, D. 2004. 1565). Il est moins singulier de constater que la loi
du 3 décembre 2001 a modifié certains textes relatifs à l'assurance-décès (V. ses art. 5 et 7 ; sur la
question : B. BEIGNIER, La loi du 3 décembre 2001 : la couverture des prêts immobiliers, par une
assurance, en cas de suicide, Dr. fam. 2002. Chron. 13) ou du code de la mutualité (C. mut., art. 6).

20. Esprit de la réforme du 3 décembre 2001. - On a fait valoir que la loi du 3 décembre 2001 illustrait,
en un sens, la philosophie contemporaine des droits de l'homme, aujourd'hui très présente en droit de la
famille (sur la question : F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, Modèles et normes en droit contemporain de la
famille, Mélanges C. Mouly, 1998, Litec, t. 1, p. 281), le droit successoral contemporain n'ayant plus
« pour finalité la conservation de la famille, mais l'épanouissement des individus » (B. BEIGNIER, La loi
du 3 décembre 2001 : dispositions politiques. Le droit des successions, entre droits de l'homme et droit
civil, Dr. fam. 2002. Chron. 3, spéc. p. 5). Par suite, la législation nouvelle a emporté un important
changement de perspective, puisqu'elle a imposé de « contempler la dévolution, non pas en partant du
défunt mais des héritiers proches » (B. BEIGNIER, art. préc., p. 5), la famille nucléaire étant aujourd'hui
clairement préférée au lignage.

21. Moteur de la réforme : la suppression des discriminations frappant l'enfant adultérin. -


Manifestement, c'est la question du statut de l'enfant adultérin qui aura constitué le moteur des velléités
réformatrices qui se sont exprimées à travers la loi du 3 décembre 2001. Précisément, l'urgence d'une
réforme du code civil français, en vue d'achever l'égalité des filiations proclamée par la loi du 3  janvier
1972 (sur la portée de cette loi, V. infra, nos 191 et s.), est apparue à la suite de la condamnation de la
France par la Cour européenne des droits de l'homme, le 1 er février 2000, pour discrimination à l'égard de
l'enfant adultérin en matière successorale (sur cette décision, V. infra, nos 206 et s.). La suppression de
toute discrimination légale à l'égard de l'enfant adultérin illustre, assez largement, l'esprit de la loi
nouvelle, empreinte d'un égalitarisme qui innerve également certains de ses apports techniques : ainsi de
la réforme de l'action en retranchement (V. infra, nos 215 et s.) et, plus singulièrement, de la fente
successorale (V. infra, nos 254 et s.).

22. Axe fondamental de la réforme : la revalorisation des droits du conjoint survivant. - L'un des axes
essentiels de la réforme du 3 décembre 2001 a tenu précisément à l'exacerbation des droits, nouveaux
pour la plupart, du conjoint survivant : droits successoraux en propriété ou usufruit (V. infra, nos 315
et s.), le conjoint se voyant même, en certaines circonstances, promu au rang d'héritier réservataire
(C. civ., art. 914-1 et 916 nouv.) ; droit au logement (C. civ., art. 763 et s. nouv. ; V. infra, nos 353
et s.) ; droit à pension enfin (C. civ., art. 767 nouv. ; V. infra, no 369). Cette promotion successorale,
dont on a pu dire qu'elle aboutissait à une véritable « recomposition de l'ordre successif » (M. BEAUBRUN,
La loi du 3 décembre 2001 portant réforme du droit des successions, Defrénois 2003, art. 37655, spéc.
nos 13 et s.) - l'ordre successif traditionnel ou primaire admettant désormais, à ses côtés, un «  ordre
successif conjugal » (M. BEAUBRUN, art. préc., nos 18 et s.) -, a été généralement approuvée par la
doctrine et la pratique notariale. Deux objections peuvent toutefois être soulevées. En premier lieu, il est
vraisemblable que l'amélioration des droits du conjoint survivant aurait pu, assez généralement, procéder
d'une réforme des règles régissant les partages matrimoniaux, le législateur pouvant, par exemple,
prescrire un partage inégalitaire de communauté, celle-ci revenant pour les trois quarts au survivant et
seulement pour un quart à la succession (G. PEYRARD, Conjoint survivant : une réforme successorale
inutile, D. 2001. Point de vue. 3539  , spéc. p. 3540). Tout en favorisant pour l'époux survivant le
maintien de ses conditions d'existence, une telle solution aurait éludé toute controverse sur la place
véritable qu'occupe le conjoint dans la famille contemporaine : sur ce point, on peut penser en effet
qu'une exacte appréciation de sa situation aurait nécessité une réforme bien plus profonde de la
dévolution successorale que celle que propose la législation nouvelle (rappr. : G. PEYRARD, art. préc.). En
second lieu, on peut encore s'interroger sur la pertinence actuelle d'un renforcement aussi considérable
des droits du conjoint survivant, alors que sévissent l'instabilité matrimoniale et les recompositions
familiales.

23. Modernisation de diverses dispositions du droit successoral. - D'importantes dispositions de la loi du


3 décembre 2001 doivent être rattachées à l'effort législatif de modernisation du droit successoral. Il en a
été ainsi spécialement de la refonte du dispositif légal encadrant la reconnaissance de l'indignité de
l'héritier (V. infra, nos 100 et s.). Également remarquable fut la consécration légale de la pratique,
d'origine notariale, de l'acte de notoriété, jusqu'alors reconnu par la jurisprudence comme mode de
preuve privilégié de la qualité d'héritier (V. sur cette pratique avant la réforme, L.-C. HENRY, Le régime
de l'acte de notoriété selon la jurisprudence récente, RTD civ. 1994. 11 ; M. DAGOT, La preuve de la
qualité d'héritier ou plaidoyer pour une réforme des actes de notoriété, JCP N 1974. I. 2618 ;
B. NUYTTEN, Preuve non contentieuse de la qualité d'héritier, JCP N 2000. 11). L'acte de notoriété est
désormais réglementé aux articles 730 à 730-5 nouveaux du code civil (B. BEIGNIER, La loi du
3 décembre 2001 : la qualité d'héritier et sa preuve, Dr. fam. 2002. Chron. 10, spéc. p.  6 ; M. DAGOT,
Nouvelles notoriétés : loi du 3 décembre 2001, JCP N 2002. 1268 ; adde pour des formules : M. DAGOT,
Nouvelles notoriétés : loi du 3 décembre 2001, art. préc. ; J.-F. PILLEBOUT, La nouvelle notoriété, JCP N
2002. 1584 ; J. PICARD, L'acte de notoriété, preuve de la qualité d'héritier. Loi du 3 décembre 2001, JCP
N 2002. 1309 ; L'acte de notoriété : observations rédactionnelles, JCP N 2002. 1391). Mais le législateur
ne s'est pas borné à prendre acte de la pratique notariale de l'acte de notoriété, en inscrivant servilement
sa réalité dans le code civil. À cette occasion, le régime de l'acte de notoriété a été modifié et,
manifestement, amélioré (V. aussi Acte de notoriété).

24. Dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001. - Parmi les dispositions les plus complexes
présentées par la loi du 3 décembre 2001 figure l'article 25, dont l'objet est de régir l'application dans le
temps de la législation nouvelle (V. sur ce texte, en général, C. JUBAULT, Contribution à l'étude théorique
et pratique de l'article 25 de la loi du 3 décembre 2001, Defrénois 2003. 275, art. 37679 ; V. BRÉMOND,
Les dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001, JCP N 2002. 1375 ; M.-C. FORGEARD,
Remarques sur les dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001, Defrénois 2002. 1195 ; V. aussi
J.-P. MARGUÉNAUD et B. DAUCHEZ, Les dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001 à l'épreuve
de la CEDH, Defrénois 2002. 1366). Les difficultés d'interprétation que suscite, en général, l'article 25 de
la loi nouvelle découlent du fait que le législateur a pleinement usé des ressources qu'offre le droit
transitoire, en édictant non seulement une entrée en vigueur différée, par rapport à la date de l'effet
obligatoire de la loi nouvelle, mais encore, en certaines hypothèses limitativement précisées, une
application rétroactive, donc dérogatoire au principe bien connu de l'article 2 du code civil, de quelques
dispositions légales (V. soulignant le jeu de la rétroactivité, Ph. DELMAS SAINT-HILAIRE, Réforme des
successions. Examen d'une difficulté de droit transitoire : l'action en retranchement, Defrénois 2002. 153,
art. 37473 ; V. cep. C. JUBAULT, art. préc., nos 3 et 11, qui préfère y voir une entrée en vigueur
« avancée » ou « un effet immédiat de la loi nouvelle »). L'application des dispositions transitoires de la
loi du 3 décembre 2001 suppose ainsi que soient considérées, outre la date d'entrée en vigueur différée
du texte au 1er juillet 2002 : d'une part, la date de publication de la loi nouvelle, soit celle de l'insertion
matérielle dudit texte au Journal officiel de la République française, le 4 décembre 2001 ; d'autre part, la
date à laquelle, par l'effet de la publication, ladite loi a acquis l'effet obligatoire (V.  en ce sens :
C. JUBAULT, art. préc., no 4 ; V. BRÉMOND, art. préc., no 5), soit, à Paris, un jour franc après sa
publication au Journal officiel (concrètement le 6 déc. 2001), et en province, un jour franc après l'arrivée
dudit journal au chef-lieu d'arrondissement (V. Décr. 5 nov. 1870, art. 2, DP 1870. 4. 101). Suivant ces
considérations générales, les dispositions transitoires particulières qui s'attachent à divers points de
réforme de la loi du 3 décembre 2001 seront examinées au fil de la présente étude (V. infra, nos 104
et s., 218 et s., 233 et s.).

25. Réforme successorale du 23 juin 2006 (genèse). - Force est de constater que la réforme du
3 décembre 2001 n'avait, suivant son objet précis, que partiellement répondu aux exigences d'une
rénovation nécessaire du droit successoral. Il importe d'ailleurs de constater qu'au lendemain de la
réforme de 2001, les travaux de la Commission CARBONNIER-CATALA (V. supra, no 16), n'avaient pas
tardé à être de nouveau considérés, en vue d'une poursuite de l'effort de rénovation. C'est ainsi qu'une
proposition de loi, « portant réforme du droit des successions » et présentée par les sénateurs J.-
J. HYEST et N. ABOUT, avait été enregistrée au Sénat dès le 22 mai 2002 (JO Sénat, doc. no 309) et donc
avant même l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001, fixée en principe au 1 er juillet 2002
(V. supra, no 24). Au seuil de l'année 2003, la chancellerie avait encore demandé au Conseil supérieur du
notariat de procéder à une consultation des notaires français, en vue de poursuivre la réforme (V. sur ce
projet, S. VALORY, in Dr. et patr., mars 2003, p. 16). L'effort de réflexion doctrinale s'était, quant à lui,
parallèlement poursuivi, notamment en matière de libéralités (V. J. CARBONNIER, P. CATALA, J. DE
SAINT-AFFRIQUE et G. MORIN, Des libéralités. Une offre de loi, 2003, Defrénois). Il fallut cependant
attendre l'année 2006 pour qu'émerge une nouvelle législation. Entrée en vigueur le 1 er janvier 2007, la
loi no 2006-728 du 23 juin 2006 a porté réforme des successions et des libéralités, parachevant l'œuvre
initiée par la loi du 3 décembre 2001.

26. Réforme du 23 juin 2006 (apports majeurs). - Il serait évidemment réducteur de rechercher les
apports majeurs de la loi du 23 juin 2006 dans le seul cadre du droit successoral. Conformément à la
tendance contemporaine, l'objet de ladite loi est d'ailleurs parfaitement composite, puisque, malgré son
intitulé, le texte porte, notamment, déjudiciarisation du changement de régime matrimonial et rénovation
du pacte civil de solidarité. Si l'on en revient au seul domaine successoral, il faut constater que la loi du
23 juin 2006 porte principalement réforme de la transmission successorale (V. Succession
[2o transmission]), ainsi que de la liquidation de l'actif et du passif successoral (V. Succession
[3o liquidation et règlement du passif héréditaire]). Il s'est agi principalement, selon les auteurs de la
réforme, de simplifier, d'accélérer et de sécuriser le règlement des successions. En outre, la question de
la transmission de l'entreprise a été particulièrement considérée par les auteurs de la réforme. Sur les
différents points évoqués, la rénovation était d'ailleurs ardemment souhaitée par la doctrine et la pratique
notariale : elle s'avère profonde et, sans doute, largement conforme aux attentes exprimées. Certes, la
loi du 23 juin 2006 n'a pas omis de réformer certains aspects de la dévolution mais, sur ce terrain,
l'apport de la loi reste indiscutablement plus modeste. Il faut d'ailleurs relever qu'à diverses reprises, le
législateur de 2006 se borne à rectifier ou améliorer certaines dispositions issues de la loi du 3 décembre
2001.

27. Esprit de la réforme du 23 juin 2006. - L'esprit de la réforme du 23 juin 2006 mérite d'autant plus
d'attention que ladite loi n'a pas pour seule ambition d'améliorer un dispositif légal existant ou de
moderniser certaines règles légales. La doctrine est unanime pour souligner la volonté du législateur de
libéraliser le droit des successions, en favorisant la contractualisation des relations successorales. Cette
volonté participe, plus largement, du mouvement général de contractualisation du droit de la famille.
Ainsi, la loi du 23 juin 2006 rénove-t-elle le droit des libéralités et introduit-elle les « libéralités-
partages » (donations-partages et testaments-partages) qui jouissent d'un domaine d'application
beaucoup plus vaste que les anciens partages d'ascendants (V. sur la question, R. LE GUIDEC, Les
libéralités-partages, D. 2006. Chron. 2584  ). De même, les libéralités graduelles et résiduelles sont
désormais reconnues et réglementées par le code civil. Corrélativement, l'admission d'une
contractualisation accrue de la relation successorale et la faveur de la loi pour les libéralités et libéralités-
partages s'accompagnent, fort logiquement, d'un recul, toujours plus évident, de l'ordre public
successoral. Réserve héréditaire et prohibition des pactes sur successions futures voient, au gré de
diverses dispositions qu'il ne nous revient pas de développer ici, leur portée considérablement altérée
(V. en général, M. GRIMALDI, Présentation de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et
des libéralités, D. 2006. Chron. 2551  , spéc. nos 5 et s. ; V. ég. Libéralités graduelles et résiduelles).

28. Dispositions transitoires de la loi du 23 juin 2006. - S'agissant des dispositions transitoires issues de
la loi du 23 juin 2006, l'entrée en vigueur de principe de la législation nouvelle a été, cette fois encore,
différée dans le temps, soit précisément au 1 er janvier 2007. Il s'est agi principalement d'offrir aux
praticiens du droit patrimonial de la famille un délai d'adaptation, d'autant plus justifié que la réforme
était véritablement de grande ampleur. On comprend en conséquence que le délai soit plus long que celui
prévu pour l'entrée en vigueur de principe de la loi du 3 décembre 2001, dont l'objet était beaucoup plus
limité. Techniquement, il est remarquable que l'ensemble des règles issues de la loi du 23  juin 2006
prenne effet à la seule date du 1 er janvier 2007, tandis que la réforme du 3 décembre 2001 n'était entrée
en vigueur que partiellement au 1 er juillet 2002, l'effectivité de certaines dispositions ayant pour date
pivot le 4 décembre 2001 (V. sur ce point, M. NICOD, Les dispositions transitoires et interprétatives de la
loi du 23 juin 2006, D. 2006. Chron. 2587  , spéc. no 5). Concrètement, cela signifie que les
dispositions nouvelles de la loi du 23 juin « sont applicables aux successions ouvertes à compter de son
entrée en vigueur » (L. 23 juin 2006, art. 47-III, al. 3), soit, comme il a été précisé, à compter du
1er janvier 2007. En matière strictement successorale, la règle ainsi posée est d'application générale, peu
important, en principe, l'institution ou le mécanisme considéré (V. pour une dérogation à cette règle, en
ce qui concerne les règles nouvelles intéressant l'indivision et le partage, L. 23 juin 2006, art. 47-II,
al. 1er).

29. Pour autant, on ne saurait réduire le droit transitoire issu de la législation du 23  juin 2006 à cette
seule disposition d'entrée en vigueur différée. Pour s'en tenir aux règles qui entrent dans le cadre de la
présente étude (c'est-à-dire qui gouvernent la dévolution et l'option successorales, ainsi que la liquidation
du passif successoral, à l'exclusion des règles relatives aux libéralités ou encore, à l'indivision et au
partage), il importe de préciser que certaines dispositions de la loi nouvelle ont cela de particulier qu'elles
viennent rectifier, corriger des règles issues de la précédente loi du 3 décembre 2001. Soucieux d'assurer
une véritable continuité dans l'interprétation et l'application des textes ainsi réformés par touches
successives, le législateur a dû recourir à la technique des dispositions interprétatives. Tel a spécialement
été le cas à propos de l'affirmation du maintien de la fente successorale au cas où le défunt laisse à sa
survivance, d'une part, son père ou sa mère et, d'autre part, un ascendant ordinaire dans l'autre branche
familiale. Coupant court aux interrogations qui étaient apparues au lendemain de la réforme du
3 décembre 2001, le législateur a inséré un nouvel article 738-1 dans le code civil, tout en prenant soin
d'affirmer que ce texte présente un caractère interprétatif (L. 23 juin 2006, art. 47-IV). Au contraire, la
doctrine a justement souligné que le législateur s'était gardé d'affirmer ce même caractère pour la
disposition nouvelle qui restaure le mécanisme d'imputation des libéralités faites au conjoint survivant sur
ses droits légaux (C. civ., art. 758-6 ; V. sur ce point, M. NICOD, chron. préc., no 9) : cela témoigne
assurément d'une subtile pesée des intérêts en présence, pour définir avec précision et mesure la teneur
et la portée des dispositions transitoires qu'imposait la législation nouvelle.

30. Réforme de la filiation par l'ordonnance du 4 juillet 2005. - Au-delà des réformes d'ordre purement
successoral, il est important de préciser que l'ordonnance n o 2005-759 du 4 juillet 2005, portant réforme
de la filiation, ratifiée en 2009 (L. n o 2009-61 du 16 janv. 2009, ratifiant l'ordonnance n o 2005-759 du
4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant diverses dispositions relatives à la
filiation, JO 18 janv. 2009 ; V. Filiation [1o généralités]), n'est pas sans incidence sur le droit successoral
contemporain. Poursuivant les efforts entrepris par le législateur au titre de la suppression des
discriminations en matière de filiation, l'ordonnance précitée est venue abolir toute distinction
conceptuelle selon que la filiation est ou non issue du mariage. Encore convient-il d'observer qu'au plan
successoral, la réforme du 3 décembre 2001 n'opérait plus, fort justement, de distinction d'après la
qualité de la filiation de l'enfant héritier. Par l'effet de l'ordonnance du 4 juillet 2005, les notions de
filiation légitime et naturelle sont désormais supprimées, la notion de filiation se trouvant, en
conséquence, totalement unifiée. Ici encore, ce nouveau dispositif parachève l'évolution consacrée,
dernièrement, par la loi du 3 décembre 2001.

31. Composante fiscale du droit successoral. - L'évolution contemporaine du droit patrimonial de la


famille oblige à souligner la nécessité de compléter l'approche civile du droit successoral par l'étude des
règles du droit fiscal d'enregistrement qui s'appliquent aux successions. Outre le fait que les réformes
successorales du 3 décembre 2001 et du 23 juin 2006 ont emporté, naturellement, des conséquences
fiscales directes (V. spéc. sur les incidences fiscales de la réforme de 2006 : F. FRULEUX, Fiscalité de la
réforme des successions et des libéralités. Éclaircissements, incertitudes et actualisation, JCP  N 2008.
1171), le législateur a entrepris récemment de réformer en profondeur, pour l'alléger, la fiscalité des
successions. Ainsi, depuis l'édiction de la loi n o 2007-1223 du 21 août 2007 (JO 22 août) pour le travail,
l'emploi et le pouvoir d'achat, applicable aux successions ouvertes à compter du 22 août 2007 (V. spéc.
sur ce texte, R. LE GUIDEC, Loi TEPA et transmission : incidences de la nouvelle fiscalité sur les
techniques civiles de transmission, Rev. notaires 2008/33, p. 4 ; B. GELOT, Nouveaux aspects de la
fiscalité successorale au lendemain de la loi du 21 août 2007, Defrénois 2008, art. 38699, p. 36), le poids
économique que représente, pour l'héritier, l'impôt successoral décroît considérablement. Dans ce
contexte, le conjoint survivant apparaît particulièrement privilégié puisqu'il est désormais exonéré des
droits de mutation par décès, tandis que le relèvement des abattements favorise l'exonération des
successions en ligne directe. En ligne collatérale, les successions entre frères et sœurs font également
l'objet de mesures d'allègement et peuvent, en certaines circonstances, bénéficier d'une totale
exonération. Du reste, l'importance de cette évolution fiscale révèle, corrélativement et presque a
contrario, combien la donne fiscale est traditionnellement sensible au plan civil par l'effet des choix
juridiques d'organisation patrimoniale que le de cujus a opérés. Le recours à certaines techniques
libérales en vue d'anticiper et d'optimiser, au plan fiscal, la transmission successorale est considérable, et
la réforme de la fiscalité successorale oblige à reconsidérer la transmission civile sous un nouvel angle
fiscal (V. sur ce point, R. LE GUIDEC, art. préc.). L'encouragement des intéressés à anticiper l'ouverture
de la succession n'est d'ailleurs nullement altéré par la nouvelle législation fiscale, au moins pour les
successions à venir d'une ampleur telle qu'elles n'échapperont pas à l'imposition. Dans ce contexte, il
apparaît plus que jamais séduisant de relever l'unité du droit successoral, dans ses composantes civile et
fiscale. Certes, il arrivera encore que la liquidation fiscale de la succession s'oppose, en logique et donc au
fond, aux règles qui gouvernent, en amont, la liquidation civile. Il en résulte alors un conflit de logiques
au sein même du droit successoral, véritable distorsion entre le droit civil et le droit fiscal (V. sur cette
problématique : G. CHABOT, Des distorsions entre droit civil et droit fiscal en droit successoral, thèse,
Nantes, 1997), par une dérogation exorbitante au principe selon lequel la liquidation des droits
d'enregistrement doit être fondée sur les règles du droit privé. Mais il est certain que la nouvelle donne
fiscale est de nature à favoriser l'unité du droit successoral, la jurisprudence fiscale ayant, par ailleurs,
beaucoup contribué au respect des règles du droit privé par la pratique fiscale.

32. Structuration de l'étude. - Dans le cadre de la présente rubrique, consacrée aux seuls aspects civils
du droit successoral, on étudiera la dévolution de la succession. La transmission de la succession, la
liquidation et le règlement du passif héréditaire font l'objet de deux autres rubriques (V. Succession
[2o transmission] ; Succession [3o liquidation et règlement du passif héréditaire]). La répartition de l'actif
héréditaire est, quant à elle, exposée à la rubrique Partage (V. Partage [2o droit commun]). On appelle
dévolution de la succession la manière dont la succession se transmet et, spécialement, la détermination
des personnes auxquelles cette succession est attribuée. La dévolution d'une succession suppose, d'une
part, qu'une succession s'est ouverte, c'est-à-dire normalement qu'une personne soit décédée, et, d'autre
part, que d'autres personnes peuvent recueillir cette succession. Ces personnes doivent à cette fin :
1o exister au moment du décès et n'être pas incapables ; 2o n'être pas indignes ; 3o arriver en rang utile
sur la liste légale des successibles. Au titre de la dévolution successorale, on présentera ici, en premier
lieu, l'ouverture de la succession, et en second lieu, chacune desdites conditions.
Chapitre 1 - Ouverture de la succession
Section 1 - Causes de l'ouverture de la succession

33. Lorsqu'un individu décède, sa personnalité juridique disparaît ; il faut que ses biens passent à
d'autres personnes. La mort est la cause normale et, aujourd'hui, exclusive de l'ouverture de la
succession. Encore convient-il de s'entendre sur la définition juridique de la mort (J.-P. GRIDEL, L'individu
juridiquement mort, D. 2000. Chron. 266-6   ; P. GOUSTINE, La détermination de la mort en droit
positif, RD sanit. soc. 1990. 601 ; D. PORTNOI, À propos de la définition légale de la mort, Gaz. Pal.
1988. 1. Doctr. 300) et l'on sait les débats que suscitent les frontières de la vie, frontières dont le tracé
détermine la reconnaissance ou non de la personnalité juridique (A. TERRASSON DE FOUGÈRES, La
résurrection de la mort civile, RTD civ. 1997. 893). Parmi les principales difficultés qu'a soulevées la
définition de la mort, l'une des plus subtiles tient à l'appréhension juridique de l'état végétatif. Or, la
jurisprudence semble aujourd'hui consacrer une claire distinction entre mort corticale (ou état végétatif)
et mort cérébrale. Ainsi, l'état végétatif ne saurait être assimilé à la mort et emporter ouverture de la
succession de la personne concernée, la jurisprudence affirmant, à juste titre, la persistance de la
personnalité juridique de l'individu en état végétatif (V. en ce sens que l'état végétatif d'une personne
humaine n'excluant aucun chef d'indemnisation, son préjudice doit être réparé dans tous ses éléments  :
Civ. 2e, 22 févr. 1995, Bull. civ. II, no 61, Rapp. C. cass., p. 316, D. 1995. Somm. 233, obs. D. Mazeaud 
, et 1996. 69, note Chartier  , JCP 1996. II. 22570, note Dagorne-Labbe, Gaz. Pal. 1996. 1. 147, note
Évadé ; 28 juin 1995, Bull. civ. II, n o 224, Rapp. C. cass., p. 316 ; Bordeaux, 18 avr. 1991, D. 1992. 14,
note S. Gromb   ; rappr., refusant au conjoint de la personne en état végétatif le droit de demander
l'exécution d'un contrat d'assurance-vie, Civ. 1re, 7 janv. 1997, JCP 1997. II. 22830, note Beignier).

34. Il convient de remarquer qu'en général, le décès du sujet de droit est avéré et certain, ce qui renvoie
aux difficultés pratiques que suscite la constatation de tout décès (V. Corps humain ; V. ég. I. CORPART,
Les difficultés liées à la constatation des décès après la loi n o 2001-1135 du 3 décembre 2001, JCP N
2002. 1483). À l'inverse, il se peut qu'il soit seulement induit de circonstances particulières. À la mort
stricto sensu ou mort avérée, il faut donc ajouter, comme causes d'ouverture de la succession, les
hypothèses de mort présumée (en cas d'absence ou de disparition), au sens courant du terme.
Art. 1 - Mort avérée

35. Avant la loi du 3 décembre 2001, l'ancien article 718 du code civil disposait : « Les successions
s'ouvrent par la mort naturelle et par la mort civile ». Or, cette disposition était doublement critiquable,
en ce que l'abolition de la « mort civile » rendait sans objet la qualification de « mort naturelle ». Fort
opportunément, le nouvel article 720 du code civil, issu de la loi du 3 décembre 2001, dispose
aujourd'hui : « Les successions s'ouvrent par la mort ». Cette disposition, modernisée suivant l'objectif de
la loi nouvelle, vient remplacer l'ancien article 718, par ailleurs abrogé.

36. Originairement, il est vrai que la question de l'ouverture de la succession reposait sur la distinction
entre mort naturelle et mort civile. Au premier chef, l'expression « mort naturelle », inscrite à l'ancien
article 718, apparaissait, sinon ambiguë, du moins trop étroite. Soucieuse d'embrasser tous les cas de
décès, quelle qu'en soit la cause, la doctrine affirmait que l'expression « mort naturelle » devait être
entendue comme visant le décès, pour cause naturelle, accidentelle ou violente (GRIMALDI, Successions,
6e éd., 2001, Litec., no 72). Bien plus, l'expression « mort naturelle » était réputée inclure l'éventualité
d'une mort résultant d'un suicide (sur la question : F. TERRÉ, Du suicide en droit civil, Études A. Weill,
1983, Dalloz-Litec, p. 523 ; M. GRIMALDI, Le suicide en droit privé, Colloque janv. 1989, 1992, PUF). Il y
avait là une inadéquation des concepts juridiques à la réalité concrète.

37. De surcroît, en 1804, les anciens articles 718 et 719 du code civil assimilaient au décès ce qu'ils
appelaient la mort civile. C'était une peine accessoire frappant les individus condamnés à une peine
criminelle perpétuelle (C. pén., anc. art. 18). La mort civile avait été abolie par la loi du 31 mai 1854 (DP
1854. 4. 91) et remplacée par des peines plus douces n'emportant pas ouverture de la succession du
condamné.

38. Jusqu'à la promulgation du nouveau code pénal, le droit français connaissait encore la confiscation
générale des biens, institution pour laquelle se posait pareillement la question de savoir si elle ouvrait la
succession du condamné. Prévue par les articles 37 à 39 de l'ancien code pénal, la confiscation générale
avait été abolie par les chartes de 1814 (Jur. gén., Vo Droit constitutionnel, p. 326), et de 1830 (ibid.,
p. 333), ainsi que par la Constitution des 4-10 novembre 1848 (DP 1848. 4. 202). Rétablie par la loi du
14 novembre 1918 (DP 1921. 4. 51), la confiscation générale réprimait, dans son dernier état, certaines
infractions politiques. Depuis le décret-loi du 29 juillet 1939 (DP 1939. 4. 382), elle était régie par les
articles 37 à 39 de l'ancien code pénal, remis en vigueur avec un nouveau texte et complétés par deux
lois postérieures (L. no 47-520 du 21 mars 1947, D. 1947. 127, et no 48-1973 du 31 déc. 1948,
D. 1949. 10). L'ordonnance no 58-1298 du 23 décembre 1958 (D. 1959. 114) avait, par modification de
l'article 37 de l'ancien code pénal, limité aux biens présents du condamné l'effet de la confiscation. Le
même article 37 avait encore été modifié par l'ordonnance n o 60-529 du 4 juin 1960 (D. 1960. 210),
déterminant limitativement les crimes pour lesquels la confiscation générale pouvait être prononcée.

39. D'aucuns estimaient que la confiscation générale ouvrait de façon anticipée la succession du
condamné (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 590 ; M. PLANIOL et G. RIPERT, op. cit., t. 5, no 211 ;
comp. H. MAZEAUD, La renonciation à succession et à réduction en cas de confiscation des biens à venir
pour indignité nationale ou infraction à la législation économique, D. 1946. Chron. 50). Cette opinion
pouvait invoquer l'article 38 de l'ancien code pénal, qui prévoyait l'existence d'une indivision entre l'État,
d'une part, le conjoint ou les héritiers réservataires du condamné, d'autre part, et qui prescrivait, pour
sortir de cette indivision, un partage ou une licitation suivant les règles applicables en matière de
succession. Un jugement avait consacré cette opinion et affirmé que le partage devait avoir lieu devant le
tribunal dans le ressort duquel s'était ouverte cette succession fictive (T. civ. Toulon, 26 oct. 1948, JCP
1949. II. 4868, note Voirin). D'autres auteurs (VOIRIN, Les effets civils de la confiscation générale des
biens, JCP 1946. I. 504, no 31 ; Comment les fonctions répressive et financière de la confiscation
générale conditionnent les effets civils, D. 1947. Chron. 89 ; À propos de la confiscation générale des
biens, RTD civ. 1952. 325 ; V. dans le même sens : P. RAYNAUD, note S. 1948. 2. 11, col. 2 ;
A. CHAVANNE, note JCP 1950. II. 5854) soutenaient une thèse opposée : « Il faudrait », écrivait
P. VOIRIN, au no 31 précité de sa première étude, « qu'une décision formelle du législateur l'établisse ;
or, les textes sont muets. La confiscation n'ouvre pas, à proprement parler, la succession du condamné  ;
mais l'exécution de la peine comporte, lorsque le condamné a des héritiers réservataires présomptifs, une
limitation empruntée au statut successoral. L'anticipation sur l'ouverture de la succession ne touche donc
qu'à l'étendue des droits de l'État sur les biens confisqués ». Une cour d'appel s'était incidemment ralliée
à cette opinion (Poitiers, 12 déc. 1951, D. 1952. 63), et la Cour de cassation l'avait formellement
consacrée en décidant que l'article 38 de l'ancien code pénal n'entraînait pas ouverture anticipée de la
succession du condamné, lequel conservait la qualité de sujet de droit : le seul but du texte était de
déterminer les modalités d'application de la confiscation (Com. 10 mai 1954, S. 1954. 1. 188).
Art. 2 - Mort présumée

40. Au sens courant du terme, la mort peut être présumée et, par suite, faire l'objet d'une déclaration,
dans certaines circonstances particulières. Ainsi, l'absence ou la disparition du sujet de droit justifiera
parfois l'ouverture de la succession de celui-ci.
§ 1 - Absence

41. Réformée par la loi no 77-1447 du 28 décembre 1977, l'absence (V. Absence) peut conduire à
l'ouverture de la succession de l'absent (G. TEILLIAIS, La succession de l'absent, JCP N 1997. Prat.
3924). Rappelons qu'elle suppose qu'une personne ait « cessé de paraître au lieu de son domicile ou de
sa résidence sans que l'on en ait eu de nouvelles » (C. civ., art. 112 ; V. Absence). Encore convient-il de
souligner que la succession ne s'ouvre que par la transcription du jugement déclaratif d'absence sur le
registre des décès (C. civ., art. 128). Le jugement déclaratif peut être obtenu du tribunal de grande
instance, à la demande de toute partie intéressée ou du ministère public, lorsqu'il se sera écoulé dix ans
depuis le jugement de présomption d'absence - lui-même prononcé par le juge des tutelles à la demande
des parties intéressées ou du ministère public (C. civ., art. 122, al. 1er ; V. Absence). Par ailleurs, à
défaut de la constatation initiale de la présomption d'absence, le jugement déclaratif d'absence pourra
intervenir si la personne a « cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence, sans que l'on en
ait eu de nouvelles depuis plus de vingt ans » (C. civ., art. 122, al. 2).

42. À l'inverse, le constat de la présomption d'absence par le juge des tutelles ne suffit pas : suivant
l'article 725, alinéa 2, nouveau du code civil, issu de la loi du 3 décembre 2001, celui dont l'absence est
seulement présumée, selon l'article 112 du même code, peut en effet succéder. Au vrai, l'ancien article
725 in fine portait déjà cette disposition, introduite par la loi du 28 décembre 1977. La loi du 3 décembre
2001 a maintenu cette règle, en l'inscrivant à l'alinéa 2 du nouvel article 725.

43. L'apport essentiel provient, en somme, de la réforme originairement opérée par la loi du 28  décembre
1977. Antérieurement, l'article 136 du code civil, aujourd'hui abrogé, disposait que « s'il s'ouvre une
succession à laquelle soit appelé un individu dont l'existence n'est pas reconnue, elle sera dévolue
exclusivement à ceux avec lesquels il aurait eu le droit de concourir, ou à ceux qui l'auraient recueillie à
son défaut ». La jurisprudence appliquait ces dispositions sans distinguer selon que l'absence était
déclarée ou seulement présumée (Civ. 8 mars 1904, DP 1904. 1. 246 ; Civ. 3e, 3 mai 1972, Bull. civ. III,
no 273 ; adde : Alger, 4 mai 1896, DP 1897. 2. 364 ; Paris, 25 nov. 1903, DP 1904. 2. 318 ; Nîmes,
22 mars 1909, DP 1909. 5. 41 ; T. civ. Bruxelles, 24 nov. 1933, S. 1934. 4. 13 ; T. civ. Bordeaux,
12 déc. 1951, JCP 1953. II. 7501).

44. De telles analyses sont caduques depuis la loi du 28 décembre 1977, sur le fondement de l'article 725
du code civil. Le principe n'est guère contestable, et la Cour de cassation rappelle que la personne
présumée absente doit être tenue pour vivante (Civ. 2e, 20 sept. 2005, no 04-15.998  , D. 2005. IR.
2407  , Dr. fam. 2006. Comm. 104, note Devers, RTD civ. 2006. 87, obs. Hauser ; Soc. 18 juill. 1997,
no 95-22.120  , Bull. civ. V, no 287, RTD civ. 1998. 339, obs. Hauser). La jurisprudence judiciaire dénie,
en ce sens, aux caisses d'assurance vieillesse, faute pour elles d'apporter la preuve du décès de l'assuré,
le droit d'interrompre le versement des pensions qui sont dues à l'absent (Soc. 18 juill. 1997, préc. ; Soc.
27 janv. 1994, no 89-12.143  , JCP 1995. II. 22406, note Molin, Defrénois 1996. 98, note J. de Saint-
Affrique, RTD civ. 1995. 595, obs. Hauser ; comp. Soc. 19 févr. 1998, no 96-17.574  , Bull. civ. V,
no 97). Ainsi, la solution paraît bien assise, suivant la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de
cassation (V. cep., sur la position antérieure de la Haute cour : Soc. 9 juill. 1992, Bull. civ. V, no 464,
D. 1993. 377, note Massip  ), même si elle demeure injustement contestée par la jurisprudence du
Conseil d'État (CE 16 déc. 1998, D. 1999. IR. 43  , Defrénois 2000. 238, noteJ. de Saint-Affrique, RTD
civ. 1999. 355, obs. Hauser).

45. Si l'absent reparaît ou si son existence est prouvée postérieurement au jugement déclaratif
d'absence, l'annulation dudit jugement peut être poursuivie à la requête du procureur de la République ou
de tout intéressé (C. civ., art. 129 ; V. Absence). L'absent dont l'existence est judiciairement constatée
recouvre ses biens et ceux qu'il aurait dû recueillir pendant son absence dans l'état où ils se trouvent, le
prix des biens aliénés ou les biens acquis en emploi des capitaux ou revenus échus à son profit (C.  civ.,
art. 130 ; V. Absence). Si une fraude était à l'origine de la déclaration d'absence, l'auteur de cette fraude
devrait restituer à l'absent les revenus des biens dont il aura eu la jouissance et lui en verser les intérêts
légaux du jour de la perception, sans préjudice de dommages-intérêts complémentaires éventuels
(C. civ., art. 131 ; V. Absence).
§ 2 - Disparition

46. La disparition autorise également l'ouverture de la succession, mais, là encore, au terme d'une
procédure complexe. Il convient de rappeler qu'en principe, le prononcé d'un jugement déclaratif de décès
ouvrant la succession suppose en effet que l'intéressé ait disparu dans des circonstances de nature à
mettre sa vie en danger et que son corps n'ait pu être retrouvé (C. civ., art. 88, al. 1er). La procédure de
déclaration judiciaire du décès est, au reste, pareillement applicable lorsque le décès est certain mais que
le corps du défunt n'a pu être retrouvé (C. civ., art. 88, al. 3 ; V. Actes de l'état civil).

47. Si le disparu dont le décès a été judiciairement déclaré reparaît postérieurement au jugement
déclaratif, l'annulation du jugement peut être poursuivie à la requête du procureur de la République ou de
tout intéressé (C. civ., art. 92, al. 1er). La réapparition du disparu emporte les mêmes conséquences
patrimoniales que celle de l'absent (art. 92, al. 2, renvoyant aux art. 130 à 132 du même code).
48. Des dispositions spécifiques ont, par ailleurs, été édictées, à raison des circonstances particulières de
la disparition. Il en va ainsi de la loi n o 85-528 du 15 mai 1985, pour le cas des personnes mortes en
déportation ou, plus généralement, de l'article L. 142-3 du code de l'aviation civile, pour les disparitions
d'aéronefs (V. quant à la date d'ouverture de la succession, infra, nos 55 et s.).
Section 2 - Date de l'ouverture de la succession

49. La détermination du moment où s'ouvre la succession présente une grande importance pratique. Elle
permet seule de connaître les successibles et d'apprécier s'ils remplissent les conditions légales. À
l'ouverture de la succession se fait la transmission provisoire de l'hérédité et remonte l'acceptation ou la
répudiation du successible. C'est elle également qui marque le début de l'indivision et à dater de laquelle
se produit l'effet déclaratif du partage. De même, en cas de conflit de lois dans le temps, c'est la date de
l'ouverture de la succession qui détermine la loi applicable (Civ. 24 mai 1949, D. 1949. 495 ; P. ROUBIER,
Les conflits de lois dans le temps, 1929-1933, t. 2, no 114).

50. Plus spécialement, on précisera que, suivant l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 (Jur. gén., Vo
Succession, p. 179), en cas de partage d'une même succession entre des cohéritiers étrangers et
français, ces derniers bénéficient d'un droit de prélèvement sur les biens situés en France, et ce, pour une
portion égale à la valeur des biens sis en pays étrangers dont ils seraient exclus. Or, c'est précisément au
jour de l'ouverture de la succession que doit être appréciée la condition de nationalité prévue par la loi de
1819. Une jurisprudence récente précise que l'article 2 de la loi s'applique chaque fois que l'héritier
français se voit attribuer moins de droits par la loi étrangère qu'il n'en aurait eus par application de la loi
française (Caen, 27 avr. 1999, BICC 1er nov. 1999, no 1231, D. 2000. Somm. 431, obs. Vareille  ). De
plus, le droit de prélèvement ne peut être exercé que dans la succession dont l'héritier français a été
exclu (Civ. 1re, 24 févr. 1998, Bull. civ. I, no 77, Rev. crit. DIP 1998. 445, note Gaudemet-Tallon).
Actualisation
50. Inconstitutionnalité de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819. - Le Conseil constitutionnel, saisi d'une
question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 relative au droit
de prélèvement sur la succession de l'héritier français contraire à la Constitution (Const. const., 5 août
2011, déc. no 2011-159 QPC, Mme Elke B. et a. ; V. Rép. internat., Vo Successions. – REVILLARD,
L'abrogation du droit de prélèvement des héritiers français, Defrénois 2011. 1351).

51. Par ailleurs, la preuve du décès résulte de l'acte dressé par l'officier de l'état civil ou du jugement qui
a été rendu pour en tenir lieu. L'acte de décès établit ordinairement le jour et même l'heure du décès,
dont la mention est requise depuis la loi du 7 février 1924 qui a modifié l'article 79 du code civil. Mais ces
indications ne font foi que jusqu'à preuve contraire, et celle-ci, s'agissant d'un simple fait, peut être
administrée par tous moyens (V. Actes de l'état civil). Une jurisprudence récente précise, à cet égard, que
l'acte de décès n'établit, quant à l'heure du décès, qu'une présomption simple, et qu'il appartient, par
suite, à celui qui la conteste d'en établir l'inexactitude (Civ. 1re, 19 oct. 1999, no 97-19.845  , Bull. civ.
I, no 283, D. 2000. 310, note Chartier  , LPA 23 févr. 2001, note Py, RTD civ. 2000. 79, obs. Hauser).

52. Principalement, deux situations font difficulté quant à la détermination de la date d'ouverture de la
succession. Il s'agit, d'une part, des hypothèses d'absence (V. supra, nos 41 et s.) et de disparition
(V. supra, nos 46 et s.) - situations régies par la loi du 28 décembre 1977 -, et d'autre part, de
l'hypothèse des comourants (dernièrement réglée par la loi du 3 déc. 2001).
Art. 1 - Hypothèses d'absence et de disparition

53. Dans l'hypothèse de l'absence, le jugement déclaratif emporte, à partir de la transcription, tous les
effets que le décès établi de la personne déclarée absente aurait eus (C. civ., art. 128, al. 1er).

54. En cas de disparition, le tribunal rendra son jugement déclaratif de décès et devra fixer la date de ce
décès, eu égard aux présomptions tirées des circonstances de la cause ; cependant, à défaut de telles
présomptions, il fixera le décès au jour de la disparition (C. civ., art. 90, al. 3 ; V. Actes de l'état civil). Le
décès d'une personne, lorsqu'il est établi par un jugement déclaratif de décès, comme lorsqu'il l'est par
un acte de l'état civil, emporte ouverture de la succession à la date à laquelle il est fixé (Civ. 15  janv.
1968, D. 1968. 263, RTD civ. 1968. 566, obs. R. Savatier). Lorsqu'il est impossible d'établir le moment
du décès, il a été jugé que le jour où le décès a été constaté par l'officier de l'état civil doit être réputé
jour du décès (Req. 27 juill. 1882, DP 1883. 1. 462).

55. Enfin, la loi no 85-528 du 15 mai 1985 (V. supra, no 48), sur les actes et jugements déclaratifs de
décès des personnes mortes en déportation, a prévu que le décès était présumé survenu le cinquième
jour suivant la date de départ du convoi de déportation (art. 3).

56. Plus spécifiquement, pour le cas de « disparition sans nouvelles d'un aéronef », le jugement déclaratif
de décès ne doit pas intervenir moins de trois mois après les dernières nouvelles (C. aviat., art. L. 142-
3).
Art. 2 - Hypothèse des comourants

57. Il peut arriver que deux personnes décèdent presque en même temps dans de telles conditions qu'il
soit impossible d'établir, non la réalité, mais l'ordre des décès. Si l'une des personnes à tout le moins est
appelée par la loi à la succession de l'autre, le droit commun ne permet pas de réclamer la succession du
chef du prétendu successible, puisqu'on ne peut justifier de la survie de celui-ci : la succession devrait
donc être déférée aux autres successibles du défunt.

58. Toutefois, le code civil de 1804 (art. 720 à 722 anc.) ne s'était pas résolu à ce parti. Refusant parfois
d'ignorer l'ordre des décès et s'inspirant de précédents romains (A. COLIN et H. CAPITANT, op. cit., t. 3,
no 875), il avait établi un système de présomptions qui tendaient dans certains cas à faire admettre la
survie de l'un des individus à l'autre. Il fondait ces présomptions sur des vraisemblances, d'ailleurs
discutables, et s'efforçait d'assurer la transmission des biens comme si les décès s'étaient produits dans
l'ordre qui pouvait sembler le plus naturel. On appelait ce système de présomptions théorie des
comourants ou commorientes (V. P. CAVELLAT, Des comourants, thèse, Rennes, 1928).

59. Or, la théorie des comourants, complexe et imparfaite, était non seulement critiquée par la doctrine
contemporaine, mais encore délaissée par la jurisprudence moderne. Il importe d'exposer l'ancienne
théorie, avant de présenter les nouvelles règles de dévolution qu'a introduites la loi du 3 décembre 2001
(C. civ., art. 725-1), pour régir l'hypothèse, toujours actuelle, des comourants.
§ 1 - Ancienne théorie des comourants
A. - Domaine et conditions d'application des présomptions légales

60. L'ancien article 720 du code civil déterminait en ces termes les conditions d'application des
présomptions légales de survie : « Si plusieurs personnes respectivement appelées à la succession l'une
de l'autre, périssent dans un même événement, sans qu'on puisse reconnaître laquelle est décédée la
première, la présomption de survie est déterminée par les circonstances de fait, et, à leur défaut, par la
force de l'âge ou du sexe ». Ainsi, les présomptions légales de survie ne pouvaient jouer que dans le
cadre successoral, lesdites présomptions étant à l'évidence inapplicables lorsqu'il s'agissait d'établir que le
bénéficiaire d'une assurance sur la vie avait survécu à l'assuré (Civ. 1re, 11 oct. 1988, Defrénois 1989,
art. 34422, note Breton ; V. déjà, T. civ. Seine, 3 févr. 1937, S. 1937. 2. 103). Surtout, le jeu de ces
présomptions était subordonné à trois conditions : impossibilité d'établir directement la survie, vocation
successorale réciproque, décès dans un même événement.

61. Impossibilité d'établir directement la survie. - D'après l'ancien article 720, les présomptions légales
fondées sur la force de l'âge ou du sexe n'étaient applicables que si les circonstances de fait ne
permettaient pas de déterminer la survie. Les juges du fond avaient donc pour premier devoir de
considérer les circonstances de fait : leur décision devait être cassée si elle n'en tenait aucun compte ou
si elle n'en tenait pas un compte suffisant (Civ. 6 mars 1928, DH 1928. 237, S. 1928. 1. 97, note
Vialleton). Mais ce n'était pas seulement à la preuve directe de l'ordre des décès que les présomptions
légales étaient subsidiaires. Des présomptions de fait permettant de déterminer cet ordre par induction
suffisaient à écarter l'application des présomptions légales (V. not. Req. 21 avr. 1874, DP 1874. 1. 356 ;
Civ. 6 mars 1928, préc. ; 24 janv. 1951, D. 1951. 345, note R. Lenoan ; Civ. 1re, 21 janv. 1960, Bull. civ.
I, no 47 ; Douai, 16 janv. 1995, JCP 1996. II. 22717, note Y. Buffelan-Lanore ; Lyon, 13 mars 1997, Dr.
fam. 1998. Comm. 75, obs. Beignier). La Cour de cassation déclarait, bien entendu, les juges du fond
souverains pour apprécier les circonstances de fait desquelles ils faisaient résulter l'ordre des décès (Req.
21 avr. 1874, Civ. 24 janv. 1951 et 21 janv. 1960, préc.) ou qui leur semblaient au contraire exclure
toute détermination de cet ordre (Civ. 1re, 7 oct. 1953, JCP 1953. II. 7860, note Rodière ; Civ. 1re,
22 oct. 1957, Bull. civ. I, no 389). Au reste, les juges du fond retenaient parfois des présomptions de fait
assez hypothétiques (R. SAVATIER, obs. RTD civ. 1951. 401 ; R. LENOAN, note préc.). Cela revenait, ou
peu s'en faut, à laisser aux juges du fond la liberté de ne pas appliquer, s'ils le voulaient, les
présomptions des anciens articles 721 et 722.

62. Vocation successorale réciproque. - L'ancien article 720 supposait « plusieurs personnes
respectivement appelées à la succession l'une de l'autre ». Cela signifiait qu'il devait exister entre elles
une vocation successorale réciproque. Par suite, la règle de l'interprétation stricte des présomptions
légales dérogatoires au droit commun commandait d'écarter l'application des anciens articles 721 et 722
toutes les fois qu'il n'existait entre les deux personnes décédées qu'une vocation successorale unilatérale,
c'est-à-dire lorsque l'un des individus était appelé à la succession de l'autre, alors qu'il avait lui-même
d'autres successibles. Tel était le cas de deux époux dont l'un n'avait pas de famille, tandis que l'autre
avait des frères (T. civ. Seine, 1er févr. 1927, DH 1927. 178). De plus, il résultait de la place de l'ancien
article 720 dans le code civil que la vocation successorale dût être légale. En outre, la considération qui
fondait les présomptions de survie, c'est-à-dire la volonté d'assurer la transmission dans l'ordre des décès
semblant le plus naturel, n'avait de valeur que pour les successions dont la loi règle la dévolution en
s'inspirant de cet ordre naturel. La jurisprudence admettait ainsi que l'article 720 ne concernait pas le cas
où une personne devait à la volonté d'une autre une vocation à cause de mort, qu'il s'agît d'une
succession testamentaire (Paris, 11 juin 1891, DP 1892. 2. 533 ; 2 févr. 1899, S. 1900. 2. 39 ; T. civ.
Boulogne-sur-mer, 10 déc. 1940, Rép. gén. not. 1941, art. 25840 ; T. civ. Domfront, 2 juin 1949, Gaz.
Pal. 1949. 2. 168 ; TGI Nantes, 17 avr. 1975, JCP N 1977. I. 163, étude A. Lucas ; TGI Paris, 29 juin
1978, D. 1979. IR. 257, obs. D. Martin) ou encore contractuelle (Civ. 1re, 7 oct. 1953, préc. ; Bordeaux,
29 janv. 1849, DP 1850. 2. 180 ; Paris, 30 nov. 1850, DP 1851. 2. 108).

63. Décès dans un même événement. - L'ancien article 720 supposait, enfin, que plusieurs personnes
« périssent dans un même événement ». Les vraisemblances, dont le législateur tenait compte en posant
les présomptions des anciens articles 721 et 722, n'existaient pas, en effet, lorsque plusieurs personnes
étaient mortes dans des événements différents, ceux-ci fussent-ils à peu près simultanés. L'unicité
d'événement, consubstantielle à la définition même des comourants, était aisément retenue par la
jurisprudence, face à une cause de destruction aveugle, comme un incendie, une inondation, un
tremblement de terre, un naufrage ou une bataille (V. not. Req. 21 avr. 1874, DP 1874. 1. 356 ; Civ.
6 mars 1928, préc. ; Bordeaux, 29 janv. 1849, DP 1850. 2. 180). Mais la jurisprudence penchait en
faveur de l'exclusion du jeu des présomptions légales dans le cas des décès résultant d'une déportation
(Civ. 1re, 22 oct. 1956, JCP 1958. II. 10367, RTD civ. 1958. 113, obs. R. Savatier) ou d'un massacre
(Civ. 1re, 20 nov. 1957, Bull. civ. I, no 450).
B. - Contenu et portée des présomptions légales

64. Les présomptions légales déterminaient l'ordre des décès des comourants d'après « la force de l'âge
ou du sexe » (C. civ., art. 720 anc.). L'âge était pris en considération par une division de la vie en trois
périodes : au-dessous de 15 ans, entre 15 et 60 ans, au-dessus de 60 ans. Lorsque les âges étaient
sensiblement égaux, il était parfois tenu compte du sexe. Les présomptions étaient établies par la loi dans
les termes suivants. L'ancien article 721 disposait : « Si ceux qui ont péri ensemble avaient moins de 15
ans, le plus âgé sera présumé avoir survécu. - S'ils étaient tous au-dessus de 60 ans, le moins âgé sera
présumé avoir survécu. - Si les uns avaient moins de 15 ans et les autres plus de 60, les premiers seront
présumés avoir survécu ». Et l'article 722 ajoutait : « Si ceux qui ont péri ensemble avaient 15 ans
accomplis et moins de 60, le mâle est toujours présumé avoir survécu, lorsqu'il y a égalité d'âge, ou si la
différence qui existe n'excède pas une année. - S'ils étaient du même sexe, la présomption de survie, qui
donne ouverture à la succession dans l'ordre de la nature, doit être admise  : ainsi le plus jeune est
présumé avoir survécu au plus âgé ».

65. La lecture de ces textes révélait le caractère lacunaire du dispositif légal : un cas n'était pas prévu,
celui où, de deux individus qui ont péri ensemble, l'un avait moins de 15 ans ou plus de 60 ans, tandis
que l'autre était entre ces deux âges. Quelle règle fallait-il appliquer en ce cas ? Dernièrement, la Cour de
cassation avait posé en principe que chaque fois qu'une des présomptions de droit strict des articles 721
et 722 anciens du code civil n'était pas applicable, la dévolution successorale devait s'opérer sans tenir
compte des droits successoraux réciproques de chacun des comourants (Civ. 1re, 8 févr. 2005, no 02-
18.767  , Bull. civ. I, no 79, D. 2005. 2055, note I. Corpart  , AJ fam. 2005. 151, obs. F. Bicheron  ,
RLDC 2005/15. 633, obs. F. Leandri ; rappr. déjà, Civ. 7 oct. 1953, préc. supra, no 61 ; Civ. 1re, 22 oct.
1957, Bull. civ. I, no 389). Elle confirmait en cela une démarche initiée par quelques juridictions du fond
(V. en effet, TGI Rochefort-sur-Mer, 7 mars 1990, D. 1992. Somm. 225, obs. Lucet   ; Rouen, 8 févr.
1949, D. 1949. 189 ; rappr. déjà, T. civ. Lyon, 21 mars 1877, DP 1878. 3. 23).
§ 2 - Nouvelles règles de dévolution

66. Bien avant la réforme des successions opérée par la loi du 3 décembre 2001, de multiples voix
s'étaient élevées en faveur de l'abrogation pure et simple des articles 720 à 722 anciens du code civil,
porteurs de la théorie des comourants. De conception imparfaite et d'application complexe (sinon parfois
impossible en raison des lacunes qu'elle contenait, V. supra, no 65), cette « théorie moribonde » était
justement contestée par la doctrine, appelant de ses vœux, dès la fin des années 70, « une prochaine
“toilette” législative pour que soit donné le coup de grâce à une théorie qui ne compte plus un seul
partisan et qui peut à l'occasion se révéler fort gênante » (A. LUCAS, Une théorie moribonde : la théorie
des comourants, JCP N 1977. I. 163 et s., spéc. p. 172 ; V. aussi : H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS,
Leçons de droit civil, t. 4, 2e vol., Successions-Libéralités, 5e éd., par L. et S. LEVENEUR, 1999,
Montchrestien, no 708 ; J. FLOUR et H. SOULEAU, Les successions, 3 e éd., 1991, A. Colin, no 20). Le
notariat s'était pareillement prononcé en faveur d'une réforme dès 1975, lors du 72 e Congrès des
Notaires de France, (V. Travaux du 72e Congrès des Notaires de France, La dévolution successorale,
Deauville, 1975 ; V. aussi, plus récemment, Travaux du 95 e Congrès des Notaires de France, Demain la
famille, Marseille, 1999, nos 4005 et s.).

67. Trois raisons principales militaient en faveur d'une remise en cause du dispositif légal. En premier
lieu, les présomptions de survie, véritables fictions juridiques (A.-M. LEROYER, Les fictions juridiques,
thèse, Paris II, 1995, no 341, p. 395) en rupture avec la réalité humaine des décès collectifs (sur le
caractère « artificiel » des anciennes présomptions légales : M. GRIMALDI, Successions, 6e éd., 2001,
Litec., no 78 ; F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, Les successions. Les libéralités, 3 e éd., 1997, Précis Dalloz,
no 37), apparaissaient totalement arbitraires. En second lieu, la teneur de ces présomptions semblait
réellement désuète et suscitait diverses interrogations, notamment au regard des techniques médicales
modernes de réanimation (R. SAVATIER, Que devient la condition juridique des comourants au temps des
médecins anesthésistes réanimateurs ?, D. 1981. Chron. 45 ; V. pour un cas de maintien en vie, par
assistance respiratoire, des victimes d'un accident de la circulation : Civ. 1re, 19 oct. 1999, préc. supra,
no 51). Enfin, leur application aboutissait parfois à des solutions inopportunes, sinon intolérables  : à
preuve, une affaire récente dans laquelle le jeu des présomptions de survie avait autorisé à retenir la
dévolution de la succession de l'épouse décédée à la famille de son conjoint meurtrier (Civ.  1re, 18 déc.
1984, sol. impl., Bull. civ. I, n o 340, Defrénois 1985, art. 33560, obs. Champenois). Cette affaire,
tristement remarquée, avait d'ailleurs suscité le constat, par la Cour de cassation elle-même, d'une
abrogation nécessaire de la théorie des comourants (R. 1984, Doc. fr., p. 58).

68. La réforme législative, consistant d'abord à supprimer l'ancienne théorie des comourants, fut
finalement opérée par la loi du 3 décembre 2001. Les articles 720 à 722 du code civil ont ainsi été
abrogés, tandis que l'hypothèse selon laquelle « deux personnes, dont l'une avait vocation à succéder à
l'autre, périssent dans un même événement » est expressément envisagée et réglée à l'article 725-1 du
code civil. Il va sans dire que, sur le principe, la doctrine a accueilli favorablement la suppression de
l'ancienne théorie (V. S. PIEDELIÈVRE, article préc. supra, no 18, spéc. no 61 ; J. CASEY, Droit des
successions : commentaire de la loi du 3 décembre 2001, RJPF 2002-1, p. 6 et s. |1re partie], spéc. p. 7),
la réforme étant perçue sur ce point comme éliminant un archaïsme (M.-C. FORGEARD, R. CRÔNE et
B. GELOT, La réforme des successions. Loi du 3 décembre 2001. Commentaire et formules, préf.
G. MORIN, 2002, Defrénois, nos 67 et s.).

69. C'est précisément un utile retour au droit commun de la preuve qu'a opéré le législateur en 2001
(S. PIEDELIÈVRE, loc. cit.) : l'opportunité du principe posé est alors d'autant moins contestable que celui-
ci répond en tous points aux attentes de la doctrine et de la pratique. Au-delà du principe général énoncé
par l'article 725-1, un tempérament suscite toutefois l'incompréhension. Il faut exposer successivement le
principe et son tempérament.
A. - Principe

70. Suivant l'article 725-1, alinéa 1er, du code civil, « lorsque deux personnes, dont l'une avait vocation à
succéder à l'autre, périssent dans un même événement, l'ordre des décès est établi par tous moyens ».
Cette disposition vaut, en elle-même, suppression du dispositif ancien fondé sur des présomptions de
survie. La liberté de la preuve de l'ordre des décès est restaurée, et le système retrouve la souplesse que
lui refusait le dispositif antérieur. La règle est tellement simplificatrice qu'elle supprime l'intérêt de
débattre de l'unicité d'événement (V. supra, no 63), pourtant visée par le nouveau texte, à l'image de
l'ancienne théorie des comourants.

71. La formulation retenue par le nouveau texte se distingue de celle qu'adoptait l'ancien article 720 du
code civil visant « plusieurs personnes respectivement appelées à la succession l'une de l'autre »
(V. supra, no 68). Il résultait de ce texte que l'application de l'ancienne théorie supposait une vocation
successorale réciproque des comourants. En revanche, si l'on en croit la lettre de l'article 725-1, alinéa
1er, il ne serait plus nécessaire de relever l'existence d'une vocation successorale réciproque (V. inclinant
en ce sens : M.-C. FORGEARD, R. CRÔNE et B. GELOT, La réforme des successions. Loi du 3 décembre
2001, op. cit., no 75). La condition d'une vocation successorale qui ne serait pas nécessairement
réciproque serait en cela moins restrictive que celle prévue à l'ancien article 720.

72. L'innovation pourrait être accueillie au regard de l'alinéa 1 er de l'article 725-1, si l'on entend affirmer
un principe de liberté probatoire afin de déterminer l'ordre des décès. Mais une telle conclusion paraît
clairement démentie par l'alinéa 2 de l'article 725-1 qui poursuit la référence aux deux personnes ayant
péri dans un même événement, en ajoutant que, si l'ordre de leurs décès ne peut être défini, «  la
succession de chacune d'elles est dévolue sans que l'autre y soit appelée  ». L'alinéa 2 restaure ainsi une
référence expresse à la réciprocité des vocations successorales. Il faut encore remarquer que la règle de
dévolution autonome des successions de chacun des comourants, énoncée par cet alinéa 2, n'aurait guère
de sens si l'on écartait l'exigence initiale d'une vocation réciproque.

73. Enfin, la tentation de dissocier les alinéas 1 er et 2 de l'article 725-1 doit certainement être repoussée.
La solidarité entre ces deux alinéas est manifeste, en ce que l'alinéa 2 ne fait que poursuivre la règle
initiée par l'alinéa 1er. En vérité, au fil des deux premiers alinéas, le législateur se borne à distinguer, à
propos du même événement, une alternative fondée sur la possibilité ou non de déterminer l'ordre des
décès. Il convient donc de retenir en toute hypothèse l'exigence d'une vocation successorale réciproque,
nonobstant la formule inutilement compréhensive de l'alinéa 1 er de l'article 725-1.

74. Par suite, la jurisprudence développée sous l'empire des textes antérieurs demeure ici largement
transposable, en cela même que les juges écartaient fréquemment la théorie des comourants pour
s'appuyer sur des présomptions de fait permettant d'établir l'ordre des décès.

75. Force est de constater que, bien souvent, il ne sera pas possible au juge de déterminer exactement
l'ordre des décès des personnes concernées. L'article 725-1, alinéa 2, prévoit ainsi que « si cet ordre ne
peut être déterminé, la succession de chacune d'elles est dévolue sans que l'autre y soit appelée  ». Le
législateur pose alors un principe de dévolution autonome des successions de chacun des comourants.
Alors que la situation présuppose une vocation successorale réciproque de chacun des comourants à
l'égard de l'autre, toute difficulté est écartée, car, pour chacune des successions considérées, il est fait
abstraction de la survie éventuelle des autres comourants. La solution n'est pas nouvelle : elle était déjà
retenue lorsque le juge judiciaire choisissait d'écarter l'ancienne théorie des comourants, en présence
d'une succession testamentaire ou contractuelle (V. supra, no 62). Elle doit assurément être approuvée,
car elle est pleinement conforme au principe selon lequel l'héritier ne peut venir à la succession s'il ne
parvient pas à prouver sa qualité (S. PIEDELIÈVRE, Réflexions sur la réforme des successions, Gaz. Pal.
2002. Doctr. 576, spéc. no 61).
B. - Tempérament

76. L'alinéa 3 de l'article 725-1 du code civil énonce que « si l'un des codécédés laisse des descendants,
ceux-ci peuvent représenter leur auteur dans la succession de l'autre lorsque la représentation est
admise ». Cette disposition ne peut être comprise si l'on omet les deux étapes de la démarche judiciaire
qu'impose le nouveau texte. On sait que l'ordre des décès peut en principe être déterminé par tous
moyens (art. 725-1, al. 1er). Mais on sait également qu'à défaut d'y parvenir, la succession de chacun des
comourants est dévolue de manière autonome (C. civ., art. 725-1, al. 2 ; V. supra, no 72). Or, c'est cette
deuxième branche de l'alternative que vient altérer l'alinéa 3 de l'article 725-1 : sans reconsidérer
totalement la règle de dévolution autonome des successions respectives des comourants, le législateur,
par faveur pour les descendants des comourants (V. en ce sens : I. CORPART, Les difficultés liées à la
constatation des décès après la loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001, JCP N 2002. 1483, spéc. p. 1215),
a estimé qu'il convenait d'admettre que les descendants de l'un des comourants puissent venir, par
représentation, à la succession de l'autre.

77. Une telle disposition a suscité l'étonnement et la critique des premiers commentateurs de la loi du 3
décembre 2001 (S. PIEDELIÈVRE, art. préc., spéc. no 61 ; V. dans le même sens : I. CORPART, loc. cit.).
Il est vrai que la référence au mécanisme de la représentation est contestable. Il n'est pas discuté que la
représentation a pour effet « de faire entrer les représentants dans les droits du représenté » (C. civ.,
art. 751 nouv. ; V. infra, no 259). Or, si l'on retient le principe de dévolution autonome des successions,
le comourant A est, par hypothèse, dépourvu de tout droit dans la succession du comourant B : c'est la
conclusion qu'impose la loi (art. 725-1, al. 2) face à l'impossibilité de déterminer l'ordre réel des décès.
Suivant ces considérations et la rédaction même de l'alinéa 3 de l'article 725-1, on pourrait d'ailleurs
contester l'effectivité de ce texte : le tempérament y énoncé n'a lieu d'être envisagé que « lorsque la
représentation est admise » ; certes, le législateur avait alors à l'esprit, sur un plan général, les divers
cas de représentation légalement visés, mais, en forçant quelque peu le trait, il apparaît que la
représentation ne saurait être considérée comme admise alors que le représenté était précisément
dépourvu de toute vocation de principe à l'égard de la succession du de cujus. Plus sérieusement, on fait
valoir qu'à l'époque où les étrangers étaient incapables d'hériter en France, leurs descendants n'étaient
pas admis à les représenter (S. PIEDELIÈVRE, art. préc., spéc. no 61).
78. On pourrait certes objecter qu'une telle règle est moins exorbitante qu'il n'y paraît, au regard des
apports substantiels de la loi du 3 décembre 2001. Il suffirait de concevoir que, depuis cette réforme,
l'indignité d'un sujet de droit n'exclut pas davantage que son descendant le représente dans la succession
du de cujus (C. civ., art. 729-1 ; V. infra, nos 159 et s.). Il reste que la règle propre à l'indignité répond à
une autre logique que celle relevée à propos des comourants, puisqu'elle s'appuie sur le respect
nécessaire du principe de la personnalité des peines. S'il faut assurément prendre acte du fait que la
capacité du représenté n'est plus aujourd'hui une condition de la représentation, le tempérament
qu'instaure l'alinéa 3 de l'article 725-1, dans la situation des comourants, demeure en rupture avec
l'approche traditionnelle de la représentation et, à la différence de la règle posée en matière d'indignité,
ne jouit pas du secours d'une justification spéciale qui viendrait en fonder la cohérence. Encore convient-il
d'observer que, mutatis mutandis, la situation n'est pas différente en cas de représentation d'un héritier
renonçant.

79. Au demeurant, la règle posée par l'alinéa 3 de l'article 725-1 du code civil n'est pas dénuée d'intérêt
pratique. Sa portée est considérable, car elle bouleverse la dévolution successorale telle que l'envisageait
en principe l'alinéa 2 du même texte. En vertu de cet alinéa 2, la vocation réciproque des comourants
reste ignorée. Mais selon l'alinéa 3, elle peut être indirectement prise en compte par l'effet de la
représentation, puisque les descendants du comourant X pourront, en représentation de ce dernier, venir
à la succession d'un comourant Y, par exception au principe de dévolution autonome, et en primant, le
cas échéant, les héritiers directs du comourant Y. Il n'est pas inopportun de tempérer le principe de
dévolution autonome dont la rigidité confine à l'artifice.
Section 3 - Lieu de l'ouverture de la succession

80. Aux termes de l'article 720 du code civil, issu de la loi du 3 décembre 2001, « les successions
s'ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt ». Corrélativement, la même loi porte abrogation de
l'article 110 du code civil, qui disposait, au titre des règles générales régissant le domicile : « Le lieu où la
succession s'ouvrira sera déterminé par le domicile ». Non seulement, cette disposition était imprécise,
mais elle aurait logiquement trouvé sa place parmi les textes régissant les successions. Il est vrai que la
doctrine, comme la jurisprudence, affirmait toutefois, unanimement, que la succession devait s'ouvrir au
dernier domicile du défunt, affirmation que la loi nouvelle réitère opportunément. Par suite, les analyses
développées par la jurisprudence sous l'empire du droit antérieur à la loi du 3 décembre 2001 n'ont pas
lieu d'être révisées.

81. Au demeurant, la détermination du domicile n'est pas sans poser diverses difficultés. Si le domicile
d'un sujet de droit est légalement « au lieu où il a son principal établissement » (C. civ., art. 102, al. 1er),
les critères de fixation du domicile ne sont pas exclusivement objectifs et ne sauraient se confondre avec
l'exigence d'une résidence effective. Ainsi, en cas de pluralité de « résidences », c'est à une recherche de
l'intention du défunt que procède le juge (V. sur la fixation du lieu d'ouverture de la succession du
maréchal Pétain, Poitiers, 11 janv. 1967, Gaz. Pal. 1967. 1. 71). Divers indices peuvent être relevés et,
notamment, le lieu de rédaction du testament du défunt (TGI Paris, 29 févr. 1984, Defrénois 1985,
art. 33465, note M. Revillard).

82. Il reste que lorsqu'une personne meurt ailleurs qu'à son domicile, il est toujours admis que ce n'est
pas au lieu du décès, même s'il s'agit d'une résidence plus ou moins longue, mais bien au domicile, que la
succession s'ouvre (Req. 22 juill. 1813, Jur. gén., Vo Règlement de juges, no 142 ; 11 avr. 1910, DP
1913. 1. 159).

83. Peu importe qu'il s'agisse d'un domicile de fait ou d'un domicile légal. La succession d'une femme
mariée s'ouvrait, avant la loi n o 75-617 du 11 juillet 1975 (D. 1975. 247), au domicile du mari (Req.
20 avr. 1808, Jur. gén., Vo Domicile, no 59-5o ; 11 avr. 1910, préc.). Il en était ainsi même si cette
femme était séparée de fait de son mari (Cass req. 26 juill. 1808, Jur. gén., Vo Domicile, no 71 ; 23 déc.
1824, ibid., Vo Compétence des tribunaux d'arrondissement, n o 67), et même si cette situation s'était
prolongée de nombreuses années (Req. 26 juill. 1808, préc.). De même, la jurisprudence a naguère
affirmé que la succession de l'interdit s'ouvrait au domicile du tuteur (Req. 11 juill. 1892, DP 1893. 1.
14). La solution est aujourd'hui confirmée par l'article 108-3 du code civil, issu de la loi précitée du
11 juillet 1975, puisque précisément, « le majeur en tutelle est domicilié chez son tuteur ».

84. Peu importe également à cet égard que le domicile d'un Français se trouve à l'étranger (Civ. 27  avr.
1868, DP 1868. 1. 302 ; Req. 6 mars 1888, DP 1888. 1. 486 ; V. de même, Pau, 22 juin 1885, DP
1886. 2. 181 ; V. toutefois Toulouse, 7 déc. 1863, DP 1864. 2. 41).

85. Dans les hypothèses d'absence (V. supra, nos 41 et s.) et de disparition (V. supra, nos 46 et s.), la
fixation du lieu d'ouverture de la succession obéit aux règles du droit commun. En cas de déclaration
d'absence, c'est ainsi le domicile ou la dernière résidence qui sera retenu. Il est vrai toutefois que l'article
3 de la loi du 15 mai 1985 précitée (V. supra, no 48) pose à titre de présomption que le décès du sujet de
droit mort en déportation est survenu « au lieu de destination du convoi ». Mais encore faut-il remarquer
que cette fixation du lieu présumé du décès n'emporte pas, singulièrement, fixation du lieu d'ouverture de
la succession, lequel reste déterminé selon le droit commun.

86. L'intérêt de la détermination du lieu d'ouverture de la succession apparaît en matière de compétence


juridictionnelle. L'article 45 du code de procédure civile donne compétence à la juridiction dans le ressort
de laquelle est ouverte la succession, jusqu'au partage inclusivement : 1o pour les demandes entre
héritiers ; 2o pour les demandes formées par les créanciers du défunt ; 3o pour les demandes relatives à
l'exécution des dispositions, à cause de mort.

87. La détermination du lieu d'ouverture de la succession présente également de l'intérêt en droit


international privé quant à la compétence législative et judiciaire (V. Rép. internat., Vo Compétence civile
et commerciale).
Chapitre 2 - Capacité successorale

88. Dans le code civil de 1804, la capacité successorale était envisagée aux articles 725 et 726. Ces
textes prévoyaient quatre cas d'incapacité : le fait de n'être pas conçu à l'ouverture de la succession, la
non-viabilité, la mort civile et la qualité d'étranger. Les deux derniers cas ont été supprimés par des lois
postérieures au code : la loi du 31 mai 1854 (DP 1854. 4. 91), portant abolition de la mort civile, a fait
disparaître purement et simplement l'incapacité successorale qui était attachée à cette peine  ; la loi du
14 juillet 1819 (Jur. gén., Vo Succession, p. 179), abrogeant l'article 726 du code civil, a rendu les
étrangers capables de succéder (sur les successions en droit international, V. Rép. internat., Vo
Successions).

89. Quant au premier cas, il est permis d'estimer que l'existence du successible à l'ouverture de la
succession est plus qu'une condition de capacité (V. déjà G. RIPERT et J. BOULANGER, op. cit., t. 4,
no 1534) ; cela permet de réfuter le premier cas d'incapacité originairement prévu par le code civil. Il est
vrai que la distinction entre l'existence du successible et la capacité à succéder participe d'une approche
rigoureuse de la qualité de successible. Elle a parfois conduit la doctrine à préférer l'idée d'« aptitude à
succéder » (M. GRIMALDI, Successions, 6e éd., 2001, Litec, nos 84 et s.) à celle d'une véritable capacité
du successible (V. pourtant, développant ce dernier concept, H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4,
2e vol., nos 708 et s. ; J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., nos 23 et s.). Mais, en vérité, les auteurs qui
retiennent le concept de « capacité » reconnaissent eux-mêmes que l'existence du successible en
constitue la condition essentielle, allant parfois jusqu'à affirmer l'assimilation des deux concepts (J. FLOUR
et H. SOULEAU, op. cit., no 23 : « La capacité se confond purement et simplement avec l'existence » ;
rappr. : H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4, 2e vol., no 708, pour qui « la capacité de succéder vise
[…] l'existence juridique, la personnalité »).
90. Ni la loi du 3 décembre 2001, ni celle du 23 juin 2006 ne condamnent ces analyses. Certes, en 2001,
le législateur a modifié la rédaction de l'article 725 du code civil (V. sur ce point, M.-P. BAUDIN-MAURIN,
Être ou ne pas être [à propos de la modification de l'article 725 du code civil par la loi n o 2001-1135 du
3 décembre 2001], D. 2002, Point de vue 1763  ), en supprimant toute référence à une quelconque
notion d'incapacité successorale. Ledit texte, en son alinéa 1 er, dispose désormais : « Pour succéder, il
faut exister à l'instant de l'ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable  ». Il faut
reconnaître que la lisibilité du texte s'en trouve accrue, ce qui participe, assurément, du souci du
législateur de moderniser certaines dispositions du droit successoral. Mais l'idée d'une capacité
(aujourd'hui résiduelle) propre à la matière des successions, conserve sa vertu évocatrice, tandis que la
suppression des termes « incapables de succéder » à l'article 725, confirme que l'essentiel du débat de
fond tient à l'existence du successible.

91. Ainsi, si l'on veut bien entendre que la capacité successorale s'identifie, pour une large part qui sera
précisée, à l'existence du successible, plusieurs situations doivent être envisagées (pour un tableau
exhaustif, on renverra à nos développements antérieurs relatifs à l'absence et à la disparition : V. supra,
nos 41 et s.). L'examen des situations individuelles prend tout son relief si l'on cherche à identifier les
personnes qui ne peuvent venir à la succession du défunt.

92. Au premier chef, il faut examiner la situation des personnes simplement conçues, puis on considérera
celle des personnes nées mais non viables.
Section 1 - Situation des personnes simplement conçues

93. Il ressort de l'article 725 du code civil que celui qui n'est pas encore conçu ne saurait recueillir la
succession. N'existant pas encore, l'individu non conçu ne peut être titulaire de droits. Ce point, qui ne fut
pas toujours admis sous notre Ancien Régime, ne peut faire de doute aujourd'hui. Il pourrait même
sembler naturel d'exiger, non la simple conception, mais la naissance, qui donne seule une existence
indépendante. De puissantes raisons d'équité ont cependant conduit à se contenter ici de la conception et
à admettre la règle Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur (G. MÉMETEAU,
La situation juridique de l'enfant conçu [de la rigueur classique à l'exaltation baroque], RTD
civ. 1990. 611 ; V. aussi : D. VIGNEAU, L'enfant à naître, thèse, Toulouse, 1988 ; sur l'origine historique
de la règle Infans conceptus…, V. E. LAMBERT, Du contrat en faveur de tiers, 1893, n os 161 et s.). C'est
l'intérêt de l'enfant (V. sur cette notion en général, R. LE GUIDEC, La notion d'intérêt de l'enfant, thèse,
Nantes, 1973) qui justifie ainsi la considération de la période de conception et non seulement de la date
de naissance de l'enfant.

94. Ainsi, tout intéressé pourrait, le cas échéant, se prévaloir du défaut de qualité de celui qui réclame
une hérédité, alors qu'il n'était pas conçu à l'ouverture de la succession. Un débiteur de la succession peut
invoquer ce défaut de qualité, même si un héritier non contesté reconnaît le réclamant pour son cohéritier
(Nîmes, 16 janv. 1850, DP 1851. 2. 126).

95. Depuis la loi no 72-3 du 3 janvier 1972, la présomption posée par l'article 311 du code civil a une
portée générale : elle peut toujours être utilisée pour établir la date de la conception. La conception doit
être réputée avoir eu lieu du 300 e au 180e jour ayant précédé la naissance, et, il faut l'ajouter, au
moment de cette période le plus favorable à l'intérêt de l'enfant.

96. Lorsque, au décès d'une personne, le successible du degré le plus proche est simplement conçu, ce
successible a une vocation de principe à l'hérédité, mais ne pourra l'exercer que s'il naît ultérieurement
vivant et viable (V. infra, nos 98 et s.). Cette situation justifie certaines mesures particulières pendant la
période précédant la naissance. Ainsi, lorsque, la femme étant enceinte, le mari vient à décéder, il y avait
lieu, sous l'empire du code civil primitif, à la nomination d'un curateur au ventre (C. civ., anc. art. 393).
Les parents du degré subséquent n'étant pas héritiers, peuvent seulement se faire autoriser par justice à
prendre des mesures conservatoires. Les cohéritiers de l'enfant ont la même faculté, mais ne peuvent
provoquer encore le partage, que, d'autre part, nul ne peut demander au nom de l'enfant.

97. La prise en considération de la conception n'est toutefois pas sans limites. À cet égard, la situation de
l'enfant issu d'une procréation médicalement assistée est éminemment spécifique. Encore convient-il de
préciser que la stricte réglementation des techniques de procréation médicalement assistée, initialement
édictée par la loi du 29 juillet 1994, exclut en principe la survenance de telles difficultés ; de même, la loi
no 2004-800 du 6 août 2004, relative à la bioéthique (JO 7 août, D. 2004. 2089) a maintenu l'interdiction
de tout transfert post mortem d'embryon et l'interdiction de l'insémination post mortem (CSP,
art. L. 2141-2, al. 3). Sous ces réserves, deux hypothèses peuvent toutefois être distinguées, dans
l'éventualité où seraient enfreintes les interdictions légales. Il est en effet de principe que, pour recourir à
ces techniques, l'homme et la femme formant le couple doivent être vivants (CSP, art. L. 2141-2, al. 3).
Si toutefois on conçoit qu'intervienne l'insémination d'une femme post mortem, l'enfant, non encore
conçu au décès du père prémourant, ne saurait hériter de celui-ci (V.  en ce sens : F. TERRÉ et
Y. LEQUETTE, op. cit., no 42-1 ; M. GRIMALDI, op. cit., no 88). À l'inverse, le cas de l'enfant conçu in vitro
au moyen de l'implantation d'un embryon congelé, cette implantation ayant eu lieu après le décès du
père, soulève davantage d'interrogations, dont la jurisprudence, antérieure à la législation de 1994, s'est
fait l'écho (V. à propos de l'établissement du lien de filiation : TGI Angers, 10 nov. 1992, D. 1994. Somm.
30, obs. crit. Labbée   ; comp. TGI Toulouse, 26 mars 1991, JCP 1992. II. 21807). Pour certains
auteurs, invoquant la règle Infans conceptus…, l'enfant, réputé conçu au décès de son père donneur, peut
alors hériter de celui-ci (M. GRIMALDI, op. cit., no 88) : en somme, suivant cette analyse, c'est la
fécondation de l'ovule qui marquerait la conception. Force est toutefois de constater qu'une telle position
est source d'insécurité juridique, obligeant, le cas échéant, à remettre en cause un partage successoral
antérieur (V. en ce sens : F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. et loc. cit.). Malgré la division de la jurisprudence
sur cette question, il semble plus opportun de considérer que c'est seulement l'implantation de l'embryon
qui marque le début de la période de conception (LABBÉE, obs. préc. ; rappr., plus nuancés : F. TERRÉ et
Y. LEQUETTE, op. et loc. cit.). L'analyse est alors conforme à l'esprit de la maxime Infans conceptus … qui
concerne précisément l'enfant à naître, au terme d'un processus de procréation déjà engagé, et non un
embryon en attente d'implantation.
Actualisation
97. Procréation médicalement assistée post mortem. - Plus généralement, sur les débats relatifs à la
procréation médicalement assistée après la mort de la personne ayant formé le projet parental, V.  Corps
humain - Bioéthique, nos 349 s.
Section 2 - Situation des personnes nées mais non viables

98. Au lendemain de la loi de 1854, il a fallu admettre qu'il n'y avait plus dans notre droit qu'un seul cas
d'incapacité successorale stricto sensu : la non-viabilité. Encore faut-il s'entendre sur le sens de la notion
(V. en général, Ph. SALVAGE, La viabilité de l'enfant nouveau-né, RTD civ. 1976. 725 ; C. PHILIPPE, La
viabilité de l'enfant nouveau-né, D. 1996. Chron. 29   ; rappr. : V. BALESTRIERO, La situation de
l'enfant mort-né, D. 1999. Chron. 81  ). Naître viable, vitae habilis, c'est être conformé de façon à
pouvoir vivre de façon autonome, pourvu des organes essentiels à l'existence. Or, la viabilité est autre
chose que la vie. On comprend que la condition de naître viable est distincte de celle de naître vivant qui
intéresse l'existence du successible. Un enfant naît vivant du seul fait qu'il a eu une vie propre et distincte
de celle de sa mère, c'est-à-dire une vie extra-utérine, caractérisée par une respiration complète
(Montpellier, 25 juill. 1872, Jur. gén., Suppl., Vo Succession, no 52 ; comp. Cologne, 14 mars 1853, DP
1855. 2. 338). Au cas de l'enfant né vivant et viable s'oppose aujourd'hui celui de l'enfant né sans vie,
expressément prévu par l'article 79-1 du code civil. Certes, il y a lieu dans ce cas à l'établissement par
l'officier d'état civil d'un acte d'enfant sans vie, ledit enfant faisant désormais l'objet d'une inscription sur
les registres de l'état civil (V. Décr. nos 2008-798 et 2008-800 du 20 août 2008, JO 22 août), les pouvoirs
publics ayant réagi à une jurisprudence remarquée (V. aussi, J.-P. DELEVOYE et Cl. SUREAU, Statut des
enfants mort-nés : la Cour de cassation rouvre un dossier difficile, RLDC 2008/47. 29 ; V. Actes de l'état
civil, Filiation [2o modes extrajudiciaires d'établissement]).

99. Dans le cadre précédemment dessiné, la personne qui réclame une succession doit prouver, soit par
acte de l'état civil, soit, à défaut, par tout moyen, et notamment par témoins ou par expertise médicale,
que l'enfant du chef duquel elle la réclame a vécu (Montpellier, 25 juill. 1872, préc.). Au contraire, la
viabilité étant normale, la charge de la preuve incombe à la partie qui soutient que l'enfant n'est pas né
viable : lorsque le demandeur a établi que l'enfant est né vivant, il appartient aux défendeurs de prouver
qu'il n'était pas viable (Limoges, 12 janv. 1813, Jur. gén., Vo Succession, no 97 ; Angers, 25 mai 1822,
Jur. gén., Vo Acte de l'état civil, no 410 ; Bordeaux, 8 févr. 1830, Jur. gén., Vo Succession, no 97). La
non-viabilité, étant un simple fait, peut se prouver par tous moyens.
Chapitre 3 - Indignité successorale

100. Pour recueillir une hérédité, il ne faut pas être indigne de succéder. L'indignité successorale est une
déchéance de la faculté de succéder, portée par la loi contre le successible qui s'est rendu coupable d'une
faute très grave à l'égard du défunt. Originairement, le code civil régissait l'indignité successorale dans
ses articles 727 à 730 (sur l'indignité successorale, V. C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 593 et s. ;
M. PLANIOL et G. RIPERT, op. cit., t. 4, nos 44 et s. ; MIMIN, Des cas où l'on hérite de ceux qu'on
assassine, D. 1952. Chron. 147 ; GENDREAU, De l'indignité en matière de succession, thèse, Paris, 1899 ;
AMANT, De l'indignité en matière de succession, thèse, Paris, 1902 ; MONESTIER, Du rôle de la pénalité
civile en matière successorale, recel et indignité, thèse, Montpellier, 1935).

101. La refonte du dispositif légal encadrant l'indignité successorale est l'un des axes essentiels de la
réforme opérée par la loi du 3 décembre 2001 (Ph. DAVIAUD, La nouvelle indignité successorale. Loi
no 2001-1135 du 3 décembre 2001, D. 2002. Chron. 1856  ). Désormais réglementée aux articles 726
à 729-1 du code civil, l'institution a été profondément rénovée. Certes, il faut reconnaître que les textes
régissant l'indignité successorale ne sont pas d'une application fréquente. Il n'en était pas moins
nécessaire que le législateur revienne sur le dispositif légal originaire, suivant deux objectifs essentiels. Le
premier objectif était assurément de moderniser les règles relatives à l'indignité successorale, sur un plan
technique : il s'est agi alors de restaurer l'effectivité du dispositif (en ce que l'un des anciens cas légaux
était tombé en désuétude, V. infra, no 108) tout en complétant celui-ci, suivant une distinction nouvelle et
fondamentale entre indignité de plein droit et indignité facultative (V. infra, nos 110 et s.), et en regard
des qualifications contemporaines des infractions pénales. Le second objectif était d'affirmer la dimension
personnelle de l'indignité : en restaurant d'abord l'application du principe de la personnalité des peines,
pour permettre la représentation de l'indigne dans la succession du défunt (V.  infra, nos 159 et s.) ; mais
aussi en autorisant, dans tous les cas, le relèvement de l'indignité par le de cujus, sur la base d'un pardon
exprès ou tacite, mais certain (V. infra, nos 138 et s.). Les règles nouvelles renforçant le dispositif légal de
l'indignité (comp., relevant l'insuffisance du dispositif ainsi rénové, Ph. DAVIAUX, chron. préc., p. 1858)
participent, en ce sens, d'une analyse rationnelle et sereine de l'indignité, à mi-chemin entre
considérations d'ordre public et respect de la volonté du de cujus.

102. La doctrine s'interroge traditionnellement sur la nature juridique de l'indignité successorale.


Majoritairement, elle y voit l'expression d'une peine privée, d'une déchéance du droit de succéder
(M. PLANIOL et G. RIPERT, op. cit., t. 4, no 44 ; J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., no 26 ; F. TERRÉ et
Y. LEQUETTE, op. cit., no 47 ; Ph. MALAURIE, Les successions. Les libéralités, 3 e éd., 2008, Defrénois,
no 44), imposant l'application du principe de la légalité des délits et des peines : il en résulte le jeu du
principe d'interprétation stricte des textes relatifs à l'indignité successorale. Cette analyse est d'ailleurs
consacrée par la Cour de cassation, qui qualifie l'indignité de « peine civile, de nature personnelle et
d'interprétation stricte » (Civ. 1re, 18 déc. 1984, Bull. civ. I, n o 340, Defrénois 1985, art. 33560, no 68,
obs. Champenois, Gaz. Pal. 1985. 2. Pan. 221, obs. Grimaldi). À l'opposé, la doctrine propose, non sans
pertinence, « d'analyser l'indignité à la fois comme une peine privée et comme une incapacité de
jouissance, relative et de sanction » (M. GRIMALDI, op. cit., no 89). L'objection tenant au fait que
« l'indigne est exclu d'une succession déterminée » (J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., no 26) - alors que
la qualification d'incapacité conduirait à l'exclusion de l'indigne de toute succession -, ne convainc pas, car
il existe des incapacités relatives (GRIMALDI, loc. cit.). Toutefois, la déchéance qu'entraîne la
reconnaissance de l'indignité vient clairement exclure la qualification d'incapacité. L'indignité est une
déchéance qui sanctionne la faute commise par le successible à l'égard du défunt. En cela, elle ne
s'apparente ni aux incapacités de protection que connaît le droit des personnes, ni aux incapacités de
défiance que développe le droit des libéralités (sur ces diverses incapacités, V. M. GRIMALDI, Libéralités.
Partages d'ascendants, 1re éd., 2000, Litec, nos 1060 et s.). Dans ces dernières hypothèses, en effet,
l'incapacité n'a pas pour fait générateur une faute commise par l'incapable, tandis que c'est le
comportement du successible qui fonde l'indignité. Au demeurant, la distinction est de peu de portée
pratique, puisque les incapacités de jouissance sont de droit étroit (M. GRIMALDI, op. cit., no 89, citant
les art. 902 et 1123 c. civ.).

103. Quant à son champ d'application, on notera que la matière de l'indignité successorale est spéciale
aux successions ab intestat. Elle ne concerne pas les libéralités, à l'égard desquelles la révocation pour
cause d'ingratitude remplit la même fonction (C. civ., art. 957 ; V. cep. Lyon, 12 janv. 1864, DP 1864. 2.
66, qui avait appliqué l'ancien art. 727 à une succession testamentaire). Au reste, il est regrettable que la
réforme du dispositif légal de l'indignité successorale n'ait pas donné lieu à l'édiction d'un dispositif
commun aux diverses situations familiales justifiant la déchéance de certains droits, ainsi que l'avait
dernièrement souhaité le notariat (95 e Congrès des Notaires de France, préc., spéc. n o 4039). On songe
évidemment à l'avantage matrimonial, à propos duquel la Cour de cassation avait justement affirmé
l'inapplicabilité des règles de l'indignité successorale, alors même qu'un époux avait été condamné pour
avoir mortellement frappé son conjoint (V. à propos d'une clause d'attribution intégrale de la
communauté : Civ. 1re, 7 avr. 1998, Bull. civ. I, no 146, D. 1998. 529, note Thierry  , JCP 1998.
II. 10197, note C. Puigelier, et JCP N 1998. 589, Defrénois 1998, art. 36828, obs. Champenois, Dr. fam.
1998. Comm. 102, note Beignier, RTD civ. 1998. 457, obs. Vareille, et p. 882, obs. Hauser, LPA 10 mars
1999, note Mahinga) : en effet, l'indignité successorale ne peut jouer, car ce sont les droits matrimoniaux
et non successoraux de l'époux qui sont alors en cause ; l'ingratitude ne saurait davantage être retenue,
puisque l'avantage est une convention de mariage et entre associés, et non une donation (V. spéc.
C. civ., art. 1527, al. 1er ; sur la nature de l'avantage matrimonial, en général, J. CARBONNIER, Le
régime matrimonial. Sa nature juridique sous le rapport des notions de société et d'association, thèse,
Bordeaux, 1932 ; F. LUCET, Des rapports entre régime matrimonial et libéralités entre époux, thèse, Paris
II, 1987 ; C. SAUJOT, Les avantages matrimoniaux [Notion. Nature juridique], RTD civ. 1979. 699 ;
A. TISSERAND-MARTIN, Réflexions autour de la notion d'avantage matrimonial, Mélanges J. Béguin,
2005, Litec, p. 759). Sur le plan moral, la solution retenue était des plus fâcheuse. Il reste qu'elle n'est,
semble-t-il, plus conforme au droit positif, eu égard aux nouvelles dispositions que présente l'article 265
du code civil, par l'effet de la loi n o 2004-439 du 26 mai 2004, portant réforme du divorce. S'agissant des
effets d'une clause d'attribution intégrale affectant une communauté universelle, il semble qu'il faille
conclure à la révocation de plein droit de l'avantage matrimonial, lequel avait vocation à prendre effet au
décès de l'un des époux (C. civ., art. 265, al. 2). Sans doute l'article 265, alinéa 2, du code civil envisage-
t-il la circonstance particulière du divorce, mais on s'accorde à estimer qu'il révèle, très généralement et
sauf volonté contraire expresse, le caractère révocable des avantages matrimoniaux prenant effet au
décès des époux. Par suite, il faudrait conclure à la révocation de plein droit de l'avantage matrimonial,
chaque fois que la dissolution du lien matrimonial résulterait d'un acte délictueux commis par un époux et
ayant entraîné la mort de son conjoint, dans des conditions qui rappellent les causes légales d'indignité
(V. en ce sens : J.-G. MAHINGA, Les avantages matrimoniaux à l'épreuve de l'indignité successorale,
RLDC 2007/36. 2461, p. 49 s., spéc. p. 52). Toutefois, l'irrévocabilité prévalant à l'endroit des avantages
matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage (C. civ., art. 265, al. 1er), l'époux auquel sont
imputables les faits délictueux ne saurait être déchu du bénéfice de tels avantages (V. en ce sens : J.-
G. MAHINGA, art. préc., p. 50). C'est dire qu'aujourd'hui encore, la consécration d'un dispositif commun
de déchéance des droits successoraux, des libéralités et avantages matrimoniaux serait utile et
bienvenue.
Actualisation
103. Irrévocabilité d'un avantage matrimonial. Loi du 26 mai 2004. - Sur l'application dans le temps de
l'article 265, dans sa rédaction issue de la loi n o 2004-439 du 26 mai 2004, V. Communauté
conventionnelle, nos 743 s.

104. Dispositions transitoires. - Avant tout examen au fond des nouvelles règles légales, il importe de
considérer les dispositions transitoires complexes énoncées par la loi du 3 décembre 2001 (V. sur
l'ensemble de la question, V. BRÉMOND, Indignité et droit transitoire. À propos de l'article 25-II, 3 o, de la
loi du 3 décembre 2001, JCP N 2002. 1541). Par dérogation au principe général fixant l'entrée en vigueur
de la loi nouvelle au 1er juillet 2002 (V. supra, no 25), pour les successions ouvertes à compter de cette
date, l'article 25-II, 3o, de la loi du 3 décembre 2001 prévoit : « Les causes de l'indignité successorale
sont déterminées par la loi en vigueur au jour où les faits ont été commis ».

105. Ce principe de non-rétroactivité suppose, en toute logique, une distinction entre causes et effets de
l'indignité successorale, les seconds se trouvant régis par la loi nouvelle, pour autant, bien sûr, que la
succession considérée s'ouvre à compter du 1 er juillet 2002. L'article 25-II, 3o, prévoit : « Cependant, le
1o et le 5o de l'article 727 du code civil, en tant que cet article a rendu facultative la déclaration de
l'indignité, seront applicables aux faits qui ont été commis avant l'entrée en vigueur » de la loi du
3 décembre 2001, soit avant le 1 er juillet 2002. Ainsi, par dérogation au principe régissant les causes de
l'indignité, le législateur admet, très ponctuellement, la rétroactivité de la loi nouvelle pour les deux cas
d'indignité facultative prévus aux 1o et 5o de l'article 727 nouveau du code civil (V. infra, nos 119 et s.).
On a fait remarquer qu'il fallait alors déterminer la date d'entrée en vigueur de l'article 25, pour faire
application de la règle évoquée : ce serait la date à laquelle la loi nouvelle acquiert force obligatoire, soit,
à Paris, le 6 décembre 2001 (C. JUBAULT, art. préc., spéc. p. 288, no 16). Mais, précisément, l'article
727-1o et 5o, en tant qu'il a rendu facultative la déclaration de l'indignité, serait applicable à tous faits
commis avant le 1er juillet 2002, y compris ceux commis avant le 6 décembre 2001 (V. en ce sens :
C. JUBAULT, art. préc., no 16, p. 289).

106. L'étude du nouveau dispositif légal régissant l'indignité successorale sera menée à travers l'examen
successif des causes, du mode de réalisation et des effets de ladite indignité.
Section 1 - Causes de l'indignité successorale

107. Avant la loi du 3 décembre 2001, l'ancien article 727 du code civil prévoyait les causes de l'indignité
successorale dans les termes suivants : « Sont indignes de succéder, et, comme tels, exclus des
successions : 1o celui qui sera condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt ; 2o celui
qui a porté contre le défunt une accusation capitale jugée calomnieuse ; 3o l'héritier majeur qui, instruit
du meurtre du défunt, ne l'aura pas dénoncé à la justice ».

108. Un tel dispositif se devait d'être réformé, en premier lieu parce que le cas d'indignité prévu à
l'ancien article 727-2o du code civil (V. infra, no 127) était tombé en désuétude. L'« accusation capitale
jugée calomnieuse » portée par le successible contre le défunt supposait, en effet, les trois conditions
suivantes : une accusation portée contre le défunt, par voie de plainte ou de dénonciation  ; une
accusation capitale, le crime imputé devant être de ceux que la loi punissait de mort ; enfin, une
accusation calomnieuse ayant entraîné une condamnation du successible de ce chef. On mesure que
l'abolition de la peine de mort en droit français, par la loi du 9 octobre 1981, avait fait tomber en
désuétude l'article 727-2o, ainsi que l'avait affirmé une jurisprudence récente (Bourges, 18 janv. 1999,
Dr. fam. 1999. Comm. 73, obs. Beignier). Une telle position devait être approuvée, car le caractère de
peine privée de l'indignité successorale n'autorisait évidemment pas à en étendre les effets hors des
limites définies par la lettre du texte (V. inclinant en ce sens : M. GRIMALDI, Successions, 6e éd., 2001,
Litec, no 90 ; F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. cit., no 48-b ; H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4,
2e vol., no 721 ; adde, retenant la « caducité » de l'ancien art. 727-2o : Ph. MALAURIE, op. cit., no 44 ;
comp. toutefois J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., no 29). Il était cependant souhaitable que la lettre de la
loi fût rénovée.

109. En second lieu, et contrairement à l'analyse doctrinale développée avant la réforme du 3 décembre
2001, le caractère de peine privée de l'indignité successorale ne commandait pas nécessairement
l'application de plein droit de la déchéance frappant l'héritier. En vérité, ainsi qu'en a décidé le législateur
lors de la réforme de 2001, l'opportunité de maintenir la déchéance de plein droit face aux actes les plus
graves n'excluait nullement l'introduction d'une série de cas d'indignité facultative, le prononcé de
l'indignité étant alors abandonné au pouvoir du juge.
Art. 1 - Indignité de plein droit

110. L'article 726 du code civil prévoit deux cas d'indignité de plein droit. Ledit texte vise à la fois :
« 1o celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement
donné ou tenté de donner la mort au défunt ; 2o celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à
une peine criminelle pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait
ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner ».
Actualisation
110 s. Pas de suspension des droits successoraux pour l'auteur présumé d'un crime (Rép. min. n o 12375,
JOAN Q 2 juin 2009).

111. L'article 726-1o du code civil reprend pour partie le cas d'indignité originairement prévu à l'article
727-1o ancien du même code. Rappelons que, selon l'ancien texte, était indigne de succéder le
successible qui avait été condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt. Aujourd'hui,
comme avant la loi du 3 décembre 2001, une telle exclusion se justifie d'elle-même. Surtout, la
formulation de l'article 726, 1 o, suppose toujours qu'une condamnation ait été prononcée contre le
successible. Une telle exigence, déjà connue sous l'empire du texte originaire, exclut l'indignité de
l'héritier dans plusieurs hypothèses.

112. Au premier chef, l'indignité sera écartée lorsque le décès de l'héritier est intervenu, soit avant toute
poursuite (V. toutefois, pour le cas de l'héritier qui assassine ses parents, puis se suicide, Civ. 1re, 18 déc.
1984, préc. supra, no 100 : en l'espèce, la décision du tribunal déclarant l'héritier indigne était passée en
force de chose jugée, car il n'avait pas été interjeté appel du jugement ; adde : Riom, 15 mai 2001,
D. 2001. Somm. 2938, obs. Nicod  ), soit au cours de l'instance pénale (T. civ. Montreuil-sur-mer,
5 mars 1897, DP 1897. 2. 184). De même, afin de permettre la reconnaissance de l'indignité en cas de
suicide de l'indigne, il avait été envisagé de créer un cas particulier d'indignité facultative, visant à déchoir
« celui qui, après avoir donné ou tenté de donner la mort » au défunt s'est donné la mort, aux termes
d'un sous-amendement adopté par le Sénat (JO Sénat CR, 21 juin 2001, p. 3426 et s.). Cette proposition,
qui serait d'application heureusement marginale, ne manquait cependant pas d'intérêt. Elle n'a finalement
pas été retenue par le législateur.

113. De même, comme avant la réforme, il faut convenir que si l'action publique est prescrite, toute
indignité, fondée sur l'article 726 nouveau du code civil, se trouve exclue, faute de condamnation de
l'héritier. Il faut enfin souligner que l'héritier meurtrier ne saurait davantage être frappé d'indignité
lorsqu'il aura bénéficié d'une amnistie (M. GRIMALDI, op. cit., no 90 ; F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. cit.,
no 48, note 46 ; contra : H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4, 2e vol., no 720). Pourtant, si l'amnistie
efface la condamnation (C. pén. nouv., art. 133-9), elle laisse intacts les droits des tiers (C. pén. nouv.,
art. 133-10) : en cela, elle ne devrait pas porter atteinte à la situation de ceux auxquels la succession a
été déférée en conséquence de l'exclusion de l'indigne.
114. L'hypothèse d'une réhabilitation de l'héritier condamné pourrait commander une identique
conclusion, puisque la loi pénale renvoie expressément (C. pén. nouv., art. 133-16, al. 1er) aux articles
133-10 et 133-11 du nouveau code pénal, qui régissent les effets de l'amnistie. On remarque que la
réhabilitation n'emporte pas effacement rétroactif de la condamnation initialement prononcée. Pourtant,
l'indignité devrait demeurer inopposable à l'héritier réhabilité, car il est de principe que nul ne peut faire
état de la condamnation qu'efface précisément la réhabilitation (C. pén., art. 133-16 et 133-11 ; rappr. :
M. GRIMALDI, op. cit., no 90, note 29).

115. L'ancien article 727-1o ne visait expressément que l'auteur de l'infraction, à l'exclusion du complice
de celui-ci. L'omission était contestable, en ce qu'il est traditionnellement admis que le complice
emprunte la criminalité de l'auteur principal de l'infraction pénale. Au vrai, la doctrine était
majoritairement favorable à une interprétation élargie assimilant le complice à l'auteur, l'intention
criminelle étant la même chez l'un comme chez l'autre et le complice ayant contribué par son action
volontaire à l'acte de donner ou de tenter de donner la mort (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 593,
texte et note 7-2 ; M. GRIMALDI, op. cit., no 90 ; F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. cit., no 48 ; H., L. et
J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4, 2e vol., no 720). Faute d'une disposition expresse, l'analyse pouvait
néanmoins être contestée, en raison notamment du principe d'interprétation stricte de la loi pénale
(J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., no 26), et un jugement avait ainsi décidé que le complice est puni
pour avoir aidé ou assisté l'auteur du meurtre, et non pour avoir donné ou tenté de donner la mort  ; que,
dès lors, assimiler le complice à l'auteur principal revenait à étendre abusivement les dispositions légales
en une matière où l'interprétation restrictive s'impose (T. civ. Épernay, 22 nov. 1950, D. 1950. 781, JCP
1950. II. 5193, RTD civ. 1951. 97, obs. R. Savatier, Gaz. Pal. 1951. 1. 91). L'analyse était évidemment
critiquable, et le nouvel article 726-1o et 2o lève désormais toute incertitude, auteur et complice
encourant pareillement l'indignité de plein droit.

116. La volonté du législateur d'élargir le dispositif de l'indignité successorale se révèle à travers l'article
726-2o du code civil. Dans ce second cas d'indignité de plein droit, il est en effet prévu que le successible
a « volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du
défunt sans intention de la donner ». Or, une telle extension du dispositif de l'indignité suscite un certain
étonnement, d'autant plus que la doctrine antérieure à la réforme de 2001 admettait et justifiait la
nécessité de constater l'intention homicide pour fonder la déchéance (H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS,
t. 4, 2e vol., no 720 ; M. GRIMALDI, op. cit., no 90). Elle n'est pourtant pas dépourvue d'opportunité, et
l'on peut aisément admettre que les conséquences avérées de l'infraction (ou, si l'on préfère, la gravité
du comportement de l'héritier) l'emportent ici sur l'existence de l'intention homicide.

117. Il reste que la loi nouvelle heurte de plein fouet la jurisprudence développée sous l'empire des
textes antérieurs. En effet, une doctrine classique estimait que l'ancien article 727-1 o supposait non
seulement une condamnation, mais une condamnation prononcée pour une infraction dont l'intention
homicide apparaissait, en toute hypothèse, comme un élément constitutif (C. AUBRY et C. RAU, op. cit.,
t. 9, § 593, texte et note 1 ; M. PLANIOL et G. RIPERT, op. cit., t. 4, no 46 ; R. SAVATIER, obs. RTD civ.
1936. 516 et 1950. 207 ; M. NAST, note DP 1937. 2. 27 ; comp. MIMIN, chron. préc.). Aussi, la sanction
de l'indignité apparaissait-elle inapplicable à l'épouse condamnée pour coups et blessures volontairement
portés à son époux, sans intention de donner la mort, alors même que celle-ci en était résultée (Civ.  1re,
3 oct. 2006, no 04-11.910  , Bull. civ. I, no 429, D. 2006. IR. 2627  , AJ fam. 2006. 424, obs.
Bicheron  , RJPF 2006-12/42, obs. Casey, RLDC 2007/34. 2376, obs. Binet, et ibid. 2007/36, no 2461,
note Mahinga ; V. déjà Paris, 28 mai 1937, DH 1937. 384 ; T. civ. Aix, 31 janv. 1950, D. 1950. 222). Au
surplus, certaines infractions pénales, tel l'empoisonnement, faisaient difficulté, puisque, aujourd'hui
encore, la qualification d'empoisonnement peut être retenue sans intention homicide, alors même qu'elle
relève de la catégorie des « atteintes volontaires à la vie » prévues aux articles 221-1 et suivants du
nouveau code pénal (M. GRIMALDI, op. cit., no 90, note 30). Opportunément, la loi du 3 décembre 2001
a su mettre fin à toute incertitude sur ce point, autorisant à l'évidence à retenir l'infraction
d'empoisonnement au titre de l'article 726-2 o.

118. En vérité, un examen précis de la jurisprudence antérieure à la réforme révèle les difficultés que
suscitait spécialement l'exigence d'une intention homicide. Si la jurisprudence penchait généralement
pour une interprétation littérale du texte, il avait cependant pu être admis qu'une condamnation pour
coups et blessures suffisait, s'il était établi en fait qu'il y avait eu meurtre et que la cour d'assises n'avait
autrement qualifié l'infraction que pour atténuer la rigueur de la répression (T. civ. Arras, 11 déc. 1935,
DP 1937. 2. 27). Une telle interprétation, si elle pouvait sembler pratiquement satisfaisante, allait
directement contre les termes de la loi dont elle forçait le sens, alors qu'il s'agissait de prononcer une
déchéance, laquelle devait être entendue strictement (M. NAST, note préc. ; R. SAVATIER, obs. RTD civ.
1936. 516). Ainsi, il ne suffisait pas d'une condamnation prononcée pour la dénonciation d'une personne
faite à l'ennemi en temps de guerre, même si cette dénonciation avait entraîné la déportation de la
personne dénoncée et sa mort en déportation, car l'intention homicide n'était pas un élément de
l'infraction pour laquelle la condamnation avait été prononcée (T. civ. Mayenne, 12 janv. 1950,
D. 1950. 203).
Art. 2 - Indignité facultative

119. La consécration de cinq causes d'indignité facultative de l'héritier a constitué l'une des innovations
majeures de la loi du 3 décembre 2001 en matière d'indignité successorale (S. PIEDELIÈVRE, Réflexions
sur la réforme des successions, Gaz. Pal. 2002. Doctr. 576, spéc. n o 55). L'article 727 du code civil vise
diverses hypothèses que l'on peut regrouper comme suit : en premier lieu, deux cas de condamnation à
une peine correctionnelle pour une action volontaire qui aurait entraîné ou pu entraîner la mort du défunt
(art. 727-1o et 2o) ; en second lieu, un cas de condamnation pour abstention volontaire d'empêcher une
atteinte contre l'intégrité corporelle du défunt, d'où il est résulté la mort de celui-ci (art. 727-4o) ; enfin,
deux cas de condamnation, l'un pour témoignage mensonger (art. 727-3o), l'autre pour dénonciation
calomnieuse contre le défunt (art. 727-5o), dans la perspective d'une éventuelle procédure criminelle.
§ 1 - Atteintes à l'intégrité corporelle du défunt

120. L'article 727 du code civil envisage principalement comme causes de l'indignité les atteintes portées
à l'intégrité corporelle du de cujus. La faute de l'héritier auteur de l'infraction pénale peut s'analyser aussi
bien en une action positive (art. 727-1o et 2o) qu'en une simple abstention (art. 727-4o).
A. - Action de l'héritier

121. L'article 727-1o et 2o du code civil reproduit, presque mot pour mot, les dispositions de l'article 726-
1o et 2o (V. supra, nos 110 et s.), à une exception près toutefois : ce n'est plus la condamnation à une
peine « criminelle » que vise l'article 727-1o et 2o, mais la condamnation à une peine « correctionnelle ».
Une telle disposition est de nature à mettre fin aux difficultés qu'ont posées, par le passé, les cas de
disqualification d'infractions (J. CASEY, Droit des successions : commentaire de la loi du 3 décembre
2001, RJPF 2002-1, p. 6 et s. [1re partie], spéc. p. 7), les poursuites pénales ayant pu donner lieu parfois
à disqualification du crime en délit pour éviter le risque d'acquittement devant les cours d'assises.

122. Il est remarquable que, pour les cas d'indignité facultative prévus à l'article 727-1 o et 2o du code
civil, les héritiers concernés peuvent être déclarés indignes de succéder, alors même qu'«  en raison de
leur décès, l'action publique n'a pu être exercée ou s'est éteinte » (C. civ., art. 727, in fine). À la
différence des cas d'indignité de plein droit prévus à l'article 726 nouveau (V. supra, nos 110 et s.), le
non-exercice ou l'extinction de l'action publique, à raison du décès de l'héritier, n'est pas une condition
nécessaire à la reconnaissance de l'indignité. Cette différence de régime ne s'imposait pas absolument et
l'on peut regretter que la règle énoncée par l'article 727, in fine, n'ait pas été étendue aux cas d'indignité
de plein droit (V. en ce sens : Ph. DAVIAUX, chron. préc., p. 1858). Mais il est vrai qu'en cas d'indignité
facultative, c'est l'intervention du juge civil qui permettra la reconnaissance de l'indignité de l'héritier.
B. - Abstention de l'héritier

123. L'élargissement du dispositif de l'indignité est sensible, au regard de l'article 727-4 o du code civil. Il
s'agit alors d'appréhender, non plus seulement l'action volontaire de l'héritier, mais l'abstention de celui-
ci : peut ainsi être déclaré indigne « celui qui est condamné pour s'être volontairement abstenu
d'empêcher soit un crime soit un délit contre l'intégrité corporelle du défunt d'où il est résulté la mort,
alors qu'il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour les tiers » (C. civ., art. 727-4o). La disposition est
opportune, car il est moralement grave d'avoir laissé commettre, en toute conscience et volonté, l'acte,
qualifié crime ou délit contre l'intégrité corporelle du défunt, qui est à l'origine du décès de celui-ci.

124. Concrètement, c'est à l'obligation positive d'agir pour empêcher l'atteinte à l'intégrité corporelle du
de cujus que se réfère tacitement l'article 727-4 o. Encore faut-il remarquer que toute obligation disparaît
si l'intervention de l'héritier comportait un « risque pour lui ou pour les tiers ». Au cas contraire, il faut
convenir que l'abstention de l'héritier s'analyse en une complicité passive, justifiant l'assimilation à
l'action et commandant, par suite, la déchéance de succéder. La formulation de l'article 727-4 o est
d'ailleurs conforme à la définition pénale du délit de non-assistance à personne en danger (C.  pén.
art. 223-6).

125. Il n'est pas anodin de constater que l'abstention visée par l'article 727-4 o n'est pas de nature à
inclure le cas antérieur de « l'héritier majeur qui, instruit du meurtre du défunt, ne l'aura pas dénoncé à
la justice » (C. civ., art. 727-3o anc.). Dans cette dernière hypothèse, la loi ancienne s'appuyait, non sans
raison, sur le « devoir moral envers la mémoire du de cujus de tout mettre en œuvre pour retrouver et
châtier le coupable » (M. GRIMALDI, op. cit., no 90), et conduisait à frapper d'indignité l'héritier s'étant
abstenu de dénoncer celui qu'il savait être le meurtrier. Encore fallait-il que l'héritier concerné fût majeur,
l'imputabilité de la faute ne pouvant être retenue pour l'héritier mineur, auquel était assimilé, par identité
de motifs, le majeur incapable et, plus largement, toute personne que son état mental pouvait faire
considérer comme n'ayant pas agi avec discernement, sous la réserve que cette incapacité ou cet état
mental ait duré jusqu'au moment où la justice avait été saisie du meurtre (C.  AUBRY et C. RAU, op. cit.,
t. 9, § 593). Plus encore, l'ancien article 728 du code civil venait excuser celui qui n'aurait pas dénoncé le
meurtre du de cujus, en raison de la proximité du lien de parenté ou d'alliance qui l'unissait au meurtrier.
Ainsi le défaut de dénonciation ne pouvait-il être opposé « aux ascendants et descendants du meurtrier,
ni à ses alliés au même degré, ni à son époux ou à son épouse, ni à ses frères et sœurs, ni à ses oncles et
tantes, ni à ses neveux et nièces ».

126. En vérité, le cas d'indignité prévu à l'ancien article 727-3 o du code civil suscitait diverses difficultés
et critiques. Singulièrement, l'obligation dont la méconnaissance constituait l'indignité était celle de
dénoncer à la justice le meurtre, mais non le meurtrier. La loi ne fixait aucun délai dans lequel une telle
dénonciation devrait être faite. Il appartenait donc toujours aux tribunaux d'apprécier si, au moment où la
justice avait eu connaissance du meurtre, le successible, qui en était instruit, était en retard pour ne
l'avoir pas dénoncé encore (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 593, texte et note 19 ; M. PLANIOL et
G. RIPERT, op. cit., t. 4, no 48). L'ancien article 728 prêtait pareillement le flanc aux critiques doctrinales.
On avait fait observer que ce texte était mal rédigé : les mots « ni à ses alliés au même degré » eussent
dû venir à la fin de l'article, et il était certain que les conjoints des collatéraux que le texte énumérait
étaient dans la même situation que ceux des ascendants ou des descendants (C. AUBRY et C. RAU, op.
cit., t. 9, § 593, texte et note 22). Enfin, l'application de l'ancien article 728 supposait que le nom du
meurtrier fût connu de la justice. S'il l'était avant que l'indignité eût été prononcée, celle-ci ne pouvait
l'être. S'il n'était connu qu'après que l'indignité eût été prononcée, l'indigne pouvait se faire restituer la
succession, s'il se trouvait encore en situation d'exercer une voie de recours contre le jugement
d'indignité ; mais si cette dernière condition n'était pas remplie, il n'y avait rien à faire.
§ 2 - Témoignage mensonger ou dénonciation calomnieuse contre le défunt
127. La rédaction de l'article 727-3 o et 5o relève, quant à elle, d'un souci de modernisation des règles
régissant l'indignité successorale. Sur ce point, le texte n'est pas sans rappeler l'ancien article 727-2 o du
code civil prévoyant l'indignité de « celui qui a porté contre le défunt une accusation capitale jugée
calomnieuse » et dont on a relevé qu'il était tombé en désuétude par suite de l'abolition de la peine de
mort, suivant la loi du 9 octobre 1981 (V. supra, no 108, et les réf. cit.). La loi nouvelle est désormais
ambivalente. Suivant l'article 727-3o, peut être déclaré indigne « celui qui est condamné pour témoignage
mensonger porté contre le défunt dans une procédure criminelle ». La considération du « témoignage
mensonger », au sens de l'article 434-13 du nouveau code pénal, est aujourd'hui inscrite dans la loi
successorale, alors que l'ancien texte visant « une accusation » signifiait, stricto sensu, une plainte ou
une dénonciation. Il est vrai toutefois que la doctrine admettait qu'à l'accusation fût assimilé le faux
témoignage (V. spéc. C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 593, note 9), de sorte que la modernisation du
dispositif sur ce point traduit la consécration pure et simple de l'opinion doctrinale.

128. On comprend mieux, par suite, la rédaction de l'article 727-5 o, qui dispose que peut être déclaré
indigne « celui qui est condamné pour dénonciation calomnieuse contre le défunt lorsque, pour les faits
dénoncés, une peine criminelle était encourue ». Entendue au sens des articles 226-10 et suivants du
nouveau code pénal, la dénonciation calomnieuse suppose ici non seulement une condamnation effective
de l'héritier, mais aussi une réelle gravité des faits dénoncés, puisque l'article 727-5 o exige qu'une peine
criminelle ait été encourue par le de cujus. À l'évidence et contrairement à l'opinion développée sous
l'empire de l'ancien article 727 du code civil, il faut convenir que la condamnation pour témoignage
mensonger n'entre pas dans le champ de l'article 727-5 o, pour être expressément envisagée au 3 o du
même texte.
Section 2 - Mode de réalisation de l'indignité successorale

129. Au XIXe siècle, la doctrine dominante estimait que l'indignité ne pouvait exister de plein droit mais
devait, au contraire, être spécialement prononcée par la justice (C. DEMOLOMBE, Cours de code
Napoléon, t. 13, 1875, Pédone, nos 275 et s. ; C. AUBRY et C. RAU, 5e éd., t. 9, § 593, texte et note 25) :
les auteurs invoquaient l'autorité de la tradition et faisaient observer que, dans le cas visé par l'ancien
article 727-3o du code civil, la constatation par la justice de la faute du successible était une véritable
nécessité. On pouvait toutefois répondre à ce double argument. Si notre Ancien droit exigeait un
jugement d'indignité, c'est qu'alors la détermination des causes de l'indignité était abandonnée à
l'appréciation des juges ; sous l'empire du code civil, elle était faite, au contraire, par la loi elle-même.
D'autre part, si un jugement était indispensable dans le troisième cas prévu à l'ancien article 727, cela
n'empêchait pas l'indignité de jouer de plein droit dans les deux autres qui, seuls, présentaient une
importance pratique. À l'inverse, l'opinion selon laquelle l'indignité successorale devait opérer de plein
droit avait toujours eu des défenseurs (F. LAURENT, Principes de droit civil, t. 9, nos 12 et s. ;
G. BAUDRY-LACANTINERIE et A. WAHL, Des successions, 3e éd., t. 1, no 260), et une doctrine classique
(C. AUBRY et C. RAU, 6e éd., t. 9, § 593, texte et note 25 ; M. PLANIOL et G. RIPERT, op. cit., t. 4, no 49,
R. BEUDANT et P. LEREBOURS-PIGEONNIÈRE, op. cit., t. 5, no 403 ; A. COLIN et H. CAPITANT, op. cit.,
t. 3, no 1013 ; G. RIPERT et J. BOULANGER, op. cit., t. 4, no 1546 et s.), reprise par les auteurs
modernes (M. GRIMALDI, op. cit., no 91 ; H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4, 2e vol., no 723 ;
J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., no 30 ; F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. cit., no 49), inclinait
unanimement en ce sens. Quant à la jurisprudence, elle s'était également prononcée en faveur de
l'indignité de plein droit (Bordeaux, 1 er déc. 1853, DP 1854. 2. 157 ; Poitiers, 25 juin 1856, DP 1856. 2.
195 ; T. civ. Épernay, 22 nov. 1950, D. 1950. 781 ; V. toutefois T. civ. Marmande, 25 juin 1879, DP
1881. 3. 85, qui déclarait, au contraire, un jugement nécessaire).

130. Force est de remarquer le bouleversement opéré, sur ce point, par la réforme du 3 décembre 2001.
Par la consécration d'un dispositif ambivalent qui s'articule autour de la distinction entre indignité de plein
droit et indignité facultative, la loi nouvelle oblige à reconsidérer le principe antérieur d'effet automatique
de la déchéance de succéder. De surcroît, il faut souligner que si l'indignité cesse d'opérer toujours de
plein droit, pour n'être parfois que facultative, la loi du 3 décembre 2001 introduit, pour tous les cas
d'indignité où elle est d'application concevable, une faculté de relèvement, de pardon émanant du de
cujus à l'endroit de l'héritier frappé par l'indignité. Ainsi, ces modifications participent d'une refonte totale
du dispositif légal de l'indignité successorale.
Art. 1 - Reconnaissance de l'indignité
§ 1 - Indignité de plein droit

131. Lorsque l'indignité opère de plein droit (C. civ., art. 726), il est aujourd'hui d'évidence qu'il n'est nul
besoin d'un jugement spécial pour faire reconnaître l'indignité successorale de l'héritier. Cela revient à
dire que la condamnation pour les faits visés par l'article 726 du code civil suffit pour commander
l'indignité. Du reste, la loi du 3 décembre 2001 est parfaitement claire sur ce point, en ce qu'elle réserve
l'intervention du tribunal de grande instance aux seuls cas d'indignité facultative de l'article 727 du code
civil.

132. Sur le principe, on remarquera que l'indignité de l'article 726 du code civil n'exige aucune
intervention judiciaire, à la différence de ce qu'impliquait l'ancien article 727-3 o. Alors même que la
doctrine antérieure à la loi du 3 décembre 2001 s'accordait à reconnaître que l'indignité devait opérer de
plein droit, un jugement spécial demeurait nécessaire dans le cas où l'indignité était fondée sur le défaut
de dénonciation du meurtre du défunt. Cette réserve n'a désormais plus lieu d'être, ce qui restaure la
cohérence du dispositif admettant l'indignité de plein droit.

133. L'exclusion de toute décision judiciaire doit, néanmoins, être relativisée, car l'intervention du juge
est requise s'il y a contestation. Aussi faut-il dire quelques mots de l'action qui devrait être exercée en
pareil cas, étant entendu que la jurisprudence antérieure à la réforme du 3 décembre 2001 retrouve alors
une réelle pertinence. Ainsi, cette action en contestation devrait appartenir à tous intéressés  : un
jugement l'avait refusée à un légataire particulier, sous prétexte qu'une telle action ne peut être intentée
que par un héritier du sang ou un successeur irrégulier (T. civ. Arras, 11 déc. 1935, DP 1937. 2. 27, note
M. Nast), mais ce jugement a été réformé par un arrêt qui admet tous intéressés à agir, et même le
légataire particulier, si celui-ci y a intérêt (Douai, 27 juill. 1937, S. 1938. 2. 19). L'action devrait être
dirigée normalement contre l'indigne, mais pourrait l'être, après son décès, contre ses héritiers (T.  civ.
Marmande, 25 juin 1879, préc. supra, no 129).
§ 2 - Indignité facultative

134. Lorsque l'indignité n'est que facultative (C. civ., art. 727 ; V. supra, nos 119 et s.), la loi du
3 décembre 2001 prévoit l'intervention nécessaire du tribunal de grande instance pour procéder à la
déclaration de l'indignité, après l'ouverture de la succession (C. civ., art. 727-1). Précisément, c'est le
tribunal du lieu d'ouverture de la succession qui est compétent (CPC, art. 45).

135. C'est en principe à la demande d'un cohéritier que le tribunal sera saisi. Mais, en l'absence
d'héritier, la demande peut être formée par le ministère public (C. civ., art. 727-1, al. 2). Si les
cohéritiers de l'indigne s'abstiennent d'agir, le ministère public n'a pas qualité pour faire déclarer
l'indignité à leur place : l'indigne pourrait donc, le cas échéant, succéder à son auteur malgré la cause
d'indignité qui le frappe.

136. Il semble toutefois regrettable que la victime elle-même ne se voit pas ouvrir l'action en déclaration
d'indignité. L'action est parfaitement concevable lorsque la mort n'est pas résultée des faits constitutifs de
l'indignité de l'héritier : il en ira ainsi dans les hypothèses, diverses, de tentative de meurtre (art. 727-
1o), de témoignage mensonger (art. 727-3o) ou de dénonciation calomnieuse (art. 727-5o) contre le
défunt. Singulièrement, la règle pourrait conduire à permettre à l'héritier de venir à la succession, grâce à
la passivité de ses cohéritiers, décidés à ne pas agir par suite de quelque odieux «  marchandage » avec
l'indigne (J. CASEY, Droit des successions : commentaire de la loi du 3 décembre 2001, RJPF 2002-1, p. 6
et s. [1re partie], spéc. p. 7), ou simplement négligents. Il eût donc été bienvenu de reconnaître à la
victime elle-même qualité pour agir en déclaration d'indignité. Du reste, si les cohéritiers ont évidemment
intérêt à agir, on pourrait également soutenir que le de cujus, spécialement victime d'un témoignage
mensonger ou d'une dénonciation calomnieuse, jouit d'un droit strictement personnel de se plaindre de la
« calomnie » dont il a souffert. L'opinion fut soutenue naguère (BAUDRY-LACANTINERIE et WAHL, op. cit.,
no 250) et n'est pas sans relief face aux règles actuelles.

137. Le délai légal pour former la demande de déclaration d'indignité est de six mois. Mais le point de
départ de ce délai varie selon que la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité est
antérieure ou postérieure au décès. Si elle est antérieure au décès, la demande doit être formée dans les
six mois du décès ; si elle est postérieure, la demande sera formée dans les six mois de la décision de
condamnation ou de déclaration de culpabilité (C. civ., art. 727-1, al. 1er).
Art. 2 - Faculté de relèvement

138. Avant la loi du 3 décembre 2001, l'indignité s'analysait en une déchéance de plein droit et
n'admettait aucune faculté de relèvement de nature à rétablir l'indigne dans ses droits successoraux ab
intestat. Certes, rien n'interdisait au de cujus d'anéantir, au moins partiellement, les effets de la
déchéance, en consentant au successible indigne des libéralités à cause de mort postérieurement aux
faits fondant l'indignité. La doctrine voyait dans cette éventualité l'expression d'une «  faculté de pardon »
(M. GRIMALDI, op. cit., no 92). Mais la loi n'autorisait aucun relèvement s'agissant précisément des droits
successoraux de l'indigne (V. à cet égard, Douai, 27 juill. 1937, S. 1938. 2. 109). Ce caractère impératif
des effets de l'indignité successorale n'était cependant pas en parfait accord avec le caractère de peine
privée que revêt l'indignité.

139. L'article 728 du code civil, issu de la loi du 3 décembre 2001, est revenu sur cette analyse et a
ouvert, en effet, au de cujus une faculté de relèvement du « successible frappé d'une cause d'indignité
prévue aux articles 726 et 727 » du code civil. Sur un plan général, il est compréhensible que le pouvoir
de pardonner appartienne au seul défunt, en principe dans tous les cas d'indignité, que celle-ci soit de
droit (art. 726) ou facultative (art. 727). Bien entendu, le pardon du défunt ne peut s'exercer que
« postérieurement aux faits et à la connaissance qu'il en a eue » (art. 728), de sorte qu'aucun relèvement
n'est concevable lorsque du fait générateur de l'indignité successorale, il aura résulté la mort immédiate
du de cujus.

140. L'article 728 du code civil précise encore les formes que peut revêtir le relèvement de l'indignité,
étant précisé qu'il pourrait être soit exprès, soit tacite. Ainsi, dans le cas de figure le plus souhaitable, le
défunt aura « précisé, par une déclaration expresse de volonté en la forme testamentaire, qu'il entend
[…] maintenir [le successible frappé d'une cause d'indignité] dans ses droits héréditaires ». Dans le
silence du texte, il faut convenir que toutes les formes testamentaires sont admissibles : à l'évidence, le
testament, porteur du relèvement, pourrait être authentique ou mystique, mais aussi olographe
(J. CASEY, Droit des successions : commentaire de la loi du 3 décembre 2001, RJPF 2002-1, p. 6 et s.
(1re partie), spéc. p. 7) ou international. Au contraire, le testament-partage, en ce qu'il constitue un acte
répartiteur, un partage d'ascendant et non un acte dévolutif, ne paraît pas assimilable au testament visé
par l'article 728. On ne peut que regretter que le législateur n'ait pas imposé le respect sécurisant de la
forme authentique, car sur la forme olographe risque de peser la suspicion d'éventuelles pressions
exercées par l'héritier indigne à l'égard du testateur (V. en ce sens : 95e Congrès des Notaires, préc.,
no 4040). Plus généralement, le testament olographe est, par nature, exposé au risque de disparition, les
héritiers du de cujus ayant évidemment intérêt à la disparition d'un acte rétablissant, à leur détriment,
l'indigne dans ses droits successoraux (V. Testament ; V. aussi G. CHABOT, Étude 350 : Disparition du
testament, in R. CABRILLAC, B. BEIGNIER et H. LÉCUYER [sous la dir. de], Droit des régimes
matrimoniaux, successions et libéralités, Lamy).
141. La faculté de relèvement pourrait également être exprimée de manière tacite par le défunt. Tel sera
le cas lorsque celui-ci aura « fait une libéralité universelle ou à titre universel » (C. civ., art. 728) au profit
du successible frappé d'une cause d'indignité. L'étendue de la libéralité est ici perçue comme révélatrice
de la volonté de pardon animant le défunt.

142. Il est à remarquer que le texte n'impose le respect de la forme testamentaire, au sens littéral, que
pour la déclaration expresse de maintien de l'héritier dans ses droits héréditaires. S'agissant du
relèvement tacite exprimé par une libéralité universelle ou à titre universel, rien n'exclut que l'acte libéral
valant pardon prenne la forme d'une institution contractuelle. C'est là l'une des utilités nouvelles de la
donation entre époux, depuis la loi du 3 décembre 2001 (V. Donation entre époux ; V. ég., sur cette
question, G. CHABOT, Étude 360, in R. CABRILLAC, B. BEIGNIER et H. LÉCUYER [sous la dir. de], Droit
des régimes matrimoniaux, successions et libéralités, Lamy).
Section 3 - Effets de l'indignité successorale

143. L'indignité successorale a pour effet, selon les articles 726 et suivants, d'exclure l'indigne de la
succession. Cet effet se produit nécessairement dès l'ouverture de la succession, même si l'indignité n'a
été encourue ou connue qu'après le décès, et même si, en cas d'indignité facultative, un jugement est
nécessaire pour le constater. Peu importe que l'indigne se trouve déjà en possession des biens
héréditaires.

144. La doctrine moderne ne reconnaît pas unanimement la rétroactivité de l'indignité. Certes, elle
s'accorde sur le fait que l'indignité a vocation à prendre effet ab initio, soit dès l'ouverture de la
succession du de cujus : par suite, l'indigne est réputé n'avoir jamais été héritier (V. spéc. sur ce point,
H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4, 2e vol., no 726 ; J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., no 32). Il est
vrai que la prise d'effet de l'indignité ne s'opère pas toujours par le biais d'un effet rétroactif : la
rétroactivité n'a réellement lieu que « lorsque les conditions de l'indignité ne sont réunies que
postérieurement à l'ouverture de la succession » (M. GRIMALDI, op. cit., no 93 ; comp. en faveur d'une
rétroactivité sans nuance, C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 594 ; F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. cit.,
no 52 ; J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., no 32).

145. Ce principe entraîne d'importantes conséquences, qui sont, toutefois, en quelque mesure,
tempérées par l'impossibilité de nier le fait que l'indigne a pu avoir la possession de la succession. De
surcroît, la loi du 3 décembre 2001 a apporté une importante modification des règles originaires, en
permettant aux enfants de l'indigne de venir à la succession du défunt par représentation de leur auteur.
Les divers effets de l'indignité seront examinés à l'égard des héritiers appelés à la place de l'indigne, des
enfants de l'indigne et, enfin, des tiers.
Art. 1 - Effets généraux à l'égard des héritiers appelés à la place de l'indigne

146. L'indignité reconnue, l'indigne perd rétroactivement la qualité de successible. Il n'a jamais eu de
droit sur les biens de la succession qu'il avait pu appréhender. Il est même légalement présumé
possesseur de mauvaise foi (arg. C. civ., art. 729 ; C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 594, texte et note
2 ; M. GRIMALDI, op. cit., no 93).

147. L'indigne doit restituer aux personnes qui recueillent la succession à sa place tous les biens
héréditaires dont il a pris possession et tous les accroissements que ces biens ont reçus, mais non les
biens qu'il a acquis personnellement, l'eussent-ils été avec des deniers successoraux (Lyon, 12  janv.
1864, DP 1864. 2. 66 ; C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 594, texte et note 3).

148. Il a droit, en revanche, au remboursement des sommes qu'il a déboursées pour payer les dettes de
l'hérédité (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 594 ; A. COLIN et H. CAPITANT, op. cit., t. 3, no 1016 ;
G. RIPERT et J. BOULANGER, op. cit., t. 4, no 1556).
149. Les droits réels ou personnels qui existaient entre l'indigne et le défunt et qui, du fait de la
succession, avaient semblé s'éteindre par consolidation ou confusion, sont réputés, même au regard des
tiers, n'avoir cessé d'exister (AUBRY et RAU, loc. cit.).

150. La restitution des fruits est prévue par l'article 729 du code civil en ces termes : « L'héritier exclu de
la succession pour cause d'indignité est tenu de rendre tous les fruits et tous les revenus dont il a eu la
jouissance depuis l'ouverture de la succession ». C'est cette règle qui autorise à dire que l'indigne est
traité comme un possesseur de mauvaise foi. La formulation actuelle est intégralement reprise de l'ancien
article 729 du code civil, sauf à remarquer que le texte originaire visait, non pas « tous les fruits et tous
les revenus », mais « tous les fruits et les revenus ». Assurément, la modification opérée n'emporte
aucune incidence substantielle.

151. Les intérêts des sommes touchées par l'indigne comme détenteur de la succession sont dus de plein
droit, et non à compter d'une sommation adressée à l'indigne. Mais, par une juste réciprocité, les sommes
déboursées par l'indigne pour le paiement des dettes héréditaires portent également intérêt de plein
droit, au moins lorsque ces dettes portaient elles-mêmes intérêt ou que leur acquittement a évité des
poursuites (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 594 ; F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. cit., no 52).

152. Il reste que ce régime n'a pas vocation à s'appliquer aux créances existant entre l'indigne et le
défunt, que l'on avait cru éteintes et qui ont reparu : il n'y a aucune raison de soustraire ces dernières
créances au droit commun des articles 1153 et suivants du code civil (C. AUBRY et C. RAU, loc. cit.).

153. L'exclusion résultant de l'indignité n'enlève à l'indigne que les droits qui lui appartiennent en qualité
de successeur ab intestat. Elle ne concerne pas les donations et les legs que le défunt avait pu faire à son
successible ; ces libéralités peuvent seulement être susceptibles de révocation pour cause d'ingratitude
dans les termes des articles 955 à 958, 1046 et 1047 du code civil (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9,
§ 594, texte et note 10 ; V. toutefois Lyon, 12 janv. 1864, DP 1864. 2. 66 ; comp. Bordeaux, 1er déc.
1853, DP 1854. 2. 157).

154. L'indignité n'existe qu'à l'égard de la succession du de cujus victime du comportement de l'indigne.
Les auteurs modernes soulignent ainsi la relativité de l'indignité qui ne concerne jamais que la relation
successorale unissant l'indigne à sa victime (M. GRIMALDI, op. cit., no 94 ; F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op.
cit., no 53).

155. L'indigne peut venir à la succession de toute personne autre que celle contre laquelle il a accompli
les actes prévus par la loi. L'indigne pourrait recueillir des biens provenant de la succession dont il a été
exclu dans la succession ultérieurement ouverte d'une autre personne qui avait hérité de ces biens à sa
place.

156. De même, rien n'empêche l'indigne de représenter dans une autre succession celui de la succession
duquel il a été exclu (V. sur tous ces points, C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 594, texte et notes 11 et
12 ; F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. et loc. cit. ; M. GRIMALDI, op. et loc. cit.). La loi du 3 décembre 2001
n'a nullement contredit cette règle, unanimement admise avant la réforme.
Art. 2 - Effets particuliers à l'égarddes enfants de l'indigne

157. Avant la loi du 3 décembre 2001, les effets de l'indignité successorale à l'égard des enfants de
l'indigne étaient réglés par le code civil, dans son ancien article 730, en ces termes  : « Les enfants de
l'indigne, venant à la succession de leur chef, et sans le secours de la représentation, ne sont pas exclus
pour la faute de leur père : mais celui-ci ne peut, en aucun cas, réclamer sur les biens de cette
succession, l'usufruit que la loi accorde aux pères et mères sur les biens de leurs enfants  ». Par suite, si
l'exclusion de l'indigne ne faisait pas de ses enfants les successibles du degré le plus proche, l'indigne
ayant des cohéritiers du même degré que lui, et si l'indigne survivait, les enfants de l'indigne ne
pouvaient prétendre monter au même degré que les cohéritiers de l'indigne en recourant à la
représentation ; ils en étaient, en effet, empêchés par la règle qu'on ne représente pas les personnes
vivantes (C. civ., art. 744 anc.). Dans le même cas, si l'indigne était décédé avant la personne dont la
succession était ouverte, les enfants de l'indigne ne pouvaient pas non plus venir par représentation de
l'indigne à la succession ouverte. Sans doute leur auteur était, par hypothèse, déjà décédé, mais une
autre règle intervenait, celle-là même qu'édictait l'ancien article 730, la règle selon laquelle on ne
représentait pas les indignes (comp., pour le cas où l'indigne survivait à l'ouverture de la succession, mais
était mort avant le partage, Bordeaux, 1er déc. 1853, DP 1854. 2. 157).

158. L'ancien article 730 du code civil a été opportunément abrogé par la loi du 3 décembre 2001. Celle-
ci a édicté un article 729-1 qui renverse le dispositif originaire : « Les enfants de l'indigne ne sont pas
exclus par la faute de leur auteur, soit qu'ils viennent à la succession de leur chef, soit qu'ils y viennent
par l'effet de la représentation : mais l'indigne ne peut, en aucun cas, réclamer, sur les biens de cette
succession, la jouissance que la loi accorde aux père et mère sur les biens de leurs enfants  ». Il est donc
admis, en toute hypothèse, que les enfants de l'indigne puissent désormais venir à la succession du de
cujus soit de leur chef, soit par représentation de leur auteur. La règle est pratiquement justifiée, car le
principe de la personnalité des peines veut assurément que les enfants de l'indigne n'aient pas à souffrir
de la faute de leur auteur. Du reste, l'évolution que réalise, sur ce point, la loi du 3  décembre 2001 était
unanimement souhaitée par la doctrine (pour la critique de l'anc. art. 730 : M. GRIMALDI, op. cit., no 94 ;
F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. cit., no 53 ; H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4, 2e vol., no 727 ;
comp. toutefois, plus réservés, J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., no 31) et par le notariat (95e Congrès
des Notaires, préc., no 4041).

159. On remarquera qu'il demeure possible que les enfants de l'indigne soient appelés à succéder de leur
propre chef, sans le secours de la représentation. Aujourd'hui, comme avant les lois du 3 décembre 2001
et du 23 juin 2006, si, par l'exclusion de l'indigne, les enfants de celui-ci deviennent les successibles du
degré le plus proche, ils viennent à la succession de leur chef sans que l'indignité de leur auteur ne porte
atteinte à leur droit (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 594). L'hypothèse des enfants de l'indigne
venant à la succession de leur chef est, d'ailleurs, expressément envisagée par l'article 729-1 du code
civil. Ainsi, les enfants de l'indigne succéderont-ils de leur chef, lorsque l'indigne était l'enfant unique du
de cujus.

160. Mais on s'interroge sur l'hypothèse dans laquelle tous les enfants du de cujus seraient, dans la
succession de ce dernier, reconnus indignes : il est en effet important de savoir si la dévolution devra
s'opérer par souche (par ex., deux enfants A et B, la dévolution s'opérant par moitié entre eux) ou, au
contraire, d'après le nombre de petits-enfants (par ex., trois enfants issus de A et deux enfants issus de
B, ce qui conduirait à une dévolution par parts égales pour chacun des cinq petits-enfants). La loi du
23 juin 2006 n'a pas levé cette incertitude résultant de la réforme de 2001. Sans doute, conformément au
droit commun, pourrait-on retenir le jeu du mécanisme de la représentation (C. civ., art. 752 et 752-2).
Mais, reprenant la substance de l'ancien article 730 du code civil, l'article 729-1 du même code envisage
précisément le cas dans lequel les enfants de l'indigne « viennent à la succession de leur chef », ce qui
semble manifestement renvoyer à l'hypothèse d'une pluralité d'héritiers indignes, permettant aux enfants
de ces derniers de succéder de leur chef à la succession du de cujus (en ce sens : S. ROBINNE, De
quelques interrogations en droit des successions depuis la loi du 3 décembre 2001, Dr. et patr., déc.
2002, p. 24, spéc. p. 26). Si tel est le cas, la défaillance de tous les héritiers doit être constatée au
premier degré. Par suite, le mécanisme de la représentation successorale n'aura pas lieu d'être mis en
œuvre en vertu de l'article 755, alinéa 1 er, du code civil (contra : M.-C. FORGEARD, R. CRÔNE et
B. GELOT, La réforme des successions. Loi du 3 décembre 2001. Commentaire et formules, préf.
G. MORIN, 2002, Defrénois, no 81, p. 78, spéc. « exemple 31 » ; sur la représentation, V. infra, nos 263
et s.). Bien entendu, la même analyse s'imposera en cas de renonciation des héritiers du premier degré.
161. Depuis la loi du 23 juin 2006, il est prévu que les enfants de l'indigne conçus avant l'ouverture de la
succession dont l'indigne a été exclu « rapportent à la succession de ce dernier les biens dont ils ont
hérité en son lieu et place, s'ils viennent en concours avec d'autres enfants conçus après l'ouverture de la
succession » (C. civ., art. 754, al. 2). Cette disposition légale, littéralement relative aux enfants du
renonçant, est applicable à ceux de l'indigne « de son vivant », par renvoi exprès de l'article 755, alinéa
2, du code civil à l'article 754, alinéa 2, du même code. Ce mécanisme de rapport à la succession du
représenté n'a d'autres fins que de restaurer l'égalité entre les enfants du représenté. Il a vocation à
bénéficier également aux enfants du représenté qui seraient nés postérieurement à la succession à
laquelle précisément leur auteur avait renoncé. Sans doute, la portée de ce mécanisme n'est-elle pas
absolue, et la doctrine a dénoncé, à juste titre, l'imperfection concrète de ses effets (E.  BERRY-BERTIN,
La représentation du renonçant : quelle représentation et quelle renonciation ?, RLDC 2006/33. 2340, et
2007/34. 2373, spéc. p. 49 ; N. LEVILLAIN, Le rapport de la succession reçue en lieu et place de
l'indigne, JCP N 2006. 1099). Plus encore, ce mécanisme de rapport, qui sera mis en œuvre par
application des articles 843 et suivants du code civil (C. civ., art. 754, al. 2, renvoyant aux dispositions de
la « section II du chapitre VIII » du titre 1er du livre III), devrait produire parfois des effets
économiquement redoutables, puisque son étendue sera fonction de l'ampleur de la succession recueillie
naguère par les représentants. En permettant la représentation d'une personne vivante, fût-elle reconnue
indigne, le législateur a cru nécessaire de prendre en compte l'éventuelle survenance d'un enfant au
représenté, pour éviter l'inégalité, voire la discrimination entre les enfants de l'indigne. Il convient
certainement d'adhérer à l'opinion selon laquelle la règle de l'article 725 du code civil («  pour succéder, il
faut exister à l'ouverture de la succession ») aurait suffi à justifier que l'enfant né trop tard n'ait aucun
droit sur la succession recueillie par les autres enfants de l'indigne (V. en ce sens la démonstration de
M. GRIMALDI, Présentation de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités,
D. 2006. Chron. 2551  ).

162. Enfin, sur les biens que les enfants de l'indigne peuvent obtenir, l'indigne ne peut jamais prétendre
exercer le droit de jouissance légale prévu par les articles 382 et suivants du code civil, en ce qui
concerne les mineurs de 16 ans (V. Jouissance légale). C'est l'article 729-1 du code civil qui exclut ainsi,
dans la situation évoquée, le droit de jouissance légale de l'auteur indigne.
Art. 3 - Effets à l'égard des tiers

163. La doctrine du XIXe siècle était divisée quant à l'effet de l'indignité successorale à l'égard des tiers.
Les auteurs qui estimaient nécessaire qu'un jugement spécial eût prononcé l'indignité, soutenaient qu'à
l'égard des tiers, ce jugement ne faisait disparaître la vocation de l'indigne que pour l'avenir : les actes
accomplis par l'indigne sur les biens héréditaires étaient donc valables (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9,
5e éd., par G. BARTIN, 1917, Marchal et Billard, § 594, texte et notes 13 et 24). Les auteurs qui
admettaient que l'indignité opère de plein droit lui reconnaissaient un effet rétroactif, même à l'égard des
tiers, mais faisaient la distinction, parmi les actes de l'indigne, des actes d'administration qui étaient
maintenus et des actes de disposition qui étaient annulés (LAURENT, op. cit., no 29 ;BAUDRY-
LACANTINERIEet WAHL, op. cit., no 286).

164. Mais la rigueur souvent intolérable qu'il y aurait à faire jouer contre des tiers de bonne foi la nullité
des actes de l'indigne trouve un large tempérament dans la théorie, elle aussi aujourd'hui acceptée par
tous, de la validité des actes de l'héritier apparent (V. Apparence, Pétition d'hérédité). La doctrine admet
que les actes accomplis par l'indigne sur la succession doivent être traités comme ceux d'un héritier
apparent, c'est-à-dire que, même s'il s'agit d'actes de disposition en matière immobilière, ils sont nuls en
principe, mais d'une nullité qui ne peut être opposée à un tiers dont la bonne foi se fonde sur une erreur
commune (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 594, texte et note 14 ; H., L. et J. MAZEAUD et
F. CHABAS, t. 4, 2e vol., no 728). En jurisprudence, un arrêt a déclaré valable, au profit d'un acquéreur
de bonne foi, la vente, par un fils, d'un bien provenant de la succession de son père à une époque
antérieure à la condamnation du vendeur comme parricide (Poitiers, 25 juin 1856, DP 1856. 2. 195).
Chapitre 4 - Vocation du successible à l'hérédité

165. Pour avoir part à une succession, il faut venir en rang utile dans l'ordre légal des successibles.
Normalement, la succession est dévolue en une masse unique aux mêmes catégories de personnes.
Cependant, la transmission de certains biens obéit à des règles particulières : il existe alors, à côté de la
succession ordinaire (V. infra, nos 166 et s.), une succession anomale (V. infra, nos 388 et s.).
Section 1 - Succession ordinaire

166. La loi du 3 décembre 2001 n'a pas omis de moderniser la rédaction des textes fondant
généralement la vocation du successible à l'hérédité dans le cadre d'une succession ordinaire. Il aura fallu
tenir compte, en effet, de l'achèvement de l'égalité des filiations au plan successoral et de la promotion
successorale du conjoint survivant.

167. On se rappelle que, dans le code civil de 1804, l'article 723 envisageait deux sortes de
successibles : les héritiers légitimes et les successeurs irréguliers. L'article 724 marquait le double intérêt
de cette distinction : d'une part, les héritiers légitimes étaient saisis de plein droit des biens, droits et
actions du défunt, alors que les successeurs irréguliers devaient se faire envoyer en possession ; d'autre
part, les héritiers légitimes avaient l'obligation d'acquitter toutes les charges de la succession, alors que
rien de tel n'était expressément imposé aux successeurs irréguliers.

168. Dans l'Ancien droit français, tous les individus qui étaient appelés à recueillir les biens d'une
personne décédée étaient des héritiers légitimes. Les seuls successeurs irréguliers étaient les seigneurs
justiciers ou le roi se prévalant de prérogatives de souveraineté, telles que les droits de déshérence, de
bâtardise ou d'aubaine (R. BEUDANT et P. LEREBOURS-PIGEONNIÈRE, op. cit., t. 5, no 46 ; G. RIPERT et
J. BOULANGER, op. cit., t. 4, no 1521).

169. Le code civil avait bouleversé la distinction en classant parmi les successeurs irréguliers des
individus exerçant un véritable droit de succession. L'article 723 du texte de 1804 n'entendait par
héritiers légitimes que les parents légitimes. Il voyait des successions irrégulières dans celles qui étaient
déférées, non seulement à l'État, mais aux enfants naturels ou à l'époux survivant.

170. D'importantes modifications ont été ultérieurement apportées par la loi et même par la
jurisprudence. La loi du 25 mars 1896 (DP 1896. 4. 26) a fait passer les enfants naturels et les père et
mère naturels de la classe des successeurs irréguliers dans celle des héritiers légitimes ; plus exactement,
ne comprenant plus le sens des termes héritiers légitimes, heredes legitimi, héritiers selon la loi, le
législateur a juxtaposé à la classe des héritiers légitimes une classe nouvelle d'héritiers naturels qu'il a
soumise au même régime. D'autre part, la loi du 9 mars 1891 (DP 1891. 4. 17) a permis au conjoint
survivant, sans lui faire perdre la qualité de successeur irrégulier, de venir toujours en concours avec les
héritiers légitimes ou naturels (art. 767, réd. L. 9 mars 1891). Enfin, l'ordonnance no 58-1307 du
23 décembre 1958 (D. 1959. 406) a fait passer dans la catégorie des héritiers légitimes, non seulement le
conjoint survivant, mais les frères et sœurs de l'enfant naturel. L'évolution fondamentale était, dès lors,
achevée. Comme sous l'Ancien Régime, tous les individus appelés par la loi à recueillir une succession
sont des héritiers légitimes. L'État, seul, est un successeur irrégulier.

171. Sans remettre en cause ces données fondamentales, la loi du 3 décembre 2001 oblige à
reconsidérer l'ordre successif traditionnel, l'alliance revêtant désormais une place essentielle dans la
dévolution successorale (V. spéc. sur cette évolution, M. BEAUBRUN, Les fondements du droit à l'héritage
à l'épreuve de la recomposition de l'ordre successif par la loi du 3 décembre 2001, Mélanges J. Normand,
2003, Litec, p. 17). Ainsi, les héritiers désignés par la loi comprennent, d'une part, les parents, dont
l'égalité n'est plus seulement proclamée mais se trouve désormais achevée, en raison du principe d'unité
de la filiation, issu de l'ordonnance du 4 juillet 2005 (C. civ., art. 733, al. 1er), et, d'autre part, le conjoint
successible du défunt (C. civ., art. 732), dont les droits sont considérablement revalorisés. On étudiera ci-
aprèsces deux classes de successibles, ainsi que la situation particulière de l'État, pris en sa qualité de
successeur irrégulier.
Art. 1 - Parents

172. À l'exemple du droit romain et du droit révolutionnaire, le code civil de 1804 réglait de façon
uniforme le sort des biens successoraux. L'article 732 du code civil énonçait un principe d'unité de la
succession, propre au cadre de la dévolution successorale : « La loi ne considère ni la nature ni l'origine
des biens pour en régler la succession » (G. RIPERT et J. BOULANGER, op. cit., t. 4, nos 1611 et s. ;
M. GRIMALDI, op. cit., no 95). Ce principe de transmission unitaire, prolongement successoral de l'unité
du patrimoine (F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. cit., no 55), apparaissait en relation directe avec la règle de
l'égalité successorale (F.-X. TESTU, thèse préc., no 19, p. 31 et s., et les réf. cit.). Historiquement, il était
issu du droit romain et avait survécu, sous l'Ancien droit, dans les pays de droit écrit. La succession ab
intestat apparaissant fondée sur la volonté présumée du défunt, il allait de soi que la nature et l'origine
des biens successoraux devaient demeurer indifférentes au plan de la dévolution (sur la question, V.  M.
GRIMALDI, op. et loc. cit.).

173. La loi du 3 décembre 2001 a abrogé l'article 732, sans que la raison en ait été clairement exprimée,
ce qui a suscité diverses interrogations doctrinales (Y. LEQUETTE, La règle de l'unité de la succession
après la loi du 3 décembre 2001 : continuité ou rupture ?, Études Ph. Simler, Litec-Dalloz, p. 167 ;
F. VAUVILLÉ, Les droits au logement du conjoint survivant, Defrénois 2002. 1277, spéc. p. 1291). Il est
vrai toutefois que, dès l'origine, le principe d'identité des biens, meubles et immeubles, propres et
acquêts, apparaissait contredit, que l'on considère le mécanisme de la fente successorale (V. infra,
nos 254 et s.) ou encore le refus des rédacteurs du code de choisir la communauté universelle pour
régime matrimonial légal (sur ce point, F.-X. TESTU, thèse préc., no 19, p. 32). Au plan international, le
principe d'unité n'avait pas davantage de portée, si l'on se rappelle que la règle de conflit française,
propre à désigner la loi régissant la dévolution successorale, est précisément fondée sur la nature
mobilière ou immobilière des biens successoraux (sur les difficultés qu'engendre cette démarche  :
J. HÉRON, op. cit. ; F. BOULANGER, Les successions internationales. Problèmes contemporains,
Economica, 1981 ; V. Rép. internat., Vo Successions). Plus encore, l'existence de successions anomales,
dans des hypothèses multiples (V. infra, nos 388 et s.), trahissait la relativité du principe d'unité. Enfin, le
domaine d'application dudit principe devait être limité à la dévolution successorale, les règles gouvernant
le partage considérant constamment la nature et l'affectation des biens à attribuer (comp. sur ce point,
M. GRIMALDI, op. cit., no 95, qui voit dans les règles régissant le partage une véritable « exception » au
principe d'unité ; et sur l'ensemble de la question, V. F.-X. TESTU, thèse préc.).

174. Avec la suppression du principe d'unité de la succession, le droit successoral issu de la réforme du
3 décembre 2001 s'est libéré d'un rattachement désuet aux analyses issues du droit romain et perpétuées
durant l'Ancien droit (M. GRIMALDI, op. cit., no 50). Il est vrai que la doctrine moderne s'accorde
aujourd'hui à rejeter la thèse du testament présumé du défunt pour justifier les règles de la succession ab
intestat. Plus qu'à une adhésion subséquente à la thèse qui, d'après l'Ancien droit coutumier, préfère y
voir l'expression d'un devoir de famille (sur cette analyse : M. GRIMALDI, op. cit., no 51), le législateur
s'appuie sur le lien social que constitue la parenté, laquelle repose sur la filiation légalement et
juridiquement établie (Ph. JESTAZ, art. préc.). Ce faisant, le droit moderne ne réfute précisément ni le
socle des affections présumées du défunt, ni celui des devoirs de famille, mais retient plus ostensiblement
le concept social de la parenté pour asseoir le système de la succession ab intestat. Ainsi que le relève un
auteur, le défunt est alors « traité à titre posthume et pour un jour (celui de son décès) comme le chef
d'un clan fictif dont les membres seraient placés auprès de lui dans un ordre bien défini, les uns plus près
et les autres plus loin » (Ph. JESTAZ, La parenté, Rev. dr. McGill, mai 1996, p. 387, spéc. p. 399). Ce qui
fait la force d'un tel fondement, c'est le caractère de permanence du lien de parenté (Ph. JESTAZ, art.
préc., p. 391), par opposition à l'alliance, car le mariage est voué à la dissolution, sinon par divorce, du
moins par la mort de l'un des époux.
175. Fort de ces considérations, le code civil règle la dévolution de la succession aux parents d'après un
certain nombre de principes généraux qui seront ci-aprèsexaminés : la plupart d'entre eux a d'ailleurs fait
l'objet de modifications par la loi du 3 décembre 2001, ce qui bouleverse parfois substantiellement
l'application des règles qui régissent la dévolution successorale (V. pour des illustrations pratiques,
A. PÈNE, Dévolution successorale. Réforme de la loi du 3 décembre 2001. Aspects pratiques et application
chiffrée, JCP N 2002. 1718, et 2003, rect. 1044 ; Dévolutions successorales, JCP N 2003. 1285). Il faut y
ajouter l'apport substantiel de l'ordonnance du 4 juillet 2005, affirmant aujourd'hui, non pas seulement
l'égalité des filiations, mais l'unité véritable de la filiation en droit français. Eu égard à ces évolutions, les
principes généraux qui gouvernent la dévolution successorale concernent : 1o l'unité de la filiation ; 2o la
division des successibles en ordres ; 3o la division des ordres en degrés ; 4o la représentation
successorale.
§ 1 - Unité de la filiation

176. La dévolution successorale est évidemment tributaire de l'établissement du lien de filiation. De


surcroît, elle fut, de longue date, sous l'influence de la qualité de la filiation dont jouissait l'héritier.
Certes, la dévolution de la succession aux parents légitimes s'est longtemps conformée à des principes
fixés par le code civil de 1804. La situation fut, en revanche, beaucoup plus évolutive en ce qui concernait
les parents naturels. Historiquement, la réforme essentielle, que divers changements antérieurs n'avaient
préparée que dans une faible mesure, fut opérée par la loi n o 72-3 du 3 janvier 1972 (D. 1972. 51), sur la
filiation, qui vint poser en principe l'assimilation de la filiation naturelle à la filiation légitime (V.  Filiation
[1o généralités]). Toutefois, au plan successoral, le principe d'égalité admettait encore, à cette époque,
une importante exception relative au statut de l'enfant adultérin. Il fallut attendre la loi du 3  décembre
2001 pour qu'il fût mis fin à cette inégalité.

177. À l'évidence, l'abrogation des règles discriminatoires relatives à la filiation ne devait constituer
qu'une étape avant la suppression de toute distinction en matière de filiation. Le rapport remis au garde
des Sceaux, par la Commission de réforme du droit de la famille, sous la direction de F. DEKEUWER-
DÉFOSSEZ, préconisait déjà d'unifier le droit de la filiation, principalement par l'abandon des qualifications
de filiation légitime et filiation naturelle (rapport préc., p. 30 et s.). Ce fut chose faite par l'ordonnance du
4 juillet 2005, portant réforme de la filiation.

178. Avant d'exposer précisément les règles actuelles qui consacrent l'unité de la filiation, il importe de
retracer l'évolution progressive de la législation, en présentant sommairement la teneur des législations
antérieures à la loi du 3 décembre 2001. Puis, il conviendra de faire état de l'apport réalisé par les lois du
3 décembre 2001 et 23 juin 2006. Enfin, l'on évoquera l'ordonnance n o 2005-759 du 4 juillet 2005 qui a
supprimé les notions de filiation légitime et filiation naturelle et consacré en droit français l'unité de la
filiation.
A. - Législations antérieures à la loi du 3 décembre 2001

179. Dans la poursuite de l'égalité des filiations, la loi n o 72-3 du 3 janvier 1972 sur la filiation a marqué
une étape décisive, préparant et préfigurant l'égalité totale qu'a voulu réaliser la loi du 3 décembre 2001.
Mais ces textes, dont la portée est notamment ou spécialement successorale, s'inscrivaient dans un
mouvement législatif général en quête d'une égalité totale des droits de l'enfant, que sa filiation fût
légitime ou naturelle. Cette perspective s'illustrait aussi bien en matière d'établissement de la filiation de
l'enfant que d'exercice de l'autorité parentale à l'égard de l'enfant. Seul sera toutefois envisagé ici le volet
strictement successoral de la législation antérieure à la réforme du 3  décembre 2001. Il est alors
nécessaire de mesurer l'apport en termes d'égalité de la loi du 3 janvier 1972, ce qui suppose un rappel
préalable de la teneur du droit antérieur à cette même loi.
1° - Législation antérieure à la loi du 3 janvier 1972
180. Droit antérieur au code civil. - Dans notre Ancien droit, l'enfant naturel est considéré comme
n'appartenant à aucune famille. Il est, en conséquence, privé de tout droit de succession  : comme le dit
une vieille maxime, « enfant bâtard ne succède ». Même au XVIIIe siècle, l'enfant naturel peut seulement
demander des aliments à ses père et mère ou à leurs héritiers. À son décès, seuls ses enfants légitimes et
sa mère peuvent recueillir sa succession ; à leur défaut, le droit de bâtardise attribue celle-ci au roi ou au
seigneur haut justicier. Ce régime sera celui du droit écrit comme du droit coutumier (V.  C. AUBRY et
C. RAU, op. cit., t. 9, § 566 ; G. RIPERT et J. BOULANGER, op. cit., t. 4, nos 85 et s. ; R. BEUDANT et
P. LEREBOURS-PIGEONNIÈRE, op. cit., t. 5, nos 206, 210 et s. ; A. COLIN et H. CAPITANT, op. cit., t. 3,
nos 910 et s. ; G. RIPERT et J. BOULANGER, op. cit., t. 4, nos 1661 et s.).

181. La Révolution française se montra, au contraire, favorable à la filiation naturelle. S'inspirant des
idées philosophiques du XVIII e siècle, spécialement de celles de ROUSSEAU, la loi du 12 brumaire an II
(Jur. gén., Vo Succession, no 267) assimila, du point de vue successoral, l'enfant naturel simple à l'enfant
légitime. Quant à l'enfant adultérin, il recevait un droit égal au tiers de celui de l'enfant légitime.

182. Code civil de 1804. - Le code civil adopta ici une position de transaction entre les deux systèmes qui
l'avaient précédé. Le régime qu'il établit repose sur la distinction de la filiation naturelle simple, d'une
part, et de la filiation adultérine ou incestueuse, d'autre part.

183. Le code civil considère que la filiation naturelle simple, à la supposer légalement établie, crée un lien
de droit entre l'enfant et ses père et mère, mais que ce lien ne s'étend pas plus loin. Cela conduit à
reconnaître un droit successoral à l'enfant à l'égard de ses père et mère et aux père et mère à l'égard de
leur enfant (art. 756 anc.). Il ne devrait pas logiquement y en avoir d'autres ; cependant, par une
dérogation de faveur à son principe, le code civil accorde un droit de succession à ceux qu'il appelle les
frères et sœurs naturels de l'enfant naturel, c'est-à-dire aux enfants naturels ayant le même père ou la
même mère que le défunt (art. 766 anc.). Le code prend soin de préciser qu'il n'est accordé aux enfants
naturels « aucun droit sur les biens des parents de leur père ou mère » (art. 756 anc.). En vérité, le code
civil n'estime pas possible de donner, dans la succession de ses père et mère, à l'enfant naturel le même
droit qu'à un enfant légitime. L'intérêt du mariage et de la légitimité lui semble postuler que certains
avantages soient réservés aux enfants légitimes. Par suite, le code civil confère un droit de succession à
l'enfant naturel, mais ne fait de lui qu'un successeur irrégulier, et non un heres legitimus (art. 724 et 756
anc.).

184. Plus encore, la part de l'enfant naturel simple demeure limitée. L'ancien article 757 distingue à cet
égard trois cas. En présence de descendants légitimes, elle est du tiers de celle qu'il aurait eue s'il eût été
légitime. En présence d'ascendants ou de frères ou sœurs, elle est de la moitié de celle qu'il aurait eue s'il
eût été légitime. En présence d'autres parents au degré successible, elle est des trois quarts de celle qu'il
aurait eue s'il eût été légitime. Cette limite ne cesse de s'appliquer que lorsque le père ou la mère ne
laisse pas de parents au degré successible : l'enfant naturel prend alors toute la succession (art. 758
anc.). La limitation du droit successoral de l'enfant naturel est d'autant plus rigoureuse que cet enfant ne
peut, par donation entre vifs ou testament, rien recevoir au-delà de sa part successorale ab intestat
(art. 908 anc.). En revanche, selon l'interprétation la plus courante (Civ. 28 juin 1809, Jur. gén., Vo
Succession, no 312 ; 15 mars 1847, DP 1847. 1. 138, S. 1847. 1. 178 ; Req. 29 juin 1857, DP 1859. 1.
26, S. 1857. 1. 745 ; 12 juin 1866, DP 1866. 1. 484), le code civil reconnaît implicitement une réserve
héréditaire à l'enfant naturel.

185. Au droit successoral limité de l'enfant naturel simple s'oppose l'absence de droit de l'enfant adultérin
ou incestueux, en lequel on voit, non seulement un étranger à la famille, mais presque un adversaire de
celle-ci. Le code civil réprouve l'adultère et l'inceste : des faits aussi scandaleux ne doivent pas faire
naître de droits au profit de ceux qui en sont issus ou de ceux qui les ont commis. De puissantes raisons
d'humanité interdisent pourtant de s'en tenir strictement à cette réprobation. S'il n'a pas semblé possible
de priver l'enfant adultérin ou incestueux de tout droit quelconque dans la succession de ses père et
mère, du moins a-t-on eu le souci de réduire au minimum les inconvénients inévitables d'un tel droit pour
la famille légitime. Tous les textes du code civil, et spécialement les articles 762 à 764 anciens, tendent,
non seulement à empêcher les enfants adultérins ou incestueux de distraire une forte part des biens
successoraux, mais encore à éviter autant que possible à la famille légitime le contact de ces enfants
(comp. C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 572 ; FOURGUETTE, La condition juridique des enfants
incestueux et adultérins dans le droit moderne, thèse, Bordeaux, 1927  ; J. DEMONT, Étude critique de la
protection de la famille légitime contre l'enfant adultérin, thèse, Paris, 1937 ; RAFFAELLI, La créance
alimentaire de l'enfant adultérin, thèse, Aix, 1950).

186. Le code civil refuse aux enfants adultérins ou incestueux tout droit de succession véritable. L'ancien
article 762 se borne à leur accorder le droit de faire valoir contre la succession de leur père ou de leur
mère une créance d'aliments. À l'extrême, l'ancien article 764 met à la disposition du père et de la mère
le moyen de rendre inutile la mise en contact de la famille légitime et de l'enfant adultérin ou incestueux.
Ce texte s'exprime à cet égard en ces termes : « Lorsque le père ou la mère de l'enfant adultérin ou
incestueux lui auront fait apprendre un art mécanique, ou lorsque l'un d'eux lui aura assuré des aliments
de son vivant, l'enfant ne pourra élever aucune réclamation contre leur succession  ». De plus, l'enfant
adultérin ou incestueux ne peut rien recevoir de ses auteurs par donation ou legs au-delà des aliments
que lui accordent les anciens articles 762 à 764 (art. 908 anc.).

187. Législation postérieure au code civil et antérieure à la loi du 3 janvier 1972. - Le régime auquel le
code civil soumettait les enfants naturels du point de vue successoral sembla vite trop restrictif. Les père
et mère étaient souvent plus attachés à leurs enfants naturels qu'à leurs parents légitimes et s'efforçaient
par divers subterfuges de leur faire passer leurs biens. Il y avait là une indication sur l'état de l'opinion,
dont le législateur devait tenir compte. Il le fit directement et assez libéralement dès 1896 en ce qui
concerne l'enfant naturel simple. Mais il fallut attendre 1955 pour voir la loi intervenir en faveur de
l'enfant adultérin ou incestueux ; encore ne le fit-elle qu'indirectement et avec beaucoup de réserve.

188. La loi du 25 mars 1896 (DP 1896. 4. 26) avait pour objet direct et avoué l'amélioration de la
condition successorale de l'enfant naturel simple. Elle opéra cette amélioration à toute une série d'égards
(V. sur tous ces points, C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 566 ; M. PLANIOL et G. RIPERT, op. cit., t. 4,
no 87 ; commentaires de la loi : ALARD, Condition et droits des enfants naturels, 1896 ; CAMPISTRON,
Des droits successoraux des enfants naturels d'après la loi du 25 mars 1896, 2e éd., 1905 ; COULON, De
la condition des enfants naturels reconnus dans la succession de leurs père et mère, 1896  ; DEFRÉNOIS,
Commentaire pratique de la loi du 25 mars 1896, 1896 ; FORTIER, La loi du 25 mars 1896, 1896 ; L.-
C. HENRY, Rev. not. et enreg. 1896. 313, no 9569 ; MESNARD, Lois nouv. 1896. 1. 177 ; THOMAS, Rev.
gén. Dr. 1897. 163 ; VIGIÉ, Rev. crit. DIP 1896. 275 ; thèses : CHARLOIS, Aix, 1897 ; DUCROCQ, Lille,
1897 ; E. GÉRARD, Paris, 1897 ; M. GÉRARD, Montpellier, 1897 ; GOGUET, Paris, 1897 ; POILROUX,
Grenoble, 1897 ; ROBIN, Poitiers, 1897 ; AILAUD, Aix, 1898 ; BUGAND, Lyon, 1898 ; M. DANSAC, Paris,
1898 ; DELMONT, Paris, 1898 ; GRIMOD, Caen, 1898 ; MÉNARD, Poitiers, 1898 ; BALLET, Nancy, 1899 ;
DORLÉAC, Toulouse, 1899 ; WAEL, Paris, 1901 ; BUSSEUIL, Paris, 1903 ; LÉANDRI, Paris, 1907). L'enfant
naturel, qui n'était en 1804 qu'un successeur irrégulier, devient un heres legitimus (art. 724 et 756 anc.,
mod.). Il en est de même des père et mère naturels et des frères et sœurs naturels (C.  civ., art. 724
anc., mod., et L. 1896, art. 1er et 2).

189. La part ab intestat de l'enfant naturel se trouvait augmentée. En présence de descendants légitimes,
l'enfant naturel devait recevoir désormais la moitié, et non plus le tiers, de la portion qu'il aurait eue s'il
eût été légitime (art. 758 anc. mod.). En présence d'ascendants ou de collatéraux privilégiés, il recevrait
les trois quarts, et non plus la moitié, de la portion qu'il aurait eue s'il eût été légitime (art.  759 anc.,
mod.). En présence d'autres parents légitimes, il recevrait, non plus les trois quarts de la portion qu'il
aurait eue s'il eût été légitime, mais toute la succession (art. 760 anc., mod.). De surcroît, l'enfant naturel
pouvait désormais être avantagé, sinon par donation, du moins par legs, à condition qu'il ne reçoive pas
plus que l'enfant légitime le moins prenant (art. 908 anc., mod.). Enfin, et la règle est d'importance, une
réserve héréditaire était expressément reconnue à l'enfant naturel (art. 913 et 915 anc., mod.).

190. La loi no 55-934 du 15 juillet 1955 (D. 1955. 355) ne concerne pas la dévolution des successions,
mais son article 3 confère à l'enfant adultérin ou incestueux le droit de réclamer des aliments à ses père
et mère du vivant de ceux-ci, sans qu'on puisse lui opposer l'interdiction d'établir sa filiation résultant des
anciens articles 335 et 342 du code civil (V. sur la loi du 15 juill. 1955 en général, G. RIPERT, La condition
des enfants adultérins après les lois des 15 juillet 1955 et 5 juillet 1956, D. 1956. Chron. 133 ;
P. ESMEIN, La preuve de la filiation naturelle et la condition des enfants adultérins ou incestueux, Gaz.
Pal. 1955. 2. Doctr. 21 ; ROUAST, Les réformes réalisées en faveur des enfants illégitimes par la loi du
15 juillet 1955, JCP 1955. I. 1269 ; NERSON, Rec. lois, décr. et Arr. 1956. 185 et 1959. 105 ; TALLON,
L'action alimentaire de l'enfant adultérin, 1963). Autrement dit, l'enfant adultérin ou incestueux peut
obtenir des aliments de son auteur en établissant simplement en fait le lien qui l'unit à celui-ci (Civ. 1re,
13 janv. 1959, 4 arrêts, D. 1959. 61, note Rouast).
2° - Législation du 3 janvier 1972

191. Teneur de la réforme du 3 janvier 1972. - Le régime successoral applicable aux parents naturels a
été complètement transformé par la loi n o 72-3 du 3 janvier 1972 sur la filiation (D. 1972. 51 ; sur les
antécédents de la loi : M. GOBERT, Réflexions avant une indispensable réforme du droit de la filiation, JCP
1968. I. 2207 ; M.-J. GEBLER, Le droit français de la filiation et la vérité, 1970 ; H. MAZEAUD, Une famille
« dans le vent » : la famille hors mariage, D. 1971. Chron. 99 ; R. SAVATIER, Le projet de loi sur la
filiation, JCP 1971. I. 2400 et 2402 ; AUBERT, GOUBEAUX et GÉBLER, Le projet de loi n o 1624 sur la
filiation, Defrénois 1971, art. 29891 ; G. CORNU, La naissance et la grâce [à propos du projet de loi sur la
filiation], D. 1971. Chron. 165 ; sur la loi dans son ensemble : MASSIP, MORIN et AUBERT, La réforme de
la filiation, préface CARBONNIER, 3 e éd., 1976, Defrénois ; COLOMBET, FOYER, HUET-WEILLER et
LABRUSSE-RIOU, La filiation légitime et naturelle, 2 e éd., 1977, Dalloz ; DAGOT et SPITÉRI, La réforme
de la filiation, JCP 1972. I. 2464 ; WATIN et KIÉFÉ, Étude de la nouvelle loi sur la filiation, Gaz. Pal.
1972. 1. Doctr. 71 ; L. BARBIER, La réforme de la filiation, ibid. 1972. 2. Doctr. 544 ; RASSAT, Propos
critiques sur la loi du 3 janvier 1972 portant réforme du droit de la filiation, RTD civ. 1973. 207 et 419 ;
SIMON-DEPITRE et FOYER, La loi du 3 janvier 1972 et le droit international privé, JCP 1973. I. 2566 ;
R. NERSON, La situation juridique des enfants nés hors mariage, RTD civ. 1975. 397 et 631).

192. Il est particulièrement remarquable que ce soit une loi sur la filiation qui ait opéré la première
réforme d'envergure subie par notre droit successoral depuis 1804 (sur l'apport de la réforme de 1972 en
matière successorale : D. CRUT, Les droits successoraux des enfants naturels, Vie judiciaire 17-23  avr.
1972 ; J. VIATTE, La réforme de la filiation et la transmission des biens par succession, donation ou legs,
AJPI 1972. 317 ; BEZ, Les droits de l'enfant adultérin et le nouvel article 760 du code civil, JCP 1973.
I. 2530 ; WEILL et LOTZ, La loi du 3 janvier 1972 portant réforme du droit de la filiation et les
particularités du droit successoral des départements du Rhin et de la Moselle, JCP 1973. I.  2564 ;
LANDEROIN, Une nouveauté pour le notariat : l'attribution de biens anticipée prévue par les articles 762 à
764 du code civil, Defrénois 1973, art. 30374 ; J. PICARD, Incidence en matière successorale de la loi du
3 janvier 1972 sur la filiation [Tableaux comparatifs de la législation antérieure et du droit nouveau],
Defrénois 1973, art. 30375 ; BERTHON, Les droits successoraux du conjoint survivant pendant la période
transitoire prévue par la loi du 3 janvier 1972, art. 19, Defrénois 1973, art. 30437 ; G. MICHEL, Les droits
de l'enfant adultérin en présence d'enfants légitimes nés de plusieurs mariages successifs, Gaz. Pal.
1973. 1. Doctr. 385 ; GUILBERTEAU, La famille de l'enfant adultérin, D. 1974. Chron. 177 ; G. THOMAS,
L'article 915-2 du code civil : une innovation discutable de la loi du 3 janvier 1972, portant réforme de la
filiation, JCP 1976. I. 2761). Car il ne s'agit pas seulement, comme en 1955, d'une réforme indirecte.
Sans doute, un changement considérable à notre régime successoral s'est réalisé en 1972 par voie
indirecte : en autorisant toujours en principe la preuve de la filiation adultérine ou incestueuse, la loi du
3 janvier 1972 améliorait déjà beaucoup la condition successorale d'un grand nombre d'enfants naturels
(V. Filiation [1o généralités]). Mais la plupart des réformes furent faites directement : les articles 4 et 5
de la loi modifiaient de nombreux articles du code civil au titre « Des successions ». De plus, l'article 6 de
la loi modifiait divers textes du code civil concernant la réserve et la quotité disponible (V. Réserve-
Quotité disponible, Réserve-Réduction des libéralités).

193. Le texte le plus important de la loi du 3 janvier 1972 en ce qui concerne les effets de la filiation
naturelle était l'ancien article 334, figurant au code civil au titre «  De la filiation ». Il portait à lui seul la
marque de l'imperfection du principe d'égalité promu par la loi de 1972. Ainsi, dans sa rédaction
originaire, l'article 334 était ainsi conçu : « L'enfant naturel a en général les mêmes droits et les mêmes
devoirs que l'enfant légitime dans ses rapports avec ses père et mère. - Il entre dans la famille de son
auteur. - Si, au temps de la conception, le père ou la mère était engagé dans les liens du mariage avec
une autre personne, les droits de l'enfant ne peuvent préjudicier que dans la mesure réglée par la loi, aux
engagements que, par le fait du mariage, ce parent avait contractés ». De son côté, l'ancien article 757
du code civil disposait en ces termes : « L'enfant naturel a, en général, dans la succession de ses père et
mère et autres ascendants, ainsi que de ses frères et sœurs et autres collatéraux, les mêmes droits qu'un
enfant légitime ». Cette disposition était un corollaire et une application du principe posé par l'ancien
article 334 : dès lors que l'enfant naturel a dans la famille les mêmes droits et les mêmes devoirs qu'un
enfant légitime, il est logique qu'il ait la même condition du point de vue successoral.

194. L'imperfection du principe posé tenait à l'existence d'une forte exception constituée par la situation
successorale de l'enfant adultérin. En vérité, suivant les textes issus de la réforme de 1972, deux idées
maîtresses commandaient, notamment en matière successorale, les effets légaux de la filiation naturelle.
D'une part, tous les enfants étaient reconnus comme égaux, quelle que soit la qualité de leur filiation, et
cela était aussi - et même plus - vrai relativement aux effets qu'à la preuve de la filiation (V. Filiation [1o
généralités]). Mais, d'autre part, l'intérêt du mariage et de la légitimité paraissait commander que soit
assurée une certaine protection au conjoint victime d'un adultère et aux enfants légitimes nés de l'union
au cours de laquelle l'adultère avait été commis. Cette seconde considération avait paru si forte qu'elle
devait conduire à déroger à la règle de l'égalité des enfants en limitant les droits de l'enfant adultérin.

195. La protection de certains membres de la famille légitime contre les enfants adultérins était prévue
par les anciens articles 759 à 764 du code civil. Il importe de souligner que les restrictions apportées aux
droits de l'enfant adultérin ne jouaient que dans le cas particulier où cet enfant avait en face de lui, lors
du règlement de la succession, l'époux de son auteur à l'époque où il avait été conçu, ou des enfants
légitimes issus du mariage pendant la durée duquel il avait été conçu. En présence de toute autre
personne, le même enfant adultérin devait être traité comme un enfant quelconque. Ainsi, par exemple,
en présence d'un époux dont l'union était postérieure à celle pendant la durée de laquelle il avait été
conçu, l'enfant adultérin avait les droits habituels d'un enfant. Il les avait également en face d'enfants
légitimes issus d'une autre union que celle pendant la durée de laquelle il avait été conçu, cette autre
union étant d'ailleurs antérieure ou postérieure à cette dernière.

196. Ces textes définissaient les conditions auxquelles cette protection était subordonnée et les mesures
qui l'assuraient. Ces mesures étaient au nombre de trois : diminution de la part successorale de l'enfant
adultérin, augmentation du droit des personnes protégées à une attribution préférentielle (C. civ., anc.
art. 761), et exclusion possible de l'enfant adultérin du partage par une attribution anticipée de biens
(C. civ., anc. art. 762 à 764 ; sur la question : BRETON, De la faculté d'exclure du partage un enfant
adultérin par une attribution de biens, Defrénois 1974. 801, art. 30671). Principalement, dans l'hypothèse
d'une succession ab intestat et lorsque l'enfant adultérin était en concours avec le conjoint victime de
l'adultère ou avec des enfants légitimes issus de l'union au cours de laquelle l'adultère avait été commis,
les anciens articles 759 et 760 du code civil cantonnaient en ce cas la mesure habituelle de son droit à
« la moitié de la part à laquelle il aurait eu droit si tous les enfants du défunt, y compris lui-même,
eussent été légitimes ». Ce dont sa part était diminuée accroissait, par conséquent, aux enfants issus du
mariage bafoué par l'adultère. La même règle trouvait son prolongement au titre des droits réservataires
de l'enfant adultérin (C. civ., anc. art. 915), tandis que la capacité de celui-ci à recevoir des libéralités se
trouvait pareillement réduite à hauteur de sa vocation légale telle que définie par les articles 759 et 760
anciens (V. C. civ., anc. art. 908). De même, le législateur avait renforcé l'infériorité successorale de
l'enfant adultérin en le privant du bénéfice des dispositions protectrices des droits des héritiers
réservataires face aux libéralités qui peuvent être consenties au conjoint survivant (C. civ., anc. art. 1097
et 1097-1). Enfin, la loi avait institué un droit aux aliments au profit de l'enfant adultérin dans le besoin,
droit dont la mise en œuvre était toutefois subordonnée à l'abandon, par l'enfant créancier, de ses droits
successoraux à ses cohéritiers (C. civ., anc. art. 915-2 ; sur ce texte : G. THOMAS, art. préc.).

197. Application de la réforme du 3 janvier 1972. - Au-delà du principe d'égalité des filiations édicté par
la loi du 3 janvier 1972, la jurisprudence de la Cour de cassation (sur certains aspects de cette
jurisprudence : J. MASSIP, Réflexions sur les droits successoraux des enfants adultérins à partir de
quelques arrêts de la Cour de cassation, Rapp. C. cass. 1988, p. 87, Defrénois 1989. 1233, art. 34608)
allait contribuer à renforcer l'impact de l'exception relative aux droits de l'enfant adultérin. Ainsi, la Cour
de cassation entendait faire une application extensive de l'ancien article 760 du code civil (en ce sens,
V. not. A. TISSERAND, L'enfant adultérin : chronique d'une mort annoncée, JCP N 1993. I. 53, no 5). Ses
velléités d'extension s'appuyaient, en premier lieu, sur la détermination des personnes bénéficiaires de la
protection instaurée au profit de la famille légitime par le dispositif légal. L'ancien article 760 désignant
comme devant être protégé l'enfant « issu du mariage » au cours duquel l'adultère avait été commis, la
première chambre civile de la Cour de cassation s'employait à relever la « qualité d'enfant commun des
deux époux » pour fonder le jeu de l'article 760. Par suite, l'adoption par le de cujus de l'enfant du
premier mariage de son conjoint avait pour effet de conférer à cet enfant la qualité d'enfant commun
bénéficiaire, le cas échéant, des dispositions protectrices de l'article 760 (Civ. 1re, 8 nov. 1982, D. 1983.
445, Defrénois 1983, art. 33032, note Y. Flour et M. Grimaldi, RTD civ. 1983. 569, obs. Patarin, Jour.
not. 1983, art. 57112, p. 285, note Raison, Grands arrêts, t. 1, no 95, rejetant le pourvoi contre Paris,
26 juin 1981, JCP 1983. II. 19981, note Ph. Rémy, Defrénois 1982, art. 32834, note Y. Flour et
M. Grimaldi, RTD civ. 1982. 449, obs. Patarin). La même analyse devait être développée à l'endroit de
l'enfant adultérin du mari lorsqu'il avait fait l'objet d'une adoption simple par les époux (Civ. 1re, 8 oct.
1985, Bull. civ. I, no 249, RTD civ. 1986. 614, obs. Patarin, rejetant le pourvoi contre Paris, 20 mars
1984, JCP N 1985. II. 27, note Ph. Rémy). En droit strict, ces interprétations extensives pouvaient être
justifiées par l'assimilation de la filiation adoptive à la filiation légitime (arg. C. civ., art. 358, pour
l'adoption plénière, et 368, pour l'adoption simple), mais il reste que cette jurisprudence ne faisait
qu'accroître le champ de la discrimination frappant l'enfant adultérin (comp. M. GRIMALDI, op. cit.,
no 143, p. 150).

198. En second lieu, l'effort créateur de la jurisprudence s'appuyait sur la détermination des schémas de
dévolution susceptibles de donner lieu à l'application des anciens articles 760 et 915 : or, ici encore, la
Haute cour avait jugé bon d'appliquer ces dispositions dans les successions en ligne directe auxquelles les
enfants adultérins étaient appelés concurremment avec des enfants légitimes (Civ. 1re, 26 avr. 1988,
Bull. civ. I, no 118, Rapp. C. cass., p. 161, D. 1988. 469, rapp. Massip, JCP 1989. II. 21246, note Testu,
et err. 21300 bis, JCP N 1989. II. 45, note H. T., Dr. enfance et fam., n o 28, p. 62, note Sayn ; adde sur
renvoi : Poitiers, 14 déc. 1988, JCP 1989. II. 21355, note Testu ; V. aussi Civ. 1re, 24 juin 1980, Bull. civ.
I, no 195, Rapp. C. cass., p. 37, Grands arrêts, no 94, D. 1980. IR. 427, obs. D. Huet-Weiller, Defrénois
1980. 1194, note Morin, JCP N 1981. II. 54, note Thuillier, RTD civ. 1981. 192, obs. Patarin, et p. 382,
note Nerson, Jour. not. 1981, art. 56001, p. 300, note J. V.), peu important que les enfants vinssent à la
succession du de cujus de leur chef (Civ. 1re, 26 avr. 1988, préc.) ou par représentation (Civ. 1re, 24 juin
1980, préc.).
199. Critique doctrinale de la réforme de 1972. - Très tôt, l'ensemble du dispositif légal issu de la réforme
de 1972 avait suscité de vives critiques, de la part de la doctrine, comme si ladite réforme n'avait
finalement réalisé qu'une transaction sans gloire entre les droits de l'innocence et ceux de la fidélité en
mariage (G. CORNU, La filiation. Réformes du droit de la famille, Archives Phil. dr., t. 20, 1975, p. 29). Il
est vrai que le principe d'égalité affirmé par l'ancien article 334 du code civil se trouvait pour le moins
altéré, sinon renversé par les restrictions édictées quant aux droits de l'enfant adultérin (V.  sur la
question, A. SÉRIAUX, L'égalité des filiations depuis la loi du 3 janvier 1972, Mélanges A. Colomer, Litec,
1993, p. 431, qui voit dans le principe d'égalité ainsi affirmé un mythe plus qu'une réalité ; V. aussi plus
gén., Ph. JESTAZ, L'égalité et l'avenir du droit de la famille, Mélanges F. Terré, Dalloz-PUF-Juris-Classeur,
1999, p. 417), par l'exception même qu'il édictait à l'encontre de l'enfant adultérin (C. civ., anc. art. 334,
al. 3 ; V. supra, no 194).

200. Ainsi, la doctrine contemporaine appelait de ses vœux l'abrogation pure et simple des textes
définissant la situation successorale de l'enfant adultérin (V. not., A. TISSERAND, thèse préc. et art.
préc. ; Y. FAVIER et A. TISSERAND, L'enfant adultérin, le législateur et le juge, LPA, n o spéc., 3 mai
1995 ; B. VAREILLE, Étude critique de l'article 760 du code civil, RTD civ. 1991. 475 ; B. BEIGNIER,
L'enfant adultérin et le conjoint trompé : le nœud gordien du droit patrimonial de la famille, Dr. fam.
2001. Chron. 27). À titre principal, c'est l'injustice de la finalité du dispositif légal que stigmatisaient les
auteurs. En vérité, la loi, sous couvert de protéger les victimes de l'adultère (conjoint survivant et enfants
issus du mariage bafoué) faisait de l'enfant la principale victime de la faute commise par l'époux adultère.
De plus, on pouvait également regretter qu'en portant son attention sur les victimes de l'adultère, le
législateur ne se fût appuyé sur une notion plus sociologique que juridique et donc étrangère au système
successoral. Enfin, le dispositif de restriction des droits de l'enfant adultérin constituait un ensemble de
règles complexes, suscitant d'importantes difficultés techniques, notamment quant au mode de calcul de
la part de l'enfant adultérin et, corrélativement, de celle des victimes de l'adultère (V. sur les faiblesses
du système, B. VAREILLE, art. préc.).
Actualisation
200 s. La qualité d'héritier, condition de sanction du recel successoral. - L'application de la sanction du
recel successoral suppose que la qualité d'héritier n'ait pas été perdue par une inaction prolongée
(Civ. 1re, 28 janv. 2009, no 07-19.573  , RLDC 2009/59.3399 ; RJPF 2009-4/38, note Sauvage ; RLDC
2009/62.3508, note Chauchat-Rozie ; D. 2009. 500, obs. Egéa   ; ibid. 2508, obs. Brémond, Nicod et
Revel   ; AJ fam. 2009. 135, obs. Bicheron  ).
B. - Législations du 3 décembre 2001 et du 23 juin 2006
1° - Impulsion européenne

201. Droit européen et évolution du droit positif français. - L'évolution récente du droit successoral
français atteste magistralement de l'influence considérable qu'exerce désormais la Convention
européenne des droits de l'homme tant sur les droits substantiels que sur les droits procéduraux (sur
cette influence en général : J.-F. RENUCCI, Droit européen des droits de l'homme, 3 e éd., 2002, LGDJ,
nos 31 et s. ; V. aussi J.-P. MARGUÉNAUD [sous la dir. de], CEDH et droit privé, 2001, Doc. fr. ;
A. DEBET, L'influence de la Convention européenne des droits de l'homme sur le droit civil, 2002, Dalloz).
Il faut souligner en effet que l'adoption de la loi du 3 décembre 2001 fut précipitée par l'intervention
d'une importante décision de la Cour européenne des droits de l'homme, condamnant la France pour
discrimination à l'égard de l'enfant adultérin, dont la part successorale demeurait cantonnée à une demi-
part d'enfant légitime depuis la loi du 3 janvier 1972 (V. supra, nos 191 et s.).

202. La survivance d'un tel dispositif légal ne pouvait que susciter la critique, face à l'impact croissant
des instruments internationaux protecteurs des droits et libertés fondamentaux (sur la question en
général : M. MAYMON-GOUTALOY, De la conformité du droit français des personnes aux instruments
internationaux protecteurs des droits de l'homme, D. 1985. Chron. 211). La Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 côtoie en effet la
Convention internationale de New York sur les droits de l'enfant (signée le 26 janv. 1990 et parue au JO
12 oct. 1990, ratifiée par la France par une loi du 2 juill. 1990 et entrée en vigueur le 6 sept. 1990), cette
dernière n'étant toutefois applicable qu'aux enfants mineurs. Pour s'en tenir à la Convention européenne
des droits de l'homme, c'était principalement le droit à la non-discrimination qui pouvait être invoqué, aux
termes de l'article 14 de ladite Convention : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la
présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la
couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou
sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation  ». Mais il
était également concevable de faire état de l'article 8 de la Convention européenne, consacrant le droit au
respect de la vie privée et familiale, comme de l'article 1 er du Protocole no 1 de la même Convention,
reconnaissant le droit des personnes au respect de leurs biens, dans les termes suivants  : « Toute
personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que
pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit
international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de
mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à
l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

203. Jurisprudence de la Cour de cassation. - Malgré les pressions de l'opinion doctrinale réclamant
l'abrogation des textes français, la Cour de cassation demeurait fermement attachée à une conception
étroite de la légalité de ces textes et refusait d'y relever une atteinte aux droits consacrés par le droit
international et européen. Dans un arrêt Mazurek, la Haute cour allait estimer que l'application de l'article
760 du code civil n'était « contraire ni à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales, la vocation successorale étant étrangère au respect de la vie privée et
familiale reconnu par l'article 8 de la Convention et garanti sans distinction par l'article 14, ni à l'article 2
de la Convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant, laquelle [était] sans
pertinence en la cause » (Civ. 1re, 25 juin 1996, Mazurek, no 94-14.858, Bull. civ. I, no 268,
D. 1998. 453, note L. Brunet  , D. 1997. Somm. 275, obs. F. Dekeuwer-Défossez  , JCP 1997.
I. 4021, obs. Le Guidec, 1997. I. 3996, no 1, obs. J. Rubellin-Devichi, et 1997. II. 22834, note
Ph. Malaurie, Defrénois 1997. 310, obs. Massip, Dr. fam. 1996. Comm. 26, obs. Beignier, RTD
civ. 1996. 873, obs. Hauser, et 1997. 542, obs. Martin, JDI 1997. 980, note Droz, LPA 29 janv. 1997,
p. 25, note S. Piquet-Cabrillac ; dans le même sens : Reims, 15 janv. 1998, Dr. fam. 1999. Comm. 19,
obs. Beignier, RTD civ. 1999. 497, obs. Marguénaud).

204. En vérité, cette fermeté de la jurisprudence de la Cour de cassation paraissait en rupture avec
l'évolution sociologique, marquée par l'augmentation du nombre de naissances hors mariage et le
développement corrélatif du phénomène des familles éclatées et recomposées (sur ce phénomène et ses
aspects patrimoniaux : L. VILLET, Les relations patrimoniales dans les familles recomposées, thèse,
Nantes, préface R. LE GUIDEC, 2001, éd. La Mouette ; F. LUCET, Familles éclatées, familles
reconstituées : les aspects patrimoniaux, Defrénois 1991, art. 35028 ; H. FULCHIRON, La transmission
des biens dans les familles recomposées, ibid. 1994, art. 35853).

205. De surcroît, la position de la jurisprudence quant aux droits de l'enfant adultérin (V. sur son
évolution générale, supra, nos 197 et s.) contrastait avec la faveur dont semblaient jouir, par ailleurs et
nouvellement, les relations adultères. Il faut rappeler en effet qu'en 1999, dans une décision remarquée,
la première chambre civile de la Cour de cassation avait estimé, à propos d'une libéralité consentie par un
homme marié à sa maîtresse dans la perspective du maintien de la relation adultère, que cette libéralité
n'était pas contraire aux bonnes mœurs et ne pouvait, dès lors, être annulée pour cause immorale sur le
fondement de l'article 1133 du code civil (Civ. 1re, 3 févr. 1999, no 96-11.946  , Bull. civ. I, no 43,
Rapp. C. cass., p. 307, Grands arrêts, no 25, D. 1999. 267, rapp. X. Savatier  , note Langlade-
O'Sughrue  , D. 1999. Somm. 307, obs. Grimaldi  , et p. 377, obs. Lemouland  , JCP 1999.
II. 10083, note Billiau et Loiseau, 1999. I. 143, no 4, obs. F. Labarthe, 1999. I. 160, no 1, obs. Bosse-
Platière, 1999. I. 189, no 8, obs. Le Guidec, et JCP N 1999. 1430, note Sauvage, Gaz. Pal. 2000. 1. 70,
note S. Piedelièvre, ibid. 2000. 1. 646, note Chabas, Dr. fam. 1999. Comm. 54, obs. Beignier, Defrénois
1999. 680, obs. Massip, p. 738, obs. D. Mazeaud, et p. 814, obs. Champenois, LPA 17 nov. 1999, note
Mestrot, RTD civ. 1999. 364 p. 817, obs. Hauser, et p. 892, obs. Patarin, RJPF 1999-2/27, obs. Casey ;
adde : L. LEVENEUR, Une libéralité consentie pour maintenir une relation adultère peut-elle être valable ?,
JCP 1999. I. 152 ; C. LARROUMET, La libéralité consentie par un concubin adultère, D. 1999. Chron. 351 
 ; dans le même sens : Civ. 1re, 16 mai 2000, Defrénois 2000. 1049, obs. Massip, Dr. fam. 2000.
Comm. 102, obs. Beignier ; Toulouse, 29 mars 2000, Dr. fam. 2000. Comm. 100, obs. Beignier). Au vu
d'une telle jurisprudence, l'argument justifiant le dispositif légal relatif à l'enfant adultérin par la
protection nécessaire de la famille légitime contre l'adultère perdait l'essentiel de sa pertinence, y compris
pour illustrer un « droit à la différence » de la législation française dérogatoire au principe de non-
discrimination (V. sur ce point, M. GRIMALDI, op. cit., no 156, p. 167, et les réf. cit.). Dans un tel
contexte jurisprudentiel, on pouvait légitimement juger « paradoxal de pénaliser l'enfant adultérin du seul
fait [des] circonstances de sa conception alors que parallèlement la jurisprudence, très moderne,
s'emploie à libéraliser les libéralités entre concubins adultères, au détriment, déclaré, du conjoint
délaissé » (R. LE GUIDEC, obs. sous CEDH 1 er févr. 2000, JCP 2000. I. 278, no 1). On remarquera que la
jurisprudence initiée par la première chambre civile de la Cour de cassation a été dernièrement confirmée
par l'assemblée plénière de la même juridiction, affirmant que « n'est pas nulle comme ayant une cause
contraire aux bonnes mœurs la libéralité consentie à l'occasion d'une relation adultère » (Ass. plén.
29 oct. 2004, D. 2004. 3175, note Vigneau  , Dr. fam. 2004. Comm. 230, obs. Beignier ; V. aussi
M. LAMARCHE, Sexe, bonnes mœurs et libéralités, RLDC, déc. 2004, p. 41).

206. Teneur de la jurisprudence européenne Mazurek. - Saisie d'un recours dans l'affaire Mazurek,
antérieurement soumise à la Cour de cassation (V. supra, no 203), la Cour européenne des droits de
l'homme allait clairement condamner l'analyse des juges français, sur le fondement des articles 1 er du
Protocole additionnel no 1, et 14 de la Convention, combinés (CEDH 1 er févr. 2000, req. no 34406/97,
Mazurek c/ France, JCP 2000. II. 10286, note A. Gouttenoire-Cornut et Sudre, 2000. I. 278, no 1, obs. Le
Guidec, et JCP N 2001. 245, obs. Le Guidec, D. 2000. 332, note Thierry  , Defrénois 2000. 654, obs.
Massip, Gaz. Pal. 2000. 2. 2407, note Bollon et Portefaix, Dr. fam. 2000. Comm. 33, note Lamy, LPA
21 juill. 2000, p. 20, note Canaple, RTD civ. 2000. 311, obs. Hauser, p. 429, obs. Marguénaud, et p. 601,
obs. Patarin, RJPF 2000/3, p. 50, obs. Casey ; adde : Ph. STOFFEL-MUNCK, L'enfant qui sort de l'ombre.
L'adultérin à la lumière des droits de l'homme, Dr. et patr., mai 2000, p. 55 ; B. VAREILLE, L'enfant de
l'adultère et le juge des droits de l'homme, D. 2000. Chron. 626   ; S. HOCQUET-BERG, La condition
juridique de l'enfant naturel après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de
l'homme, LPA 10 mai 2000, p. 18 ; M. JOSSELIN-GALL, Le Notaire, entre l'article 760 du code civil et la
Cour européenne des droits de l'homme, JCP N 2001. 834 ; J. THIERRY, Doit-on accorder aux enfants
adultérins les mêmes droits successoraux qu'aux enfants légitimes ?, D. 2000. Chron. 157  ).

207. Précisément, la Cour européenne a énoncé qu'« au regard de l'article 14 de la Convention, une
distinction est discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable, c'est-à-dire si elle
ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les
moyens employés et le but visé ». Certes, elle a relevé « qu'il ne peut être exclu que le but invoqué par le
Gouvernement, à savoir la protection de la famille traditionnelle, puisse être considéré comme légitime ».
Toutefois, elle a affirmé ne trouver « en l'espèce, aucun motif de nature à justifier une discrimination
fondée sur la naissance hors mariage », l'enfant, pénalisé dans le partage de la masse successorale de
son auteur, ne pouvant légitimement « se voir reprocher des faits qui ne lui sont pas imputables ». Par
suite, la Cour européenne a pu conclure qu'il n'y avait « pas de rapport raisonnable de proportionnalité
entre les moyens employés et le but visé », ce qui justifiait la condamnation de la France.

208. Au vrai, cette condamnation était rien moins que prévisible, non seulement en raison de la clarté
des textes européens en matière de discrimination, mais encore en raison de l'existence de décisions
antérieures rendues par la même juridiction. Dès 1979, les juges européens avaient, en effet, condamné
l'État belge pour discrimination à l'égard de l'enfant naturel, souffrant d'une restriction de sa vocation
successorale ab intestat (CEDH 13 juin 1979, Marckx, A-31, JDI 1982. 183, note Rolland ; V. aussi
BERGER, Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, 5 e éd., 1996, Sirey, nos 693 et s. ;
J.-P. MARGUÉNAUD, La Cour européenne des droits de l'homme, 1997, Dalloz, p. 66 et s. ; M. MAYMON-
GOUTALOV, De la conformité du droit français des personnes et de la famille aux instruments
internationaux protecteurs des droits de l'homme, D. 1985. Chron. 210). Cette solution s'appuyait sur la
combinaison des articles 8 et 14 de la Convention européenne. En 1987, la Cour de Strasbourg avait
également condamné l'État autrichien pour discrimination à l'égard des enfants naturels, sur le
fondement, cette fois, de l'article 1 er du Protocole additionnel no 1 et de l'article 14 de la Convention : en
l'espèce, la loi autrichienne prévoyait, au titre d'un mécanisme d'attribution préférentielle, qu'une
exploitation agricole « héréditaire » devait revenir à l'enfant légitime, l'enfant naturel devant
corrélativement se satisfaire d'une soulte calculée selon une méthode défavorable aux intérêts du second
(CEDH 28 oct. 1987, Inze c/ Autriche, A-126, JDI 1988. 882, note P. T.). L'analogie des situations faisait
évidemment pressentir l'extension de la jurisprudence européenne au cas français.

209. Portée de la jurisprudence européenne Mazurek. - La décision de la Cour européenne des droits de
l'homme a rapidement suscité de légitimes interrogations sur l'application par les juridictions françaises
du dispositif légal relatif aux droits successoraux de l'enfant adultérin. Or, il est certain que les arrêts de
la Cour européenne sont simplement dotés de l'autorité relative de la chose jugée ; les solutions qu'ils
énoncent ne sauraient valoir erga omnes. Mais, ainsi que l'a relevé la doctrine à propos de l'arrêt Mazurek
(V. not. R. LE GUIDEC, obs. sous CEDH 1 er févr. 2000, préc.), ses arrêts sont surtout dotés de l'autorité
de la chose interprétée, « notion importante qui peut se définir comme l'autorité propre de la
jurisprudence européenne en tant que celle-ci interprète les dispositions de la Convention » (J.-
F. RENUCCI, op. cit., no 414 ; V. aussi CEDH 13 juin 1979, préc.).
Actualisation
209. Succession ouverte avant la loi du 3 décembre 2001. - La Cour européenne des droits de l'homme
déclare conforme à la Convention européenne des droits de l'homme l'éviction d'un enfant adultérin de la
succession de sa mère, ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi du 3  décembre 2001. L'interprétation
faite par les juridictions françaises des dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001, aux termes
de laquelle « les dispositions relatives aux nouveaux droits successoraux des enfants naturels dont le père
ou la mère étaient, au temps de la conception, engagés dans les liens du mariage, ne sont applicables
qu'aux successions ouvertes au 4 décembre 2001 et n'ayant pas donné lieu à partage avant cette date »
n'est pas discriminatoire, dans la mesure où elle poursuit le but légitime de garantir le principe de
sécurité juridique (CEDH, 21 juill. 2011, Fabris c/ France, req. n o 16574/08  , AJ fam. 2011. 556, obs.
Vernières   ; RTD civ. 2011. 732, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD civ. 2011. 753, obs. J. Hauser). –
Contra : CEDH, gde ch., 7 févr. 2013, Fabris c/ France, no 16574/08  , qui décide que le refus
d'accorder à un enfant adultérin les droits successoraux auxquels il pouvait prétendre en vertu de la loi du
3 décembre 2001 est contraire à l'article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l'article
1er du protocole no 1 (protection de la propriété) (Dalloz actualité, 15 févr. 2013, obs. Gallmeister ; AJ
fam. 2013. 189, note Levillain  ).

210. L'impact de la jurisprudence européenne était pareillement de nature à embarrasser la pratique


notariale (G. KHAIRALLAH, Le notaire et les droits successoraux de l'enfant adultérin, Bull. Cridon-Paris,
1er-15 avr. 2000, II, p. 139). La doctrine estimait que les praticiens pouvaient « parier sur le ralliement
ou la résistance de la jurisprudence française à la jurisprudence strasbourgeoise » (M. GRIMALDI, op. cit.,
no 156, p. 168), l'essentiel étant, pour eux, d'informer leur clientèle de l'incertitude du droit positif après
l'arrêt Mazurek. La pratique notariale pouvait également rechercher un règlement transactionnel de la
dévolution successorale ou obtenir une renonciation des cohéritiers de l'enfant adultérin à se prévaloir du
dispositif protecteur de l'article 760 du code civil (R. CRÔNE, Cas pratique, Defrénois 2001, art. 37286).

211. S'appuyant manifestement sur l'autorité interprétative de la jurisprudence européenne, les


juridictions du fond n'ont pas tardé à reprendre à leur compte l'argumentation de l'arrêt Mazurek de la
Cour européenne des droits de l'homme (TGI Montpellier, 2 mai 2000, D. 2001. 1270, note C. Pelletier 
, et Somm. 2794, obs. Vasseur-Lambry  , JCP 2001. I. 293, no 1, obs. J. Rubellin-Devichi, Dr. fam.
2000. Comm. 99, obs. A. Gouttenoire-Cornut, Defrénois 2000. 1435, art. 37275, obs. Massip, RTD
civ. 2000. 930, obs. Marguénaud, et 2001. 124, obs. Hauser ; Pau, 28 nov. 2000, D. 2001. Somm. 1068,
obs. Bosse-Platière  , Defrénois 2001. 1011, note Massip, Dr. fam. 2001. Comm. 60, LPA 2001, no 193,
p. 22, note Massip ; Rouen, 14 févr. 2001, et Amiens, 14 juin 2001, cités par B. BEIGNIER, in L'enfant
adultérin et le conjoint trompé : le nœud gordien du droit patrimonial de la famille, Dr. fam. 2001. Chron.
27). Considérant les anciens articles 760, 908 et 915 du code civil, les juges du fond avaient estimé que
la différence de traitement (Conv. EDH, art. 14) par eux instituée entre enfant adultérin et enfant légitime
poursuivait un but légitime mais manquait de justification objective, car précisément, elle ne s'appuyait
pas sur un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but recherché.
Comme dans l'arrêt Mazurek de la Cour de Strasbourg, les juges français relevaient alors une atteinte du
droit de chacun au respect de ses biens (Protocole additionnel à la Conv. EDH, art. 1er) et non une
atteinte au droit au respect de la vie familiale (Conv. EDH, art. 8). Pour autant, il a été jugé qu'un
partage successoral définitif et antérieur à la réforme législative du 3 décembre 2001 ne pouvait être
remis en cause pour erreur de droit, les droits héréditaires de l'enfant adultérin ayant été « déterminés en
fonction d'une situation juridique née des dispositions légales de droit interne » alors applicables
(Toulouse, 29 janv. 2004, Dr. fam. 2004. Comm. 41, obs. Beignier).
Actualisation
211. Conventionnalité du partage amiable avant la loi du 3 décembre 2001. - L'héritier peut valablement
renoncer à ses droits dans la succession. Ainsi, après avoir constaté qu'en vertu de deux actes datant de
mai et de juin 2001, préparatoires au partage qui s'y réfère, les héritiers étaient convenus de procéder au
règlement de la succession conformément aux dispositions des articles 759 et 760 du code civil, dans leur
rédaction antérieure à celle issue de la loi du 3 décembre 2001, et en connaissance de la teneur de l'arrêt
du 1er février 2000 de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH 1 er févr. 2000, Mazurek c/
France,req. no 34406/97  , D. 2000. 332, note Thierry   ; D. 2000. Chron. 626, obs. Vareille) 
regardant celles-ci comme incompatibles avec les dispositions combinées des articles 1er du 1er protocole
additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et  14 de
cette Convention, une cour d'appel en a exactement déduit que l'accord amiable ainsi intervenu, à
l'occasion duquel l'hériter adultérin avait, en connaissance de cause, renoncé à une partie de ses droits
dans la succession, devait recevoir application conformément aux dispositions de l'article 25, II, 2o de
ladite loi, lesquelles ne sont pas incompatibles avec les dispositions combinées précitées de la Convention
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Civ. 1re, 20 nov. 2013, no 12-
25.681  , AJ fam. 2014. 65, obs. de Guillenchmidt-Guignot  ).
2° - Apport des lois du 3 décembre 2001 et du 23 juin 2006 en termes d'égalité

212. Abrogation du statut de l'enfant adultérin par la loi du 3 décembre 2001. - Dans le contexte
précédemment évoqué, l'abrogation des textes fondant l'infériorité successorale de l'enfant adultérin
faisait figure d'impératif législatif, afin d'éviter à l'État français de nouvelles condamnations financières. Le
rapport de F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ avait déjà souligné la nécessité d'achever l'égalité des statuts en
abrogeant les restrictions légales aux droits successoraux des enfants adultérins, en précisant : « Ce qui
est en cause […] n'est pas seulement l'égalité concrète entre enfants issus de lits différents dans le
partage de la succession de leur auteur commun, mais, de manière à la fois plus abstraite et plus forte,
l'identité des droits attachés au lien de filiation » (F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, Rénover le droit de la
famille, Rapport, 1999, Doc. fr., p. 29). Le même impératif se retrouve dans les travaux parlementaires
relatifs à la législation de 2001. Ainsi, le député VIDALIES, auteur de la proposition de loi à l'origine de la
loi du 3 décembre 2001 (V. supra, no 20), avait-il déclaré devant l'Assemblée nationale : « Il est une
autre série de dispositions dont beaucoup soulignaient l'urgence d'une réforme, je veux parler de la place
singulière faite à l'enfant adultérin dont les droits sont limités à la moitié des droits reconnus aux autres
enfants légitimes ou naturels. La France a été récemment condamnée par la Cour européenne des droits
de l'homme qui a sanctionné le maintien de cette législation restrictive dans notre droit positif. Une telle
condamnation exige que nous modifiions le code civil en supprimant le statut archaïque de l'enfant
adultérin » (JOAN CR 6 févr. 2001, p. 1096). Les propos tenus par la ministre de la Justice devant
l'Assemblée nationale, lors de la discussion en deuxième lecture, de la proposition de loi VIDALIES,
exprimaient d'ailleurs pareillement cette nécessité : « Il est urgent de supprimer l'inégalité dont les
enfants adultérins sont victimes dans l'étendue de leurs droits successoraux, étant rappelé que la France
a été condamnée pour sa législation discriminatoire par la Cour européenne des droits de l'homme  »
(M. LEBRANCHU, in JOAN CR 28 juin 2001, p. 5101 ; adde : M. LEBRANCHU, JO Sénat CR 21 juin 2001,
p. 3392).

213. La loi du 3 décembre 2001 a procédé à l'abrogation de toutes les dispositions discriminatoires qui
concernaient l'enfant naturel. Ainsi, elle a abrogé l'alinéa 3 de l'article 334 du code civil, en vigueur à
l'époque, texte alors situé sous le titre « De la filiation », et qui, après l'énoncé du principe d'égalité posé
à l'alinéa 1er, faisait réserve du cas de l'enfant adultérin. Force est toutefois de constater que la
suppression de toute discrimination à l'égard de l'enfant naturel rendait sans objet les alinéas 1 er et 2 de
l'article 334 lui-même qui affirmait encore, après la réforme du 3 décembre 2001 et jusqu'à l'ordonnance
du 4 juillet 2005 : « L'enfant naturel a en général les mêmes droits et les mêmes devoirs que l'enfant
légitime dans ses rapports avec ses père et mère. - Il entre dans la famille de son auteur ». On
comprendra dès lors que la loi n o 2002-305 du 4 mars 2002, relative à l'autorité parentale (JO 5 mars,
D. 2002. 1016), ait, peu après, abrogé cette disposition. Il suffit à cet égard de considérer les dispositions
de l'ancien article 733, alinéa 1er, du code civil (réd. L. 3 déc. 2001), lequel disposait : « La loi ne
distingue pas entre la filiation légitime et la filiation naturelle pour déterminer les parents appelés à
succéder ». La loi du 3 décembre 2001 vint également abroger les dispositions désuètes de l'ancien article
334-7 du code civil qui disposait que l'enfant adultérin ne pouvait « être élevé au domicile conjugal
qu'avec le consentement du conjoint de son auteur ».

214. Au titre « Des successions », le législateur de 2001 supprima intégralement la section VI du chapitre
III qui concernait les « droits successoraux résultant de la filiation naturelle » et réglementait tant la
vocation successorale légale de l'enfant adultérin (C. civ., art. 759 et 760 anc.) que l'attribution anticipée
de biens au profit du même enfant (art. 762 à 764 anc.). Dans le prolongement de ces dispositions, le
titre consacré aux « donations et testaments » fut également modifié. Les textes qui régissaient
notamment la restriction de la réserve héréditaire de l'enfant adultérin et sa capacité de recevoir à titre
gratuit furent pareillement abrogés (V. C. civ., anc. art. 908, 908-1, 915 à 915-2, 1097 et 1097-1).

215. Ouverture de l'action en retranchement à l'enfant naturel par la loi du 3 décembre 2001. - Le
législateur de 2001 n'omit pas de modifier l'article 1527, alinéa 2, du code civil, relatif à l'action en
retranchement des avantages matrimoniaux. On sait que cette disposition ouvrait, jusqu'alors, au
bénéfice des « enfants d'un précédent mariage » une véritable action en réduction contre les avantages
consentis, au titre des conventions matrimoniales, à l'époux en secondes noces, à l'égard duquel, par
hypothèse, les enfants du premier mariage du défunt n'ont aucun lien de parenté, de sorte que l'avantage
matrimonial met en péril leurs droits à réserve. Or, traditionnellement, la Cour de cassation s'en tenait à
une interprétation littérale de l'article 1527, alinéa 2, pour refuser d'ouvrir l'action en retranchement aux
enfants naturels du défunt (Civ. 1re, 8 juin 1982, D. 1983. 19, note Beaubrun, JCP 1983. II. 20018, note
Henry). Seul l'enfant légitime de l'époux décédé pouvait ainsi agir en retranchement de l'avantage
excessif. Singulièrement, la jurisprudence maintenait toutefois le droit d'agir en retranchement au profit
de l'enfant adopté par le second conjoint, jugeant sans importance le fait que cet enfant ait acquis, par
l'effet de l'adoption, les droits successoraux d'un enfant légitime à l'égard de l'époux en secondes noces
(Paris, 10 juill. 1985, Defrénois 1986. 1165, note J.-M. Olivier).

216. La loi du 3 décembre 2001 vint modifier l'article 1527, alinéa 2, pour viser désormais les enfants
« qui ne seraient pas issus des deux époux » ainsi qu'in fine les enfants d'un « autre lit » et non plus d'un
« précédent » lit. On observera d'ailleurs que l'article 1527, alinéa 2, n'a pas été modifié par la loi du
23 juin 2006. Sont ainsi explicitement désignés tous enfants, peu important le mode d'établissement de
leur filiation, en ce compris les enfants adoptés avant ou pendant le mariage de l'un des époux (V.  déjà
en faveur de cette extension, Rép. min., n o 10885, JO Sénat Q, 16 juin 1983, p. 894 ; Rép. min., JOAN
14 août 1995, p. 3535). La règle nouvelle est égalitaire et vient répondre aux vœux de la doctrine
contemporaine (V. en particulierM.-C. RONDEAU-RIVIER, Le remariage, thèse dactyl., Lyon III, 1981,
nos 358 et s.).

217. Prenant acte de l'intervention de la réforme successorale - bien qu'inappliquée en l'espèce - et de la


jurisprudence Mazurek (V. supra, nos 206 et s.), la Cour de cassation a tardivement opéré un revirement
de jurisprudence, admettant l'extension de la règle visant l'enfant légitime issu d'un précédent mariage
aux « enfants naturels nés d'une précédente liaison », au motif qu'ils se trouvent « dans une situation
comparable quant à l'atteinte susceptible d'être portée à leurs droits successoraux en cas de remariage
de leur auteur sous le régime de la communauté universelle, la finalité de la protection assurée aux
premiers [commandant] qu'elle soit étendue aux seconds, au regard du principe de non-discrimination
selon la naissance édicté par la Convention européenne des droits de l'homme » (Civ. 1re, 29 janv. 2002,
Bull. civ. I, no 32, JCP 2002. I. 178, no 8, obs. R. Le Guidec, et 2002. I. 167, n o 12, obs. A. Tisserand,
D. 2002. 1938, note Devers  , Dr. fam. 2002. Comm. 45, obs. Beignier, LPA 11 juill. 2002, p. 24, note
M.-L. Cicile-Delfosse, RTD civ. 2002. 278, obs. Hauser, et p. 347, obs. Vareille, Defrénois 2002,
art. 37548, no 29, obs. Massip, et art. 37611, no 84, obs. Champenois, RJPF 2002-5/24, obs. Casey). Un
tel revirement, dont la justification paraît dès l'abord, essentiellement théorique, serait toutefois
susceptible de produire diverses conséquences d'ordre pratique, pour autant qu'une discrimination soit
constatée au regard de la filiation de l'enfant héritier (V. infra, no 225).

218. Droit transitoire (lois des 3 décembre 2001 et 23 juin 2006). - Il a été précisé qu'en principe,
l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001 était différée au 1 er juillet 2002 (L. 3 déc. 2001, art. 25-
I ; sur les règles de droit transitoire en général, V. supra, no 24). Toutefois, s'agissant de l'abrogation des
textes concernant l'enfant adultérin et de la modification de l'article 1527 du code civil, le législateur de
2001 a édicté, par exception, une règle d'entrée en vigueur immédiate par référence «  à la date de
publication de la présente loi au Journal officiel » (L. 3 déc. 2001, art. 25-II ; sur la question,
V. F. SAUVAGE, Les dispositions de la réforme des successions immédiatement applicables par la pratique
notariale, Bull. Cridon-Paris, 1er-15 déc. 2001, II, 265, spéc. n os 11 et s.). Suivant l'article 25-II-2o de la
loi du 3 décembre 2001, d'ailleurs modifié par la loi du 23 juin 2006, il a été prévu en effet : « Sous
réserve des accords amiables déjà intervenus et des décisions judiciaires irrévocables, seront applicables
aux successions ouvertes à la date de publication de la présente loi au Journal officiel de la République
française et n'ayant pas donné lieu à partage avant cette date : - les dispositions relatives aux nouveaux
droits successoraux des enfants naturels ; - les dispositions du second alinéa de l'article 1527 du code
civil dans sa rédaction issue de l'article 17 ». Bien que présentée comme édictant une règle d'application
immédiate, par opposition au principe général de l'entrée en vigueur différée, la disposition de l'article 25-
II-2o a introduit, plus exactement, une règle de rétroactivité de la loi nouvelle sur les points précisés
(V. sur la question, Ph. DELMAS SAINT-HILAIRE, Réforme des successions. Examen d'une difficulté de
droit transitoire : l'action en retranchement, Defrénois 2002. 153, art. 37473). Cette disposition était
clairement destinée à éviter le risque d'une nouvelle condamnation de l'État français par la Cour
européenne des droits de l'homme pour législation discriminatoire.

219. L'application rétroactive des dispositions concernées est complexe. Au premier chef, sont
expressément et exclusivement visées par l'article 25-II-2 o les « successions ouvertes à la date de
publication », ce qui signifie « ouvertes antérieurement » à la date de publication de la loi du 3 décembre
2001 (F. SAUVAGE, art. préc., no 12, note 30). Or, ainsi qu'il a déjà été précisé (V. supra, no 24), il faut
distinguer entre la date de publication de la loi nouvelle (l'insertion du texte au Journal officiel étant
intervenue dès le 4 déc. 2001) et celle de son entrée en vigueur, soit, à Paris, un jour franc après la
publication de la loi au Journal officiel (donc le 6 déc. 2001 à minuit) et, en province, un jour franc après
que celui-ci est parvenu au chef-lieu d'arrondissement (Décr. 5 nov. 1870, art. 2, DP 1870. 4. 101). En
vérité, il importe peu que les dates de publication et d'entrée en vigueur ne coïncident pas, dès lors que la
loi nouvelle est, pour le point qui nous concerne, dotée d'un effet rétroactif. Selon les règles du droit
commun du droit transitoire, la loi nouvelle n'a acquis son plein effet d'opposabilité et n'est donc entrée
en vigueur que le 6 décembre 2001, mais s'agissant des droits successoraux de l'enfant adultérin et de la
modification de l'article 1527 du code civil, les dispositions qu'elle introduit s'appliquent aux successions
ouvertes avant le 4 décembre 2001, date de publication de la loi au Journal officiel : sur ce dernier point,
l'article 25-II-2o vise littéralement la date de l'insertion matérielle du texte nouveau au Journal officiel et
non la date juridique d'opposabilité dudit texte (V. en ce sens : Ph. DELMAS SAINT-HILAIRE, art. préc.,
spéc. p. 155 ; G. GRILLON, Les nouveaux droits du conjoint survivant, JCP 2002. I. 133, no 39 ; M.-
C. FORGEARD, R. CRÔNE et B. GELOT, La réforme des successions. Loi du 3 décembre 2001, op. cit.,
no 122 ; M.-C. FORGEARD, art. préc. ; A. DEVERS, note sous Civ. 1re, 29 janv. 2002, préc. ; contra :
V. BRÉMOND, article préc., JCP N 2002. 1375, no 7 ; comp. F. SAUVAGE, art. préc., nos 1, 2 et 12, note
30 ; C. JUBAULT, art. préc., spéc. nos 11 et s.).

220. Au lendemain de la réforme successorale du 3 décembre 2001, la question a surgi de savoir si la loi
nouvelle était également applicable aux successions ouvertes à compter de la date de publication de la
loi. Il faut certainement réfuter l'existence d'un renvoi de l'article 25-II à l'article 25-I, renvoi qui pourrait
signifier que le législateur a prévu l'application des textes nouveaux aux successions ouvertes à compter
de leur entrée en vigueur le 6 décembre 2001. Mais un auteur relève, très justement, qu'un tel renvoi ne
serait « pas cohérent, car la date de publication diffère de la date d'entrée en vigueur » (F. SAUVAGE, art.
préc., no 12, note 30). En vérité, il suffit de constater l'effet rétroactif retenu par la loi du 3 décembre
2001, sur le point qui nous intéresse, pour fonder, a fortiori, l'applicabilité de la loi nouvelle aux
successions ouvertes à compter de la date de publication de ladite loi, soit le 4 décembre 2001 (rappr. en
faveur de l'argument a fortiori, mais retenant la date d'entrée en vigueur, soit le 6 déc. 2001 :
V. BRÉMOND, Les dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001, art. préc., spéc. no 13, note 30).
Il est vrai toutefois que, dans le silence de l'article 25-II, il paraît séduisant de faire appel aux règles de
droit commun du droit transitoire : les dispositions considérées, introduites par la loi nouvelle, seraient
alors « applicables immédiatement aux successions ouvertes après son entrée en vigueur, date qui, en la
matière, se situe le 6 décembre 2001 » (F. SAUVAGE, art. préc., no 12, note 30 ; dans le même sens :
S. PIEDELIÈVRE, Réflexions sur la réforme des successions, Gaz. Pal. 2002. Doctr. 576, spéc. n o 39, note
69). Mais si l'on s'accorde à reconnaître que l'article 25-II vise les successions ouvertes avant la date de
publication au Journal officiel, soit avant le 4 décembre 2001 et non avant le 6 décembre 2001, cette
analyse doit être réfutée, faute de quoi, les dispositions transitoires de la loi nouvelle omettraient de régir
les successions ouvertes les 4 et 5 décembre 2001, ce qui ne paraît pas concevable (rappr. M.-
C. FORGEARD, art. préc.). En vérité, ce débat revêt un caractère essentiellement théorique. Il ne
transparaît nullement dans la jurisprudence qui fait aujourd'hui application de la loi nouvelle à des
successions ouvertes avant le 4 décembre 2001 (V. à propos de l'application de C. civ., anc. art. 908 :
Civ. 1re, 6 janv. 2004, Defrénois 2004, art. 37926, no 36, obs. Massip).
Actualisation
220. Application de la loi dans le temps. - Il peut être déduit par les juges du fond, à partir d'un
testament rédigé antérieurement à la loi du 3 décembre 2001, la volonté du testateur de faire bénéficier
son conjoint survivant des droits légaux issus de la loi de 2001 en sus du legs prévu dans le testament
(Civ. 1re, 4 juin 2009, no 08-15.799  , AJ fam. 2009. 306, obs. Tisserand-Martin   ; D. 2009. 2058,
no 1, note Chauvin, Auroy et Creton   ; RLDC 2009/63.3550, obs. Pouliquen ; RTD civ. 2010. 141, obs.
Grimaldi).

221. Apport de la loi du 23 juin 2006 au plan transitoire. - En termes d'égalité des filiations, la loi du
23 juin 2006 n'a que très légèrement modifié la législation résultant de la réforme du 3  décembre 2001.
On se rappelle cependant que la loi du 3 janvier 1972 n'avait, en son temps, pas été déclarée applicable
aux successions déjà ouvertes lors de son entrée en vigueur, le 1 er août 1972. Évidemment, compte tenu
de la réforme de 2001, l'enfant naturel adultérin devait avoir, en toute hypothèse, les mêmes droits qu'un
enfant légitime. En revanche, le cas des successions ouvertes avant le 1 er août 1972 et qui n'étaient pas
partagées au 6 décembre 2001 pouvait faire difficulté, quant à l'applicabilité de la législation nouvelle. La
difficulté était apparue au lendemain de la réforme du 3 décembre 2001. Sur un plan général, il ne
pouvait être affirmé que toutes les successions ouvertes avant la date de publication de la loi nouvelle
étaient visées par l'article 25-II de ladite loi car, en principe, la prescription extinctive trentenaire
demeurait applicable et devait limiter le jeu des dispositions nouvelles aux seules successions ouvertes
depuis moins de trente ans (en ce sens : S. PIEDELIÈVRE, art. préc., spéc. no 40). Cependant, il faut se
rappeler que l'article 14 de la loi du 3 janvier 1972 avait prévu que les droits successoraux nouveaux de
l'enfant naturel devaient s'appliquer aux seules successions ouvertes à compter du 1 er août 1972. Dès
lors, si l'on voulait préserver l'effectivité du champ d'application respectif des lois de 1972 et 2001, il
convenait de limiter l'effet rétroactif de la loi du 3 décembre 2001 aux seules successions ouvertes à la
date du 1er août 1972 : la doctrine avait estimé qu'une analyse contraire aurait conduit à « rendre
rétroactive la loi du 3 janvier 1972 alors que son article 14 précisait expressément qu'elle ne l'était pas »
(V. BRÉMOND, article préc.). La situation n'était cependant guère satisfaisante sur le plan de l'égalité des
filiations, pourtant promue par la réforme du 3 décembre 2001. Au premier chef, il convient de préciser
que la loi du 23 juin 2006 a modifié l'article 25-II, 2 o, de la loi du 3 décembre 2001, relatif à l'application
dans le temps de cette même loi. Dans sa rédaction originaire, le texte énonçait : « Sous réserve des
accords amiables déjà intervenus et des décisions judiciaires irrévocables, seront applicables aux
successions ouvertes à la date de publication de la présente loi au Journal officiel de la République
française et n'ayant pas donné lieu à partage avant cette date : les dispositions relatives aux nouveaux
droits successoraux des enfants naturels dont le père ou la mère était, au temps de la conception, engagé
dans les liens du mariage ». La loi du 23 juin 2006, applicable au 1er janvier 2007, a modifié la lettre de
ce texte, en abrogeant les termes suivants : « dont le père ou la mère était, au temps de la conception,
engagé dans les liens du mariage ». Ainsi l'article 25-II, 2 o, ne comporte-t-il plus aucune référence au
caractère adultère de la filiation, son application générale à toute filiation hors mariage s'avérant, en
conséquence, fort opportune (V. sur la question, M. NICOD, article préc., spéc. no 10). De surcroît, la
jurisprudence a précisé que les dispositions de l'article 25-II, 2 o, de la loi du 3 décembre 2001 doivent
prévaloir sur celles de l'article 14 de la loi du 3 janvier 1972. Ainsi les enfants adultérins peuvent-ils
bénéficier des nouveaux droits successoraux que leur offre la législation actuelle, lors même que la
succession à laquelle ils sont appelés aurait été ouverte avant le 1 er août 1972, pour autant que celle-ci
n'ait pas été partagée au 4 décembre 2001 (V. Civ. 1re, 14 nov. 2007, no 06-13.806  , Bull. civ. I,
no 360, D. 2008. 133, note M. Botaingar  , JCP 2009. I. 109, no 1, obs. R. Le Guidec, RTD civ. 2008.
90, obs. J. Hauser et 337, obs. M. Grimaldi, RJPF 2008-1, p. 55, obs. J. Casey, AJ fam. 2008. 40, obs.
F. Bicheron   ; V. aussi, Civ. 1re, 15 mai 2008, no 06-19.331  , JCP 2009. I. 109, no 1, obs. R. Le
Guidec, JCP N 2008. 1287, note V. Brémond).

222. Les conditions substantielles auxquelles la rétroactivité de l'article 25-II-2 o demeure subordonnée
sont au nombre de trois. Suivant la première de ces conditions, il est nécessaire que la succession
ouverte n'ait « pas donné lieu à partage » avant la date de publication de la loi nouvelle, soit avant le
4 décembre 2001 (V. supra, no 219). La finalité de cette disposition n'est pas douteuse : ainsi que l'a
relevé l'un des commentateurs de la loi du 3 décembre 2001, « le législateur n'a pas voulu réouvrir des
“guerres de succession” entre la famille légitime et l'enfant adultérin dès lors qu'elles étaient apaisées par
un partage définitif » (F. SAUVAGE, art. préc., no 13). La Cour de cassation a eu l'occasion de faire
application de cette exigence, s'agissant d'une succession ouverte en 1993 et partagée en 1996  : elle a
ainsi rappelé que selon l'article 25-II-2 o de la loi du 3 décembre 2001, les dispositions relatives aux
nouveaux droits successoraux de l'enfant adultérin n'étaient applicables qu'aux successions ouvertes au
4 décembre 2001 et non encore partagées, ces exigences n'étant nullement remplies en l'espèce
(Civ. 1re, 7 juin 2006, RLDC 2006/31, no 2242, p. 56, obs. Binet).

223. La condition posée recèle néanmoins des difficultés d'analyse. Il faut convenir qu'une succession
litigieuse ne doit pas être considérée comme définitivement partagée (Civ. 1re, 7 févr. 1989,
D. 1989. 509, note Massip). Cette solution vaut certainement au sens de l'article 25-II-2 o. Mais,
pratiquement, la référence aux successions n'ayant « pas donné lieu à partage » semble inadaptée à deux
situations concrètes : la première concerne l'existence d'un héritier unique, et la seconde celle des époux
ayant adopté le régime matrimonial de la communauté universelle avec clause d'attribution intégrale au
survivant d'eux. Dans ces deux cas, aucun partage ne sera véritablement réalisé. Le contrat de partage
suppose, en effet, au moins deux copartageants, et se trouve matériellement et juridiquement exclu en
présence d'un héritier unique. Par ailleurs, on sait que le survivant des époux bénéficiaire d'une
attribution intégrale de la communauté universelle se trouve, au décès de son conjoint, à la tête de
l'intégralité des biens de ladite communauté, et cela en vertu, non d'un droit de succession sur les biens
du prémourant, mais d'un avantage matrimonial. Encore faut-il remarquer que la jurisprudence,
appliquant les dispositions transitoires de la loi n o 82-536 du 25 juin 1982 en matière de filiation
(L. 25 juin 1982, art. 2, D. 1982. 295), estime justement qu'une succession doit être considérée comme
« liquidée quand l'héritier unique en a pris possession depuis le décès de manière paisible, publique et
non équivoque » (Civ. 1re, 25 févr. 2003, Bull. civ. I, no 59, JCP 2003. I. 180, no 1, obs. R. Le Guidec, Dr.
fam. 2003. Comm. 70, obs. P. Murat, RJPF 2003/5, p. 33, obs. Th. Garé ; 6 juin 1990, D. 1992. Somm.
224, obs. B. Vareille  ). La jurisprudence évoquée semble, il est vrai, prôner une application exclusive
de l'article 2 de la loi du 25 juin 1982. La Cour de cassation a énoncé, en effet, que « les dispositions à
prendre en considération pour permettre aux enfants naturels dont la filiation est établie par la possession
d'état de faire valoir leurs droits successoraux sont celles de l'article 2 de la loi du 25  juin 1982 selon
lesquelles les enfants naturels nés avant l'entrée en vigueur de cette loi ne pourront demander à s'en
prévaloir dans les successions déjà liquidées » (Civ. 1re, 25 févr. 2003, préc.). Elle a également affirmé
que cet article 2 de la loi du 25 juin 1982 n'introduit pas une discrimination injustifiée au détriment des
enfants naturels, ainsi privés du droit de se prévaloir d'un lien de filiation établi par la possession d'état
(Civ. 1re, 25 mai 2004, Bull. civ. I, no 144, Dr. fam. 2004. Comm. 153 [1re esp.], obs. B. Beignier, RLDC
2004/8. 353, obs. F. Leandri). Encore convient-il de préciser que les juges du droit ont dernièrement
estimé que les dispositions de la loi du 25 juin 1982 n'étaient pas applicables aux successions ouvertes
après son entrée en vigueur, dès lors que celles-ci ont été liquidées avant l'introduction de la demande en
constatation d'état d'enfant naturel (Civ. 1re, 23 janv. 2008, RLDC 2008/47. 2924, obs. J.-R. Binet). Il
n'en reste pas moins vrai que c'est la notion de succession partagée que retient le droit transitoire de la
loi du 3 décembre 2001, et non celle de succession liquidée. On peut alors concevoir qu'un enfant
adultérin établisse « sa filiation par possession d'état en 2003, son père étant décédé en 1980, laissant
comme héritier à l'époque un seul enfant issu de son mariage, depuis possesseur de toute la succession  »
(R. LE GUIDEC, obs. préc.) : il faudra donc considérer celle-ci comme liquidée mais non partagée. Dans
une telle situation, il serait certainement contestable de faire prévaloir les dispositions transitoires de la
loi du 25 juin 1982 sur celles de la loi du 3 décembre 2001 : il y va, en effet, du respect de l'impérativité
du droit substantiel parachevant l'égalité des filiations légitime et naturelle (V. en ce sens : R. LE GUIDEC,
obs. préc.).

224. L'exigence d'une succession non partagée, qualifiée de « surprenante » par un auteur (Ph. DELMAS
SAINT-HILAIRE, art. préc., spéc. p. 155), porte également à considérer que la réalisation d'un ou de
plusieurs partages partiels ne suffirait pas à exclure l'application de la loi nouvelle, dès lors qu'au terme
du dernier des partages partiels réalisés, l'indivision successorale perdure pour certains actifs. Le partage
requis doit assurément être intégral et définitif pour pouvoir exclure l'application de la loi nouvelle
(S. PIEDELIÈVRE, Réflexions sur la réforme des successions, Gaz. Pal. 2002. Doctr. 576, spéc. n o 43 ;
F. SAUVAGE, art. préc., spéc. n o 13). Si, à l'inverse, il laisse subsister certains biens indivis, l'application
de la loi nouvelle doit vraisemblablement concerner l'assiette intégrale de la succession, nonobstant les
partages partiels antérieurement réalisés : en effet, il serait singulier de n'appliquer la loi nouvelle qu'aux
seuls actifs non répartis, pour laisser les actifs déjà partagés sous l'empire de la loi ancienne (V.  toutefois
l'interrogation émise parPh. DELMAS SAINT-HILAIRE, art. préc., p. 155).
225. La question du partage définitif de la succession a suscité une autre difficulté, au regard de la
modification de l'article 1527 du code civil par la loi du 3 décembre 2001. Il faut se rappeler, à cet égard,
que la Cour de cassation a dernièrement procédé à un revirement de jurisprudence, admettant l'extension
à l'enfant né hors mariage, alors qualifié de naturel, du droit d'agir en retranchement de l'avantage
matrimonial excessif (V. supra, no 217). Or, il est de jurisprudence constante que les revirements de
jurisprudence sont dotés d'un effet rétroactif (Civ. 1re, 9 oct. 2001, Bull. civ. I, n o 249, D. 2001. 3470,
rapp. Sargos  et note Thouvenin  , RTD civ. 2002. 176, obs. Libchaber ; 21 mars 2000, Bull. civ. I,
no 97, D. 2000. 593, note Atias  , RTD civ. 2000. 666, obs. Molfessis). Par le revirement qu'a opéré la
Cour de cassation à propos de l'article 1527 et à l'endroit de successions définitivement partagées qui ne
relèvent pas de la loi du 3 décembre 2001, les juges font « comme si ce dernier article avait été modifié
par la loi nouvelle, mais sans l'affecter des limites auxquelles la disposition transitoire assujettit cette
modification » (V. BRÉMOND, Les dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001, art. préc., spéc.
no 16). L'analyse conduit à envisager l'hypothèse d'enfants nés hors mariage qui prétendraient, en vertu
de l'effet rétroactif du revirement jurisprudentiel évoqué, « remettre en cause des successions dont le
règlement est achevé » (V. BRÉMOND, art. préc. ; dans le même sens : M.-L. CICILE-DELFOSSE, note
sous Civ. 1re, 29 janv. 2002, préc. supra no 217, spéc. no 17). Il est néanmoins peu probable que la Cour
de cassation, si elle devait connaître de telles prétentions, cautionne cette interprétation, génératrice
d'insécurité juridique et de difficultés pour la pratique notariale (V. dans le même sens, V. BRÉMOND, art.
préc.). Au demeurant, ces prétentions devraient se heurter à la prescription comme à l'existence d'une
décision définitive ayant autorité de chose jugée.

226. La deuxième condition à laquelle la rétroactivité est subordonnée tient à l'absence d'un «  accord
amiable déjà intervenu ». Il s'agit de tout accord relatif au règlement de la succession considérée  : du
simple protocole d'accord passé entre les héritiers en vue de ce règlement, jusqu'au partage partiel, sans
exclure l'approbation que les héritiers auraient donnée à la liquidation successorale (V. sur ce point,
F. SAUVAGE, art. préc., no 14). C'est probablement l'existence d'une convention de partage partiel qui est
de nature à susciter des difficultés : l'interprétation de la volonté des parties devra être opérée si l'on
veut distinguer le partage partiel (V. Partage [1o notion] ; V. aussi : A. MAZEAUD, Le partage partiel,
thèse, dactyl., Paris II, 1983) pourvu d'un caractère définitif du partage provisionnel ou de jouissance, à
valoir sur le partage global ultérieur. De tels accords, relatifs au règlement de la succession et conclus
avant la date de publication de la loi nouvelle, demeureront à l'abri de l'effet rétroactif qu'édicte cette
dernière. En somme, conformément aux règles ordinaires du droit transitoire, la convention continuera
d'être régie par la loi sous l'empire de laquelle elle a été conclue : c'est là le rappel du principe de survie
de la loi ancienne en matière contractuelle (V. en ce sens : F. SAUVAGE, art. préc., no 14, note 35 ;
C. JUBAULT, art. préc., spéc. no 12).

227. Enfin, la troisième condition, à caractère procédural, est relative à l'absence de « décision judiciaire
irrévocable ». L'irrévocabilité du jugement doit d'abord être distinguée de son caractère définitif. On
admet que le « jugement définitif est celui qui règle soit tout le procès ou seulement certains points du
procès, soit des incidents autres que ceux relatifs à des mesures d'instruction et à des demandes
provisoires, de telle façon que l'examen du juge n'ait plus à s'exercer sur les points tranchés par ce
jugement » (S. GUINCHARD, F. FERRAND et C. CHESNAIS, Procédure civile, 29e éd., 2008, Précis Dalloz,
no 1366). Or, le « caractère définitif du jugement s'apprécie dans le cadre de l'instance où il est rendu  »
(J. HÉRON et Th. LE BARS, Droit judiciaire privé, 2 e éd., 2002, Montchrestien, no 349, note 130). Parce
que, en effet, le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche (C. pr. civ.,
art. 480, al. 1er), le juge ne saurait revenir sur la décision qu'il a rendue. En ce sens, le jugement
présente un caractère définitif mais demeure cependant révocable tant que des voies de recours peuvent
encore être exercées contre lui. Dès lors, la définition du jugement irrévocable doit être complétée par
une confrontation aux notions, bien connues, d'autorité et de force de chose jugée (V. sur ces notions,
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, 5 e éd., 2006, Litec, no 736). Précisément, l'autorité de
chose jugée est acquise, en principe, dès le prononcé du jugement. En revanche, le jugement est passé
en force de chose jugée lorsqu'il n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution ou lorsque, ayant
été susceptible d'un tel recours, il cesse de l'être à l'expiration du délai d'exercice (C. pr. civ., art.  500 ;
V. sur la référence, selon C. civ., anc. art. 732 [réd. antérieure à la L. 23 juin 2006], au « jugement de
séparation de corps ayant force de chose jugée », dans la définition du conjoint successible, infra,
no 314). En somme, le jugement irrévocable, ou pourvu de la force irrévocable de chose jugée, est celui
qui « n'est plus susceptible d'aucun recours » (en ce sens : L. CADIET et E. JEULAND, op. et loc. cit.) ou,
si l'on préfère, d'aucune voie de recours, que celle-ci soit ordinaire ou extraordinaire. Au jugement
irrévocable empêchant de revenir sur l'application de la loi ancienne, il faut certainement opposer
l'instance en cours qui oblige le juge saisi à rouvrir les débats en vue de faire application de la loi nouvelle
(V. sanctionnant une cour d'appel qui, statuant le 17 janv. 2002, n'avait pas fait application de la loi du
3 déc. 2001 : Civ. 1re, 6 janv. 2004, Bull. civ. I, no 10, JCP 2004. I. 155, no 1, obs. Le Guidec, D. 2004.
Somm. 2338, obs. Nicod  , Dr. fam. 2004. Comm. 23, obs. Beignier, RJPF 2004-3/ 56, obs. Casey,
Defrénois 2004, art. 37926, no 36, obs. Massip).
C. - Unité réalisée par l'ordonnance du 4 juillet 2005

228. Il est manifeste que le législateur du 3 décembre 2001 avait voulu promouvoir la notion d'égalité
successorale, sans même tenter de la définir préalablement. Cette démarche ne pouvait qu'aboutir à
l'élaboration d'une législation tantôt imparfaite, tantôt erronée dans ses fondements. On en prendra pour
preuve la réforme du dispositif de la fente successorale, en ce qu'il prévoyait, avant la loi du 3  décembre
2001, une division de la succession collatérale entre la ligne paternelle et la ligne maternelle, les
germains ayant des droits dans les deux lignes, par opposition aux consanguins et utérins qui ne
relevaient que de l'une de ces lignes, soit respectivement les lignes paternelle et maternelle. Désormais,
en principe, les héritiers collatéraux allaient succéder à parts égales, ce qui « sous couvert d'égalité,
revient à nier l'existence de parents de la ligne paternelle et de la ligne maternelle  » (S. PIEDELIÈVRE,
art. préc., spéc. no 67). Cette disposition nouvelle, qui se voulait en effet d'inspiration égalitaire, est en
vérité source d'une inégalité, car elle est en rupture avec la réalité des liens familiaux qui unissaient les
héritiers légaux au de cujus. Il ne saurait y avoir inégalité successorale lorsque la structure des liens
familiaux justifie une différenciation des droits ab intestat. On se gardera toutefois de condamner l'égalité
recherchée par la loi du 3 décembre 2001, particulièrement en ce qu'elle a permis la suppression des
discriminations frappant l'enfant adultérin (V. supra, nos 212 et s.). Cette législation ne devait cependant
constituer qu'une brève étape vers l'unité véritable de la filiation en droit français.

229. Dès lors que, par touches successives, la législation avait établi l'unité des régimes juridiques
applicables à toutes situations successorales, sans distinction selon la qualité de la filiation de l'héritier, il
était en effet devenu artificiel de maintenir une dualité des concepts relatifs au lien de filiation. Il était
toutefois logique que le législateur ne s'autorise pas à consacrer l'unité de la filiation à l'occasion de
réformes, telles les lois du 3 décembre 2001 et du 23 juin 2006, dont l'objet était essentiellement
successoral. Or, il était préférable, sinon nécessaire, que cette évolution ultime s'inscrivît dans une
réforme d'ensemble du droit de la filiation. Ce fut chose faite par l'ordonnance n o 2005-759 du 4 juillet
2005, portant réforme de la filiation. Ce texte, ratifié par la loi n o 2009-61 du 16 janvier 2009 (JO
18 janv. 2009), a ainsi. Ce texte a ainsi consacré l'une des préconisations issues du rapport remis au
garde des Sceaux, par la Commission de réforme du droit de la famille, sous la direction de
F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ. On se rappelle en effet que l'unification de la filiation avait été souhaitée,
principalement par l'abandon des qualifications de filiation légitime et filiation naturelle (F. DEKEUWER-
DÉFOSSEZ, Rénover le droit de la famille, Rapport, 1999, Doc. fr., p. 30 et s.).

230. En somme, l'ordonnance du 4 juillet 2005 constitue l'aboutissement d'une évolution progressive
amorcée, déjà, par le principe d'égalité des filiations (légitime et naturelle simple) inscrit dans la loi du
3 janvier 1972, et poursuivie, comme il a été précédemment souligné, par la loi du 3  décembre 2001,
cette dernière ayant mis fin à la discrimination qui frappait encore l'enfant naturel adultérin. Eu égard à
cette évolution législative, il est vrai que le maintien de la distinction entre filiation légitime et filiation
naturelle se trouvait privé de l'essentiel de sa justification. Avec l'ordonnance du 4  juillet 2005, une seule
filiation est désormais substituée aux filiations légitime et naturelle (V. en général, J. HAUSER, Des
filiations à la filiation, RJPF 2005-9, p. 6). Il est certain que cette unité nouvelle devrait permettre
l'évitement de bien des discriminations et difficultés que favorisaient les dispositifs légaux antérieurs (sur
la question et ses divers aspects, E. LEMOINE, Filiation naturelle et insécurité successorale, JCP N
2000. 697 ; M. BEAUBRUN, La sécurité des règlements successoraux à l'épreuve de l'établissement de la
filiation naturelle par la possession d'état [article 334-8, alinéa 2, du code civil], D. 1997. Chron. 387   ;
J. PICARD, Conflits filiation/succession, JCP N 2002. 1417).

231. Bien entendu, l'unité de la filiation n'est pas seulement sensible au plan successoral. La consécration
du principe d'unité de la filiation a en effet commandé la révision générale de l'architecture d'ensemble
des règles qui gouvernent la filiation. L'unité nouvelle est d'abord perceptible dans les règles qui
régissent, en matière extrapatrimoniale, la filiation, qu'il s'agisse de l'établissement (judiciaire ou
extrajudiciaire) ou de la contestation du lien de filiation. Le nouveau dispositif légal issu de l'ordonnance
du 4 juillet 2005 fait cependant l'objet de rubriques spécifiques (V. Filiation [1o généralités], Filiation [2o
modes extrajudiciaires d'établissement], Filiation [3 o modes judiciaires d'établissement], Filiation [4o
contestation]).

232. L'opposition traditionnelle entre filiation légitime et filiation naturelle se trouvant désormais exclue,
la summa divisio consiste aujourd'hui dans l'opposition entre filiation maternelle et filiation paternelle.
Mais cette observation ne vaut véritablement qu'en ce qui concerne le droit de la filiation stricto sensu. En
matière successorale, et au-delà de l'appartenance constatée à telle ou telle branche familiale, cette
distinction ne saurait être discriminante pour l'héritier. La seule interrogation tient ici au mode
d'établissement du lien de la filiation dont jouit l'héritier. Or, sur ce point, l'article 733, alinéa 1 er, du code
civil, modifié par l'ordonnance du 4 juillet 2005, précise, très explicitement, que la « loi ne distingue pas
selon les modes d'établissement de la filiation pour déterminer les parents appelés à succéder  ». L'unité
de la filiation emporte ainsi, au plan de l'établissement de la dévolution successorale, une détermination
parfaitement égalitaire des personnes appelées à recueillir la succession. La détermination de la parenté,
dans la perspective successorale, procède ainsi directement du principe d'unité de la filiation.

233. On observera que, dès la réforme du 3 décembre 2001, l'égalité des filiations avait conduit le
législateur à préférer désigner, dans certaines situations successorales envisagées par les textes, les
enfants qui seraient ou ne seraient pas « issus des deux époux », alors qu'avant cette réforme la loi visait
plus volontiers les enfants d'un « autre lit » ou d'un « précédent lit ». À cet égard, il faut en effet rappeler
que ces derniers étaient traditionnellement considérés comme issus d'une filiation légitime, à l'exclusion
de toute filiation naturelle, simple, adultérine, voire incestueuse. C'est ainsi que la lettre de l'article 1527,
alinéa 2, du code civil, relatif à l'action en retranchement des avantages matrimoniaux, fut modifiée pour
viser très généralement « les enfants qui ne seraient pas issus des deux époux » et non pas seulement
ceux issus d'un « précédent mariage » ou d'un « précédent lit » (C. civ., anc. art. 1527, al. 2, réd.
antérieure à L. 3 déc. 2001 ; V. supra, no 216 et s.). Force est toutefois de constater que le législateur de
2001 n'avait pas su rénover l'intégralité des dispositions concernées. Ainsi l'ancien article 1098 du code
civil continuait-il à désigner les « enfants du premier lit », malgré l'intervention de la loi du 3 décembre
2001 et la réforme de la filiation du 4 juillet 2005. On sait que ce texte ouvrait au profit des enfants d'un
premier lit du défunt le droit de demander la substitution d'un usufruit à une libéralité en pleine propriété
consentie par le de cujus à son conjoint en secondes noces. Ce fut la loi du 23 juin 2006 qui vint
finalement modifier la lettre de l'article 1098 du code civil, lequel vise désormais, non plus les seuls
enfants du premier lit, entendus comme issus d'un précédent mariage, mais tous ceux « qui ne sont pas
issus des deux époux » (C. civ., art. 1098, al. 1er). Encore faut-il préciser que la jurisprudence
dernièrement développée par la Cour de cassation à propos de l'article 1527, al. 2, et sur le fondement
des textes européens (Protocole additionnel à la Conv. EDH, art. 1er, et Conv. EDH, art. 14) autorisait
l'extension du bénéfice de l'action en retranchement aux enfants naturels et non aux seuls enfants
légitimes issus d'un précédent mariage (Civ. 1re, 29 janv. 2002, préc. ; V. supra, no 217). Ce
raisonnement aurait pu être aisément transposé à la discrimination que portait l'ancien article 1098 du
code civil : le juge français aurait pu étendre la faculté de substitution prévue par ce texte aux enfants
non issus des deux époux, quelle que fût la qualité de leur filiation, afin d'éviter toute discrimination. Il
reste que cela n'aurait été qu'un pis-aller et, en cela, la modification de l'article 1098 du code civil par la
loi du 23 juin 2006 était évidemment nécessaire et s'avère évidemment opportune.

234. Dans le cadre des règles actuelles, il convient encore de se demander si l'unité nouvelle est absolue
ou seulement relative. Immédiatement, quelques circonstances viennent à l'esprit, qui suggèrent qu'en
dépit de la suppression des notions de filiation légitime et filiation naturelle, la reconnaissance de la
spécificité de certains liens de filiation pourrait être justifiée. Mais encore faut-il alors vérifier si
l'appréhension différenciée de tels liens de filiation emporte une discrimination négative, contraire aux
règles de la Convention européenne des droits de l'homme.

235. Au premier chef, il faut certainement considérer le cas des filiations incestueuses. Nul n'ignore le
principe selon lequel, lorsque l'inceste est absolu (V. en général, F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, Réflexions sur
les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille, RTD civ. 1995. 249), la filiation ne peut être
établie qu'à l'égard de l'un seul des auteurs de l'enfant né des relations incestueuses (C. civ., art. 310-2),
le législateur n'ayant pas fait mystère de sa « volonté non déclarée, mais ferme, que l'inceste consommé
reste dans le secret des alcôves » (A. BATTEUR, L'interdit de l'inceste. Principe fondateur du droit de la
famille, RTD civ. 2000. 759, spéc. no 13 ; A. BRETON, L'enfant incestueux, Mélanges Ancel, 1975,
Pédone, p. 309 ; D. MAYER, La pudeur du droit face à l'inceste, D. 1988. Chron. 213 ; I. CORPART,
L'inceste en droit français, Gaz. Pal. 1995. 2. Doctr. 888). La jurisprudence en tire toutes conséquences,
allant jusqu'à condamner l'adoption simple d'un enfant incestueux (dont la filiation était établie à l'égard
de sa mère) par son père biologique : il y a alors, selon la Cour de cassation, un véritable détournement
de l'institution de l'adoption, l'inceste absolu interdisant le mariage des parents de l'enfant (Civ. 1re,
6 janv. 2004, D. 2004. 362, concl. Sainte-Rose  , Defrénois 2004, art. 37926, no 38, obs. Massip). En
vérité, le débat avait pu également conduire la cour d'appel de Rennes (Rennes, 24 janv. 2000, D. 2002.
Somm. 2020, obs. F. Granet  , RTD civ. 2000. 819, obs. Hauser), finalement censurée par les juges du
droit, à prendre en considération l'intérêt de l'enfant, démarche qui fut diversement appréciée par la
doctrine (V. pour une analyse très critique, D. FENOUILLET, L'adoption de l'enfant incestueux par le demi-
frère ou comment l'intérêt prétendu de l'enfant tient lieu de règle de droit, Dr. fam. 2003. Chron. 29 ;
comp. l'opinion plus nuancée de F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, Filiation adoptive sur filiation incestueuse ne
vaut, RLDC 2004/3.107). Précisément, si l'on admet en général que l'enfant incestueux fasse bien l'objet
d'une discrimination s'agissant de l'établissement de la filiation, une doctrine majoritaire convient que
cette discrimination est licite et légitime (F. TERRÉ et D. FENOUILLET, Les personnes. La famille. Les
incapacités, 7e éd., 2005, Précis Dalloz, nos 48 et s. ; J. HAUSER et D. HUET-WEILLER, La famille.
Fondation et vie de la famille, 2 e éd., 1993, LGDJ, no 694). Pourtant, une partie de la doctrine critique, de
longue date, le dispositif légal relatif à la filiation incestueuse (V. déjà sur la négation de l'inceste par le
droit français, A. BRETON, art. préc., spéc. p. 320), tandis qu'il est vraisemblable qu'une telle
discrimination pourrait faire l'objet d'une sanction sur le fondement de la Convention européenne des
droits de l'homme (V. en ce sens : A. BÉNABENT, La famille, 11e éd., 2003, Litec, no 477).

236. On rappellera également la pratique hospitalière - originairement consacrée par la loi no 93-22 du
8 janvier 1993 -, de l'accouchement dit « sous X », la mère pouvant, lors de l'accouchement, demander
que le secret de son admission et de son identité soit préservé (C.  civ., art. 326). Jusqu'à la ratification
législative de l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation (L. n o 2009-61 du 16 janv.
2009), elle aboutissait à priver l'enfant du droit de faire établir sa filiation, sur le seul fondement de la
volonté de la mère génitrice, l'ancien article 325 du code civil permettant l'établissement de la filiation
maternelle, sous réserve du jeu de la fin de non-recevoir que constituait l'accouchement anonyme
(V. Filiation [2o modes extrajudiciaires d'établissement]). La radicalité d'une telle règle - que n'atténuait
pas réellement le droit d'accès aux origines personnelles reconnu par la loi n o 2002-93 du 22 janvier 2002
(JO 23 janv., D. 2002. 458 ; V. sur ce texte, J. RUBELLIN-DEVICHI, La recherche des origines
personnelles et le droit à l'accouchement sous X dans la loi du 22 janvier 2002, Dr. fam. 2002. Chron. 11,
et les réf. cit.) -, était source d'inégalité, en ce que la situation juridique de l'enfant né sous X privait
celui-ci, inéluctablement, de droits successoraux, faute de filiation établie. Il reste que le législateur de
2009 a supprimé la fin de non-recevoir qui tenait à l'accouchement anonyme, ce qui, pour l'enfant né
sous X, permettra d'éviter la situation évoquée, tant dans sa dimension personnelle, que dans sa portée
successorale. Quoi qu'il en soit, l'essentiel du débat tenait ici à l'établissement d'une filiation fondée sur
une réalité biologique ; en revanche, toute autre est la question de la maternité dite de substitution,
pratique aujourd'hui condamnée par la législation (C. civ., art. 16-7). Selon la jurisprudence, l'adoption
plénière par la mère de substitution constituerait ainsi un détournement de l'institution de l'adoption
(Civ. 1re, 9 déc. 2003, no 01-03.927  , Bull. civ. I, no 252, D. 2004. 1998, note Poisson-Drocourt  ,
D. 2005. Pan. 541, obs. Galloux  , Defrénois 2004. 592, obs. J. Massip, Dr. fam. 2004. Comm. 17, note
P. Murat, RJPF 2004-4/35, obs. Th. Garé, RTD civ. 2004. 75, obs. J. Hauser ; comp. toutefois, Paris,
25 oct. 2007, RLDC 2007/44.2785, obs. G. Marraud des Grottes, l'arrêt validant l'existence d'une filiation
procédant d'une convention de mère porteuse, conclue et exécutée à l'étranger au profit d'un couple de
Français). Il faut comprendre que si le prononcé de l'adoption peut se réclamer de l'intérêt de l'enfant, en
revanche, aucune considération d'ordre biologique ne saurait, en l'état de la législation et de la
jurisprudence françaises, justifier l'établissement d'une telle filiation. La situation est donc fort différente
de celles relatives à la filiation de l'enfant né sous X ou incestueux. Encore convient-il de souligner que,
s'agissant d'une convention de mère porteuse conclue et exécutée à l'étranger, la cour d'appel de Paris a
pu estimer que la « non-transcription des actes de naissance aurait des conséquences contraires à
l'intérêt supérieur des enfants qui, au regard du droit français, se verraient privés d'actes d'état civil
indiquant leur lien de filiation, y compris à l'égard de leur père biologique  » (CA Paris, 20 févr. 2007,
Defrénois 2007, art. 38595, no 45, obs. J. Massip ; V. sur cet arrêt, M. BANDRAC, G. DELAISI de
PARSEVAL, V. DEPADT-SEBAG, Repenser la prohibition de la gestation pour autrui ?, D. 2008, Chron.
434   ; H. GAUMONT-PRAT, La révision des lois de bioéthique face à l'évolution des modes de
procréation : la maternité pour autrui, RLDC 2008/45. 2825, p. 39 ; R. CHENDEB, La convention de mère
porteuse, Defrénois 2008. 291, art. 38717 ; C. SAUVAT, La fin annoncée de l'illicéité des conventions de
mère porteuse ?, RLDC 2008/49, p. 71). Cet arrêt vient d'être cassé : « le ministère public justifie d'un
intérêt à agir en nullité de la transcription en France d'un acte d'état civil, quand les énonciations de cet
acte ne peuvent résulter que d'une convention de gestation pour autrui effectuée en Californie  » (Civ. 1re,
17 déc. 2008, no 07-20.468  , JCP 2009. Actu. 10, obs. M. Brusorio-Aillaud). Au demeurant, la position
de la cour d'appel de Paris, empreinte d'une certaine souplesse, est d'autant plus remarquable que,
dernièrement, une réflexion s'est amorcée pour l'évolution de la législation vers une admission des
pratiques de maternité pour autrui (Rapp. Sénat, n o 421, 25 juin 2008 ; V. DEPADT-SEBAG, De la
nécessité d'une réforme de l'article 16-7 du Code civil relatif à l'interdiction de gestation pour autrui, RGD
méd. 2004, no 12, p. 135).
Actualisation
236. Loi de ratification de l'ordonnance du 4 juillet 2005. – Accouchement sous X et action en recherche
de maternité. - La loi no 2009-61 du 16 janvier 2009 supprime la fin de non-recevoir à l'action en
recherche de maternité tirée de l'accouchement anonyme de la mère (V. Filiation [3o modes
extrajudiciaires d'établissement]).

Convention de mère porteuse. Arrêt de la cour d'appel de renvoi. - La transcription des actes de
naissance doit être annulée, car ces actes sont indissociables de la décision juridictionnelle américaine,
contraire à l'ordre public français, qui en constitue le soutien (Paris, 18 mars 2010, RG no 09/11017,
D. 2010. 1210, obs. Egéa   ; AJ fam. 2010. 233, note Chénedé   ; D. 2010.1683, note de Geouffre de
La Pradelle  . – V. déjà le ralliement de la cour d'appel de Paris dans une autre affaire, Paris, 26 févr.
2009, RG no 07/18559, JCP 2009. 42, note Mirkovic ; Dr. fam. 2009. Comm. 75, obs. Murat. –
Confirmation : Civ. 1re, 6 avr. 2011, no 09-66.486  . – 6 avr. 2011, no 10-19.053  . – 6 avr. 2011,
no 09-17.130  . – La cour d'appel de Rennes (Rennes, 6 e ch. A, 21 févr. 2012, RG no 11/02758,
D. 2012. Actu. 878, obs Mirkovic   ; AJ fam. 2012. 226, obs. Siffrein-Blanc  ) a cependant accepté la
transcription de l'acte de naissance indien d'un enfant né en Inde d'une mère porteuse.

Transcription à l'état civil : refus confirmé. - La Cour de cassation refuse la transcription sur les registres
de l'état civil français des actes de naissance d'enfants issus d'une convention de gestation pour autrui
conclue par un Français en Inde : « En l'état du droit positif, est justifié le refus de transcription d'un acte
de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est
l'aboutissement, en fraude à la loi française, d'un processus d'ensemble comportant une convention de
gestation pour le compte d'autrui, convention qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre
public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil » (Civ. 1re, 13 sept. 2013, deux arrêts, nos 12-
18.315  et 12-30.138  , AJ fam. 2013. 579, note Chénedé   ; D. 2013. 2349, chron. Fulchiron et
Bidaud-Garon   ; D. 2013. 2377, avis Petit   ; D. 2013. 2384, note Fabre-Magnan   ; Dr. fam. 2013.
Comm. 151). De même, il a été jugé que les éléments réunis par le ministère public qui établissaient
l'existence d'une convention de gestation pour le compte d'autrui entre les requérants, caractérisant ainsi
un processus frauduleux dont la naissance de l'enfant était l'aboutissement, avaient pour conséquence
que l'acte de naissance ne pouvait être transcrit sur les registres de l'état civil français (Civ.  1re, 19 mars
2014, no 13-50.005  , AJ fam. 2014. 244, note Chénédé   ; AJ fam. 211, obs. Dionisi-Peyrusse   ;
D. 2014. 905, note Fulchiron et Bidaud-Garon   ; D. 2014. 901, avis Jean   ; D. 2014. 1059, obs.
Gaudemet-Tallon et Jault-Seseke   ; D. 2014. 1171, obs. Granet-Lambrechts  ).

Refus de transcription à l'état civil : la France condamnée par la CEDH. - La CEDH a rendu deux arrêts de
chambre (Mennesson c/ France, req. n o 65192/11  , et Labassee c/ France, req. n o 65941/11  )
concernant le refus de reconnaître en droit français une filiation légalement établie aux États-Unis entre
des enfants nés d'une gestation pour autrui (GPA) et le couple ayant eu recours à cette méthode. Dans
les deux affaires, la Cour dit, à l'unanimité, qu'il y a eu non-violation de l'article  8 (droit au respect de la
vie privée et familiale) de la Conv. EDH s'agissant du droit des requérants au respect de leur vie familiale
mais violation de l'article 8 s'agissant du droit des enfants au respect de leur vie privée. Ainsi, porte
atteinte à l'identité de l'enfant né de gestation pour autrui (GPA) au sens de l'article 8 de la Conv. EDH
l'absence de reconnaissance de sa filiation sur les registres d'état civil français (CEDH, gr. ch., 26 juin
2014, deux arrêts Mennesson c/ France, req. n o 65192/11  , et Labassee c/ France, req. n o 65941/11 
, Dalloz actualité, 30 juin 2014, obs. Coustet ; AJ fam. 2014. 396, obs. Dionisi-Peyrusse  ).

237. Contrairement aux hypothèses précédemment évoquées, la situation de l'enfant adopté simple
soulève une problématique étrangère à toute discrimination. On sait que le bénéficiaire d'une adoption
simple et ses descendants sont assimilés, du point de vue de leur droit successoral, à l'enfant du défunt
et aux descendants de celui-ci (C. civ., art. 368, al. 1er, réd. L. no 2002-305 du 4 mars 2002, qui renvoie
désormais aux « droits successoraux prévus au chap. III du titre I er du livre III »). La règle ne souffre
qu'une seule limite, laquelle ne concerne pas la vocation successorale de l'adopté simple, mais
précisément sa qualité de réservataire. L'article 368, alinéa 2, du code civil, dans la rédaction que lui a
donnée la loi no 96-604 du 5 juillet 1996, dispose en effet en ces termes : « L'adopté et ses descendants
n'ont […] pas la qualité d'héritier réservataire à l'égard des ascendants de l'adoptant » (V. Adoption). Si
l'on ne considère ici que la dévolution de la succession ordinaire de l'adopté simple, elle n'a lieu au profit
de la famille de l'adoptant qu'à concurrence de la moitié de cette succession (C. civ., art. 368-1, al. 2 ;
V. Adoption). On a pu se demander s'il ne fallait pas voir là une renaissance de la fente successorale
(M. DAGOT, La dévolution de la succession d'un adopté simple, JCP 1972. I. 2491 ; V. infra, no 406 et s.).
Au demeurant, dénier la qualité de réservataire à l'enfant adopté simple dans la succession des
ascendants de l'adoptant peut conduire à une restriction de sa vocation successorale par rapport à celle
des descendants dont la filiation n'est pas adoptive, en contradiction directe avec le principe d'égalité
qu'énonce l'article 368 du code civil. On mesure que la situation successorale particulière de l'adopté
simple emporte un traitement successoral spécifique ; il n'y a là aucune discrimination à l'encontre de
l'intéressé. Le droit positif a pris acte et tiré toutes conséquences, d'une part, de la réalité de cette
filiation volontaire et, d'autre part, de la coexistence de celle-ci avec le lien de filiation par le sang qui
subsiste en sus de l'adoption réalisée. En aucun cas, le sort réservé à l'adopté simple ne peut être
considéré comme discriminatoire, alors même qu'il se distingue de la règle unitaire qui régit la filiation
biologique en droit français.

238. Faut-il en conclure que le droit positif contemporain permet l'évitement systématique et absolu des
discriminations à raison de la naissance de l'enfant, spécialement dans le cadre successoral ? L'exemple
des règles du droit transitoire, décliné au fil des législations successives, donne à réfléchir. On considérera
spécialement les dispositions transitoires des lois du 3 janvier 1972 et du 3 décembre 2001. On sait que
les dispositions de la loi de 2001 sont applicables aux successions ouvertes, mais non partagées au jour
de l'entrée en vigueur de la loi (soit le 6 déc. 2001), sous réserve toutefois des accords amiables
intervenus et des décisions judiciaires irrévocables (V. supra, nos 218 et s.). Quant à la loi de 1972, elle
n'avait pas été déclarée applicable aux successions déjà ouvertes lors de son entrée en vigueur, le
1er août 1972. Évidemment, compte tenu de la réforme de 2001, l'enfant naturel adultérin devait avoir,
en toute hypothèse, les mêmes droits qu'un enfant légitime. En revanche, dans les successions ouvertes
avant le 1er août 1972 et qui n'étaient pas partagées au 6 décembre 2001, il était apparu, au lendemain
de la réforme de 2001, que les droits de l'enfant naturel devaient demeurer régis par la législation
antérieure à la loi du 3 janvier 1972. Interrogée sur le risque persistant d'une condamnation de la France
pour discrimination à l'égard de l'enfant naturel simple, la chancellerie avait estimé qu'« en fait, les
difficultés qui pourraient résulter d'une telle différence de traitement apparaissent résiduelles », car « le
nombre de successions concernées devrait être restreint » (Rép. min. no 70000, Darsières, JOAN 11 mars
2002, p. 1452, RTD civ. 2002. 278, no 16, obs. crit. Hauser). Le ministère avait suggéré, avec un certain
désengagement, de se tourner vers les notaires qui « ont entrepris, dans leur pratique professionnelle, de
rechercher l'accord des héritiers pour procéder à un partage amiable des successions concernées, de
nature à répondre à l'ensemble des intérêts en présence ».
Actualisation
238. Accès aux origines personnelles (renvoi). - Sur la procédure d'accès aux origines personnelles, voir
Adoption, nos 385 s.

239. Ce vestige d'inégalité n'était pourtant pas négligeable, car il pouvait trouver un terrain d'élection
dans l'hypothèse d'un règlement tardif d'indivisions successorales prolongées, particulièrement en Corse
et en Polynésie française (P. GOURDON, Quelques observations sur l'évolution du régime successoral des
enfants adultérins et ses conséquences imprévues, JCP N 2001. 1647, spéc. nos 16 et s. ; Suppression
des discriminations successorales touchant les enfants adultérins : les risques insoupçonnés de
l'application rétroactive de la loi, JCP N 2002. 1045). On ne peut, dès lors, qu'approuver sur ce point
l'intervention du législateur, à l'occasion de la réforme du 23 juin 2006. L'effet rétroactif de la loi du
3 décembre 2001 a en effet été étendu à tous enfants naturels, en ce compris les enfants naturels
simples (L. 23 juin 2006, art. 41). Ainsi l'article 25-II, 2o, ne comporte-t-il plus aucune référence au
caractère adultère de la filiation, son application générale à toute filiation hors mariage s'avérant, en
conséquence, fort opportune (V. sur la question, M. NICOD, chron. préc., spéc. n o 10). Avec cette
modification apportée au droit transitoire issu de la loi du 3 décembre 2001, c'est, là encore, un cas
potentiel de discrimination à raison de la filiation qui disparaît. Cette mise en conformité de notre droit
successoral avec les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme ne peut qu'être
approuvée (V. égal., à propos des enfants adultérins, supra, no 215).
§ 2 - Division des successibles en ordres

240. Le code civil répartit les successibles en un certain nombre d'ordres appelés l'un après l'autre à
l'hérédité. Pour faire cette répartition, il s'est inspiré, dès 1804, du modèle romain, constitué par les
Novelles 118 et 127 de JUSTINIEN ; il ne s'est arrêté ni aux règles coutumières, jugées trop compliquées,
ni à celles du droit révolutionnaire. À cet égard, on peut observer que le code civil n'a pas adopté le
système des parentèles, qu'avait consacré le décret de nivôse an II (Jur. gén., Vo Succession, p. 152),
articles 63 et suivants, et qu'avaient admis le code civil allemand de 1900 (§ 1924 à 1930) et le code civil
suisse de 1912 (art. 457 à 460). Dans ce système, la famille serait divisée en une série de parentèles
venant successivement à l'hérédité et dont chacune, sauf la première, serait constituée par les
ascendants d'un certain degré et leurs descendants : la première parentèle comprendrait les descendants
du défunt ; la seconde, les père et mère, les frères et sœurs et leurs descendants  ; la troisième, les
grands-parents, les oncles et tantes et leurs descendants, etc. On a reconnu à ce système le mérite de
donner plus de stabilité à la dévolution héréditaire : celle-ci dépendrait, moins que dans le système du
code civil, du hasard des décès (sur le système des parentèles, V. G. RIPERT et J. BOULANGER, op. cit.,
t. 4, no 1590 ; ROMIGUIÉ, De l'hérédité collatérale et des propositions de loi tendant à la restreindre ou à
la supprimer, thèse, Paris, 1903 ; A. FLINIAUX, Le système des parentèles comme mode de dévolution de
la succession ab intestat, thèse, Paris, 1906 ; W. FILDERMANN, Les successions en droit comparé : la
nature juridique de la transmission par décès et la succession des parents légitimes, thèse, Paris, 1909  ;
P. LEUBA, Du régime successoral en droit français et droit suisse. Étude de droit comparé, thèse, Genève,
1924).

241. Par l'effet, d'une part, de l'abrogation du dispositif légal qui fondait l'infériorité successorale de
l'enfant adultérin (V. supra, nos 212 et s.) et, d'autre part, de la promotion successorale du conjoint
survivant (V. infra, nos 293 et s.), la loi du 3 décembre 2001 est parvenue « à remodeler en profondeur
l'architecture générale et jusqu'à la distribution des pièces maîtresses de la transmission par décès »
(M. BEAUBRUN, La loi du 3 décembre 2001 portant réforme du droit des successions, Defrénois 2003,
art. 37655, 1re partie, no 13). Plus que jamais, il apparaît nécessaire de distinguer successions parentales
et successions conjugales (V. sur cette distinction, M.-Cl. DE ROTON-CATALA, in M. GRIMALDI [sous la
dir. de], Droit patrimonial de la famille, 2008/2009, Dalloz Action, n o 1470). La doctrine va jusqu'à
estimer que la loi nouvelle a brisé « l'unité de l'ordre successif » (M. BEAUBRUN, art. préc., no 14), ce
dernier se déclinant désormais à travers un « ordre successif primaire », ou parental, et un « ordre
successif secondaire », ou conjugal (M. BEAUBRUN, art. préc., nos 14 et s.). Force est cependant de
constater que, si la promotion successorale du conjoint survivant est aujourd'hui considérable, ce dernier
demeure, à l'image des règles antérieures à la réforme, largement cantonné dans une situation de
concours avec ceux qui demeurent les principaux acteurs de l'ordre successif  : enfants (C. civ., art. 757)
et ascendants privilégiés (C. civ., art. 757-1) du de cujus. Certes, le conjoint survivant évince les
collatéraux privilégiés et les ascendants ordinaires (C. civ., art. 757-2), mais précisément l'altération que
subit alors l'ordre successif traditionnel n'équivaut pas à constituer le conjoint survivant en un ordre
d'héritier à part entière, l'article 734 du code civil énonçant les divers ordres sans modifications
substantielles par rapport aux règles anciennes et donc abstraction faite du conjoint survivant. On saura
donc gré à la loi nouvelle d'avoir, tout au plus, infléchi l'ordre successif traditionnel à l'effet de renforcer
les droits du conjoint survivant, principalement par la technique du concours, déjà éprouvée par l'ancien
dispositif. Au-delà, c'est le mécanisme de la fente successorale qu'a modifié le législateur de 2001.
A. - Ordres d'héritiers

242. Hiérarchie et composition. - L'article 734, alinéa 1er, du code civil a expressément vocation à
s'appliquer « en l'absence de conjoint successible ». Or, la loi n'a nullement modifié la hiérarchie et la
composition de l'ordre successif, au sein duquel figurent toujours quatre catégories d'héritiers : 1o les
enfants et leurs descendants ; 2o les père et mère, les frères et sœurs et les descendants de ces
derniers ; 3o les ascendants autres que les père et mère ; 4o les collatéraux autres que les frères et
sœurs et les descendants de ces derniers. Les dispositions de l'ancien article 731 du code civil, abrogé par
la loi du 3 décembre 2001, n'ont pas été reproduites. Disposant que « les successions sont déférées aux
enfants et descendants du défunt, à ses ascendants, à ses parents collatéraux et à son conjoint survivant,
dans l'ordre et suivant les règles ci-aprèsdéterminées », ledit texte donnait, il est vrai, à penser que seuls
existaient trois ordres de successibles : descendants, ascendants et collatéraux. Le nouvel article 734
présente en cela une formulation plus explicite. On rappellera que les collatéraux privilégiés sont les
frères et sœurs et les descendants de frères et de sœurs ; aujourd'hui, comme avant la réforme, ils
apparaissent privilégiés en ce sens qu'ils sont appelés à la succession avant les ascendants ordinaires. Les
ascendants privilégiés sont les père et mère, et ils sont privilégiés en ce sens qu'ils viennent en concours
avec les frères et sœurs et les descendants de frères ou de sœurs (V.  sur la permanence de cet ordre
mixte, infra, nos 244 et s.).

243. Ordres des descendants. - Les descendants sont toujours appelés à la succession de leur auteur et
excluent tous autres parents : « Les enfants ou leurs descendants », déclare l'article 735 nouveau du
code civil, « succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants sans distinction de sexe, ni de
primogéniture, même s'ils sont issus d'unions différentes ». Le nouveau texte, largement repris de
l'ancien article 745, alinéa 1er, du code civil, a notamment remplacé l'ancienne référence aux enfants ou
descendants « issus de différents mariages », suivant l'impératif d'unité des filiations qui guide la
législation contemporaine (V. sur la question, supra, nos 176 et s.). Sur un plan général, on entend ici par
descendants, les descendants issus ou non d'un mariage, ainsi que les bénéficiaires d'une adoption, sans
qu'il y ait en principe à distinguer selon que celle-ci était plénière ou simple. Les descendants qui, dans la
législation antérieure à l'ordonnance du 4 juillet 2005 relative à la filiation (C. civ., anc. art. 329 et s.),
auraient fait l'objet d'une légitimation sont pareillement visés. Le bénéficiaire d'une adoption simple,
restant dans sa famille d'origine et y conservant tous ses droits, notamment ses droits héréditaires
(C. civ., art. 364, al. 1er), peut, de même que ses descendants, venir à la succession, non seulement de
l'adoptant ou des ascendants de celui-ci, mais aussi de ses propres auteurs ou autres ascendants
(V. Adoption). Quant au bénéficiaire de l'adoption plénière, il cesse d'appartenir à sa famille par le sang
(C. civ., art. 356, al. 1er ; V. Adoption). Encore faut-il remarquer que « l'adoption de l'enfant du conjoint
laisse subsister sa filiation d'origine à l'égard de ce conjoint et de sa famille  », produisant « pour le
surplus, les effets d'une adoption par deux époux » (art. 356, al. 2).

244. Ordre des collatéraux privilégiés et des ascendants privilégiés. - À défaut de descendants, la
succession passe à un deuxième ordre. La situation particulière qu'impose ce deuxième ordre, composé
des père et mère, d'une part, et des frères et sœurs et descendants de ces derniers, d'autre part,
explique l'appellation, communément retenue, d'ordre mixte. Encore cette appellation a-t-elle été
récemment contestée, eu égard à la lettre des dispositions légales nouvelles résultant précisément de la
réforme du 3 décembre 2001. D'après une certaine lecture de l'article 734, alinéa 1 er, 2o, du code civil,
issu de ladite loi, on a fait valoir, en effet, que les père et mère devaient être appelés à la succession, au
titre du deuxième ordre d'héritiers, même en l'absence de frères et sœurs. Un auteur justifiait cette
analyse par le fait que l'article 734, alinéa 1er, 2o, du code civil séparait « au moyen d'un point-virgule les
deux catégories de parents du deuxième groupe » (D. BOULANGER, Les nouveaux droits des parents en
l'absence de conjoint successible, JCP N 2002. 1286, spéc. no 20). Au reste, cette interprétation pouvait
sembler corroborée par les dispositions de l'article 739 du code civil, énonçant : « À défaut d'héritier des
deux premiers ordres, la succession est dévolue aux ascendants autres que les père et mère  », la même
analyse relevant « le singulier mis au mot héritier » (D. BOULANGER, art. préc., no 23), pour en déduire
que l'existence d'un seul héritier du deuxième ordre évincerait les héritiers des ordres subséquents. Force
est toutefois de reconnaître que cette lecture des textes nouveaux n'était pas confortée par les travaux
parlementaires et se trouvait même contredite par les règles gouvernant la fente successorale dans les
successions dévolues aux ascendants (V. infra, no 254). Fort opportunément, la législation du 23 juin
2006 a cependant mis fin à cette incertitude, par l'édiction d'un nouvel article 738-1 du code civil : ledit
texte affirme que « lorsque seul le père ou la mère survit et que le défunt n'a ni postérité ni frère ni sœur
ni descendant de ces derniers, mais laisse un ou des ascendants de l'autre branche que celle de son père
ou de sa mère survivant, la succession est dévolue pour moitié au père ou à la mère et pour moitié aux
ascendants de l'autre branche ».

245. Ainsi la thèse d'une promotion des père et mère au titre du deuxième ordre successif se trouve-t-
elle clairement réfutée par cette nouvelle disposition légale. Au surplus, il faut souligner que l'article 29-
18o de la loi du 23 juin 2006, insérant précisément l'article 738-1 dans le code civil, présente un caractère
interprétatif et, comme tel, s'applique aux instances en cours et aux successions ouvertes à compter de
l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001, soit le 1er juillet 2002. Cette prévision légale est
évidemment de nature à éviter, fort justement, toute distorsion dans l'application temporelle des règles
de dévolution issues de la réforme du 3 décembre 2001.

246. Au demeurant, le deuxième ordre successif, dont on conviendra aujourd'hui qu'il conserve un
caractère mixte, n'a pas la même composition selon que le père et la mère survivent ou non. Le partage
se fait par tête lorsqu'il n'y a que des frères et sœurs à venir à l'hérédité, et par souche lorsque la
représentation joue. Tel sera le cas lorsque les père et mère seront décédés avant le défunt et que celui-
ci ne laissera pas de postérité : ses frères et sœurs ou leurs descendants recueilleront alors l'entière
succession (C. civ., art. 737 nouv.). L'article 738 du code civil prévoit le cas où les père et mère ou l'un
d'eux survivent : dans le premier cas, si le défunt « n'a pas de postérité, mais des frères et sœurs ou des
descendants de ces derniers, la succession est dévolue, pour un quart, à chacun des père et mère et,
pour la moitié restante, aux frères et sœurs ou à leurs descendants » (al. 1er) ; dans le second cas, où un
seul des père et mère survit, « la succession est dévolue pour un quart à celui-ci et pour trois quarts aux
frères et sœurs ou à leurs descendants » (al. 2). Lorsque les collatéraux privilégiés recueillent ainsi la
moitié ou les trois quarts de la succession, cette fraction se partage entre eux selon les mêmes règles que
l'hérédité tout entière lorsqu'ils recueillent celle-ci (C. civ., art. 737). Chacun des père et mère prend le
quart auquel il est appelé. À l'extrême, l'article 736 du code civil prévoit que « lorsque le défunt ne laisse
ni postérité, ni frère, ni sœur, ni descendants de ces derniers, ses père et mère lui succèdent, chacun
pour moitié ».

247. Enfin, lorsque le défunt laisse un conjoint survivant successible (V. infra, nos 292 et s.), on relèvera
que ce dernier évince les collatéraux privilégiés (C. civ., art. 757-2), mais vient en concours avec les
ascendants privilégiés (C. civ., art. 757-1). Or, l'éviction des collatéraux privilégiés peut susciter quelque
objection, la doctrine faisant valoir qu'elle marque un recul de la solidarité familiale, l'alliance de source
volontaire étant préférée à la permanence des liens du sang (V. sur ce point, P. CATALA, Le problème du
droit successoral, Dr. fam., no hors série, déc. 2000, spéc. p. 36 ; G. CORNU, La fraternité : des frères et
sœurs par le sang dans la loi civile, Mélanges J. Savatier, 1992, PUF, p. 135 ; V. BOUCHARD, De la
solidarité en ligne collatérale, LPA 2001, no 173, p. 4).

248. Ordre des ascendants ordinaires. - Le droit successoral des ascendants est fixé par l'article 739 du
code civil : « À défaut d'héritier des deux premiers ordres, la succession est dévolue aux ascendants
autres que les père et mère ». L'ordre des ascendants demeure, comme avant la réforme du 3 décembre
2001, soumis à la règle de la fente successorale (C. civ., art. 747 et 748), suivant les dispositions de
l'article 746 du code civil. Ainsi, en présence d'ascendants dans les deux lignes, la succession est divisée
entre les lignes paternelle et maternelle, puis c'est la règle du degré (V. infra, nos 260 et s.) qui trouve
application. Ainsi, « dans chaque branche succède, à l'exclusion de tout autre, l'ascendant qui se trouve
au degré le plus proche » (C. civ., art. 748, al. 1er), tandis que s'il y a des ascendants au même degré,
ceux-ci succéderont par tête (C. civ., art. 748, al. 2).

249. On remarquera que, sous l'empire du code civil de 1804, s'il existait dans une ligne un ou plusieurs
ascendants et s'il n'existait dans l'autre ligne aucun parent au degré successible, on admettait la
dévolution de ligne à ligne : l'ascendant ou les ascendants avaient alors vocation à toute la succession. La
loi du 3 décembre 1930 (DP 1931. 4. 65) avait cependant restreint l'application de cette règle au cas où il
n'existait pas de conjoint survivant. S'il en existait un, il recueillait la moitié de la succession, et
l'ascendant ou les ascendants ne prenaient que l'autre moitié. Ces diverses règles avaient été modifiées
par la loi no 57-379 du 26 mars 1957 (D. 1957. 289), qui avait accru à la fois le droit successoral des
ascendants et celui du conjoint (V. sur cette loi, H. VIALLETON, Commentaire, D. 1957. 289 ; P. VOIRIN,
Commentaire de la loi du 26 mars 1957 relative aux successions collatérales, JCP 1957. I. 1367 ;
C. GOUY, Journ. not. 1957. 229 ; A. PRÉCIGOUT, Rép. gén. not. et enreg. 1957. 209 ; H. LE BRETON, La
fin de la fente successorale, Mélanges J. Maury, 1960, Dalloz, t. 2, p. 491 et s.). Par suite, lorsqu'il n'y
avait d'ascendants que dans une seule ligne, on devait se demander s'il existait un conjoint survivant. En
l'absence de conjoint survivant, les ascendants qui existaient dans l'une des lignes prenaient toute la
succession. S'il y avait un conjoint survivant, il prenait la moitié de la succession, et les ascendants
recueillaient l'autre moitié (C. civ., art. 766 anc.). La loi du 3 décembre 2001 a mis fin à ces règles de
dévolution. Ainsi, selon l'article 757-2 nouveau du code civil, le conjoint survivant évince radicalement les
ascendants ordinaires. La loi nouvelle répond en cela aux vœux de la doctrine qui contestait le jeu de la
fente au profit du conjoint survivant, ce système ayant « du point de vue technique, ravalé la fente au
rang d'une simple technique de répartition de l'héritage, dépourvue de toute justification  » (M. GRIMALDI,
op. cit., no 189).

250. Ordre des collatéraux ordinaires. - À défaut de descendants, d'ascendants et de collatéraux


privilégiés, la succession va aux collatéraux ordinaires (C. civ., art. 740). La succession se divise alors
entre les parents collatéraux de la ligne paternelle et ceux de la ligne maternelle (C. civ., art. 749). On
remarquera que, sous l'empire du code civil primitif, la présence d'ascendants dans une ligne n'empêchait
pas les collatéraux ordinaires de venir dans l'autre, si celle-ci ne comportait pas d'ascendants. Mais une
loi du 26 mars 1957 (préc. supra, no 250 ; V. sur cette loi, H. VIALLETON, P. VOIRIN, C. GOUY et
A. PRÉCIGOUT, articles préc.) a donné complètement aux ascendants le pas sur les collatéraux ordinaires.
Depuis lors, il n'y a plus à tenir compte de ces collatéraux lorsqu'il existe un ascendant. En revanche,
dans le cas où il existe des collatéraux ordinaires dans une ligne et où il n'y a, dans l'autre, aucun parent
au degré successible, les collatéraux recueillent toute la succession (C. civ., art. 750, al. 3).
Actualisation
250 s., 253. Modification terminologique. - La loi no 2015-177 du 16 février 2015 relative à la
modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des
affaires intérieures (JO 17 févr.) a modifié l'article 745 du code civil. Ainsi, après le mot : « collatéraux »,
sont insérés les mots : « relevant de l'ordre d'héritiers mentionné au 4 o de l'article 734 », c'est-à-dire les
collatéraux ordinaires.

251. Si les collatéraux ordinaires sont appelés à la succession, ils ne le sont pas à l'infini. Alors que notre
Ancien Régime ne mettait pas de limite à leur droit, le code civil de 1804 ne les appelait à succéder que
jusqu'au douzième degré. Cette limitation se justifiait par le fait que les parents très éloignés se sont en
général perdus de vue, ainsi que par la difficulté d'établir les parentés lointaines. À la fin du XIX e siècle et
au XXe siècle, cette limitation fut généralement jugée trop large (H. BIGALLET, De l'hérédité collatérale,
réformes, résultats économiques et sociaux, thèse, Lyon, 1898 ; G. ROMIGUIÉ, thèse préc. supra,
no 240 ; F. MAZURIE, La succession en ligne collatérale, thèse, Paris, 1912). Les mœurs faisaient de plus
en plus cesser les relations de famille bien avant le douzième degré, et les critiques socialistes de
l'héritage étaient particulièrement vives contre les successions qui allaient, pour le plus grand profit des
généalogistes, à des parents dont le défunt ignorait souvent l'existence. Les lois de finances du 25  février
1901, article 2 (DP 1901. 4. 33), et du 8 avril 1910, article 10 (DP 1910. 4. 105), avaient décidé que les
droits fiscaux perçus sur les successions seraient imposés aux collatéraux, d'abord à partir du sixième,
puis à partir du quatrième degré, au tarif applicable aux mutations à titre gratuit entre personnes non
parentes.

252. Une limitation plus stricte du degré successible fut finalement opérée par l'article 17 de la loi de
finances du 31 décembre 1917 (DP 1918. 4. 1), modifiant l'article 755, alinéa 1 er, du code civil : « Les
parents collatéraux au-delà du sixième degré ne succèdent pas » (F. SAUVAGE, Modifications au régime
fiscal. Commentaire de la loi du 31 décembre 1917, RTD civ. 1918. 224 ; N. BESNEA, La vocation
héréditaire d'après la loi du 31 décembre 1917, thèse, Paris, 1917 ; M. DAILLANT, De la déshérence par
suite de la limitation du droit de succession en ligne collatérale, thèse, Dijon, 1921 ; G. SAINT-GENIEST,
La loi du 31 décembre 1917 et la restriction de la vocation héréditaire en ligne collatérale, thèse,
Toulouse, 1921 ; V. GIRAUD, Des incapacités de tester au sens du nouvel article 755 du code civil, RTD
civ. 1922. 565 ; F. FOIRET, Le droit héréditaire des cousins au-delà du sixième degré, Journ.
not. 1924. 689 ; Y. BESSIS, De la limitation de la successibilité en ligne collatérale, thèse, Grenoble,
1934). Figurant dans une loi de finances, l'article 17 de la loi du 31 décembre 1917 paraît avoir été
inspiré par l'intérêt du fisc. Mais l'effet principal de cette réforme fut d'accroître le nombre des cas où la
succession était recueillie par le conjoint survivant. Le législateur avait toutefois fait preuve de
modération en restreignant le degré successible, l'article 755 ancien assortissant, en effet, le principe
posé de deux tempéraments, l'un et l'autre d'opportunité contestable. Ainsi, l'ancien article 755, alinéa
1er, établissant le principe de la limitation au sixième du degré successible, disposait « à l'exception,
toutefois, des descendants des frères et sœurs du défunt ». Or, cette règle était dénuée de portée
pratique : pour qu'elle pût jouer, il aurait fallu que le successible fût le petit-fils de l'arrière-petit-neveu,
et la durée actuelle de la vie humaine rend une telle parenté impossible. Plus intéressante, mais plus
délicate à entendre était la disposition de l'ancien article 755, alinéa 2 : « Toutefois, les parents
collatéraux succèdent jusqu'au douzième degré lorsque le défunt n'était pas capable de tester et n'était
pas frappé d'interdiction légale ». Le législateur n'avait pas voulu dépouiller la famille au profit de l'État
quand le défunt n'avait pas la possibilité de conserver ses biens aux siens par un testament. Mais la
réalisation technique de cette disposition laissait beaucoup à désirer et suscitait d'importantes difficultés
pratiques.

253. Fort opportunément, la loi du 3 décembre 2001 a choisi d'affirmer strictement : « Les parents
collatéraux ne succèdent pas au-delà du sixième degré » (C. civ., art. 745) : sont donc visés en dernier
lieu les cousins issus de germains du de cujus. Cette disposition concerne les collatéraux ordinaires
comme ceux dits privilégiés. Les deux tempéraments qu'énonçait l'ancien article 755 du code civil sont
parallèlement supprimés. Sans doute suffit-il de remarquer alors que les cas de figure anciennement
réservés étaient « d'application improbable » (M.-C. FORGEARD, R. CRÔNE et B. GELOT, La réforme des
successions. Loi du 3 décembre 2001, op. cit., no 88) pour saluer cette abrogation qu'opère la législation
actuelle. Mais la remarque vaut surtout pour la suppression, implicite, du tempérament qui concernait
l'ordre des collatéraux privilégiés. Au-delà, on conviendra volontiers que l'ancienne règle « ne présentait
[…] pas d'inconvénient majeur, si ce n'est peut-être de limiter au maximum les droits de l'État  »
(S. PIEDELIÈVRE, Réflexions sur la réforme des successions, Gaz. Pal. 2002. Doctr. 576, spéc. n o 67). On
a également fait remarquer que la réforme opérée « réduit l'intérêt pour des cousins éloignés de
s'occuper de leur parent incapable alors que le code civil favorise par ailleurs leur désignation comme
tuteur ou membre du conseil de famille » (D. BOULANGER, art. préc. supra, no 244, spéc. no 9).
Actualisation
250 s., 253. Modification terminologique. - La loi no 2015-177 du 16 février 2015 relative à la
modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des
affaires intérieures (JO 17 févr.) a modifié l'article 745 du code civil. Ainsi, après le mot : « collatéraux »,
sont insérés les mots : « relevant de l'ordre d'héritiers mentionné au 4 o de l'article 734 », c'est-à-dire les
collatéraux ordinaires.
B. - Fente successorale

254. Chacun des ordres précédemment définis est appelé à la succession à son rang. Mais il faut tenir
compte de la règle de la fente, originairement établie par l'ancien article 733 du code civil et désormais
fondée sur les dispositions générales de l'article 746 nouveau du même code, ce dernier disposant : « La
parenté se divise en deux branches, selon qu'elle procède du père ou de la mère ». De longue date, la
règle de la fente a été critiquée. Cette règle s'explique dans le code civil comme un moyen d'atténuer ce
que pouvait avoir de regrettable la suppression de l'ancien principe coutumier Paterna paternis, materna
maternis ; si l'une des lignes a apporté des biens considérables, la fente lui garantit qu'elle verra lui en
revenir tout au moins une partie. On a pu, dans ces conditions, déclarer la fente illogique et d'une équité
grossière : la ligne qui seule a apporté des biens importants en perdra la moitié ; mieux vaut en revenir à
la conservation des biens dans les familles.

255. Ces critiques paraissent excessives. D'une part, la fente constitue une concession forfaitaire à l'idée
de conservation des biens dans les familles : elle paraît équitable et répond souvent à la volonté du
défunt. D'autre part, elle est d'un fonctionnement simple, et à ce titre supérieure à la conservation des
biens dans les familles, dont l'application compliquait à l'infini le règlement des successions. Aussi, avant
même la réforme du 3 décembre 2001, paraissait-il sage de maintenir le mécanisme de la fente. Dans ce
contexte et au-delà de la réécriture de certaines dispositions légales, on ne s'étonnera pas de ce que la loi
nouvelle ait, pour l'essentiel, préservé l'intégrité des cas de fente relatifs aux successions dévolues soit à
des ascendants, soit à des collatéraux ordinaires. On remarquera, en effet, qu'il n'y a pas de fente lorsque
les descendants viennent à la succession, car, comme le défunt lui-même, ils font à la fois partie de la
ligne paternelle et de la ligne maternelle. Par ailleurs, la survie du mécanisme de la fente apparaît en
accord avec la suppression formelle du principe de l'unité de la succession (V. supra, no 173). Il reste que
le législateur de 2001 a procédé à l'abrogation d'un cas de fente successorale propre aux frères et sœurs
et à leurs descendants, abrogation qui n'est pas à l'abri de la critique (V. infra, no 258).

256. On remarquera, sur un plan général, que la fente n'est appelée à jouer qu'une fois dans chaque
succession : après elle, il n'y a pas de refente. La refente serait une nouvelle division de la succession,
par exemple, entre la ligne paternelle et la ligne maternelle du père ou de la mère du défunt ; elle serait
possible à l'infini. Connue de certaines coutumes et aussi du décret du 17 nivôse an II, articles 82 et
suivants, la refente était expressément condamnée par le code civil, avant la réforme du 3 décembre
2001 : « Cette première division opérée entre les lignes paternelle et maternelle », déclarait l'ancien
article 734, « il ne se fait plus de division entre les diverses branches ; mais la moitié dévolue à chaque
ligne appartient à l'héritier ou aux héritiers les plus proches en degrés, sauf le cas de la représentation ».
Si cette disposition a été abrogée par la loi nouvelle, la refente n'en est pas pour autant permise, car les
textes qui décrivent, avec précision, le jeu de la fente, n'autorisent en rien la refente.

257. Suivant les dispositions de l'article 747 du code civil, « lorsque la succession est dévolue à des
ascendants, elle se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de la branche
maternelle ». Directement reprise des anciennes dispositions légales (V. C. civ., art. 733, al. 1er, anc.) qui
visaient, sans distinction, les ascendants, la formulation de l'article 747 a, dans son articulation avec la
composition de l'ordre successif énoncé par l'article 734 du code civil, suscité d'importants débats au
lendemain de la réforme du 3 décembre 2001. Si l'on admettait, à l'instar de certaines analyses, que dans
l'ordre successif nouveau les père et mère, appartenant au deuxième ordre, pussent primer les
ascendants du troisième ordre, alors même qu'il n'existait pas de frère et sœur successibles (V. sur ce
point, supra, no 244), la portée de l'article 747 faisait assurément difficulté. La primauté des père et mère
comme appartenant au deuxième ordre paraissait en effet incompatible avec le jeu de la fente propre aux
ascendants, sans distinction selon que ces derniers étaient privilégiés ou ordinaires. Selon un auteur,
c'était la réalité de la promotion successorale des père et mère qui se trouvait en cause si l'on maintenait
ici le jeu de la fente, tandis qu'à l'inverse, c'était l'application de la fente qui semblait discutable si l'on
voulait assurer la promotion successorale des père et mère (V. en ce sens : D. BOULANGER, art. préc.,
no 20). Il reste que ce débat n'a plus lieu d'être depuis l'édiction du nouvel article 738-1 du code civil, par
la loi du 23 juin 2006 (V. supra, no 244). Pratiquement, si l'on suppose que le de cujus laisse pour lui
survivre son père et sa grand-mère maternelle, l'application des dispositions générales de l'article 747
conduit incontestablement à un partage de la succession par moitié entre ces deux protagonistes,
nonobstant l'appartenance du père au groupe des héritiers du deuxième ordre. Plus précisément, les
dispositions de l'article 738-1 confirment pleinement cette solution, en prescrivant la dévolution pour
moitié de la succession au père ou à la mère, et pour moitié à l'ascendant ou aux ascendants de l'autre
branche (V. supra, no 244). Eu égard à la lettre de l'article 738-1, il ne peut plus être question de donner
la prévalence au principe de l'article 734, alinéa 1 er, 2o, pour opérer la dévolution de l'entière succession
au père, à l'exclusion de la grand-mère, héritière du troisième ordre. Encore convient-il d'observer que,
sur ce point, l'hésitation n'était guère permise, y compris avant l'intervention du législateur de 2006. Il
suffisait en effet de constater que l'article 747 était un texte dérogatoire aux principes généraux posés
par l'article 734. Par suite, l'application de l'adage Specialia generalibus derogant permettait déjà de
conclure à l'effectivité du jeu de la fente selon l'article 747 : exclure l'application de la fente lorsque l'un
des père et mère était en concours avec un ascendant ordinaire heurtait en effet de plein fouet la lettre
de l'article 747 et donnait la primauté à un texte général sur un texte spécial, ce qui était, à l'évidence,
contestable (contra : D. BOULANGER, art. préc., nos 22 et s.).

258. Par ailleurs, l'abrogation, par la loi du 3 décembre 2001, du cas de fente qui concernait les
successions dévolues aux frères et sœurs ou à leurs descendants (C. civ., art. 752 anc.) ne laisse pas
d'étonner. Il faut se rappeler que, dans cette hypothèse, l'ancien dispositif envisageait l'éventualité de
l'existence de frères et sœurs issus « de lits différents ». Au-delà d'une division fondamentale entre ligne
paternelle et ligne maternelle, il fallait alors se résoudre à ce que « les germains prennent part dans les
deux lignes, et les utérins ou consanguins chacun dans leur ligne seulement » (art. 752 anc.). On sait, en
effet, que la ligne paternelle comprend les ascendants et les collatéraux qui se rattachent au défunt par
son père : ce sont les parents consanguins. La ligne maternelle comprend, quant à elle, les ascendants et
les collatéraux qui se rattachent au défunt par sa mère : ce sont les parents utérins. On qualifie de
germains les parents qui figurent à la fois dans les deux lignes (V. Parenté-alliance). Ainsi, l'abrogation
pure et simple de l'ancien article 752 du code civil s'explique, non seulement par un souci de
simplification des mécanismes de dévolution, mais surtout par la recherche d'égalité entre les filiations
qu'exprime, très généralement, la législation du 3 décembre 2001 (V. en ce sens : N. ABOUT, Rapp. doc.
Sénat 2000-2001, no 378, p. 48 ; V. aussi sur la question, M.-C. FORGEARD, R. CRÔNE et B. GELOT, La
réforme des successions. Loi du 3 décembre 2001, op. cit., no 93 ; M. BEAUBRUN, La loi du 3 décembre
2001 portant réforme du droit des successions, Defrénois 2003, art.  37655, 1re partie, no 17 ;
D. BOULANGER, art. préc., nos 17 et s.). Pourtant, à bien y réfléchir, c'est la prise en compte de la réalité
des liens du sang qu'exprimait l'ancien article 752, sans porter aucunement atteinte à l'égalité des
filiations, laquelle, ainsi qu'il a été dit, n'interdit pas, heureusement, toute différenciation des situations
successorales. L'unité de la filiation résultant de l'ordonnance du 4 juillet 2005 ne légitime pas davantage
la suppression de la fente successorale dans le cas envisagé. La règle de l'ancienne législation exprimait,
conformément aux fondements du mécanisme de la fente (M. GRIMALDI, op. cit., no 124, p. 129 ;
J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., no 50, p. 36), l'égalité des devoirs familiaux de l'héritier germain à
l'égard des deux familles dont il est issu (V. en ce sens : D. BOULANGER, art. préc., no 19). Sans doute
peut-on admettre qu'il est équitable d'aligner les droits successoraux des frères et sœurs germains sur
ceux des frères et sœurs consanguins et utérins (V. en ce sens : P. CHARLOT, La fratrie, RRJ 2001, t. 1,
p. 2). Mais on ne saurait voir dans cet alignement l'expression d'une modification législative commandée
par les exigences égalitaires du droit européen, dans la lignée des modifications par ailleurs opérées
s'agissant de l'enfant adultérin ou de l'enfant du précédent mariage de l'un des époux (V.  supra, nos 212
et s.).

259. En revanche, il est une modification du dispositif légal relatif à la fente successorale qui appelle une
appréciation absolument positive, en accord, du reste, avec une doctrine unanime. En effet, suivant le
code civil de 1804, lorsqu'il n'y avait de successibles que dans une seule ligne, il avait semblé que la fente
n'avait pas de raison d'être : la succession était dévolue pour le tout aux parents de la ligne représentée,
et les textes disaient assez inexactement qu'il y avait dévolution de ligne à ligne. Or, une importante
réserve allait être apportée à cette règle par la loi du 3 décembre 1930 (préc. no 241), inscrite par la loi
no 72-3 du 3 janvier 1972 (D. 1972. 51) dans l'ancien article 766 du code civil. La dévolution de ligne à
ligne ne devait plus avoir lieu que si le défunt ne laissait pas de conjoint survivant  ; s'il en existait un,
c'était lui qui recueillait la part de la ligne dans laquelle il n'y avait pas de successible (C.  civ., art. 755,
al. 3, et 766 anc.). Dans le même esprit, la loi n o 57-379 du 26 mars 1957 (préc. supra, no 244) avait
accru le droit successoral des ascendants : lorsqu'il n'existait d'ascendants que dans une seule ligne et
qu'il n'y avait pas de collatéraux privilégiés, ces ascendants avaient vocation à l'intégralité de la
succession et excluaient, par conséquent, les collatéraux ordinaires de l'autre ligne (art.  733, al. 3, et
753, al. 1er, anc.). Or, ici encore, cette règle ne s'appliquait que s'il n'y avait pas de conjoint survivant.
Lorsqu'il en existait un, celui-ci était appelé à recueillir la part de la ligne dans laquelle il n'y avait pas
d'ascendant (art. 766 anc.) ; les ascendants existant dans l'autre ligne n'avaient alors droit qu'à la moitié
de la succession. Or, cette utilisation de la fente dans l'intérêt du conjoint survivant apparaissait
nettement critiquable. On a déjà précisé que la loi du 3 décembre 2001 avait opportunément supprimé ce
cas de fente au profit du conjoint, ce dernier primant les ascendants ordinaires (C. civ., art. 757-2).
§ 3 - Division des ordres en degrés

260. À l'intérieur de chaque ordre, la proximité du degré règle la préférence entre les successibles  : le
successible du degré le plus proche exclut celui qui est d'un degré plus éloigné (C. civ., art. 744, al. 1er,
nouv.), hors le cas de représentation (V. C. civ., art. 751 à 755 nouv. ; V. infra, nos 263 et s.). Les
articles 741 à 745 du code civil déterminent comment se calcule la proximité de la parenté (V.  Parenté -
Alliance). Lorsqu'il n'y a qu'un successible du degré le plus proche, il prend toute la succession ou tout ce
qui est dévolu à sa ligne. S'il y en a plusieurs du même degré, l'hérédité ou la moitié de cette hérédité se
partage entre eux par parts égales (C. civ., art. 744, al. 2, nouv.). On soulignera que la loi du 3 décembre
2001 n'a pas modifié les règles qui régissent la division des ordres en degrés : tout au plus a-t-elle
modernisé, voire clarifié, la rédaction de certains des anciens textes (V. C. civ., anc. art. 735 à 738).

261. Il est vrai que la règle de l'égalité entre les successibles, et notamment entre les enfants, fait figure
de principe fondamental de la dévolution successorale. Historiquement, elle a subi une atteinte
temporaire du fait du sénatus-consulte du 14 août 1806 (Jur. gén., Vo Domaine extraordinaire, no 16),
instituant des majorats transmissibles de mâle en mâle par ordre de primogéniture. Mais la loi du 12  mai
1835 (Jur. gén., Vo Majorat, no 6) a interdit la création de nouveaux majorats, et la loi du 22 avril 1905
(DP 1905. 4. 129), articles 29 à 35, a racheté ceux qui subsistaient à cette date. Aucune des propositions
qui, depuis le Premier Empire, avaient été faites de consacrer des dérogations à la règle de l'égalité entre
les héritiers n'a abouti. Le projet de VILLÈLE proposant d'attribuer à l'aîné la quotité disponible dans les
successions supportant 300 F d'impôt foncier fut rejeté par la Chambre des pairs le 8 août 1826
(G. RIPERT et J. BOULANGER, op. cit., t. 4, no 1634, note 1 ; sur d'autres projets, J. THÉROND, Les
projets de modification du régime successoral et la crise de la natalité, thèse, Montpellier, 1924). L'égalité
des cohéritiers, admise à toutes les époques où des considérations politiques ne l'ont pas fait écarter, est
une règle de justice profondément enracinée dans notre législation, en dépit des vicissitudes qu'elle a
connues. Comme le déclarait MIRABEAU dans son célèbre discours lu à la tribune de l'Assemblée
constituante le 2 avril 1791, « Dieu a établi l'égalité d'homme à homme, à plus forte raison de frère à
frère » (A. COLIN, Le droit de succession dans le code civil, Livre du centenaire du code civil, t.  1, 1904,
p. 297 et s.).

262. Si, en droit, le principe d'égalité entre les cohéritiers subsiste intact dans notre législation, on ne
peut cependant nier qu'en fait, il n'ait fait l'objet de divers tempéraments au gré des évolutions
législatives. En fait, les règles, qui prescrivaient d'estimer à l'époque de la donation les biens ayant fait
l'objet de donations rapportables et qui se sont appliquées depuis les réformes de 1938 et jusqu'à l'entrée
en vigueur de la loi no 71-523 du 3 juillet 1971 (D. 1971. 260), ont introduit entre les héritiers, en raison
de la dévalorisation progressive de la monnaie, de graves inégalités. Il paraît également certain que la
faculté reconnue à un héritier de se faire attribuer un bien par préférence dans le partage de la
succession (C. civ., art. 832 et s.) avantage notablement son bénéficiaire par rapport aux cohéritiers de
celui-ci (V. Partage [4o modes d'attribution spécifiques], Rapport des dons et legs).
§ 4 - Représentation successorale

263. En principe, la loi n'appelle à la succession, dans un ordre d'héritiers donné, que les successibles du
degré le plus proche (C. civ., art. 734 et 744 nouv.). Mais cette règle aurait parfois des résultats
choquants : ainsi, lorsqu'une personne a plusieurs enfants qui ont eux-mêmes des descendants, il serait
regrettable qu'en cas de prédécès de l'un des enfants à son auteur, les descendants de cet enfant
prédécédé fussent exclus par les autres enfants et ne pussent avoir aucune part à la succession de leur
aïeul. Le mécanisme de la représentation successorale (L. DUFRÈNE, De la représentation successorale,
thèse, Paris, 1886 ; C. DENAGISCARDE, De la représentation successorale, thèse, Paris, 1909 ;
P. TOUTÉE, De la représentation successorale. Étude de droit civil comparé, thèse, Paris, 1910) tend à
empêcher ce résultat fâcheux et réalise, selon l'expression d'un auteur, une sorte de « subrogation à
cause de mort » (G. CORNU, La fraternité : des frères et sœurs par le sang dans la loi civile, Mélanges
J. Savatier, 1992, PUF, p. 129).
Actualisation
263 s., 281 s. Domaine de la représentation successorale. - Il ne peut y avoir représentation dans la
ligne directe descendante que si le défunt a eu plusieurs enfants. En présence d'un fils unique, les
descendants de celui-ci viennent à la succession de leur grand-père de leur propre chef. Ils sont alors
dispensés de rapporter à la succession les dons et legs reçus par leur parent prédécédé (Civ.  1re, 25 sept.
2013, no 12-17.556  , Dalloz actualité, 16 oct. 2013, obs. Douville).

264. Connue du droit de JUSTINIEN (Institutes, III. 1. 6), la représentation successorale avait été
conservée par notre Ancien droit écrit. Mais les lois barbares l'ignoraient et nos anciens coutumiers ne
l'admettaient pas. Elle pénétra peu à peu en pays de coutumes, sous l'influence sans doute du droit écrit,
et fut reçue dans les coutumes rédigées, dont certaines lui firent une très grande place  : ainsi la coutume
de Paris, réformée en 1580, admit, dans son article 320, la représentation à l'infini, même en ligne
collatérale (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 597, note 1 ; A. COLIN et H. CAPITANT, op. cit., t. 3,
no 890 ; G. RIPERT et J. BOULANGER, op. cit., t. 4, no 1594 ; C. LEFEBVRE, L'ancien droit des
successions, 1918, Dalloz, p. 94 ; R. BESNIER, La représentation successorale en droit normand, thèse,
Caen, 1929 ; P. PAILLOT, La représentation successorale dans les coutumes du Nord de la France.
Contributions à l'étude du droit familial, thèse, Lille, 1935 ; Y. NAUT, La représentation successorale en
droit coutumier breton, thèse, Rennes, 1945). Sous la Révolution, en vue de favoriser les jeunes
générations, le décret du 17 nivôse an II admit aussi très largement la représentation, qui pouvait jouer à
l'infini en ligne collatérale (A. GEORGE, Essai sur l'hérédité en ligne collatérale, principalement en droit
civil révolutionnaire, thèse, Paris, 1913). Plus modéré, le code civil fit seulement à la représentation à peu
près la même place que notre Ancien droit écrit : la dévolution héréditaire étant réglée d'après les
affections présumées du défunt, il semble qu'au-delà d'un certain éloignement de la parenté, le défunt ne
reporte pas nécessairement sur les descendants d'un successible l'affection qu'il avait pour ce dernier.

265. L'article 751 du code civil, modifié en dernier lieu par la loi du 23 juin 2006, définit la représentation
en ces termes : « La représentation est une fiction juridique qui a pour effet d'appeler à la succession les
représentants aux droits du représenté ». On remarquera que le caractère de fiction de la représentation
successorale n'est pas altéré et demeure, au contraire, pleinement affirmé par le nouvel article 751 du
code civil. En vérité, la définition légale de la représentation successorale avait déjà été modifiée par la loi
du 3 décembre 2001, le législateur n'ayant pas véritablement rompu avec les termes de l'ancien article
739 du code civil, qui énonçait : « La représentation est une fiction de la loi, dont l'effet est de faire entrer
les représentants dans la place, dans le degré et dans les droits du représenté  ». Il reste que cette
définition était, depuis longtemps, critiquée. On reprochait à l'ancien article 739 (la critique vaut au
demeurant pour le nouvel art. 751) de faire intervenir inutilement, voire malencontreusement, l'idée de
fiction (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 597 ; M. PLANIOL et G. RIPERT, op. cit., t. 4, no 53 ;
J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., no 54 ; V. aussi : G. WICKER, Les fictions juridiques. Contribution à
l'analyse de l'acte juridique, préface J. AMIEL-DONAT, 1997, LGDJ, nos 47 et s.). Il est vrai que notre
législateur n'est pas tenu, comme le préteur romain, de recourir à des procédés détournés pour déroger
aux principes établis. Certes, on fait remarquer, à juste titre, que la qualification de fiction a le mérite de
commander une interprétation restrictive de la règle posée (F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. cit., no 85, et
les réf. cit.). Mais on souligne aussi que « l'explication par recours à la fiction n'est jamais satisfaisante »
(Ph. MALAURIE, op. cit., no 72). Or, précisément, c'est parce que le mécanisme de la représentation
n'était pas explicable, en termes de logique juridique, que le législateur a cru bon de faire appel à la
fiction. Il demeure que cette qualification même peut être contestée, ainsi que l'a relevé un auteur  : la
représentation n'opérerait pas fictivement ; au contraire, elle a précisément pour effet de hisser le
représentant au degré du représenté pour lui permettre de recueillir, ce faisant, la part de celui-ci (A.-
M. LEROYER, Les fictions juridiques, thèse, Paris II, 1995, n o 88, p. 106). En vérité, il faut ici comprendre
l'idée de fiction en ce que « la loi fait comme si [le représenté] était encore en vie  : on calcule ce qu'il
aurait eu pour en faire profiter ses propres descendants » (M. GRIMALDI, op. cit., no 131).

266. Plus encore, la rénovation du mécanisme de la représentation successorale en bouleverse la


signification. Rappelons en effet que la loi du 3 décembre 2001 a admis la représentation de l'indigne,
tandis que celle du 23 juin 2006 permet celle du renonçant. Il est alors remarquable que la représentation
puisse désormais concerner des personnes vivantes, contrairement à ce qu'autorisait originairement ce
mécanisme. Force est également de constater qu'en tant qu'elle conduit à « appeler à la succession les
représentants aux droits du représenté », la définition légale apparaît en porte-à-faux avec la réalité
nouvelle de la représentation successorale, puisque dans le cas de l'indigne ou du renonçant, le
représenté est, par hypothèse, privé de tout droit dans la succession considérée (V. en ce sens :
M. GRIMALDI, La représentation de l'héritier renonçant, Defrénois 2008, art. 38698, p. 25 et s., spéc.
no 5 ;E. BERRY-BERTIN, La représentation du renonçant : quelle représentation et quelle renonciation ?,
RLDC 2006/33. 2320, p. 46 et s.). Sans doute faut-il déceler dans cette évolution de la législation une
véritable mutation du mécanisme. Comme l'a souligné la doctrine, à travers la nouvelle représentation
successorale, il semble désormais que « l'égalité des lignes se trouve élevée au rang d'un principe absolu
qui conduit à écarter le classement selon le degré toutes les fois qu'il la contrarierait  » (M. GRIMALDI, art.
préc., no 6).

267. Avant la loi du 3 décembre 2001, le code civil consacrait à la représentation ses articles 739 à 744.
Ces textes trouvaient place, au sein du chapitre III du titre I er du livre III, dans une section II, intitulée
« De la représentation ». Depuis la réforme de 2001, un paragraphe 4, pareillement nommé, lui est
consacré au sein de la section Ire (Des droits des parents en l'absence de conjoint successible) du
chapitre III. Ce sont les articles 751 à 755 du code civil qui régissent désormais le mécanisme de la
représentation successorale. On étudiera ici les conditions et les effets de cette représentation.
A. - Conditions de la représentation
1° - Conditions relatives au représenté

268. Le représenté doit en principe être mort avant l'ouverture de la succession : « On représente les
prédécédés », dispose l'article 754, alinéa 1er, du code civil, issu de la loi du 3 décembre 2001. Ce texte
reprend, en l'abrégeant, la disposition négative et peu explicite de l'ancien article 744, alinéa 1 er : « On
ne représente pas les personnes vivantes, mais seulement celles qui sont mortes ». La modification est de
pure forme, mais clarifie le sens du principe : la doctrine soulignait, avant même la réforme, que la
représentation exigeait le prédécès du représenté (F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. cit., no 92). Au reste,
cette règle restrictive vient de notre Ancien droit et paraît être un vestige des difficultés que la
représentation a eues à se faire admettre en pays de coutumes (R. BEUDANT et P. LEREBOURS-
PIGEONNIÈRE, op. cit., t. 5, no 184 ; A. COLIN et H. CAPITANT, op. cit., t. 3, no 893 ; G. RIPERT et
J. BOULANGER, op. cit., t. 4, no 1601).

269. Toutefois, l'exigence du prédécès du représenté connaît aujourd'hui deux tempéraments importants.
Jusqu'alors, les articles 787 et 730 anciens du code civil appliquaient cette règle aux successibles
renonçants ou indignes. S'agissant de l'héritier indigne, le législateur exigeait même, en sus de la
condition de prédécès, le respect d'une condition d'aptitude personnelle du représenté à succéder au de
cujus (V. en ce sens : F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. cit., no 92 ; H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4,
2e vol., no 740 ; comp. évoquant la « capacité » du représenté, J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., no 58 ;
M. GRIMALDI, op. cit., no 133), pour que la représentation puisse avoir lieu.

270. Depuis la réforme successorale du 3 décembre 2001, l'indigne peut être représenté par ses enfants
ou descendants, de sorte que ces derniers n'ont plus à souffrir de la faute de leur auteur (V.  déjà, sur ce
point, supra, nos 157 et s.). Deux textes réglementent précisément la représentation de l'indigne. Ainsi,
l'article 729-1 du code civil dispose : « Les enfants de l'indigne ne sont pas exclus par la faute de leur
auteur, soit qu'ils viennent à la succession de leur chef, soit qu'ils y viennent par l'effet de la
représentation… ». Pareillement, l'article 755 du code civil, précise : « La représentation est admise en
faveur des enfants et descendants de l'indigne, encore que celui-ci soit vivant à l'ouverture de la
succession ». La représentation peut donc jouer malgré l'absence de prédécès de l'héritier indigne. Cette
dérogation au principe de l'article 754, alinéa 1 er, est, pleinement et suffisamment, justifiée par la règle
de la personnalité des peines (V. supra, no 161). Avec elle, l'aptitude personnelle du représenté à
succéder a cessé d'être une condition nécessaire de la représentation successorale.

271. Par ailleurs, on se rappelle qu'au lendemain de la loi du 3 décembre 2001, la doctrine avait, très
généralement, déploré que la règle selon laquelle « on ne représente pas les renonçants » n'admît aucune
exception (C. civ., art. 754, al. 1er, réd. L. 3 déc. 2001). Au reste, cette règle, issue de la loi du
3 décembre 2001, n'était pas nouvelle : l'article 787 du code civil, abrogé par la même loi, disposait
déjà : « On ne vient jamais par représentation d'un héritier qui a renoncé ». Ainsi, n'est-il pas surprenant
que les critiques soulevées à l'encontre de l'ancien texte (M. PLANIOL et G. RIPERT, op. cit., t. 4, no 57 ;
R. BEUDANT et P. LEREBOURS-PIGEONNIÈRE, op. cit., t. 5, no 183 ; A. COLIN et H. CAPITANT, op. cit.,
t. 3, no 893 ; G. RIPERT et J. BOULANGER, op. cit., t. 4, no 1601) aient pu être justement renouvelées
après la réforme du 3 décembre 2001 (S. PIEDELIÈVRE, article préc., no 58). Il faut pourtant remarquer
qu'en l'absence d'une négation totale du mécanisme de la représentation en tant que fiction, la
succession devait être exclusivement dévolue aux héritiers les plus proches en degré, abstraction faite
des descendants du renonçant, lesquels restaient inéluctablement ancrés au degré inférieur.

272. Très opportunément, la loi du 23 juin 2006 est venue corriger la différence de traitement qui
frappait les héritiers du renonçant, par opposition à ceux de l'indigne. Désormais, le code civil, tout en
rappelant en principe qu'on « représente les prédécédés », énonce en outre qu'on « ne représente les
renonçants que dans les successions dévolues en ligne directe ou collatérale » (C. civ., art. 754, al. 1er).
La représentation de l'héritier renonçant est donc possible en principe, dans les figures dévolutives où elle
est légalement admise (art. 752, 752-1 et 752-2).

273. Certaines circonstances particulières, évidemment plus rares, doivent également être envisagées.
Peut-on, par exemple, représenter un absent ? Originairement, la doctrine se prononçait pour l'affirmative
(C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 1, par A. PONSARD, § 158, no 620, texte et note 4 ; M. PLANIOL et
G. RIPERT, op. cit., t. 4, no 57 ; R. BEUDANT et P. LEREBOURS-PIGEONNIÈRE, op. cit., t. 5, nos 186
et s. ; A. COLIN et H. CAPITANT, op. cit., t. 3, no 893), soutenue par une décision isolée (T. civ. Chalon-
sur-Saône, 6 déc. 1950, Gaz. Pal. 1951. 1. 192). La loi no 77-1447 du 28 décembre 1977 oblige
cependant à souligner qu'une personne présumée absente (à la différence de celle qui est déclarée
absente) doit être tenue pour vivante et peut donc succéder (arg. C. civ., art. 725, al. 2). En somme, il
n'y a pas lieu d'envisager la représentation successorale de la personne présumée absente.

274. Le représenté doit être l'une des personnes dont la loi admet la représentation. Sur ce point, les lois
récentes n'ont nullement modifié le sens et la formulation des textes originaires. Seule la numérotation
des articles du code civil a changé : les dispositions des anciens articles 740, 741 et 742 du code civil
sont désormais reportées aux articles 752, 752-1 et 752-2 nouveaux du même code.

275. Les dispositions légales demeurent assez strictes : elles n'admettent que la représentation des
enfants et des frères et sœurs. En revanche, dans ces deux cas, elles font à la représentation une large
place. En ce qui concerne les enfants, l'article 752, alinéa 1 er (V. C. civ., art. 740, al. 1er, anc.), dispose :
« La représentation a lieu à l'infini dans la ligne directe descendante » : cela veut dire qu'un enfant peut
être représenté dans la succession de son auteur, non seulement par un petit-enfant, mais aussi bien par
un descendant au troisième ou au quatrième degré. Le second alinéa de l'article 752 ajoute que la
représentation « est admise dans tous les cas, soit que les enfants du défunt concourent avec les
descendants d'un enfant prédécédé, soit que, tous les enfants du défunt étant morts avant lui, les
descendants desdits enfants se trouvent entre eux en degrés égaux ou inégaux » (V. art. 740, al. 2,
anc.). Dans le cas où tous les représentants sont égaux en degré, la représentation a pour principal effet
d'imposer le partage par souches. Enfin, il faut rappeler que la représentation de l'héritier renonçant vaut
notamment dans les successions dévolues en ligne directe (art. 754, al. 1er).

276. La règle est la même en ce qui concerne les frères et sœurs. L'article 752-2 s'exprime ainsi : « En
ligne collatérale, la représentation est admise en faveur des enfants et descendants de frères ou sœurs du
défunt, soit qu'ils viennent à sa succession concurremment avec des oncles ou tantes, soit que tous les
frères et sœurs du défunt étant prédécédés, la succession se trouve dévolue à leurs descendants en
degrés égaux ou inégaux ». Peu importe, à défaut de toute distinction dans la loi, qu'il s'agisse de frères
ou sœurs germains, consanguins ou utérins. On rappellera que la règle s'applique, ici encore, s'agissant
d'une succession en ligne collatérale (C. civ., art. 754, al. 1er).

277. Dans les deux cas où la représentation est admise, elle doit l'être sans qu'il y ait à distinguer selon
que le droit du représenté repose sur une filiation issue du mariage ou hors mariage. Cela est évident
depuis l'ordonnance du 4 juillet 2005 proclamant l'unité de la filiation en droit français, l'article 733, dans
la rédaction que lui a donnée ladite ordonnance disposant en effet, dans son alinéa 1 er : « La loi ne
distingue pas selon les modes d'établissement de la filiation pour déterminer les parents appelés à
succéder » (V. sur l'origine du principe d'unité de la filiation, supra, nos 176 et s.). Toutefois, on observera
que la représentation de l'enfant hors mariage, alors qualifié de naturel, dans la succession de son père
ou de sa mère était déjà admise en termes formels par l'ancien article 761 du code civil de 1804. Encore
la question était-elle discutée de savoir si la représentation était possible dans la succession des frères et
sœurs. Aujourd'hui, aucune discussion n'est plus permise, puisqu'il faut effectivement prendre acte de
l'unité nouvelle de la filiation en droit français.

278. Les enfants et les frères et sœurs peuvent seuls être représentés. L'article 752-1 du code civil règle
expressément la situation des ascendants : « La représentation n'a pas lieu en faveur des ascendants ; le
plus proche, dans chacune des deux lignes, exclut toujours le plus éloigné  » (V. C. civ., art. 741 anc.). Et
l'article 752-2 (V. art. 742 anc.) exclut, de façon implicite, mais certaine, la représentation des
collatéraux autres que les frères et sœurs, celle des cousins germains, par exemple.

279. Si notre loi se montre à cet égard un peu restrictive, il est au pouvoir du défunt d'obtenir le résultat
qu'eût produit une admission un peu plus large de la représentation. À l'époque où nos anciennes
coutumes ne connaissaient pas encore la représentation, la pratique utilisait le rappel à succession :
c'était un acte par lequel on appelait à sa propre succession, en prévision du décès d'un successible, les
descendants de ce successible en concours avec les héritiers présomptifs du degré le plus proche. Sous
l'empire du code civil, une clause testamentaire de rappel à succession peut présenter de l'intérêt dans
les cas où la représentation n'est pas prévue par la loi (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 597, note 1 ;
H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4, 2e vol., no 739 ; Req. 11 janv. 1825, Jur. gén., Vo Succession,
no 191 ; 13 août 1851, DP 1854. 5. 465 ; 5 déc. 1881, S. 1882. 1. 173 ; Civ. 3 janv. 1888, DP 1888. 1.
52 ; 19 nov. 1895, DP 1896. 1. 316 ; adde : Metz, 23 mars 1865, DP 1865. 2. 90 ; Douai, 22 août 1878,
DP 1879. 2. 128 ; Angers, 25 juin 1895, DP 1896. 2. 263 ; Poitiers, 29 juill. 1907, DP 1908. 2. 7 ; Douai,
20 déc. 1887, S. 1888. 2. 60 ; Civ. 2 juill. 1924, DP 1926. 1. 102).

280. On remarquera enfin qu'à l'occasion d'une situation particulière concernant le fils d'un déporté de
guerre, la commission de réforme du code civil a été saisie, en 1947, de la question de savoir s'il faut
admettre la représentation des collatéraux autres que les frères et sœurs. Dans sa séance du 12  mars
1948, elle s'est prononcée pour la négative, « estimant que le système actuel, qui limite la représentation
successorale en ligne collatérale aux descendants des frères et sœurs prédécédés du de cujus, respectait
l'ordre présumé des affections du défunt et évitait des recherches généalogiques compliquées,
susceptibles de maintenir une incertitude prolongée sur le sort des dévolutions successorales » (Travaux
de la commission de réforme du code civil, t. 3, année 1947-1948, p. 697 et s.).
2° - Conditions relatives au représentant

281. Le représentant doit être un descendant du représenté, mais peut l'être à un degré quelconque
(C. civ., art. 752 et 752-2).
Actualisation
263 s., 281 s. Domaine de la représentation successorale. - Il ne peut y avoir représentation dans la
ligne directe descendante que si le défunt a eu plusieurs enfants. En présence d'un fils unique, les
descendants de celui-ci viennent à la succession de leur grand-père de leur propre chef. Ils sont alors
dispensés de rapporter à la succession les dons et legs reçus par leur parent prédécédé (Civ.  1re, 25 sept.
2013, no 12-17.556  , Dalloz actualité, 16 oct. 2013, obs. Douville).

282. Les degrés intermédiaires entre le représenté et le représentant doivent être vacants. On admet
traditionnellement que la représentation ne peut avoir lieu per saltum et omisso medio, c'est-à-dire en
franchissant un degré intermédiaire qui serait occupé par une personne vivante (C. AUBRY et C. RAU, op.
cit., t. 9, § 597 ; M. PLANIOL et G. RIPERT, op. cit., t. 4, no 57 ; M. GRIMALDI, op. cit., no 134 ; F. TERRÉ
et Y. LEQUETTE, op. cit., no 92). C'est là une conséquence du principe établi par l'article 754, alinéa 1 er,
nouveau suivant lequel, « on représente les prédécédés » (V. supra, no 268). Ainsi, si un père a deux fils
dont l'un lui prédécède, laissant lui-même un fils et un petit-fils, le descendant au troisième degré ne
pourra représenter son aïeul du moment que son père est vivant.

283. Le représentant doit être apte à recueillir lui-même la succession ouverte : c'est là une conséquence
normale du fait qu'il se présente comme héritier (C. AUBRY et C. RAU, op. et loc. cit. ; M. PLANIOL et
G. RIPERT, op. cit., t. 4, no 60 ; H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4, 2e vol., no 740). Ce principe
soulève toutefois certaines critiques au motif qu'il serait en rupture avec « la logique de la technique de la
représentation » (M. GRIMALDI, op. cit., no 135). On fait valoir, à juste titre, que, si la capacité du
représenté est normalement exigée, celle du représentant devrait être indifférente (M. GRIMALDI, op. et
loc. cit.). Il faut convenir en effet que la représentation successorale aboutit, en un sens, à
« instrumentaliser » l'héritier représentant, ce dernier prenant place dans la relation qui aurait dû se
nouer entre le représenté et le défunt. En vérité, là encore, la qualification légale de fiction s'applique
imparfaitement à la représentation successorale (V. supra, no 265 et s.).

284. L'exigence de l'aptitude à succéder du représentant a d'importantes conséquences. Ainsi, le


représentant doit être au moins conçu à l'ouverture de la succession. De même, il ne doit être ni
incapable, ni indigne de succéder au défunt. Enfin et surtout, il doit être un successible de ce défunt.
Appliquée au cas de l'indignité, l'exigence de l'aptitude à succéder du représentant appelle une critique
mesurée. Certes, comme il a été dit, la logique d'une telle exigence s'inscrit en contradiction avec le
mécanisme de la représentation successorale tel que l'a conçu le code civil. Entrant dans les droits du
représenté, le représentant devrait, juridiquement, épouser l'aptitude à succéder du représenté. Mais il
reste qu'au plan moral, on ne contestera guère l'éviction du représentant frappé d'indignité à l'égard du
de cujus.
285. La nécessité que le représentant soit un successible du défunt conduisait, sous l'empire du code civil
primitif, à refuser à l'enfant né hors mariage, alors qualifié de naturel, la faculté de venir par
représentation à la succession du père ou du frère de son auteur, car il n'était pas successible de ce père
ou de ce frère (Riom, 20 oct. 1955, D. 1955. 767 ; C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 597, note 13 ;
M. PLANIOL et G. RIPERT, op. cit., t. 4, no 60 ; R. BEUDANT et P. LEREBOURS-PIGEONNIÈRE, op. cit.,
t. 5, no 193 ; A. COLIN et H. CAPITANT, op. cit., t. 3, no 895 ; G. RIPERT et J. BOULANGER, op. cit., t. 4,
no 1605). Mais on se rappelle que la loi n o 72-3 du 3 janvier 1972 a concédé à l'enfant naturel les mêmes
droits qu'à un enfant légitime, dans la succession de ses père et mère ou autres ascendants, ainsi que de
ses frères et sœurs et autres collatéraux (C. civ., art. 733 nouv. ; V. aussi : C. civ., anc. art. 757). L'unité
de la filiation, résultant de l'ordonnance du 4 juillet 2005, conforte l'absence de toute distinction, selon
que l'enfant venant par représentation à la succession serait issu ou non d'un mariage. Ainsi un enfant né
hors mariage peut-il évidemment venir par représentation à la succession de son grand-père ou de son
oncle.

286. De même, tant que l'adoption simple n'a conféré à l'adopté et aux descendants légitimes de celui-ci
aucun droit de succession sur les biens des parents de l'adoptant (V. l'art. 364, al. 1er, réd. Ord. 23 déc.
1958), ni l'adopté ni les descendants légitimes de l'adopté ne pouvaient venir par représentation à la
succession des parents de l'adoptant. Mais ils peuvent le faire aujourd'hui, suivant l'article 368 du code
civil, ledit texte déniant cependant la qualité d'héritier réservataire à l'adopté et à ses descendants à
l'égard des ascendants de l'adoptant (art. 368, al. 2).

287. Les conditions qui viennent d'être examinées sont les seules qui soient requises. «  On peut
représenter celui à la succession duquel on a renoncé » (C. civ., art. 754, al. 4, reproduisant les
dispositions de l'anc. art. 744, al. 2) : en effet, la faculté de venir à succession par représentation est
propre au représentant et n'est pas recueillie par lui dans la succession du représenté. Pour la même
raison, il importe peu que le représentant n'ait pas encore été conçu au décès du représenté ou qu'il ait
été écarté comme indigne de la succession du représenté (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 597 ;
M. GRIMALDI, op. cit., no 136 ; H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4, 2e vol., no 740). Il importe
également peu que le représentant, s'il est successible du défunt, n'ait pas, à l'égard de celui-ci, la qualité
de réservataire : comme l'affirme un arrêt, « la réserve n'étant rien d'autre que la succession elle-même,
diminuée de la quotité disponible si le de cujus en a disposé, les biens la constituant doivent être dévolus
selon les règles des successions ab intestat… ; il en résulte que les successibles ayant la même qualité
héréditaire que les héritiers réservataires sans avoir leur titre de réservataire peuvent exercer les mêmes
droits sur la réserve, la seule différence étant qu'ils ne sont pas protégés par l'action en réduction des
libéralités » (Aix, 17 juin 1974, D. 1974. 756, note Donnier ; V. de même, Civ. 1re, 15 juill. 1975,
D. 1975. 757, note Donnier).
B. - Effets de la représentation

288. Les effets de la représentation sont relativement simples, encore que leur compréhension soit
généralement moins aisée depuis que le législateur admet la représentation d'une personne vivante
(V. sur ce point, supra, nos 269 et s.). Il n'en reste pas moins vrai et constant que, d'une part, le
représentant monte au degré qu'eût occupé le représenté, s'il avait vécu, et que, d'autre part, le
représentant exerce les droits qu'eût exercés le représenté, sans pouvoir d'ailleurs aller au-delà de ces
droits (Riom, 25 juill. 1895, DP 1898. 2. 1, note Boistel).

289. Lorsqu'il y a plusieurs représentants, ils exercent ensemble le droit du représenté et s'en partagent
l'émolument conformément à leurs droits dans la succession du représenté : c'est le partage par souche,
qui s'oppose au partage par tête. L'article 753 du code civil, dans sa rédaction actuelle à lui donnée par la
loi du 3 décembre 2001, se prononce formellement en ce sens : « Dans tous les cas où la représentation
est admise, le partage s'opère par souche, comme si le représenté venait à la succession  ; s'il y a lieu, il
s'opère par subdivision de souche. À l'intérieur d'une souche ou d'une subdivision de souche, le partage
se fait par tête ». On remarquera que le texte impose le partage par souche dans tous les cas où la
représentation est admise, c'est-à-dire même lorsque tous les successibles sont à des degrés égaux.
Supposons ainsi, dans un cas très classique, qu'un individu ait eu deux fils qui ont prédécédé, laissant l'un
deux enfants et l'autre trois. Les cinq petits-enfants recueillent la succession de leur grand-père, mais les
deux enfants issus du premier fils prennent chacun un quart de la succession, tandis que les trois enfants
issus du second fils ne prennent chacun qu'un sixième de la succession. Au contraire, si les conditions de
la représentation ne sont pas remplies, le partage se fait par tête. Supposons que le de cujus laisse à sa
survivance un fils renonçant, père de deux enfants. Puisqu'il n'existe qu'une seule souche, les deux petits-
enfants viennent à la succession, non par représentation, mais de leur chef. Chacun d'eux prend alors une
part égale dans la succession (M. GRIMALDI, op. cit., no 137 ; J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., nos 60 et
61 ; H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4, 2e vol., no 741 ; F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. cit., nos 95
et 96).

290. Ici encore, on rappellera la teneur des dispositions de l'article 754, alinéa 2, du code civil, issu de la
loi du 23 juin 2006 (V. déjà, supra, nos 268 et s.). On sait en effet que les enfants du renonçant conçus
avant l'ouverture de la succession dont ledit renonçant a été exclu «  rapportent à la succession de ce
dernier les biens dont ils ont hérité en son lieu et place, s'ils viennent en concours avec d'autres enfants
conçus après l'ouverture de la succession » (C. civ., art. 754, al. 2). Conçue principalement pour les
enfants du renonçant et étendue à ceux de l'indigne, cette disposition légale appelle les mêmes critiques
que celles déjà formulées pour le cas de l'indignité. Outre l'incertitude du bien-fondé de la règle énoncée,
on peut craindre, une fois de plus, que la mise en œuvre de cette disposition ne s'avère délicate.

291. Enfin, il convient de préciser qu'en cas de représentation d'un renonçant, les donations faites à ce
dernier « s'imputent, le cas échéant, sur la part de réserve qui aurait dû lui revenir s'il n'avait pas
renoncé » à la succession (C. civ., art. 754, al. 3 ; V. sur cette disposition, D. VIGNEAU, Les rapports des
articles 845 et 848 du code civil en cas de représentation d'un donataire renonçant, JCP  N 2008. 1193 ;
V. aussi N. LEVILLAIN, Nouvelles règles liquidatives en présence d'un héritier renonçant, JCP N 2007.
1187). Encore cette règle ne trouve-t-elle application qu'à défaut de volonté contraire du disposant
(art. 754, al. 3).
Art. 2 - Conjoint survivant

292. Présentation. - La loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001 a fortement revalorisé les droits
successoraux du conjoint survivant successible, lui reconnaissant ainsi une nouvelle place dans l'ordre
légal de la succession de l'époux défunt. Ce profond changement est double : d'une part, la dévolution
successorale au conjoint est généralement augmentée en présence de la parenté laissée par l'époux
défunt ; d'autre part, dans ce cadre, des droits spécifiques lui sont aussi attribués, ayant surtout pour
objet l'habitation et l'usage du logement qu'il occupe au moment du décès, et du mobilier garnissant
celui-ci.

293. Cependant, le changement ainsi opéré a été appliqué de manière progressive, les dispositions
légales nouvelles en cause étant déclarées applicables aux successions ouvertes à partir du premier jour
du septième mois suivant la publication de la loi au Journal officiel, soit le 1 er juillet 2002 (L. no 2001-
1135 du 3 déc. 2001, art. 25-I). En conséquence, eu égard à cette application de la nouvelle loi dans le
temps, il est encore utile de rappeler les droits successoraux du conjoint survivant, tels qu'établis par les
législations antérieures, dont l'application subsiste pour les successions ab intestat ouvertes avant le
1er juillet 2002, la comparaison permettant de mieux mesurer l'ampleur des apports de la loi nouvelle.
§ 1 - Des droits successoraux du conjoint survivant avant l'entrée en vigueur de la loi n o 2001-
1135 du 3 décembre 2001

294. Évolution. - Originairement, dans le code civil de 1804, le conjoint survivant n'était guère reconnu
comme successible au titre de la dévolution légale. Il n'était appelé à recueillir la succession de l'époux
défunt qu'à défaut de parenté successible laissée par le défunt qui, à l'époque, était recherché jusqu'au
douzième degré. De plus, il était considéré comme un successeur irrégulier, n'ayant pas la saisine,
l'obligeant ainsi à demander l'envoi en possession. Cette dévolution légale, particulièrement restrictive, ne
l'empêchait cependant pas toujours de se voir reconnaître des droits dans la succession, établis par les
moyens autorisés, supposant la volonté déclarée du conjoint dans ce sens : institution contractuelle par le
contrat de mariage, donations entre époux au cours du mariage, demeurant librement révocables (C. civ.,
art. 1096), testaments comportant, à son profit, des legs universels, à titre universel, ou à titre
particulier. Ces droits consentis étaient exercés dans la mesure de la quotité disponible entre époux.

295. Très lentement, la place ainsi faite au conjoint survivant dans l'ordre de la succession fut
reconsidérée pour lui reconnaître, au gré de réformes successives, tantôt des droits en usufruit, tantôt
des droits en propriété, le laissant apparaître, néanmoins, jusqu'à la réforme de 2001 comme un
successible que l'on peut qualifier de secondaire, tant l'idée fondamentale de conservation des biens dans
la famille parentale, par la succession, demeurait ancrée et primordiale (V. M. GRIMALDI, Successions, 6e
éd., 2001, Litec, op. cit., nos 166 et s.). Une première loi du 9 mars 1891 lui reconnut un droit d'usufruit
sur la succession, d'étendue variable selon la parenté par ailleurs appelée, le taux de l'usufruit étant
majoré, en dernier lieu, par la loi du 29 avril 1925. Juridiquement, la loi du 31 décembre 1917 contribua,
quelque peu, à augmenter la possibilité pour le conjoint de recueillir la succession, en ramenant le degré
de successibilité du douzième au sixième ! Des droits en pleine propriété lui furent reconnus par les lois
du 3 décembre 1930 et du 26 mars 1957. La première opéra en ce sens par l'utilisation de la fente
successorale à son profit : la moitié de la succession lui est attribuée en présence d'ascendants et de
collatéraux représentant une seule ligne parentale. La seconde fut plus audacieuse au regard du principe
traditionnel de dévolution dans la parenté en lui donnant la priorité toutes les fois qu'il se trouvait en
présence de collatéraux ordinaires, en faisant ainsi un héritier de quatrième rang, se voyant en
conséquence reconnaître la saisine par une ordonnance du 23 décembre 1958. La loi du 3 janvier 1972
posant le principe d'égalité des filiations, et par conséquent d'égalité successorale des enfants et des
parentés (V. supra, nos 191 et s.), a indirectement, éventuellement, repoussé la place du conjoint
survivant dans la succession, même si son titre n'est pas mis en cause. C'est pourquoi elle avait pourvu à
sa protection particulière dans certaines hypothèses où il se trouverait en présence d'enfants adultérins
(C. civ., anc. art. 759). En application de l'évolution législative retracée, et au seuil de la réforme de
2001, les droits successoraux ab intestat du conjoint survivant étaient les suivants.
A. - Droits en usufruit (C. civ., anc. art. 767)

296. Étendue. - Cette étendue du droit d'usufruit sur la succession était de un quart en présence d'un ou
plusieurs enfants, soit légitimes, issus ou non du mariage, soit naturels, de moitié, si le défunt laisse des
frères et sœurs, des descendants de frères et sœurs, des ascendants ou des enfants naturels conçus
pendant le mariage. Ainsi, l'étendue du droit d'usufruit variait selon l'ordre des héritiers en présence
desquels le conjoint survivant se trouvait : descendants ou ascendants et collatéraux privilégiés.
Cependant, selon la loi du 3 janvier 1972 (C. civ., anc. art. 767, al. 3), le droit d'usufruit demeurait de
moitié si le conjoint se trouvait en présence, comme seuls descendants laissés par l'époux défunt,
d'enfants adultérins, la quotité étant conservée de la sorte par souci de protection du conjoint survivant,
étant par ailleurs en présence d'héritiers du second ordre. En revanche, s'il y avait d'autres descendants,
parmi lesquels un ou plusieurs enfants adultérins, la dévolution d'un droit d'usufruit au conjoint
demeurait, généralement, de un quart de la succession.

297. Exercice. - L'exercice du droit d'usufruit dévolu au conjoint était strictement encadré, en application
des alinéas 4 et 5 de l'article 767 ancien du code civil. Ces textes imposaient une distinction devant être
mise en œuvre au regard de la succession en cause : le calcul de la valeur théorique de l'usufruit, et
l'assiette de son exercice. Le calcul était opéré « sur une masse faite de tous les biens au décès du de
cujus, auxquels étaient réunis fictivement ceux dont il avait disposé, soit par actes entre vifs, soit par
acte testamentaire, au profit de successibles, sans dispense de rapport ». En clair, la masse de calcul de
l'usufruit comprenait les biens existants, en valeur nette, augmentés de la valeur des libéralités
rapportables à la succession, rappelant que les legs, portant sur les biens existants, étaient, et sont
toujours, présumés être faits par préciput et hors part (C. civ., art. 843). Sur cette masse ainsi établie en
valeur, il y avait lieu d'appliquer le droit d'usufruit en proportion.

298. Exemple. - Le de cujus laisse trois enfants, dont un adultérin et deux issus du mariage. Les biens
existants sont évalués à 1 000 000 €. Chaque enfant du mariage a reçu de son parent une donation
évaluée à 100 000 € au décès, le second étant par ailleurs légataire à titre particulier pour 200 000 €.

La masse de calcul est :  


Biens existants : 1 000 000 €
sur lesquels sera prélevé le legs de : 200 000 €
Soit : 800 000 €
auxquels s'ajoutent les donations rapportables :  
Ensemble : 200 000 €
1 000 000 €

En présence des descendants laissés par le défunt, le droit d'usufruit du conjoint survivant est de 1/4 x
1 000 000 € = 250 000 €.

299. L'exercice de l'usufruit était, lui-même, délimité : « […] que sur les biens dont le prédécédé n'aura
disposé ni par acte entre vifs, ni par acte testamentaire, et sans préjudicier aux droits de réserve ni aux
droits de retour ». Ainsi, en présence d'héritiers réservataires, l'exercice de l'usufruit ne pouvait avoir lieu
que sur la quotité disponible dans la mesure où des libéralités faites par le défunt ne s'y trouvaient pas
imputées. Reprenant l'exercice précédent, en présence de trois enfants, la réserve est de 3/4 calculés sur
une masse comprenant, en valeur décès, les biens existants (1 000 000 €) et les donations (200 000 €)
(C. civ., art. 922), soit au total 1 200 000 €, dont la réserve est de 1 200 000 € x 3/4 = 900 000 €, et la
quotité disponible est de 1 200 000 € x 1/4 = 300 000 €. Le legs de 200 000 €, hors part successorale,
doit y être imputé (C. civ., art. 865), laissant de disponible : 300 000 € - 200 000 € = 100 000 €.
L'exercice du droit d'usufruit du conjoint ne peut avoir lieu que pour 100 000 €, sa valeur ayant été
calculée à 250 000 €.

300. Non-cumul de l'usufruit légal et des libéralités entre époux. - Suivant la conception originaire de
dévolution d'un droit en usufruit au conjoint survivant, amenant à le considérer comme subsidiaire,
l'article 767 alinéa 6, du code civil énonçait : « Il cessera de l'exercer dans le cas où il aurait reçu du
défunt des libéralités, même faites par préciput et hors part, dont le montant atteindrait celui des droits
que la présente loi lui attribue et, si ce montant était inférieur, il ne pourrait réclamer que le complément
de son usufruit ». En conséquence de cette règle de non-cumul, il y avait lieu d'imputer sur l'usufruit légal
dévolu au conjoint, la libéralité par ailleurs faite à celui-ci. Autrement dit, si cette libéralité recouvrait le
droit d'usufruit, éventuellement le dépassait, l'usufruit légal se trouvait ainsi absorbé. C'est seulement si
l'usufruit dérivant de la libéralité apparaissait en deçà de l'usufruit légal que le conjoint était fondé à
exercer cet usufruit pour le complément.

301. L'imputation de l'un sur l'autre n'était pas difficile quand la libéralité elle-même était faite en
usufruit, amenant à une simple superposition. En revanche, l'imputation devenait délicate en cas de
libéralité en pleine propriété. Dans ce cas, suivant une jurisprudence récente, il convenait de rechercher
la valeur de l'usufruit, pour le conjoint survivant, selon l'âge, des biens et objets de la libéralité, pour
procéder à l'imputation (Civ. 1re, 6 févr. 2001, no 99-10.845  , Bull. civ. I, no 28, D. 2001. 3566 note
Aubert de Vincelles  , JCP 2001. I. 366, no 4, obs. Le Guidec, RJPF 2001-4/47 obs. Sauvage, Dr. fam.
2001. Chron. 11, par Binet, RTD civ. 2001. 637, obs. Patarin).

302. Ce principe du non-cumul n'était cependant pas considéré comme impératif, le conjoint pouvant
valablement déclarer vouloir ajouter la libéralité faite à l'usufruit légal tel que dévolu au conjoint survivant
(Civ. 1re, 10 mai 1960, D. 1963. 38 note Vidal), cas dans lequel l'ensemble devait être considéré dans la
mesure de la quotité disponible entre époux.

303. Conversion de l'usufruit en rente viagère. - Le droit d'usufruit sur la succession, ainsi dévolu au
conjoint survivant, s'exerçant dans les conditions du droit commun de l'usufruit (C.  civ., art. 578 et s.),
pouvait encore être écarté par les héritiers, disposant d'un pouvoir certain en ce sens. Selon l'alinéa 7 de
l'article 767 ancien du code civil : « Jusqu'au partage définitif, les héritiers peuvent exiger, moyennant
sûretés suffisantes, et garantie du maintien de l'équivalence initiale, que l'usufruit de l'époux survivant
soit converti en une rente viagère équivalente. S'ils sont en désaccord, la conversion sera facultative pour
les tribunaux ». Dans ce dernier cas, l'opportunité de la conversion était souverainement appréciée par le
juge.

304. Quand il y avait lieu à conversion, du fait de l'unanimité des héritiers par exemple, le maintien de
l'équivalence initiale supposait que l'on tienne compte de tous les éléments concourant à l'évaluation de
l'usufruit, présents mais aussi postérieurs à la conversion, notamment en matière de biens en formation
ou de loyers sujets à prorogation (Civ. 22 avr. 1931, DH 1931. 347). En revanche, la conversion de
l'usufruit en capital ne pouvait être imposée ni ordonnée, l'opération ne pouvant être que convenue, au
risque de se révéler difficile pour l'évaluation (Civ. 1re, 6 juin 1990, JCP 1991. II. 21686, note Pillebout,
Defrénois 1991. 229, note X. Savatier ; Civ. 1re, 20 nov. 2001, Bull. civ. I, n o 287, JCP 2002. I. 178, n o 5,
obs. Le Guidec, RJPF 2002-1/43, obs. Delmas Saint-Hilaire, Dr. fam. 2002. Comm. 11, obs. Beignier ;
V. infra, no 333 et s.).
B. - Droits en pleine propriété

305. À la veille de la réforme, la dévolution de la succession au conjoint survivant, en propriété, avait lieu
dans trois hypothèses, selon les articles 765, 766 et 759 anciens du code civil : en présence de
collatéraux ordinaires, en présence d'ascendants représentant une seule ligne parentale, en présence
d'enfants adultérins, dans certaines conditions.
1° - En présence de collatéraux ordinaires

306. Aux termes de l'article 765 ancien, « lorsque le défunt ne laisse pas de parenté au degré
successible, ou s'il ne laisse que des collatéraux autres que des frères et sœurs ou des descendants de
ceux-ci, les biens de sa succession appartiennent en pleine propriété au conjoint non divorcé qui lui survit
et contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée ». C'était
l'effet de la loi du 26 mars 1957 ayant donné la priorité au conjoint survivant par rapport aux oncles et
tantes, cousins et cousines, seule parenté laissée par l'époux défunt. Le resserrement de la famille, la
considération du mariage, lui-même constitutif d'une famille, expliquent cette priorité, d'ailleurs
unanimement approuvée.
2° - En présence d'ascendants représentant une seule ligne parentale

307. Aux termes de l'article 766 ancien, « lorsque le défunt ne laisse dans une ligne, paternelle ou
maternelle, aucun parent au degré successible, ou s'il ne laisse, dans cette ligne, que des collatéraux
autres que des frères et sœurs ou des descendants de ceux-ci, la moitié de sa succession est dévolue,
nonobstant les dispositions de l'article 753, au conjoint non divorcé qui lui survit et contre lequel n'existe
pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée  ». Dans cette hypothèse, il y a
application de la fente successorale au profit du conjoint survivant, qui se voit attribuer la moitié de la
succession en pleine propriété, l'autre moitié étant attribuée, normalement, aux ascendants représentant
une ligne parentale, paternelle ou maternelle. C'est le résultat des lois du 3 décembre 1930 et du 26 mars
1957 conjuguées.
3° - En présence d'enfants adultérins, seuls descendants de l'époux défunt
308. La loi du 3 janvier 1972 avait pourvu à la protection du conjoint survivant appelé à la succession et
se trouvant en présence d'enfants adultérins, seuls descendants de l'époux défunt. Déjà, il a été aperçu,
en application de l'ancien article 767 du code civil (V. supra, no 296), qu'il conservait un droit d'usufruit
de moitié quand, par ailleurs, figuraient dans la parenté des héritiers du second ordre, des ascendants et
collatéraux privilégiés (père et mère, frères et sœurs du défunt).

309. Plus substantiellement, cette protection était l'objet de l'ancien article 759 du code civil : « Les
enfants naturels dont le père ou la mère était, au temps de leur conception, engagé dans les liens du
mariage avec une autre personne, n'excluent pas celle-ci de la succession de leur auteur, lorsque, à leur
défaut, elle y eût été appelée par application des articles 765 et 766 ci-dessous. En pareil cas, ils ne
recevront, quel que soit leur nombre, que la moitié de ce qui, en leur absence, aurait été dévolu au
conjoint selon les articles précités, le calcul étant fait ligne par ligne. La répartition de la succession se
fixe d'après l'état des vocations héréditaires au jour du décès, nonobstant toutes renonciations
ultérieures ». L'idée fondamentale émanant de ce texte était de maintenir une dévolution de la succession
au conjoint en propriété, dont il aurait bénéficié en présence de la parenté laissée par l'époux défunt s'il
n'y avait pas eu d'enfants adultérins, tout en édictant une répartition de la succession entre ce conjoint et
le ou les enfants adultérins.

310. L'application de l'ancien article 759 ancien du code civil renvoyait aux seules hypothèses des articles
765 et 766 anciens. En conséquence, il avait pu être décidé qu'il n'était pas applicable si le défunt laissait
des collatéraux privilégiés, que ceux-ci aient été ou non exhérédés (Civ. 1re, 21 mai 1986, Bull. civ. I,
no 132). Ainsi, deux cas de figure conduisaient à l'application du texte.

311. En premier lieu (C. civ., anc. art. 765), le cas où le défunt laissait un ou plusieurs enfants
adultérins, le conjoint survivant du mariage au cours duquel le ou les enfants adultérins avaient été
conçus, et des collatéraux ordinaires : le conjoint survivant avait vocation à recueillir la totalité de la
succession, en pleine propriété, en l'absence d'enfants adultérins. Il y avait lieu alors à une répartition de
la succession par moitié, la moitié en propriété au conjoint survivant, l'autre moitié en propriété aux
enfants adultérins.

312. En second lieu (C. civ., anc. art. 765), le cas où le défunt laissait un ou plusieurs enfants adultérins,
le conjoint survivant et un ou plusieurs ascendants représentant une seule ligne parentale, paternelle ou
maternelle. Dans cette hypothèse, le conjoint survivant avait vocation à recueillir la moitié de la
succession en propriété, l'autre moitié étant dévolue aux ascendants. Cette part de moitié qui lui revenait
était répartie entre lui-même, pour la moitié, soit un quart de la succession, et les enfants adultérins
recevant l'autre moitié, soit à cet égard un quart de la succession. Cependant, la moitié de la succession
qui aurait été dévolue aux ascendants, dans l'hypothèse énoncée d'application de l'article 766 ancien du
code civil, devait être attribuée aux enfants adultérins, héritiers du premier ordre, les ascendants n'étant
pas spécialement protégés en leur présence. Par exemple, en supposant laissés par l'époux défunt son
conjoint, trois enfants adultérins, et son père, la répartition de la succession en propriété est la suivante  :
conjoint survivant : 1/4 ; enfants adultérins : 1/4 + 1/2 = 3/4.

313. Cet article 759 ancien du code civil, dont l'application a sans doute été rare eu égard aux
circonstances familiales supposées (persistance du mariage malgré la survenance de descendance
adultérine, et absence d'exhérédation du conjoint) a été abrogé par la loi n o 2001-1135 du 3 décembre
2001. Cette abrogation a eu un effet immédiat pour les successions ouvertes à compter de la publication
de la loi au Journal officiel (4 déc. 2001). Qui plus est, elle a également opéré pour les successions
ouvertes antérieurement, n'ayant pas donné lieu à partage avant cette date, « sous réserve des accords
amiables déjà intervenus et des décisions judiciaires irrévocables » (L. no 2001-1135, 3 déc. 2001,
art. 25-II). De plus, il y a lieu de rappeler qu'avant l'intervention du législateur, les textes issus de la loi
du 3 janvier 1972, dont l'article 759, réduisant ainsi les droits successoraux des enfants adultérins,
avaient été considérés comme discriminatoires, en violation de l'article 1 er du Protocole no 1 de la
Convention européenne des droits de l'homme, combiné avec l'article 14 de ladite Convention (CEDH
1er févr. 2000, JCP 2000.I. 278, no 1 ; JOSSELIN-GALL, JCP N 2001. 834 ; B. VAREILLE, D. 2000. Chron.
626   ; V. supra, nos 205 et s.), amenant à décider l'éviction de ces textes pour l'établissement de la
dévolution successorale (V. TGI Montpellier, 2 mai 2000, D. 2001. 1270, note Pelletier  , D. 2001.
Somm. 2794, obs. Vasseur-Lambry  , Defrénois 2000. 1435, note Massip, Dr. fam. 2000. Comm. 99,
note Gouttenoire-Cornut, RTD civ. 2000. 930, obs. Marguénaud, et 2001. 124, obs. Hauser ; Pau, 28 nov.
2000, D. 2001. Somm. 1068, obs. Bosse-Platière  , Defrénois 2001. 1011, Dr. fam. 2001. Comm. 60,
obs. B. Beignier).
§ 2 - Des droits successoraux du conjoint survivant depuis l'entrée en vigueur de la loi
no 2001-1135 du 3 décembre 2001

314. Conjoint successible. - Aux termes de l'article 732 du code civil, « est conjoint successible le
conjoint survivant non divorcé », la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 ayant supprimé l'exigence selon
laquelle il ne devait pas exister contre ledit époux un jugement de séparation de biens ayant force de
chose jugée. Cette définition du conjoint successible énoncée par la loi du 3 décembre 2001 et modifiée
par la loi du 23 juin 2006 est identique à celle énoncée par les anciens articles 765 et suivants du code
civil pour la dévolution légale de la succession. Considéré en principe comme un héritier, au même titre
que les parents laissés par le défunt (C. civ., art. 731), il disposera pareillement de l'option successorale
(art. 774) et se trouve pleinement saisi dès l'ouverture de la succession, en application de l'article 724,
alinéa 1er, du code civil : « Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et
actions du défunt » (V. Succession [2o transmission]).

315. Pour dénier au conjoint survivant la qualité de successible, le jugement de divorce ou le jugement
prononçant la séparation de corps à ses torts (pour faute, ou pour rupture de la vie commune  : C. civ.,
art. 296 et s., spéc. art. 301) doit être prononcé, avec autorité de chose jugée, à l'ouverture de la
succession. L'instance en divorce ou en séparation de corps, pendante à la date du décès du conjoint, ne
serait pas suffisante, le décès arrêtant d'ailleurs toute poursuite de l'instance.

316. La séparation de fait des époux avant le décès ne met aucunement en cause la qualité de
successible du conjoint survivant. La succession lui est normalement dévolue, sauf, éventuellement, dans
cette situation, à considérer les dispositions prises par le défunt, l'exhérédation du conjoint demeurant
possible, la loi, nouvelle comme ancienne, ne lui reconnaissant pas la qualité d'héritier réservataire (sauf
l'hypothèse particulière de l'art. 914-1 C. civ., L. 3 déc. 2001). Parallèlement à la succession elle-même,
et contribuant à la liquidation de celle-ci, il y a lieu de rappeler que les effets de la dissolution du régime
matrimonial de communauté, par le décès, peuvent être reportés à la date de la séparation de fait des
époux - cessation de la cohabitation et de la collaboration (C. civ., art. 1442, al. 2) -, déterminant ainsi la
composition, active et passive, de la communauté de biens. À cette fin, une demande en justice est, en
principe, nécessaire, émanant du conjoint survivant ou des héritiers de l'époux décédé (Civ.  2e, 25 juin
1998, no 96-19.375  , Bull. civ. II, no 234, Defrénois 1999. 430, obs. Champenois, Dr. fam. 1998.
Comm. 156, note Beignier, RTD civ. 1999. 175, obs. Vareille).

317. Dualité des droits successoraux légaux du conjoint survivant. - En suivant les dispositions de la loi
du 3 décembre 2001, articles 756 à 767 nouveaux du code civil, les droits du conjoint survivant sur la
succession apparaissent de deux sortes : droits généraux de succession d'abord, par attribution d'une
part d'hérédité, en propriété ou parfois en usufruit ; droits spécifiques ensuite, comprenant, en principe,
la reconnaissance d'un droit d'habitation et d'usage ayant pour objet le logement occupé par le conjoint
survivant au moment du décès et le mobilier le garnissant, et, éventuellement, la reconnaissance d'un
droit à pension. Les uns et les autres donnent lieu à un régime aussi élaboré par la loi nouvelle,
particulièrement pour leur exercice sur la succession. Cet établissement législatif des droits du conjoint
survivant justifie une présentation distincte : droits généraux de succession (V. infra, nos 318 et s.),
droits spécifiques sur la succession (V. infra, nos 351 et s.).
A. - Des droits généraux de succession

318. Présentation. - Les droits généraux de succession dévolue au conjoint survivant sont variables dans
leur étendue au regard de la parenté laissée par le défunt, appelée à la succession, et dans leur nature
pouvant être, parfois en propriété ou en usufruit. En toute hypothèse, leur exercice sur la succession est
légalement défini. Suivant les dispositions de la loi, il y a lieu de présenter successivement, la nature et le
montant des droits (V. infra, nos 319 et s.) et leur exercice (V. infra, nos 327 et s.). S'agissant ainsi de
dévolution légale, il sera recherché ensuite la compatibilité entre ces droits et ceux, également
successoraux, pouvant résulter de libéralités par ailleurs établies au profit du conjoint survivant (V.  infra,
nos 346 et s.).
1° - Nature et montant des droits du conjoint survivant

319. La nature des droits du conjoint peut être différente, en propriété ou en usufruit, en présence de
descendants, par hypothèse tous communs aux époux. Le montant des droits varie selon les ordres
d'héritiers de la parenté en présence desquels se trouve le conjoint.
a. - En présence de descendants

320. L'article 757 du code civil distingue selon que les enfants ou descendants laissés par le défunt sont
« tous issus des deux époux » ou non. Dans le premier cas, situation encore la plus fréquente, le conjoint
survivant dispose d'une option entre « l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart
des biens ». Dans le second cas, « en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux
époux », les droits du conjoint survivant sont exclusivement de la propriété du quart.

321. Au titre des enfants issus des deux époux, il y a lieu de comprendre les enfants du mariage,
éventuellement légitimés, les enfants adoptés, y compris les enfants du conjoint adoptés par l'autre. Si le
conjoint survivant a, par ailleurs, des enfants issus d'autres unions, cela n'empêche pas l'ouverture de
l'option dans la mesure où, pour la succession de l'époux défunt, il se trouve en présence d'enfants
communs. De même, si l'enfant du défunt, issu d'une autre union, renonce à la succession de son parent,
et que par ailleurs, il n'y a que des enfants du mariage, l'option doit être admise, la renonciation déclarée
privant l'enfant de sa qualité d'héritier depuis l'origine (C. civ., art. 785).

322. Le conjoint survivant doit exprimer son choix à compter de l'ouverture de la succession faisant
naître ce droit d'option. Il s'agit d'un droit personnel, « incessible tant qu'il n'a pas exercé l'option »
(C. civ., art. 758-1). Toute liberté est laissée au conjoint pour exprimer ce choix, l'article 758-2
admettant que l'option se prouve par tout moyen. En pratique, il sera opportun, pour le notaire chargé du
règlement de la succession, de solliciter le conjoint pour recueillir formellement le choix déclaré. Par
ailleurs, selon l'article 758-3 du code civil : « tout héritier peut inviter par écrit le conjoint à exercer son
option » et « faute d'avoir pris parti par écrit dans les trois mois, le conjoint est réputé avoir opté pour
l'usufruit ». Une telle démarche suppose que l'on avertisse le conjoint de l'enjeu de la réponse attendue.
Enfin, selon l'article 758-4, « le conjoint est réputé avoir opté pour l'usufruit s'il décède sans avoir pris
parti ». Le décès éteignant le droit d'usufruit, il y a alors anéantissement des droits de succession dévolus
au conjoint survivant, ses propres héritiers, quels qu'ils soient, ne pouvant plus s'en prévaloir. De tout
ceci, il résulte que le conjoint survivant aura toujours intérêt à manifester son choix, qui sera inspiré par
l'observation préalable de l'exercice du droit d'usufruit ou du droit de propriété sur la succession, telle
qu'elle se présente complètement.
b. - En présence des père et/ou mère de l'époux défunt

323. Aux termes de l'article 757-1 du code civil, « si, à défaut d'enfants ou de descendants, le défunt
laisse ses père et mère, le conjoint survivant recueille la moitié des biens. L'autre moitié est dévolue pour
un quart au père et pour un quart à la mère. Quand le père ou la mère est prédécédé, la part qui lui
serait revenue échoit au conjoint survivant ». En conséquence, en présence des père et/ou mère du
conjoint défunt, le conjoint survivant se voit attribuer soit la moitié, soit les trois quarts de la succession,
en pleine propriété. En présence du conjoint survivant, le deuxième ordre d'héritiers dans la parenté se
limite aux père et mère. D'autres parents ascendants se trouvent exclus par le conjoint survivant. Et
chacun des père ou mère ne reçoit que sa part successorale de un quart, correspondant d'ailleurs à sa
part de réserve héréditaire (C. civ., art. 914). Dans ce contexte, il y a lieu de considérer, le cas échéant,
que si le père ou la mère renonce à la succession, la part lui advenant normalement doit être attribuée au
conjoint survivant, la renonciation conduisant à le considérer comme n'ayant jamais été héritier. Il en
serait de même si les père et mère de l'époux défunt renonçaient à la succession.
c. - En présence d'autres parents

324. Aux termes de l'article 757-2 du code civil, « en l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et
de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession ». Ainsi, au-delà d'une parenté très
proche, enfants, père et mère, la vocation successorale du conjoint survivant, pour des droits en pleine
propriété, est totale. De la sorte, la place nouvelle du conjoint survivant dans l'ordre successoral légal est
véritablement transformée, sans commune mesure avec celle qui lui était faite dans l'ordre ancien.

325. Néanmoins, deux limitations sont énoncées par la loi nouvelle, qui peuvent amoindrir ou relativiser
cette vocation plénière à la succession en propriété. En premier lieu, l'article 757-3 établit une dévolution
successorale particulière pour « les biens que le défunt avait reçus de ses père et mère par succession ou
donation et qui se retrouvent en nature dans la succession » quand le conjoint survivant se trouve en
présence des frères et sœurs, ou de leurs descendants, de l'époux défunt. Dans ce cas, la dévolution de
ces biens se fait par moitié entre le conjoint survivant et les frères et sœurs du défunt, ou leurs
descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission. Ce
texte, ambigu à plus d'un titre, est le résultat d'un compromis élaboré lors des débats parlementaires,
afin d'éviter l'éviction totale des frères et sœurs du défunt par le conjoint survivant (G. GOUBEAUX,
Réforme des successions : l'inquiétant concours entre collatéraux privilégiés et conjoint survivant,
Defrénois 2002, art. 37519).

326. En second lieu, l'article 758 du code civil réserve, éventuellement, aux parents ascendants du
défunt, autres que les père et mère, le bénéfice d'une créance d'aliments contre la succession : « Lorsque
le conjoint survivant recueille la totalité ou les trois quarts des biens, les ascendants du défunt, autres
que les père et mère, qui sont dans le besoin bénéficient d'une créance d'aliments contre la succession du
prédécédé. Le délai pour la réclamer est d'un an à partir du décès ou du moment à partir duquel les
héritiers cessent d'acquitter les prestations qu'ils fournissaient auparavant aux ascendants. Le délai se
prolonge, en cas d'indivision, jusqu'à l'achèvement du partage. La pension est prélevée sur l'hérédité. Elle
est supportée par tous les héritiers et en cas d'insuffisance, par tous les légataires particuliers,
proportionnellement à leur émolument. Toutefois, si le défunt a expressément déclaré que tel legs sera
acquitté de préférence aux autres, il sera fait application de l'article 927 ». L'application de cette
disposition ne met pas en cause la vocation successorale elle-même du conjoint survivant, mais en
amoindrit le profit, compte tenu de la dette alimentaire que la succession comportera alors.
2° - Exercice des droits successoraux du conjoint survivant

327. Ainsi, généralement, le conjoint survivant peut se voir attribuer un droit en usufruit pour lequel il a
opté ou, plus souvent, un droit en propriété, variable en étendue. Quel émolument en résulte dans la
succession qui lui est dévolue ? Pour l'un et l'autre droits, la loi nouvelle détermine les conditions de leur
exercice. Suivant ses dispositions, il y a lieu de distinguer l'exercice du droit d'usufruit (V.  infra, nos 328
et s.) et l'exercice du droit de propriété (V. infra, nos 339 et s.).
a. - Exercice du droit d'usufruit
328. Le droit d'usufruit du conjoint sur la succession est doublement encadré : par la détermination
légale d'une masse d'exercice, et par la possibilité ouverte d'une conversion de l'usufruit en rente viagère
ou en capital.

329. a) Masse d'exercice de l'usufruit. - À ce titre, une seule indication est fournie par l'article 757 du
code civil : « …l'usufruit de la totalité des biens existants… ». Dans le principe, se trouve ainsi énoncé
comme masse d'exercice de l'usufruit, l'ensemble du patrimoine laissé par le défunt, tel qu'il se compose
au jour du décès, comprenant ses biens meubles et immeubles, corporels et incorporels, mais aussi les
dettes grevant l'actif. La propriété, quant à ce patrimoine, est ainsi démembrée entre le conjoint
survivant usufruitier, son droit étant régi par les règles inhérentes au droit commun de l'usufruit (C. civ.,
art. 578 et s.), et les héritiers par ailleurs, nu-propriétaires, dont les droits et obligations sont
pareillement définis par le droit commun en la matière (M.-C. FORGEARD, R. CRÔNE et B. GELOT, La
réforme des successions. Loi du 3 décembre 2001, op. cit., nos 22 et s. ; M. GRIMALDI, Droits du conjoint
survivant : brève analyse d'une loi transactionnelle, AJ fam. 2002. 48   ; P. CATALA, Successions, J.-
Cl. Civil Code, Art. 756-767, fasc. 10, Droits du conjoint successible. Nature. Montant. Exercice ;
H. MAZERON-GABRIEL, Le conjoint successible : un héritier comme les autres ?, JCP N 2003. 1215 ;
C. JUBAULT, L'exercice de l'usufruit ab intestat du conjoint survivant [le retour de la masse d'exercice],
Dr. fam. 2003. Chron. 24 ; A. BOITELLE, Les droits légaux en usufruit du conjoint survivant : sur quels
biens ?, JCP N 2003. 1435). La considération exclusive des biens existants comme masse d'exercice de
l'usufruit en écarte certainement toute donation entre vifs faite par le défunt, bien que rapportable à la
succession pour avoir été faite en avancement de part successorale (C. civ., art. 843). Il en est de même
pour les donations de biens présents faites au conjoint survivant. Outre qu'elles ne sont pas rapportables,
elles ne peuvent être comprises comme faisant partie des biens existants. Une exception devrait
cependant être admise en cas de révocation de ces donations entre époux (C. civ., art. 1096, réd.
L. 23 juin 2006).

330. L'interrogation est plus grande à propos des biens, objets de libéralités à cause de mort et réalisées
sur les biens laissés par le défunt, legs, donation de biens à venir entre époux, institution contractuelle
par contrat de mariage, ou pendant le mariage. Pour les legs dont la réalisation donne lieu à prélèvement
sur les biens laissés par le testateur, il ne s'agit plus de biens existants, le droit du légataire s'exerçant à
l'ouverture de la succession. Cependant, qu'en est-il si le legs fait à un successible est déclaré
rapportable ? (C. civ., art. 843, réd. L. 23 juin 2006). Même dans ce cas, la propriété du bien est
reconnue au légataire, et cela aussi dès l'ouverture de la succession. Il en serait autrement si le legs était
expressément limité à la nue-propriété. Par là même, l'usufruit du bien se trouverait maintenu dans les
biens laissés.

331. En ce qui concerne les biens objets de libéralités entre époux à cause de mort, l'exercice de
l'usufruit légal du conjoint survivant dépendra des règles qu'il conviendra de suivre pour la combinaison
des droits légaux avec les libéralités entre époux, dans la mesure de la quotité disponible spéciale entre
époux. Il ressort généralement de cette analyse que l'exercice de l'usufruit légal peut porter sur les biens
existants constituant la réserve, alors que l'exercice des droits du conjoint survivant en propriété ne peut
avoir lieu que sur la quotité disponible (V. infra, nos 339 et s.).

332. Exemple. - L'époux défunt laisse un patrimoine composé, liquidation faite, d'une part de
communauté évaluée à 200 000 €, et des biens propres pour une valeur de 300 000 €. Par ailleurs, il
avait consenti à l'un de ses enfants une donation, en avancement de part successorale, évaluée à son
décès à 240 000 €. Et aux termes de son testament il déclare vouloir léguer à un autre enfant une
somme de 100 000 €. La succession est dévolue à ses trois enfants issus de son mariage avec son épouse
qui lui survit et qui opte pour l'usufruit de la totalité des biens existants.
En application des principes précédemment dégagés en interprétation de l'article 757 du code civil,
la masse d'exercice des droits d'usufruit du conjoint sera de :
Biens existants :  
part de communauté : 200 000 €
biens propres : 300 000 €
Ensemble : 500 000 €
desquels il convient de déduire le legs qui y est prélevé, soit :  
100 000 €.

La masse d'exercice du droit d'usufruit du conjoint survivant est de 500 000 € - 100 000 € = 400 000 €.
Par ailleurs, la masse partageable, également, entre les trois enfants est de :

en nue-propriété : 400 000 €
en pleine propriété : 240 000 € (rapport de la donation)
   
revenant à chacun pour 1/3, soit : 133 333 €
en nue-propriété : 80 000 €
en pleine propriété :

L'exercice de l'usufruit conduira aux versements de soultes de l'héritier gratifié à ses cohéritiers, 80 000 €
pour chacun. Il pourrait en être autrement en cas de conversion de l'usufruit.

333. ß) Conversion de l'usufruit. - La loi du 3 décembre 2001 admet la conversion de l'usufruit légal du
conjoint survivant, suivant deux modalités différentes, l'une reprise du droit ancien mais réorganisée, la
conversion en rente viagère, l'autre nouvelle, la conversion en capital.

334. Conversion en rente viagère. - Cette possibilité de conversion de l'usufruit en rente viagère est
d'abord généralisée à tout usufruit du conjoint survivant sur la succession, qu'il soit légal, ou qu'il résulte
de libéralités, selon les modalités de la quotité disponible entre époux (C. civ., art. 1094-1). En effet, aux
termes du nouvel article 759 du code civil, « tout usufruit appartenant au conjoint sur les biens du
prédécédé, qu'il résulte de la loi, d'un testament, ou d'une donation de biens à venir, donne ouverture à
une faculté de conversion en rente viagère… ». Ce qui a conduit par ailleurs à l'abrogation de l'ancien
article 1094-2 du code civil, dont l'économie principale se retrouve dans le texte nouveau. Cette faculté
doit être comprise comme d'ordre public successoral puisque selon l'article 759-1, « la faculté de
conversion n'est pas susceptible de renonciation. Les cohéritiers ne peuvent en être privés par la volonté
du prédécédé ».

335. Désormais, la conversion de l'usufruit peut être l'objet de « la demande de l'un des héritiers nus-
propriétaires, ou du conjoint successible lui-même ». La nouveauté apparaît pour ce dernier. Un tel
élargissement est bienvenu. Que l'héritier nu-propriétaire ait intérêt à cette conversion pour retrouver la
pleine propriété des biens afin d'en disposer librement a toujours paru considérable. Mais l'intérêt du
conjoint peut aussi être dans ce sens, eu égard à la consistance composite du patrimoine par exemple,
n'étant pas toujours en mesure de poursuivre une gestion avisée et diligente, dont il aurait cependant à
rendre compte.

336. La conversion de l'usufruit en rente viagère peut naturellement être convenue entre les intéressés,
s'entendant complètement, par hypothèse, sur son montant, les modalités de versement, comme les
garanties de celui-ci. En tous les cas du genre, la convention devrait être formalisée. « À défaut d'accord
entre les parties, la demande de conversion est soumise au juge. Elle peut être introduite jusqu'au
partage définitif » (C. civ., art. 760, al. 1er). Le juge saisi dispose d'un pouvoir d'appréciation quant à
l'opportunité circonstanciée de la conversion. En conséquence d'une réponse positive, le juge doit
pourvoir précisément à la mise en œuvre de la conversion dans tous ses éléments essentiels  : déterminer
le montant de la rente, les sûretés que devront fournir les cohéritiers débiteurs, ainsi que le type
d'indexation propre à maintenir l'équivalence initiale de la rente à l'usufruit. Ce qui suppose en premier
lieu la mesure totale et exacte de la rentabilité des biens, objets du droit d'usufruit, et, en second lieu,
des choix adaptés pour conserver in futurum l'équivalence économique de la rente à l'usufruit.

337. Une limite incontournable est reprise de l'ancien article 1094-2 du code civil, tout à fait conforme à
la reconnaissance par ailleurs d'un droit d'habitation et d'usage sur le logement occupé par le conjoint
survivant : « Toutefois, le juge ne peut ordonner contre la volonté du conjoint la conversion de l'usufruit
portant sur le logement qu'il occupe à titre de résidence principale, ainsi que sur le mobilier le
garnissant ». L'accord du conjoint usufruitier permettra que la conversion en rente viagère englobe
l'usufruit portant sur le logement, là encore en conformité avec ce qui est prévu pour la conversion en
rente viagère du droit viager d'habitation et d'usage (C. civ., art. 766).

338. Conversion en capital. - La conversion de l'usufruit légal du conjoint survivant, comme d'ailleurs
l'usufruit résultant de libéralités entre époux, en capital ne peut avoir lieu que «  par accord entre les
héritiers et le conjoint » (C. civ., art. 761). En cas d'opposition entre eux, le juge n'a pas ici compétence
pour arbitrer le conflit (en ce sens pour l'usufruit légal ancien, en dernier lieu  : Civ. 1re, 20 nov. 2001,
no 00-10.136  , Bull. civ. I, no 287, JCP 2002. I. 178, no 5, obs. Le Guidec, RJPF 2002-1/43, obs.
Delmas Saint-Hilaire, Dr. fam. 2002. Comm. 11, obs. Beignier). En la matière, la difficulté résidera sans
doute le plus souvent dans l'évaluation de l'usufruit. À cet égard, il est intéressant de relever le nouveau
barème d'évaluation de l'usufruit et de la nue-propriété établi par la loi de finances pour 2004 (CGI,
art. 669). Son application, même si elle n'est pas obligatoire sur le plan civil, devrait contribuer à la
formation de l'accord exigé en la matière. Que ce soit la conversion en rente viagère ou en capital, «  la
conversion est comprise dans les opérations de partage. Elle ne produit pas d'effet rétroactif, sauf
stipulation contraire des parties » (C. civ., art. 762). La précision est de bon sens. La conversion n'opère
et ne donne lieu à évaluation de l'usufruit qu'au moment où elle est convenue ou accordée par le juge. Ce
qui évite justement de comptabiliser l'usufruit exercé jusque-là.
b. - Exercice des droits en propriété

339. Comme pour le droit en usufruit, la loi du 3 décembre 2001 détermine particulièrement l'exercice
des droits successoraux en propriété dévolus au conjoint survivant. Pour ce faire, la méthode à suivre, au
regard de la succession, est double, suivant les dispositions de l'article 758-5 du code civil, reproduisant,
à ce titre, les dispositions de l'ancien article 767 pour l'exercice des droits d'usufruit légal du conjoint
survivant. Ainsi, il y a lieu de distinguer le calcul des droits en propriété, pour en déterminer la valeur, et
la masse d'exercice sur laquelle ces droits peuvent être réalisés.

340. a) Calcul des droits en propriété. - Aux termes de l'article 758-5, alinéa 1 er, « le calcul du droit en
toute propriété du conjoint prévu aux articles 757 et 757-1 sera opéré sur une masse faite de tous les
biens existant au décès de son époux auxquels seront réunis fictivement ceux dont il aurait disposé soit
par actes entre vifs, soit par acte testamentaire au profit de successibles, sans dispense de rapport  ». Se
trouve ainsi constituée pour le calcul la masse partageable pour la succession ab intestat.

341. Biens existant au décès. - À ce titre, premier élément de la masse de calcul, doit être considéré le
patrimoine de l'époux défunt à la date du décès. On y comprendra l'ensemble des biens revenant et
composant la succession : les biens propres du défunt et la part de communauté selon le régime
matrimonial applicable, celle-ci, le cas échéant, déduction faite des récompenses qui peuvent être dues
par la succession. Cet ensemble doit être établi en valeur nette, donc déduction faite de toutes les dettes
à la charge de la succession. Parmi elles, figurera, en particulier, la valeur du droit temporaire
d'habitation et d'usage attribué dans tous les cas au conjoint survivant, en application, impérative, de
l'article 763 du code civil (V. infra, nos 353 et s.), cette valeur pouvant correspondre à la jouissance
gratuite du logement pendant un an quand ce droit s'exerce en nature sur un bien dépendant totalement
ou partiellement de la succession, ou au montant des loyers de l'année que doit rembourser la succession
à l'époux survivant locataire. De ces biens existant au décès, évalués à cette date, doivent être soustraits
les biens légués revenant aux légataires désignés, dans la mesure où ces legs n'ont pas été déclarés
rapportables (C. civ., art. 843).

342. Biens donnés ou légués rapportables. - Pour composer totalement la masse de calcul des droits en
propriété, aux biens existant au décès, tels qu'ils ont été définis précédemment, doivent être réunies
fictivement en valeur au jour du décès les libéralités rapportables, donc faites par le défunt à des
successibles. Les biens donnés, sous toutes formes, sont présumés donnés « en avancement de part
successorale » (C. civ., art. 843, réd. L. 23 juin 2006), sauf déclaration expresse de donation faite hors
part successorale, la valeur à considérer étant celle du bien donné à l'époque du partage, d'après son état
à l'époque de la donation (C. civ., art. 860, réd. L. 23 juin 2006). Éventuellement, il y a lieu de considérer
la valeur du bien au jour de son aliénation par le donataire, ou encore cette valeur doit être recherchée
sur celle du bien qui a été subrogé au bien donné originairement. Au contraire, les biens légués, prélevés
sur les biens existant au décès, sont présumés être attribués aux légataires hors part successorale
(anciennement par préciput). Ils ne seraient donc à considérer au titre de cette masse de calcul que dans
la mesure où le testateur avait, néanmoins, déclaré le bien légué rapportable (attribution en nature au
légataire successible, et maintien de l'égalité en valeur).

343. Exemple. - L'époux défunt laisse trois enfants, dont l'un deux issu d'une précédente union, son
conjoint, le mariage ayant donné lieu à l'application du régime de communauté légale. Au décès, les
biens propres sont évalués à 300 000 € comprenant l'immeuble dans lequel les époux avaient leur
résidence principale ; la part de communauté s'élève en valeur à 200 000 €, la succession étant
débitrice d'une récompense à la communauté d'un montant de 50 000 €. En outre, le défunt avait
consenti à son enfant de la précédente union une donation, en avancement de part successorale, dont
la valeur au décès est de 150 000 €. Par ailleurs, il avait établi un testament, aux termes duquel il
lègue à un enfant de la seconde union un bien d'une valeur de 40 000 €. Les héritiers conviennent
que la valeur du droit temporaire d'habitation et d'usage, dont bénéficie le conjoint survivant, s'élève
à 10 000 €. La masse de calcul du droit de propriété du conjoint survivant est de :
Biens existants :  
biens propres : 300 000 €
part de communauté : 200 000 €
Total : 500 000 €
desquels il y a lieu de déduire :  
récompense : 50 000 €
droit temporaire : 10 000 €
Ensemble : 60 000 €
Valeur nette : 440 000 €
sur laquelle est prélevé le legs : 40 000 €
Total : 400 000 €
auxquels s'ajoute la valeur de la donation rapportable :  
Total : 150 000 €
550 000 €.

Le droit de propriété de 1/4 dévolu au conjoint survivant est de : 550 000 € x 1/4 = 137 500 €. Si le legs
avait été déclaré rapportable, la masse de calcul aurait été de : 440 000 € + 150 000 € = 590 000 €,
dont 1/4 est de 147 500 €.

344. ß) Masse d'exercice du droit de propriété. - Aux termes de l'article 758-5, alinéa 2, du code civil,
« le conjoint ne pourra exercer son droit que sur les biens dont le prédécédé n'aura disposé ni par acte
entre vifs, ni par acte testamentaire, et sans préjudicier aux droits de réserve ni aux droits de retour  ». Il
en résulte que la masse d'exercice, sur laquelle seulement peut se réaliser le droit de propriété du
conjoint (1/4, 1/2, 3/4, tout), peut se réduire sensiblement par rapport à la masse de calcul. Le fait qu'il
ne puisse pas exercer ses droits en propriété sur les biens donnés ou les biens légués est justifié, sinon il
y aurait révocabilité des libéralités. De même, l'exclusion des biens, objets d'un droit de retour, est
logique puisque ces biens ne font plus partie de la succession ordinaire dont il s'agit. L'exclusion de la
partie de succession constituant la réserve héréditaire s'explique également par la considération
constante que le conjoint survivant n'est pas lui-même héritier réservataire (sauf le cas quelque peu
exceptionnel de l'art. 914-1 c. civ.). Ainsi, dans l'hypothèse, fréquente, où le conjoint se trouve en
présence d'héritiers réservataires, l'exercice de son droit de propriété se trouvera limité à la quotité
disponible de la succession, dans la mesure encore où les libéralités faites par le défunt qui sont
imputables ne l'épuisent pas.

345. Exemple. - Reprenant l'exemple précédent pour illustrer le calcul du droit de propriété du quart
dévolu au conjoint, il y a lieu de déterminer les parts de réserve et de quotité disponible. La masse
de calcul de la réserve (3/4) et de la quotité disponible est de :
Biens existants :  
biens propres : 300 000 €
part de communauté : 200 000 €
Total : 500 000 €
desquels il y a lieu de déduire :  
récompense : 50 000 €
droit temporaire : 10 000 €
Ensemble : 60 000 €
Valeur nette : 440 000 €
auxquels est réunie fictivement la valeur  
de la donation : 150 000 € 
Ensemble : 590 000 €
dont la réserve de 3/4 est de : 442 500 €
la part individuelle de réserve est de : 147 500 €
et la quotité disponible de 1/4 est de : 147 500 €

L'imputation de la donation faite à l'enfant de la première union (150 000 €), en avancement de part


successorale, se fait d'abord sur la part de réserve de l'héritier gratifié (147 500 €) et subsidiairement sur
la quotité disponible (C. civ., art. 864) pour l'excédent (2 500 €), dont il reste : 147 500 € - 2 500 € =
145 000 €. En second lieu, le legs de 40 000 €, hors part successorale, doit être imputé sur le disponible
restant (C. civ., art. 865), l'assiette d'exercice du droit de propriété du conjoint (137 500 €) se réduisant
à : 145 000 € - 40 000 € = 105 000 €. C'est dans cette mesure seulement que le droit de propriété du
conjoint pourra s'exercer.
3° - Droits successoraux légaux du conjoint survivant et libéralités entre époux

346. Parallèlement à la dévolution légale de la succession au conjoint survivant, dont la nature et le


montant des droits ont été décrits précédemment, des libéralités peuvent lui avoir été faites par ailleurs,
avant ou après l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001 (1er juill. 2002), par les moyens usuels
en la matière : donations de biens à venir, testament. Le conjoint survivant se voit ainsi attribuer des
droits successoraux par la loi, mais aussi peut y prétendre au titre des libéralités dont il bénéficie. Il
apparaît ainsi quelque peu doublement héritier, légalement d'une part, et pour avoir été institué d'autre
part. De la sorte, il y a certainement lieu de combiner ces droits successoraux d'origines différentes. La
question ainsi posée est diversement résolue par les auteurs, commentant la loi du 3 décembre 2001 et
l'interprétant sur ce point particulier (sur cette question, particulièrement S. FERRÉ-ANDRÉ, Des droits
supplétifs et impératifs du conjoint survivant dans la loi du 3 décembre 2001 [analyse raisonnée de
quelques difficultés], Defrénois 2002. 863 ; J. HAUSER et Ph. DELMAS SAINT-HILAIRE, Vive les libéralités
entre époux, Defrénois 2003. 3 ; Les quotités disponibles et la loi du 3 décembre 2001, Defrénois
2003. 739 ; A. BOITELLE, L'articulation des droits légaux avec les droits conventionnels du conjoint
survivant, JCP N 2003. 1243 ; L'option du conjoint survivant, JCP N 2003. 1560 ; P. CATALA, J.-Cl. Civil
Code, Art. 756-767, fasc. 10 préc. ; M.-C. FORGEARD, R. CRÔNE et B. GELOT, La réforme des
successions. Loi du 3 décembre 2001, op. cit., nos 54 et s. ; C. JUBAULT, Combinaison et cumul des
libéralités entre époux avec la vocation successorale ab intestat du conjoint survivant, Defrénois
2004. 81 ; S. PRIGENT, Les limites de la quotité disponible entre époux : réponse ministérielle du 3 mars
2003, Dr. fam. 2003. Chron. 33).

347. Anciennement, cette question était envisagée par la loi énonçant un principe de non-cumul du droit
légal d'usufruit et des libéralités entre époux. Selon l'ancien article 767 du code civil, alinéa 6, « il cessera
de l'exercer dans le cas où il aurait reçu du défunt des libéralités, même faites par préciput et hors part,
dont le montant atteindrait celui des droits que la précédente loi lui attribue et si ce montant était
inférieur, il ne pourrait réclamer que le complément de son usufruit ». Le silence remarqué du législateur
sur ce point peut être diversement compris, alors que pour autant, il n'a pas du tout modifié les modalités
de quotité disponible entre époux (C. civ., art. 1094-1). Peut-on, en conséquence, ajouter aux droits
légaux les droits déduits de la quotité disponible par ailleurs attribuée au conjoint. Le problème sera
surtout sensible dans certaines hypothèses, telle que par exemple le concours entre un enfant commun et
le conjoint survivant, attributaire de la quotité disponible, à son choix. En suivant la possibilité de cumul,
le conjoint pourrait opter pour la quotité disponible en propriété, soit, en l'occurrence, la moitié de la
succession, et par ailleurs aussi opter pour l'usufruit de la totalité des biens existants (art.  757). Il
recevrait ainsi au total la moitié de la succession en propriété et la moitié en usufruit, la réserve de
l'enfant se limitant à une moitié en nue-propriété. Pareillement, en présence de deux enfants communs, il
recevrait, selon le même choix double, un tiers de la succession en propriété et les deux tiers en usufruit.
À chaque fois, il y a débordement de la quotité disponible entre époux.

348. Cette possibilité est pour le moins discutable. Le fait que la loi nouvelle n'ait pas reproduit la règle
ancienne du non-cumul n'autorise pas certainement à admettre le cumul. Si telle avait été la volonté du
législateur, très favorable au conjoint survivant, logiquement la modification de la quotité disponible entre
époux aurait dû en résulter. Il est d'ailleurs bien établi que la loi nouvelle n'a envisagé, pour la refondre,
que la dévolution ab intestat qui s'accomplit dans le cas où il n'y a pas de volonté exprimée pour
transmettre au conjoint survivant. C'est dans ce sens que doit être comprise la réponse ministérielle du
3 mars 2003 préconisant sans ambiguïté le principe du non-cumul entre droits légaux et quotité
disponible entre époux : « Toutefois, par souci de protection des père et mère et des enfants du conjoint
prédécédé, héritiers réservataires, le code civil détermine une fraction maximale des biens qui peuvent
être ainsi transmis au conjoint survivant ». À vrai dire, la combinaison des droits légaux et de la quotité
disponible doit être faite généralement par imputation de ces droits légaux sur la quotité disponible entre
époux, cette quotité étant toujours considérée comme l'étendue maximale de ce que le conjoint peut
recevoir, en conjuguant ses titres au regard de la succession. Par exemple, le conjoint survivant se trouve
en présence d'enfants, dont l'un d'eux est issu d'une précédente union, et par ailleurs attributaire par
libéralités de la quotité entre époux, le laissant libre de choisir la modalité qui lui convient, 1/4 en
propriété d'un côté, et par ailleurs par exemple, 1/4 en propriété et 3/4 en usufruit, ou la totalité en
usufruit. Il combine ainsi son droit légal, 1/4 en propriété avec la quotité, dans l'une ou l'autre de ses
modalités.

349. Le problème subsistera quand la libéralité faite au conjoint détermine expressément et


exclusivement la nature et l'étendue des droits qui lui sont transmis, ainsi par exemple la totalité de la
succession en usufruit alors qu'il se trouve en présence d'enfants qui ne sont pas tous communs. Le
cumul du droit légal en propriété pour 1/4 et l'attribution de la quotité en usufruit lui permettrait
finalement de recueillir 1/4 en propriété et 3/4 en usufruit. Cette possibilité est douteuse, car elle
contrevient ainsi à la volonté déclarée du disposant. En acceptant la quotité en usufruit (donation ou
legs), il doit être compris comme renonçant au droit légal en propriété. À l'inverse, s'il choisit de ne pas
opter pour la libéralité, il doit être admis comme conservant le droit légal, à moins que l'époux disposant
l'ait expressément écarté, le conjoint n'étant pas héritier réservataire.
350. Au fond, il y a lieu de toujours combiner droits légaux et quotité entre époux, la quotité entre
époux, quelle qu'en soit la modalité, demeurant le maximum que peut recevoir le conjoint, à moins que
cette quotité ait été préalablement déterminée et déclarée exclusive. Une telle méthode de combinaison
semble être respectueuse à la fois de la loi, tout entière, droits légaux et quotité entre époux, et de la
volonté déclarée qui, pour les droits du conjoint, demeure déterminante.
B. - Des droits spécifiques sur la succession

351. Présentation. - Deux droits spécifiques sont aussi attribués au conjoint successible sur la succession
par la loi du 3 décembre 2001. Le premier, nouveau, peut être qualifié de droit au logement ; le second,
quelque peu reproduit de l'ancienne législation, est le droit à pension, à la charge de la succession.
1° - Des droits au logement

352. Dualité. - Ce qui est ainsi nommé le droit au logement se décompose en deux prérogatives
différentes pour le conjoint survivant, dont la nature juridique, et par conséquent les effets sur la
succession, sont aussi différents : un droit temporaire d'habitation et d'usage ayant pour objet le
logement occupé et le mobilier qui le garnit, dépendant de la succession, et un droit viager d'habitation et
d'usage que le conjoint peut demander. Il dispose ainsi de moyens particuliers pour pouvoir conserver
son cadre de vie après le décès, le législateur répondant ainsi à une préoccupation constante, depuis de
nombreuses années, formulée dans les projets de réforme antérieurs à la loi du 3  décembre 2001. Le
premier, d'effet immédiat au décès, est d'application absolue dans les conditions énoncées ; le second est
moins garanti, s'inscrivant de manière spéciale dans les droits successoraux du conjoint survivant
(B. BEIGNIER, La loi du 3 décembre 2001 : achèvement du statut du logement familial, Dr. fam. 2002.
Chron. 5 ; P. CATALA, J.-Cl. Civil Code, Art. 756-767, fasc. 10 préc. ; M. GRIMALDI, art. préc. ;
N. LEVILLAIN, Le droit au logement temporaire du conjoint survivant, JCP N 2002. 1440 ; Le droit viager
au logement du conjoint survivant, JCP N 2003. 1043 ; F. VAUVILLÉ, Les droits au logement du conjoint
survivant, Defrenois 2002. 1277 ; F. SAUVAGE, Le logement de la veuve, Dr. et patr. 2003, n o 111,
p. 32 ; A. BOITELLE, Droit au logement du conjoint survivant et donation entre époux : jusqu'où aller ?,
JCP N 2003. 1638 ; J.-P. GARÇON, Le droit au logement du conjoint survivant en cas de détention
indirecte de la résidence principale, JCP N 2002. 1042 ; S. PIEDELIÈVRE, Droit au logement du conjoint
survivant, Mélanges Decottignies, 2003, PU Grenoble, p. 269 et s. ; M. MONTEILET-GEFFROY,
L'attribution préférentielle du logement conjugal, JCP N 2002. 1649).
a. - Droit temporaire d'habitation et d'usage

353. Aux termes de l'article 763 du code civil : « si, à l'époque du décès, le conjoint successible occupe
effectivement, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant
totalement de la succession, il a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement,
ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit. Si son habitation était assurée au moyen
d'un bail à loyer “ou d'un logement appartenant pour partie indivise au défunt, les loyers ou l'indemnité
d'occupation” (L. no 2066-728, 23 juin 2006, art. 29-25o, en vigueur le 1 er janv. 2007) lui en seront
remboursés par la succession pendant l'année, au fur et à mesure de leur acquittement. Les droits prévus
au présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits successoraux. Le présent article est
d'ordre public ». Ce texte a été rendu applicable pour les successions ouvertes à partir de la publication
de la loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001 au Journal officiel, soit le 4 décembre 2001 (L., art. 25-II,
1o). Ce droit temporaire d'habitation et d'usage remplace l'ancien « gain de survie » pour les frais
d'alimentation, de deuil pendant les neuf mois suivant la dissolution du mariage, à la charge de la
communauté de biens, l'ancien article 1451 du code civil l'énonçant, étant, par conséquent, abrogé (L.,
art. 15).

354. Bénéficiaire. - Il s'agit du « conjoint successible », selon la définition qu'en donne l'article 732 du
code civil (réd. L. no 2006-728 du 23 juin 2006, en vigueur le 1 er janv. 2007), non divorcé. A cet égard,
la loi du 23 juin 2006 a supprimé l'exigence selon laquelle il ne devait pas y avoir contre le conjoint
survivant un « jugement de séparation de corps ayant force de chose jugée ». Il importe peu qu'il soit par
ailleurs exhérédé, directement ou indirectement, le titre étant nécessaire et suffisant, quel que soit
l'émolument effectivement reçu par ailleurs dans la succession. De même, semble-t-il, la renonciation à la
succession ne le prive pas de ce droit temporaire d'habitation et d'usage, bien que l'héritier renonçant est
censé n'avoir jamais été héritier (C. civ., art. 785). Malgré tout, la qualité de successible demeure. De
plus, il s'agit d'un effet direct du mariage et non d'un droit successoral (art. 763, al. 3).

355. Objet. - Le droit temporaire a pour objet le logement et le mobilier qui le garnit dans la mesure où il
est occupé effectivement par le conjoint successible à l'époque du décès et à titre d'habitation principale,
ce logement, et le mobilier, appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession. Selon
l'ordre des conditions énoncées, il y a exigence d'une occupation effective, le conjoint successible y ayant
réellement sa résidence, qui ne serait plus vérifiée en cas de séparation de fait par exemple. La résidence
principale se distingue de la résidence secondaire, s'agissant essentiellement du domicile habituel. En cas
de résidences alternées, une appréciation circonstanciée devra être faite. Dans tous les cas, logement et
mobilier doivent être des éléments de la succession, en tout ou en partie. Il peut s'agir ainsi de biens
propres ou personnels au défunt selon le régime matrimonial applicable, ou de biens communs, ou encore
indivis, cas dans lesquels l'objet du droit temporaire est limité à la part des biens en cause dépendant de
la succession. Au-delà de la formule légale adaptée en matière de propriété, la question demeure posée
en cas de détention indirecte du logement, la propriété étant celle d'une société civile immobilière par
exemple (V. J.-P. GARÇON, JCP N 2002. 1402). Dépendent alors de la succession les parts sociales et non
le bien lui-même. Selon la finalité bien comprise de la loi, il pourrait y avoir application du texte aux droits
pour lesquels le logement est établi, à titre de résidence principale.

356. Nature. - Le droit temporaire est essentiellement un droit de jouissance gratuite pendant une
période d'une année à compter du décès, droit pour le conjoint de demeurer dans les lieux sans rien
devoir. C'est ce qui explique que si l'habitation est assurée par le moyen d'un bail à loyer, les loyers
seront remboursés par la succession au conjoint, pendant l'année et au fur et à mesure de leur
acquittement. Le droit de jouissance gratuite étant subordonné à une occupation effective, doit s'éteindre
en cas de changement de résidence au cours de l'année, sauf, peut-être, convention contraire.
Juridiquement, le droit temporaire d'habitation et d'usage apparaît ainsi comme un droit de créance sur la
succession, strictement personnel au conjoint successible. Il se réalise par l'occupation du logement,
continuée pendant la période d'une année. Cette analyse est corroborée par l'affirmation légale qui
caractérise aussi le droit temporaire selon laquelle, il est réputé effet direct du mariage et non droit
successoral. En conséquence, il n'y a pas lieu d'imputer le droit temporaire sur les droits successoraux
établis par ailleurs, en propriété ou en usufruit. Précisément, ceux-ci sont déterminés en tenant compte
de la jouissance gratuite pendant une année.

357. Caractère d'ordre public. - Le droit temporaire constitue une protection minimale du conjoint au
décès, quant à son cadre de vie. Aucune disposition du défunt ne pourrait l'en priver, dans la mesure où
les conditions de son exercice sont remplies.
b. - Droit viager d'habitation et d'usage

358. Dans la même perspective du maintien et de la continuation du cadre de vie, la loi du 3 décembre
2001 reconnaît au conjoint successible la possibilité de demander, au titre de ses droits de succession, un
droit viager d'habitation et d'usage portant sur le logement et le mobilier, qu'il occupe à titre d'habitation
principale au moment du décès. Ce droit n'est cependant pas absolument garanti. Dans l'hypothèse de
son obtention, la nature successorale du droit doit être mise en œuvre pour le règlement de la
succession, le régime de son exercice étant aussi précisé particulièrement, en application des dispositions
des articles 764 à 766 du code civil.
Actualisation
358. Pension alimentaire du conjoint survivant. Prescription de l'action. - Les dispositions de l'article 767
du code civil – selon lesquelles, en cas d'indivision, le délai d'un an imparti au conjoint successible pour
réclamer une pension à la succession de l'époux prédécédé se prolonge jusqu'à l'achèvement du partage
– ne s'appliquent que si le conjoint successible a des droits dans l'indivision (Civ. 1re, 26 janv. 2011,
no 09-71.840  , Bull. civ. I, no 73. – Sur ce mécanisme, V. Obligation alimentaire).

359. Bénéficiaire. - Il s'agit ici aussi pour ce droit viager du conjoint successible, sa qualité devant être
vérifiée dans les conditions générales de l'article 732 du code civil. Il doit venir effectivement à la
succession, le droit viager étant de nature successorale, à la différence du droit temporaire. En cas de
renonciation, ou encore d'indignité, le conjoint, quoique successible, ne pourrait plus se prévaloir de cette
prérogative, la demande éventuelle n'étant plus fondée.

360. Objet. - L'article 764 instituant le principe de ce droit viager d'habitation et d'usage reproduit à
l'identique la disposition de l'article 763 pour définir l'objet : le logement occupé effectivement par le
conjoint successible, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, ce logement appartenant aux
époux ou dépendant totalement de la succession, le droit d'habitation étant complété par un droit d'usage
sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant. En cas de logement établi au moyen d'un bail à
loyer, aux termes de l'article 765-2, « le conjoint successible qui, à l'époque du décès, occupait
effectivement les lieux à titre d'habitation principale bénéficie du droit d'usage sur le mobilier, compris
dans la succession, le garnissant ». Ce qui implique par ailleurs la continuation du bail, ou éventuellement
son renouvellement, au profit du conjoint survivant successible. Il devrait en être ainsi dans la plupart des
cas. Dans l'hypothèse du bail servant au logement de la famille, l'article 1751 du code civil énonce le
principe de cotitularité pour les époux à l'égard de ce bail, l'alinéa 3 énonçant désormais (L. no 2001-1135
du 3 déc. 2001, art. 14) : « En cas de décès d'un des époux, le conjoint survivant cotitulaire du bail
dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément ». D'autre part, aux termes de
l'article 14 de la loi n o 89-462 du 6 juillet 1989, « lors du décès du locataire, le contrat de location est
transféré [L. no 2001-1135 du 3 déc. 2001, art. 14] : au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des
dispositions de l'article 1751 du code civil ».
Actualisation
360. Détermination du lot soumis au droit d'habitation viager. - Ne peut être valablement accueillie la
demande du conjoint survivant d'exercer son droit viager d'habitation de l'article 764 du code civil sur un
lot de copropriété indépendant du lot effectivement occupé à titre d'habitation principale dès lors qu'est
démontrée l'absence de tout rapport de principal à accessoire entre les lots. En l'espèce, les lots litigieux,
dépendant totalement de la succession, étaient distincts et seul le rez-de-chaussée était effectivement
occupé à titre d'habitation principale par le défunt et son épouse à l'époque du décès tandis que l'autre
lot, constitutif d'un studio indépendant et non attenant, qui n'est nullement l'accessoire du logement du
rez-de-chaussée, était investi, du vivant du défunt, par la fille de la veuve et son compagnon (Civ.  1re,
25 sept. 2013, no 12-21.569  , Dalloz actualité, 14 oct. 2013, obs. Le Rudulier).

361. Exclusion. - Le droit viager d'habitation et d'usage n'est pas d'ordre public, la loi du 3  décembre
2001 n'en ayant pas fait un droit de réserve pour le conjoint survivant. Il peut être exclu, comme l'admet
l'article 764 du code civil, « sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article
971 ». Afin de rendre cette exclusion exceptionnelle, la loi exige l'établissement d'un testament
authentique (C. civ., art. 971), dans lequel la volonté d'exclusion devra être expressément et
spécialement exprimée. Un tel formalisme exigé signifiera sans doute une altération profonde de la
relation conjugale. La volonté d'exhérédation du conjoint exprimée autrement, directement au moyen
d'un testament olographe par exemple, ou indirectement du fait de libéralités consenties à d'autres
personnes, ne serait pas suffisante pour autant. À défaut de testament authentique déclarant
spécialement cette exclusion, le legs des biens constituant le logement et le mobilier ne pourrait être
délivré que grevé de ce droit viager d'habitation et d'usage que le conjoint pourrait demander et obtenir.
Bien entendu, il en serait de même si le legs de ces mêmes biens était établi en nue-propriété seulement.
362. Pour limiter encore le risque d'exclusion, l'article 764, alinéa 2, du code civil énonce : « La privation
de ces droits d'habitation et d'usage exprimée par le défunt dans les conditions mentionnées au premier
alinéa est sans incidence sur les droits d'usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou d'une
libéralité qui continuent d'obéir à leurs règles propres ». L'exercice du droit d'usufruit sur la succession
serait maintenu dans la mesure où, malgré l'exclusion déclarée, le conjoint ne serait pas par ailleurs
exhérédé, et que la quotité disponible en usufruit lui serait encore attribuable. A priori, une telle situation
sera rarement constatée. Est-ce à dire qu'au titre de l'usufruit, le conjoint pourrait ainsi retrouver la
jouissance des biens en cause ? Normalement non car, à cause du testament authentique, il y aura
réduction de l'assiette de l'exercice du droit d'usufruit.

363. Demande. - L'attribution au conjoint du droit viager d'habitation et d'usage n'est pas de plein droit.
Évidemment, elle peut être convenue au sein de la cohérie. Dans tous les cas, selon l'article 765-1 du
code civil, « le conjoint dispose d'un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces
droits d'habitation et d'usage », période pendant laquelle il bénéficie toujours du droit temporaire. Il est
probable que le conjoint signifiera sa décision rapidement, bénéficiant cependant de ce délai de réflexion
dont il ne peut être privé.

364. Évaluation et imputation. - Le droit viager d'habitation et d'usage étant de nature successorale, il y
a lieu de l'évaluer et de l'imputer sur les droits successoraux du conjoint successible, comme le précise
l'article 765 du code civil. Au demeurant, la loi ne précise pas le mode d'évaluation. Seulement, pour la
liquidation des droits de mutation à titre gratuit, l'article 8 de la loi n o 2001-1135 du 3 décembre 2001
énonce que la valeur du droit d'habitation et d'usage est de 60 % de la valeur de l'usufruit déterminée
conformément au I de l'article 762 du code général des impôts. Ce dernier texte a été abrogé par la loi
no 2003-1311 du 30 décembre 2003 portant loi de finances pour 2004, l'évaluation de l'usufruit et de la
nue-propriété résultant désormais du nouvel article 669 du code général des impôts.

365. Plus réaliste et mieux adapté à la moyenne d'espérance de vie, il pourra être convenu d'en faire
application pour la détermination de la valeur du droit viager d'habitation et d'usage. En toute hypothèse,
la convention des intéressés est libre en la matière. En conséquence de cette imputation, « si la valeur
des droits d'habitation et d'usage est inférieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint peut
prendre le complément sur les biens existants » (C. civ., art. 765, al. 2). Mais aux termes de l'alinéa 3,
« si la valeur des droits d'habitation et d'usage est supérieure à celle de ses droits successoraux, le
conjoint n'est pas tenu de récompenser la succession à raison de l'excédent ». Dans ce cas, il s'agit alors
d'une charge de la succession grevant l'actif successoral partageable par ailleurs. Il en sera ainsi
particulièrement toutes les fois que ce droit d'habitation et d'usage subsistera alors que l'exercice des
droits successoraux théoriquement dévolus au conjoint est remis en cause du fait des libéralités
consenties par l'époux défunt à d'autres personnes et portant sur les biens existants.

366. Régime. - Dans l'ensemble, le droit viager d'habitation et d'usage du conjoint s'exerce dans les
conditions prévues aux articles 627, 631, 634 et 635 du code civil (C. civ., art 764, al. 3) : jouissance en
« bon père de famille », incessibilité, obligation aux réparations d'entretien… Et en conséquence, « le
conjoint, les autres héritiers ou l'un d'eux peuvent exiger qu'il soit dressé un inventaire des meubles et un
état de l'immeuble soumis aux droits d'usage et d'habitation » (C. civ., art. 764, al. 4). Cependant, aux
termes de l'alinéa 5 de l'article 764, « par dérogation aux articles 631 et 634, lorsque la situation du
conjoint fait que le logement grevé du droit d'habitation n'est plus adapté à ses besoins, le conjoint ou
son représentant peut le louer à usage autre que commercial ou agricole afin de dégager les ressources
nécessaires à de nouvelles conditions d'hébergement ». Cette heureuse possibilité d'adaptation n'est pas
subordonnée à l'agrément préalable des héritiers.

367. Conversion. - Comme pour l'usufruit (V. supra, nos 333 et s.), l'article 766 permet la conversion, qui
ne peut résulter que d'une convention : « Le conjoint successible et les héritiers peuvent, par convention,
convertir les droits d'habitation et d'usage en une rente viagère ou en capital. S'il est parmi les
successibles parties à la convention un mineur ou un majeur protégé, la convention doit être autorisée
par le juge des tutelles ».
2° - Du droit à pension

368. La loi du 3 décembre 2001 a reproduit dans le nouvel article 767 du code civil les dispositions de
l'ancien article 207-1, désormais abrogé, pour établir le droit à pension du conjoint successible à la
charge de la succession. Il s'agit de l'exécution du devoir de secours entre époux, qui se trouve ainsi
continué. Ce qui suppose un état de besoin dans lequel se trouve le conjoint, et donc antérieur à
l'ouverture de la succession (Colmar, 16 avr. 1964, JCP 1964. IV. 123). C'est ce qui explique que « le
délai pour la réclamer est d'un an à partir du décès ou du moment où les héritiers cessent d'acquitter les
prestations qu'ils fournissaient auparavant au conjoint. Le délai se prolonge, en cas d'indivision, jusqu'à
l'achèvement du partage » (C. civ., art. 767, al. 1er). Le droit à pension dont peut ainsi se prévaloir le
conjoint successible est une créance alimentaire à la charge de la succession  : « La pension est prélevée
sur l'hérédité. Elle est supportée par tous les héritiers et, en cas d'insuffisance, par tous les légataires
particuliers, proportionnellement à leur émolument. Toutefois, si le défunt a expressément déclaré que tel
legs sera acquitté de préférence aux autres, il sera fait application de l'article 927  » (C. civ., art. 767).
Ainsi, la dette alimentaire est limitée aux forces de la succession et, en principe, ne saurait être mise à la
charge personnelle des héritiers (Civ. 1re, 9 mars 1994, Bull. civ. I, no 88, D. 1995. Somm. 44, 1re esp.,
obs. Grimaldi  , Defrénois 1994. 1437, obs. Massip). Par ailleurs, s'agissant de la continuation du devoir
de secours entre époux, elle est considérée comme indépendante des fautes du conjoint (Civ.  1re,
17 janv. 1995, no 92-21.599  , Bull. civ. I, no 30, D. 1995. Somm. 329, obs. Grimaldi  , JCP 1995. II.
22407 note Bénabent, et 1995. I. 3876, n o 3, obs. Le Guidec, RTD civ. 1995. 404, obs. Patarin, p. 348,
obs. Hauser, et 1996. 458, obs. Vareille, Defrénois 1995. 1022, obs. Massip ; C. TOURNIER, La place de
la faute du conjoint survivant au regard de ses droits successoraux ou alimentaires, LPA 5  févr. 2003,
no 26, p. 4 et s.). Le droit à pension du conjoint successible, reconduit de la sorte, était d'une application
limitée auparavant. Il ne devrait pas connaître de nouvelle amplitude, compte tenu des nouveaux droits
sur la succession, sauf son exhérédation toujours à craindre.
Art. 3 - État, successeur irrégulier

369. Visant, en ce qui concerne la saisine, les héritiers désignés par la loi, ainsi que les légataires et
donataires universels, l'article 724 in fine, du code civil dispose qu'à défaut de ces personnes, « la
succession est acquise à l'État, qui doit se faire envoyer en possession ». Il n'y a là qu'un rappel du
principe déjà posé par l'article 539 du code civil (réd. L. no 2004-809 du 13 août 2004), énonçant que
« les biens des personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les successions sont abandonnées
appartiennent à l'État » (rappr. CGPPP, art. L. 1122-1). L'État peut ainsi venir à la succession d'une
personne décédée, encore qu'il faille certainement le considérer comme un successeur irrégulier. On
observera que l'absence d'héritier s'entend notamment comme visant l'absence de conjoint survivant, ce
dernier constituant aujourd'hui, indiscutablement, un héritier comme les autres. Cette analyse était
d'ailleurs acquise dès l'ordonnance n o 58-1307 du 23 décembre 1958 (sur le droit de l'État, V. M.
GRIMALDI, Succession, 6e éd., 2001, Litec, nos 233 et s. ; H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4,
2e vol., nos 825 et s. ; Ph. MALAURIE, op. cit., nos 125 et s. ; F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, op. cit., nos 212
et s. ; thèses : L. DELOUME, L'État considéré comme successeur aux biens, Toulouse, 1897 ;
P. GANTILLON, L'État successeur, Lyon, 1910 ; J. de GEORGIS, L'État héritier, formalités à remplir pour
l'envoi en possession, droits et obligations de l'État héritier, Paris, 1912 ; R. CASSIN, La Conception des
droits de l'État en matière successorale dans les projets du Code civil suisse, Paris, 1914  ; M. DAILLANT,
De la déshérence par suite de la limitation du droit de succession en ligne collatérale, Dijon, 1921  ;
E. RAMBOURG, La déshérence, Paris, 1922 ; J. CHEVALIER, L'évolution des droits de l'État dans les
successions et la question de l'héritage, Grenoble, 1925 ; J. MAS, Les Diverses conceptions juridiques des
droits de l'État en matière successorale depuis le Code civil, Bordeaux, 1928  ; AUBERTIN, Paris, 1929 ;
F. PETITEAU, L'État héritier, Dijon, 1929 ; R. SANGLIER, Étude historique et critique des droit
successoraux de l'État, Montpellier, 1936 ; L. de MONTIGNY, Les droits de l'état en matière successorale,
Caen, 1937 ; J. GOSSE, De la vocation héréditaire de l'État, Grenoble, 1941 ; V. M. H., Nature du droit de
l'État sur les successions en déshérence, JCP N 1993. 388 ; C. LESGUILLIER, Successions non réclamées,
vacantes ou en déshérence : que faire ?, JCP N 2001. 796).

370. La loi distingue la succession en déshérence de la succession abandonnée, l'une et l'autre devant
revenir à l'État (C. civ., art. 811). Techniquement, sont dites en déshérence les successions attribuées à
l'État à défaut de parents, de conjoint et d'héritier testamentaire ou contractuel connus. Par héritier
contractuel, il faut précisément entendre les légataires ou donataires universels, de même que les
légataires ou donataires à titre universel ou particulier. Encore convient-il de préciser que l'exhérédation
de tous ses héritiers légaux par le de cujus peut pareillement conduire à constater une situation de
déshérence. L'hypothèse d'une succession abandonnée doit également être considérée (C. civ.,
art. 539) : elle suppose que tous les héritiers du défunt ont renoncé à la succession. Il est important de
souligner que le règlement de ces successions a été profondément rénové par la loi du 23  juin 2006, les
règles nouvelles étant désormais énoncées aux articles 811 à 811-3 du code civil.

371. Bien entendu, les droits de l'État en matière successorale ne se bornent pas à l'acquisition des
successions en déshérence : l'ouverture d'une succession pouvant, en dépit d'un allègement récent et
considérable de la fiscalité successorale (sur l'évolution législative récente en matière fiscale, R. LE
GUIDEC, Loi TEPA et transmission : incidences de la nouvelle fiscalité sur les techniques civiles de
transmission, art. préc.), être l'occasion de perceptions fiscales (V. en général sur la dimension fiscale de
la succession, G. CHABOT, thèse préc.).
§ 1 - Nature du droit de l'État

372. Il était admis au XIXe siècle que le droit de l'État sur les successions en déshérence n'était qu'une
application du droit général qui lui était reconnu sur les biens vacants et sans maître (C.  civ., art. 713). À
l'appui de cette opinion, on invoquait l'histoire et les textes du code civil  : sous notre Ancien Régime, la
faculté de recueillir les successions en déshérence avait appartenu aux seigneurs hauts justiciers, avant
d'avoir été réclamée à titre exclusif par le roi ; quant au code civil de 1804, son article 539 attribuait à
l'État, par la même phrase, tous les biens vacants et sans maître, et ceux des personnes qui décèdent
sans héritiers.

373. Mais, au début du XXe siècle, une théorie nouvelle fut proposée, selon laquelle l'État avait un droit
de succession véritable, analogue à celui des autres successeurs légaux, comportant le même fondement
et devant obéir aux mêmes règles (A. COLIN, note DP 1902. 2. 177 ; L. JOSSERAND, Cours de droit civil
positif français, 2e éd., 1933, Sirey, t. 3, no 786). On fit valoir que l'État recueillait, en vertu de l'article
724 in fine, une universalité de biens, et non des biens isolés, indépendants de tout passif, que l'État
auquel une personne appartenait occupait une place dans les affections de celle-ci, un peu comme les
membres de sa propre famille, que l'idée de souveraineté, si elle pouvait à la rigueur expliquer le droit
concédé à l'État lui-même, était incompatible avec la dévolution des successions en déshérence à certains
établissements publics parfois substitués à l'État.

374. Cette argumentation ne semble pas décisive. La théorie qui voit dans l'État un héritier véritable est
législativement défendable, mais elle n'a jamais été celle du droit français. Les rédacteurs du code civil
voyaient dans la succession un moyen de transmettre la propriété d'un individu à un autre, non de la faire
passer à l'État ; c'est pourquoi l'État ne vient qu'à défaut de tout héritier. Cette analyse est aujourd'hui
tacitement confortée par les dispositions de l'article 539 du code civil, issu de la loi du 13  août 2004, qui
énonce que « les biens des personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les successions sont
abandonnées appartiennent à l'État ». Force est en effet de constater que le droit de l'État n'est ainsi
nullement présenté comme étant fondé sur une quelconque qualité d'héritier (V. en ce sens :
F. SAUVAGE, Successions. Dévolution. Indivision. Partage. Fiscalité, 2007, Delmas, n o 564). Toute la
doctrine contemporaine considère aujourd'hui le droit reconnu à l'État comme un droit de souveraineté, et
non comme un véritable droit de succession (C. AUBRY et C. RAU, op. cit., t. 9, § 606 ter, texte et note
2 ; M. PLANIOL et G. RIPERT, op. cit., t. 4, no 155 ; M. GRIMALDI, Succession, 2001, op. cit., no 235 ; H.,
L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, t. 4, 2e vol., no 826 ; Ph. MALAURIE, op. cit., no 125 ; F. SAUVAGE, op.
et loc. cit. ; M. H., Nature du droit de l'État sur les successions en déshérence, JCP N 1993. 388).

375. Il reste que la jurisprudence fut longtemps indécise sur cette question. Certains arrêts de cours
d'appel s'étaient prononcés pour la reconnaissance à l'État d'un véritable droit successoral (Paris, 14 févr.
1890, DP 1891. 2. 273 ; 13 déc. 1901, DP 1902. 2. 177, note A. Colin ; Rouen, 22 mars 1918, DP
1920. 2. 70). Mais la Cour de cassation, quoique semblant plutôt favorable à la même opinion, s'est
refusée pendant une longue période à prendre formellement parti (Req. 5 déc. 1923, DP 1924. 1. 39 ;
Civ. 20 juill. 1926, DH 1926. 435 ; Req. 20 juill. 1943, JCP 1943. II. 2450, note Voirin).

376. Lorsqu'elle s'y est décidée, elle a tout d'abord affirmé que « l'État recueille les successions, à défaut
d'héritiers, par droit de déshérence » (Civ. 3 mars 1965, D. 1965. 428, note J. Mazeaud, RTD civ.
1965. 681, obs. R. Savatier ; adde : Civ. 11 mars 1968, D. 1968. 541, note Voirin). C'était là une
manière de décider que le droit de l'État est un attribut de sa souveraineté. Plus nettement encore, la
Cour de cassation a énoncé que « l'article 539 du code civil [dans sa rédaction antérieure à la loi n o 2004-
809 du 13 août 2004] n'établit aucune distinction entre les biens vacants et sans maître et ceux des
personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les successions sont abandonnées, ces deux catégories de
biens appartenant au domaine public ; que c'est en vertu de sa souveraineté que l'État recueille les biens
d'une succession en déshérence, l'envoi en possession qu'il est tenu de demander ayant pour effet de lui
conférer la saisine, mais non la qualité d'héritier » (Civ. 1re, 6 avr. 1994, Bull. civ. I, no 146,
D. 1994. 505, note F. Boulanger  , D. 1995. Somm. 45, obs. Grimaldi  , JCP 1995. I. 3876, no 1, obs.
Le Guidec, RTD civ. 1994. 652, obs. Patarin). Les dispositions précitées du nouvel article 539 du code civil
semblent aujourd'hui lever toute ambiguïté.

377. La question, ainsi tranchée en faveur de la reconnaissance d'un droit de pure souveraineté, présente
divers intérêts pratiques. Au premier chef, si un individu a exhérédé tous ses héritiers, ses biens doivent
être recueillis par l'État, puisque celui-ci n'est pas un véritable héritier (Civ. 3 mars 1965 et 11 mars
1968, préc.). Si, au contraire, on considérait l'État comme un héritier véritable, on devrait tenir
l'exhérédation pour nulle en tant qu'elle rend les biens intransmissibles, et attribuer ces biens au
successible le plus proche. En revanche, lorsque le défunt a seulement déclaré exhéréder sa famille, cette
exhérédation ne porte aucune atteinte au droit de l'État, de quelque façon que celui-ci soit qualifié (Paris,
13 déc. 1901, et Rouen, 22 mars 1918, Req. 5 déc. 1923 et 20 juill. 1943, préc.).

378. Dans le même esprit, si un étranger décède en France sans héritiers, sa succession doit être
attribuée à l'État français, puisque c'est lui qui exerce la souveraineté en France (Paris, 15 nov. 1833, Jur.
gén., Vo Succession, no 391 ; T. civ. Bordeaux, 12 févr. 1852, DP 1854. 2. 154 ; Req. 28 juin 1852, DP
1852. 1. 283 ; Aix, 19 déc. 1906, DP 1907. 2. 364). En revanche, s'il s'agissait d'un droit fondé sur les
affections présumées du défunt, la succession devrait aller à l'État dont le défunt était le national.

379. Enfin, si le de cujus avait souscrit de son vivant un contrat d'assurance-vie, l'avènement du décès
devrait interdire l'attribution du capital-décès à l'État, puisque celui-ci n'a pas la qualité d'héritier du
défunt, au sens de la désignation du bénéficiaire du contrat d'assurance-vie. On doit certainement réputer
caduque (comp. M. GRIMALDI, Successions, op. cit., no 236, note 466) la solution proposée par une
jurisprudence ancienne qui condamnait une compagnie d'assurances à verser à l'État le montant du
capital-décès, motif pris de ce « que l'État, assimilé à l'enfant naturel et au conjoint survivant en ce qui
concerne le droit successoral [devait] être compris parmi les héritiers qui, aux termes de la police, sont
appelés à profiter de l'assurance » (Paris,14 févr.1890, préc.).
§ 2 - Exercice du droit de l'État

380. Le droit de l'État sur les successions s'exerce dans deux hypothèses, déjà évoquées : la déshérence
ou l'abandon (C. civ., art. 811 ; V. supra, no 370). Il n'en demeure pas moins que les règles qui régissent
l'exercice, par l'État, de son droit de souveraineté ne diffèrent pas véritablement selon que la succession
est en déshérence ou se trouve abandonnée.

381. Il arrivera cependant que l'exercice, par l'État, de son droit se heurte à une situation équivoque. Tel
sera le cas en cas de silence prolongé des héritiers connus, s'abstenant d'exercer l'option successorale.
Depuis la loi du 23 juin 2006, de telles circonstances autorisent les tiers, notamment héritiers
subséquents, à exercer une action dite interrogatoire, dont la finalité est d'amener l'héritier de premier
rang, taisant, à prendre parti sur la succession à lui échue (C. civ., art. 771 ; V. Succession
[2o transmission]). On sait que l'héritier ne peut être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de
quatre mois à compter de l'ouverture de la succession (art. 771, al. 1er). À l'expiration de ce délai, il peut
cependant être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti. Cette action interrogatoire est réservée
à plusieurs tiers intéressés que la loi désigne limitativement. Elle est notamment ouverte à l'État (C.  civ.,
art. 771, al. 2).

382. Sur un plan général et hors le cas d'un héritier taisant, les circonstances dans lesquelles l'État peut
être appelé à recueillir une succession sont, le plus souvent, empreintes d'incertitude. Dans les cas où il
apparaît que la succession est actuellement et véritablement en déshérence, l'État peut immédiatement
demander à être envoyé en possession, formalité lui permettant l'exercice concret de son droit de
souveraineté (C. civ., art. 811 ; V. Succession [2o transmission] ; V. ég. Envoi en possession). Toutefois,
la situation n'est pas toujours aussi simple. Il arrivera que l'éventuelle dévolution des biens successoraux
à l'État soit précédée d'une période dite de vacance de la succession (C. civ., art. 809 s.). La vacance
successorale a été profondément réformée par la loi du 23 juin 2006 (V. Succession [2o transmission]).

383. Dans le cas d'une succession en déshérence ou abandonnée, l'envoi en possession doit être
demandé par l'État auprès du tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession (C.  civ.,
art. 811 ; C. pr. civ., art. 1354). Le tribunal ne peut statuer sur l'envoi en possession avant l'expiration
d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession (C. pr. civ., art. 1354, al. 3). Il le fera
sur avis du ministère public quatre mois après la parution, à l'initiative de l'Administration du Domaine,
d'un avis dans un journal d'annonces légales de l'arrondissement du lieu d'ouverture de la succession
(C. pr. civ., art. 1354, al. 3).

384. L'Administration chargée du Domaine devra ensuite faire établir un inventaire estimatif, article par
article, de l'actif et du passif de la succession (C. civ., art. 811-1 et 809-2). Il sera dressé par un
commissaire-priseur judiciaire, un huissier, un notaire ou un fonctionnaire assermenté appartenant à
l'Administration chargée du domaine. Encore faut-il préciser qu'un tel inventaire n'aura pas à être établi
lorsqu'il l'aura été précédemment à raison d'une éventuelle procédure de vacance relative à la succession
(V. Succession [2o transmission]). À défaut d'accomplissement de ces formalités, il est important
d'observer que la responsabilité de l'État pourrait être engagée, la loi ayant prévu que, le cas échéant, ce
dernier peut être condamné à des dommages-intérêts envers les héritiers, s'il s'en présente (C.  civ.,
art. 811-3).

385. Substantiellement, lorsque l'État est appelé à recueillir une succession, il a bien entendu vocation à
l'universalité de celle-ci. À ce titre, il recueille donc l'ensemble de l'actif successoral. Il a droit aux fruits à
compter du jour de l'ouverture de la succession (Civ. 20 juill. 1926, DH 1926. 435, S. 1926. 1. 199, RTD
civ. 1926. 1075, obs. R. Savatier).
386. La loi prévoit que la déshérence de la succession prenne fin « en cas d'acceptation de la succession
par un héritier » (C. civ., art. 811-2), réservant ainsi le cas d'une découverte tardive d'un héritier légal. Il
n'en reste pas moins qu'une telle situation est largement hypothétique.
Section 2 - Successions anomales

387. Unité de la succession et successions dites anomales. - Traditionnellement, l'admission, en droit


français, de successions dites anomales était perçue comme dérogatoire au principe de l'unité de la
succession. On se rappelle en effet que, d'après l'article 732 ancien du code civil, abrogé par la loi du
3 décembre 2001, « la loi ne considère ni la nature ni l'origine des biens pour en régler la succession  »,
signifiant que la succession tout entière est dévolue en une seule masse conformément aux mêmes règles
(sur l'abrogation du principe de l'unité de la succession, V. supra, no 173). Or, très tôt, la loi a dérogé au
principe d'unité en déférant certains biens de façon particulière, compte tenu de leur nature ou de leur
origine, ces biens faisant alors l'objet d'une succession dite anomale. Ainsi, érigée à titre de dérogation
d'un principe théorique bien circonscrit, la succession anomale fait figure, aujourd'hui encore, de
qualification idoine pour des cas divers, voire hétérogènes, de dévolution successorale qui s'écartent, peu
ou prou, des schémas du droit commun. Précisément, c'est une diversité des figures de dévolution qui
caractérise, depuis longtemps, la notion de succession anomale, tandis que les réformes du droit
contemporain persistent à susciter le débat autour de l'émergence de nouveaux cas de successions
anomales.

388. Diversité des successions anomales. - Notre droit connaît et a connu un assez grand nombre de
successions anomales, dont l'existence fut consacrée le plus souvent par la loi (L. KORMOS, Les
dévolutions successorales particulières dans le droit français actuel, thèse, Paris, 1930), y compris en
dehors du code civil. Précisément, le code civil de 1804 prévoyait différents cas de successions anomales,
qui présentaient de nombreux points communs. Tous supposaient qu'une personne succède à des biens
qu'elle-même, ses ascendants ou son conjoint ont gratuitement remis au défunt : les biens font donc
retour à la personne de l'ascendant ou du conjoint de laquelle ils proviennent. On qualifie pour ce motif
cette forme de succession anomale de droit de retour, et l'on parle de retour légal pour opposer ce droit
successoral au retour conventionnel, clause particulière de résolution qui peut être insérée dans une
donation (C. civ., art. 951 ; V. Donation). Ainsi, le code civil de 1804 affirmait l'existence de tels droits au
profit, d'une part, de l'ascendant donateur (C. civ., anc. art. 747, réd. 1804), et d'autre part, des frères et
sœurs légitimes de l'enfant naturel (C. civ., anc. art. 766, réd. 1804). L'ancien article 747 disposait :
« Les ascendants succèdent, à l'exclusion de tous autres, aux choses par eux données à leurs enfants ou
descendants décédés sans postérité, lorsque les objets donnés se retrouvent en nature dans la
succession ». De son côté, l'ancien article 766 prévoyait qu'en cas de décès d'un enfant naturel, qui ne
laissait ni ascendants ni descendants, un droit de retour légal était reconnu à ses frères et sœurs
légitimes, exclus de sa succession, ledit droit de retour ayant pour objet les biens soit recueillis dans la
succession de l'auteur commun, soit reçus par libéralité du même auteur. C'est la loi du 3  janvier 1972
qui a supprimé ces droits de retour.

389. Renouveau contemporain de la succession anomale. - Il est remarquable que la législation


contemporaine manifeste un certain engouement pour le mécanisme du droit de retour, marquant par là
même un regain d'intérêt pour les successions anomales (V. en général, F. CHAVANAT, Le droit de retour,
une pratique oubliée, RLDC 2008/55.3232, p. 51). C'est la loi du 3 décembre 2001 qui est dernièrement
venue renouer avec le droit de retour légal dont le champ avait été considérablement amoindri par l'effet
de la loi du 3 janvier 1972. Ainsi, la loi du 3 décembre 2001 a-t-elle créé, de toutes pièces, un nouveau
droit de retour, dans l'hypothèse où le conjoint survivant se trouve en concours avec les collatéraux
privilégiés du défunt (C. civ., art. 757-3). Il faut y voir indiscutablement la consécration d'une nouvelle
succession anomale, qui prendra pour objet les biens reçus par succession ou donation par le défunt
lorsque ces biens se retrouvent en nature dans sa succession (V. sur ce droit de retour, infra, nos 392
et s.). Plus encore, la loi du 23 juin 2006 a créé un droit de retour légal au profit des père et mère
donateurs (C. civ., art. 738-2), rappelant singulièrement l'ancien droit de retour dont jouissait, avant la
loi du 3 janvier 1972, l'ascendant donateur. Ces divers droits de retour, constitutifs de véritables cas de
succession anomale, s'ajoutent aux autres cas de successions anomales qui, de longue date, prennent
source dans des lois extérieures au code civil ou dans la jurisprudence.

390. Il ne saurait être question de faire ici l'étude exhaustive des droits particuliers ci-dessus évoqués.
On s'en tiendra principalement aux cas les plus importants de successions anomales qui sont les droits de
retour aujourd'hui prévus par le code civil. Puis on présentera divers cas de successions anomales qui
n'empruntent nullement la configuration d'un droit de retour.
Art. 1 - Successions anomales constitutives d'un droit de retour

391. Traditionnellement, on constatait que, dans le cas où l'adopté simple décédait sans postérité, sa
succession se trouvait dévolue par la mise en œuvre d'un droit de retour légal (V. infra, no 406 et s.). La
doctrine s'accordait à y voir l'expression d'une véritable succession anomale. Plus récemment, le
législateur du 3 décembre 2001 est venu instaurer un droit de retour légal en cas de concours entre
conjoint survivant et collatéraux privilégiés (C. civ., art. 757-3). Enfin, la loi du 23 juin 2006 a créé un
droit de retour légal au bénéfice des père et mère donateurs (C. civ., art. 738-2). Chacun de ces droits de
retour, constitutifs de véritables successions anomales, doit ici être présenté.
§ 1 - Droit de retour légal des père et mère donateurs

392. Le droit de retour légal des père et mère donateurs est une innovation de la loi du 23  juin 2006.
Fondé sur les dispositions de l'article 738-2 du code civil, ce droit a manifestement pour raison d'être la
suppression, par le législateur de 2006, de la réserve héréditaire des père et mère. Sans doute cette
démarche législative peut-elle être contestée dans son opportunité : il est en effet singulier qu'un droit de
retour légal, dont l'objet est par nature étroit, puisse avoir été conçu, en quelque manière que ce soit,
comme une compensation à la perte de la qualité de réservataire de ses bénéficiaires. La tendance est
cependant clairement amorcée depuis la loi du 3 décembre 2001 en faveur de la création de droits
« quasi réservataires », fondés sur des mécanismes dérogatoires de la dévolution légale.
Actualisation
392 s. Qualification du droit de retour des père et mère. - Lorsqu'un enfant bénéficiaire de ses père et
mère décède sans postérité, le droit de retour institué au profit de ces derniers doit s'exercer sur les biens
que le de cujus avait reçus d'eux par donation. Ce droit de retour étant de nature successorale, il ne peut
y être renoncé avant l'ouverture de la succession (Civ. 1re, 21 oct. 2015, no 14-21.337  , Dalloz
actualité, 29 oct. 2015, obs. Mésa).

393. Le droit de retour légal n'est offert aux père et mère donateurs qu'à des conditions naturellement
strictes. En premier lieu, l'ouverture de ce droit suppose que le de cujus ait été gratifié au moyen d'une
donation entre vifs par son père ou sa mère (C. civ., art. 738-2, al. 1er). Peu importe alors l'objet, la
forme ou les caractères d'une telle donation, une donation-partage devant être pareillement considérée.
En second lieu, le de cujus doit être décédé sans postérité (C. civ., art. 738-2, al. 1er). L'existence d'un ou
plusieurs descendants du défunt exclurait ainsi fort logiquement le jeu du droit de retour légal au profit
des père et mère donateurs. Le fait que le de cujus laisse à sa survivance un conjoint survivant fait
cependant difficulté. Littéralement, l'article 738-2 exige seulement que le de cujus décède sans postérité.
Toutefois, sans doute ne faut-il pas négliger le fait que cette disposition légale prend place au sein de la
section du code civil relative aux « droits des parents en l'absence de conjoint successible ». Certes, on
observera avec justesse que l'objet et la teneur de l'article 738-2 excluent sans doute qu'il s'intègre à la
section relative aux « droits du conjoint successible ». Une interprétation stricte de l'article 738-2, d'après
sa lettre et son contexte, justifie cependant que l'on s'en tienne à l'ouverture du droit de retour légal au
seul cas où le défunt ne laisse ni postérité, ni conjoint successible (contra : F. SAUVAGE, op. cit., no 575).

394. Encore convient-il de s'interroger sur l'éventualité d'un conflit entre le droit de retour légal ouvert
aux père et mère donateurs (C. civ., art. 738-2) et la stipulation d'un droit de retour conventionnel dans
le cas d'une donation consentie par les père et mère (C. civ., art.  951 et 952) à leur enfant prédécédé. En
vérité, un tel conflit sera aisément résolu puisque le droit de retour conventionnel emporte un effet
résolutoire à l'égard de la libéralité consentie. Par l'effet du retour conventionnel, la donation est
rétroactivement anéantie (C. civ., art. 952).

395. Quant à ses effets, le droit de retour légal des père et mère est marqué par un particularisme qui
n'est pas sans altérer la qualification juridique de ce droit. Sans doute, la loi admet-elle que ce droit
puisse s'exercer en nature, pour autant que le bien donné ait bien été conservé par le défunt jusqu'à son
décès. Cependant, il est singulier qu'en cas de non-conservation du bien donné, l'article 738-2 in fine du
code civil tolère l'exercice en valeur du droit de retour légal. Rappelons en effet qu'il est de l'essence d'un
droit de retour légal de s'exercer en nature seulement, conformément à la fonction qu'il est
traditionnellement censé remplir : c'est-à-dire la conservation des biens dans les familles.

396. Il faut encore préciser que le droit de retour légal de l'article 738-2 ne produit effet qu'à
« concurrence des quotes-parts fixées au premier alinéa de l'article 738 » (C. civ., art. 738-2, al. 1er).
Concrètement, ce renvoi aux dispositions de l'article 738, alinéa 1 er, du code civil impose une restriction
de l'étendue du retour légal. C'est donc seulement à concurrence de la vocation légale d'un quart pour
chacun des père et mère que pourra s'opérer le retour légal. En cela, l'étendue du retour légal n'apparaît
point intégrale, puisqu'elle demeure bornée à proportion des droits successoraux légaux des père et
mère.

397. Plus techniquement, le traitement successoral du droit de retour de l'article 738-2 donne lieu à
l'imputation sur les droits successoraux des père et mère de « la valeur de la portion des biens soumise
au droit de retour » (C. civ., art. 738-2, al. 2). Il est donc légalement exclu que la valeur du retour légal
puisse être cumulée avec les droits successoraux légaux des père et mère.
§ 2 - Droit de retour légal en cas de concours entre conjoint survivant et collatéraux privilégiés

398. Suivant les dispositions du nouvel article 757-3 du code civil, issu de la loi du 3 décembre 2001 et
modifié par la loi du 23 juin 2006, « par dérogation à l'article 757-2, en cas de prédécès des père et
mère, les biens que le défunt avait reçus de ses ascendants par succession ou donation et qui se
retrouvent en nature dans la succession sont, en l'absence de descendants, dévolus pour moitié aux
frères et sœurs du défunt ou à leurs descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés
à l'origine de la transmission ». Inspiré par le souci d'assurer la conservation des biens dans les familles
et par la règle Paterna paternis, materna maternis, le législateur a ainsi créé un cas complexe de retour
légal, dont la singularité tient précisément à la situation de concours qu'il présuppose entre le conjoint
survivant et les collatéraux privilégiés du défunt (G. GOUBEAUX, article préc. ; V. aussi sur la question,
L. LEVENEUR, Pour le droit de retour de l'article 757-3 du code civil, avec quelques améliorations, Études
Ph. Simler, 2006, Litec-Dalloz, p. 184). Très classiquement, il faut y voir l'expression d'un cas de
succession anomale (V. déjà en ce sens : Rép. min. no 85443, JOAN Q 11 juill. 2006, p. 7371, RLDC
2006/33. 2324, p. 54, obs. G. Chabot).

399. Cette innovation procède d'un difficile compromis entre, d'une part, une idéologie favorable à la
primauté des liens d'alliance et, d'autre part, une idéologie fondée sur les liens du sang et la conservation
des biens dans les familles (sur l'opposition de ces conceptions : B. BEIGNIER, La loi du 3 décembre
2001 : le conjoint héritier, Dr. fam. 2002. Chron. 8). L'instabilité matrimoniale et la succession d'unions,
plus ou moins longues, peuvent en effet être mises en balance avec la proximité et la permanence des
liens qui résultent de la fraternité. Au reste, on reconnaîtra que ce débat n'est pas de ceux qui se peuvent
trancher par une disposition sans nuance mais, s'il faut opérer un choix de politique juridique, une telle
option suppose inévitablement une approche manichéenne. On comprendra alors qu'au stade de
l'élaboration du texte, un très net clivage ait pu s'instaurer entre les chambres du Parlement, l'Assemblée
nationale prônant la primauté du conjoint survivant (A. VIDALIES, JOAN CR 6 févr. 2001, p. 1110), tandis
que le Sénat souhaitait affirmer la primauté des liens du sang en faveur des collatéraux privilégiés
(P. GÉLARD, JO Sénat CR 21 juin 2001, p. 3413 ; J.-J. HYEST, ibid. 30 oct. 2001, p. 4468). Finalement,
c'est une « transaction sans gloire […] hâtivement scellée sur l'autel du bien de famille » (M. BEAUBRUN,
La loi du 3 décembre 2001 portant réforme du droit des successions, Defrénois 2003, art.  37655,
1re partie, no 20) qu'exprime le nouvel article 757-3, dont l'ambition est de ménager les droits du conjoint
survivant et ceux des collatéraux privilégiés.

400. On remarquera que l'hypothèse de dévolution ici postulée est expressément dérogatoire aux
dispositions de l'article 757-2 du code civil, selon lequel, « en l'absence d'enfants ou de descendants du
défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession ». Ainsi, c'est « par
dérogation à l'article 757-2 » que l'article 757-3 prescrit la mise en œuvre d'un droit de retour légal au
profit des frères et sœurs du défunt ou leurs descendants. Encore la loi nouvelle prend-elle soin de
réserver le jeu du droit de retour aux seuls collatéraux « eux-mêmes descendants du ou des parents
prédécédés à l'origine de la transmission » (C. civ., art. 757-3).

401. Quant à l'objet du retour légal, il faut rappeler que d'après la loi du 3 décembre 2001, la loi ne visait
que les biens que le défunt aurait reçus de ses père et mère, par succession ou donation. Cela traduisait
une conception restrictive des biens visés à l'article 757-3, car ne pouvaient pas être concernés par le
droit de retour les biens qui eussent été donnés ou légués au défunt par ses grands-parents, suivant la
technique, aujourd'hui encouragée, du « saut de génération ». La loi du 23 juin 2006, encourageant
spécialement ce type de transferts patrimoniaux à travers notamment les donations-partages
transgénérationnelles (V. spéc., R. LE GUIDEC, La donation-partage transgénérationnelle : pour une
nouvelle solidarité familiale, RLDC 2006/32. 2279), se devait de modifier sur ce point l'article 757-3. C'est
ainsi que ce texte vise aujourd'hui les biens que le défunt avait reçus, non pas seulement de ses père et
mère, mais plus largement « de ses ascendants ». S'agissant des donations, la forme importe peu, les
biens concernés pouvant indifféremment provenir d'une donation indirecte ou déguisée, ou d'un don
manuel : la seule limite tient alors à la preuve de l'acte libéral qui, désolennisé, pourrait demeurer
occulte, ce qui exclurait, par suite et d'évidence, tout exercice du droit de retour légal. Dans l'éventualité
où la libéralité consentie aurait été grevée de charge, il conviendrait de limiter le droit de retour au
montant de l'avantage purement gratuit reçu par le donataire (en ce sens  : S. ROBINNE, art. préc., spéc.
p. 28).

402. L'approche restrictive de l'objet du droit de retour s'illustre également dans le fait que l'exercice de
ce droit est subordonné à l'exigence que les biens concernés se retrouvent en nature dans la succession
du défunt. Or, cette exigence révèle que le législateur n'a pas entendu grever du droit de retour les biens
qui auraient pu être subrogés aux biens originaires, ni même conférer aucun droit au bénéficiaire du
retour légal sur le prix de l'aliénation desdits biens (V. sur ce point : S. PIEDELIÈVRE, Réflexions sur la
réforme des successions, Gaz. Pal. 2002. Doctr. 576, spéc. n o 23). Cette disposition, tout à fait
bienvenue, ne va pas de soi, car on sait que le droit de retour légal dont bénéficient les père et mère
donateurs, depuis la loi du 23 juin 2006, peut au contraire être exercé en valeur seulement (C. civ.,
art. 738-2, in fine). On observera à cette occasion que l'ancien droit de retour légal de l'ascendant
donateur prescrivait pareillement que les ascendants recueillent le prix de l'aliénation des biens objets du
droit de retour, et même qu'ils « succèdent à l'action en reprise que pouvait avoir le donataire » (C. civ.,
anc. art. 747, al. 2). Il est toutefois plus orthodoxe que le droit de retour de l'article 757-3 du code civil
ne soit possible qu'en nature. Cela est plus conforme à l'objectif de conservation des patrimoines
familiaux qui sous-tend, normalement, tout mécanisme de retour légal.

403. L'articulation des dispositions de l'article 757-3 avec celles qui gouvernent le droit à réserve du
conjoint survivant (C. civ., art. 914-1 et 916) fait encore difficulté. La doctrine propose d'examiner
l'hypothèse suivant laquelle, à défaut de descendant et d'ascendant, le de cujus laisse pour lui survivre
des collatéraux privilégiés ainsi qu'un conjoint survivant pourvu, selon la loi, d'une réserve d'un quart en
pleine propriété. Parallèlement, la quotité disponible des trois quarts en pleine propriété serait léguée à
un tiers. Dans l'éventualité où la succession du de cujus se composerait exclusivement de biens reçus par
succession ou donation et se retrouvant en nature, les collatéraux privilégiés ont une vocation
successorale de moitié sur ces biens, le conjoint en recueillant l'autre moitié. Toutefois, les collatéraux
privilégiés, qui ne sont pas pourvus de la qualité d'héritiers réservataires, sont évidemment exclus par le
légataire, soit à hauteur de l'intégralité de la quotité disponible. La difficulté est alors de savoir si l'article
757-3 impose la mise en œuvre du concours entre collatéraux privilégiés et conjoint survivant au titre de
la réserve du second. Sans doute peut-on pencher pour l'affirmative, ce qui conduit à relever que « le
collatéral privilégié, qui n'est pas réservataire, profite de la réserve du conjoint, sur laquelle il prélève sa
part » et qu'alors « le conjoint, censé être réservataire pour un quart, ne recueillera qu'un huitième de la
succession » (G. GOUBEAUX, article préc., no 14, p. 436). Au reste, une réponse ministérielle s'est très
justement appuyée sur la qualification de « succession particulière, distincte de la succession légale »
pour admettre que le droit de retour légal de l'article 757-3 ne pouvait être mis en échec par l'existence
de dispositions testamentaires contraires, tel un legs universel au profit du conjoint (Rép. min. n o 85443,
JOAN Q 11 juill. 2006, préc.). Sans doute fera-t-on observer qu'une telle hypothèse est fort différente de
celle d'abord envisagée, mais la solution retenue demeure éclairante. Le mécanisme de la succession
anomale exclut que les dispositions volontaires, relatives par nature à la seule succession légale, puissent
altérer l'effectivité du droit de retour légal de l'article 757-3. Une telle analyse peut, certes, sembler bien
rigoureuse, mais elle est théoriquement exacte. Sans doute, dans l'éventualité du cas extrême envisagé,
pourrait-on préférer faire prévaloir le respect de l'intégrité de la réserve du conjoint survivant et
neutraliser, en conséquence, le jeu du droit de retour légal. Compte tenu de la faiblesse de la quote-part
réservataire allouée au conjoint survivant (un quart en propriété), il faut certainement convenir que, bien
souvent, l'exercice du droit de retour portant sur certains biens successoraux ne portera nulle atteinte
aux droits de l'époux. Parce qu'elle est, par nature, impérative, l'ouverture du droit à réserve pourrait
ainsi, dans les cas marginaux où l'exercice du droit de retour entamera les droits du conjoint survivant,
justifier l'exclusion du droit de retour, les dispositions de l'article 757-3 n'étant point réputées d'ordre
public.

404. Il faut également s'interroger sur la combinaison du droit de retour de l'article 757-3 avec le droit
au logement du conjoint survivant. Il arrivera en effet que le logement protégé selon les règles issues de
la loi du 3 décembre 2001 (C. civ., art. 763 et 764) soit compris dans les biens objets du droit de retour
légal. Le conjoint survivant pourra-t-il alors bénéficier effectivement de son droit au logement  ? La
réponse est tout entière contenue dans la qualification même que l'on entend reconnaître au droit de
retour de l'article 757-3. Si l'on analyse ce droit de retour légal comme l'octroi d'un droit successoral
ordinaire aux frères et sœurs du défunt ou à leurs descendants, le droit au logement temporaire ou viager
doit assurément s'exercer. Tel est d'ailleurs la solution retenue par une récente réponse ministérielle
(Rép. min. no 104803, JOAN Q 14 nov. 2006, p. 11972, RLDC 2007/34, no 2377, p. 53, obs. Binet).
Pourtant, il ne fait guère de doute que le droit de retour légal de l'article 757-3 soit constitutif d'une
véritable succession anomale, ainsi que l'avait d'ailleurs affirmé la réponse ministérielle du 11 juillet 2006
(V. supra, no 403). Or, la dévolution des biens objets du droit de retour - parmi lesquels figure, selon
notre postulat, le logement protégé -, devrait alors s'opérer de manière totalement autonome par rapport
à la succession ordinaire (V. sur la succession, V. infra, no 415) : le droit au logement ne saurait, en
conséquence, s'exercer sur des biens qui, par l'effet de l'article 757-3, sont extérieurs à la dévolution de
la succession ordinaire. Tout au plus faudrait-il alors admettre le jeu du droit temporaire au logement, en
raison du caractère d'ordre public de ce droit (art. 763 ; V. en ce sens : A. TISSERAND, Question
pratique : consultation sur les conséquences patrimoniales du décès de deux époux, Defrénois 2004,
art. 37914, p. 498 et s., spéc., p. 507). On remarquera que la solution ne serait nullement modifiée si,
pour le droit au logement lui-même, on retenait la qualification de succession anomale (V.  pour la critique
d'une telle qualification, infra, no 415), l'imputation légale du droit au logement sur les droits
successoraux obligeant, du reste, à considérer ce droit au regard de la succession ordinaire (C. civ.,
art. 765).

405. Pareillement, la compatibilité du nouveau droit de retour avec l'avantage matrimonial dont
bénéficierait le conjoint survivant demeure incertaine. Il faut supposer que les biens reçus de ses père et
mère par l'époux prémourant et, comme tels, objets du droit de retour soient compris dans la
communauté universelle intégralement attribuée au conjoint survivant. Ainsi, on fait valoir que l'article
757-3 pourrait conduire à « faire exception au contrat de mariage et autoriser une nouvelle catégorie de
reprise des propres ou, ce qui paraît plus logique, estimer que [cela] équivaut à une exhérédation
implicite des frères et sœurs » (B. BEIGNIER, La loi du 3 décembre 2001 : le conjoint héritier, article
préc.). En vérité, plus radicalement, il faut concevoir que, par l'effet de la convention matrimoniale
envisagée, aucun bien visé par l'article 757-3 ne se retrouvera « en nature dans la succession », le
conjoint survivant n'exerçant aucun droit de succession (C. civ., art. 757-3). Par suite, toute relation
successorale est exclue entre le conjoint survivant et le défunt, s'agissant des biens qui seraient, par
hypothèse, compris dans la communauté universelle finalement attribuée au premier. Or, parce que le
conjoint survivant n'exerce pas alors un droit de succession, le concours visé par l'article 757-3 n'aura
pas lieu. Par voie de conséquence, l'avantage matrimonial ne vaut pas, précisément, exhérédation tacite
des collatéraux privilégiés ; il exclut, plus radicalement, l'application du droit de retour légal, faute de
relation successorale de nature à permettre un concours entre le conjoint survivant et les collatéraux
privilégiés ou leurs descendants. En revanche, on pourrait certainement conclure à une exhérédation
tacite dans l'hypothèse où une convention matrimoniale autoriserait l'époux survivant à effectuer le
prélèvement de certains biens reçus par succession ou donation par l'époux prémourant, effet devant être
donné à ladite convention, nonobstant les dispositions de l'article 757-3.
§ 3 - Droit de retour légal en matière d'adoption simple

406. Depuis 1804, le code civil reconnaît à l'adoptant et à ses descendants un droit de retour légal sur les
biens donnés par l'adoptant ou recueillis dans sa succession. Ce droit a été régi par toute une série de
textes successifs : l'article 351 du texte de 1804, l'article 358 du texte établi par la loi du 19 juin 1923
(DP 1923. 4. 257, comm. Rouast), l'article 357 du texte issu du décret-loi du 29 juillet 1939 (DP 1939. 4.
369), l'article 365 du texte résultant de l'ordonnance n o 58-1306 du 23 décembre 1958 (D. 1959. 110).
Le texte qui s'y applique aujourd'hui est l'article 368-1, alinéa 1 er, qui date de la loi n o 66-500 du
11 juillet 1966 (D. 1966. 329 ; V. sur la question, J. PRÉVAULT, Les droits successoraux résultant de
l'adoption depuis la loi du 11 juillet 1966, D. 1966. Chron. 173). Mais ce texte ne s'est pas borné à
reprendre, en le modifiant, le droit de retour légal de l'adoptant et de ses descendants  ; il l'a doublé d'un
autre droit de retour légal, calqué sur lui et attribué aux père et mère de l'adopté et à leurs descendants.
Il n'est pas inutile de noter que ni la loi du 3 janvier 1972, ni celle du 3 décembre 2001 n'ont porté
atteinte aux droits de retour prévus par l'article 368-1, alinéa 1 er. Tout au plus la loi du 23 juin 2006 a-t-
elle légèrement modifié les dispositions de l'article 368-1 du code civil, en particulier au titre des
conditions d'ouverture de ce droit de retour (V. infra, no 407 ; V. aussi sur la question, V. DAVID-
BALESTRIERO, La succession de l'adopté [adoption simple] après la loi du 23 juin 2006, Defrénois 2007,
art. 38630 ; V. Adoption).

407. L'article 368-1, alinéa 1er, du code civil, est conçu en ces termes : « Dans la succession de l'adopté,
à défaut de descendants et de conjoint survivant, les biens donnés par l'adoptant ou recueillis dans sa
succession retournent à l'adoptant ou à ses descendants, s'ils existent encore en nature lors du décès de
l'adopté, à charge de contribuer aux dettes et sous réserve des droits acquis par les tiers. Les biens que
l'adopté avait reçus à titre gratuit de ses père et mère retournent pareillement à ces derniers ou à leurs
descendants ». On observera que, depuis la loi du 23 juin 2006, entrée en vigueur le 1 er janvier 2007, le
droit de retour légal est ouvert lorsque l'adopté ne laisse ni descendants, ni conjoint survivant. Dans la
rédaction antérieure de ce texte, seule était requise l'absence de descendants. Par voie de conséquence,
le législateur de 2006 a modifié l'alinéa 2 de l'article 368-1 du code civil. Ledit alinéa énonçant que « le
surplus des biens de l'adopté se divise par moitié entre la famille d'origine et la famille de l'adoptant  », la
loi du 23 juin 2006 a abrogé la précision complémentaire selon laquelle cette division devait s'opérer
« sans préjudice des droits du conjoint sur l'ensemble de la succession ». Cette précision n'avait en effet
plus lieu d'être, alors que le droit de retour légal n'est admis qu'en l'absence de conjoint survivant.
Art. 2 - Successions anomales non constitutives d'un droit de retour

408. Généralités. - Si l'on fait abstraction du renouveau contemporain des droits de retour légaux
(V. supra, no 389), la plupart des cas de successions anomales ont été créés en dehors même du code
civil. La diversité des situations est extrême et dessine une casuistique exclusivement fondée sur la
spécificité des valeurs dont il s'agit d'assurer la dévolution successorale. Les cas ci-aprèsenvisagés
concernent aussi bien la propriété littéraire et artistique, les souvenirs de famille, les sépultures, que les
baux d'habitation. Au-delà, on peut également s'interroger sur l'application de la qualification de
succession anomale au droit au logement du conjoint survivant. Il reste que dans chacun des cas ci-
dessus énumérés, la notion de succession anomale est étrangère au mécanisme du droit de retour légal
(V. sur ce mécanisme, supra, nos 391 et s.).

409. Propriété littéraire et artistique. - Il en va ainsi du droit concédé au conjoint survivant de l'auteur
d'une œuvre de l'esprit sur le monopole d'exploitation (droit de reproduction et droit de représentation),
droit issu de l'article 24 de la loi n o 57-298 du 11 mars 1957, aujourd'hui codifié à l'article L. 123-6 du
code de la propriété intellectuelle (V. sur la question, P.-Y. GAUTIER, Propriété littéraire et artistique,
4e éd., 2001, PUF, nos 223 et s. ; C. CARON, La propriété littéraire et artistique et les successions ab
intestat, Defrénois 2001, art. 37404 ; C. ALLEAUME, Astérix à la Cour de cassation, ou l'usufruit spécial
du conjoint survivant sur le droit d'exploitation de l'auteur défunt, Dr. fam. 2001. Chron. 6). On
conviendra que la succession anomale, au sens propre du terme, n'ait alors pour objet que le droit
patrimonial que constitue le monopole d'exploitation, à l'exclusion du droit moral de l'auteur (CPI,
art. L. 121-2), car ce dernier est de nature extrapatrimoniale. Mais il est vrai que le droit moral suit les
règles d'une dévolution particulière, sinon anomale, d'après une logique similaire à celle qui régit le
monopole d'exploitation (V. retenant l'existence d'une succession anomale : C. CARON, art. préc.).
S'agissant du droit patrimonial, il faut souligner que l'article L. 123-6 précité ouvre au conjoint survivant
un droit d'usufruit spécial sur le monopole d'exploitation de l'œuvre.

410. Souvenirs de famille. - Le contentieux jurisprudentiel révèle également l'extension de la notion de


succession anomale à des hypothèses particulières, concernant spécialement les souvenirs de famille
(R. DEMOGUE, Les souvenirs de famille et leur condition juridique, RTD civ. 1928. 27 ; J.-F. BARBIÈRI,
Les souvenirs de famille : mythe ou réalité juridique ?, JCP 1984. I. 3156 ; M. REYNAUD-CHANON, Les
souvenirs de famille : une étape vers la reconnaissance de la personnalité morale de la famille, D.  1987.
Chron. 46). Une jurisprudence bien assise relève, en effet, que le caractère particulier des souvenirs de
famille, ayant une valeur essentiellement morale, permet de soustraire ces biens aux règles habituelles
de la dévolution successorale et des partages (V. spéc. Civ. 1re, 21 févr. 1978, D. 1978. 505, note Lindon,
JCP 1978. II. 18836, concl. Gulphe ; V. déjà Req. 14 mars 1939, DP 1940. 1. 9, note R. Savatier). La
qualification de souvenirs de famille étant admise par le juge (sur les difficultés de cette qualification,
V. not. Civ. 1re, 12 nov. 1998, Bull. civ. I, no 311, D. 1999. 624, note Robichez  , LPA 9 mars 1999,
note Barbièri, Dr. fam. 1999. Comm. 8, obs. Beignier), ce dernier pourra, souverainement (Civ. 1re,
29 nov. 1994, Bull. civ. I, no 354, RTD civ. 1995. 663, obs. Patarin), désigner celui des membres de la
famille qui est le plus qualifié pour se voir confier lesdits souvenirs, dont il s'agit précisément d'assurer la
perpétuation de leur possession par la famille. Il en résulte une dévolution atypique, dérogatoire aux
règles ordinaires de dévolution des actifs successoraux, ce qui caractérise la succession anomale.

411. Sépultures. - De longue date, il a été affirmé que le « droit réel immobilier de jouissance et d'usage
avec affectation spéciale et nominative » (R. SAVATIER, La transmission des sépultures, Defrénois 1928,
art. 21707, p. 307 ; A. RAISON, La transmission des concessions funéraires et des tombeaux, JNA 1988,
art. 59291 ; M. PERRIER-CUSSAC, Les droits du titulaire d'une concession funéraire, JCP N 1990. I. 34)
que constitue la concession funéraire était dévolu ab intestat aux ascendants, descendants et conjoint
survivant du titulaire, ledit droit réel étant recueilli en indivision entre ces bénéficiaires (Req. 12 nov.
1940, DH 1940. 194). La jurisprudence la plus récente confirme en effet la spécificité de la concession
funéraire, essentiellement fondée sur un mécanisme d'affectation familiale (V. pour l'affectation d'un
caveau familial à l'ensemble de la fratrie et aux descendants de chacun des membres, Civ. 1re, 25 avr.
2006, Bull. civ. I, no 205 ; rappr., excluant l'inhumation d'une personne étrangère à la famille, à défaut
de consentement de tous les ayants droit du fondateur, Civ. 1re, 15 mai 2001, no 99-12.363  , Bull. civ.
I, no 138, D. 2001. IR. 1852  , Dr. fam. 2001. Comm. 114, 1re esp., note Beignier ; V. aussi Paris,
15 févr. 2000, JCP 2000. IV. 2865, Dr. fam. 2001. Comm. 9, 6e esp., note Beignier). En somme, la
dévolution des sépultures est absolument dérogatoire du droit commun, le particularisme du droit objet
de la transmission justifiant en effet l'ouverture d'une succession anomale. On remarquera que la qualité
de la filiation des successeurs importe peu, ces derniers pouvant être issus ou non d'un mariage
(Bordeaux, 4 mars 1991, JCP 1992. IV. 132). Cette solution est bienvenue, mais méritait d'être énoncée
par la jurisprudence, car elle ne va pas de soi en présence de règles dévolutives anomales. Ces règles
particulières et le fait que les sépultures soient hors commerce et incessibles (Civ. 1re, 25 mars 1958,
D. 1958. 352 ; 22 févr. 1972, D. 1972. 513, note Lindon ; 13 mai 1980, JCP 1980. II. 19439, concl.
Gulphe ; 17 mai 1993, Defrénois 1993, art. 35617, obs. Champenois) n'excluent pas toutefois que le de
cujus, titulaire de la concession, fasse œuvre volontaire, en désignant un légataire comme bénéficiaire du
droit réel spécial (V. Sépulture).

412. Baux d'habitation. - Le droit des baux d'habitation s'est, de longue date, préoccupé de l'incidence du
décès du locataire ou de l'occupant de bonne foi en cours de bail (V. Baux d'habitation et professionnels
[L. 1er sept. 1948], Baux d'habitation et mixtes [rapports collectifs individuels : L. 6 juill. 1989]). On sait
que l'article 1742 du code civil énonce que « le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur
ni par celle du preneur », ce qui pourrait laisser croire que la dévolution du droit au bail répond aux règles
ordinaires du droit successoral, excluant corrélativement toute dévolution anomale. En vérité, la loi du
1er septembre 1948 a originairement prescrit la transmission du droit au maintien dans les lieux aux
héritiers (L. 1er sept. 1948, art. 4 et 5, D. 1948. 300). Cela équivaut à une véritable transmission du droit
au bail, et si une telle transmission est alors de droit, elle ne s'opère, en vertu de l'article 5-I de la loi de
1948 (réd. L. no 86-1290 du 23 déc. 1986), qu'au profit de certaines personnes limitativement désignées,
soit : « au conjoint et, lorsqu'ils vivaient effectivement avec lui depuis plus d'un an, aux ascendants, aux
personnes handicapées […] ainsi que, jusqu'à leur majorité, aux enfants mineurs  ». On conclut alors
traditionnellement à l'existence d'une succession particulière ou anomale (V. par ex. : M. GRIMALDI,
Succession, 2001, op. cit., no 262). La jurisprudence admet même que, lorsque les conditions de l'article
5 de la loi de 1948 ne sont pas réunies, la transmission aux héritiers peut encore avoir lieu sur le
fondement de l'article 1742 du code civil, ressortissant au droit commun du bail (Civ. 3e, 26 juin 1996,
Bull. civ. III, no 155, Defrénois 1997. 404, obs. Bénabent, RD imm. 1998. 694, obs. Collart Dutilleul et
J. Derruppé   ; 23 juin 1998, ibid. 1998. 694, obs. Collart Dutilleul).

413. De plus, la loi du 6 juillet 1989, en son article 14 (mod. par L. no 99-944 du 15 nov. 1999 et
no 2001-1135 du 3 déc. 2001 : V. C. civ. Dalloz), prévoit également que « lors du décès du locataire, le
contrat de location est transféré : au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de
l'article 1751 du code civil ; aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du
décès ; au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ; aux ascendants, au concubin notoire
ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès  ». On
remarquera que la loi du 3 décembre 2001 a prescrit un tel transfert au bénéfice du conjoint survivant qui
n'est pas cotitulaire du bail sur le fondement de l'article 1751 du code civil (F. COLLART DUTILLEUL et
Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 6 e éd., 2002, Précis Dalloz, no 563 ; F. SAUVAGE, Le
logement de la veuve, Dr. et patr. 2003, n o 111, spéc. p. 35) ; tel sera le cas lorsque les époux n'ont
jamais vécu ensemble dans le logement pris à bail. Dans cette éventualité, le conjoint survivant peut
prétendre à la reprise du bail, mais il n'est en rien prioritaire : l'époux est en concurrence avec les autres
bénéficiaires visés par l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, le juge devant se prononcer en fonction des
intérêts en présence dans le cas de demandes multiples. Dans tous les cas, le transfert du bail peut alors
être analysé comme une dévolution autonome du droit au bail aux personnes désignées. Si la cotitularité
du bail est reconnue au conjoint survivant en vertu de l'article 1751, la caractérisation d'une succession
de type anomal est plus difficile, car, précisément, l'époux survivant était personnellement titulaire du bail
du vivant du de cujus, le bail se poursuivant sur sa seule tête au décès de son conjoint. En effet, d'après
l'alinéa 3 de l'article 1751, ajouté par la loi du 3 décembre 2001, « le conjoint survivant cotitulaire du bail
dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément ». En vérité, la reconnaissance
d'un droit exclusif de l'époux survivant équivaut à une dévolution autonome du droit au bail. La nouvelle
disposition légale permet d'ailleurs d'écarter la dévolution antérieure du bail en indivision entre les
héritiers et le conjoint survivant (V. reconnaissant l'existence d'une indivision : Civ. 3e, 8 déc. 1999, Bull.
civ. III, no 233).

414. Baux ruraux. - Le décès du preneur à bail rural engendre également la mise en œuvre de règles de
transmission particulières, caractérisant pareillement la succession anomale (V. Baux ruraux). La
continuation du bail est de principe et s'opère au profit du conjoint, des ascendants ou descendants qui
participent à l'exploitation agricole ou y ont participé effectivement au cours des cinq années précédant le
décès du preneur. Ce sont là des règles de dévolution spéciale qui trouvent application, leur seule limite
tenant à l'absence de toute personne susceptible de continuer le bail  : dans cette éventualité, la
succession anomale laisserait place à une dévolution désignant, suivant le droit commun, les héritiers ou
légataires éventuels du preneur défunt. Encore convient-il de souligner que le juge peut attribuer le bail
privativement à l'une des personnes ci-dessus désignées. L'hypothèse d'une pluralité de demandes
d'attribution obligera le juge à trancher en fonction des intérêts en présence et de l'aptitude du
demandeur à gérer l'exploitation agricole et à s'y maintenir (C. rur., art. L. 411-34).

415. Caractère anomal du droit au logement du conjoint survivant ?. - Quant à la loi du 3 décembre
2001, on peut estimer qu'elle introduit un nouveau cas de succession anomale, en ce qu'elle crée, au
profit du conjoint survivant, un droit d'usage et d'habitation sur le logement et le mobilier le garnissant,
droit de nature successorale (C. civ., art. 764 ; V. supra, nos 353 et s.). Il s'agit d'une dévolution
particulière à raison de la nature des biens considérés, la qualification de succession anomale pouvant
alors se recommander de l'analogie du droit d'usufruit spécial reconnu au conjoint de l'auteur d'une
œuvre de l'esprit (V. en ce sens : M. SÉNÉCHAL, L'obligation du conjoint survivant aux dettes du défunt
après la loi du 3 décembre 2001, Defrénois 2003, art. 37673, spéc. no 12 ; sur ce droit d'usufruit spécial,
V. supra, no 409). Mais on conviendra qu'une telle qualification puisse être nuancée, en ce que
l'autonomie de la dévolution du droit viager au logement n'est pas totale, alors que précisément, dans les
hypothèses, topiques, de retour légal, « on se trouve en présence de deux successions distinctes,
autonomes : l'ordinaire et l'anomale » (M. GRIMALDI, Succession, 2001, op. cit., no 260). Or, on sait que
l'article 765 du code civil prescrit l'imputation des droits d'habitation et d'usage sur les droits
successoraux par ailleurs reconnus au conjoint survivant (V. sur ce point, supra, no 358). Il en résulte une
inclusion du droit viager au logement dans la succession ordinaire, ce qui devrait permettre, plus
justement, d'exclure la qualification précise de succession anomale (V. en ce sens : N. LEVILLAIN, Le droit
viager au logement du conjoint survivant, JCP N 2003. 1043, spéc. no 4, qui estime que ces « règles
particulières ne créent donc pas une nouvelle catégorie de succession anomale mais orientent les droits
du conjoint survivant prioritairement vers les droits d'habitation et d'usage » ; comp. : F. VAUVILLÉ, art.
préc., spéc. p. 1289, qui note que le droit viager au logement « n'en est pas moins un droit tout à fait
particulier, qui paraît traduire l'existence d'une succession anomale »). La question de l'exacte nature du
droit au logement du conjoint survivant n'en reste pas moins incertaine.
Index alphabétique
Absence 
ouverture de la succession   41 s.
date   53
lieu   85
représentation successorale   273

Acte de notoriété   23

Adoption   243, 286
simple, droit de retour légal   406 s.

Aéronef  (disparition)   48, 56

Aliments 
ascendants ordinaires, créance d'aliments contre la succession   325
conjoint survivant, droit à pension   368

Ascendants 
conjoint survivant successible, éviction   249
créance d'aliments contre la succession   325
fente successorale   255
ordre successif   248 s.
privilégiés   242
ordre successif   244 s.
représentation successorale, non   278

Assurance-vie   379

Avantages matrimoniaux   103, 405


action en retranchement ouverte à l'enfant naturel   215 s., 227

Bail 
d'habitation   412 s.
rural   414
V. Logement (droits du conjoint survivant)

Capacité successorale   88 s.
V. Incapacité successorale

Collatéraux 
concours avec conjoint survivant   325, 389, 398 s. V. Retour légal (Droit de)
conjoint survivant successible, éviction   247
degré successible   251 s.
fente successorale   258
ordinaires, ordre successif   250 s.
ordre successif   244 s.
privilégiés   242
représentation successorale 
collatéraux autres que frères et sœurs, non   278, 280
frères et sœurs   276 s.

Comourants   57 s.
code civil de 1804, présomptions   58 s., 60 s.
conditions d'application   60 s.
décès dans un même événement   63
domaine d'application   60
ordre des décès, détermination   64 s.
survie, incertitude   61
vocation successorale réciproque   62
L. 3 déc. 2001   68 s.
abrogation de la théorie des comourants   68
ordre des décès, détermination impossible   72, 75
ordre des décès, principe de preuve par tous moyens   70 s.
représentation successorale   76 s.
vocation successorale réciproque   71 s., 73

Compétence   86 s.
déclaration d'indignité   134

Conception d'un enfant 


V. Enfant

Confiscation générale   38 s.

Conflits de lois dans le temps   49

Conjoint survivant   241, 292 s.


ascendants ordinaires, éviction   249
collatéraux privilégiés, éviction   247
fente successorale, non   259
héritier légitime   170
L. 3 déc. 2001, revalorisation des droits   22 s., 292
application dans le temps   292
législation   13 s.
L. 3 déc. 2001   25 s., 292
V. Conjoint survivant (successions ouvertes avant le 1 er juill. 2002), Conjoint survivant (successions
ouvertes depuis le 1er juill. 2002)

Conjoint survivant  (successions ouvertes avant le 1er juill. 2002)   294 s.


évolution   294 s.
propriété (droits en)   305 s.
ascendants dans une seule ligne   307
collatéraux ordinaires, concours   306
enfants adultérins, concours   308 s.
usufruit (droits en)   296 s.
calcul   297 s.
conversion en rente viagère   303
étendue   296
exercice   297 s.
non-cumul de l'usufruit légal et des libéralités entre époux   300

Conjoint survivant  (successions ouvertes depuis le 1er juill. 2002)   314 s.


concours avec collatéraux privilégiés   389, 398 s. V. Retour légal (Droit de)
concours avec descendants   320 s.
enfant issu des deux époux   321
droits du conjoint survivant en propriété   320
option du conjoint survivant entre usufruit et propriété   320 s.
concours avec parents autres que descendants ou père et mère   324
limitations   325, 400
concours avec père et/ou mère de l'époux défunt, droits en propriété   323
droits généraux de succession   318 s.
libéralités entre époux   346 s.
exercice des droits successoraux   327 s.
droits spécifiques sur la succession   351 s.
dualité de droits successoraux légaux   317 s.
libéralités entre époux, combinaison avec droits successoraux légaux   346 s.
logement (droits au)   352 s. V. Logement (droits du conjoint survivant)
option entre usufruit et propriété   320 s.
pension (droit à)   368
propriété (droits en)   339 s.
calcul, masse partageable   340 s.
concours avec descendants   320 s.
concours avec héritiers réservataires   344
concours avec parents autres que descendants ou père et mère   324 s.
concours avec père et/ou mère de l'époux défunt   323
masse d'exercice   344 s.
totalité de la succession   324
qualité de conjoint successible   314
usufruit (droits en)   328 s.
concours avec descendants   320 s.
conversion en capital   338
conversion en rente viagère   334 s., 338
exercice   328 s.
masse d'exercice, totalité des biens existants   329 s.

De cujus   2

Décès 
avéré   35 s.
cause d'ouverture de la succession   33 s.
définition juridique   33
état végétatif, distinction   33
de l'indigne   112, 122
lieu d'ouverture de la succession   82
présumé   40 s.
preuve   51

Définitions   1 s.
dévolution   32 s.

Degré successible   260 s.
collatéraux   251 s.
pluralité de successible au même degré   260 s.
proximité   260
successibilité   13 s.

Dénonciation calomnieuse   119, 127 s.

Déportation  (Personne mortes en)   48, 55, 63, 85

Descendants 
ordre successif   243
V. Filiation, Enfant

Déshérence  (Succession en)   371 s.


V. État

Disparition  (ouverture de la succession)   46 s.


date   54
lieu   85

Divorce   314

Domicile  (dernier domicile du défunt)   80 s.


à l'étranger   84
légal ou de fait   83
pluralité de résidences   81

Droit international   87, 173

Droit successoral   3 s.
composantes civile et fiscale   3
fondement   3
historique   4 s.
Antiquité et Ancien droit   4 s.
code civil de 1804   8 s.
Révolution   7
législation   12 s.
V. Succession

Droit temporaire d'habitation et d'usage   353 s.


bail   356
caractère d'ordre public   357
conjoint bénéficiaire   354
droits successoraux en usufruit ou en propriété   356
durée   356
extinction   356
jouissance gratuite   356
nature   356
objet   355

Droit viager d'habitation et d'usage   358 s.


bail   360, 366
conjoint bénéficiaire   354
conversion en rente viagère ou en capital   367
demande   363
évaluation et imputation sur les droits successoraux   364
exclusion   361 s.
objet   360
régime   366
succession anomale   415

Enfant 
adoptif   243, 286
adoption simple, droit de retour légal   406 s.
adultérin   201 s.
discrimination   21, 212 s.
de l'indigne   157 s. V. Indignité successorale
naturel   13 s., 170
non conçu, exclusion de la succession   93 s.
non viable   98 s.
simplement conçu   93, 95 s.
V. Descendants, Filiation, Représentation successorale

Envoi en possession   380
État   369 s.
action interrogatoire   371, 376, 381
administration des domaines   384
assurance-vie   379
droits 
exercice   380 s.
nature   372 s.
envoi en possession   380, 382
étranger, décès en France   378
exhérédation, incidence   377
héritiers inconnus   381
inventaire   380
scellés, apposition   380
successeur irrégulier   170, 380
succession en déshérence   371, 376, 382, 386

État végétatif  (distinction de la mort)   33

Étranger   88, 378

Fente successorale   254 s.
adoption simple   237
ascendants   257
collatéraux privilégiés, non   258
conjoint survivant, non   259
critiques   254 s.
refente, non   256

Filiation   176 s.
code civil de 1804   182 s.
droit antérieur au code civil de 1804   180 s.
égalité des filiations   228
enfant adultérin, critiques de la discrimination   199 s.
enfant adultérin, limitation des droits   194 s., 197 s.
enfant naturel, assimilation à l'enfant légitime   193
L. 15 juill. 1955, droit à aliments de l'enfant adultérin ou incestueux   190
L. 25 mars 1896, enfant naturel simple   188 s.
L. 3 janv. 1972   191 s.
législation antérieure à la loi du 3 janv. 1972   187 s.
ordonnance du 4 juillet 2005   228
V. Filiation (L. 3 déc. 2001) ; Enfant

Filiation  (L. 3 déc. 2001)   201 s.


action en retranchement, ouverture à l'enfant naturel   215 s., 225
adopté simple, qualité d'héritier réservataire   237
décision judiciaire irrévocable, absence   227
droit transitoire   218 s., 238
accord amiable déjà intervenu, absence   226
articulation des dispositions transitoires des lois des 3 janv. 1972 et 3 déc. 2001   223, 238
enfant adultérin   201 s. V. Enfant
enfant incestueux   235
enfant né sous X   236
établissement de la filiation   235 s.
inceste   235
succession n'ayant pas donné lieu à partage   222 s.
successions ouvertes avant le 4 déc. 2001   218 s.
successions ouvertes depuis le 4 déc. 2001   220
unité des filiations   228 s.
Fiscalité   31 s.
conjoint survivant   31

Fruits 
État   385
indignité successorale, restitution   150
prescription   151

Hérédité, héritage   1

Héritier   2
légitime   167 s.
présomptif   2

Historique   13 s.
indignité successorale   107 s.
représentation successorale   264 s.
successeur irrégulier   167 s.
vocation successorale   167 s.
V. Droit successoral, Égalité des filiations

Incapacité successorale   88 s.
L. 3 déc. 2001, suppression de toute référence à la notion d'incapacité successorale   90
non-viabilité   98 s.
personne non conçue   93 s.

Indignité successorale   100 s.
actes, nullité   163 s.
amnistie   113
atteinte à l'intégrité corporelle du défunt, indignité facultative   120 s.
atteinte volontaire à la vie ou tentative, indignité de plein droit   111 s.
avantage matrimoniaux, non-application   103
causes   107 s.
complicité   115, 124
condamnation à une peine correctionnelle   119 s.
condamnation à une peine criminelle   110 s.
contestation   133
coups, violences ou voies de fait ayant entraîné la mort sans intention de la donner, indignité de
plein droit   116 s.
décès de l'indigne   112, 122
décision judiciaire, non   131 s.
déclaration judiciaire, demande d'indignité facultative   134 s.
définition   100
dénonciation calomnieuse   128
non-dénonciation ancienne   127 s.
domaine d'application   103
droits réels ou personnels   149
effets   143 s.
enfants de l'indigne (effets envers)   157 s.
exclusion de la succession   143, 153 s.
facultative 
causes   119 s.
déclaration judiciaire   134 s.
fruits, restitution   150
prescription   152
héritier apparent   164
héritier appelé à la place de l'indigne (effets envers)   146 s.
historique   107 s., 129, 138, 157
intérêts   151
prescription   152
interprétation stricte   102
jouissance légale   162
L. 3 déc. 2001   101
dispositions transitoires   104 s.
nature juridique   102
pardon   138 s.
de plein droit 
causes   110 s.
prescription civile   152
prescription pénale   113
reconnaissance de l'indignité   131 s.
réhabilitation   114
relèvement   138 s.
représentation successorale   157 s., 266 s., 280, 283
restitutions   147, 150
rétroactivité   144
témoignage mensonger   127
tentative d'atteinte volontaire à la vie   111 s.
tiers (effets envers)   163 s.

Jouissance légale  (indignité successorale)   162

Légataire   2

Législation   11 s.
antérieure à L. 3 déc. 2001   13 s.
dispositions transitoires   28 s.
égalité des filiations   179 s.
esprit   27
fiscalité   31 s.
L. 23 juin 2006   15 s.
apports majeurs   26
L. 3 déc. 2001   15 s.
conjoint survivant, revalorisation des droits   22 s., 292
dispositions transitoires   24
égalité des filiations   201 s.
enfant adultérin, suppression des discriminations   21, 212 s.
modernisation du droit successoral   23
ord. 4 juillet 2005 (filiation)   30

Libéralités entre époux 


successions ouvertes avant le 1er juill. 2002   300
successions ouvertes depuis le 1er juill. 2002   329, 346 s.

Ligne 
V. Fente successorale

Logement  (droits du conjoint survivant)   352 s.


combinaison avec droit de retour légal   404
V. Droit temporaire d'habitation et d'usage ; Droit viager d'habitation et d'usage

Mort 
civile   35, 37, 88
V. Décès

Non-viabilité   98 s.

Ordre successif   240 s.
ascendants ordinaires   248 s.
ascendants privilégiés   244 s.
collatéraux collatéraux ordinaires   250 s.
composition   242
descendants   243
division en degrés   260 s. V. Degré successible
hiérarchie   242
L. 3 déc. 2001   241
mixte   244 s.
privilégiés   244 s.

Ouverture de la succession   33 s.
causes   33 s.
date   49 s.
lieu   80 s.

Parentèle   240

Parents   172 s.
égalité des filiations   176 s. V. Filiation
V. Degré successible, Ordre successif

Partage   49 s.

Pension alimentaire 
V. Aliments

Prescription 
civile   152
pénale   113

Procréation médicalement assistée   97

Propriété littéraire et artistique   409

Rappel à succession   279

Renonciation à succession   321 s.
représentation successorale   271, 287

Rente viagère 
conjoint survivant, successions ouvertes avant le 1 er juill. 2002   303
conjoint survivant, successions ouvertes depuis le 1 er juill. 2002   334 s., 338
conversion du droit viager d'habitation et d'usage du conjoint survivant   367
conversion d'usufruit   333

Représentation successorale   263 s.
absent   273
adoption simple   286
ascendants, non   278
collatéraux 
autres que frères et sœurs, non   278, 280
frères et sœurs   276 s.
comourants   76 s.
conditions   268 s.
définition   265 s.
effets   288 s.
enfants 
de l'indigne   157 s.
représentant   281 s., 285
représenté   275, 277
fiction   265 s.
historique   264 s.
indignes   157 s., 266, 269 s.
représentant   284, 287
législation   267
partage par souche   289
renonçant à succession   271, 287
représentant   281 s.
aptitude à recueillir la succession   283 s., 287
indigne   284, 287
pluralité   289
qualité   281 s.
représenté   268 s.
décès avant ouverture de la succession   268
indigne   269 s.
qualité   274 s.

Réserve héréditaire   287, 403

Retour légal  (Droit de)   388


adoption simple   406 s.
avantage matrimonial   405
cas   398, 400
concours entre conjoint survivant et collatéraux privilégiés   398 s.
droit au logement du conjoint survivant   404
droits supprimés par L. 3 janv. 1972   388
L. 3 déc. 2001   389
L. 3 déc. 2001, création   389, 398 s.
objet   401 s.
réserve du conjoint survivant   403

Séparation de corps   314

Sépulture   411

Souche   289

Souvenirs de famille   410

Successeur irrégulier 
historique   167 s.
V. État

Successible   2
degré   260 s. V. Degré successible
existence   89 s.
personne non conçue, non   93 s.
personne simplement conçue   93, 95 s.
V. Comourants, Vocation successorale

Succession 
ab intestat, légale   1, 11 s.
catégories   1
définition   1
en déshérence   371 s. V. État
législation   12 s. V. Législation
testamentaire   1, 11
unité (principe d')   172 s.
L. 3 déc. 2001, suppression   173 s.
V. Droit successoral, Ouverture de la succession, Succession anomale

Succession anomale   387 s.
cas   388 s.
notion   387
V. Retour légal (Droit de)

Tiers 
indignité successorale, effets   163 s.

Unité de la succession  (Principe d')   172 s.


L. 3 déc. 2001, suppression   173 s.

Usufruit 
V. Conjoint survivant (successions ouvertes avant le 1 er juill. 2002), Conjoint survivant (successions
ouvertes depuis le 1er juill. 2002)

Vocation successorale   165 s.
succession anomale   387 s.
succession ordinaire   166 s. V. Conjoint survivant, Parents, État
historique   167 s.
L. 3 déc. 2001   171
V. Comourants

Actualisation

Règlement européen en matière de successions. - Le règlement « Successions » no 650/2012/UE du


4 juillet 2012 est entré en vigueur le 17 août 2015, dans l'ensemble des États de l'Union européenne à
l'exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l'Irlande (JOUE, n o L 201, 27 juill.). Il retient comme
critère principal, pour la compétence juridictionnelle et pour la loi applicable, la résidence habituelle du
défunt au moment de son décès. Mais d'autres choix sont possibles. Il institue également un certificat
successoral européen qui permet de prouver la qualité d'un héritier ou d'un légataire, ou l'attribution d'un
bien, ou encore les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire ou de l'administrateur de la succession dans un
autre État membre.

Loi de modernisation de la justice du XXI e siècle. - Plusieurs procédures du droit successoral ont été
récemment simplifiées par la loi de modernisation de la justice du XXI e siècle (L. no 2016-1547 du
18 nov. 2016) et le décret no 2016-1907 du 28 décembre 2016 « relatif au divorce prévu à l'article 229-1
du Code civil et à diverses dispositions en matière successorale ». Le notaire se voit donc confier un rôle
plus important. L'entrée en vigueur de ces modifications est fixée au 1 er novembre 2017, elles
s'appliqueront aux successions ouvertes à compter de cette date.

Concernant l'envoi en possession du légataire universel, le décret veille à coordonner les dispositions
d'application en matière de droit des successions pour les coordonner avec le code de procédure civile
(C. pr. civ., nouv. art. 1378-1). Le recours au juge est limité au cas d'exercice du droit d'opposition
(C. civ., nouv. art. 1007). Il prévoit aussi les mesures de publicités à accomplir.

S'agissant de l'acceptation à concurrence de l'actif net, l'article 788 du code civil modifié donne
compétence au notaire pour recevoir la déclaration d'acceptation de la succession à concurrence de l'actif
net. Il y a désormais une compétence partagée avec le greffe du tribunal de grande instance du lieu
d'ouverture de la succession. Le notaire peut transmettre au greffe du tribunal les comptes
d'administration de l'héritier ayant accepté une succession à concurrence de l'actif net. Le décret prévoit
aussi les mesures de publicités à accomplir.

Enfin, la renonciation à succession, la déclaration faite par l'héritier universel ou à titre universel doit
être soit déposée ou adressée par voie postale au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort
duquel la succession s'est ouverte, soit effectuée devant notaire lequel en adresse alors dans le mois
copie au tribunal (C. civ., nouv. art. 804).

Sur les successions vacantes, l'article 809-1 du code civil a été modifié, il élargit la possibilité de
demander au juge la mise en œuvre du régime d'une succession vacante. L'alinéa premier énonce en
effet : « Le juge, saisi sur requête de tout créancier, de toute personne qui assurait, pour le compte de la
personne décédée, l'administration de tout ou partie de son patrimoine, d'un notaire, de toute autre
personne intéressée ou du ministère public, confie la curatelle de la succession vacante, dont le régime
est défini à la présente section, à l'autorité administrative chargée du domaine  ». Cette disposition est
entrée en vigueur le 20 novembre 2016.

Bibliographie
AZZI et AUGER, Les nouvelles règles de dévolution successorale du droit de suite (ou comment
transformer une bonne idée en un mauvais texte), D. 2016. 2416  . – BLANCHARD, Le conflit du droit
viager au logement du conjoint et du droit de retour légal des père et mère, Defrénois 2009. 2047,
art. 39020. – COMBRET et BRENNER, L'administration de la succession, Defrénois 2017. 30. – FRULEUX,
Neveux et nièces succédant par représentation, JCP N 2010. 1285. – GAUDEMET et VINCENT, La
dévolution successorale, Defrénois 2017. 8 s. – GEMIGNANI et BONNET, L'usufruit légal du conjoint
survivant : de quelques difficultés liquidatives, Defrénois 2010. 673, art. 39088. – JOSSO, Comment
exhéréder des héritiers réservataires, LPA 29 juill 2015, p. 5. – LEPROVAUX, Les nouveaux pactes de
famille en droit des successions et des libéralités, LPA 28 oct. 2009, p. 5. – MAÏDER DE LOS SANTOS et
GUILBERT, Succession et droits d'auteur : particularités civiles et fiscales, JCP N 2014. 1204. – SAGAUT,
Successions, Dalloz, coll. Express, 2 e éd., 2011-2012. – BLANCK-DAP, Réserve héréditaire et légataire
universel, JCP N 2017, no 1207. – FARGE et MALARD, Tiers copartagé (personne morale), JCP N 2017,
no 1208. – GRIMALDI, Les options du conjoint survivant, Defrénois 2017. 439 ; Les options du conjoint
survivant, Defrénois 2017. 439 ; Les options du conjoint survivant, Defrénois 2017. 439. – LE GUIDEC,
Les options de l'héritier ab intestat, Defrénois 2017. 425. – MAYER, Les déjudiciarisations opérées par la
loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, Gaz. Pal. 2017. 1. 653. –
MONTOUX, Exercice de l'option successorale au nom du mineur sous administration légale, JCP N 2017,
no 1205.

Sur les successions internationales : dossier in AJ fam. juill.-août 2015. 367 s. – NOURISSAT et
REVILLARD, Le notaire français et le règlement « successions », Defrénois 2015. 985 s. – CALLÉ et
DENEUVILLE, De l'impact du règlement Successions du 4 juillet 2012 sur la réception en France des trusts
testamentaires, Defrénois 2015. 1001. – GODECHOT-PATRIS, Les successions franco-anglaises et le
règlement du 4 juillet 2012 : De quelques difficultés à venir…, RJPF 2015-6/6.

50. Inconstitutionnalité de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819. - Le Conseil constitutionnel, saisi d'une
question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 relative au droit
de prélèvement sur la succession de l'héritier français contraire à la Constitution (Const. const., 5 août
2011, déc. no 2011-159 QPC, Mme Elke B. et a. ; V. Rép. internat., Vo Successions. – REVILLARD,
L'abrogation du droit de prélèvement des héritiers français, Defrénois 2011. 1351).

97. Procréation médicalement assistée post mortem. - Plus généralement, sur les débats relatifs à la
procréation médicalement assistée après la mort de la personne ayant formé le projet parental, V.  Corps
humain - Bioéthique, nos 349 s.

103. Irrévocabilité d'un avantage matrimonial. Loi du 26 mai 2004. - Sur l'application dans le temps de
l'article 265, dans sa rédaction issue de la loi n o 2004-439 du 26 mai 2004, V. Communauté
conventionnelle, nos 743 s.

110 s. Pas de suspension des droits successoraux pour l'auteur présumé d'un crime (Rép. min. n o 12375,
JOAN Q 2 juin 2009).

200 s. La qualité d'héritier, condition de sanction du recel successoral. - L'application de la sanction du


recel successoral suppose que la qualité d'héritier n'ait pas été perdue par une inaction prolongée
(Civ. 1re, 28 janv. 2009, no 07-19.573  , RLDC 2009/59.3399 ; RJPF 2009-4/38, note Sauvage ; RLDC
2009/62.3508, note Chauchat-Rozie ; D. 2009. 500, obs. Egéa   ; ibid. 2508, obs. Brémond, Nicod et
Revel   ; AJ fam. 2009. 135, obs. Bicheron  ).

209. Succession ouverte avant la loi du 3 décembre 2001. - La Cour européenne des droits de l'homme
déclare conforme à la Convention européenne des droits de l'homme l'éviction d'un enfant adultérin de la
succession de sa mère, ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi du 3  décembre 2001. L'interprétation
faite par les juridictions françaises des dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001, aux termes
de laquelle « les dispositions relatives aux nouveaux droits successoraux des enfants naturels dont le père
ou la mère étaient, au temps de la conception, engagés dans les liens du mariage, ne sont applicables
qu'aux successions ouvertes au 4 décembre 2001 et n'ayant pas donné lieu à partage avant cette date »
n'est pas discriminatoire, dans la mesure où elle poursuit le but légitime de garantir le principe de
sécurité juridique (CEDH, 21 juill. 2011, Fabris c/ France, req. n o 16574/08  , AJ fam. 2011. 556, obs.
Vernières   ; RTD civ. 2011. 732, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD civ. 2011. 753, obs. J. Hauser). –
Contra : CEDH, gde ch., 7 févr. 2013, Fabris c/ France, no 16574/08  , qui décide que le refus
d'accorder à un enfant adultérin les droits successoraux auxquels il pouvait prétendre en vertu de la loi du
3 décembre 2001 est contraire à l'article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l'article
1er du protocole no 1 (protection de la propriété) (Dalloz actualité, 15 févr. 2013, obs. Gallmeister ; AJ
fam. 2013. 189, note Levillain  ).

211. Conventionnalité du partage amiable avant la loi du 3 décembre 2001. - L'héritier peut valablement
renoncer à ses droits dans la succession. Ainsi, après avoir constaté qu'en vertu de deux actes datant de
mai et de juin 2001, préparatoires au partage qui s'y réfère, les héritiers étaient convenus de procéder au
règlement de la succession conformément aux dispositions des articles 759 et 760 du code civil, dans leur
rédaction antérieure à celle issue de la loi du 3 décembre 2001, et en connaissance de la teneur de l'arrêt
du 1er février 2000 de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH 1 er févr. 2000, Mazurek c/
France,req. no 34406/97  , D. 2000. 332, note Thierry   ; D. 2000. Chron. 626, obs. Vareille) 
regardant celles-ci comme incompatibles avec les dispositions combinées des articles 1er du 1er protocole
additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et  14 de
cette Convention, une cour d'appel en a exactement déduit que l'accord amiable ainsi intervenu, à
l'occasion duquel l'hériter adultérin avait, en connaissance de cause, renoncé à une partie de ses droits
dans la succession, devait recevoir application conformément aux dispositions de l'article 25, II, 2o de
ladite loi, lesquelles ne sont pas incompatibles avec les dispositions combinées précitées de la Convention
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Civ. 1re, 20 nov. 2013, no 12-
25.681  , AJ fam. 2014. 65, obs. de Guillenchmidt-Guignot  ).

220. Application de la loi dans le temps. - Il peut être déduit par les juges du fond, à partir d'un
testament rédigé antérieurement à la loi du 3 décembre 2001, la volonté du testateur de faire bénéficier
son conjoint survivant des droits légaux issus de la loi de 2001 en sus du legs prévu dans le testament
(Civ. 1re, 4 juin 2009, no 08-15.799  , AJ fam. 2009. 306, obs. Tisserand-Martin   ; D. 2009. 2058,
no 1, note Chauvin, Auroy et Creton   ; RLDC 2009/63.3550, obs. Pouliquen ; RTD civ. 2010. 141, obs.
Grimaldi).

236. Loi de ratification de l'ordonnance du 4 juillet 2005. – Accouchement sous X et action en recherche
de maternité. - La loi no 2009-61 du 16 janvier 2009 supprime la fin de non-recevoir à l'action en
recherche de maternité tirée de l'accouchement anonyme de la mère (V. Filiation [3o modes
extrajudiciaires d'établissement]).

Convention de mère porteuse. Arrêt de la cour d'appel de renvoi. - La transcription des actes de
naissance doit être annulée, car ces actes sont indissociables de la décision juridictionnelle américaine,
contraire à l'ordre public français, qui en constitue le soutien (Paris, 18 mars 2010, RG no 09/11017,
D. 2010. 1210, obs. Egéa   ; AJ fam. 2010. 233, note Chénedé   ; D. 2010.1683, note de Geouffre de
La Pradelle  . – V. déjà le ralliement de la cour d'appel de Paris dans une autre affaire, Paris, 26 févr.
2009, RG no 07/18559, JCP 2009. 42, note Mirkovic ; Dr. fam. 2009. Comm. 75, obs. Murat. –
Confirmation : Civ. 1re, 6 avr. 2011, no 09-66.486  . – 6 avr. 2011, no 10-19.053  . – 6 avr. 2011,
no 09-17.130  . – La cour d'appel de Rennes (Rennes, 6 e ch. A, 21 févr. 2012, RG no 11/02758,
D. 2012. Actu. 878, obs Mirkovic   ; AJ fam. 2012. 226, obs. Siffrein-Blanc  ) a cependant accepté la
transcription de l'acte de naissance indien d'un enfant né en Inde d'une mère porteuse.

Transcription à l'état civil : refus confirmé. - La Cour de cassation refuse la transcription sur les registres
de l'état civil français des actes de naissance d'enfants issus d'une convention de gestation pour autrui
conclue par un Français en Inde : « En l'état du droit positif, est justifié le refus de transcription d'un acte
de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est
l'aboutissement, en fraude à la loi française, d'un processus d'ensemble comportant une convention de
gestation pour le compte d'autrui, convention qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre
public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil » (Civ. 1re, 13 sept. 2013, deux arrêts, nos 12-
18.315  et 12-30.138  , AJ fam. 2013. 579, note Chénedé   ; D. 2013. 2349, chron. Fulchiron et
Bidaud-Garon   ; D. 2013. 2377, avis Petit   ; D. 2013. 2384, note Fabre-Magnan   ; Dr. fam. 2013.
Comm. 151). De même, il a été jugé que les éléments réunis par le ministère public qui établissaient
l'existence d'une convention de gestation pour le compte d'autrui entre les requérants, caractérisant ainsi
un processus frauduleux dont la naissance de l'enfant était l'aboutissement, avaient pour conséquence
que l'acte de naissance ne pouvait être transcrit sur les registres de l'état civil français (Civ.  1re, 19 mars
2014, no 13-50.005  , AJ fam. 2014. 244, note Chénédé   ; AJ fam. 211, obs. Dionisi-Peyrusse   ;
D. 2014. 905, note Fulchiron et Bidaud-Garon   ; D. 2014. 901, avis Jean   ; D. 2014. 1059, obs.
Gaudemet-Tallon et Jault-Seseke   ; D. 2014. 1171, obs. Granet-Lambrechts  ).

Refus de transcription à l'état civil : la France condamnée par la CEDH. - La CEDH a rendu deux arrêts de
chambre (Mennesson c/ France, req. n o 65192/11  , et Labassee c/ France, req. n o 65941/11  )
concernant le refus de reconnaître en droit français une filiation légalement établie aux États-Unis entre
des enfants nés d'une gestation pour autrui (GPA) et le couple ayant eu recours à cette méthode. Dans
les deux affaires, la Cour dit, à l'unanimité, qu'il y a eu non-violation de l'article  8 (droit au respect de la
vie privée et familiale) de la Conv. EDH s'agissant du droit des requérants au respect de leur vie familiale
mais violation de l'article 8 s'agissant du droit des enfants au respect de leur vie privée. Ainsi, porte
atteinte à l'identité de l'enfant né de gestation pour autrui (GPA) au sens de l'article 8 de la Conv. EDH
l'absence de reconnaissance de sa filiation sur les registres d'état civil français (CEDH, gr. ch., 26 juin
2014, deux arrêts Mennesson c/ France, req. n o 65192/11  , et Labassee c/ France, req. n o 65941/11 
, Dalloz actualité, 30 juin 2014, obs. Coustet ; AJ fam. 2014. 396, obs. Dionisi-Peyrusse  ).

238. Accès aux origines personnelles (renvoi). - Sur la procédure d'accès aux origines personnelles, voir
Adoption, nos 385 s.

250 s., 253. Modification terminologique. - La loi no 2015-177 du 16 février 2015 relative à la


modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des
affaires intérieures (JO 17 févr.) a modifié l'article 745 du code civil. Ainsi, après le mot : « collatéraux »,
sont insérés les mots : « relevant de l'ordre d'héritiers mentionné au 4 o de l'article 734 », c'est-à-dire les
collatéraux ordinaires.

263 s., 281 s. Domaine de la représentation successorale. - Il ne peut y avoir représentation dans la


ligne directe descendante que si le défunt a eu plusieurs enfants. En présence d'un fils unique, les
descendants de celui-ci viennent à la succession de leur grand-père de leur propre chef. Ils sont alors
dispensés de rapporter à la succession les dons et legs reçus par leur parent prédécédé (Civ.  1re, 25 sept.
2013, no 12-17.556  , Dalloz actualité, 16 oct. 2013, obs. Douville).

358. Pension alimentaire du conjoint survivant. Prescription de l'action. - Les dispositions de l'article 767
du code civil – selon lesquelles, en cas d'indivision, le délai d'un an imparti au conjoint successible pour
réclamer une pension à la succession de l'époux prédécédé se prolonge jusqu'à l'achèvement du partage
– ne s'appliquent que si le conjoint successible a des droits dans l'indivision (Civ. 1re, 26 janv. 2011,
no 09-71.840  , Bull. civ. I, no 73. – Sur ce mécanisme, V. Obligation alimentaire).

360. Détermination du lot soumis au droit d'habitation viager. - Ne peut être valablement accueillie la
demande du conjoint survivant d'exercer son droit viager d'habitation de l'article 764 du code civil sur un
lot de copropriété indépendant du lot effectivement occupé à titre d'habitation principale dès lors qu'est
démontrée l'absence de tout rapport de principal à accessoire entre les lots. En l'espèce, les lots litigieux,
dépendant totalement de la succession, étaient distincts et seul le rez-de-chaussée était effectivement
occupé à titre d'habitation principale par le défunt et son épouse à l'époque du décès tandis que l'autre
lot, constitutif d'un studio indépendant et non attenant, qui n'est nullement l'accessoire du logement du
rez-de-chaussée, était investi, du vivant du défunt, par la fille de la veuve et son compagnon (Civ.  1re,
25 sept. 2013, no 12-21.569  , Dalloz actualité, 14 oct. 2013, obs. Le Rudulier).

392 s. Qualification du droit de retour des père et mère. - Lorsqu'un enfant bénéficiaire de ses père et
mère décède sans postérité, le droit de retour institué au profit de ces derniers doit s'exercer sur les biens
que le de cujus avait reçus d'eux par donation. Ce droit de retour étant de nature successorale, il ne peut
y être renoncé avant l'ouverture de la succession (Civ. 1re, 21 oct. 2015, no 14-21.337  , Dalloz
actualité, 29 oct. 2015, obs. Mésa).

777 s. Loi de simplification. - Modification de l'article 804 (anc. art. 784) du code civil pour prévoir que la
renonciation opérée par l'héritier universel ou à titre universel doit être «  adressée ou déposée », et non
plus « faite » au tribunal dans le ressort duquel la succession s'est ouverte (L.  no 2009-526 du 12 mai
2009, JO 13 mai).

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