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Le dépassement de compétences et
l’intégration d’un nouvel arrivant
Soutenance : 03/06/2020
PRÉFET DE LA RÉGION BRETAGNE
DIRECTION REGIONALE
DELA JEUNESSE, DES SPORTS
ET DE LA COHÉSION SOCIALE
Pôle Formation-Certification-Métier
J’atteste sur l’honneur que la rédaction des travaux de fin d’études, réalisée en vue de l’obtention
du diplôme d’Etat INFIRMIER est uniquement la transcription de mes réflexions et de mon travail
personnel.
Et, si pour mon argumentation, je copie, j’emprunte un extrait, une partie ou la totalité de pages
d’un texte, je certifie avoir précisé les sources bibliographiques.
Le : 01/05/2020
Signature de l’étudiant :
Le faux et l’usage de faux sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
Loi du 23 décembre 1901, réprimant les fraudes dans les examens et concours publics.
Art. 1 er : Toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l’entrée dans une administration
publique ou l’acquisition d’un diplôme délivré par l’Etat constitue un délit.
Remerciements
Merci aux infirmiers qui ont accepté de répondre à une interview. Leurs
arguments, leur réflexion et leur expérience ont nourri ce travail d’une façon que je
n’aurais pas imaginé.
Je tiens aussi à remercier ceux sans qui on ne peut se construire : les amis. Les
premiers des premiers, mes fiers Malouins ! Je pense aussi aux compagnons du
ScienceCrew et à leur folie joyeuse ! Et je n’oublie pas les soignants de demain qui
sauront être les chats sauvages de la profession !
Mon dernier remerciement, qui n’est pas des moindres, va à ma famille pour les
nombreuses relectures et conseils avisés. Mais aussi et surtout pour leur infinie
patience.
Table des matières
I. Introduction ....................................................................................................... - 1 -
Bibliographie
Annexes
I. Introduction
Pour clôturer notre formation en soins infirmiers, nous devons réaliser un travail
de fin d’études qui permet de nous initier à la démarche de recherche en sciences
infirmières. Cet exercice permet de se positionner en tant que futur professionnel de
santé sur un thème choisi et de proposer une réflexion.
Que l’on soit étudiant infirmier ou infirmier diplômé nos actes sont encadrés et
répertoriés dans un texte de loi appelé : le Code de Santé Publique. Aussi, chaque
professionnel est tenu d’exercer son art sans dépasser les limites de son champ de
compétences.
Au cours de mes stages, j’ai pu constater que la réalité est différente de la théorie
et qu’il est parfois difficile pour les infirmiers de respecter leur cadre d’exercice. J’ai moi-
même pu faire cette expérience, de réaliser des soins qui ne sont pas du ressort d’un
infirmier. Et bien que ce soit dans un service dit « technique » je me suis rendu compte
de cette réalité, c’est quelque chose que j’ai pu observer dans tous les services dans
lesquels j’ai pu accomplir un stage.
La situation que j’ai choisie de présenter m’a fortement impacté. Elle m’a permis
de prendre conscience que le dépassement de compétences était une réalité à laquelle
les soignants sont confrontés chaque jour et qu’il ne peut être réduit au seul fait que le
cadre légal ne soit pas respecté.
Pour commencer, je partagerai la situation sur laquelle je me suis appuyé pour
ce travail. Elle sera suivie par les questionnements ayant donné naissance à ma
problématique de départ. Ensuite, je définirai et exploiterai les concepts de celle-ci pour
apporter une première réflexion. Puis je présenterai la méthodologie que j’ai utilisée pour
mon enquête de terrain qui s’effectuera auprès de plusieurs infirmiers, ainsi que son
déroulement. Pour finir, après avoir analysé les résultats des entretiens, je les utiliserai
et les confronterai aux données présentes dans mon cadre conceptuel.
-1-
II. Emergence de la question de départ
-2-
L’intervention se passe bien, rien de particulier n’est transmis. Le patient sort
avec un Pacemaker en mode sentinelle. Il lui est injecté en continu de la noradrénaline
(vasoconstricteur) et de la dobutamine (tonicardiaque). De plus, il lui sera posé 4 drains.
Ces drains sont de deux types :
Médiastinaux (x2)
Pleuraux (x2)
Les drains thoraciques médiastinaux sont des tubes insérés dans la cage
thoracique pour drainer le sang péricardique après une chirurgie cardiaque. Le risque
lié à l’accumulation de sang dans l’espace péricardique est de provoquer une
tamponnade : la pression due aux liquides accumulés comprime le cœur et l’empêche
de se contracter correctement, entraînant une insuffisance circulatoire aigue. C’est une
urgence vitale. Les drains sont reliés à une « valise » permettant de récupérer le sang,
de quantifier les écoulements (productifs, peu productifs) et d’observer leur aspect
(sanglants, séreux-sanglants, séreux, purulents). Cette valise est reliée à un système
d’aspiration facilitant l’évacuation des liquides.
Les drains thoraciques pleuraux suivent le même principe que ceux décrits
précédemment. Ils sont mis en place afin d’évacuer l’air ou les liquides qui peuvent se
déverser entre le feuillet pariétal et le feuillet viscéral de la plèvre. Ainsi, on évite aux
poumons d’être comprimés et on limite le risque d’insuffisance respiratoire.
A J-1 post-opératoire, les drains sont productifs, l’aspect est séreux-sanglant et
ils bullent par intermittence. On surveille le bullage des drains car cela peut indiquer la
présence d’un pneumothorax.
A J-2 post-opératoire les drains sont peu productifs et les écoulements ont un
aspect séreux. A la radio, on observe une bonne expansion pulmonaire.
Le médecin prescrit donc l’ablation des drains.
Ainsi au cours de l’après-midi, l’IDE se prépare pour l’ablation et demande à
l’aide-soignant (AS) du secteur de l’assister. Je m’étonne auprès d’elle car l’ablation de
drains thoraciques est un acte médical. Elle m’explique alors que, dans le service, les
médecins prescrivent l’ablation et les IDEs exécutent l’acte, aidés par les AS. L’IDE
expose le soin au patient, lui indique qu’il devra bloquer sa respiration lorsque l’AS tirera
sur le drain pour le faire sortir, l’IDE s’occupera des sutures. L’ablation est effectuée
rapidement.
Une fois le geste accompli, le soignant qui m’encadrait me propose de consulter
le protocole d’ablation de drains du service. Un extrait du protocole est fourni en annexe
-3-
(annexe 1). Il détaille les étapes de cette technique et les conditions pour l’exécuter en
sécurité. Mais il apparaît également, dans la partie « exigences à appliquer », l’article
R.4311-7 indiquant que l’infirmier peut procéder à l’ablation de drains « à l’exception des
drains pleuraux et médiastinaux».
Malgré l’autorisation écrite sur le protocole, l’article cité est extrait du Code de la
Santé Publique et précise que l’IDE n’est pas habilité à l’ablation des drains pleuraux et
médiastinaux.
Aussi je m’interroge : est-ce du dépassement de compétences ? Et si c’était le
cas, qu’est-ce qui pousse ces soignants à sortir de leur champ de compétences ? Qu’en
est-il de leur responsabilité ? Un protocole est-il au-dessus de la loi ? Quels sont les
risques pour le patient ? Et quels sont ceux pour le soignant ?
II.2 Questionnement :
-4-
II.3 Question de départ :
III.1 Introduction
C’est dans cette partie de mon travail que seront développés les concepts que
j’ai choisi d’étudier. Leur exploitation permet un apport théorique référencé dans la
littérature de recherche provenant parfois de disciplines variées (droit, sciences
infirmières, sciences sociales…) et de suivre mon raisonnement pour l’avancée de cet
écrit.
Les concepts étant issus de la question de départ, aussi leur développement
suivra le même ordre. J’aborderai tout d’abord la notion de protocole médical, suivie par
celle du dépassement de compétences. Je poursuivrai par le concept de responsabilité
infirmière et terminerai par l’intégration d’un nouvel arrivant.
-5-
professionnelle, on parle plutôt de protocole de soins. C’est donc le terme que j’utiliserai
pour ce travail.
Selon le Larousse, un protocole (venant du latin protocollum et du grec prôtokollon et
signifiant ce qui est collé en premier) est un document regroupant un « ensemble de
règles et de questions définissant une opération complexe »1. L’opération complexe
peut-être aussi bien une expérience scientifique qu’une opération chirurgicale.
Selon la juriste Stéphanie Tamburini, le protocole de soins est « un descriptif des
techniques à appliquer et/ou des principes et des consignes à observer dans certaines
situations et dans l’administration des soins. » C’est « un guide d’application des
procédures de soins ».2 Il permet à l’infirmier, d’agir, sans l’aval du médecin, lorsque la
situation à laquelle il est confronté correspond à celle décrite dans le protocole. Les actes
encadrés par ce type de protocole sont donc des actes relevant du rôle prescrit de
l’infirmier. Cependant, il relève du rôle propre de ce dernier de connaître les protocoles
du service dans lequel il exerce et de s’assurer que la situation correspond à celle
décrite.
L’article R4311-3 du Code de Santé Publique autorise l’infirmier à « élaborer,
avec la participation des membres de l’équipe soignante, des protocoles de soins
infirmiers relevant de son initiative »3. L’écriture de protocole encadrant des soins
infirmiers relevant du rôle prescrit peut être un travail collaboratif entre un infirmier et un
médecin. Ainsi, l’écriture et la révision de cette procédure apportent des connaissances
à chaque professionnel ; qu’elles soient scientifiques ou juridiques, notamment sur celles
encadrant la pratique du personnel soignant ; et peuvent mettre en lumière une habitude
de service ou de pratique qui aurait dû ou pu évoluer. Mettre en place des protocoles
dans une unité permet d’assurer des soins de façon plus efficiente. On sait la pratique
du soin encadrée, le personnel formé et la sécurité du patient assurée.
1
Protocole (2020). Larousse.
2
Tamburini S (2018).Protocole de soins infirmiers. MACSF
3
Collectif (2017).Recueil de Textes – Profession infirmier. Berger-Levrault
-6-
La rédaction d’un protocole joue donc sur la qualité des soins qui sont proposés
dans un service, mais elle a aussi une incidence sur le travail des professionnels,
notamment les nouveaux professionnels. Il participe « à la formation continue ».
Favoriser la diffusion du protocole va donc participer à l’homogénéisation des pratiques
soignantes. De plus, elle jouera sur l’intégration à l’unité des nouveaux professionnels.
Ces derniers pourront adapter leur pratique aux attentes du service. Dans son article, S.
Tamburini recommande « que les protocoles soient remis à chaque nouveau personnel
à son arrivée ou accessibles et affichés en permanence dans le service. »4
De façon générale, le protocole de soins est considéré comme une prescription
médicale. Même si elle encadre des soins du rôle prescrit elle n’est pas pour autant
appliquée et suivie de façon aveugle. Il est de la responsabilité de l’infirmier, de son rôle
propre, de comprendre la prescription, de s’assurer qu’il a connaissance des éventuels
effets indésirables du traitement et des surveillances appropriées à mettre en place.
En effet, l’infirmier étant le dernier rempart de sécurité auprès du patient, il se doit de
connaître son cadre d’exercice et de comprendre le soin qu’il exécute.
On peut considérer qu’il est à même d’adopter cette démarche réflexive vis-à-vis d’un
protocole de soins.
4
Tamburini S (2018).Protocole de soins infirmiers. MACSF
5
Dépassement (2020). Larousse en ligne
6
Compétence(2020). Larousse en ligne
-7-
infirmier, découle donc des connaissances acquises lors de sa formation, reconnues par
son diplôme d’Etat et le Code de Santé Publique, ce dernier listant les dix compétences
infirmières et les tâches associées.
Ainsi, j’en déduis que le dépassement de compétences, pour les infirmiers, est
le fait de dépasser les limites des connaissances et des aptitudes pour lesquelles il est
reconnu. Il n’a plus l’autorité, la légitimité nécessaire pour agir.
Les références à ce concept sont bien souvent issues d’articles portant sur le
glissement de tâches (ou dépassement de tâches). Dans le Dictionnaire des concepts
en sciences infirmières de Christine Paillard, la tâche est un « travail, ouvrage, élaboré
par un individu ou un groupe limité par une loi »7.Dans un document édité par la MACSF
(2013), il est donné une définition claire du glissement de tâche. C’est « un acte réalisé
par un professionnel qui n’en a pas la compétence réglementaire. »8 Ce sont des
situations où l’infirmier fait un acte médical ou bien un aide-soignant fait un acte infirmier.
Les deux situations me semblent intéressantes à mentionner, étant donné que l’on
retrouve ces cas de figure dans les services. On peut ainsi s’intéresser aux raisons qui
poussent les professionnels à faire des actes qui ne correspondent pas à leurs rôles
(propre ou prescrit).
Une recherche documentaire a permis de mettre en évidence que le glissement de
tâches était effectué pour diverses raisons. Le réseau AtlanRéa a publié en 2018 une
enquête appelée DeptREA, au cours de laquelle les infirmiers participants devaient
relever sur une journée s’ils effectuaient des dépassements de tâches et les raisons de
ces dépassements. L’objet n’est pas de reprendre en entier l’étude mais un chiffre
intéressant à retenir : « 64% des répondants ont déclaré faire du dépassement de
tâches ». Les raisons avancées étaient diverses : « le confort du patient », « les
habitudes de service », « l’indisponibilité du médecin », « la récurrence d’un problème
déjà signalé », « des protocoles existaient également pour des actes hors décret de
compétence IDE », « des prescriptions erronées ou approximatives », « la peur de
déranger »…
7
Christine Paillard (2018), Dictionnaire des concepts en sciences infirmières, 4ème
édition
8
MACSF (2013). Glissement de tâche et responsabilité.
-8-
A la lumière de ces résultats on peut constater que les raisons pour lesquelles
l’infirmier dépasse ses compétences sont toutes liées à un contexte. On voit ici la rupture
entre la théorie, dont fait partie la loi et l’enseignement dispensé en Institut de Formation
en Soins Infirmiers, avec la réalité du terrain.
Le dépassement de compétence est une réalité présente dans certains services
de soins. Peu importe la multitude de raisons qui l’engendre, il est encore trop banalisé
car il est entré dans les mœurs des pratiques soignantes. Les professionnels font avec,
pourtant cela n’exclut pas le risque que chacun prend : pour soi et pour le patient.
Le glissement de tâches est bien souvent dénoncé dans des articles relatant des procès,
donc lorsqu’il y a eu un préjudice d’infligé au patient. Ainsi, on évoque l’erreur du
soignant vers le patient. Le soignant n’a pas respecté les limites de son rôle, les limites
de son champ de compétences. Et pourtant, le sujet n’est pas aussi simple.
La revue ActuSoins a publié en juin 2011 un article intitulé « le glissement de
tâche : une réalité cachée », écrit par Malika Surbled9. Elle évoque plusieurs situations
de dépassement de compétences dont certaines ont été fortement médiatisées. Elle met
surtout en avant la difficulté de ce sujet, si les acteurs de santé s’accordent sur le fait
« de refuser d’effectuer des actes ne relevant pas de [leurs] fonctions », en pratique cela
semble moins évident qu’il n’y paraît car chacun se renvoie la responsabilité de l’acte en
question.
Il me semble important de relever dans l’article que « le glissement de tâche n’est pas
un terme juridique. Il serait utilisé à tort dans le langage commun pour remplacer le terme
« exercice illégal » ».
Le dépassement de compétences pose donc question sur la responsabilité.
9
Malika Surbled (2011). Le glissement de tâche : une réalité cachée. ActuSoins.
-9-
La notion de responsabilité est un concept commun à tout citoyen. Issue du latin
« responsum »10 signifiant « se porter garant, répondre de »11. Le sens qu’on lui accorde,
de façon générale, est que l’individu est « dans l’obligation d’assumer et supporter les
conséquences de ses actes »12.
Au cours de l’UE 1.3 « Législation, éthique et déontologie », la notion de
responsabilité est présentée aux étudiants. Un article écrit par le juriste Emmanuel
Poirier rappelle les 3 volets de la responsabilité infirmière :
La responsabilité civile et administrative : son but « n’est pas de punir mais de
permettre au patient victime d’un dommage d’obtenir des dommages et intérêts
en guise de réparation. »13
La responsabilité pénale : « a pour objectif de punir le comportement
dangereux ou illicite d’un professionnel de santé du fait des dommages qu’il a
pu causer à son patient ou du simple fait d’avoir fait courir un risque injustifié à
celui-ci. »14 « En outre ce qui la particularise est son caractère toujours
strictement personnel : personne ne « couvre » donc jamais personne et
chacun doit répondre de ces gestes. Ainsi, une infirmière a l’obligation de
refuser un ordre qui serait manifestement illégal car en exécutant un tel ordre
celle-ci se positionne comme « la main qui accomplit l’acte » et donc comme
l’auteur principal de l’acte illégal. » 15Les sanctions sont souvent d’ordre
financier et peuvent également être des peines d’emprisonnement.
10
Formarier,M. et Warchol N. (2012). Les concepts en sciences infirmières. Cairn .p271-
272
11
Formarier,M. et Warchol N. (2012). Les concepts en sciences infirmières. Cairn .p271-
272
12
Formarier,M. et Warchol N. (2012). Les concepts en sciences infirmières. Cairn .p271-
272
13
Poirier E (2019). Les trois responsabilités de l’infirmière. MACSF.
14
Poirier E (2019). Les trois responsabilités de l’infirmière. MACSF.
15
Poirier E (2019). Les trois responsabilités de l’infirmière. MACSF.
- 10 -
La responsabilité disciplinaire : s’intéresse au dépassement de compétence
réglementé dans les articles R4311-1 à R4311-15 et des règles
professionnelles des articles R4312-1 à R4312-89 du Code de Santé Publique.
Il existe plusieurs sanctions en cas de manquement à ces règles :
avertissement, blâme, mise à pied.
16
Formarier,M. et Warchol N. (2012). Les concepts en sciences infirmières. Cairn .p271-
272
17
Autonomie (2020). Dictionnaire en ligne de l’académie française.
- 11 -
peut y avoir d’autonomie sans responsabilités » démontrant que l’un ne va pas sans
l’autre.
L’infirmier est un professionnel de santé autonome au sens où il peut agir
librement dans le cadre de son rôle propre. Cela veut aussi dire qu’il doit être compétent
pour les actions qu’il entreprend et qu’il en est responsable.
Dans le cadre de son rôle prescrit, bien qu’il n’agisse pas de sa propre initiative
il est cependant reconnu comme compétent dans l’évaluation de la conformité de la
prescription médicale avant de la mettre en application.
A ce stade de l’exploration théorique, on s’aperçoit que le dépassement de
compétences impacte la responsabilité infirmière, qu’il y ait un protocole de soins qui en
soit à l’origine ou non.
18
Intégrer(2020). Dictionnaire Larousse en ligne
19
Nouveau (2020).Dictionnaire Larousse en ligne
- 12 -
intègre un service afin de pratiquer le métier pour lequel il s’est formé. Il passe d’un statut
d’étudiant à un statut de professionnel diplômé. Pour autant, il est novice dans le soin.
Dans l’ouvrage « De novice à Expert : Excellence en soins infirmiers » (1995),
Patricia Benner distingue 5 stades de progression de l’infirmier : « novice, débutant,
compétent, performant, expert ».
Dans la classification, elle explique que « les étudiantes infirmières » sont des
« novices » car « elles ont du mal à intégrer ce qu’elles ont appris dans les livres dans
ce qu’elles vivent en situation réelle ».Toujours selon cette classification, une infirmière
atteint le stade « compétent » lorsqu’elle a passé « 2 à 3 ans dans son service ».
L’infirmière compétente est décrite ici comme celle qui « commence à percevoir ses
actes en termes d’objectifs ou de plans à long terme dont elle est consciente ».
Ainsi, si le diplôme d’état reconnaît aux jeunes infirmiers qu’ils ont acquis des
compétences au cours de la formation, ils leur restent du chemin à parcourir dans
l’appropriation de ces dernières. Ce sont les expériences, les situations cliniques qui
participeront à la progression du jeune diplômé du statut novice jusqu’aux statuts
supérieurs.
On peut en déduire que le jeune diplômé devra veiller à conserver une attitude et un
regard d’apprenant au début de sa carrière. Cette attitude d’apprenant il devra l’avoir
auprès de ses collègues, des membres de l’équipe du service auprès desquels il sera
amené à demander des précisions, des explications, voire des démonstrations de soins
techniques. Dans sa perception des choses, le nouveau diplômé peut se sentir en
difficulté par son manque d’expérience.
De plus, ayant peu l’expérience d’être un professionnel autonome et
responsable, les premiers mois suivant la prise de poste peuvent engendrer angoisse et
stress. C’est un discours commun évoqué dans de nombreux témoignages.
Dans un article sur le site Infirmiers.com, Aurélie Trentesse recueille les expériences
vécues par plusieurs internautes. L’une des personnes interviewées évoque les
premiers temps dans le service en ces termes : « Mon premier jour et les suivants
n’étaient pas géniaux et largement très stressants. Je suis diplômée depuis sept mois et
- 13 -
je commence seulement à me détendre. »20 Une autre dit : « je me sens plus gauche et
commence à douter de moi »21.
On comprend que la confiance en soi est importante pour le soignant car elle lui permet
de se positionner en tant que tel. La posture professionnelle, que le jeune diplômé doit
continuer d’acquérir, peut être affectée par l’arrivée dans le service.
Toutefois, un infirmier devenu compétent le sera-t-il lorsqu’il change de service ?
Il semblerait que cela dépende de ses expériences passées. Selon Patricia Benner,
« ces étudiantes ne sont pas les seules novices ; toute infirmière intégrant un service
dont elle ne connaît pas les malades peut se retrouver à ce niveau si elle n’a pas
l’habitude du matériel utilisé ni de la pathologie des malades du service ». Retrouver une
position d’apprenant est sans nul doute désarmant pour un professionnel qui était
habitué à avoir un certain niveau de compétences.
Le novice ne sera pas forcément le nouveau diplômé. Cela peut aussi bien être un
infirmier changeant de lieu d’exercice. On voit donc, que la nouveauté et la spécificité
de celui-ci peuvent impacter les repères du nouvel arrivant et générer un inconfort qui
peut aller de pair avec le fait d’être le nouveau de l’équipe.
Plaute ; ancien dramaturge latin ; avait formulé une phrase maintes fois reprises :
« Quand on ne le connaît pas, l’homme est un loup pour l’homme »22. Il cherchait à
illustrer la peur de l’autre. Il y a évidemment la peur de celui qui arrive se demandant
comment sera son équipe. Mais cette peur on la retrouve aussi du côté des intégrants,
traduites par des phrases que l’on peut entendre : « il est comment le nouveau
collègue ? », « ça va il est bien ? ».
20
Trentesse, A (2017). Première prise de poste après le DE : comment supporter
l’angoisse ?. Infimiers.com.
21
Trentesse, A (2017). Première prise de poste après le DE : comment supporter
l’angoisse ?. Infimiers.com.
22
Wikipédia (2019). Homo homini lupus est.
- 14 -
Une équipe est définie comme « un groupe de personnes travaillant à la même
tâche ou unissant leurs efforts dans le même dessein »23. Sa cohésion sera liée au
sentiment d’appartenance de chacun à cette dernière. Roger Muchielli (2007) écrit :
« L’appartenance (à l’équipe) de la part des membres, gage de participation et de
coopération, est le vécu singulier de ce qui est cohésion au niveau groupal. »24
Le travail d’un infirmier en service hospitalier n’est pas un travail individuel.
Lorsque l’on intègre un service, on intègre une équipe. Celle-ci a ses propres valeurs.
L’arrivée d’un nouvel infirmier peut remettre en cause la dynamique de groupe et parfois
même des habitudes de services. La difficulté pour le nouvel arrivant est de se
positionner en tant que lui-même, un individu avec ses idées et ses valeurs et à ne pas
les oublier lorsqu’il intègre l’équipe.
Toutefois, la mesure dans ces propos peut être appréciée surtout lors des débuts, car
une équipe qui intègre est une équipe qui accueille. Walter Hesbeen écrit qu’ « accueillir
c’est recevoir chez soi »25. Un nouvel arrivant (infirmier expérimenté ou jeune infirmier)
qui pose des questions sur les habitudes de pratiques peut générer un malaise voire des
conflits avec les autres professionnels du service. En agissant ainsi il peut donner
l’impression de critiquer et de juger les pratiques de ses collègues, risquant ainsi de
nuire à son intégration.
L’intégration d’un nouvel arrivant s’effectue grâce aux efforts de chacun : celui-ci
redouble d’application pour s’adapter au service tandis que l’équipe participe à son
accompagnement.
23
Formarier,M (2012). Les concepts en sciences infirmières. Cairn.p180-182.
24
Mucchielli, R (2007). Le travail en équipe. Clés pour une meilleure efficacité collective.
Paris. Ed ESF. p37.
25
W,Hesbeen (1997). Prendre soin à l’hôpital. p130.Paris, Masson
- 15 -
IV. Méthodologie
Afin de faciliter les échanges et garder un lien avec ma situation d’appel j’ai choisi
deux infirmiers qui ont exercé dans un service de réanimation en Chirurgie Thoracique
Cardiaque et Vasculaire (CTCV). Le premier infirmier avec qui j’ai échangé a obtenu son
diplôme en 2015 et après avoir travaillé en réanimation médicale pendant deux mois, il
exerce depuis lors en réanimation CTCV. Il est engagé depuis 2016 dans différentes
actions pédagogiques (dans son service et dans un Institut de Formation en Soins
Infirmiers) et depuis juin 2019 il est titulaire d’un diplôme universitaire (DU) plaies et
cicatrisations.
La seconde professionnelle interrogée est diplômée depuis juillet 2018. Elle a
travaillé neuf mois en réanimation CTCV. Par la suite, elle a exercé 3 mois aux urgences
de Royan. Depuis juillet 2019, elle est infirmière intérimaire. Elle a donc l’occasion de
pratiquer dans différents types de structures (hôpitaux public, cliniques privées, EHPAD)
et de services (réanimation, service de chirurgie, soins palliatifs).
Le choix de ces professionnels est lié au fait qu’ils aient tous les deux exercé
dans le service de réanimation CTCV où a eu lieu la situation d’appel. Néanmoins, je
voulais un professionnel qui avait pu voir d’autres services, afin d’éventuellement
comparer avec ses autres expériences. Aussi le but était de savoir si le dépassement
de compétences existait dans d’autres unités et si l’intégration d’un nouvel arrivant
pouvait être impactée de la même façon ou non.
L’enquête a été effectuée en faisant des entretiens semi-directifs. Ils ont suivi
globalement la même trajectoire car je me suis appuyé sur un guide d’entretien (annexe
2). J’invitais les interviewés à se présenter, nous abordions les protocoles de soins, le
dépassement de compétences et la responsabilité infirmière, puis nous évoquions en
- 16 -
quoi l’intégration d’un nouvel arrivant pouvait être affectée s’il refusait d’effectuer un acte
hors champ de compétences. C’est au final 7 questions qui seront posées aux
professionnels de terrain.
Une fois le choix des professionnels arrêté je les ai sollicités par mail afin de
savoir s’ils étaient d’accord pour répondre à mon enquête et si l’on pouvait faire
l’entretien en visioconférence via des outils comme Skype. En effet, la période de
confinement lié au COVID-19 était déclarée, aussi nous ne pouvions nous rencontrer.
Chaque entretien a duré environ trente minutes.
Ils m’ont donné leur consentement pour que je les enregistre. De mon côté je leur
ai garanti l’anonymat lors de la retranscription.
Il est intéressant de noter que la méthode d’exploration est une méthode dans
laquelle l’observateur est aussi acteur. Comment savoir s’il n’influence pas les
réponses ? Cette difficulté est récurrente dans la recherche en sciences humaines et je
ne pense pas faire exception en me demandant si j’ai influencé ou non certaines
réponses.
Ensuite les entretiens étaient faits à distance. Il a fallu composer avec parfois
certains soucis techniques (bugs de la connexion entre autres, audio perfectible etc…).
L’un des professionnels interviewés n’était pas rompu à ce type d’exercice aussi
pour la dynamique de l’entretien ai-je dû reformuler, ayant peut-être induit des réponses
sans le vouloir. Je pense aussi que le sujet n’est pas particulièrement simple, tant sur le
plan des connaissances des praticiens que sur la liberté de parole de chacun concernant
cette problématique.
Enfin, j’aurais souhaité interroger un médecin afin d’avoir son point de vue sur ce
thème car je pense qu’un lien était faisable entre l’entretien des infirmiers et celui du
médecin. Mais avec le confinement et la situation exceptionnelle liée à la crise sanitaire,
contacter un médecin et le solliciter pour un entretien est devenu plus compliqué.
- 17 -
V. Résultats de l’enquête
Afin d’analyser les informations recueillies pendant les entretiens j’ai utilisé une
grille (annexe 5) permettant d’identifier des thèmes et de les classer. Pour essayer de
faciliter le suivi de mon raisonnement, je suis le même ordre que pour les concepts.
- 18 -
V.2 Le dépassement de compétences
- 19 -
Ce besoin fait le lien avec les sentiments de supériorité et de valorisation éprouvés lors
d’un dépassement de compétences.
Néanmoins, il semblerait que certains médecins laissent une « autonomie relativement
importante » aux soignants. La raison serait liée à la position de l’interne que les
infirmiers « managent pas mal à leur arrivée en service ». Il dit qu’ « il y a une part
médecin-dépendante ».
Toutefois, ce ressenti de supériorité ne semble pas partagé par tous. L’infirmière
intérimaire explique que son vécu vis-à-vis du dépassement de compétences « dépend
de l’acte ». Elle cite notamment « l’ablation de drains thoraciques » avec laquelle elle ne
s’est « jamais sentie à l’aise ». Pour autant, elle ne ressent pas la même gêne à effectuer
un premier sondage urinaire chez un homme. Elle sait que « légalement c’est à lui (le
médecin) de le faire » mais il semblerait que dans différents services le médecin
« réponde qu’il ne sait pas le faire ». Elle aussi est confrontée à cette part médecin-
dépendante.
Si la spécificité de l’unité a un lien avec le dépassement de compétences, les
habitudes de service sont elles aussi un facteur favorisant. Elles peuvent être prises par
les professionnels quand il existe un protocole. L’infirmier A explique que dans son
service ce sont les infirmiers qui sont chargés de l’ablation des drains. L’infirmière B, qui
a eu l’occasion d’y exercer, dévoile son inconfort à réaliser ce soin.
Si l’existence de consignes, précises et écrites peut donner une impression de sécurité
au soignant, elle peut aussi lui donner le sentiment d’être acculé. L’infirmière B dit : « j’ai
le sentiment que je n’ai pas le choix de le faire même si je suis mal à l’aise avec ».
L’habitude naît de la répétition. L’infirmier A affirme qu’il effectue « énormément » d’actes
hors champs de compétences. Il estime, sur une semaine où il serait en horaire d’après-
midi, « effectuer une dizaine d’actes hors champs de compétence ».
La répétition peut banaliser le geste, que tous deux décrivent comme « n’étant pas
anodin », et sa perception en sera affectée. Même si l’infirmière B n’était pas à l’aise,
elle dit se rassurer en pensant «si un protocole est fait, sur certains actes par les
médecins, (…) c’est que les risques sont moindres et qu’on est en capacité de le faire
car il ne représente pas une difficulté technique ».
De plus, le dépassement de compétences peut prendre différentes formes.
L’infirmier A distingue l’ « involontaire » du « volontaire ».
Selon l’infirmier A, ce qu’il perçoit comme involontaire correspond aux « suggestions de
thérapeutiques » des infirmiers. Il met en lien ces dernières avec la « réflexion
- 20 -
soignante » lors de la prise en soin du patient. Mais il considère aussi comme relevant
de l’involontaire « car dû au service » les actes hors champ de compétences encadrés
par un protocole « signé par le chirurgien chef de la réanimation ».
Le dépassement volontaire correspond aux actes effectués par l’infirmier de son propre
chef. L’infirmier de réanimation explique : « Il arrive parfois que des infirmiers,
notamment moi, suggérions, de notre propre initiative, très fortement de faire un gaz du
sang pour avoir une valeur fiable et il arrive que nous le suggérions mais que nous ayons
fait l’acte. » Il reconnaît néanmoins que cela est aussi lié aux équipements de pointe
présents dans le service qui facilitent certains gestes.
Le dépassement de compétences est une réalité confirmée par les
professionnels interrogés. La complexité de cette réalité tient à la pluralité des facteurs
l’influençant. C’est « multifactoriel ».
- 21 -
V.4 L’intégration d’un nouvel arrivant
- 22 -
VI. Discussion
- 23 -
VI.2 Le dépassement de compétences.
- 24 -
compétences en réanimation pourrait amener à le penser. Toutefois, une remarque de
l’infirmière intérimaire vient contrebalancer cette idée.
Pour elle, le glissement de tâches présenté dans le cadre conceptuel existe lorsque
l’infirmier demande à l’aide-soignant d’effectuer un soin ne relevant pas de son exercice.
Elle explique : « en tant qu’infirmier nous sommes amenés à faire plus de choses que
nous n’étions pas censés faire. » Aussi afin de gérer le surplus de tâche l’infirmier se
voit contraint, parfois, de demander à l’aide-soignant de sortir de son champ de
compétences. On peut en déduire qu’il y a un lien avec la spécificité du service mais il
n’est pas le seul.
Le dépassement de compétences est multifactoriel.
Mais quels sont les ressentis des soignants vis-à-vis de cette thématique ? Il
semblerait qu’ils diffèrent. Dans les résultats de l’entretien, on a pu constater qu’en lien
avec la spécificité du service pouvait naître un « sentiment de supériorité » et une
sensation de « valorisation du métier ». Ces émotions, le soignant de réanimation les
met en relation avec « un besoin de reconnaissance de la part du médecin » sur le travail
effectué par le personnel infirmier. Pour autant, il reconnaît qu’avec le temps, s’il n’est
pas apeuré par le fait de sortir de son cadre légal dans un certain contexte, il invite à la
prudence en expliquant qu’il est bon de « savoir pourquoi on dépasse nos
compétences ».
La professionnelle intérimaire aborde l’ablation des drains thoraciques comme un geste
avec lequel elle n’a « jamais été à l’aise ». Elle explique que l’acte n’est pas anodin et la
présence d’un protocole encadrant ce soin n’est pas pour la rassurer, mais lui fait plutôt
sentir qu’elle n’a pas le choix de le réaliser.
Ainsi l’exercice illégal de la profession n’est pas fait sans raisons. Celles-ci sont
nombreuses et varient selon le contexte de soin. Il n’est pas vécu de la même manière
par les soignants qui y sont confrontés.
L’exploration théorique de ce thème a mis en avant le fait que chacun est « dans
l’obligation d’assumer et supporter les conséquences de ses actes ». Il est également
apparu que cette idée de responsabilité liée à l’erreur n’était pas le seul sens possible.
La responsabilité est unie à la notion d’autonomie, définie par Warchol comme étant « la
possibilité de s’administrer librement dans un cadre défini ».
- 25 -
Un protocole autorisant un dépassement de compétences peut donner
l’impression d’augmenter l’autonomie du soignant, puisqu’il est en mesure d’agir dans
un cadre défini. Toutefois, cette augmentation d’autonomie si elle est officieuse n’est pas
officiellement reconnue.
Les interviewés évoquent avoir conscience d’être responsables de leurs actes et
de prendre des risques : plus pour eux même que pour le patient semblerait-il. Aussi
insistent-ils sur l’importance de connaître les raisons pour lesquelles un soignant sort de
son cadre légal. Néanmoins, ils argumentent sur le fait d’être capable de se positionner
en tant que professionnel et de refuser d’agir si ce dernier ne se sent pas capable ou ne
souhaite pas assumer une action ne relevant pas de son rôle.
J’en conclus que si la responsabilité est définie, son ressenti et sa représentation
restent personnels. Malgré tout, le professionnel faisant l’acte est toujours responsable.
- 26 -
Du côté du nouvel arrivant, les recherches démontrent l’existence du stress et de
l’anxiété lors de la prise de poste. Les divers témoignages relevés par la journaliste
Aurélie Trentesse sont éloquents. Cette angoisse, cette peur peut faire écho à celle que
l’on peut retrouver chez les intégrants. Citons de nouveau Plaute : « quand on ne le
connaît pas l’homme est un loup pour l’homme ».
Dans le contexte d’un nouveau collègue, exprimant le refus d’effectuer un acte
encadré par un protocole mais hors de son champ de compétences, les interviewés
prônent l’échange et la discussion. Le but étant « d’exprimer les raisons de son refus »,
pour l’infirmier de réanimation, et « d’essayer de comprendre pourquoi le service
considère cela comme normal » (sous-entendu l’acte) pour l’infirmière intérimaire. Enfin,
les deux soignants interrogés recommandent de s’assurer de la formation du nouvel
arrivant à ce soin et de le former le cas échéant.
Il y a deux raisons liées aux notions d’échange avec l’équipe et à la formation au geste.
Tout d’abord la volonté « de ne pas mettre à l’écart » le nouvel arrivant mais de
«l’accompagner ». Ensuite, il y a le fait qu’un infirmier travail en équipe. Pour rappel, une
équipe, selon Formarier, est « un groupe de personnes travaillant à la même tâche ou
unissant leurs efforts dans le même dessein ». Cela sous-entend que les membres ont
les mêmes tâches à faire et que chacun fait le même effort pour la bonne prise en soin
du patient. Refuser de faire un acte veut dire que quelqu’un devra malgré tout le faire
rendant les tâches et les efforts inégaux entre les équipiers.
L’intégration d’un nouvel arrivant est donc affectée de différentes manières. Le
refus d’effectuer un acte, encadré par un protocole de soins mais hors champ de
compétences, pouvant rendre difficile l’intégration voire l’avenir du professionnel au sein
du service. Même si ce dernier accepte de se former à ce soin, il prend malgré tout un
risque pour sa carrière.
Pour conclure cette analyse, un protocole de soin autorisant un dépassement de
compétences peut impacter la pratique de l’infirmière et par extension, sa responsabilité.
De même, l’intégration d’un nouvel arrivant étant une étape importante de la vie du
professionnel, on peut avancer que la présence d’un tel protocole serait à même
d’influencer le déroulé de cette période.
La réflexion et la rédaction de cet écrit m’ont amené à me poser une question de
recherche plus fine : en quoi l’optimisation de la coopération entre professionnels de la
santé limiterait l’exercice illégal de la profession d’infirmière et favoriserait l’intégration
d’un nouvel arrivant ?
- 27 -
VII. Conclusion
Qu’est-ce que le dépassement de compétences ? Qu’est-ce qui pousse ces
soignants à sortir de leur champ de compétences ? Qu’en est-il de leur responsabilité ?
Un protocole est-il au-dessus de la loi ? Quels sont les risques pour le patient ? Et quels
sont ceux pour le soignant ?
Ce travail de fin d’études m’a permis d’observer cette situation avec un autre
regard que celui que je portais initialement. Que ce soit la recherche théorique ou les
échanges avec les infirmiers interviewés, chaque élément m’a fait avancer dans ma
réflexion. Ce thème qui me semblait assez simple au début s’est révélé plus riche et plus
complexe que prévu.
J’ai appris qu’un protocole de soins faisait office de prescription médicale pour
les situations qu’il décrit. De plus, j’ai compris que si le dépassement de compétences
est un terme utilisé pour désigner l’exercice illégal de la profession d’infirmière, il ne peut
être abordé uniquement du point de vue juridique. Même si le dépassement de
compétences affecte la responsabilité infirmière, il est nécessaire d’entendre les raisons
pour lesquelles les professionnels sortent de leur cadre d’exercice avant de prétendre
pouvoir émettre un avis sur cette question. J’ai également appris que l’intégration d’un
nouvel arrivant était une étape plus complexe qu’il n’y paraît et que certains éléments
peuvent la perturber.
Ce travail m’a aidé à entamer une réflexion sur la façon dont je peux me
positionner en tant que futur professionnel face au dépassement de compétences. Il
m’a également montré que ce dernier n’était pas nécessairement source de mal être
pour l’infirmier ni même pour le patient car même s’ils ne sont pas reconnus, les
praticiens peuvent être formés sur le terrain. Les réactions des soignants interviewés
m’ont montré que l’intégration d’un nouvel arrivant est facilitée par le sens du
relationnel des professionnels de terrain.
- 28 -
BIBILIOGRAPHIE :
- 29 -
Poirier E (2019). Les trois responsabilités de l’infirmière. MACSF consulté le 15/04/2020
repéré à : https://www.macsf.fr/Responsabilite-professionnelle/Cadre-
juridique/responsabilites-infirmiere
Trentesse, A (2017). Première prise de poste après le DE : comment supporter
l’angoisse ?. Infimiers.com consulté le 16/04/2020 repéré à :
https://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/presentation/premiere-prise-poste-
surmonter-angoisse.html
W,Hesbeen (1997). Prendre soin à l’hôpital : inscrire le soin infirmier dans une
perspective soignante. p130.Paris, Masson
Wikipédia (2019). Homo homini lupus est consulté le 19/04/2020 repéré à :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Homo_homini_lupus_est
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TABLE DES MATIERES DES ANNEXES
- 31 -
Annexe 1 : extrait d’un protocole de soins
XXXII
Annexe 2 : Guide d’entretien
Préciser que cet entretien est anonyme et qu’il devrait durer environ 30 min
L’interviewé : qui êtes-vous (fonction) ? Objectif : présentation du panel
o depuis quand êtes-vous diplômé ?
o Parcours professionnel ?
o Depuis combien de temps en service de réanimation ?
Si je vous dis protocole de soins, quels sont les termes qui vous viennent à l’esprit ?
o Objectif : connaître les représentations des professionnels de santé sur le
protocole de soins
Réglementairement, pourriez-vous me dire ou vous vous situez lorsque vous
réalisez un acte qui relève du médecin ?
Ter : Vous est-il déjà arrivé d’effectuer des actes hors champs de compétences
IDE ? Si OUI qu’avez-vous éprouvé ? Si NON qu’en pensez-vous ?
Que penseriez-vous d’un nouvel IDE qui refuserait d’effectuer un soin encadré par
un protocole ? Par exemple, l’ablation des drains thoraciques.
Bis : face à cette situation, que feriez-vous ? Ou quels conseils pourriez-vous lui
donner ?
o Objectif : comprendre et évaluer la nature des réactions des IDEs experts.
Y-a-t-il des choses que vous souhaiteriez me dire et que nous n’avons pas évoqué ?
o Objectif : ouvrir la discussion afin d’amener éventuellement, des apports
supplémentaires de la part des professionnels sur le sujet.
XXXIII
Si entretien avec un médecin :
L’interviewé : qui êtes-vous (fonction) ? Objectif : présentation du panel
o depuis quand êtes-vous diplômé ?
o Parcours professionnel ?
o Depuis combien de temps en service de réanimation ?
Vous est-il déjà arrivé de rencontrer un infirmier qui refuse d’effectuer un soin
prescrit par un protocole ?
o Quelle a été votre réaction ? Quel a été votre ressenti ?
Objectif : essayer de donner un aperçu de la relation médecin-infirmier dans leur pratique
de tous les jours (collaboration ? jeux de pouvoir ?)
Que penseriez-vous d’un nouvel IDE qui refuserait d’effectuer un soin encadré par
un protocole ? Par exemple, l’ablation des drains thoraciques.
Bis : face à cette situation, que feriez-vous ? Ou quels conseils pourriez-vous lui
donner ?
o Objectif : comprendre et évaluer la nature des réactions des IDEs experts.
o Objectif : savoir si les médecins connaissent le champ de compétences des
infirmiers (comme l’infirmier doit le faire avec l’AS lorsqu’il fait une
délégation de tâches).
XXXIV
Annexe III : Entretien Infirmier A
XXXV
- Le protocole de soins est une prescription médicale. Elle donne aux
infirmiers une certaine autonomie dans le déclenchement du protocole et
la mise en place de soins. Mais la marge de manœuvre dans les soins
liés au protocole sera limitée.
3. Réglementairement, pourriez-vous me dire où vous vous situez lorsque
vous réalisez un acte relevant du médecin ?
- Là c’est plus compliqué. Surtout en réanimation qui est un secteur très
particulier, dans le sens où le code de santé publique régit notre rôle
prescrit et notre rôle propre. Mais on se retrouve assez rapidement
confronté à un flou artistique dans le service spécifique parce que l’on
acquiert une spécificité. C’est un vaste débat car il y a une volonté à ce
que chaque infirmier devienne un petit médecin donc on dépasse
facilement nos compétences parce que l’on veut prouver que l’on est
supérieur à d’autres.
- Il y a une idée de valorisation ?
- Une valorisation du métier en effet, même si cela ne nous donne aucun
avantage de plus financièrement. Mais il y a aussi le fait que les médecins
entendent que nous sommes infirmiers de réanimation donc forcément tu
es plus qu’infirmier. L’image de la réanimation est enjolivée. Mon service
est un service post-opératoire donc très spécifique. On doit donc réfléchir
assez vite. On va facilement voir les internes pour la prise en charge, ces
internes que l’on manage pas mal à leur arrivée dans le service. Et du
coup on a une prise relativement importante d’autonomie. Cette prise est
parfois volontaire, parfois involontaire. Mais notre dépassement de
compétences arrive vite.
- Ce serait donc quelque chose de multifactoriel, tant lié à la vision de
l’infirmier de son rôle, que de l’exigence du médecin et du service ?
- C’est exactement ça. C’est bien multifactoriel. Il y a une part médecin
dépendante. Tu es toi-même passé par la réanimation CTCV, tu vois
donc bien quel médecin est prêt à te laisser plus d’autonomie et te laisser
plus proposer ta réflexion soignante sur certaines situations. De même
avec des internes qui prennent plus le temps d’écouter le discours des
infirmiers voire des aides-soignants avec attention pour avoir leur vision
de la situation. Il arrive donc régulièrement que l’infirmier suggère des
orientations à l’interne ou au médecin.
XXXVI
Pour exemple, dernièrement une sortie de salle opératoire très
hémorragique sur un Syncardia (dispositif de cœur artificiel pour patient
en attente d’une greffe) j’ai proposé au médecin d’ajouter aux traitements
déjà prescrits de passer des facteurs de coagulation. Et ça a été validé.
Ce sont des suggestions mais je dépasse mon cadre légal car je propose
des thérapeutiques au sens clinique des choses. Est-ce que ça s’entend
comme dépassement de compétences ? Je ne suis pas sûr. Peut-être
peut-on parler de dépassement de compétences involontaire ?
Je le distingue du dépassement de compétence volontaire et
institutionnel. Par exemple, j’extube alors que je n’ai pas le droit car
légalement, si je fais ça, je dois pouvoir ré-intuber s’il y a un problème.
J’enlève des drains thoraciques, comme des drains pleuraux.
Normalement je ne devrais pas le faire car il y a un risque lors de l’ablation
du drain de faire un pneumothorax au patient et les garanties de sécurité
du patient sont de l’ordre du médical. Un autre exemple, lorsque la
saturation est difficile à obtenir et à évaluer dans le cas d’un patient en
bas débit, certains médecins prescrivent un gaz du sang. Il arrive parfois
que des infirmiers, notamment moi, suggérons de notre propre initiative
très fortement de faire un gaz du sang pour avoir une valeur fiable et il
arrive que nous le suggérions mais que nous ayons fait l’acte.
- Est-ce que ça peut être lié aussi au technicage important des patients
dans le service, facilitant certains actes comme le prélèvement artériel et
vous permettant de prendre certaines décisions plus rapidement ?
- Oui c’est ça. Le fait de piquer en périphérique aurait été plus difficile.
Cette réponse anticipe ma question suivante qui est : avez-vous déjà effectué
des actes hors champ de compétences IDE ?
- Oui beaucoup. Enormément. Si je devais donner une estimation liée à
mon service, lorsque l’on fait une semaine d’après-midi, je pense que l’on
effectue une bonne dizaine d’actes hors champ de compétence.
L’ablation des drains, l’extubation, la suggestion des bilans et des
thérapeutiques. Je distingue finalement le dépassement de compétences
volontaire et involontaire comme évoqué précédemment. L’involontaire
serait la suggestion. On suggère quelque chose fortement mais c’est pour
appuyer notre expérience. On a besoin de reconnaissance auprès des
XXXVII
médecins et on a parfois envie de suggérer pour faire avancer les choses.
Et des choses qui sont involontaires car dues au service. Les protocoles
où l’on dépasse nos compétences sont des protocoles de service validés
par le chirurgien chef de la réanimation. D’ailleurs, tu ne verras aucun
médecin enlever des drains thoraciques ! Les poser pas de problèmes.
Mais les enlever aucun. Sauf s’il y a un problème de butée comme cela a
pu arriver et dans ce cas-là c’est l’interne de chirurgie qui viendra les
enlever ou le patient retournera au bloc pour l’ablation.
Qu’est-ce-que vous avez éprouvé lors des premières fois où vous avez
effectué un dépassement de compétences et qu’est-ce-que vous éprouvez
lorsque vous faites un acte hors de votre champ de compétences ?
- La toute première fois, j’étais en stage en début de deuxième année.
J’étais en libéral et je faisais les tournées tout seul. Cela avait fait grand
bruit à ce moment-là à l’IFSI et je t’avouerai que c’était une source de
satisfaction personnelle, dans le sens où je me suis dit que je « relevais
le niveau assez vite » afin d’être autonome et afin d’avoir les félicitations
de l’évaluateur. On me donnait la liste des patients que je devais aller voir
et concrètement si tu y arrives et que ça se passe bien alors il n’y avait
pas de problèmes. Comme lorsque l’on dépasse notre champ de
compétences en service. Cependant le revers de la médaille, c’est que si
tu as un problème lié à la sécurité ou à une mauvaise gestion de l’acte
qui dépasse ton champ de compétences le bâton peut revenir.
La responsabilité sera donc pour toi, pour le médecin, pour l’aide-soignant
qui est avec toi et t’aide. La responsabilité est partagée mais on doit bien
s’entendre avec ça : le médecin doit être au courant de ce que tu fais.
Pour l’extubation on prévient le médecin de ce que l’on va faire. Certains
médecins disent « tu l’extubes quand tu le sens ». Heureusement que j’ai
de l’expérience, que je ne débute pas ou ne suis pas stagiaire car cette
phrase quand je la prends dans la tronche, pardon du mot tronche, mais
elle reste assez dure. Le risque serait que j’extube un patient encore
somnolent, que j’enlève la sonde d’intubation à un patient super agité
mais ne répondant pas aux ordres simples et donc je mettrai en péril sa
ventilation.
XXXVIII
Il faut donc savoir pourquoi tu dépasses tes compétences. Cela se fait
après avoir acquis de la sagesse. Au début on peut se dire « ils me font
confiance, c’est bien » c’est quelque chose d’acquis. Mais il faut se
rappeler qu’à la fin du mois, la paye reste identique. Elle n’augmente pas
même si on augmente nos responsabilités (DU ou pas).
Il faut donc être capable de gérer sa responsabilité, la sécurité et
s’assurer que l’on a un bon soutient derrière et que l’on fait les choses
correctement.
Par exemple, si tu es stagiaire en réanimation CTCV et que tu n’es pas
au clair avec l’ablation des drains ou l’extubation, il faut savoir dire « je ne
suis pas capable de le faire, je ne veux pas prendre la responsabilité de
faire à la place de … . » Il est important de se positionner.
- Si je résume un peu sur ce que l’on ressent lorsque l’on dépasse nos
compétences : quand on est étudiant on est valorisé, on a confiance en
moi et c’est quelque chose de positif. Et viens le moment où on est
professionnel et où l’on se dit « attention je prends des risques pour moi,
pour ma carrière, pour le patient ».
- Tout à fait. Mais il ne faut pas considérer qu’il y a une absence de risque
parce que tu es étudiant. Il y a une tolérance sur le droit à l’erreur, une
protection institutionnelle. Attention tout de même, certaines erreurs ne
se rattrapent pas. Des erreurs, en fonction de leur gravité devront être
signifiées mais ne mettront pas forcément en jeu le diplôme. Quand on
passe professionnel attention… L’erreur peut aussi être une source de
réajustement.
Que penseriez-vous d’un nouvel IDE qui refuserait d’effectuer un soin encadré par
un protocole ? Par exemple, l’ablation de drains thoraciques. Face à cette
situation, que feriez-vous ? Quels conseils pourriez-vous lui donner ?
- Si je suis dans l’accompagnement du nouveau professionnel, je l’inviterai
à s’expliquer avec le médecin référent s’occupant du patient qui a prescrit
l’ablation des drains. Ce sera peut-être mal vu. Cependant ça reste une
histoire de responsabilité comme on en a parlé tout à l’heure.
Personnellement, je n’ai aucune objection à ce que l’infirmier du secteur
XXXIX
n’enlève pas les drains parce qu’il n’est pas au clair avec ça ou qu’il n’a
pas envie de mettre en jeu son diplôme avec ce geste. C’est tout à fait
entendable.
Il faut cependant faire attention à la façon dont c’est dit. Il faut amener ça
avec tact. Si l’infirmier se retrouve seul à ne pas effectuer ce soin il faudra
en parler avec la cadre du service, avec l’équipe médicale de façon
générale. L’idée n’est pas de mettre à l’écart cette personne mais
éventuellement de lui proposer de la former à cet acte.
Mais il faut aussi comprendre les motifs du refus. La réanimation CTCV
étant un service spécifique, l’ablation des drains est quotidienne et parfois
plusieurs fois par jour. Un infirmier ne travaille jamais seul dans un service
mais en équipe et je ne pense pas que ta collègue qui a un secteur plein
accepte d’enlever les drains de tes patients.
Ce serait donc à discuter en équipe, qu’un consensus soit trouvé pour
étiqueter que tu ne retires pas les drains en fonction des conditions ou si
c’est un défaut de formation on te forme, on t’encadre sur les premiers.
Concernant les étudiants, on formait les étudiants à les enlever. Et puis,
sans qu’il y ait d’accident ou autre, on s’est rendu compte que l’on vous
plaçait en difficulté vis-à-vis de ce soin. C’est notamment un soin que
vous rapportiez souvent dans des analyses de pratiques professionnelles
et qui était décrit comme étant du dépassement de compétences.
On a donc pris le parti de vous faire observer le soin et de ne vous faire
que clamper le drain afin de comprendre le mécanisme d’aspiration du
drain, cependant nous ne vous laissons plus faire la suture. Dans quelle
dynamique tu avais été ?
- Personnellement j’étais dans la position qu’a en général l’aide-soignant,
je m’occupais de la tubulure du drain.
- C’est effectivement comme ça que je pense que vous pouvez être formés.
Il n’y a pas de risques pour vous et moi à tout moment je peux clamper le
drain si besoin pour assurer la sécurité du patient. C’était minimiser les
risques de survenue d’un pneumothorax. Mais ça permettait de faire
prendre conscience aux étudiants qu’un drain ce n’est pas rien. Ces
gestes qui paraissent anodins dans un service particulier ne le sont
finalement pas. Il faut saisir la chance de pouvoir être formé sur des
XL
choses que l’on n’a pas l’habitude de voir mais il faut être conscient du
risque que l’on prend à retirer ses dispositifs. Fort de mon expérience en
réanimation l’infirmier va souvent être dans le dépassement de
compétences sur le retrait de dispositifs médicaux. Le risque de
complications pour le patient est minime quand l’infirmier à de
l’expérience.
- L’expérience est donc une valeur ajoutée pour pouvoir pratiquer ce
dépassement de compétences le plus en sécurité possible ?
- Clairement. Il faut déjà considéré qu’un infirmier nouvellement diplômé
arrivant en réanimation CTCV aura besoin d’environ six à huit mois pour
être vraiment autonome. Il lui faudra du temps pour s’habituer aux
pathologies du service, aux protocoles, aux dispositifs médicaux etc… On
ne peut pas tout emmagasiner d’un coup. Il y a donc certaines choses
que tu pourras laisser à certains et certaines collègues afin qu’ils
t’apportent des éléments théoriques sur certains actes mais aussi qu’ils
t’aident à te former sur certains actes pratiques comme l’ablation de
drains. Moi ça m’arrive d’enlever des drains ou d‘extuber un patient parce
que ma nouvelle collègue n’est pas encore à même de le faire.
- Finalement la première réaction vis-à-vis de quelqu’un qui ne se sentirait
pas à l’aise voire contre le fait de faire ce soin est d’accompagner la
personne et de former la personne sur la théorie et la pratique.
- Tout à fait car cela permet d’expliquer en temps réel et de faire participer.
Ainsi le collègue ou le stagiaire a le supplément d’informations théoriques,
la pratique et j’ajouterai même un retour d’expérience, du vécu en tant
que spectateur. La fois suivante on pourra lui proposer d’être acteur et
d’être encadré par un collègue expérimenté.
- Si je résume ce que l’on a dit : le dépassement de compétences tu y as
été confronté…
- Tous les jours.
- Tu y es donc confronté, tu en fais. C’est quelque chose que vous ne vivez
pas mal car vous avez une certaine expérience en tant que soignant en
réanimation. Cependant, il est important de continuer à réfléchir dessus
afin de savoir pourquoi et dans quelles conditions on le fait. Pour finir si
un professionnel refuse d’effectuer ce genre d’acte, il est bon d’en
XLI
discuter avec lui, de ne pas le rejeter mais l’accompagner au mieux et
donc participer à son intégration à l’équipe.
- Exactement.
Y a-t-il des choses que vous souhaiteriez me dire et que nous n’avons pas
évoquées ?
- Non je pense que l’on a fait le tour.
XLII
Annexe IV : entretien Infirmière B
Présentez-vous
- Je suis infirmière depuis juillet 2018 j'ai travaillé pendant 9 mois en réanimation
CTCV à Rennes. J'ai ensuite travaillé 3 mois aux urgences à Royan. Et depuis
le mois de juillet 2019 je suis infirmière intérimaire. Je vais donc un peu partout,
dans différents services différents hôpitaux et dans des EHPAD et parfois en
clinique.
Si je vous dis protocole de soins, quels sont les termes qui vous viennent à l’esprit
?
- Règle, guide.
- Est-ce que ça sert de cadre finalement?
- Oui ça permet de savoir comment réaliser un soin et ça permet aussi de savoir
quelles sont les dernières recommandations et mises à jour liées à ce soin. Au
moins on utilise un protocole quand on ne sait pas faire un soin ou qu’on ne sait
plus comment le réaliser. Ou que l’on veut être sûr de ce que l’on fait on prend le
protocole et on regarde ce qui est écrit et quelles sont les indications. C'est à la
fois un guide et un mode d'emploi du soin.
- Est-ce que ça peut faire office de prescription médicale ?
- Non pour moi ce n'est pas la même chose. On distingue le protocole et la
prescription. Par exemple si on a besoin de refaire un pansement de cathéter
central on n’a pas besoin de la prescription médicale, il y a un protocole d’écrit. Il
y a des protocoles écrits pour des actes du quotidien : une prise de sang, par
exemple, pour laquelle normalement on a besoin d'une prescription, dans
certains cas on n'en aura pas besoin pour la réaliser du fait de l'existence d'un
protocole.
Réglementairement pouvez-vous me dire où vous situez-vous lorsque vous
effectuez un acte qui relève du médecin ?
- Ah ! Vous voulez dire qui relève de mon rôle prescrit mais qui n'est pas dans mon
champ de compétences infirmières ?
- Oui
- Je suis en dépassement compétences.
Si je vous dis dépassement de compétences quels termes viennent
immédiatement à votre esprit ?
XLIII
- Je sors de la réglementation. Je sors de la loi et du cadre des textes qui disent
ce que j’ai le droit ou pas le droit de faire. Le dépassement de compétences pour
moi c’est faire quelque chose pour laquelle je ne suis pas formée et qui, au regard
de la loi, me dis que si je fais ça ce n'est pas légal du point de vue de mon poste.
Vous est-il déjà arrivé d'effectuer des actes hors champ de compétence IDE ? Si
oui qu'avez-vous éprouvé ? Sinon qu'en pensez-vous ?
- Oui ça m'est arrivé. J'ai envie de dire ça dépend de l’acte. Typiquement le soin
qui est pris en exemple pour illustrer le dépassement de compétences c'est le
premier sondage urinaire chez un homme. Si ce n'est pas le premier sondage (le
premier passage) chez l'homme, alors je suis formée à le faire et j'ai le droit de
le faire. Mais en fonction du service dans lequel tu te trouves, ou du médecin face
auquel tu te trouves, si tu lui dis que c'est à lui de le faire, parce que c'est son
rôle et que toi tu n'as pas le droit, bien souvent il répond qu'il ne sait pas le faire.
Même si légalement c'est à lui de le faire. Un autre exemple : l'ablation de drains
thoraciques. Je ne l'ai pas fait beaucoup de fois mais je n'ai jamais été à l'aise
avec ce soin. Je l'ai fait parce que c'était le fonctionnement du service et que
c'était cadré par un protocole de service. Je n'ai jamais été à l'aise de le faire.
- Le fait qu’il y ait un protocole vous a-t-il fait sentir plus à l’aise vis-à-vis de la
responsabilité ou pas ?
- Je ne suis pas sûre. Cela me fait sentir que je n'ai surtout pas le choix de le faire.
si aujourd'hui j'ai un patient avec des drains, que dans le service ce sont les
infirmiers qui font cet acte-là, j'ai le sentiment que je n'ai pas le choix de le faire
même si je suis mal à l'aise avec. Toutefois je me dis, si un protocole est fait sur
certains actes par les médecins, en accord avec tout le monde dans le service,
c'est que les risques sont moindres et que l’on est en capacité de le faire car il
ne représente pas une difficulté technique. Mais ne savais pas si les
professionnels avaient été consultés par rapport à ce protocole.
Que penseriez-vous d'un nouvel IDE qui refuserait d'effectuer un soin encadré
un protocole ? Par exemple, l'ablation des drains thoraciques.
- Je pense qu'il est dans son droit et qu’il a raison. Après ça devient compliqué
vis-à-vis du travail dans le service. S'il refuse de le faire, cela veut dire que
quelqu'un devra le faire. et je pense qu'il en sera blâmé par l'entourage du milieu
dans lequel il travaille. Mais refuser un acte qui n'est pas de nos compétences
XLIV
fait partie de notre travail, de notre législation. C'est arriver à se positionner en
disant que le cadre d'exercice c'est celui-là et que je ne veux pas le dépasser.
XLV
Annexe 5 : Grille d’entretien
Protocole de soins Prescription médicale « il me semble que l’on peut « Pour moi ce n’est pas la même
distinguer les protocoles chose. On distingue le protocole
Protocole institutionnel institutionnels … des protocoles et la prescription. »
de soins spécifiques à chaque
Protocole de service service»
XLVI
Dépassement de compétences Hors réglementation « Je sors de la loi et du cadre des
textes qui disent ce que j’ai le droit
Spécificité du service /spécificité « Surtout en réanimation qui est ou pas le droit de faire. »
des professionnels. un secteur très particulier… on
acquiert une spécificité. »
XLVII
prise est parfois volontaire,
parfois involontaire. Mais notre
dépassement de compétences
arrive vite. »
XLVIII
où l’on dépasse nos
compétences sont des protocoles
de service validés par le « que c'était le fonctionnement du
chirurgien chef de la service et que c'était cadré par un
réanimation. » protocole de service. »
Répétition de dépassement de
compétences. Pratique « Enormément. Si je devais
habituelle. donner une estimation liée à mon
service … je pense que l’on
effectue une bonne dizaine
d’actes hors champ de
compétence »
Responsabilité infirmière Le positionnement « il faut savoir dire « je ne suis pas « Cela me fait sentir que je n'ai
capable de le faire, je ne veux pas surtout pas le choix de le faire »
prendre la responsabilité de faire « même si je suis mal à l'aise
à la place de … . » Il est important avec »
de se positionner. » « C'est arriver à se positionner en
disant que le cadre d'exercice
c'est celui-là et que je ne veux pas
Les raisons « Il faut donc savoir pourquoi tu le dépasser. »
dépasses tes compétences. Cela
XLIX
se fait après avoir acquis de la
sagesse. »
L
compétences le bâton peut
revenir. La responsabilité sera
donc pour toi… »
LI
Mesure dans les paroles « Il faut cependant faire attention
à la façon dont c’est dit. Il faut
amener ça avec tact »
LII
collègue qui a un secteur plein refuse de le faire, cela veut dire
accepte d’enlever les drains de que quelqu'un devra le faire. »
tes patients. »
« à discuter en équipe »
« il faut aussi comprendre les « pouvoir en discuter »
Echange /Discussion motifs du refus » « comprendre pourquoi le service
« à s’expliquer avec le médecin considère cela comme normal et
référent… » que lui puisse exprimer pourquoi
il ne veut pas le faire »
LIII
Nom : Allain Prénom : Pierre
Titre du document : L’impact du dépassement de compétences sur la responsabilité
infirmière et l’intégration d’un nouvel arrivant
RESUME:
Au cours d’un stage en début de deuxième année, j’ai vu des infirmiers exécuter un
soin technique prescrit par un médecin et encadré par un protocole médical (de
service). Au début, je n’étais pas surpris. Jusqu’à ce que je regarde dans le Code de
Santé Publique. Les infirmiers n’étaient pas autorisés à effectuer ce soin. J’étais donc
perdu : il y avait un protocole, alors pouvait-ils ou pas faire ce soin ? La réponse est
non, mais ils l’ont fait. Au cours d’autres stages, j’ai pu constater que ce n’était pas
uniquement dans ce service que les infirmiers dépassaient leurs compétences.
Demain, je serai dans les services et peut-être que je ferai comme eux. Ma
problématique est donc : « En quoi un protocole médical autorisant un dépassement
de compétences impacte-t-il la responsabilité infirmière et l’intégration d’un nouvel
arrivant ? »
Pour répondre à cette question j’ai exploré des concepts théoriques à propos
du protocole médical, du dépassement de compétences, de la responsabilité
infirmière et de l’intégration d’un nouvel arrivant. .J’ai également mené deux entretiens
avec des infirmiers qui ont travaillé dans des services de réanimation. Aujourd’hui l’un
travaille en réanimation et l’autre est infirmière intérimaire. Selon leurs propos, ils ont
tous les deux effectués du dépassement de compétences. C’est une réalité dans les
services et ils ne se sentent pas forcément dans l’inconfort à en réaliser. Ils ont tous
les deux abordé l’importance du positionnement professionnel et l’importance d’être
capable de dire « non » et d’expliquer pourquoi.
Pour conclure, cette réflexion m’a fait progresser sur la compréhension de mon
futur cadre de travail. Le dépassement de compétences est une réalité et l’intégration
d’un nouvel arrivant peut être influencée s’il refuse de le faire. Mais avec une posture
professionnelle on peut prendre nos responsabilités à ce propos et en échanger avec
l’équipe du service.
ABSTRACT :
Document title: The impact of the exceeding of competence on nursing responsibility
and integration of a newcomer.
During an internship in the beginning of my second year, I saw nurses doing
technical care prescribed by the doctor and framed by a protocol. At first, I wasn’t
surprised. Until I looked in the “Code de Santé Publique”. Nurses are not allowed to
do this medical act. So I was lost: there is a protocol, so did they can do this? The
answer is no, but they did. In others internships I can see it there not just in this unit
those who nurse outside their competence. Tomorrow I will be in the units and maybe
I will do the same. My question is: “How a medical protocol authorizing the exceeding
of competence impacts nursing responsibility and the integration of a newcomer?”
To answer this question I explored theoretical concepts about medical protocol,
exceeding competence, nursing responsibility and integration of newcomer. I also did
two interviews with nurses who practiced in a resuscitation unit. Actually, one works in
a resuscitation unit and the other is temporary worker nurse. According to their
communication, they both exceeded their competences. It’s a reality in units for many
reasons but they do not always feel uncomfortable doing it. They spoke about the
importance of ethical posture and the importance of being able to say “no” and explain
why.