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Dr ABBY-MBOUA Parfait
Docteur de l’Université Paris Descartes-Sorbonne (France)
Spécialiste de Didactique des Mathématiques
Maître-Assistant à l’Ecole Normale Supérieure
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Cours de Didactique des Mathématiques – 2013/2014
OBJECTIFS DU COURS
Ce cours s’intéresse à proposer une présentation du cadre théorique de la didactique des
mathématiques de l’école française. Il s’agit pour l’étudiant d’avoir une idée précise des principales
notions de base de la didactique des mathématiques, en mettant en relief les principaux éléments tels
que les théories d’apprentissage, les trois théories fondatrices de la didactique, le symbolisme
mathématique et le traitement didactique de l’erreur.
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CHAPITRE 1 : LES DIFFERENTES THEORIES D’APPRENTISSAGE
Dans tout processus d’enseignement, mettant en relation deux individus ayant des positions
asymétriques et un savoir, l’enseignant (possédant ce savoir et qui le transmet à l’autre) doit faire
passer l’élève d’une étape de connaissance initiale à une étape de connaissance finale. Ce passage
ou ce saut de l’étape de connaissance initiale à l’étape de connaissance finale est un ajout de
connaissance pour l’élève, sous la conduite de l’enseignant qui dispose de plusieurs théories
d’apprentissage, dont trois sont les plus utilisées dans l’enseignement.
1. La théorie traditionnelle
Inspirée de l’éducation religieuse, ce modèle est une conception classique de l’apprentissage.
Dans cette théorie basée sur les cours magistraux, on considère implicitement que l’élève ne sait
rien sur le sujet qui fait l’objet de sa formation c'est-à-dire que « sa tête est vide ». Les adeptes de
cette théorie considèrent d’une part que le savoir de l’enseignant est le savoir de référence et d’autre
part que l’élève est un objet sur lequel, ils vont agir pour lui transmettre un savoir nouveau, sans
prendre en considération les conceptions de ce dernier. Il revient donc à l’enseignant de juger,
d’évaluer et de valider toute réponse de l’élève. L’élève en situation de recevoir une information
préparée, préconstruite selon une logique qui est celle de celui qui l’expose, et qui ne correspond pas
forcément à ce que lui-même écoute, doit mettre tout en œuvre pour écouter, imiter et reproduire
« convenablement » le modèle qui lui est enseigné.
Les qualités recommandées chez l’élève sont : l’écoute, la répétition, l’appel à la mémoire et
l’imitation (reproduction) parfaite de tout ce qu’il a reçu de l’enseignant.
Un certain nombre d’avantages ont été relevés avec cette conception, parmi lesquels, on peut
citer : le gain de temps, l’acquisition des contenus à un grand nombre d’auditeurs et l’achèvement
du programme.
2. La théorie behavioriste
L’idée essentielle de cette conception d’apprentissage, appelée aussi « théorie des petites
marches » ou « théorie en escaliers » ou « enseignement par objectifs » est qu’en s’appuyant sur les
connaissances antérieures de l’élève, tout savoir destiné à un enseignement doit être décomposable
en sous-savoirs, c'est-à-dire que l’enseignant doit aménager des étapes intermédiaires et successives
pour faire passer l’apprenant d’un état initial de connaissances à un état final de connaissances.
Chacune des étapes intermédiaires de l’activité de l’élève doit comporter une petite difficulté que
l’enseignant doit guider (orienter) pas à pas dans la recherche de la solution.
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Un certain nombre limites ont été relevés avec ce type de conception, parmi lesquels, on peut
citer :
- La maîtrise des étapes intermédiaires par l’apprenant ne peut pas lui garantir la maîtrise de
l’intégralité de la tâche.
- Le transfert des connaissances par l’apprenant d’une première situation maîtrisée à une autre
nouvelle, même identique est parfois incertain.
- l’enseignant reste parfois la seule personne à guider l’élève en cas de difficulté.
Ce qu’il faut retenir de ces deux premières conceptions ci-dessus citées est qu’elles ont été
fortement critiquées car leur utilisation a engendré un certain nombre de limites observables :
Les acquis antérieurs des élèves peuvent avoir une influence dans l’élaboration et la
compréhension de ses nouvelles connaissances
Les connaissances des élèves ne s’empilent pas les unes sur les autres
Le processus d’apprentissage ne se limite principalement à l’étude des comportements
observables chez l’élève.
Ces deux conceptions n’ont pas cherché à comprendre comment se constituent et se
complexifient les connaissances au cours de l’apprentissage.
Elles considèrent l’erreur d’une part comme la conséquence d’un manque de motivation et
d’intérêt de la part de l’élève et d’autre part comme la conséquence de son niveau d’intelligence.
3. La théorie constructiviste
Le thème « constructivisme » est actuellement très employée au niveau des sciences
cognitives. Il trouve son origine dans la conception piagétienne de l’équilibration des structures
cognitives, qui s’organisent autour de la construction et de l’acquisition par le sujet de ses
représentations.
Les travaux de recherches entrepris principalement par PIAGET (1950, 1970) ont montré
que la connaissance se construit dans l’interaction entre le sujet apprenant et l’objet sur lequel porte
l’apprentissage. Ces travaux ont donné une valeur très importante aux structures cognitives. Ces
structures cognitives tendent vers l’équilibre et le sujet fonctionne en appliquant le processus
d’assimilation à l’environnement. Quand l’apprenant rencontre un obstacle, que le processus
d’assimilation n’est plus adapté, il est contraint de modifier ses représentations et de les organiser
pour répondre à la spécificité de la situation. C’est par le processus d’accommodation que le sujet se
construit de nouvelles connaissances, c’est à dire qu’il va mettre en place de nouvelles
représentations.
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Le point de vue constructiviste s’oppose au point de vue transmissif, qui considère le savoir
de l’enseignant comme le savoir de référence et longtemps dominant dans les méthodes
d’apprentissage. Les recherches actuelles en didactique ont montré que les savoirs ne se
transmettent pas de l’enseignant à l’élève, comme un héritage. Ils doivent toujours être construits ou
reconstruits par l’élève qui apprend, en surmontant des obstacles.
Le modèle constructiviste dans l’enseignement privilégie l’ensemble des procédures plaçant
l’élève au cœur des apprentissages scolaires. Ce modèle repose sur quatre idées essentielles :
La première, est que c’est en agissant que l’on apprend.
La deuxième, est que les connaissances de celui qui apprend passent d’un état d’équilibre à
un autre. Entre ces deux états, il existe des phases intermédiaires au cours desquelles les
anciennes connaissances de l’apprenant sont remodelées et reconstruites.
La troisième est que celui qui apprend, construit lui-même ses connaissances en se fondant
sur les connaissances qui lui sont enseignées à l’école et sur celles qu’il acquiert au contact
de son environnement quotidien.
Enfin la quatrième est que l’acquisition des connaissances est facilitée par la mise en place
de conflits socio-cognitifs, facteur de déséquilibre et de restructuration des connaissances.
Il est important de retenir que dans un processus d’enseignement, ces trois théories ci-
dessus citées sont complémentaires, avec chacune des avantages et des inconvénients.
Il revient à l’enseignant d’utiliser l’une, ou deux ou les trois théories selon son objectif
ou selon l’avancée de la progression de la classe.
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CHAPITRE 2 : LES TROIS THEORIES FONDATRICES DE LA DIDACTIQUE.
Introduction
Au cours de ces dernières décennies, dans tous les systèmes éducatifs, l’enseignement des
mathématiques est devenu un enjeu social majeur. Mais, malgré la régularité croissance du nombre
de formés, les objectifs que ceux fixe la plupart des gouvernements sont loin d’être atteints. Et les
réformes se succèdent aux reformes, sans que l’on puisse raisonnablement avoir le sentiment que
la racine des difficultés en mathématiques soit réellement traitée au sein de la noosphère.
Parmi ces réformes, deux d’entre elles, bien qu’ayant toujours une grande influence parmi
les formateurs d’enseignants ont profondément provoqué des déceptions majeures. Il s’agit :
- Avoir des enseignants bénéficiant d’une formation approfondie en mathématiques
- Mettre très tôt l’élève au centre du processus d’apprentissage avec la prise en compte de son
environnement socioculturel réel et les résultats des recherches en pédagogie.
Ce qui faut retenir de ces deux réformes, c’est l’absence totale d’une réflexion sur le savoir à
faire acquérir, ce qui a donc donné naissance à la didactique des mathématiques.
Plusieurs définitions de la didactique des mathématiques ont été proposées par de nombreux
chercheurs, mais nous présenterons deux caractérisations, celle de DOUADY (1984) et celle
proposée par BROUSSEAU (1991).
Pour DOUADY (1984) :
« La didactique des mathématiques est l’étude des processus de transmission et d’acquisition des
différents contenus de cette science, et qui se propose de décrire et expliquer les phénomènes
relatifs aux rapports entre son enseignement et son apprentissage. Elle ne se réduit pas à
rechercher une bonne manière d’enseigner une notion fixée.»
Pour BROUSSEAU (1991)
« La didactique des mathématiques est la science qui s’intéresse à la production et à la
communication des connaissances mathématiques dans ce que cette production et cette
communication ont de spécifique de ces connaissances. Elle étudie la façon dont les connaissances
sont crées, communiquées et employées pour la satisfaction des besoins des hommes vivant en
société, et plus particulièrement :
- d’une part, les opérations essentielles de la diffusion des connaissances (théorie des
situations didactiques), les conditions de leur existence et de leur diffusion (l’écologie
des savoirs) et les transformations que cette diffusion produit, aussi bien sur les
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connaissances (transposition didactique) que sur leurs utilisateurs (apprentissages,
rapport au savoir),
- d’autre part, les institutions et les activités ayant pour objet de faciliter ces opérations. »
Ce qu’il faut retenir est que la didactique est une science se rattachant à une et une discipline
précise et l’objectif principal est de s’intéresser aux conditions de la transmission optimale des
connaissances disciplinaires par l’enseignant à l’élève. Elle ne consiste pas, comme certains le
pensent naïvement, à rechercher les moyens d’enseigner un objet de connaissance donné, défini à
l’avance et intangible, mais elle peut, au contraire, remettre profondément en cause les contenus
théoriques et pratiques de l’enseignement de la discipline, et surtout, les méthodes et procédures qui
y sont associés. Elle s’oppose à la « pédagogie générale » qui elle, s’attache à dégager les règles
générales d’enseignement qui sont justement indépendantes des contenus précis enseignés ; voire
de tout contenu en général.
La didactique des mathématiques repose sur trois théories fondatrices (la théorie des
situations didactiques, la théorie de la transposition didactique et la théorie des champs conceptuels)
dont chacune a pour objectif d’étudier les interactions possibles entre deux différents pôles du
système didactique, en relation avec le troisième pôle.
Savoir
Elève Enseignant
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de son histoire propre, des finalités des contenus et la manière dont l’élève apprend.
1.1.1. La dévolution
C’est l’acte par lequel un enseignant fait accepter à l’élève la responsabilité d’une tâche (un
problème ou une activité) et accepte lui-même les conséquences de ce transfert. Elle consiste à
provoquer la mise en rapport de l’élève avec la tâche proposée.
Le travail de transposition didactique est effectué par différents agents sur le savoir savant,
afin de déterminer un savoir destiné à enseignement. Ce savoir à enseigner est médiatisé par les
caractéristiques qui sont attribuées à l'apprenant par les agents responsables de la transposition
didactique.
Remarque
La conception de la transposition didactique de DEVELAY (1992) semble plus large et plus
complète. Ce dernier mentionne, en effet, différents degrés de transposition didactique et représente
cette conception selon le schéma suivant:
Pour lui, le savoir scolaire est une symbiose du savoir savant et des pratiques sociales de
référence. Le premier degré de la transposition didactique présente le travail du concepteur de
programme. Ce dernier doit à partir de ces deux savoirs et en fonction des priorités sociales, extraire
le contenu officiel en séquences d’acquisition et le rendre public de façon à permettre un contrôle
social de son acquisition.
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Le deuxième degré de transposition didactique est effectué par l'enseignant, qui adapte et
ajuste le savoir à enseigner à ses priorités, à ses exigences, à son groupe d'élèves etc. Bien que les
programmes d'enseignement soient les mêmes pour chacun des enseignants d'un même niveau,
aucun d'eux n'accorde la même importance (temps, énergie, exercices, etc.) à chaque objectif ou
contenu.
Finalement au troisième degré, l'élève opère une sorte de transposition didactique lorsqu'il
assimile le savoir enseigné et ce, en fonction de la tâche qui lui est demandée (mémorisation ou
application par exemple). Il peut donc y avoir une différence plus ou moins importante entre, le
savoir enseigné et le savoir effectivement appris par l'élève.
Elaborée par Gérard VERGNAUD, elle s’intéresse au sous système « Elève / Savoir » en
relation avec l’Enseignant. Avec cette théorie, on aborde le versant cognitiviste de la didactique et l’on
s’intéresse aux représentations des élèves par rapport au savoir que le maître se propose de leur
enseigner.
La théorie des champs conceptuels met l’accent sur l’élaboration des connaissances par le
sujet dans le cadre de l’apprentissage (théorème-élève ou théorème en acte), c'est-à-dire elle
s’intéresse de près à la représentation de la connaissance par le sujet dans l’apprentissage d’un
savoir donné.
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CHAPITRE 3 : LE SYMBOLISME MATHEMATIQUE
Introduction
Un des objectifs majeurs de l’enseignement des mathématiques, est que l’utilisation des
symboles mathématiques (symbolisme mathématique) prenne place dans les moyens d’expression et
de résolution des problèmes disponibles pour les élèves, au coté du calcul numérique, des figures et
des représentations graphiques. Dans cette optique, il s’agit d’installer progressivement l’habitude
de recourir au symbolisme mathématique dans les programmes d’enseignement.
Comme les éléments d’un alphabet, les symboles mathématiques peuvent être regroupés pour
former des phrases et (ou) obtenir de nouveaux symboles. La liste des symboles mathématiques
n’étant pas exhaustive, nous allons nous limiter aux différents usages des lettres et aux différents
statuts du signe d’égalité.
Au cours de l’évolution des enseignements, au niveau du lycée, de nouveaux statuts sont attribués
aux lettres qui restent souvent implicites pour les élèves. Parmi ces statuts, nous avons :
Celui d’indéterminée
Celui de variable
Celui de paramètre
Celui d’inconnue
Celui de constante
Celui d’indice
Le signe « = » est introduit très tôt à l’école primaire. Il est utilisé avec plusieurs significations
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qui sont rarement explicitées avec les élèves.
Le signe « = » est le plus souvent utilisé pour annoncer un résultat. Il est lu comme
signifiant « ça donne », « ça fait ». Cette signification apparaît comme étant orientée de
la gauche vers la droite et correspond à celle de la touche [=] des calculatrices ordinaires.
Le signe « = » est aussi utilisé pour communiquer des décompositions d’un nombre.
C’est le cas lorsqu’on demande à l’élève de faire une décomposition d’un nombre sous
forme de produit ou de somme de nombres.
Le signe « = » est aussi utilisé pour signifier que deux écriture représentent un même
nombre.
L’emploi du signe « = » exprime souvent aussi qu’on affaire à deux expressions d’un
même objet mathématique dans deux expressions littérales. Par exemple :
ba a b
(a )
2 2
Le signe « = » peut être aussi utilisé pour traduire une identité2.
Le signe « = » est aussi utilisé comme symbole d’affectation. C’est le cas lorsqu’on
demande à l’élève de calculer 2x – 5y pour x = 2 et y = -3.
Le signe d’égalité acquiert un autre statut dans l’écriture d’une équation. Il doit être
compris par l’élève comme étant le symbole « d’une égalité conditionnée ».
2
Une identité est une égalité entre deux expressions littérales qui signifie que quelques soient les valeurs attribuées aux
lettres, les deux expressions sont égales.
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CHAPITRE 4 : LE TRAITEMENT DIDACTIQUE DE L’ERREUR
1. La notion d’erreur.
Dans le domaine psychopédagogique, l’erreur est le sujet qui a suscité, depuis longtemps la
plus abondante littérature.
Un point de vue ancien considérait l’erreur comme une faute, ce que l’on doit éviter.
Les premières définitions de la notion d’erreur s’organisaient autour de l’opposition vrai-faux ou de
succès-échec. Pour certains auteurs, tels que MORIN (1994), il faut distinguer l’erreur de la vérité et
de l’échec. C’est dans cette optique que cet auteur précise que l’erreur s’oppose à la vérité.
Dans cette même orientation, REASON (1993), dans son ouvrage intitulé « L’erreur humaine »,
précise « le terme d’erreur sera pris en un sens générique, qui couvre tous les cas où une séquence
planifiée d’activités mentales ou physiques ne parvient pas à ses fins désirés, et quand ces échecs ne
peuvent être attribués à l’intervention du hasard ».
Dans l’enseignement traditionnel, dont l’accent a été mis sur la pédagogie de la tête vide,
l’erreur est considérée comme ce qui est opposé au savoir de référence. L’élève doit l’éviter pour ne
pas être déclaré fautif. L’erreur est en outre considérée d’une part, comme un « raté » de
l’apprentissage et d’autre part comme un critère de sélection pour le passage en classe supérieure,
comme le précise LEPLAT (1985) : « elle témoigne pour l’observateur, que l’opérateur n’a pas
répondu aux exigences de la tâche qu’il avait à exécuter, il n’a pas fait ce qui était attendu de lui. »
Souvent combattue au cours de l’histoire par les adeptes de la pédagogie de la tête vide, qui
considèrent le savoir de l’enseignant comme le savoir de référence, l’erreur a su s’imposer sur le
plan de l’élaboration des savoirs mêmes et elle joue un rôle primordial dans les travaux de certains
spécialistes de l’évaluation formative, tels que HADJI (1999). Pour lui, la progression de l’élève
dans l’acquisition du savoir est en corrélation de la compréhension de son erreur.
Avec l’approche constructiviste et surtout grâce au développement actuel des recherches sur
les apprentissages, l’erreur est considérée comme un indice qui permet de repérer les obstacles
auxquels se heurte le processus d’apprentissage.
L’erreur est considérée de nos jours comme un moment très important dans la construction
des connaissances et même de la démarche scientifique; comme l’a bien fait remarquer
BACHELARD (1938) : « Cette perspective d’erreurs rectifiées caractérise à notre avis la pensée
scientifique (...). En revenant sur un passé d’erreurs, on trouve la vérité en un véritable repère
intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des
connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l’esprit même fait obstacle à la
spiritualisation. »
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Cette idée est soutenue par SANNER (1983). Il rattache l’erreur à l’apprentissage. Ce
chercheur, en s’intéressant à la notion d’obstacle épistémologique, fait remarquer que « l’erreur est
un moment de doute et d’essai, elle est pour le novice la source de toute connaissance ». Dans la
même année, CHEVALLARD (1991) montre également comment le rôle de l’erreur dans la
communauté scientifique tient à la situation dans laquelle se trouve cette communauté vis-à-vis de la
société toute entière. Il précise « le droit à l’erreur, reconnu à tout chercheur dans les coulisses de
la science, serait alors promu sur la scène officielle de l’histoire officielle de la science, où l’erreur,
bien qu’elle n’y soit pas inexistante, ne joue en réalité qu’un rôle assez modeste ».
Nous trouvons enfin cette idée chez FIARD et AURIAC (2005), pour qui, la notion d’erreur
est très importante à l’école, car l’erreur est le résultat d’un processus, qui permet une construction
de l’apprentissage.
La didactique des mathématiques, en s’appuyant sur une conception constructiviste de
l’apprentissage, envisage l’existence d’erreurs « normales », attribuées aux conceptions des
apprenants. Ces erreurs ont des propriétés qui les distinguent d’autres types d’erreurs. Elles ne sont
pas le résultat d’un oubli ou d’une inattention quelconque, mais plutôt liées à une connaissance
antérieure.
C’est BROUSSEAU (1983) qui fut le premier à faire une distinction entre les différentes
erreurs en didactique et à proposer une définition de l’erreur en didactique des mathématiques. Dans
son article « les obstacles épistémologiques et les problèmes mathématiques », il définit l’erreur
comme l’effet d’une connaissance qui avait permis de résoudre un canevas de problèmes, mais
maintenant, cette connaissance est hors d’usage. Il se fonde sur la notion d’erreur pour définir la
notion d’obstacle didactique. Cette même idée est soutenue également par les auteurs didacticiens,
tels que DUPIN et JOSHUA (1993) qui rattachent la notion d’erreur à la notion de conception. Ils
attestent que « l’erreur a un domaine de validité, même si c’est de manière provisoire. »
Pour ces deux précédents auteurs, il est très difficile d’appréhender l’erreur au cours d’un
apprentissage, car pour eux, « certaines conceptions d’élèves sont dotées d’une logique efficace. »
En s’inspirant des travaux BROUSSEAU, de DUPIN et de JOSHUA, d’autres chercheurs
ont tenté de donner un sens à la notion d’erreur en didactique des mathématiques précisément
PORTUGAIS (1995). Il considère que les erreurs des élèves sont le résultat de leurs productions et
de leurs propres expériences déterminées par des contraintes cognitives et didactiques.
Ce qui est important de retenir est que les erreurs didactiques des élèves sont des erreurs
liées à un contenu précis d’enseignement qui ne sont ni le fait d’un oubli ou d’une
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méconnaissance, mais le résultat d’une expérience personnelle en matière de résolution d’un
problème relatif à la notion enseignée.
. La phase de correction : C’est le moment au cours duquel, le maître traite seul l’erreur apparue
dans le travail d’un élève. Ici, l’intervention d’un élève n’est pas prise en compte.
. La phase de rectification : C’est un moment au cours duquel, un élève traite lui-même le doute et /
ou l’erreur qui lui sont apparus dans le déroulement de son travail personnel. Au cours de cette
phase, il peut chercher tout seul à rectifier l’erreur ou se faire aider soit par le maître soit par ses
pairs.
ASTOLFI (1997) dans ouvrage intitulé « L’erreur, un outil pour enseigner » offre un
modèle de traitement de l’erreur que nous pouvons qualifier plus « évolué » que les deux
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précédents. Selon lui, il y a huit natures possibles des différentes erreurs. A chacune de ces
différentes natures d’erreurs, il estime qu’il est possible d’attribuer une liste de médiations et de
remédiation. Il propose donc, un tableau récapitulatif des types de diagnostics possibles des
erreurs, accompagnés des types de traitements possibles pour y faire face.
Ce tableau semble d’une part un peu trop « généraliste » et d’autre part le mode
d’empilement des types erreurs qu’il donne reste très complexe pour un enseignant de
mathématiques pour qu’il puisse s’y référer.
PORTUGAIS (1995) ébauche une autre orientation dans la gestion des erreurs qui nous
paraît plus fonctionnelle que les précédents chercheurs que nous avons cités ci-dessus.
En effet, menant une étude de thèse sur la gestion des erreurs des élèves à des algorithmes de
calculs, par des futurs enseignants canadiens, il utilise également la notion de traitement des erreurs.
Dans son analyse sur l’erreur, il propose que l’on sépare chronologiquement l’étape de diagnostic
de celle du traitement effectif de l’erreur.
Selon lui, l’étape de diagnostic s’appuie sur le repérage du lieu de l’erreur, de la
reconnaissance de la cause probable de l’erreur et de la reconnaissance d’une ou des configurations3
de l’erreur.
3
Pour PORTUGAIS (1995), il s’agit, en utilisant une typologie des erreurs en tant que connaissance, de prendre en compte le
fonctionnement du raisonnement ou la procédure utilisée par l’élève pour y déceler le type d’erreur. Ce type de repérage est
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Lors de l’étape du traitement effectif de l’erreur, il a propose de distinguer quatre types
d’approches qui sont :
Approche d’institutionnalisation primitive : C’est l’ensemble de toutes les interventions
directes du professeur ou d’un élève «modèle» (un élève qui sait faire), pour montrer à
l’élève qui a commis l’erreur, tout ce qu’il doit maintenant faire pour trouver la bonne
réponse. Cette approche entretient un rapport de connexité avec une habitude pédagogique
importante de l’enseignant : la correction classique des erreurs.
Approche par remédiation4 : C’est l’ensemble de toutes les interventions de l’enseignant,
dont le but est d’empêcher l’erreur de se reproduire. Cette approche est une correction
différée, car elle table sur des moyens devant empêcher l’erreur de se reproduire.
Approche didactique5 : C’est l’ensemble de toutes les interventions de l’enseignant, dont le
but est d’encourager l’élève à rechercher de lui-même le sens de son activité mathématique
et le contrôle conceptuel de son travail.
Approche a-didactique6 : C’est l’ensemble de toutes les interventions de l’enseignant pour
permettre à l’élève de mettre seul en place des éléments conceptuels de situation qui vont lui
permettre de les confronter avec ses propres connaissances.
Ce qui distingue le mieux, l’approche a-didactique de l’approche didactique c’est qu’avec
l’approche a-didactique, l’enseignant utilise quelques fois des détours non conventionnels.
La synthèse de ces quatre points permet de retenir que, le traitement didactique d’une erreur
est un processus qui se déroule chronologiquement en deux étapes.
La première étape est la phase d’analyse de l’erreur. Cette phase consiste à un
diagnostic pour repérer la zone 7de l’erreur et surtout à trouver les motifs didactiques possibles qui
l’ont engendrée.
La deuxième phase est la prise en charge active de l’erreur. Cette phase nécessite un
médiateur pour traiter l’erreur. Ce médiateur peut être l’enseignant ou un élève, si nous sommes
plus évolué que les précédents parce qu’il rend opérationnelle l’étape du fonctionnement didactique de l’enseignant, car il
n’utilise plus cette fois ci, les éléments perceptibles, comme c’est le cas pour le repérage du lieu de l’erreur.
4
Remédier signifie ici corriger, éradiquer. « Il faut que l’enseignant soit à mesure de proposer de nouvelles activités pour
empêcher l’erreur de se reproduire. » (PORTUGAIS, 1995)
5
Ce terme est utilisé dans le sens de BROUSSEAU (1986). Pour lui, le projet central de l’enseignement est « que l’élève
produit ses connaissances comme réponse personnelle à une question ».
6
On nous permettra de citer presque en entier le point de vue de PORTUGAIS (1995) « Le travail de l’enseignant est de
choisir des situations qui vont provoquer l’apparition des adaptations souhaitées chez les élèves. Les conditions didactiques
aménagées à ce moment sont déterminantes : ce sont celles qui vont permettre à l’élève de reprendre à sa charge le problème
posé par la situation, de le faire sien et de rechercher activement les moyens pour y répondre.
Dans le cas où ces conditions sont réunies, l’enseignant doit, pendant la période de travail cognitif de l’élève, se refuser à
intervenir comme «proposeur» des connaissances qu’il veut voir apparaître ».
7
Pour nous, ce n’est pas forcement un lieu précis à entourer dans une production écrite de l’élève. Nous pouvons également
nous intéresser à l’ensemble du processus utilisé par l’élève.
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dans une situation didactique. Mais, si nous sommes dans une situation a-didactique, ce médiateur
peut être le livre dans le quel se trouve le corrigé de l’exercice. Le terme élève que nous utilisons est
générique. Il peut désigner également l’élève qui a commis l’erreur.
Remarque : La phase d’analyse est une phase primordiale et transitoire qui s’intéresse à la
production de l’élève. Elle est l’antécédent obligé du traitement didactique, car il faut analyser
l’erreur avant de pouvoir la traiter. Elle permet à l’enseignant par repérage de la zone de l’erreur de
planifier son intention didactique ultérieure. Mais dans une situation didactique, après la phase
d’analyse, il faut traiter l’erreur en utilisant une ou plusieurs stratégies selon d’une part la nature de
l’erreur et d’autre part la valeur intrinsèque de l’élève ayant commis l’erreur.
Quels sont les critères à mettre en place pour faire la différence entre ces deux formes de
stratégies ?
Lorsqu’une des S.C.N.H.C est utilisée par un enseignant pendant la phase du traitement
d’une erreur, l’élève ayant commis l’erreur n’est pas véritablement acteur. Il est fortement guidé
dans le traitement de son erreur. Il est soit passif, soit hybridement actif, sous la direction de son
guide9. Cette forme est repérable par certains gestes professionnels observables chez l’enseignant
qui lui utilise. Parmi ces gestes, on peut citer :
8
Cette hypothèse est amplifiée dans la plupart des travaux de BROUSSEAU.
9
Ce guide peut être l’enseignant lui-même ou un élève qui maîtrise la notion mathématique sur laquelle l’erreur s’est
produite.
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- Correction intégrale de la tâche 10 par l’enseignant lui-même.
- Correction intégrale de la tâche par un élève modèle11.
- Participation des élèves mais, apport de l’enseignant sur certaines données de la tâche, ce qui
oriente fortement l’élève.
Remarque : L’élève ayant commis l’erreur peut ne pas participer à « la correction ». Son rôle est de
prendre la correction qu’on lui propose. Mais lorsqu’il est sollicité pour participer à cette correction,
il n’est pas véritablement acteur ; il est fortement guidé dans sa tâche. Il est en quelque sorte un
spectateur passif dans le traitement de l’erreur.
Par contre l’utilisation de la S.C.H.C par un enseignant est beaucoup plus complexe. Ces
stratégies donnent l’opportunité à l’élève ayant commis l’erreur d’être véritablement acteur dans le
traitement de son erreur. Une véritable formation didactique est nécessaire pour l’enseignant pour
qu’il puisse acquérir les différentes stratégies que renferment la S.C.H.C et les utiliser de façon
adéquate. L’enseignant doit se poser plusieurs questions, qui peuvent porter principalement sur la
nature de la tâche, sur le lien entre la notion et les acquis antérieurs de l’élève, sur le degré de
compréhension de l’élève et aussi surtout, sur sa part de responsabilité sur l’erreur commise par
l’élève.
10
Cf. la notion de tâche dans les travaux de VANTOUROUT (2004).
11
C’est un élève qui a su faire intégralement l’exercice et dont l’enseignant sait que ce dernier saura le faire toutefois qu’il
sera choisi pour proposer une réponse juste.
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- L’élève choisi est privé de tout élément de guidage. Ce qui est important, c’est la recherche
du sens de l’activité par l’élève.
- L’enseignant évite d’interroger un élève dont, il est sûr qu’il peut trouver la solution de
l’exercice.
- L’enseignant peut utiliser un détour par des tâches pédagogiques moins convenables.
- Il favorise au sein de sa classe des petits de travail pour faciliter les conflits sociocognitifs.
Remarque :
L’élève ayant commis l’erreur est agent dans le traitement de l’erreur. C'est-à-dire qu’il doit
effectivement participer à « la correction ». Son rôle est n’est plus de prendre la correction qu’on lui
propose, mais de pouvoir être acteur sans être guidé dans sa tâche dans le traitement de l’erreur.
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Le tableau suivant résume la distinction entre ces deux formes de stratégie.
S.N.C.H.C S.C.H.C
Quel est le statut de l’élève L’élève est assimilé à un spectateur passif. L’élève est acteur et agent susceptible
ayant commis l’erreur dans d’intervenir à tout moment dans le
le traitement de l’erreur ? traitement de l’erreur.
Quel est le rôle de l’élève Soit, l’élève ne participe pas au traitement de L’élève participe à la correction
ayant commis l’erreur dans l’erreur. Il ne fait que prendre la correction
le traitement de l’erreur? qu’on lui propose.
Soit il y participe, mais, il n’est pas
véritablement acteur ; il est fortement guidé
dans sa tâche par l’enseignant.
Quel est l’élève Principalement l’élève modèle. N’importe quel élève, mais de
interrogé par l’enseignant? Quelques fois l’élève ayant commis l’erreur. préférence celui qui a commis l’erreur.
Quelle est la compétence Uniquement mathématique Mathématique, didactique,
exigible de l’enseignant ? psychologique et pédagogique.
Quelles sont les C’est une correction. C’est un processus L’enseignant ne se considère plus
caractéristiques générales d’inculcation, d’imposition où le savoir et le comme le seul dépositaire du savoir ; il
du traitement de l’erreur ? pouvoir sont essentiellement du côté de met plus en œuvre le savoir de l’élève.
l’enseignant.
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BIBLIOGRAPHIE.
ABBY-M’BOUA, P. (2012). Une analyse de la pertinence contextuelle des activités des professeurs
conseillers de mathématiques dans la classe pour la gestion de l’eau. Revue Ivoirienne des lettres,
Arts et Sciences Humaines. N° 17, pp 95-107.