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Hannibal...
Ce qu’ils auraient
fait du digital
Pourquoi la révolution
ne fait que commencer
Laurent MOISSON
Remerciement particulier à Emmanuel Mas, Coach et expert en
conduite du changement, pour sa contribution : il est l’auteur des
encarts «l’oeil du coach».
Page 69— DSI vs direction digitale, une concurrence récente qui ne durera pas
Page 154— conclusion : le pragmatisme est le plus grande qualité de notre temps
1
— Changement ! Changement ! Changement ! Nous devons apprendre à le gérer, à en tirer profit.
Ce refrain aujourd’hui lancinant est incorrect. Etonnamment nous devons aller plus loin, jusqu’à
rien de moins que l’abandon littéral des conventions qui nous ont menées jusqu’ici. Eradiquer le
terme « changement » de votre vocabulaire et remplacer le par « abandon » ou « révolution ».
En cela, l’Histoire, celle que l’on apprend à l’école étant enfant regorge
d’exemples, d’anecdotes et d’enseignements qui, sans nous apporter
de réponse précise, sont des analogies éclairantes. Depuis que l’Homme
est l’Homme, il a l’impression que son époque est singulière et que
celles d’avant n’avaient rien à lui enseigner tant elles étaient obsolètes.
« Chaque génération voit l’histoire à travers le miroir déformant de ses
dogmes éphémères, qu’elle prend pour des vérités éternelles. », disait
François Kersaudy, dans sa biographie sur Winston Churchill.
Pour que tout ce que nous vivons et faisons fasse sens. Tout simplement.
http://www.express.be/business/fr/technology/la-tablette-kindle-fire-
est-la-grande-gagnante-des-ventes-de-noel/200363.htm
2
— Espace de vente qu’une marque va posséder à l’intérieur d’une enseigne.
Exemple : Hugo Boss dispose d’un corner au Printemps.
L’oeil du coach
En termes de changement cette analyse révèle un aspect
très intéressant que beaucoup de coachs expliquent par
l’image de la grenouille : si vous jetez une grenouille dans
une eau bouillante, elle sautera hors de la casserole pour
éviter de se bruler. En revanche si vous la plongez dans une
casserole d’eau froide et que vous faîte monter doucement la
température, alors elle mourra cuite, sans s’être rendu compte
du changement progressif. Au-delà de nos mécanismes de
défense psychologique, la furtivité du changement progressif
peut expliquer que nombre d’entreprises ne réagissent pas à
ce qu’elles ne décodent pas comme une volonté hégémonique.
3
— Entreprise étant ou ayant été une start-up, s’étant lancée avant tout sur les canaux digitaux.
C’est vrai. En théorie… Allez poser la question à ceux qui vendent aux
professionnels du BTP second œuvre. Leur principale crainte s’appelle
Amazon ! Comme on se retrouve… L’enseigne préférée des Français
n’hésite plus à s’adresser aux maçons, aux chauffagistes, et toute la
filière BTP seconde œuvre en s’appuyant sur son point le plus fort : une
excellence logistique inégalée.
http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/09/17/les-banques-
francaises-declarent-la-guerre-a-paypal_3479014_3234.html
4
— Business to Consumer : Entreprises qui vendent à des particuliers
5
— Business to Business : Entreprises qui vendent à des entreprises. Par opposition au B to C,
Business to Consumer : entreprises vendant aux particuliers.
Certes, les plus gros clients industriels ne sont pas prêts à basculer
vers un commerce 100% digitalisé. Certes, ces évolutions marginales
ne concernent que les produits relativement standardisés vendus en
masse à des clients nombreux et de petite taille… Certes… Mais il faut
s’y préparer avec la certitude chevillée au corps que, d’ici à quelques
années, le basculement sera engagé.
Ici, le danger vient beaucoup plus des places de marché, des dispositifs
digitaux liant les clients et les fournisseurs. Pour diffuser un appel
d’offres, identifier des prestataires, conduire des négociations via des
enchères inversées, déstocker des invendus via des sortes de ventes
privées, beaucoup de ces engins sont apparus ces dernières années.
Leur utilisation est encore décevante, mais elles sont là, dotées de
fonctionnalités performantes7. Elles n’attendent plus que la demande.
Celle-ci ne tardera pas à arriver. Ça n’est qu’une question de confiance,
d’habitude, de psychologie en fin de compte : comme pour la peur
6
— Ainsi par exemple 35% des achats B2B seraient d’ors et déjà précédés d’un passage digital
selon McKinsey Solutions (source : twitter)
7
— Ariba (SAP), Elemica, Hubwoo (partenaire Microsoft)…
Pour finir, plus aucun général et plus aucun soldat ne put faire l’impasse
sur la technologie. Il était possible de gagner une guerre jusqu’à la fin
du moyen-âge en méprisant les inventions et en se concentrant sur
l’organisation et l’optimisation de l’usage des armes existantes. Cela
devint progressivement impossible après l’invention de l’arme à feu. Les
bons chefs de guerre devinrent peu à peu technophiles.
L’oeil du coach
Il est vrai que les bouleversements du digital vont apporter
beaucoup de changement et à première vue les changements
les plus lourds concerneront les rapports de pouvoir. A ce
stade il faut noter que d’une manière plus générale ces
rapports de pouvoir semblent en voie de changement de
toute manière comme l’explicite très bien depuis 2011 Gary
Hamel8.
8
— Par exemple dans son interview au sujet de son article « Fire all the managers » disponible
on-line sur http://hbr.org/2011/12/first-lets-fire-all-the-managers/ar/1 . Pour une retrospective
de ces changements voir aussi le récapitulatif : http://lecercle.lesechos.fr/entreprises-marches/
management/organisation/221189551/nomanagers-no-future-si
Le fait déclencheur :
le bouleversement du parcours client
Quel est le phénomène qui va précipiter nos entreprises, ces
organisations adaptées à leur temps, ces sociétés humaines qui ont
su trouver leur équilibre à force d’ajustement et de négociations entre
ceux qui la composent, dans un océan d’instabilité où tout va changer.
Et, si la façon dont les clients achètent change, c’est toute l’organisation
des fonctions de l’entreprise qui sous-tendent la vente qui doivent
s’adapter. Il s’agit là d’un véritable bouleversement.
- Le loup, irrationnel, du désir, du plaisir, de l’égo qui nous fait dire qu’il
nous faut un produit essentiellement « parce qu’on le vaut bien ».
Et, poursuit la légende, quel loup s’impose à l’autre ? Celui que l’on
nourrit. Pour préciser notre pensée, disons qu’en fonction de nos
personnalités de consommateurs, nous aurons spontanément tendance
à nourrir l’un, plus que l’autre. Les marques, les enseignes, les vendeurs
vont tout faire pour nourrir le premier et affamer le second.
- être fréquenté. Bien des chemins sont jolis, bien des voies sont rapides.
Encore faut-il, pour le savoir, qu’on ait envie de les emprunter… C’est
à la marque, à la communication, et aux vendeurs, en créant l’intention
d’achat, de mettre un maximum de prospects sur ce parcours client, en
nourrissant le plus possible le loup du désir, du rêve et de la confiance
afin qu’il ait suffisamment de force pour résister à son adversaire.
L’Ancien Régime :
le parcours client hérité du Fordisme
Depuis les débuts du fordisme et de la consommation de masse, petit
à petit, un parcours client s’est imposé.
Internet n’en reste pas là. Non content d’installer sa domination sur
l’écran des PC, il gagne l’écran des téléphones mobiles. La promesse
de l’Internet mobile est immense, les études extrêmement optimistes.
Le Wap 9 arrive et « ça n’est qu’un début », nous annoncent tous
les professionnels des télécoms. Heureusement, car les usages,
l’expérience client ne sont pas sidérants. Normal, les technologies, les
réseaux et les terminaux ne sont pas encore prêts. Il faut du temps pour
qu’une révolution se fasse.
9
—Wireless Application Protocol” = protocole de communication permettant à un appareil de se
connecter sans fil à Internet. C’est l’ancêtre de l’Internet mobile que nous connaissons aujourd’hui.
10
—Possibilité pour le client d’un opérateur A de communiquer avec le client d’un opérateur B
sans coût additionnel.
Mais les visionnaires ont ceci d’exotique qu’ils sont peu nombreux. Le
reste, l’immense majorité de ce que nous sommes, est revenu à ses
habitudes et ses modèles, finalement rassuré que la révolution, avec
son cortège de changements déstabilisants, soit pour la génération
prochaine. Ce répit laissera perdurer un monde qui a façonné leur façon
de penser ? Ça n’est pas plus mal. Parce que finalement, la façon de
penser, c’est bien ce qu’il y a de plus dur à changer en nous.
Ensuite, dites-vous bien que ceux qui ont réussi à passer, à survivre à
un taux de mortalité extrêmement élevé sont les élus d’une impitoyable
sélection. Naturellement, cela ne fait pas d’eux des immortels : dans le
digital, on passe rapidement du statut de star à celui d’ex-star, c’est-
à-dire de mourant. En attendant, ce sont des survivants, devenus des
machines à tuer, des champions de l’adaptation et de l’innovation qui,
à force de mutations sont devenus si forts, si rapides, si puissants qu’ils
ne craignent plus personne. Aucun challenge, aucun concurrent, sur
aucun secteur économique ne leur fait peur. S’ils y ont vu de la valeur,
Ils ont compris ce que les autres entreprises ont oublié : le client est
UN, c’est-à-dire que ses réflexes et ses attentes fondamentales sont les
mêmes quand il va chez le coiffeur ou dans une boutique de vêtements.
Il cherche la simplicité et n’a que faire des contraintes et contradictions
issues des coquetteries organisationnelles internes aux entreprises.
Avec eux, nous sommes entrés dans la culture de la simplicité pour
le client.
Et que ceux qui doutent encore, qui pensent que ces évolutions sont
des phénomènes de mode, des épisodes éphémères qui ne vont
que transformer à la marge les modèles existants, se détrompent et
reprennent leurs manuels d’histoire. Une révolution fonctionne toujours
de la sorte : elle hésite, part trop vite, déçoit, menace de s’éteindre avant
de revenir et de tout emporter, à tout jamais.
Oui mais voilà… Nos parents et leur éducation trop libérale ont
donné naissance à des clients qui n’en font qu’à leur tête. Et depuis
quelques années, les silos craquent. Les clients se sont rebellés. Ils
sont parfaitement indisciplinés : et ils ne veulent pas respecter les
L’oeil du coach
Pour François Dupuy, l’un des grands « anciens » du
changement, spécialiste Français du management, « La
Bureaucratie peut se voir comme la protection des membres
de l’organisation contre la brutalité des demandes, des
exigences des clients. Faire primer le technique, la contrainte
propre permet d’éviter la brutalité du face à face.»11. Alors,
mettre le client au centre de l’entreprise, au contact de tous
les services… bonjour l’ambiance.
11
— Dans son livre le plus complet « la sociologies des organisations » (mais pas le plus
accessible qui reste Lost in management).
Le sens de l’histoire est une notion limpide. Elle aide à y voir clair sur
une tendance, un phénomène structurant qui s’installe dans le temps.
Il dispose de deux caractéristiques imparables : tout d’abord il ne se
constate qu’à postériori, une fois que l’Histoire a fait passer l’implacable
réalité du temps sur les débats des prévisionnistes. Ensuite, il mène
généralement les intuitifs, les visionnaires qui le captent avant les autres,
vers des erreurs retentissantes qui s’expliquent par une confusion entre
la réalité du jour et celle qui régira le futur. L’anachronisme est un crime
en Histoire comme en affaire. Et avoir raison trop tôt, ça s’appelle avoir
tort.
http://www.zdnet.fr/i/edit/ne/2014/01/ecommerce_q4.jpg
couverture moyenne
visiteurs uniques visiteurs uniques
Rang Marques (en % de la population
moyens par mois moyens par jour
internaute)
1 Amazon 16 455 000 35,3% 1 934 000
2 Fnac 10 380 000 22,3% 841 000
3 CDiscount 10 099 000 21,7% 836 000
4 eBay 9 172 000 19,7% 1 207 000
5 PriceMinister 7 839 000 16,8% 690 000
6 Carrefour 7 790 000 16,7% 578 000
7 Voyage-Sncf.com 6 940 000 14,9% 489 000
8 La Redoute 6 830 000 14,7% 476 000
9 Vente-privee.com 5 821 000 12,5% 1 044 000
10 Rue du Commerce 5 557 000 11,9% 358 000
11 Groupon 5 205 000 11,2% 457 000
12 E.Leclerc 5 020 000 10,8% 348 000
13 Auchan 4 851 000 10,4% 353 000
14 Leroy Merlin 4 762 000 10,2% 292 000
15 Darty 4 489 000 9,6% 278 000
Quant aux pure players qui y figurent encore, leur piètre rentabilité
financière les a poussés à se vendre à des enseignes physiques qui
ont ainsi comblé rapidement leur retard. Seule une poignée d’entre eux
restent aujourd’hui indépendants. Que dire également de ces étoiles
filantes, qui n’ont illuminé les cieux de l’e-commerce que le temps de
tenter de se faire racheter. Brulant tout leur carburant dans une course
malsaine à la visibilité et à la valorisation. Ceux qui y sont parvenus
n’ont pas toujours fait le bonheur de leur acquéreur (Pixmania a été cédé
par ses fondateurs à Dixons, un spécialiste Anglais de la distribution,
à une valorisation de 345 M€. Après quelques années à peine, Dixons
Il faut dire que les commerçants ont fait un travail immense pour
moderniser leurs boutiques. Elles sont bien plus agréables et
ergonomiques qu’il y a quelques années. Les centres qui les accueillent
(centre villes et centres commerciaux) sont devenus des lieux
accueillants, conviviaux, où on a plaisir à venir passer un moment. Les
points de vente physiques restent incontestablement plus performants
que les sites internet dans le domaine de l’achat plaisir. C’est vrai.
Cette dernière avait d’ailleurs évolué. Les flèches, puis les balles ayant
démontré que les armures de plate pouvaient être percées, les cavaliers
allégèrent leurs cuirasses pour gagner en vitesse et manœuvrabilité.
Et ce sont ces caractéristiques qui les rendaient si efficaces contre les
ancêtres des mousquets et autres armes à feu portatives. Il fallait donc
protéger ces troupes fragiles comme on protégeait jadis les archers :
à l’aide d’une infanterie anti-cavalerie. Les piquiers, descendants des
Phalanges Antiques refirent leur apparition, après près de 2000 ans
d’absence.
Puis les fusils apparurent. Bien plus performants que les mousquets,
profitant de l’invention de la poudre noire, ils gagnèrent en puissance
et en précision. Très vite dotés d’une baïonnette au canon, ils étaient
capables, à eux-seuls, de repousser les charges à cheval. C’est ainsi
que l’arme à feu prit également la place des armes blanches au sein des
troupes de choc à pied, dans l’infanterie. Seule la cavalerie, plus rapide,
restait équipée d’armes blanches.
Il ne fallut pas moins que Napoléon 1er pour faire prendre conscience
au monde du XVIIIème siècle que les armes à feu n’étaient pas encore
mûres pour éclipser l’ensemble des autres armes. Mettant en pratique
les théories de Jacques-Antoine-Hippolyte de GUIBERT (1743-1790),
ce jeune général revisita la doctrine tactique de l’époque. C’était un
grand pragmatique. Il n’avait aucune idée préconçue, c’est-à-dire qu’il
considérait toujours une situation comme unique et ne cherchait pas
à l’aborder au travers d’un dogme. La diversité de ses mouvements
stratégiques le démontre. A l’échelle tactique, il sut tirer tous les
enseignements de Guibert et réhabilita, entre autre, le choc d’infanterie.
Pour sortir de ces organisations statiques et redonner du mouvement et
C’est ainsi qu’il entraîna ses troupes à une flexibilité tactique inconnue
à l’époque. Son infanterie pouvait, très rapidement, passer d’une
formation à une autre :
Nous avons tous tendance à croire que les arbres peuvent pousser
jusqu’au ciel, imaginant que les révolutions transforment tout,
immédiatement. Emportés par un trop grand élan visionnaire nous
renonçons ainsi à un ancien dogme (rien ne changera) pour finalement
en adopter un nouveau (tout va changer). Comme si les organisations
humaines pouvaient faire fi de leur passé en quelques minutes pour
le transformer en homme du futur. Comme si les lois universelles qui
fondent la nature humaine pouvaient bouger si vite.
12
— Les ventes en ligne ont progressé de 18% en valeur lors de l’édition 2013 de Thanksgiving
par rapport à de 2012.
Car, si depuis toujours, les vendeurs, les boutiques sont ceux qui «
transforment », ceux qui font passer le prospect en client, les temps
changent. Les métiers du commerce sont les plus impactés par les
phénomènes de mutation en cours. Imaginez : dans certains secteurs,
jusqu’à 70% du chiffre d’affaires des entreprises est réalisé online. Ce
qui veut dire, à quelque chose près, que 70% des ventes se font…
sans vendeur ni boutique. Et donc, là, « Qui fait le chiffres d’affaires des
entreprises ? ». Justement, ce n’est plus eux.
(http://www.bfmtv.com/video/bfmbusiness/integrale-bourse/focus-
carton-boursier-ldlc-olivier-clergerie-integrale-bourse-09-12-163852/)
http://www.lsa-conso.fr/nrf-2014-distributeurs-automatiques-et-casiers-
confirment-leur-percee,159601
http://www.lsa-conso.fr/amazon-veut-installer-des-casiers-de-retraits-
de-livraison-dans-le-metro-londonien,154504
Ces acteurs ont, ou ont eu, du retard sur les points de vente, mais, du
coup, leur stratégie ne s’encombre pas d’une organisation interne et
d’actifs hérités d’un autre temps. Leur stratégie points de vente est
construite autour de leur actif online et pas le contraire.
Car les clients sont formels, ils viennent avant tout en boutique pour
toucher le produit, le voir en vrai, repartir avec, immédiatement, en cas
d’achat et ne pas payer de frais de livraison. En fait, les clients viennent
encore en boutique essentiellement parce que, pour plusieurs critères
importants, ils jugent les boutiques plus adaptées que leurs écrans
domestiques et les canaux digitaux.
A l’échelle des médias digitaux, les contenus viraux, sont ce qui alimente
ces conversations, et les réseaux sociaux sont les lieux de causeries
qui les portent, les diffusent à l’image d’une place de village virtuelle.
Simples et claires
—
L’expérience online, rapide, ergonomique, efficace, a modifié la
culture d’achat des consommateurs. Les sites marchants, ainsi que
les services complémentaires du type comparateur de prix, moteur
de recherche… ont habitué les clients à une efficacité qui n’existait
pas forcément dans les magasins : magasins fermés (les sites Internet
ne ferment ni le dimanche, ni la nuit), files d’attente, affluence trop
importante, chaleur, saleté, absence d’information produit, vendeurs
désagréables... Ces défauts propres aux magasins, qui ne dérangeaient
personne précédemment, parce qu’ils étaient la norme, sont devenus
des obstacles à la vente. La culture digitale se répand hors de ses
La bataille du conseil
—
En ce qui concerne l’information produit, le retard pris par le magasin est
important. C’est un paradoxe, mais les clients sont une majorité à avoir
d’avantage confiance en Internet qu’en un vendeur pour les informer sur
un produit. Cette prise d’information intervient en amont du parcours
client et très en aval dans une boutique physique puisqu’elle se fait au
contact du vendeur. La perte de légitimité des boutiques sur le plan
de l’information et du conseil est un sujet à traiter. La digitalisation des
points de vente qui pousse au déploiement d’écrans connectés en libre
Mais tout ne se résoudra pas en donnant accès à Internet aux clients qui
sont en boutique. Une récente étude du BCG (http://www.challenges.
fr/economie/20131202.CHA7782/les-marques-les-plus-recommandees-
par-le-bouche-a-oreille.html) montre, en effet, qu’une évolution est à
l’œuvre, depuis peu. Elle concerne la crédibilité des conseils sur Internet.
Ces dernières années, les blogs, les recommandations et avis sur des
sites communautaires avaient complètement détrôné les vendeurs dans
leur rôle de conseil. Ces derniers étaient vus comme partisans dans
leurs recommandations et ne connaissant pas assez bien leurs produits,
de plus en plus complexes, de plus en plus changeants, de plus en
plus nombreux.
Mais depuis que les médias sociaux se sont mis à essayer de gagner
leur vie, et qu’ils ont intégré des recommandations sponsorisées sur
nos time lines13, depuis que les blogueurs ont pris conscience de leur
puissance et qu’ils ont cherché à la monétiser auprès de marques,
depuis, en un mot, que leur objectivité s’est mâtinée de mercantilisme…
leur crédibilité s’est affaiblie. Pas de quoi redorer franchement le blason
des vendeurs, mais de quoi leur laisser une chance s’ils veulent bien faire
l’effort de la saisir. Aujourd’hui, c’est la puissance de recommandation
des amis, notamment le bouche à oreille physique qui explose. Faisons
confiance aux marques et à leurs partenaires internet pour la mettre en
scène dans les meilleurs délais.
13
— Pages qui agrègent les informations les plus importantes des utilisateurs de ces médias
Pour mieux se raconter, capter l’attention, faire voyager leurs clients, les
boutiques sortiront des boutiques. Une ambassade est un morceau du
territoire national dans un autre pays ? Eh bien il en sera de même pour
l’affichage. Qu’il soit en papier, statique, ou diffusé sur écran et animé, il
permettra une meilleure prise de contrôle de l’espace physique par les
marques. Connectés via des applications mobiles aux enseignes et des
marques qu’ils représentent, ces dispositifs seront en mesure de prendre
des commandes, d’apporter du conseil, d’informer, alliant la force
d’émotion d’une image ou d’un film de grande taille, à l’efficacité des
applications mobiles. Des stands distants permettront aux enseignes
d’utiliser les espaces de la ville et des centres commerciaux avec une
intensité plus grande, le tout en cohérence avec leur environnement. Elles
pourront y présenter un ou plusieurs produits, faire des démonstrations
sur les lieux de passage, là où l’espace est extensible, à la différence
de celui qui est coincé entre les murs d’un magasin.
http://retail-and-cross.com/blog/2013/11/google-ouvre-des-magasins-
ephemeres-pour-noel/
14
— http://fr.wikipedia.org/wiki/Ludification
La ludification1 (terme inspiré de l’anglais gamification) est le transfert des mécanismes du jeu
dans d’autres domaines, en particulier des sites web, des situations d’apprentissage, des situations
de travail ou des réseaux sociaux. Son objet est d’augmenter l’acceptabilité et l’usage de ces
applications en s’appuyant sur la prédisposition humaine au jeu.
Cette technique de conception permet d’obtenir des personnes des comportements que l’on pourrait
considérer sans intérêt ou que l’on ne voudrait ordinairement pas faire : remplir un questionnaire,
acheter un produit, regarder des publicités ou assimiler des informations.
La vente consiste à faire tomber, une à une, les objections d’un prospect
pour en faire un client. L’argumentaire est donc l’arme préférée des
vendeurs. Pour que celui-ci soit efficace, il doit être bien délivré, mais
surtout adapté à l’objection du client. C’est pour cela qu’un bon vendeur
est avant tout une personne qui écoute et comprend, qui sait qualifier
un besoin en posant les bonnes questions et qui doit être doté d’une
grande intuition. C’est ainsi qu’il comprend les motivations, les envies
sur lesquelles insister et les freins, les craintes à lever. Un bon vendeur
est donc quelqu’un qui sait comprendre et connaître. Et qui sait, en
amont, créer les conditions pour que ses prospects se livrent, qu’ils
acceptent de donner les informations qui permettent de les comprendre
et de les connaître.
Eux-aussi vont devoir s’adapter. Cela n’est d’ailleurs pas forcément une
mauvaise nouvelle pour eux.
Car les vendeurs, qui sont devenus dans certaines enseignes des
« rangeurs », ou des experts malgré eux du SAV15 (le paradoxe de
certaines enseignes est que les seuls clients qui poussent encore la
porte de leurs boutiques sont des clients mécontents qui viennent
se plaindre d’achats qu’ils ont réalisés, dans bien des cas, sur les
canaux digitaux). Il n’y a plus assez de valeur ajoutée pour justifier
le traitement de ces actions en boutique. Car, comme vous en êtes
maintenant persuadés, l’heure est à la performance du parcours client.
On le constate chez tous les commerçants qui ont investi dans leur
force de vente : le taux de conversion en boutique est plus de 20 fois
supérieur au taux de conversion online16, et ce taux est encore plus fort
quand le client passe entre les mains d’un vendeur plutôt que de se
15
— Service Après-ventes
16
— http://lentreprise.lexpress.fr/internet-canal-pour-vendre/e-commerce-vs-magasins-
complementaires-plus-qu-adversaires_38046.html
Ils devront apprendre à travailler avec les outils qui les assisteront dans
cette tâche rendue difficile par le renouvellement de plus en plus rapide
des produits, des gammes, des collections. La formation des vendeurs
représente un coût important pour les marques et enseignes. Celles
qui considèrent leur force de vente comme une population jetable dont
17
— « Dans les boutiques de vêtements reposant sur le libre-service, par exemple, un vendeur
supplémentaire sur une tranche horaire donnée permettait une hausse du taux de conversion de 9
%, compensant le coût de la présence d’un vendeur supplémentaire pendant 10 à 15 minutes sur
les heures normales d’ouverture. »
http://www.journaldunet.com/economie/expert/55058/supprimer-les-points-de-vente-physiques--l-
erreur-a-ne-pas-faire.shtml
Non, il faut leur fournir des outils pratiques, accueillant des dispositifs
agréables à voir, magnifiant l’enseigne et le produit qu’elle distribue,
permettant de répondre rapidement aux sollicitations de leurs utilisateurs
(les vendeurs, donc). Le tout dans des magasins bien connectés (ça,
visiblement, on l’oublie souvent, mais il n’y a rien de plus frustrant qu’un
dispositif digital sans réseau wifi suffisamment fiable pour l’utiliser).
L’excellence logistique,
nouvelle quête des commerçants :
l’exemple de l’intendance militaire
L’intendance. L’ancêtre de la logistique. Elle permettait aux armées
et à tous leurs éléments constitutifs de s’approvisionner. Sans elle,
les canons ne tiraient plus, les soldats ne mangeaient plus faute de
munitions, de nourriture. Pourtant, alors qu’elle était le carburant
indispensable aux batailles, elle était largement méprisée par les
Grands. Ces derniers lui préféraient la tactique, la stratégie et le combat
lui-même, les arts nobles de la guerre. Ne dit-on pas : « Maintenant que
les décisions sont prises, je vous laisse gérer l’intendance » ?
C’est pour cela que Napoléon inventa le concept des corps d’armée. Un
corps d’armée était composé de 20.000 à 30.000 hommes. Ce nombre
était la limite haute pour que l’ensemble des soldats du corps puisse se
déployer en 24 heures sur leur tête de colonne (au niveau des soldats
qui marchaient en tête du corps) : 30.000 hommes en marche sur une
route de l’époque s’étalaient sur environ 24 Km, la distance moyenne
que pouvait parcourir un soldat en 24h.
Par ailleurs, des troupes d’une telle taille pouvaient plus aisément « vivre
sur le pays », c’est-à-dire s’y ravitailler (souvent par pillage...). Alors
qu’une troupe plus nombreuse devait prévoir d’emmener d’importants
volumes de vivres, ce qui faisait gonfler leur train d’intendance et
ralentissait leur avance. La logique de l’intendance devenait ainsi une
affaire d’adaptation (les troupes prenaient ce qu’elles trouvaient sur
place), cessant d’être une affaire de contrôle et de planification (prévoir
les besoins d’une armée, se procurer ce dont elle a besoin, l’emporter
par un train d’intendance prévu à cet effet).
Ces corps, qui disposaient de toutes les armes d’une armée (artillerie,
infanterie, cavalerie) étaient habituellement commandés par un Maréchal,
disposant de pouvoirs très étendus et d’une grande capacité d’initiative.
Tous étaient cependant connectés en permanence à Napoléon grâce
aux ordonnances qui apportaient ordres et informaient des positions
des uns et des autres.
Les sites Internet, les applications mobiles, comme tous les dispositifs
digitaux requièrent des compétences techniques dont ont toujours
disposé les DSI. Pourtant, leur création, leur évolution et leur
administration ont généralement échappé à ces directions, pour être
confiées à d’autres entités, les Directions Digitales. Ceci, pour des
raisons essentiellement culturelles.
Depuis, une lutte d’influence s’est installée entre ces deux directions.
Avant de développer ce paragraphe, étudions l’histoire de la seconde
guerre punique.
L’ i m pa c t d e l’ é l é m e n t c u lt u r e l s u r u n e
organisation. Hannibal Barca contre Rome :
l’astuce contre la tradition.
En 218 avant JC éclate la deuxième guerre Punique. Elle oppose les
deux puissances régionales de l’époque : Rome, puissance ascendante
et Carthage, illustre cité dont le raffinement, la puissance commerciale
et militaire sont connus de tous.
18
— Direction des Services Informatiques
Ecrire ces dernières lignes, plus de 2000 ans après ces évènements
est aisé. Mais, en réalité, l’effort réalisé par les Romains de l’époque
pour aménager leur système de pensée fut gigantesque. Dans l’histoire,
devant un tel danger, bien des sociétés humaines restèrent prisonnières
de leur système de valeurs. Un système défendu par des garants
intraitables de la tradition, manipulant la peur du peuple et de ses
dirigeants pour ne surtout rien changer. Le débat fut pourtant ouvert très
tôt, tant dans la hiérarchie militaire que dans les organes dirigeants de la
république romaine. Mais les arguments des réformateurs furent balayés
et leurs défenseurs furent conspués par les partisans de l’immobilisme
et du respect strict de la tradition. Un recroquevillement suicidaire,
mais oh combien rassurant pour une société humaine complètement
déboussolée par d’aussi terribles défaites.
C’est ainsi que, laissant s’installer les Directions Digitales, les DSI ont
perdu une part importante de leur périmètre naturel. Depuis, la lutte
d’influence entre ces deux directions repose essentiellement sur des
éléments culturels. Son issue dépendra de la capacité des DSI à se
convertir aux usages, aux pratiques et à la psychologie du digital.
L’oeil du coach
Ce phénomène interne est à rapprocher d’un autre
phénomène de changement, externe celui-là, la disruption19
technologique. Lorsqu’une technologie nouvelle arrive, si
elle n’entre pas, au début, en concurrence frontale avec
la technologie existante, elle sera naturellement délaissée
par les leaders qui optimisent selon les critères actuels
de leurs clients leur propre technologie. Ce faisant les
leaders font bien leur travail (ils répondent aux attentes de
leurs clients) mais ils laissent ainsi de nouveaux entrants
prospérer qui finissent par imposer leurs critères. Le plus
célèbre exemple récent c’est Nespresso qui a changé les
critères d’appréciation du café pris à la maison. Dans le cas
présent Ici on dirait que les DSI ne se sont que peu occupées
du digital, peu concurrent selon leurs critères de sécurité,
fiabilité et de robustesse de leur propres technologies. Hors
à la fin de l’histoire ils semblent que les critères du digital
(simplicité, ubiquité, transparence) finissent par prendre le
pas sur les anciens critères.
19
— Théorisée par Clayten Christensen dans The Innovator ‘s Dillemma en… 1997 toujours non
traduit à ce jour.
D’un monde où ils régentaient tout (la marque du terminal, sa taille, son
OS, son pack logiciel et son usage), où tout partait de leur initiative, ils
passèrent à un autre, celui où ils subissaient et tentaient de s’adapter
à la déferlante des vagues de terminaux rythmées par les road map
commerciales d’Apple, de Samsung et de leurs confrères. Ça n’était
pas le même sport.
20
— L’acteur et le système page 24 édition poche.
Ces nouveaux venus ont confronté les DSI à leur troisième Grand Sujet
du moment, le Cloud, qui est en train de changer radicalement leur
rapport à la sécurité : Les DSI doivent accepter de migrer des données
de l’entreprise sur des infrastructures hébergées en dehors de leurs
murs ou de ceux de partenaires techniques identifiés et localisés ;
abandonnant ainsi une partie de leur capacité de contrôle.
Voilà ce qui pousse les DSI à renoncer à leur « pietas ». Par cette
évolution, elles sont aujourd’hui bien plus pertinentes et compétentes sur
le digital. Faisant cohabiter des expertises sur la sécurité, l’innovation,
la rapidité et l’industrialisation, elles sont, pour beaucoup d’entre elles,
La première est que la raison d’être des directions digitales est de piloter
les canaux digitaux. Or, nous avons vu plus haut dans cet ouvrage que
le digital était en train de sortir de ces canaux et qu’ils menaçaient de
les faire disparaître. Les Directions Digitales sont nées avec la politique
multi-canal, elles peuvent mourir avec cette dernière. Quoi qu’il en soit,
le digital gagnant tous les services de l’entreprise, la Direction Digitale
n’est plus la seule compétente en ce domaine.
La troisième est que les métiers ont parfois tellement pris la main sur
les projets digitaux, que certaines situations sont devenues intenables.
Court-circuitant les DSI pour piloter en direct une multitude d’agences,
Mais leur tâche ne sera pas aisée partout. En effet, dans certaines
entreprises très accès B to C, les principaux sujets technologiques de
l’entreprise se concentrent sur l’e-business (CRM, dispositifs clients,
dispositifs vendeurs, communication digitale…). Il y a là de quoi remettre
en cause la raison d’être d’une DSI indépendante du marketing. Quoi
qu’il en soit, attendons-nous à ce que les DSI et les Directions Digitales
se rapprochent. Reste à déterminer à l’avantage de qui.
Ces deux outils, complémentaires d’ailleurs, sont vus comme des outils
personnels par leurs utilisateurs. Avec eux, on échange avec des amis,
on raconte sa vie, on expose des données personnelles, on va parfois
très loin et on parle de tout… mais pas avec n’importe qui (en tout cas
en théorie) ! On n’accepte dans son cercle intime que des amis ou des
connaissances proches (exception faites des exhibitionnistes quand
même assez nombreux). Alors, pour qu’une marque pénètre dans ce
cercle si personnel et fermé, il faut qu’elle devienne… un ami. Un ami
qui peut nous appeler tard le soir, un ami avec qui on aime partir en
week-end, en vacances, avec qui on aime partager des secrets. Cet
objectif mérite l’attention des marques, car on accepte d’un ami ce
qu’on n’accepte pas des autres.
- Que l’on connait bien parce qu’il nous dit tout. Il nous fait des
confidences et ne nous cache rien. Il n’est pas de mauvaise foi avec
nous. Parce que les cachoteries ou pire, la mauvaise foi, le mensonge
tuent la confiance et donc l’amitié. Et quand on voit les messages
publicitaires, les chartes d’entreprise des précédentes décennies, on
a souvent l’impression que les marques étaient aussi sincères avec
leurs clients que des hommes politiques avec leurs électeurs quand ils
pratiquent la langue de bois…
- Qui nous connaît bien. Parce que c’est un ami, une personne que
je respecte, j’accepte de me dévoiler, de lui montrer qui je suis. Alors
il apprend à me connaître (connaissance client) et ne s’adresse pas
à moi comme à n’importe qui. Il est pertinent dans ses messages et
dans ses actions. Sinon, cela démontre qu’il ne m’écoute pas, qu’il ne
me connait pas, que je ne compte pas pour lui… Que ça n’est pas un
ami, en somme.
Tout d’abord, elle n’a plus l’exclusivité de son contenu. Les autres
écrans peuvent, dans des situations dégradées mais très pratiques,
diffuser la même chose qu’elle. Une famille de 5 personnes peut donc
assez facilement regarder 5 contenus sur 5 écrans différents. Finies les
batailles familiales visant le contrôle de la télécommande : chacun peut
regarder ce qu’il veut quand il le veut et où il le veut. Deux conséquences
pour les publicitaires : 1. l’affinité entre les téléspectateurs et les
contenus diffusés augmente naturellement, ce qui est très bien pour
le ciblage. 2. Les audiences se fragmentent, les publics se multiplient
et il faut adresser une multitude de niches alors qu’il suffisait de se
positionner sur les grands carrefours jusqu’alors. Ce qui n’est pas
pratique…
21
— Plus de deux tiers des Américains consultent maintenant un second écran tout en regardant
un programme TV : http://www.socialtv.fr/socialtv/second-ecran-audience-usages-perspectives/
22
— ROI : Return On Investment = Retour Sur Investissemen. Un média ROIste est un média dont
on peut facilement mesurer l’efficacité sur les ventes
En tout cas, ceci, les publicitaires des années 80 l’ont bien compris.
Pour Jacques Séguéla et les autres Grands Maîtres du genre, la publicité
d’alors devait s’appuyer sur trois piliers : la répétition, la répétition et
la répétition. Ils se positionnaient, en cela, en justes héritiers de Marcel
Bleustein-Blanchet, fondateur de Publicis en 1926 et père du slogan
fondateur : «la répétition fait la réputation». Répéter, c’est encore le
meilleur moyen de mémoriser. Et la mémorisation d’une marque et d’un
produit est la seule chose à viser pour espérer que les consommateurs
amnésiques que nous sommes se rappellent du spot qu’ils ont vu
plusieurs jours auparavant, alors qu’ils étaient dans un état semi-
végétatif, en face de leur écran de télévision, dans leur salon donc…
23
— Si vous êtes un lecteur attentif de cet ouvrage, vous aurez remarqué que c’est généralement
à ce moment précis que vient la phrase expliquant que l’arrivée du digital va tout changer.
24
— Amazon pourrait lancer une offensive plus élaborée en 2014 pour contrer Netflix.
Outre d’importants accords signés avec des studios de cinéma, le site de e-commerce pourrait
lancer une box permettant d’accéder à ses services vidéo, selon une rumeur rapportée
par le «Wall Street Journal». http://obsession.nouvelobs.com/high-tech/20140107.OBS1612/
streaming-les-5-concurrents-du-tout-puissant-netflix.html
http://www.bfmtv.com/video/bfmbusiness/good-morning-business/
mccann-france-prix-lefficacite-publicitaire-philippe-lentschener-
gmb-26-11-160892/
25
— Publicité sur le Lieu de Vente
Storytelling
—
Apple. Nouveau dieu du marketing. Par une série de coups de génie le
géant de Cupertino est devenu l’entreprise la plus rentable du monde.
Sa marque est aujourd’hui la plus chère du monde, bien plus encore
que les plus belles marques de luxe26. Outre ses produits, géniaux, sa
communication, géniale, son parcours client est… génial. Des stores
et sites online parfaitement réalisés, au design tendance (qui fait la
tendance, même) délivrent les produits digitaux téléchargeables sur des
produits physiques délivrés dans des Apple Store, nouvelles cathédrales
de la consommation moderne. Ces superbes lieux sont toujours
placés dans les meilleurs quartiers, sur les plus beaux emplacements.
Leur aménagement, leur décoration, leur ergonomie sont à l’image
de leurs supports digitaux : parfaits. On trouve facilement les Apple
Stores et quand on est à l’intérieur, on trouve facilement le produit
que l’on cherche, on y accède, on le touche on s’en sert. Il n’est pas
enfermé dans un packaging de protection, il est magnifié, placé dans
une posture qui le met en valeur. Apple a poussé ses efforts jusqu’à
l’impensable : investir dans la force de vente pour faire de ses vendeurs
des guides compétents et sympathiques (certaines enseignes avaient
tout simplement renoncé sur ce point). Bilan : parcours client rapide que
26
— Apple est d’ailleurs devenu, à bien des égards, une marque de luxe
Voilà ce qu’il faut faire, au plus vite : charmer, émerveiller, pour que les
produits vendus ne soient plus là pour répondre aux besoins objectifs
des consommateurs, mais qu’ils deviennent des incarnations d’une
marque que l’on respecte et qui nous valorise.
Le patron d’Apple l’avait compris avant bien d’autres, mais pas compris
le premier. Dysney, l’une des entreprises les plus admirées par Steve
Jobs l’a fait avant lui. Car en matière de parcours client, la perfection,
le chemin à suivre, encore mieux qu’Apple… c’est DysneyLand ! Vous
souriez ? Accordez-moi une minute.
A ceux qui pensent que les parcs Disney sont des parcs d’attraction,
je réponds non ! Ce sont de gigantesques centres commerciaux, dont
l’entrée est payante (ça même Apple n’a pas encore réussi à le faire !) et
qui savent nous vendre des produits et gadgets hors de prix simplement
en nous racontant de belles histoires. Et, le plus fort, c’est que même
une fois le charme dissipé, les clients en gardent un bon souvenir. Parce
qu’ils ont vécu une expérience d’achat extraordinaire.
Car nous voici devant le Fort des Pirates. Les panneaux annoncent
fièrement plus d’une demi-heure d’attente. Mais, comme c’est le
cas partout, eh bien faisons la queue. La queue… cette rupture
impardonnable du parcours client, celle qui, dans un magasin standard,
fait renoncer le client le plus décidé. Ici, pas de problème, on la fait
sans se plaindre. Il faut dire que tout est fait pour : parcourant des
couloirs obscurs, nous sommes dans les entrailles du fort. On y longe
les cachots dont les occupants, quand ils ne sont pas transformés en
squelettes, tentent de nous convaincre d’ouvrir les portes. La musique,
les ambiances sonores, tout y est pour qu’on se sente aux Caraïbes, à la
grande époque de Barbe Noire. Puis vient l’attraction (quelques minutes
tout au plus, après une file d’attente presque dix fois plus longue !), une
promenade en bateau au milieu d’une attaque. Le bruit de la canonnade,
le pillage, puis la grotte aux trésors… Petits et grands, nous voilà tous
devenus des pirates !
Alors, quand on quitte l’attraction, qu’il nous faut rejoindre les allées
du parc et qu’on tombe en plein cœur de la boutique, plus personne
ne songe à refuser d’acheter un cinquième sabre pour de faux et un
chapeau tricorne à nos descendants. Et peut-être un autre pour nous-
mêmes, au cas où on devrait se défendre d’ici la sortie.
Ce sont elles qui, les premières, ont utilisé la superbe de l’art le plus
pérenne et le plus visible, l’architecture, pour asseoir leur pouvoir sur
les âmes et les esprits. Une cathédrale, finalement, c’est le beau, le
grand, l’émotion portés par un édifice construit en résonnance avec
les valeurs, les codes d’une histoire merveilleuse (les évangiles) ceci
afin d’inspirer le respect, marquer les âmes, transporter les esprits. Ne
sont-ce pas là des techniques que l’on retrouve dans les stratégies de
certaines marques ? Et quand votre client s’est transformé en fidèle, la
relation client-fournisseur ne sera plus jamais la même, vous êtes ami,
il a confiance… D’ailleurs, la marque à la pomme n’a pas de clients,
mais des « Apple addicts ».
Gamification
—
Voilà un mot très laid. Il désigne pourtant une mécanique d’une
puissance rare qui permet de transformer une tâche, une action ou une
série de tâches et d’actions en un jeu. On l’a vu à l’instant avec Disney
et ses files d’attente précédant une attraction qui se transforment en un
sas expérientiel, le storytelling peut transformer un moment parfaitement
inutile et profondément ennuyeux en tout autre chose. Sauf que, quand
on n’a pas la chance d’avoir un univers de marque aussi riche que
Disney, pas simple de faire de même.
Et, quand on regarde sur quoi on joue, on se dit qu’on peut vraiment
jouer de tout, à condition que la mécanique soit efficace (les plus
gros succès de l’App Store sont tout de même Candy Crush qui nous
propose d’exploser des friandises de couleur en les assemblant d’une
certaine façon, et, un peu plus tôt, Angry Birds où l’on doit dégommer
des cochons grotesques en les bombardant d’oiseaux ridicules). Et que
personne ne hausse les épaules : tout le monde y joue. Il n’y a qu’à
regarder de qui proviennent les invitations Facebook de ces jeux : si
ma grand-mère était encore de ce monde, elle jouerait à Candy Crush.
Pourquoi ? Parce que, de nos jours, plus personne n’accepte de
s’ennuyer. Nous sortons nos smartphones à la moindre pause, le
moindre moment de silence dans nos journées est le plus souvent
exploité pour vérifier ses mails, Facebook ou jouer à n’importe quoi.
Bref, l’inactivité, l’attente rêveuse, l’ennui voient leurs parts de marché
se réduire chaque année un peu plus. C’est pour cela qu’il ne sera
bientôt plus possible de faire attendre des clients en file indienne ou de
les accueillir sans les occuper d’une manière ou d’une autre.
- Ils lisent. C’est-à-dire qu’ils se laissent bercer par la prose d’un auteur
qui leur raconte une belle histoire… un “storyteller”.
- Ils ne font rien. C’est bien qu’ils le font exprès, avec toutes les
possibilités qu’on a d’occuper son temps de trajet.
http://www.e-marketing.fr/Thematique/Tendances-1000/Fondamentaux/
Gamification-social-games-advergames-comment-communiquer-par-le-
jeu--248/Case-Study-3-campagnes-de-gamification-reussies-1019.htm
http://club-digital-sante.fr/2014/01/16/gamification-en-sante-une-
tendance-croissante/
Alors, si on peut jouer sur des sujets aussi sérieux que les défibrillateurs,
il est probable qu’on puisse le faire avec bien des sujets plus légers.
Quoiqu’il en soit, attendons-nous à ce que les mécaniques de jeu
envahissent les magasins et les espaces publics.
Ephémère
—
On se lasse de tout… sauf de sa mère et de l’éphémère. Le bon sens
populaire nous apprend que pour ne pas risquer d’être rapidement
démodé, il ne faut pas chercher à être à la mode. Comme quoi, le bon
sens populaire raconte beaucoup de bêtises…
Car enfin, ne pas être à la mode, c’est ne pas être dans son temps,
c’est ne pas être désirable. Or, on le voit depuis la première ligne de
cet ouvrage : il faut l’être et le rester. Oui mais cela demande une
adaptation incessante aux changements de goûts, d’humeurs, d’avis qui
se traduisent par un renouvellement en matière de mobilier, décoration,
De simples outils d’image, ils vont être promus au statut d’outils à ROI28
mesurable, ce qui les rapproche de la vente. Ils savent transformer le
parcours client en un voyage plein de sens et d’émotion : tout ce dont
les canaux digitaux, adeptes de l’hyper-efficacité, n’ont pas.
27
— Le concert des Ting Tings, organisé pour Orange par les agences Marcel et Moxie, le 25
avril 2012 à Paris, est un bon exemple d’évènement nativement connecté. Il liait le déclenchement
d’animations préparées au franchissement de seuils de commentaires réalisés par les spectateurs
sur les média sociaux. http://www.commentcamarche.net/news/5858947-les-ting-tings-en-concert-
interactif-le-25-mai-a-paris
28
— Return On Investment : Retour sur investissement
Capter les données, les collecter, créer ces traces digitales que nous
laissons en utilisant ces interfaces, c’est un sport. Un sport que toutes
les marques pratiquent de nos jours. Et toutes tentent d’attirer le grand
public sur leurs dispositifs plutôt que sur celui du voisin. La concurrence
est rude
U n m a r ke ti n g q u i éc h a p p e à l a D i r e cti o n
Marketing ?
Nous avons pu constater tout au long de cet ouvrage, que, sous l’impact
du digital, les ramifications du marketing étaient en train de s’étendre
bien plus loin et avec bien plus de force dans l’entreprise que par le
passé. Chapotant le commerce, apprivoisant la DSI, les sujets marketing
sont devenus les principaux sujets des entreprises B to C.
Il y a donc fort à parier que, comme dans les entreprises très axées
marketing (Procter & Gamble, Danone, l’Oréal, Apple…), le marketing
ne soit plus abandonné aux seuls Direction Marketing. Devenant le lien
entre les différentes composantes de la vente, celui qui raconte l’histoire
donnant sens au parcours client, il fédèrera l’ensemble des services des
entreprises, les faisant converger vers ses bonnes pratiques. Ses valeurs
Les grands chefs… et les petits aussi. Ces nouvelles valeurs du digital,
et du marketing nouvelle formule, imprègnent de plus en plus les
entreprises, revisitant les organisations et les valeurs du management.
Générant des avancées indiscutables, mais également des situations
pour le moins paradoxales.
La tyrannie de la transparence :
sale temps pour les menteurs
Rappelez-vous : les marques veulent devenir nos amis, s’aventurant
ainsi sur le terrain de la sphère privée, régi par les sentiments et
l’irrationnel. Mais voilà, dans ce royaume, l’hypocrisie n’est pas tolérée
: on doit tout savoir d’un ami, même ses petits secrets.
Les rédactions de presse se lâchent. Et ça n’est pas plus mal. Pas plus
mal pour la qualité de l’information, mais surtout indispensable à leur
propre survie (celle des rédactions). Car, entre temps, les blogs, les
réseaux sociaux ont explosé, et concurrencent ceux dont l’information
était le monopole.
Les réseaux sociaux sont, jour après jour, les témoins de l’effondrement
de la légitimité des statuts et des fonctions. On juge aujourd’hui un
Président de la République comme on jugerait son voisin de palier,
sans plus de déférence ni de respect dû à son rang. Nous sommes
entrés dans une ère où le public ne supporte plus les postures feintes,
le mensonge, la mauvaise foi. Aucun statut, aucun titre ne peut plus
protéger son détenteur contre ce phénomène.
C’est vrai pour les plus grandes personnalités. Alors pourquoi pas pour
les marques et ceux qui les servent ? Et pourquoi pas pour votre boss
? Le monde de l’entreprise n’en est pas encore là : c’est une chose de
critiquer une personnalité que l’on ne connait pas personnellement, c’en
29
— Qui diffusent une information autour d’eux, par média sociaux interposés, en la commentant
de façon négative.
L’oeil du coach
Une autre façon complémentaire de voir serait de se
demander si nos élites ne se sentiraient pas menacés dans
leur existence même par l’arrêt de cette infaillibilité ? Ainsi
les managers expérimentés31 qui intègrent une entreprise
sans titre ni fonction définies (que l’on appelle parfois
#nomanager) comme Gore (le fabriquant du Gore-Tex)
expliquent bien qu’ils sont désemparés de ne pouvoir exercer
de pouvoir formel. Ce désarroi se révèle très inconfortable, «
it sucks » pour reprendre les termes policés de Ryan Carson,
le CEO de Treehouse, une société High-Tech ayant décidé de
se passer de manager et de titre32.
30
— Un scorpion veut se rendre de l’autre côté d’une rivière. Comme il ne sait pas nager, il
demande à une grenouille de l’emporter sur son dos jusqu’à l’autre rive. Mais tu me prends pour
une idiote, répond la grenouille. Tu vas me piquer ! Mais non, répond le scorpion, je ne suis pas
idiot : si je te pique, tu vas couler et je me noierai avec toi. C’est pas faux, répond la grenouille,
convaincue par l’argument. La grenouille laisse le scorpion lui monter sur le dos, et commence la
traversée. Arrivée au milieu de la rivière, le scorpion pique la grenouille. Mais, tu es stupide !?! dit
la grenouille. Pourquoi as-tu fait ça ? Nous allons nous noyer ! Je sais, répond le scorpion… mais
je n’ai pas pu m’en empêcher.
31
— Rapportés dans le livre d’Isaac Getz, Liberté&Cie.
32
— Voir son très intéressant blog, notamment l’article où il décrit les problèmes que posent
une #nomanager company : http://ryancarson.com/post/73639971628/the-negative-side-of-
nomanager-companies#sthash.qw718oui.uxfs
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/12/26/les-elites-
debordees-par-le-numerique_4340397_651865.html
Mais la transparence n’est pas un défi pour les seuls membres d’une
élite nourrie au mythe de l’infaillibilité. D’autres souhaitent sincèrement
développer une politique de sincérité. Ils peuvent constater tous les
jours que leur tâche n’en est pas moins ardue.
La tyrannie de la transparence
—
Imaginez à quel point il est difficile de faire cohabiter au sein d’une
organisation la recherche de l’affection des clients avec une politique de
transparence. Montrer qu’on est cohérent, sincère, que l’on implémente
en interne les valeurs qu’on prétend défendre en externe est un effort
titanesque. Regardez l’énergie et le temps qu’il a fallut à Mc Donald pour
le faire, avec un succès absolument incontestable, d’ailleurs.
http://www.mcdonalds.fr/entreprise/historique33
33
— Toutes les étapes présentées dans cette page et qui concernent l’amélioration de ses
produits, mais également l’engagement de l’enseigne pour préserver l’environnement et lutter
contre l’obésité, l’ont obligé à de gros efforts de communication, de transformation de ses
processus de fabrication, d’achat et de formation.
Or, cette dernière n’est pas nécessaire. Certes, il existe encore des
romantiques pour expliquer que l’objectif principal d’une entreprise est
l’amélioration du monde mais le grand public est encore capable de
discernement.
L’oeil du coach
On peut aussi se poser la question de ce qui fait cette quête
d’exemplarité. Ne portons nous pas tous en nous une part
d’illusion que le chef (mon chef ou moi selon la situation)
devrait être parfait ? Si je suis collaborateur alors, déçu,
je critique ou je râle alors que si je suis manager, tout
aussi déçu, je masque mes imperfections derrières les
dissimulations, les faux semblants ou une directivité taisant
les feedback aussi sûrement que les polices politiques
masquent la contestation ?
Il faut donc trouver une juste mesure. Il faut être sincère dans les
intentions, il faut être loyal dans le management. Mais chercher la
vérité pure systématiquement, dans toute chose et toute action crée
généralement des mondes invivables, peuplés de Robespierre et de
tant d’autres despotes sacrifiant jusqu’à l’Homme à la pureté de leur
morale.
L’oeil du coach
Ici devant la profondeur du besoin de protection que nous
avons tous, il est permis de se demander si ces jeunes ne
ressentent effectivement pas de gêne ou s’ils ont développé
des stratégies pour ne pas se mettre autant à nu qu’il n’y
paraît ?
Certes, nous n’avons jamais vécu pareille époque. Mais d’autres ont
été confrontés, il y a des siècles, à des situations très comparables. Et
plutôt qu’aller trouver des bonnes pratiques autour de nous, pratiques
dont on peut savoir qu’elles sont bonnes à posteriori, donc trop tard,
pourquoi ne pas rouvrir nos manuels d’histoire ? Cette lecture n’a pas
pour ambition de vous enseigner ce qu’il faut faire, mais seulement de
vous aider à prendre du recul, sur une révolution pas si unique que cela.
Allez, respirons, et allons à la rencontre de nos ancêtres.
L’oeil du coach
Dans cette difficulté on peut voir un phénomène purement
naturel. C’est d’ailleurs Claude Bernard qui lui donna le
premier le nom d’homéostasie (du grec hómoios, « similaire
», et stásis, « stabilité»). « Elle est la capacité d’un système
quelconque […] à conserver son équilibre de fonctionnement
en dépit des contraintes qui lui sont extérieures34.»
Appliqué tout d’abord à la biologie, ce concept fut ensuite
étendu à l’ensemble des systèmes complexes par l’école de
Palo Alto (Gregory Bateson, Paul Watlawicz notamment) et
la sociologie des organisations (Max Weber, Michel Crozier)
lorsqu’ils constatèrent que les relations humaines pour les
premiers et plus largement les organisations pour les seconds
tendaient elles aussi naturellement vers la préservation de
la stabilité.
Les travaux de Weber ou de Crozier sur la bureaucratie
l’illustrent très bien : dans une bureaucratie, publique ou
privée, tout se passe comme si l’ensemble du système, des
acteurs pour reprendre les mots de Crozier, agissaient de
concert pour éviter les changements.
D’un certain côté heureusement car une organisation a pour
objet de faire travailler ensemble des gens qui ont des enjeux
34
— http://fr.wikipedia.org/wiki/Homéostasie
35
— Système 1, système 2 les deux vitesses de la pensée page 366.
L’oeil du coach
Comment aborder le déni sans évoquer le cycle de deuil
d’Elisabeth Kubler-Ross? La fameuse psychologue
américaine a théorisé les étapes traversées lors d’un deuil
en accompagnant les mourants dans des services de soins
palliatifs. Elle découvrit 5 étapes, le déni, la colère, la
tristesse, le marchandage et l’acceptation, nécessaire pour
« faire son deuil ». Ces étapes ne sont ni ordonnées (on ne
commence pas toujours par le déni), ni linéaires (ce n’est pas
une courbe, on peut revenir en arrière). Par exemple l’on
peut commencer un deuil par un déni (« non c’est pas vrai »),
puis passer à la colère (« arrgh ») pour revenir au déni (« j’y
crois pas »). Elle a assez fermement établi que pour accepter
sa propre mort, il fallait traverser toutes les étapes de ce
cycle. Par extension cette modélisation est fréquemment
utilisée pour expliquer les « résistances » qui apparaissent
dans les changements profonds d’une organisation, c’est-
à-dire lorsque certains acteurs ont quelque chose à perdre,
donc un deuil à faire.
L’oeil du coach
La principale fonction du GPS automobile consiste à réduire
l’incertitude. Vu sous cet angle, dans un changement
organisationnel, le patron se retrouve investi de la même
fonction que le GPS automobile : vendre l’illusion d’une
certitude sur la destination. Cette perspective explique
pourquoi quasiment toutes les théorisations du changement
invitent les dirigeants à « donner du sens », c’est-à-dire
donner la direction dans laquelle va l’organisation. En
l’absence de sens, l’incertitude règne et l’absurde n’est pas
loin, tapi dans l’ombre du prochain faux pas.
Sans certitude sur la destination pas de mouvement donc
pas de changement ? Bien entendu cette affirmation ne peut
être vraie dans toutes les situations, notamment celles où la
nécessité fait loi. Mais lorsque la nécessité reléguée dans un
futur contestable, ne se fait pas sentir de manière prégnante,
le pire n’étant jamais sûr, alors ce refus de l’incertitude nous
conduit à un immobilisme. Pour l’illustrer qu’il vous suffise
de penser aux difficultés de changer dans les environnements
confortables comme les fins de monopole ou de position
dominante par exemple.
Dans ces conditions la capacité des dirigeants à fournir
une destination certaine et donc rassurante diminue avec
l’expérience qu’en font ceux qui les ont investi de cette
fonction. Au fur et à mesure des inflexions voire des retours
Pas simple donc… Donner du sens, quand on ne sait pas de quoi sera
fait demain est le meilleur moyen de perdre sa crédibilité. D’un autre
côté, ne pas donner les moyens à ses équipes de se projeter, ne pas
les rassurer sur l’intérêt du changement, est probablement le meilleur
moyen de les démotiver et de les pousser à l’immobilisme.
La peur et la défaite,
catalyseur efficace du changement
1940. Alors que l’Angleterre s’était refusée pendant des années à
voir que la menace Nazie grandissait sur l’Europe, après une débâcle
militaire jamais vue dans l’histoire de sa glorieuse armée, Churchill
réussit à gagner le support de tout un pays en lui annonçant que l’heure
était au changement, sans rien lui promettre en retour que du sang et
des larmes. Il ne s’engagea sur aucune date, sur aucun résultat tangible
à court terme, sur aucun élément certain ni rassurant. Simplement sur
le fait qu’à condition de se battre et de changer leur façon de faire, les
britanniques iraient à la victoire.
36
— Notamment le bien nommé ouvrage de référence les responsables porteurs de sens.
37
— Start with why dont l’essentiel est résumé dans l’excellente conférence TED (en anglais), les
18 minutes valent l’investissement ! http://www.ted.com/talks/simon_sinek_how_great_leaders_
inspire_action.html
L’oeil du coach
Vu sous cet angle effectivement la peur, qui est comme
toute émotion utile, peut se révéler facteur de mouvement.
Cependant attention car face à un danger Henri Laborit
a identifié trois réactions de défenses existantes chez les
animaux : la fuite (il courre), la lutte (il attaque) et le repli sur
soi (il se terre ou se met en boule comme le hérisson). Dans
certaines situations, activer la peur en vue de déclencher le
mouvement peut donc se révéler contre-productif…
Entrons dans le détail pour étudier les effets pervers des connotations
morales de la chevalerie, et commençons tout de même par souligner le
fait que les valeurs de la chevalerie étaient globalement… chevaleresques
! Comme leur nom l’indique. Le courage, l’héroïsme même, la piété, la
- De plus, les armes de jets, les armes de sièges, les tactiques efficaces
qui visaient à remporter des victoires sans trop exposer les hommes
devenaient ainsi les œuvres et les outils de lâches si bien qu’elles étaient
largement méprisées par ceux qui auraient dû en être les promoteurs.
L’entêtement et le déni
—
Voilà pourquoi il n’était pas aisé de faire évoluer l’armée du Roi de
France. Et d’ailleurs, malgré l’évidence de la supériorité ennemie,
elle s’est longtemps entêtée, refusant d’implémenter un changement
absolument inévitable.
Poitiers (1356), puis Azincourt (1415) voient les troupes Anglaises, plus
de trois fois inférieures en nombre, massacrer la chevalerie française.
Ces deux victoires sont à mettre quasiment intégralement à l’actif des
archers gallois. Des années se sont pourtant écoulées entre ces batailles
et la première démonstration de la supériorité tactique des Anglais
(Crécy : 1346) sans que les Français n’en tirent la moindre conclusion.
Les conséquences de ces batailles furent terribles pour les Français.
Ce fut le prix d’un refus catégorique de l’innovation et d’un arbitrage
privilégiant la continuité, le respect des valeurs internes du système
en place. Le territoire du Roi de France se réduisit considérablement.
38
— Par exemple Jean-Claude Rouchy et Monique Selès dans «Institution et changement».
Après des débuts calamiteux (armes plus dangereuses pour ceux qui
les manipulaient que pour ceux qu’elles visaient et, par ailleurs, très
coûteuses), les premiers perfectionnements de l’artillerie de campagne
arrivèrent. Ils permirent la victoire de Formigny, en 1453 et toutes celles
qui suivirent. En éliminant peu à peu les archers adverses, grâce à leur
portée plus importante, les premières pièces d’artillerie de campagne
obligèrent les Anglais à quitter leur position défensive (les archers
attendaient la charge des chevaliers ennemis, protégés par de longs
pieux qu’ils plantaient au sol, et par l’infanterie et la cavalerie Anglaise qui
intervenaient si les Français arrivaient au contact). A découvert, moins
nombreux et dans une position offensive qu’ils n’affectionnaient pas, les
Anglais perdirent leur avantage tactique. De défaite en défaite, ils durent
progressivement abandonner toutes leurs possessions Françaises,
perdant ainsi la guerre de cent ans.
39
— Issus d’une longue tradition d’archers, les jeunes gallois étaient sélectionnés dès l’âge de
7 ans. Ils commençaient alors une formation difficile et éprouvante jusqu’à leur incorporation.
L’entrainement était si traumatisant qu’il déformait le squelette des jeunes recrues (doigts,
épaules et bras).
Silence…
Non, les pure players ne sont pas une race de gagnants, de sociétés
infaillibles parce que bien nées. Ils sont des entreprises qui ont souvent
plus de 15 ans. Et 15 ans, au cours d’une révolution aussi rapide que
celle du digital, cela représente plusieurs générations de ruptures. Alors,
elles aussi, comme les entreprises traditionnelles, doivent se remettre
en cause en permanence, doivent prendre des paris gagnants, doivent
se demander comment surfer les vagues qui suivent celle qui les a vus
naître.
En face, les Allemands n’y ont pas cru. Attendant 1918 pour produire
20 chars de piètre qualité.
Ces travaux furent relayés et développés dans toutes les grandes armées
du monde d’alors : Hobart en Grande-Bretagne, Guderian en Allemagne,
Chaffee aux États-Unis, de Gaulle en France, et Toukhatchevski en
Union soviétique. Mais, alors que les Anglais et les Français avaient
poursuivi leurs investissements dans des chars de fort bonne qualité, ils
refusèrent d’implémenter cette nouvelle doctrine tactique, qualifiant de «
maniaque du char » un Colonel de Gaulle si insistant pour imposer son
40
— La volonté initiale des entreprises d’intégrer le digital comme un canal de plus,
fonctionnant en parfaite autonomie du reste, relève du même réflexe.
Je m’explique.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Strat%C3%A9gie_militaire
http://fr.wikipedia.org/wiki/Tactique_militaire
Nous vivons une époque où le bouleversement des usages est tel (les
usages pouvant s’apparenter aux tactiques), qu’ils rendent les stratégies
inopérantes. Le couple outils/usages peut apporter des ruptures
tellement puissantes, qu’il peut, à lui seul, donner un avantage décisif
à celui qui le met en œuvre.
Comme il est dit au début de cet ouvrage, les généraux, les dirigeants,
ne peuvent plus se contenter d’être des stratèges qui organisent et
planifient les grands mouvements à une échelle globale. La puissance
d’une nouvelle arme et la justesse de son usage peuvent apporter
un tel avantage tactique qu’ils peuvent ruiner à eux seuls les plans
stratégiques les plus pertinents.
On dit souvent que les pauvres soldats Français ont été écrasés par un
armement bien supérieur en qualité et en nombre. C’est parfaitement
faux. Les armées Françaises et Allemandes étaient dotées d’à peu près
le même nombre de chars et d’avions et leur qualité était globalement
équivalente. C’est de l’usage qu’en firent les deux armées que vint
la différence : les allemands regroupèrent ces armements au sein de
quelques divisions compactes afin de créer une supériorité locale
écrasante capable de briser les défenses adverses et d’exploiter ces
brèches à la vitesse d’engins motorisés. Les Français étaient restés sur
la doctrine de Pétain : les chars, jugés trop peu fiables, furent éparpillés
dans les unités françaises, disposés sur des lignes de défense profonde,
comme de simples pièces d’artillerie uniquement capables de défendre
ou d’appuyer un mouvement d’infanterie.
41
— Guerre éclaire 42 — Père des Panzerdivizionen 43 — 1914-1918
44
— La doctrine tactique Russe n’était pas la même que la Française, mais elle s’est révélée elle
aussi inopérante face à l’armée Allemande
L’entreprise agile
L’entreprise agile aurait pu être une entreprise dirigée par Socrate.
Elle ne sait qu’une chose : elle sait qu’elle ne sait rien. Certes, c’est
un peu caricatural, mais vous allez voir, ça n’est pas inintéressant.
- Ou avancer, les bras en avant, d’un pas lent mais résolu. Vous
rencontrerez des obstacles, ferez tomber des bibelots, vous prendrez
même peut-être les pieds dans le tapis, pour arriver jusqu’à un mur.
Mais une fois le mur trouvé, en le longeant, sans doute finirez-vous par
trouver la porte.
45
— Ayant personnellement dirigé une SSII, je peux témoigner du fait que beaucoup d’ingénieurs
informaticiens cessent de coder dès qu’ils deviennent chef de projet. Ayant été promus, ils se
coupent de ce qu’ils estiment être une tâche effectuée par des collaborateurs subalternes. Ceci
alors que leurs homologues américains vont chercher à garder contact avec le code le plus
longtemps possible, même quand ils prennent du gallon.
Et, s’il est simple de savoir combien un échec à coûté à une entreprise,
on mesure beaucoup moins souvent combien coûtent les dispositifs
Alors, quel impact sur le management ? Il est immense. S’il est très
simple de traquer les erreurs et de les punir avec une politique faite
de mesures et de sanctions, il est bien plus difficile de mettre en place
une politique intégrant l’erreur comme un aléa possible, et finalement
statistiquement nécessaire au succès. Ceci sans tomber dans le
laxisme. Car il y a une grande différence entre accepter qu’il y ait des
erreurs et se mettre à les cultiver !
Mais n’allons pas trop vite : quand on observe la capacité des géants
américains du web à générer leur propre bureaucratie, on se dit que nos
vieux modèles ont encore de belles années devant eux.
L’oeil du coach
Pour les sociologues comme pour les observateurs avertis ce
« phénomène bureaucratique »pour reprendre le titre d’un
ouvrage de Michel Crozier semble naturel. La bureaucratie
46
— « put more pressure on individuals » interview HBR déjà citée
L’oeil du coach
Une autre image : en étudiant les vidéos des jeunes
champions « extrêmes » de free ride par exemple, qui
prennent des risques insensés et arrivent à aller toujours
plus loin dans leurs figures je me suis rendu compte que
leur principal savoir faire n’était pas de réussir les figures
les plus difficiles mais plutôt de tomber de très haut sans se
faire mal. Car c’est avec cette capacité à se relever après la
chute qu’ils pouvaient progresser. Cette image de résilience
pratique pourrait sans doute s’appliquer avec beaucoup
d’efficacité dans nos organisations.
L’oeil du coach
Un des changements les plus profonds apportés consiste
sans doute dans la fin des modèles prévisibles ou adaptables
et le retour à la nécessaire pensée de l’organisation comme
de l’action collective, ce qui, il faut bien l’avouer, n’est pas
si répandu aujourd’hui. Pour cela, j’ai pu observer que plus
que des méthodes à appliquer, les dirigeants et les managers
avaient besoin d’espaces spécifiques pour suivre et penser
le changement. Des espaces où ils se donnent du temps
pour prendre du recul, pour écouter avec une autre oreille
ce que disent leurs collaborateurs, pour s’inspirer d’autres
exemples aussi et pour penser, au sens noble du terme, les
changements en cours.
Face aux changements majeurs que nous vivons, notre époque oppose
les visionnaires aux conservateurs. Les foules se passionnent pour les
premiers. Ils sont ceux qui ont vu avant les autres, ceux qui savaient,
ceux qui ont pu anticiper. Ils sont des innovateurs, des héros de notre
temps. Ils sortent du lot en triomphant des autres, les conservateurs qui
gèrent le présent comme une continuité du passé au lieu de préparer
l’avenir.
L’ère est aux Steve Jobs, à ceux dont la culture digitale et la vision
sans faille permet d’installer les salutaires changements qui mèneront
au succès. Chaque époque a ses icones…
Mais il est probable que les clefs de l’avenir ne soient pas toutes dans
leurs mains. Comme toutes les générations avant nous, nous ne voyons
que ce que la pensée et les symboles de notre temps nous autorisent à
voir, focalisant notre attention sur des combats qui ne sont pas toujours
ceux que l’Histoire retiendra.
Au VIIème siècle avant JC, elle n’était pourtant qu’une faible cité voisine
de peuples bien plus avancés. C’est ainsi qu’elle tomba sous l’influence
et la domination des Etrusques, plus civilisés, dont elle garda quelques
lègues. Parmi ces lègues, un mode de combat en Phalange et une sainte
horreur pour le système de gouvernement monarchique.
Mais fermons les yeux, nous voici en Italie, bien des siècles avant Jésus
Christ.
Mais, pour donner toute sa puissance, une phalange avait besoin d’être
compacte et cohérente, ce qui nécessitait une organisation stricte et
rigide ainsi qu’un terrain relativement plan et régulier. Les aléas de la
guerre n’offraient pas toujours ce type de champs de bataille, ce qui
nuisait à leur efficacité. C’est ce que constatèrent les Romains lors de
leur première campagne contre les Samnites47.
47
— Tribus de la partie montagneuse de l’Italie Centrale
Ecrire ces dernières lignes, plus de 2000 ans après ces évènements
est aisé. Mais, en réalité, l’effort réalisé par les Romains de l’époque
pour aménager leur système de pensée fut gigantesque. Dans l’histoire,
devant un tel danger, bien des sociétés humaines restèrent prisonnières
de leur système de valeurs. Un système défendu par des garants
intraitables de la tradition, manipulant la peur du peuple et de ses
dirigeants pour ne surtout rien changer. Le débat fut pourtant ouvert très
tôt, tant dans la hiérarchie militaire que dans les organes dirigeants de la
république romaine. Mais les arguments des réformateurs furent balayés
C’est probablement cela qui lui permit de mettre en œuvre ses réformes,
ce qui démontre qu’un test, une expérience sur un théâtre d’opérations
secondaire, est souvent plus efficace que des interminables débats
dans les palais d’une République… Scipion était à Cannes, la plus
grande victoire d’Hannibal. Il put y constater l’efficacité des principes
tactiques du maître. Il s’en inspira largement et les améliora.