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Leçon n°4

UNE GUERRE TOTALE.

LES CIVILS :

MOBILISATION ET VIOLENCES.

En août 1914 lorsque la Première Guerre mondiale est déclenchée, les belligérants s’attendent à un conflit court et
traditionnel.

Très vite, la guerre ne concerne pas seulement les poilus, mais l’ensemble de la société des pays en guerre. Toutes les
ressources sont mobilisées pour répondre aux contraintes d’une guerre qui s’éternise. La vie économique et sociale passe peu
à peu sous le contrôle de l’État.

Peut-on, pour ces raisons, caractériser la Première Guerre mondiale de “Guerre totale” ?

I - Les civils mobilisés : le front arrière

« Pourvu qu’ils tiennent ! ».

La guerre dure plus longtemps que prévu, et, pour tenir, les États doivent mobiliser les civils : c’est le front arrière.

1. La mobilisation des bras

Les femmes mobilisées.

Les besoins industriels des belligérants sont énormes. Les hommes étant mobilisés, les usines manquent de main-d’œuvre.
Il faut remplacer les ouvriers partis au front.

- appel aux femmes qui prennent la place des hommes dans les usines, dans les champs, dans les administrations, dans les
métiers qui jusque-là leur étaient fermés. Leurs conditions de travail sont effroyables.

- recours aux enfants.

- utilisation des peuples des colonies (instauration du travail forcé).

L’émancipation des femmes.

La guerre a des répercussions sur le statut social des femmes : elles obtiennent des responsabilités nouvelles et occupent
une place plus importante dans une société jusque-là dominée par les hommes.

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2. La mobilisation financière

La guerre coûte très cher. Les dépenses des états explosent.

Juillet 1915

L'attaque du 9 a coûté (c'est le chiffre donné par les officiers) quatre-vingt-cinq mille hommes et un milliard cinq cents millions de francs en
munitions. Et à ce prix, on a gagné quatre kilomètres pour retrouver devant soi d'autres tranchées et d'autres redoutes.

Si nous voulons prolonger la guerre, il faudra renoncer à ces offensives partielles et coûteuses, et reprendre l'immobilité de cet hiver. Je crois que
dans l'état de fatigue où sont les deux infanteries, c'est celle qui attaquera la première qui sera la première par 'terre.

En effet, partout on se heurte aux machines. Ce n'est pas homme contre homme qu'on lutte, c'est homme contre machine. Un tir de barrage aux
gaz asphyxiants et douze mitrailleuses, en voilà assez pour anéantir le régiment qui attaque. C'est comme cela qu'avec des effectifs réduits les
Boches nous tiennent, somme toute, en échec. Car enfin nous n'obtenons pas le résultat désiré, qui est de percer. On enlève une, deux, trois
tranchées, et on en trouve autant derrière.

Michel LANSON

Pour financer l’effort de guerre, les états, à cours d’argent, ont recours aux impôts (création de l'impôt sur le revenu en
France en juillet 1914. Il est augmenté à 15% en juin 1918), aux emprunts (auprès des Français, gros épargnants, et
auprès des pays étrangers) et à la planche à billet (d’où l’inflation et la dépréciation de la monnaie).

La propagande incite les civils à soutenir l’effort de guerre en vidant leur « bas de laine » pour aider l’État à faire
face aux dépenses colossales de la guerre.

3. Une économie mobilisée pour la guerre : économie de guerre et guerre économique.

Les industriels pendant la guerre : Renault.

Les industriels pendant la guerre : Peugeot.

La prolongation inattendue de la guerre impose aux États en guerre de produire toujours plus d’armements (après un
mois de conflit, l’armée manque déjà d’artillerie et de munitions. L’état-major réclame 100.000 obus par jour pour ses
fameux canons de 75 alors que les ateliers n’en fabriquent que 10 000). Pour satisfaire cette énorme demande,
ravitailler le front et assurer l’effort de guerre, les gouvernements interviennent dans la vie économique. C’est la mise
en sommeil du libéralisme économique et la fin de la concurrence.

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Les belligérants utilisent l’arme économique pour vaincre l’ennemi :

- les alliés organisent un blocus pour asphyxier les empires centraux

- l’Allemagne, dans une situation dramatique, riposte


par la guerre sous-marine à outrance pour asphyxier
l’économie britannique : en 6 mois, 1/3 de la flotte
britannique est coulée.

- le commerce des pays neutres est surveillé (Espagne,


Scandinavie…).

- contrôle du commerce extérieur.

- réquisitions chez les civils en zones occupées ou non.

- rationnement des matières premières et des produits


de première nécessité.

- mobilisation des ressources nationales et coloniales.

- recrutement de main-d’œuvre.

- crédits aux industriels.

- fabrications de guerre.

- fixation des prix des produits de première nécessité.

- surveillance des salaires et des conditions de travail durcies.

- incitation à la production massive par les entreprises privées (subventions, suspension de la législation sur le travail).

- création des bureaux de contrôle étatique aux mains des industriels et des financiers.

On parle d’économie dirigée (ou dirigisme économique).

En France, les usines Renault deviennent des fabriques


d’armes et de matériel militaire (tanks). C’est la
reconversion pour l’effort de guerre. Les patrons collaborent
d’autant plus volontiers à cette économie de guerre que les
bénéfices sont considérables : le chiffre d’affaires de
Renault a ainsi été multiplié par quatre entre 1914 et 1918,
passant de 53,9 millions de francs en 1914 à 249 millions de
francs en 1919. Les états sont bons clients et payent quel
que soit le prix demandé. Afin de répondre à la demande en
temps de guerre, l'usine s'est développée et atteint, en 1918,
une superficie de 365.125 m² sur laquelle travaillent 22.500
personnes.

« On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels » lance Anatole France (1922).

II - L’extrême violence faite aux civils

1. Les civils dans les territoires en guerre.


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Les populations civiles sont victimes de ces violences de guerre : bombardements, réquisitions, viols, internement…

Quelles sont les violences subies par les civils ?

Près du front, villes et villages sont détruits par les bombardements (d’où l’exode des populations),

- les civils sont victimes d’exécutions sommaires et massives, de viols, de mutilations…ils servent parfois de
boucliers humains.

- dans les régions occupées par l’ennemi, les habitants doivent supporter les réquisitions, le travail forcé dans les
champs ou les usines.

2. Les civils, victimes de la barbarie.

Dans l’empire ottoman, les autorités décident l’extermination systématique des Arméniens, une minorité chrétienne.
C’est le 1er génocide de l’Histoire. Sur les 1,8 million d’Arméniens vivant dans l’empire ottoman, 1,2 million seront
tués dans des conditions effroyables : marche de la mort, décapitation, tortures…

Le génocide arménien, une violence extrême faite aux civils.

TP. Le génocide arménien, les civils victimes désignés de la guerre.

3. Les difficultés de l’arrière

La guerre désorganise le fonctionnement des pays belligérants qui connaissent des crises en tout genre. Les civils sont
touchés par la guerre de plusieurs façons :

Femmes et enfants dans la guerre.

01. Une vie très difficile :

- pénurie de produits alimentaires,

- pénurie de charbon alors que l’hiver 1916/1917 est très rigoureux,

- instauration du rationnement dès décembre 1914,

- réquisitions, indemnités et travail forcé dans les régions occupées,

La vie quotidienne est rendue très difficile (désorganisation de l’économie, occupation…) notamment pour les
femmes :

- comment subvenir seule aux besoins de la famille,

- inquiétude pour les hommes partis au front,


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- pas ou peu de permissions pour les soldats,

- censure sévère des lettres des soldats,

- faire fonctionner seule la ferme ou la boutique,

- mort ou disparition d’un mari, d’un père, d’un frère,

- augmentation de la durée du temps de travail (12 à 15 h par jour),

- travail très pénible (harcèlement, viol, vexations….),

- inflation du prix des produits alimentaires devenus rares (augmentation parfois de 200%) et que l’on doit remplacer
par des ersatz (le rutabaga pour le café ou le pain, le topinambour, l’ortie…).

- pas ou très peu d’aide de la part de l’État…

Ces rudes conditions de vie entraînent une hausse de la mortalité infantile, la propagation des épidémies (grippe
espagnole 1918-1919 : 30 à 100 millions de morts).

Le virus de la grippe espagnole.

02. La mobilisation des esprits et le contrôle des libertés

L’enthousiasme pour cette guerre patriotique retombe. Pour maintenir le moral des civils et les obliger à croire en une
victoire prochaine, l’opinion est mise en condition :

- censure de la presse qui ne peut que se faire l’écho du discours officiel et qui ne donnent que de bonnes nouvelles.

- propagande active : presse, cinéma, photo, chansons populaires…

- embrigadement de la jeunesse et des enfants (la BD « Bécassine mobilisée ») : il faut former des patriotes, des petits
combattants de l’arrière (L’école, vecteur de propagande, explique que cette guerre juste est menée pour eux  ; on
leur enseigne un discours de foi patriotique et de haine xénophobe. La lecture du conflit est simpliste et
manichéenne. Les soldats français sont toujours décrits comme braves et les Allemands comme « lâches, cupides,
menteurs et cruels ».).

On parle de « bourrage de crâne » et de propagande, dont le but est de maintenir l’unité nationale, “l’Union Sacrée”.

Les chefs militaires sont considérés comme des héros nationaux (Pétain en France, Hindenburg en Allemagne) et la
population est incitée à leur vouer un véritable culte de la personne. L’objectif des gouvernements est de maintenir
l’union nationale face aux difficultés de cette longue guerre, à un moment où le conflit semble sans issue, et où
l’opinion commence à s’agiter.

En France, Clémenceau (« le Tigre », « le père la victoire ») est l’objet d’un culte et parvient à maintenir la cohésion
nationale au prix d’une répression violente de toute opposition à l’effort de guerre :

- répression des grèves,

- répressions des manifestations pacifistes organisées par une minorité de socialistes qui appellent à la fraternisation
des soldats et à la fin de la guerre sur un statu quo.

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- 28 janvier 1918 : l’ancien ministre Joseph Caillaux, accusé de défaitisme est arrêté et comparaît devant le Sénat
constitué en Haute Cour.

Cette guerre à outrance conduit à la mise en place de pouvoirs autoritaires dans les pays en guerre :

- Lloyd George au Royaume-Uni,

- Orlando en Italie,

- Clémenceau en France.

- Hindenburg en Allemagne (qui devient une dictature militaire sous le contrôle de l’état-major).

Ces hommes dirigent seuls la guerre dans leur pays car ils jouissent d’une très grande popularité.

Les libertés sont restreintes et les principes démocratiques mis en sommeil : les parlements voient leur rôle diminuer,
les oppositions (pacifistes, socialistes…) sont réprimées avec violence, les soldats qui se mutinent sont fusillés.

L’engagement des belligérants est total. Les pays sont en état de siège. Les gouvernements organisent l’effort de
guerre en contrôlant l’économie et la société. Pour éviter toute révolution ou contestation pacifiste, les États contrôlent
les opinions publiques.

Cette « guerre totale » permet aux belligérants de surmonter l’année 1917, année de tous les dangers, et de continuer
les combats jusqu’au 11 novembre 1918, sans rupture. Seule la Russie ne surmonte par l’année 1917 et entre en
révolution.

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