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Faculté de Droit
Année universitaire 2021-2022
Sommaire
Bibliographie générale
I. Ouvrages
Aubry (H.) et Naudin (E.), Les grandes décisions de la jurisprudence civile, PUF 2011.
Beignier (B.) et Torricelli-Chrifi (S.), Régimes matrimoniaux. Pacs. Concubinage,
Montchrestien, 4e éd. 2014.
Brenner (Cl.), L'acte conservatoire, LGDJ 1999.
Brun-Wauthier (A.-S.), Régimes matrimoniaux et régimes patrimoniaux des couples non mariés,
Paradigme, 4e éd. 2014.
Cabrillac (R.), Droit des régimes matrimoniaux, Montchrestien, 8e éd. 2013.
Colomer (A.), Karm (A.) et Le Guidec (R.), Les régimes matrimoniaux, Litec, 13e éd. 2015.
Dabire (J. N.), Droit de la famille, PADEG.
David (S.) et Jault (A.), Liquidation des régimes matrimoniaux, Dalloz Référence, 2e éd. 2013/2014.
Dauriac (I.), Les régimes matrimoniaux et le PACS, LGDJ, coll. Manuels, 3e éd. 2012.
de Gaudemaris (M.), Régime matrimonial légal et entreprise, Contribution à l'étude du choix
législatif d'un régime matrimonial légal au regard des intérêts des époux notamment
entrepreneurs, thèse dactyl. Grenoble, 1986.
Foyer (J.) et Labrusse-Riou (C.), Le régime matrimonial à l’épreuve du temps et des séparations
conjugales, Paris, Economica, 1986.
Malaurie (Ph. ) et Aynès (L.), Les régimes matrimoniaux, Defrénois, 4e éd. 2013.
Marty (G.) et. Raynaud (P), Les régimes matrimoniaux, par P. Raynaud, Sirey, 2e éd. 1985.
Peterka (N.), Régimes matrimoniaux, Dalloz, coll. HyperCours, 3e éd. 2012.
Revel (J.), Les régimes matrimoniaux, Dalloz, coll. Cours, 7e éd. 2014.
Savatier (R.), La communauté conjugale nouvelle en droit français, Dalloz 1970.
Terré (Fr.) et Lequette (Y.), Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz, 12e éd. 2007.
Terré (F.) et Simler (Ph.), Les régimes matrimoniaux, Dalloz, coll. Précis, 6e éd. 2011.
Thullier (B.), L'autorisation. Étude de droit privé, préf. A Bénabent, LGDJ 1996.
Tribes (A.), Le rôle de la notion d'intérêt en matière civile, thèse dactyl. Paris II, 1975
II. Articles
Blanc, De l’idée d’association comme fondement des pouvoirs des époux communs en biens, RTD
civ. 1988, p. 31.
Chevalier-Dumas (F.), Les fraudes dans les régimes matrimoniaux, RTD civ. 1979, p. 40.
Cornu (G.), La refonte dans le Code civil français du droit des personnes et de la famille, Revue
juridique et politique 1986, n° 3 et 4, p. 674.
Gourdet (G.), De l’égalité des époux dans le régime légal, RTD civ. 1981, p. 752.
Jeammin-Petit (E.), La libéralisation du changement de régime matrimonial, JCP 2007, I, 108.
Kerkhove (E.), Changement de régime matrimonial et protection des créanciers de la famille, D.
1985, chron., p. 268.
Montanier (J.-Cl.), L’autorisation de justice en droit matrimonial, RTD civ. 1984, p. 1.
Nerson (R.), L’intérêt de la famille au sens de l’article 1397 du code civil, RTD civ. 1976, p. 537.
Overstake (J.-F.), Le contrat de mariage des incapables, RTD civ. 1971, p. 1.
Saujot (C.), Les avantages matrimoniaux (notion – nature juridique), RTD civ. 1979, p. 699.
Savatier (R.), Liquidation entre époux contractuellement séparés de biens du patrimoine
conjugal, RTD civ. 1981, p. 497.
Simler (Ph.), La mesures des dépendances des époux dans la gestion de leurs gains et salaires,
JCP 1989, I, 3398.
Testu (F.-X.), Rép. civ. Dalloz, V° Indivision.
Thery (R.), L’intérêt de la famille, JCP 1972, I, 2485.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Dans cette phase introductive, nous présenterons un aperçu général du droit des régimes
matrimoniaux (I), avant de retracer son évolution historique (II).
charge des dépenses se pose. Dès lors, des hypothèses de combinaisons sont possibles : la
séparation des biens, la constitution de biens communs, la répartition de charges ou
l’aménagement de l’obligation d’un époux de contribuer aux charges du ménage, etc.
Le régime matrimonial ne concerne pas seulement la composition des patrimoines ou des
masses de biens. Il fixe aussi les pouvoirs respectifs des époux sur ces biens. Longtemps, leur
détermination s’est située dans le cadre d’un système plaçant la femme mariée dans la catégorie
des incapables, ce qui aboutissait à reconnaître au mari la suprématie. Cette situation a pris fin en
1938 en France. Mais la question de la répartition des pouvoirs n’a pas disparu. On peut encore
imaginer un système de concentration des pouvoirs entre les mains des époux, spécialement le
mari. Avec la loi du 22 septembre 1942, la femme n’acquiert pas un pouvoir domestique propre,
mais tient de la loi le pouvoir de représenter son mari. Depuis la loi française du 13 juillet 1965,
chacun des époux est titulaire d’un pouvoir propre pour passer des actes en toute réciprocité et en
toute égalité.
Les choix opérés en ce qui concerne la composition des masses de biens et les pouvoirs
reconnus à l’un et à l’autre époux n’entraînent pas seulement d’importantes conséquences durant
le mariage. C’est surtout à sa dissolution que leurs effets se produiront, car il faut à ce moment-là
opérer le partage des biens subsistants et procéder à la liquidation du régime matrimonial.
Le régime matrimonial est de la sorte, au carrefour du droit de la famille et du droit des
biens, actifs ou passifs, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels.
1
M. GRIMALDI, Les successions, Litec 2001, n° 6 ; LUTEC, Des rapports entre régime matrimonial et libéralités
entre époux, thèse Paris II, 1987, dactyl.
spéciales qui y dérogent ou le modifient, le régime de la séparation des biens constitue le droit
commun ». On peut dès lors opérer un mixage du régime de droit commun en l’aménageant par
des conventions particulières. Du côté du droit français, le régime de droit commun est la
communauté réduite aux acquêts. Le législateur français offre lui-même des moyens de son
aménagement. Selon l’article 1497 du Code civil, « Les époux peuvent, dans leur contrat de
mariage, modifier la communauté légale par toute espèce de conventions non contraires aux
articles 1387, 1388 et 1389… ».
Le mixage d’un régime matrimonial à travers des aménagements conventionnels est une
possibilité offerte par les législateurs.
Le régime dotal. Ce régime, qui a disparu du Code civil à la suite de la réforme de 1965
était un régime de séparation d’intérêts, chacun des époux conservant la propriété de tous ses
biens. Deux traits principaux le caractérisaient.
Le premier trait était que les biens de la femme étaient répartis en deux catégories : les
biens dotaux et les biens paraphernaux. Les biens dotaux étaient ceux qui lui étaient constitués ou
qu’elle se constituait en dot, en vue de contribuer avec leurs revenus aux charges communes ; le
mari en avait l’administration et la jouissance. Tous les biens qui n’avaient pas été constitués en
dot étaient des biens paraphernaux (para : autour ; pherna : la dot ; paraphernal : autour de la
dot) ; la femme en gardait l’administration et la jouissance comme une femme séparée de biens.
Le second trait caractéristique du régime dotal (moins essentiel puisque les futurs époux
pouvaient l’écarter) était l’inaliénabilité des biens dotaux. Ces biens étaient inaliénables par le
mari ou par la femme, eût-elle obtenu le consentement de son mari.
chez les jurisconsultes des pays de coutumes. On décida donc d’adopter pour toute la France,
comme régime matrimonial de droit commun, celui de la communauté de meubles et acquêts.
Le procès du régime dotal aurait pu, dès l’époque de la rédaction du Code civil, entrainer
sa suppression. Mais les réclamations et l’insistance des représentants des pays de droit écrit
l’emportèrent sur ce point, de sorte que les rédacteurs du Code civil admirent le régime dotal au
nombre de ceux que les époux pouvaient adopter dans leur contrat de mariage.
Le droit moderne
La loi du 13 juillet 1965. Elle a réalisé une refonte du droit des régimes matrimoniaux.
Quant au fond, cette loi tend à concilier deux aspirations dégagées à la suite de l’investigation
sociologique : le désir d’une plus grande émancipation de la femme mariée, mais aussi
l’attachement à l’esprit communautaire.
Le régime de communauté de meubles et acquêts s’est maintenu jusqu’à la réforme réalisée
par la loi du 13 juillet 1965 comme régime de droit commun en France. Mais il cessa d’être le
régime légal. C’est désormais le régime de la communauté réduite aux acquêts qui est le régime
légal, de sorte que tous les biens des époux existant avant le mariage leur demeurent propres. La
masse commune est seulement composée de biens acquis à titres onéreux pendant le mariage, ainsi
que des revenus des époux. Demeurent propres les biens acquis à titres gratuit pendant le mariage
par les époux, par donation, testament ou succession.
Avec cette réforme, le régime dotal a cessé d’être prévu par la loi. A l’inverse, elle a
consacré la possibilité du régime de participation aux acquêts et le régime de séparation des biens.
La loi du 23 décembre 1985. Les apports de cette loi sont déterminants. Elle consacre
l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des
enfants mineurs. Elle prévoit que chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens
communs et d’en disposer, sauf à répondre des fautes qu’il aurait commises dans sa gestion. C’est
la fin de l’hégémonie du mari. L’égalité entre la femme et le mari est affirmée dans le cadre des
régimes matrimoniaux.
b. Au Togo
Avant l’indépendance
Avant l’indépendance du Togo le 27 avril 1960, il est passé successivement sous
domination de l’Allemagne jusqu’à la fin de la première guerre mondiale puis placé sous
administration française avec le mandat de la Société Des Nations.
Décret du 22 mai 1924. Par ce décret, l’administration française a étendu l’application du
Code civil français au Togo. Les articles 1387 à 1581 du Code civil portant sur le contrat de
mariage et les régimes matrimoniaux étaient devenus les textes applicables en matière de régimes
matrimoniaux au Togo. A ce stade, mis à part le régime primaire et l’impossibilité de changer de
régime matrimonial choisi, deux régimes étaient mis aux choix : le régime dotal et le régime de
communauté de meubles et acquêts à titre de régime de droit commun.
Après l’indépendance
L’ordonnance n° 80-16 du 31 janvier 1980 portant Code des personnes et de la famille
du Togo. Cette ordonnance a apporté une nouvelle vision des régimes matrimoniaux au Togo. Il
prend le contre-pied du droit français jusque-là applicable en augmentant le nombre de régimes
matrimoniaux et en laissant de côté le régime dotal. Les nouveaux régimes matrimoniaux
accueillis furent le régime de la séparation des biens et le régime de participation communautaire
aux meubles et acquêts. L’ordonnance s’était fortement inspirée des réformes intervenues en
France à la faveur de la loi du 13 juillet 1965. Mais contrairement au droit français, l’ordonnance a
retenu le régime de la séparation des biens comme le régime de droit commun.
b. Le notaire
La profession notariale entretient des liens étroits avec le droit des régimes matrimoniaux.
D’abord parce que, comme officier public, le ministère du Notaire est obligatoire pour
l’établissement du contrat de mariage initial et de la convention modificative du régime
initialement choisi.
Cette fonction de rédaction de l’acte qu’il accomplit à la demande des intéressés est
indissociable de son rôle de conseil des familles ; conseil pour le choix du régime, mais aussi pour
toutes les conventions ou stipulations annexes, destinées à adapter le droit à la situation
particulière du couple.
Cette présence traditionnelle du notaire auprès des couples explique l’apport de la pratique
notariale au droit du régime matrimonial dont bien des particularités (clause commerciale,
avantages matrimoniaux, mécanisme des récompenses…) ont été créées ou suggérées par la
profession.
C’est ensuite lors de la dissolution du régime, que le recours au notaire s’avère
indispensable pour effectuer toutes les opérations liquidatives souvent extrêmement complexes et
toujours techniques. Dans un arrêt du 24 octobre 2012 rendu par la 1ère Chambre civile de la Cour
de cassation française, deux notaires avaient été commis pour procéder aux opérations de
liquidation et de partage du régime matrimonial de deux époux séparés de biens et divorcés. Face
à la carence du second notaire d’assurer sa mission, la Cour de cassation affirma que « …au cas où
plusieurs notaires ont été judiciairement commis pour procéder au partage, ces mandataires de
justice doivent procéder ensemble aux opérations et si l’un d’eux, en s’abstenant d’apporter son
concours à l’exécution de leur mission commune, rend impossible le partage, il doit en être rendu
compte au juge qui peut passer outre à sa carence »2.
III. Plan
Il n’y pas un seul régime matrimonial, sinon le cours ne porterait pas sur « les régimes
matrimoniaux ». Il existe donc plusieurs régimes matrimoniaux avec leurs règles spécifiques. Il
2
Civ. 1ère, Arrêt n° 1181 du 24 octobre 2012 (11-20.744).
s’agit là du droit spécial des régimes matrimoniaux. Mais tous ces régimes matrimoniaux sont unis
par des dispositions communes qui forment le droit commun des régimes matrimoniaux. Il va de
soi que le droit commun des régimes matrimoniaux (première partie) soit abordé avant le droit
spécial des régimes matrimoniaux (deuxième partie).
PREMIERE PARTIE
LE DROIT COMMUN DES RÉGIMES MATRIMONIAUX
Le droit commun des régimes matrimoniaux est l’ensemble des règles communes à tous les
différents régimes qui existent. Il ne doit pas être confondu avec le régime de droit commun qui
est le régime matrimonial qui s’applique aux époux, s’ils n’ont choisi au préalable aucun régime
matrimonial. Le droit commun des régimes matrimoniaux s’applique aussi dans le cadre du
régime matrimonial de droit commun. Il comporte le régime matrimonial de base (titre 1) et les
règles entourant choix d’un régime matrimonial particulier (titre 2).
TITRE I
LE RÉGIME MATRIMONIAL DE BASE
Un statut des gens mariés découle des articles 97 à 108 du Code togolais des personnes de
la famille ou des articles 212 à 226 du Code civil. Dans le CTPF, ces textes se situent dans un
chapitre intitulé « Les effets du mariage » alors qu’ils se situent dans le Code civil dans le chapitre
intitulé « Des devoirs et droits respectifs des époux ». Les devoirs et droits des époux ne sont que
les effets du mariage. Ces textes ne figurent pas parmi les articles relatifs aux régimes
matrimoniaux puisque le CTPF n’évoque directement les régimes matrimoniaux qu’au Titre VIII
« Des régimes matrimoniaux » composé des articles 344 à 402 et le Code civil au titre V « Du
contrat de mariage et des régimes matrimoniaux » composé des articles 1387 à 1582 sous le Livre
III « Des différentes manière dont on acquiert la propriété ». Cette situation illustre bien l’idée
suivant laquelle le régime primaire, malgré l’expression suggestive par laquelle on le désigne, se
rattache aux effets généraux du mariage et non aux régimes matrimoniaux. Par conséquent, le
régime primaire a un caractère impératif et relève des règles gouvernant les effets du mariage.
D’ailleurs, le droit des régimes matrimoniaux en général et le régime de base en particulier ne
s’applique qu’aux gens mariés.
CHAPITRE I
LE RÉGIME DE BASE SANS CRISE CONJUGALE
Le régime de base comporte des mesures destinées à assurer la coopération des époux dans
l’intérêt de la famille. D’une part, ils doivent ensemble pourvoir à l’entretien de la famille pour la
réussite du foyer (section 1). D’autre part, la confiance qu’ils se sont faits est un appui pouvant
faciliter la représentation d’un époux par l’autre dans l’intérêt de la famille (section 2).
A. L’étendue de l’obligation
La proportionnalité de l’étendue. L’article 100 alinéa 2 CTPF affirme que les époux
contribuent aux charges du ménage et de la famille à proportion de leurs facultés respectives.
Cette obligation est aussi envisagée par l’article 214 du Code civil. Aucun époux ne peut y
échapper. Constituent les charges du ménage les frais nécessités par l’éduction des enfants, la
condamnation des parents du fait de leur enfant mineur, les dépenses de nourriture, de vêtements
des époux et des enfants, l’aménagement de la maison, les frais de vacances ou de loisirs, les frais
de maladie d’un époux ou des enfants. La Cour de cassation française a eu à affirmer que le
financement par un époux séparé de biens de l’acquisition d’un immeuble indivis, affecté au
logement de la famille, participe de son obligation de contribuer aux charges du mariage. Elle est
allée plus loin en appliquant cette même solution à l’acquisition d’une résidence secondaire qui a
pour objet l’agrément et les loisirs de la famille3. Mais le financement, par un époux, d'un
investissement locatif destiné à constituer une épargne, ne relève pas de la contribution aux
charges du mariage4. Cette obligation survit à la séparation de fait des époux. Elle prend alors la
forme de pension alimentaire versée par l’époux le plus fortuné à celui qui l’est moins, le critère
restant celui du maintien du même niveau de vie.
Toutefois, l’imputabilité de la séparation a une incidence sur l’obligation, la Cour de
cassation conseillant aux juges du fond de tenir compte des « circonstances de la cause ». Ainsi, le
refus, à lui seul, de cohabiter avec son conjoint n’exclut pas nécessairement qu’il puisse obtenir
une contribution aux charges du ménage, mais si le défendeur offre la reprise de la vie commune
et donc une exécution en nature, il ne saurait être condamné à payer une pension alimentaire, à
moins que le refus de reprise de la vie commune soit justifié par un comportement de l’autre
époux incompatible avec la vie commune5.
Distinction entre obligation de contribuer aux charges du ménage et devoir de
secours. L’obligation d’entretenir le ménage ne doit pas se confondre avec le devoir de secours,
l’obligation alimentaire entre époux. Cette obligation est différente de l’obligation alimentaire par
son fondement et son but. L’obligation de contribuer aux charges du ménage se fonde sur l’article
3
Civ. 1ère 15 mai 2013 RLDC 2013, 50 note J. Revel.
4
Civ. 1ère, 05 oct. 2016, D. 2016 p. 2063.
5
Civ. 1ère, 16 févr. 1983, D. 1984, note Revel ; Civ. 1ère, 14 mars 1973, D. 1974, 453, note Remy.
214 du Code civil ou l’article 100 CTPF et a pour but d’assurer un même niveau de vie au deux
époux. En revanche, le devoir de secours se fonde sur l’article 212 du Code civil ou l’article 98 al.
1er CTPF et a pour but de combler le besoin d’un époux. Cette différence se manifeste aussi en ce
que le règle « aliments ne s’arréragent pas », selon laquelle le créancier qui ne réclament pas les
termes échus de la pension est considéré comme à l’abri du besoin, ne s’applique pas l’obligation
de contribuer aux charges du ménage ; de la même différence, il résulte que chaque époux doit
contribuer aux charges du mariage même si son conjoint n’est pas dans le besoin.
La fin de la contribution en fonction du sexe. Avant sa révision en 2014, l’alinéa 4 de
l’article 100 CTPF soumettait le mari à une contribution plus importante. En cela, l’obligation
d’assumer ces charges pesait à titre principal sur le mari. La nouvelle vision instaure une égalité
entre les époux tant en matière de droits qu’en matière d’obligations. C’est ainsi que l’alinéa 2 du
nouvel article 100 CTPF énonce que « les époux contribuent aux charges du ménage et de la
famille à proportion de leurs facultés respectives ». De toutes les façons, les époux peuvent eux-
mêmes s’entendre sur la répartition des charges du ménage.
Les ressources de la contribution. La contribution est une ponction qu’effectue chaque
époux sur ses biens. A ce sujet, le nouvel article 100 alinéa 4 CTPF énonce que « Chacun des
époux s’acquitte de sa contribution en la prélevant sur les ressources générées par son activité
professionnelle ou sur les ressources dont il a l’administration et la jouissance ou par son activité
au foyer ou sa collaboration à la profession de l’autre ». Pour fixer le montant de la contribution,
il ne faut pas seulement prendre en compte les revenus des époux (les facultés des époux
s'entendent des ressources pécuniaires (gains et salaires, revenus des capitaux) et des revenus
même insaisissables comme les pensions de retraite ou d'invalidité), il faut également tenir compte
de leurs charges. La Cour de cassation a ainsi censuré une décision ayant considéré que les
remboursements d'emprunt dont le mari faisait état ne pouvaient être retenus parmi les charges, les
dettes alimentaires ayant une priorité absolue. Selon la Cour de cassation, en effet, le juge doit
prendre en considération l'ensemble des charges du débiteur correspondant à des dépenses utiles
ou nécessaires et la cour d'appel aurait donc dû s'expliquer sur la nature des emprunts avant de les
écarter au titre des charges6.
6
Cass. 1re civ., 15 nov. 1989 : JurisData n° 1989-004422 ; Bull. civ. 1989, I, n° 351 ; JCP G 1990, IV, 15. - V.
également, pour la prise en compte d'une aide matérielle du mari à ses parents : Cass. 1re civ., 24 oct. 1977 : Bull. civ.
1977, I, n° 383. - Ou encore, pour la prise en considération de la charge de deux enfants adultérins pesant sur le mari :
CA Paris, 8e ch., sect. B, 23 mars 1983 : JurisData n° 1983-025778. - À l'inverse, refusant d'agréger les ressources de
la concubine à celles du mari mais constatant qu'il était logé par elle : Cass. 1re civ., 21 déc. 1981, n° 80-14.622 :
JurisData n° 1981-703514 ; Bull. civ. 1981, II, n° 392. - Ou encore, refusant de prendre en compte les charges
supportées par le mari vivant en concubinage, du fait de l'entretien d'une famille étrangère à son couple : CA Poitiers,
8 sept. 1993 : JurisData n° 1993-049083.
être considérés par le juge pour fixer le montant de la contribution sont : les besoins de l’époux
demandeur, les revenus du conjoint indélicat, les revenus qu’il perçoit en vertu du régime
matrimonial, les produits de son travail ou de toutes autres sommes qui lui sont dues par les tiers.
La fixation de la contribution peut faire l’objet d’une nouvelle instance à la demande de l’un des
époux en cas de changement dans la situation de l’un ou de l’autre. Les juges apprécient cela
souverainement. L’époux qui a obtenu une ordonnance fixant la contribution de son conjoint, est
en droit, s’il ne s’exécute pas, de le faire condamner pénalement pour abandon de famille. Il est
donc judicieux pour les époux de s’entendre sur la répartition des charges du ménage et de la
famille ainsi que leur direction.
a. Le domaine de la codirection
S'agissant du domaine, la rédaction même de l'article 99 appelle deux remarques
préalables. D'abord, la direction de la famille apparaît comme la source de pouvoirs et de devoirs à
la fois d'ordre personnel et d'ordre patrimonial, puisque le texte pose le principe d'une direction
matérielle et morale de la famille. Le champ des actes ou des activités couvert par le principe de
direction conjointe est donc considérable, puisque rien, en fait, de ce qui concerne la famille, n'est
a priori laissé en dehors. Ensuite, l'article 99 définit la mission des époux à l'égard des enfants
(pourvoir à leur éducation et préparer leur avenir) dans le prolongement direct et immédiat du
principe de codirection de la famille. Il marque ainsi, très clairement, que l'une des finalités du
mariage est la constitution d'une famille qui suppose la présence d'enfants ; sans enfant en effet, il
n'est pas nécessaire de parler de communauté familiale. Il n'y a qu'un couple conjugal, voire une
communauté conjugale, pas une famille. La mission parentale s'inscrit ainsi naturellement dans le
cadre du principe de direction conjointe de la famille par les époux, même si cette mission est
désormais définie comme une mission conjointe de tous les parents indépendamment du mariage.
Si ce principe s'impose par l'effet du mariage, la dissolution du mariage doit normalement
mettre fin au principe de direction conjointe, qu'il y ait décès ou divorce. Toutefois, l’article 237
CTPF (en France, la loi du 8 janvier 1993 et la loi du 4 mars 2002) ayant fait de l'autorité
parentale conjointe le principe, même en cas de divorce, amène à constater que la famille, par le
biais des enfants, peut survivre à la dissolution du mariage et imposer le maintien du principe de
direction conjointe dans le domaine des décisions concernant ces enfants. Le fondement de cette
association nécessaire des parents réside dans la seule qualité de parents exerçant conjointement
l'autorité parentale.
De même, si le principe de direction conjointe dure autant que le mariage, il faut aussi
nuancer cette affirmation en cas de séparation de corps car elle aura nécessairement des
répercussions sur la direction conjointe de la famille. Avec la disparition de la cohabitation et de la
contribution aux charges du mariage, la communauté familiale est atteinte, tant au plan
économique que personnel ; de la même façon, la séparation de fait pourra perturber le
fonctionnement de la direction conjointe de la famille par les époux et, à tout le moins, susciter
davantage de conflits qu'en cas de vie commune.
b. Contenu du principe
Nécessité d'un accord. L'article 99 emploie, pour qualifier la direction de la famille, une
formule révélatrice ; il ne pose pas expressément un principe strict de codirection de la famille ; il
affirme que les époux "assument ensemble la responsabilité morale et matérielle de la famille".
Ce terme "ensemble" est essentiel car il marque l'idée d'une entente entre les époux et d'un accord
mutuel dont les formes pourraient être souplement entendues ; il n'implique pas l'exigence d'une
double décision systématique, donc d'une cogestion généralisée de la famille, système lourd,
sclérosant et ne ménageant pas de place à l'autonomie des époux. De fait, les progrès accomplis
dans le sens de l'égalité des époux se sont accompagnés d'une consécration de l'autonomie et de
l'indépendance des époux ; cette autonomie qui se manifeste tant au plan personnel que
patrimonial, transparaît aussi dans la mise en œuvre du principe de direction conjointe de la
famille. Il apparaît, en effet que compte tenu de l'ampleur et de la variété des situations couvertes
par le principe de direction conjointe, la formule selon laquelle les époux "assument ensemble la
direction" de la famille est une formule compréhensive qui permet d'englober diverses situations.
Formes de l'accord. La direction conjointe suppose sans doute toujours l'existence d'un
consensus entre les époux, mais ce consensus peut prendre diverses formes et appeler, s'il n'existe
pas où s'il disparaît, des sanctions différentes : la direction conjointe peut être synonyme de
cogestion ou codécision, au sens de l'exigence d'un double consentement exprès et préalable : ainsi
pour certains actes concernant le logement familial (CTPF, art. 102) ou pour les actes importants
concernant le patrimoine de l'enfant (art. 265 CTPF ; C. civ., art. 389-5) ; mais elle peut
s'exprimer aussi par une acceptation tacite voire forcée des décisions prises par l'autre (p. ex. dans
le domaine personnel, s'agissant du choix par un époux d'activités de loisir ou d'activités
syndicales) ; elle peut encore prendre la forme d'une présomption d'accord couvrant certains actes
(p. ex. en matière d'actes usuels concernant l'enfant). Enfin, la direction conjointe peut être
synonyme en matière patrimoniale, de gestion concurrente, chacun des époux ayant le pouvoir
d'accomplir certains actes, le consentement de l'autre n'étant pas requis (ainsi des actes ménagers).
La direction conjointe de la famille n'est donc pas exclusive d'une marge d'indépendance des
époux. De même les sanctions ne sont pas identiques, qui vont du divorce à la nullité de l'acte
accompli en passant par son inopposabilité ou son interdiction, selon les cas.
famille ne signifie pas que les conjoints perdent toute liberté individuelle et toute indépendance.
Leur égalité leur permet au contraire de disposer d'une marge de liberté.
7
V. J. PETRISSANS-BOISSARD, Couple et protection de la personnalité, Thèse Pau, 2006.
8
Cass. 1re civ., 19 juin 2007, n° 05-18.735, JurisData n° 2007-039666 ; Dr. famille 2007, comm. 168, obs. V.
LARRIBAU-TERNEYRE). Ainsi, pour l'adhésion à la secte des témoins de Jéhovah accompagnée de pratiques
excessives (CA Paris, 1e ch. C, 2 déc. 1993 : JurisData n° 1993-043014. - CA Bordeaux, 16 sept. 2003, n° 01/04209 :
JurisData n° 2003-224314) ou à une secte hindoue (CA Aix-en-Provence, 4 janv. 1989 : JurisData n° 1989-021384. -
Mari brahame refusant de faire aucun effort pour s'adapter au mode de vie occidental : CA Metz, 4 mai 2004 :
JurisData n° 2004-252912 ; Dr. famille 2005, comm. 35, obs. V. LARRIBAU-TERNEYRE) ; pour l'adhésion à
l'Islam (CA Versailles, 25 mars 1993 : JurisData n° 1993-041197.
9
CA Colmar, 9 nov. 1984 : JurisData n° 1984-042271.
10
CA Paris, 24e ch. A, 27 sept. 1988 : JurisData n° 1988-025028.
11
CA Montpellier, 15 oct. 1990 : JurisData n° 1990-002950.
12
CA Rennes, 14 déc. 1992 : JurisData n° 1992-049847.
13
CA Bordeaux, 2 mars 2004 : JurisData n° 2004-238049.
14
CA Douai, 12 oct. 1984 : DS 1985, p. 523, note, Blary-Clément.
qu'ils ne soient modestes et des achats à tempérament). Sont aussi exclues de la solidarité les
dettes au regard desquelles l’opposition d’un époux a été posté à la connaissance du créancier.
La liberté professionnelle et autonomie des époux. Il reste que la direction matérielle
conjointe de la famille ne peut entraver la liberté professionnelle des époux, résultat de leur stricte
égalité. Selon l’article 107 CTPF, « Chaque époux peut librement exercer une profession de son
choix, à moins que l’autre ne s’y oppose par voie de justice dans l’intérêt de la famille ». L’article
223 du Code civil va plus loin en disposant que « Chaque époux peut librement exercer une
profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s'être acquitté des charges du
mariage ». Dès lors que les époux se sont acquittés de leurs contributions aux charges du ménage,
ils ont une autonomie patrimoniale relativement à leurs biens propres ou personnels et à leurs
gains professionnels. Quel que soit leur régime matrimonial, en effet, les époux administrent seuls
leurs biens personnels et en disposent librement et la même règle impérative est posée pour leurs
gains et salaires.
Le logement familial. La résidence de la famille est un lieu que les époux choisissent de
commun accord. Faute d’accord, l’un des époux peut le saisir le juge qui va statuer dans l’intérêt
de la famille selon l’article 102 CTPF. En France, depuis la loi du 11 juillet 1975, une distinction
est faite entre domicile des conjoints et résidence de la famille. Les époux peuvent avoir leur
propre domicile mais doivent avoir une résidence commune. Cette distinction devient plus claire
lorsque les époux sont en séparation de corps. En l’absence de vie commune, la résidence de la
famille est le lieu où les enfants vivent avec l’un des parents. Le logement familial n’est pas
suffisamment protégé en droit togolais. Aucun texte n’interdit la disposition des droits qui
garnissent le logement familial. La timide protection envisagée porte sur le bail portant sur ce
logement et les meubles meublants qui y figurent. L’article 102 alinéa 2 CTPF précise que le bail
portant sur la résidence familiale appartient aux deux époux même s’il a été conclu avant le
mariage par l’un d’en eux. L’alinéa 4 du même article dispose que les époux ne peuvent l’un sans
l’autre disposer des meubles meublants dont est garni le logement familial. Mais quand le
logement est sis dans un immeubles appartenant à l’un des époux, la loi ne lui fait aucun
interdiction de procéder à sa vente ni n’exige le consentement de l’autre conjoint pour un tel acte.
En revanche, en droit français, la protection du logement familial est très efficace. L’article 215 al.
3 du Code civil dispose que « Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par
lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des
deux qui n'a pas donné son consentement à l'acte peut en demander l'annulation : l'action en
nullité lui est ouverte dans l'année à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir
jamais être intentée plus d'un an après que le régime matrimonial s'est dissous ».
L’accomplissement d’un acte individuellement par un époux sur le logement familial est exposé à
la nullité15.
La Cour de cassation française va plus loin dans la protection du logement familial. Elle
considère que l’époux ne peut, sans le consentement de son conjoint, résilier le contrat d’assurance
garantissant le logement familial16. Il faut comprendre que la résiliation du contrat d’assurance sur
le logement familial constitue un acte soumis à la cogestion parce qu’il porte sur l’indemnité, qui,
en cas de sinistre, représenterait le logement lui-même. La nouveauté tient dans le fait que la Cour
de cassation s’attache à protéger le logement, non plus seulement en ce qu’il procure à la famille
un service déterminé, mais parce qu’il représente une valeur économique. Si l’on suite cette
lecture de l’article 215, alinéa 3, il faudrait admettre l’extension de la cogestion à tous les actes
portant sur les indemnités reçues en remplacement de la perte de l’immeuble ou des dégradations
subis par lui.
15
Cass. 1ère civ., 20 janv. 2004, D. 2004, 2178, note F. Bicheron ; Defrenois 2005, art. 38149, obs. G. Champenois.
16
Cass. 2e ciV., 10 mars 2004, RTD civ. 2004, p. 270, obs. J. Hauser ; p. 538, obs. B. Vareille ; D. 2004, somm.
comm. 2257, V. Brémond.
17
Cass. 1re civ. 22 oct. 1974, D. 1975, 645, note I. Foulon-Piganiol ; JCP 1975, éd. G, II, 18041, note Y. Chartier.
18
Selon l’article 763, « Si, à l'époque du décès, le conjoint successible occupe effectivement, à titre d'habitation
principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant
une année, la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit.
Si son habitation était assurée au moyen d'un bail à loyer ou d'un logement appartenant pour partie indivise au
défunt, les loyers ou l'indemnité d'occupation lui en seront remboursés par la succession pendant l'année, au fur et à
mesure de leur acquittement.
Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits successoraux.
Le présent article est d'ordre public ».
19
Selon l’article 764 al. 1 et 2, « Sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971
(interposition de personne), le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation
principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à
son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.
La privation de ces droits d'habitation et d'usage exprimée par le défunt dans les conditions mentionnées au premier
alinéa est sans incidence sur les droits d'usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou d'une libéralité, qui
continuent à obéir à leurs règles propres ».
20
Cass. civ. 1re civ., 14 mars 2018, n° 17-16.482 (F-P+B), B. c/ A., note Estelle Naudin.
21
Civ. 1re, 11 mars 1986, n° 84-12.489, Defrénois 1986. 1259, obs. G. Champenois.
22
S’agissant de la SARL, un associé peut se faire représenter par son conjoint, à moins ue la société ne comprennent
que les deux époux (art. 334 al. 2 et 3 UACGIE). Dans la SA, tout actionnaire peut se faire représenter par un
mandataire de son choix comme son conjoint (art. 538 AUSCGIE).
23
La gestion d’affaires est prévue par les articles 1372 à 1375 du Code civil. A l’issue de l’Ordonnance n° 2016-131
du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, la gestion
d’affaires est envisagée par les articles 1301 à 1301-5 du Code civil français.
d'affaires conjugales : tandis que l'utilité de la gestion désintéressée est appréciée au moment où
celle-ci est entreprise, d'après son opportunité, celle de la gestion intéressée est contrôlée au terme
de la gestion, en fonction des résultats objectifs de l'immixtion ; pratiquement, selon qu'il s'agit
d'une "utilité subjective et initiale" ou d'une "utilité objective et finale", les risques de la gestion
pèsent sur le maître ou, au contraire, sur le gérant.
Exclusion d'une ratification de la gestion d'affaires intéressée. Mais, dans la mesure où
la gestion a été utile, l'efficacité de l'acte accompli par l'époux gérant n'est pas subordonnée à sa
ratification par le conjoint maître de l'affaire (l'arrêt CA Pau, 2e ch., 16 sept. 1996, préc., a relevé
que l'intervention d'une épouse, ayant fait procéder aux travaux de raccordement au réseau public
d'eau potable de la ferme appartenant à son mari, est indéniablement opportune, ce qui suffit à
obliger le mari à exécuter les engagements pris dans son intérêt et pour son compte par son
épouse, sans qu'aucune ratification de la gestion de celle-ci ne soit nécessaire). Plus encore, la
ratification exclurait la gestion d'affaires pour laisser place au mandat, ce qui ne servirait pas
nécessairement l'intérêt du conjoint représenté, les obligations du gérant d'affaires apparaissant
généralement plus étendues que celles du mandataire : en témoignent certaines règles gouvernant
les suites de la gestion.
Condition d’efficacité de l’immixtion. L’alinéa 2 de l’article 105 précise in fine que les
actes de l’époux gérant ne peuvent produire d’effet que s’ils ont été bien administrés. A contrario,
une mauvaise administration paralyse toute opposition de l’acte à l’époux dont les affaires ont été
gérées. Les données changent lorsque le couple est en crise.
CHAPITRE II
LE REGIME DE BASE DANS UNE CRISE CONJUGALE
Encore appelé régime impératif ou primaire, le régime de base contient des règles destinées
à débloquer tout dysfonctionnement auquel un couple peut être confronté en raison d’une crise. Il
convient de présenter les situations de crise auxquelles un couple peut être confronté (section 1).
Par la suite, les solutions prévues par le régime primaire à ces situations seront déroulées (section
2).
28
V. J.-Cl. MONTANIER, L’autorisation de justice en droit matrimonial, RTD civ. 1984, p. 10, spéc. n° 117-18.
son absence, de son éloignement ou de toute autre cause » est privé de l’autorité parentale. La
souplesse de l'énumération invite à retenir une acception large de l'empêchement.
L'empêchement de manifester sa volonté recouvre d'abord l'impossibilité de faire connaître
sa volonté. Le conjoint visé peut être en état intellectuel et physique d'exprimer sa volonté, sans
être en mesure de l'extérioriser en connaissance de cause et à temps : tel était le cas des maris
prisonniers de guerre, dont le législateur français se souciait prioritairement en 1942. À l'absence,
déclarée ou seulement présumée, doit alors être assimilée la simple non-présence29.
L'empêchement de manifester sa volonté recouvre ensuite l'impossibilité d'être doté d'une volonté
: le conjoint visé n'est plus en état intellectuel ou physique d'arrêter sa volonté.
Subsidiarité des règles relatives à l'absence et des mesures judiciaires de protection.
Persuadé que l'époux est a priori le meilleur protecteur des intérêts de l'absent ou du majeur
protégé, le législateur privilégie d'ailleurs les sauvegardes conjugales, et notamment l'article 104
al. 2 CTPF, sur la mise en œuvre des dispositions relatives à l'administration des biens des absents
comme sur l'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle qui devrait être dévolue à l'époux. Encore
faut-il que, par l'effet de l'autorisation judiciaire, l'époux puisse suffisamment pourvoir aux
"intérêts en cause", en cas d'absence, ou "aux intérêts de la personne", en cas d'altération des
facultés personnelles de son conjoint.
En réalité, la combinaison des règles extra-conjugales de protection et de l'article 104
CTPF invite à ne retenir la subsidiarité des premières qu'autant que le juge aura vérifié la
conformité de l'acte à accomplir, non pas exclusivement à l'ensemble des intérêts du conjoint
absent ou malade, mais plus largement à l'intérêt global de la famille, lequel recouvre notamment
l'intérêt du conjoint empêché30.
29
V. M. Vivant, Le régime juridique de la non-présence, RTD civ. 1982, p. 1.
30
V. en ce sens TGI Nevers, 29 nov. 1972 : Defrénois 1973, art. 30405, p. 937, note J. Massip : en l'espèce, pour
autoriser l'époux de l'aliéné à acquérir un immeuble avec affectation hypothécaire, le jugement relève que l'acte « ne
présente que des avantages (...) pour les deux époux et leur enfant » et que « l'intérêt bien compris tant de l'époux
demandeur que de son conjoint normalement empêché d'exprimer sa volonté (...) exige que l'autorisation sollicitée
soit accordée ».
31
V. en ce sens M. de Juglart, Les pouvoirs de la femme commune en biens depuis la loi du 22 septembre 1942, JCP
1943, I, 327, spécialement n° 28. - Pour une illustration, V. notamment CA Nancy, 1re civ., 16 oct. 2006, n° 04/03651
: JurisData n° 2006-322785 ; JCP G 2007, I, 142, n° 11, obs. G. Wiederkehr.
32
Sur la notion de mise en péril de l'intérêt commun des coïndivisaires, V. notamment J.-B. Donnier, JCl. Civil Code,
Art. 815 à 815-18, fasc. 30, spécialement n° 143 s. - F.-X. Testu, Rép. civ. Dalloz, V° Indivision, n° 728 s.).
obstacle à l'autorisation judiciaire de le vendre sollicitée par son mari propriétaire ; la Cour de
cassation considère ensuite qu'après avoir procédé à une appréciation d'ensemble de l'intérêt
familial et constaté d'abord que le budget mensuel du mari, seul à exercer une activité
professionnelle rémunérée, présentait un certain déficit, de nature à altérer sérieusement le budget
familial, puis que ce dernier avait d'ores et déjà engagé des opérations de cession de ses avoirs
propres pour assurer le paiement de dettes, la cour d'appel a souverainement déduit des éléments
produits que la vente du logement familial projetée par le mari propriétaire en vue de ne pas
aggraver un déficit et de parvenir à une gestion de trésorerie plus saine, apparaissait conforme à
l'intérêt de la famille38.
Prépondérance de l'intérêt patrimonial des époux. Il est vrai néanmoins qu'en pratique,
l'intérêt patrimonial est prépondérant. Dans un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux les juges ont
refusé d'accorder au mari l'autorisation d'hypothèques contre l'avis de son épouse, dès lors que,
compte tenu de l'importance de l'endettement des époux, la souscription d'un emprunt
supplémentaire avec inscription hypothécaire aggraverait encore la situation financière du couple
déjà très obérée39.
L'intérêt patrimonial des époux n'est d'ailleurs pas univoque. Cette catégorie générique
recouvre notamment l'intérêt des créanciers, lorsqu'il s'agit de travailler à la diminution du passif
conjugal. Dans un arrêt du 16 septembre 1998, la Cour d’appel de Dijon a estimé que la
probabilité d'une insuffisance des ressources en cas de location du pavillon commun pour
permettre l'apurement de la dette dans un délai raisonnable justifie, sur le fondement de l'article
217, la décision de vendre cet immeuble, et autorisant en conséquence le mari à procéder seul à la
vente de cet immeuble conformément au plan de surendettement prévoyant que le "produit de la
vente de la maison devra être affecté en priorité au remboursement des créanciers" 40. La prudence
doit alors guider les juges lorsqu'il apparaît que l'acte projeté est susceptible de compromettre le
patrimoine familial41.
38
Cass. 1re civ., 30 sept. 2009, n° 08-13.220 : JurisData n° 2009-049663 ; Dr. famille 2009, comm. 150, obs. V.
Larribau-Terneyre ; JCP N 2010, p. 1374, note J. Revel et V. Brémond.
39
CA Bordeaux, 6e ch., 18 nov. 1998 : JurisData n° 1998-046579. - V. encore CA Orléans, 15 déc. 1997 : JurisData
n° 1997-047369, autorisant l'épouse à vendre un immeuble commun de gré à gré pour les motifs suivants : d'une part,
l'intérêt de la famille doit s'apprécier au regard de l'endettement important des époux, mais aussi de la situation
actuelle de l'immeuble, objet d'une saisie immobilière ; le souci légitime de l'épouse est ici d'éviter les aléas d'une
vente aux enchères, alors que le mari ne démontre pas qu'il aurait pu trouver rapidement un acquéreur à un meilleur
prix ; d'autre part, la situation de la famille risque de s'aggraver, tout retard à la vente et donc au remboursement du
créancier étant générateur d'intérêts très lourds. - V. aussi CA Toulouse, 1re ch., 2e sect., 26 févr. 2008, n° 07/02706 :
JurisData n° 2008-358626, autorisant le mari à vendre seul l'immeuble commun, alors que les époux sont en situation
de surendettement, qu'ils ont reçu un commandement de payer une somme importante et qu'à défaut de paiement,
l'immeuble sera vendu aux enchères.
40
V. notamment CA Dijon, 1re civ., 16 sept. 1998, n° 97/02380 : JurisData n° 1998-055551. - V. également CA
Bourges, ch. civ., 9 sept. 2002, n° 02/00298 : JurisData n° 2002-186732. - CA Grenoble, 1re civ., 21 janv. 2002, n°
00/01505 : JurisData n° 2002-171371. - CA Limoges, ch. civ., 2e sect., 23 janv. 2007, n° C06-0946 : JurisData n°
2007-334951. - V. encore Cass. 1re civ., 22 nov. 2005, n° 03-13.621 : JurisData n° 2005-030840 ; Bull. civ. 2005, I,
n° 440 ; JCP G 2006, I, 141, n° 5, obs. G. Wiederkehr, rappelant que c'est par un pouvoir souverain d'appréciation que
les juges du fond ont estimé conforme aux intérêts de la famille la vente projetée par le mari de son officine de
pharmacie en vue d'apurer au mieux le passif important du fonds). Elle recouvre également l'intérêt de l'entreprise
conjugale, en tant que source d'enrichissement du ménage. Toute contradiction n'est pas alors exclue entre l'intérêt de
l'entreprise et celui du ménage (V. à cet égard M. de Gaudemaris, Régime matrimonial légal et entreprise,
Contribution à l'étude du choix législatif d'un régime matrimonial légal au regard des intérêts des époux notamment
entrepreneurs : Thèse dactyl. Grenoble, 1986, spécialement n° 63 s., p. 78 s.).
41
V. notamment TGI Grenoble, 25 juill. 1989 : Defrénois 1989, art. 34593, p. 1113, obs. G. Champenois : en
l'espèce, après la vente d'un fonds de commerce commun par deux époux, la femme refusait de percevoir les capitaux
résultant de l'opération, tandis que l'article 1424 du Code civil exige ici le consentement des deux époux ; sur le
fondement de l'article 217, le mari sollicitait l'autorisation judiciaire de percevoir seul cet argent en vue de le réinvestir
dans la création d'une entreprise nouvelle ; or, il était douteux qu'un tel projet ait pour effet d'accroître le patrimoine
familial, alors même que les époux vivaient séparément ; les juges, estimant que le refus de la femme était justifié par
l'intérêt de la famille, ont donc rejeté la demande du mari.
Considérations affectives et morales concernant les enfants comme les époux. Il reste
que l'intérêt de la famille ne présente pas que des aspects strictement pécuniaires : il embrasse
également des considérations affectives et morales concernant les enfants comme les époux. Dans
un arrêt du 10 février 1999, la Cour d’appel de Paris a considéré que le refus de la femme de
procéder à la vente volontaire du logement familial, où elle réside avec ses enfants par suite d'une
ordonnance de non-conciliation, ne peut s'analyser comme contraire à l'intérêt de la famille, au
motif que ce refus est de nature à préserver les conditions de vie des enfants et évite de les priver
de leur cadre habituel, alors que l'inverse ferait indirectement échec aux mesures de l'ordonnance
prises dans leur intérêt et immédiatement exécutoires42.
42
V. notamment CA Paris, 1re ch., sect. A, 10 févr. 1999, n° 1998/26461 : JurisData n° 1999-023030. - V. également
CA Bordeaux, 6e ch., 7 oct. 1997 : JurisData n° 1997-047893 ; Dr. famille 1998, comm. 122, note B. Beignier, l'arrêt
retenant que le refus d'autorisation de vendre un immeuble commun opposé par la femme à son mari n'est pas
contraire à l'intérêt de la famille, alors que l'immeuble est susceptible d'héberger les enfants du couple dans le cadre de
la poursuite de leurs études et qu'il constitue le dernier bien commun immobilier, c'est-à-dire, en raison de la durée de
la procédure, une garantie de patrimoine pour la femme et les enfants. - V. encore CA Versailles, 1re ch., 1re sect., 15
avr. 2010, n° 09/02179 : JurisData n° 2010-006005, l'arrêt n'autorisant pas le mari à disposer, malgré l'opposition de
son épouse, de l'appartement qui lui appartient en propre, mais qui constitue le logement familial, estimant légitime le
souci de l'épouse de continuer à habiter les lieux, dernier bien immobilier susceptible de l'abriter, alors qu'elle dispose
du seul RMI et qu'elle est dépressive et particulièrement fragile.
43
V. l'étude de G. Cornu, La refonte dans le Code civil français du droit des personnes et de la famille : Revue
juridique et politique 1986, n° 3 et 4, p. 674 s.
44
V. en ce sens B. Thullier, L'autorisation. Étude de droit privé, LGDJ 1996, coll. Bibl. dr. privé, t. CCLII, préf. A.
Bénabent, spécialement n° 114, p. 79.
45
V. en ce sens le Vocabulaire juridique Capitant, ss dir. G. Cornu : PUF, 8e éd. 2000, V° Autorisation, p. 91.
46
V. en ce sens R. Savatier, La communauté conjugale nouvelle en droit français, Dalloz 1970, spécialement n° 59, p.
124.
Lorsque la demande vise à passer outre au refus d'agir du conjoint, l'article 104 al. 2
impose littéralement au juge d'examiner si "son refus n'est pas justifié par l'intérêt de la famille".
Au regard de la charge de la preuve, deux conceptions du contrôle judiciaire sont théoriquement
concevables : soit il revient au conjoint récalcitrant, entendu par le tribunal, d'établir que son refus
est justifié, faute de quoi l'autorisation sera accordée, soit il appartient, plus rigoureusement, à
l'époux demandeur de prouver le caractère injustifié du refus de son conjoint, sauf à voir sa
demande rejetée47. Mais il est probable qu'en pratique, le juge arrêtera sa conviction au regard des
explications des parties, de sorte que l'époux demandeur n'aura finalement qu'à supporter le risque
de la preuve, pour le cas où le doute demeurerait.
Convaincu de la conformité de l'acte projeté à l'intérêt de la famille, le juge peut délivrer
une autorisation qu'il a toute latitude d'aménager.
47
pour l'exposé de ces deux conceptions, V. G. Marty et P. Raynaud, Les régimes matrimoniaux, par P. Raynaud,
Sirey, 2e éd. 1985, spécialement n° 42, 2, p. 41).
48
V. en ce sens R. Savatier, op. cit., n° 130, p. 248.
C'est la spécialité de l'autorisation qui assure véritablement l'autonomie de l'article 104 al.
2 CTPF par rapport aux mesures concurrentes de transfert judiciaire de pouvoirs, la concurrence
ne jouant véritablement qu'au cas d'impossibilité du conjoint de manifester sa volonté. À l'article
105 al 1er CTPF, l'époux demandeur peut se faire habiliter à représenter son conjoint empêché
"d'une manière générale, ou pour certains actes particuliers", tandis qu'aux articles 1426 et 1429
du Code civil, l'époux demandeur est substitué à son conjoint durablement empêché dans
l'exercice de ses pouvoirs de gérer les biens communs ou d'administrer ses propres (Voir art. 380
et suivant du CTPF).
Mais si l'article 104 al. 2 CTPF ne permet pas de concentrer durablement tous les pouvoirs
conjugaux sur la tête d'un époux, l'autorisation judiciaire n'est pas nécessairement sans danger.
C'est ce qu'il faut à présent vérifier en examinant la portée du pouvoir dérogatoire octroyé à
l'époux demandeur
Les crises conjugales sont inévitables et leur solution dépend du pouvoir du juge. Elles
sont visées à l’étape du régime primaire mais ne sont pas exclues dans l’application d’un régime
matrimonial choisi.
TITRE II
LE CHOIX D’UN RÉGIME MATRIMONIAL SUPERPOSÉ
Le régime matrimonial fixe la propriété des biens et par là même, les pouvoirs des époux
sur leur patrimoine. Si le régime matrimonial est obligatoire en mariage, il n’existe qu’en mariage.
Les concubins, quelle que soit la durée de leur vie commune, ne sont pas soumis à un régime
matrimonial. Leurs rapports pécuniaires sont réglés par d’autres mécanismes. La détermination
d’un régime matrimonial est fondamentale pour la stabilité même du couple. Il obéit à deux types
de critères qui sont en rapport finalement ave la conception que l’on peut faire du mariage.
Mais le défaut de contrat de mariage peut s’expliquer aussi par l’ignorance, l’insouciance,
voire la négligence, ou encore par le désintérêt. En effet, le couple n’a pu faire un contrat de mariage
parce que qu’il n’y a pas pensé ou n’a même pas cherché à s’informer. C’est pour vaincre ces
insuffisances que le législateur a fait de l’officier d’état civil un conseil matrimonial. En effet en vue
du mariage, les futurs époux doivent se présenter personnellement devant l’officier d’état civil qui
« …après avoir recueilli l’option de monogamie ou de polygamie, interpelle les futurs époux sur le
régime matrimonial qu’ils entendent choisir. Il leur explique, qu’en l’absence de toute option
contraire, ils seront placés sous le régime de droit commun de la séparation de biens mais qu’ils
peuvent adopter l’un des deux (02) autres régimes prévus par le présent code. Lorsque les époux ont
opté pour un régime polygamique, l’officier de l’état civil leur indique que seul le régime de droit
commun de la séparation de biens leur est applicable et qu’ils ne peuvent, en aucun cas, changer de
régime matrimonial, sans avoir renoncé à l’option polygamique » (art. 59 al. 1 et 2 CTPF). Certains
ont invoqué le coût du contrat de mariage pour ne pas en faire. Mais plus fondamentalement, le
défaut de choix se justifié encore par l’absence de fortune. Ce non-choix constitue encore pour ces
couples un choix puisqu’ils se verront imposer la séparation des biens.
Au contraire de ces dernières considérations, lorsque les futurs époux entendent assurer
leur indépendance dans le mariage ou lorsqu’ils ne veulent pas que les activités professionnelles
de l’un interfèrent financièrement sur les activités de l’autre, le choix portera alors sur la
séparation de biens. Malheureusement, il semble que ce choix soit celui de couples indépendants,
voire le régime de l’époux égoïste qui songe à un divorce à bon compte.
A ces critères subjectifs s’ajoutent des critères objectifs qui tiennent à la protection de la
famille contre les créanciers de l’un ou de l’autre qui exercerait une profession à risque. Le
mauvais état des affaires d’un époux ne doit pas avoir des répercussions néfastes sur la famille et
le patrimoine du conjoint ne doit pas être affecté. A cela s’ajoute l’indépendance et la liberté
d’action dans les activités professionnelles. Une telle analyse conduit au choix d’un régime
séparatiste.
A l’inverse, lorsque les futurs époux envisagent une participation à égalité du patrimoine
qu’ils vont constituer, qu’ils pensent à la protection du conjoint survivant, ils sont plus à même
d’opter pour un régime de type communautaire.
Cependant, il est illusoire de penser que ces types de régimes sont déterminés de façon
étanche. Chacun comporte toujours une dose de l’autre. Ainsi, dans le régime de la communauté,
l’un des époux peut recevoir une donation assortie d’une clause d’exclusivité. Ou encore, certains
biens à caractère personnel telle que la réparation d’un préjudice corporel ne peut que revenir à
époux victime. A l’inverse, dans la séparation de biens, outre que des donations peuvent être faites
conjointement aux deux époux, ceux-ci peuvent acquérir ensemble certains biens. Au-delà de cette
interprétation, un régime matrimonial est choisi à la veille de la célébration du mariage (chapitre
1). Mais ce choix peut être modifié au cours du mariage pour l’adapter aux variations que peut
subir le ménage (chapitre 2).
CHAPITRE I
LE CHOIX D’UN RÉGIME A LA VEILLE DU MARIAGE
La liberté des époux s’exprime d’abord dans la possibilité de choisir entre le régime légal,
c’est-à-dire parmi ceux proposés par le législateur, et un régime conventionnel. Mais cette liberté
ne s’exprime pleinement que lorsque les époux font un contrat de mariage. Alors, ils ont en
principe toute latitude pour construire leur régime matrimonial et d’en déterminer le contenu par
des dispositions qu’ils rédigent librement. Les combinaisons seraient nombreuses. Quatre
possibilités s’offrent à eux. Ainsi, peuvent-ils adopter purement et simplement l’un des modèles
établies par le législateur. Ils ont alors le choix entre le régime de séparation des biens, le régime
de communauté réduite aux acquêts et le régime de partition aux meubles et acquêts. Ils peuvent
aussi opter pour des régimes de base et en modifier certaines dispositions. Dans ce cas, les
dispositions qui n’ont pas été modifiées continuent à s’appliquer. Ils pourront par exemple élargir
l’assiette des biens ou la réduire (communauté de meubles et acquêts) et modifier ainsi les
pouvoirs des époux sur ces biens. Ils ont aussi la possibilité de faire une combinaison de plusieurs
régimes matrimoniaux. Enfin, il est en principe loisible aux époux de construire de toute pièces le
statut juridique de leurs biens sans se référer aux modèles proposé par le législateur. Mais l’effort
d’imagination que cela suppose ne semble pas œuvrer à l’adoption de ce mode. Il n’est pas facile
d’être original. Cette liberté admet quelques restrictions.
législateur ; celui-ci étant par principe conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Par contre,
les époux subissent des restrictions lorsqu’ils entendent modifier ou construire un régime.
Ils seront d’abord tenus de respecter l’ordre public et les bonnes mœurs de droit commun
tels que prévus par l’article 6 du Code civil qui dispose : « On ne peut déroger, par des
conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs ». Mais de
façon plus spécifique, ils sont soumis aussi à un ordre public familial qu’édicte le Code des
personnes et de la famille. Ces restrictions tiennent aux principes fondamentaux du droit de la
famille et peuvent s’envisager en deux aspects.
Certaines restrictions ont trait aux principes gouvernant des aspects personnels du droit de
la famille. Ainsi par exemple, ils ne peuvent prévoir dans leur convention des clauses portant
atteinte à la liberté de mariage en interdisant le remariage après dissolution du mariage ou en
interdisant le divorce. De même, dans les rapports familiaux, l’article 346 CTPF précise que « Les
époux ne peuvent déroger ni aux devoirs, ni aux droits qui résultent pour eux du mariage, ni aux
règles de l’autorité parentale, de l’administration légale et de la tutelle ». Ils ne peuvent déroger
aux règles relatives à l’autorité parentale et la tutelle. Dans les rapports pécuniaires, selon l’article
347 CTPF, « les époux ne peuvent faire aucune convention ou renonciation dont l’objet serait de
changer l’ordre légal des successions ».
Ainsi, l’assistance est prévue qu’il s’agisse de mineur ou majeur incapable. En effet, le
mineur habilité à se marier peut consentir toutes les conventions matrimoniales avec l’assistance
49
J.-F. OVERSTAKE, Le contrat de mariage des incapables, RTD civ. 1971, p. 1 s.
des personnes dont le consentement est requis pour la validité de son mariage. A ce sujet, l’article
358 CTPF dispose que « L’enfant habile à contracter mariage est habile à consentir toutes les
conventions dont ce contrat est susceptible et les conventions et donations qu'il y a faites sont
valables, pourvu qu'il ait été assisté, dans le contrat, des personnes dont le consentement est
nécessaire pour la validité du mariage ». Au sujet des majeurs incapables, l’article 359 précise
que « Le majeur en tutelle ou en curatelle ne peut passer de conventions matrimoniales sans être
assisté, dans le contrat, par son tuteur ou son curateur ».
Outre la capacité, les futurs époux doivent consentir personnellement à leur contrat de
mariage. L’exigence du consentement comporte une particularité en ce que l’article 349 al. 1er
CPF requiert la présence et le consentement simultané de toutes les personnes qui y sont parties ou
leurs mandataire devant le notaire chargé de dresser le contrat. Contrairement aux autres contrats
pour lesquels les consentements des parties peuvent être émis à des dates différents, pour contrat
de mariage, les consentements doivent être donnés à la même date50.
a. La date de la convention
Selon l’article 350 CTPF, toutes les conventions matrimoniales doivent être rédigée avant
la célébration du mariage. Cette exigence s’expliquait par l’immutabilité des conventions
matrimoniales qui interdisait toute modification en cours de mariage. Aujourd’hui encore, cette
immutabilité est maintenue pendant les deux premières années du mariage et la modification est
judiciairement contrôlée après ce délai (art 352 al. 1er CTPF).
50
Cass. civ. 1ère, 5 févr. 1957, JCP 1957, II, 10051, note A. COLOMER.
D’abord, le notaire qui dresse le contrat de mariage remet à chacun des futurs époux un
certificat énonçant ses nom et adresse, ceux des futurs époux ainsi que la date du contrat (art. 349
al. 2 CTPF). Il leur remet aussi un exemplaire du contrat de mariage.
En application de l’article 353 CTPF, « Les créanciers sont informés de la modification
envisagée par la publication d'un avis dans un journal habilité à recevoir les annonces légales au
lieu du domicile des époux ». Il est par la suite fait mention sur l’acte de mariage le contrat de
mariage avec le régime adopté. Après la célébration du mariage, il est remis aux époux un livret de
famille comportant en première page un extrait de l’acte mariage comportant mention du contrat
de mariage ou du régime matrimonial.
Une publicité supplémentaire est exigée lorsque l’un des époux est commerçant ou le
devient au cours du mariage. En effet, la mention du régime matrimonial adopté doit être faite au
registre de commerce et de crédit mobilier. Cette mention doit indiquer : la date et le lieu de
mariage, le régime matrimonial adopté, les clauses opposables aux tiers restrictives de la libre
disposition des biens des époux ou l’absence de telles clauses, les demandes en séparations de
biens (art. 44-6° de l’Acte uniforme de l’OHADA portant sur le droit commercial général).
les époux dans la même situation que s’ils n’avaient pas fait du contrat de mariage. Ils seront alors
soumis au régime légal de droit commun.
1. La convention matrimoniale
Ce sont les dispositions du contrat de mariage qui fixent les règles du régime matrimonial.
Elle répond donc aux trois questions précédemment posées. Elles règlent d’abord la question de la
propriété des biens ; c’est-à-dire le mode de regroupement des biens détenus par chaque époux ou
acquis en cours de mariage. Ainsi on peut prévoir un patrimoine unique (communauté universelle)
ou une pluralité de patrimoines (communauté de meubles et d’acquêts, communauté réduites aux
acquêts) dans le futur ménage.
Elles déterminent ensuite le mode de gestion de ces biens ; c’est-à-dire qu’elles fixent les
pouvoirs des futurs époux quant à l’administration des biens du ménage. Les époux pourront alors
se donner mandat réciproque pour gérer tout ou partie des biens communs et même les biens
propres du conjoint. C’est la réponse à la question du sort des actes que les époux seront amenés à
poser dans leurs relations avec les tiers. La convention matrimoniale fixe enfin la modalité de
partage à la dissolution du régime matrimonial (partage égal ou inégal, attribution intégrale de la
communauté).
51
Pour une étude sur le sujet, V. C. Saujot, Les avantages matrimoniaux (Notion – Nature juridique), RTD civ. 1979,
p. 699.
sur un fonds de commerce. Elle vise donc à assurer la continuation d’une exploitation appartenant
au défunt et à la gestion de laquelle contribuait l’époux survivant. Elle devient une disposition
spécifique entre époux et doit respecter deux conditions pour être valable. Si elle peut porter
aujourd’hui sur n’importe quel bien du prémourant (et non plus sur l’exploitation), l’option doit
avoir pour l’objet un bien déterminé du prédécédé d’une part, stipulée au contrat de mariage, la
clause ne produit aucun effet pendant la durée du régime. C’est seulement à la dissolution du
régime matrimonial par décès de l’un des époux que le survivant dispose alors d’une option qui
doit avoir pour objet un bien déterminé du prédécédé d’une part. D’autre part, stipulée au contrat
de mariage, la clause ne produit aucun effet pendant la durée du régime. C’est seulement à la
dissolution du régime matrimonial par décès de l’un des époux que le survivant dispose alors
d’une option : soit acquérir le bien ; soit se le faire attribuer. Il sera tenu compte de la valeur du
bien au jour de l’exercice de la faculté. Le conjoint survivant qui entend exercer cette faculté, doit
notifier son option aux autres héritiers. Aucun délai n’est fixé mais il va sans dire que l’option
doit être levée dans des délais raisonnables pour ne pas entraver les opérations de liquidation et de
partage de la succession. Aussi, en cas d’inactivité de sa part, les héritiers pourront le mettre en
demeure de se prononcer.
52
J. N. DABIRE, Droit de la famille, PADEG, p. 180.
CHAPITRE II
LE CHANGEMENT DU REGIME AU COURS DU MARIAGE
A. La portée de l’immutabilité
« Elles [les conventions matrimoniales] ne peuvent recevoir aucun changement après la
célébration du mariage ». C’est en ces termes énergiques que le Code civil de 1804 posait en son
article 1395 le principe de l’immutabilité du régime matrimonial. Pendant longtemps donc, le
régime matrimonial, qu’il soit choisi par contrat de mariage ou qu’il s’applique de plein droit, était
immuable.
Cette immutabilité impliquait que les époux ne pouvaient en cours de mariage, changer de
régime matrimonial ni modifier certaines clauses du contrat de mariage. Une totale liberté de
changement de régime matrimonial présentait des dangers. Ces dangers pouvaient être liés à la
modification de la répartition des biens ou des pouvoirs des époux dans la gestion des biens. Or,
certains actes entre époux pouvaient avoir comme conséquence de modifier directement ou
indirectement certaines clauses du régime matrimonial. C’est au nom de cette immutabilité du
régime matrimonial que ces contrats, qui offraient justement les occasions de modifier
indirectement le régime matrimonial, étaient interdits entre époux. Il en était ainsi de la société qui
modifiait les pouvoirs des époux notamment à travers une atteinte à la puissance maritale (elle
instituait une égalité entre époux) et modifiant aussi la composition et la gestion des masses de
biens. De même, les ventes entre époux étaient suspectées de fraude dans la mesure où elles
offrent l’occasion de transférer des biens modifiant ainsi la composition des patrimoines par le
transfert qu’elle opère du bien notamment du patrimoine propre au patrimoine commun et donc
pouvant porter atteinte aux intérêts des créanciers ou des héritiers. Aujourd’hui, cette interdiction
est levée sous la réserve qu’il ne s’agisse pas d’une donation déguisée (prix extrêmement bas)
auquel cas cette vente encourt la nullité ainsi que la vente portant soit sur un bien commun que
l’un des époux entend acquérir avec des capitaux propres, soit sur un bien propre à l’un des époux,
que l’autre prétend acquérir pour le compte de la communauté53. Enfin, les donations entre époux
étaient prohibées. Or, par la modification du régime matrimonial, les époux pouvaient tourner
cette interdiction. En autorisant la donation entre époux, l’immutabilité est demeurée parce que la
donation est toujours valable alors que la mutabilité du régime aurait été irrévocable. En effet, il
53
G. MORIN, « Les ventes entre époux », in Mélanges André Breton et Ferdinand Derrida, Dalloz, 1991, p. 265.
faut compter sur une autre opportunité de modification du régime matrimonial. Or, dans ce sens, la
modification vise toujours à l’amélioration de la situation et non l’inverse.
B. La justification de l’immutabilité
L’institution de l’immutabilité du régime matrimonial était sous-tendue par trois types
d’arguments.
Le premier argument tient au fait que la convention matrimoniale ne relevait pas du seul
pouvoir des futurs époux mais était conçue comme un pacte de famille54 dans lequel intervenaient
non seulement les futurs époux mais aussi leurs parents qui devaient assurer la défense des intérêts
des différentes familles. Il devenait alors inconcevable d’admettre que les seuls époux, même de
leur commune volonté, puissent le modifier. Une liberté de modification risquait de mettre en péril
les intérêts des familles respectives. Lors de l’établissement de ces conventions matrimoniales, les
familles prenaient des assurances pour éviter les avantages indirects qui porteraient atteinte au
maintien des biens dans la famille (A. COLOMER, Droit civil, régimes matrimoniaux, 6e éd.,
Paris, Litec, 1994, p. 71). Il s’agissait donc d’empêcher que par d’éventuelles modifications du
régime matrimonial, les biens ne passent d’une famille à une autre. Mais cet argument ne peut
résister à l’évolution des mœurs.
Enfin, du troisième argument, il ressort que l’immutabilité avait été instituée dans l’intérêt
des tiers. Une mutabilité à souhait aurait pour conséquence de tromper ceux avec qui les époux
contractaient. En effet, les tiers pouvaient être victimes de fraude par des changements successifs
de régime matrimonial. Au gré des situations, un changement de régime matrimonial peut
intervenir uniquement pour faire échec à une saisie ou tout au moins soustraire certains biens de la
prétention des créanciers. Ce qui pose le problème de la sécurité des transactions. L’on peut
contracter avec un époux marié sous le régime de la communauté de biens et peu de temps après il
change de régime. Les pouvoirs du créancier peuvent s’en trouver fortement réduits. De même, le
changement de régime matrimonial peut entraîner la nullité de l’acte qu’un époux aurait conclu
sans pouvoir. Ce danger est aujourd’hui écarté en principe avec l’organisation de la publicité de
tout changement de régime matrimonial. Les tiers ont donc la possibilité de réagir au changement
qu’ils estimaient fait en fraude à leurs droits.
Aujourd’hui, l’immutabilité est expressément maintenue dans les deux premières années
du mariage. Par la suite, même si la possibilité est offerte de procéder à des modifications, voire
de changer de régime matrimonial, les époux ne peuvent toujours pas de leur seule initiative
procéder à une modification même de commun accord. L’intervention du juge demeure possible.
On peut alors dire que l’immutabilité est toujours de mise et qu’il n’y a qu’un simple
assouplissement puisque le régime matrimonial demeure conventionnellement immuable. Ou alors
qu’il y a une mutabilité judiciairement contrôlé.
54
V. A. Chapelle, Les pactes de famille en matière extrapatrimoniale, RTD civ. 1984, p. 411.
Mais la grande innovation depuis le Code des personnes et de la famille depuis 2012 est la
possibilité pour les époux dans certaines conditions de modifier ou de changer volontairement de
régime matrimonial.
1. La condition de délai
Le changement conventionnel de régime matrimonial n’est possible qu’après deux années
d’application du régime qui régit actuellement le statut patrimonial des époux. Il peut s’agir du
régime initial auquel cas le changement peut intervenir deux après la célébration du mariage. Au
cas où les époux ont déjà procédé à un changement, un nouveau changement ne peut intervenir
que deux années depuis l’expiration de trois mois après la publication non suivi d’opposition ou le
jugement d’homologation du dernier changement de la dernière modification (art. 353 CTPF).
C’est en effet à cette date que la modification produira ses effets entre les époux. Cette condition
incite à la réflexion et vise à éviter les modifications ou changements à la légère. Elle donne
l’occasion aux époux d’expérimenter leur régime afin de s’assurer de sa concordance ou non avec
leur conception. Ce temps minimum assure ainsi dans une certaine mesure la stabilité du régime
matrimonial. Ce qui est aussi de l’intérêt des tiers qui traitent avec les époux. Des changements
successifs ne seraient pas exempts de toute idée de fraude aux droits des créanciers des époux.
des créanciers, des enfants majeurs des époux, de toutes les personnes qui avaient été parties dans
le contrat modifié, des époux, ou lorsque l’un ou l’autre époux a des enfants mineurs.
En ce qui concerne la famille dont l’intérêt est en cause, il s’agirait d’abord de celle formée
par les époux et leurs enfants s’ils en ont eu. Bien entendu, lorsque le couple a des enfants, la
famille doit être entendue comme celle formée par les époux et leurs enfants communs. Mais on y
ajoute aussi les enfants légitimes d’un premier lit, les enfants naturels et même les enfants
adoptifs55.
A l’inverse, l’intérêt de la famille est une notion beaucoup plus incertaine parce que
forcément relative. C’est une notion fuyante, une notion-cadre dépourvue de contenu précis. Elle
invite en tout cas le juge à faire œuvre de créativité car il est continuellement invité à
l’interprétation.
La difficulté apparaît lorsque les intérêts des membres de la famille sont divergents. La
Cour de cassation française recommande la prudence lorsqu’elle affirme que « l’existence et la
légitimité de l’intérêt de la famille doivent faire l’objet d’une appréciation d’ensemble ; le seul fait
que l’un des membres de la famille risquerait de se trouver lésé n’interdisant pas nécessairement
le changement ou la modification envisagé » (Cass. civ., 6 janvier 1976, D. 1976, II, p. 253, note
A. PONSARD). L’intérêt de la famille peut donc se réduire à l’intérêt d’un seul membre de la
famille si les intérêts des autres membres ne sont pas sacrifiés.
55
J. FOYER et C. LABRUSSE-RIOU, Le régime matrimonial à l’épreuve du temps et des séparations conjugales,
Paris, Economica, 1986, p. 5 et s. ; R. THERY, L’intérêt de la famille, JCP 1972, I, 2485 ; R. NERSON, L’intérêt de
la famille au sens de l’article 1397 du code civil, RTC civ. 1976, p. 537.
la signature de la convention notariée est le point de départ des effets de la modification. Dans un
arrêt du 29 mai 2013, la Cour de cassation précise que « …le changement de régime matrimonial
ayant produit effet s’impose à chacun des époux, de sorte que, à défaut d’invoquer un vice du
consentement ou une fraude, aucun d’eux ne peut être admis à le contester sur le fondement de
l’article 1397 du code civil »56. Toutefois, lorsque l’homologation de l’acte devient nécessaire,
l’acte produit ses effets lorsque le jugement d’homologation est passé en force de chose jugée. Le
décès d’un époux avant l’homologation rendrait la procédure sans objet, le régime étant dissous
par décès.
56
Civ. 1ère, n° 509 du 29 mai 2013 (12-10.027).
DEUXIEME PARTIE
LE DROIT SPECIAL DES REGIMES MATRIMONIAUX
L’objet du droit spécial des régimes matrimoniaux est l’étude des règles applicables dans
le cadre de chaque type de régime matrimonial. L’article 360 CTPF nous enseigne que « La loi
organise les régimes matrimoniaux suivants : la séparation de biens ; la communauté de biens ; la
participation aux acquêts ». Mis à part le régime primaire, ces trois régimes se singularisent par
des règles qui leur sont propres. Les articles 362 à 366 CTPF sont consacrés exclusivement au
régime de séparation des biens. Les articles 367 à 395 CTPF à la communauté des biens. Enfin, le
régime de participation aux meubles et acquêts repose sur les articles 396 à 402 CTPF. Plus haut,
l’article 348 CTPF affirme que « Les époux peuvent déclarer, de manière générale, qu’ils
entendent se marier sous l’un des régimes prévus au présent code. A défaut de stipulations
spéciales qui y dérogent ou le modifient, le régime de la séparation des biens constitue le droit
commun ». Cette disposition fait du régime de séparation des biens, le régime de droit commun.
Le régime de communauté des biens et le régime de participation aux meubles et acquêts sont des
régimes supplétifs. Ces régimes sont classables en deux catégories : les régimes séparatistes et les
régimes communautaires.
TITRE I
LES RÉGIMES SÉPARATISTES
L’idée qu’à une communauté de vie ne doit pas nécessairement répondre une communauté
de biens est aussi ancienne que celle de régime matrimonial. En France, a existé avant même le
Code civil le premier régime séparatiste qui est le régime dotal. Ce régime fut reconduit par le
Code civil de 1804 et constituaient avec le régime sans communauté des régimes séparatistes. Ils
furent supprimés par la loi du 13 juillet 1965 qui consacra le régime de la séparation pure et
simple des biens. Cette même loi a accueilli le régime de participation aux acquêts.
Au Togo, l’ordonnance du 31 janvier 1980 portant Code des personnes et de la famille
prévoyait en son article 348 l’organisation de trois régimes matrimoniaux dont deux sont
séparatistes : le régime de séparation des biens et le régime communautaire de participation aux
meubles et acquêts. Les mêmes régimes séparatistes ont été reconduits par la loi du 31 janvier
2012 portant Code des personnes et de la famille. Le régime communautaire de participation aux
meubles et acquêts a un caractère séparatiste, car il fait application des règles du régime de la
séparation des biens aux biens des époux pendant tout le temps précédant sa dissolution. Son
aspect communautaire ne prend le relai qu’à sa dissolution. En France, l’appellation de « régime »
tout court est plus appropriée puisqu’elle n’intègre pas le terme « communautaire » ainsi que
« meubles ». Il s’agit du régime de participation aux acquêts.
Ce titre sera donc consacré aux régimes séparatistes que sont le régime de séparation des
biens qui est le régime légal au Togo (chapitre 1) et le régime de participation aux meubles et
acquêts (chapitre 2).
CHAPITRE I
LE REGIME LEGAL AU TOGO : LA SEPARATION DES BIENS
Notion de régime légal. C’est encore le régime de droit commun. Le régime légal est un
régime supplétif de la volonté des époux en qu’il est celui qui s’applique lorsque ceux-ci n’ont pas
établi de contrat de mariage. De ce point de point, il s’oppose au régime impératif ou primaire qui
s’impose à tous les couples mariés. Depuis l’ordonnance du 31 janvier 1980 portant en République
togolaise code des personnes et de la famille, la séparation des biens fait figure de régime légal ou
de droit commun. En revanche, le régime légal ou de droit commun en France est la communauté
réduite aux acquêts qui a pris la place de la communauté de meubles et acquêts depuis la réforme
du 13 juillet 1965. Il distinguer le régime de droit commun du droit commun des régimes
matrimoniaux. Tandis que le choix du régime légal ou de droit commun est facultatif pour les
époux, le droit commun des régimes matrimoniaux leur est imposé. Un couple peut se marier sans
opter pour le régime légal mais ils ne peuvent échapper au régime de droit commun. Le droit
commun des régimes matrimoniaux s’applique même dans les couples qui ont opté pour un
régime autre celui de droit commun.
57
R. Savatier, La séparation de biens en droit français, Dalloz-Defrénois, 1973.
quant à son contenu, un véritable régime matrimonial, mais plutôt une absence de régime
matrimonial. Car un régime matrimonial a pour but, d'abord, de régler les pouvoirs de chaque
époux dans la gestion des biens du ménage, ensuite, de déterminer comment seront prélevées, sur
les ressources des deux époux, les dépenses de ce ménage ; enfin, de préciser l'attribution des
économies, quand ce ménage prendra fin. Or la séparation de biens, telle qu'elle est comprise,
entre époux juridiquement et pareillement capables, applique ce postulat que le mariage laisse
indépendantes l'une et l'autre les deux fortunes du mari et de la femme, le mariage des personnes
n'entraînant pas le mariage des biens »58. Il est toutefois difficile d'approuver pleinement ces
propositions. Qu'est-ce qu'un « régime matrimonial », sinon un faisceau de règles, d'origine soit
légale soit conventionnelle, qui s'efforcent de répondre à toutes les interrogations qu'au plan
patrimonial le mariage de deux personnes suscite, qu'il s'agisse de la propriété des biens apportés
en mariage ou acquis en cours d'union, de leur gestion, ou enfin de la liquidation des intérêts
pécuniaires des époux à la dissolution du mariage59. Or, laisser aux époux la propriété exclusive de
leurs biens tant présents que futurs et reconnaître une indépendance de gestion, c'est une certaine
manière de répondre à ces questions. De même, depuis 1985, l'évaluation des créances entre époux
séparés de biens déroge au droit commun. C'est pourquoi, tout séparatiste qu'il soit, le régime de la
séparation de biens n'en est pas moins un régime matrimonial60. Si les règles de base sont simples
et rejoignent, en effet, le droit commun des biens et des obligations, une multitude de particularités
d’importance variable différencient nettement la situation des époux séparés de biens de celle de
personnes vivant ensemble sans être unies par les liens du mariage.
A. L’Actif
L’actif du patrimoine d’un époux est séparé de celui de l’autre. Les biens appartiennent
soit à l’un ou à l’autre époux. C’est le principe de la propriété exclusive des biens (1). Mais il n’est
pas exclu que certains biens relève de l’indivision entre les époux (2).
du régime primaire impératif, les époux séparés de biens sont donc bien l'un par rapport à l'autre
dans la position de personnes étrangères.
Contrairement au droit commun, l’article 364 CTPF prévoit que, tant à l’égard de son
conjoint que des tiers, un époux peut prouver qu’il a la propriété d’un bien par tous moyens, sous
réserve des dispositions spéciales aux immeubles immatriculés. Le renversement de la charge la
preuve sur le tiers qui invoquait la propriété d’un époux sur un bien n’est pas d’office.
Mais il est possible, puisque la preuve contraire à ces présomptions se fait par tous moyens
propres à établir que les biens n’appartiennent pas au conjoint que la loi désigne. Il peut être
également prouvé que le bien a été acquis par une libéralité du conjoint survivant suivant les
règles propres aux donations entre époux.
61
Civ. 1re, 28 févr. 1984, Bull. civ. I, no 76.
62
Civ. 1re, 29 janv. 1974, D. 1974. 345.
pourraient faire l'objet que d'une demande en partage par voie oblique, conformément à
l'article 815-17. Les présomptions conventionnelles d'indivision ont cependant un intérêt limité,
en raison de l'existence de présomptions légales.
63
Civ. 1re, 1er oct. 1985, Bull. civ. I, no 238.
64
CATALA, L'indivision entre époux, in Mélanges Hébraud, 1981, p. 185 s. - NUYTTEN, L'achat d'un immeuble
par des époux séparés de biens, JCP N 1988. I. 81.
leur appartient en copropriété. Ainsi aux termes de l'acte de vente un terrain avait été acquis
indivisément chacun pour moitié par Monsieur et Madame ; cette dernière, propriétaire pour
moitié du terrain, devait donc être présumée propriétaire pour moitié de l'immeuble qui y avait
été édifié, les modalités de financement de la construction de cet immeuble n'étant pas, à elles
seules, de nature à établir la preuve contraire65.
Motivations des époux. Les motifs pouvant inciter un époux acquéreur d'un bien en
indivision à financer en totalité ou en partie la quote-part de son conjoint sont multiples : ce
peut être un moyen de favoriser un conjoint démuni de ressources, mais qui se consacre à
l'entretien du foyer et à l'éducation des enfants ; ce peut être aussi un moyen d'avantager son
conjoint au détriment des droits des enfants d'un premier lit ou, si le solvens est commerçant, le
moyen de diminuer l'étendue de son patrimoine, en accroissant l'importance du patrimoine de
l'autre époux.
Insertion d'une clause de tontine. L'acquisition peut aussi être assortie d'une clause de
tontine, auquel cas l'époux survivant est censé avoir toujours été seul propriétaire, ce qui exclut
toute indivision, et conséquemment partage66. Pour éviter que cette opération soit considérée
comme un pacte sur succession future67, chacun des époux acquiert la moitié du bien en
indivision avec son conjoint, sous condition résolutoire de son prédécès, et acquiert l'autre
moitié indivise sous condition suspensive de sa survie (HENRY, Une pratique critiquable : la
clause d'accroissement en fraude du régime matrimonial, JCP N 1987. I. 415. - ABRY,
Tontine et mariage, JCP N 1992. Prat. 2185, p. 169. - DELMAS-SAINT-HILAIRE, Variations
sur le pacte tontinier, Dr. et patr. n° 56, janv. 1998. 52). Cette opération ne consiste pas non
plus en une libéralité indirecte ou déguisée, dès lors qu'elle présente un caractère aléatoire du
fait des chances équivalentes pour chacun des époux d'en profiter (Cass., ch. mixte, 27 nov.
1970, JCP 1971. II. 16823, note Blin ; Defrénois 1971, art. 29786, note Morin ; D. 1971. 81,
concl. Lindon.).
Impact sur la séparation de biens. Les achats en indivision sont devenus un
« satellite » de la communauté de vie. Pour les époux séparés de biens, cette opposition
traditionnelle entre régimes communautaires et séparatistes a laissé la place à une « paradoxale
convergence ». Il est fréquent, en effet, que les conjoints séparés de biens procèdent à des
acquisitions conjointes au cours de leur union. L'indivision conventionnelle qui en résulte
établit ainsi une zone d'intérêts communs entre les coacquéreurs, comme si le mari et la femme,
ayant pris conscience de la solidité de leur relation, édifient progressivement la communauté
dont ils n'avaient pas voulu à l'origine68. Ainsi les époux séparés de biens qui auraient la
nostalgie du régime de communauté ont la possibilité, par le truchement d'achats en commun,
d'édifier un « îlot communautaire »69 au sein de leur régime séparatiste.
B. Le passif
Selon l’article 363 al. 2 CTPF, « Chaque époux reste seul tenu de dettes nées en sa
personne, avant ou pendant le mariage, hors le cas prévu par l’article 106 ». Comme précisé, la
séparation de biens fait qu’il n’existe pas en principe de masse commune affectée à la satisfaction
des besoins du ménage. Ce principe connaît des tempéraments.
65
Civ. 1re, 14 nov. 2007, n° 06-18.395.
66
Civ. 1re, 27 mai 1986, Defrénois 1987, art. 33888, note Morin.
67
Req. 24 janv. 1928, DP 1928. 1. 157, rapp. Célice ; S. 1929. 1. 137, note Vialleton.
68
en ce sens R. SAVATIER, Propriété des acquêts réalisés par des époux séparés de biens, D 1979. Chron. 189 s. -
MAURY, Le principe participatif en régime matrimonial séparatiste, in Mélanges Colomer préc., p. 243 s.
69
CORNU, op. cit., p. 732.
sur ces biens, conserve une totale maîtrise, qu'il s'agisse de les administrer, d'en jouir, ou
encore d'en disposer. Le principe de la corrélation de l'actif et du passif, tout comme le lien
rationnel qui unit pouvoir de gérer et pouvoir d'obliger, se conjuguent pour cloisonner les
passifs respectifs des conjoints. D'où l'alinéa 2 de l'article 363 : « Chacun d'eux reste seul tenu
des dettes nées en sa personne, avant ou pendant le mariage, hors le cas de l'article 106 ».
Ainsi, mises à part celles qui sont ménagères, les dettes d'un époux séparé de biens lui restent
personnelles, qu'elles soient antérieures (principe de corrélation entre actif et passif) ou
postérieures (principe de corrélation entre actif et passif, lien entre pouvoir d'administrer et
pouvoir d'obliger), et quelles qu'en puissent être la source et la finalité70.
Mandat entre époux. S'il est établi que l'époux ayant contracté avec des tiers est
intervenu en qualité de mandataire de son conjoint, c'est ce dernier qui répond seul des
obligations ainsi constituées. La preuve de ce mandat doit être rapportée par le tiers
cocontractant ou par l'auteur de l'acte. L'époux qui exploite en qualité de mandataire exprès ou
tacite un fonds de commerce appartenant à son conjoint séparé de biens n'a pas la qualité de
commerçant et n'est pas personnellement engagé par les actes accomplis. Mais cet époux peut
aussi gérer en son nom propre l'entreprise dont son conjoint est propriétaire : en ce cas, il n'y a
pas de mandat et l'exploitant acquiert la qualité de commerçant personnellement lié par les
actes passés.
Créances et dettes entre époux. Un époux peut consentir un prêt à l'autre ; il leur est
également loisible de créer entre eux une société et par là même s'obliger l'un envers l'autre à
des apports71. Certes, rien n'interdit à l'époux débiteur d'obtenir une avance de son conjoint,
mais cette avance engendrera une créance personnelle de celui-ci contre celui-là, et cette
créance tombera sous le coup du droit commun des obligations.
Contribution à la dette. En l'absence de masse commune dans laquelle les époux
pourraient puiser pour éponger le passif de l'un d'eux, il n'y a pas lieu, en régime de séparation
de biens, de dissocier le point de vue de la contribution à la dette de celui de l'obligation. Le
créancier n'a d'action que contre son débiteur qui assume définitivement la dette qu'il a due
supporter. C'est la raison pour laquelle doit être cassé l'arrêt de la cour d'appel qui, pour
condamner une femme séparée de biens au règlement de la moitié du prix de travaux effectués
dans une maison conjugale indivise entre les conjoints, se contente d'énoncer que les premiers
juges avaient à bon droit décidé que la femme était tenue pour moitié du prix de travaux dont
elle avait bénéficié, sans répondre aux conclusions de la femme, qui prétendait que le mari
avait seul commandé ces travaux et n'avait pas agi comme mandataire ou pour son compte à
elle72.
a. La solidarité légale
Solidarité ménagère. La solidarité entre époux séparés de biens peut être imposée par
la loi. Ainsi l'article 99 CTPF, applicable sous tous les régimes matrimoniaux, précise que les
dettes contractées par l'un des époux pour l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants,
obligent l'autre solidairement. Toutefois, la solidarité n'a pas lieu pour des dépenses
70
R. SAVATIER, L'action des créanciers pour dettes de ménage contre les époux séparés de biens, DH 1935.
Chron. 25.
71
COLOMER, Les régimes matrimoniaux et le droit commercial, t. 2, Les sociétés et les régimes matrimoniaux,
1984, Defrénois.
72
Com. 8 mars 1982, JCP 1982. IV. 185.
b. La solidarité conventionnelle
Les opérations de crédit. En dehors de ces cas de solidarité légale, rien n'interdit aux
époux de contracter des dettes solidaires. D'ailleurs il n'est pas rare qu'un établissement bancaire
leur demande de souscrire de tels engagements ou bien qu'il exige que le conjoint se porte caution
de l'époux débiteur74. Un tel cautionnement est valable, même si la garantie couvre des dettes
professionnelles de l'époux qui en bénéficie, y compris celles qui seraient la conséquence
d'agissements frauduleux75.
Sociétés créées de fait entre époux. Une obligation solidaire peut résulter de
l'appartenance des époux à une société régulièrement constituée dans laquelle les associés sont
solidairement tenus des dettes sociales. L'exploitation en commun peut même aboutir à la création
d'une société créée de fait entraînant une procédure collective commune76. La conséquence de
l'existence d'une société créée de fait entre époux est claire : ceux-ci doivent être considérés
comme associés en nom et, dès lors, répondre indéfiniment et solidairement du passif social.
A. La gestion personnelle
Selon l’article 363 al. 1er CTPF, « chacun des époux conserve dans le régime de séparation
de biens, l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels ». La
gestion des biens en régime de la séparation des biens obéit à un principe bien connu, celui de
l'indépendance. Cette plénitude des pouvoirs de chaque époux achoppe à nouveau à la
communauté de vie. Aussi, n'est-il pas surprenant de constater que, le mariage durant, le principe
de la gestion indépendante par chaque époux de ses biens personnels est parfois écarté au profit
d'autres modes de gestion découlant notamment de l'existence de biens indivis. En tout état de
cause, l'indépendance résultant de la séparation de biens trouve ses limites dans les règles
impératives du régime primaire.
73
Civ. 1re, 7 mai 1969, Bull. civ. I, no 170 ; D. 1969. 489, note Dedieu. - Civ. 3e, 10 oct. 1979, Rev. loyers 1980. 243,
obs. Viatte.
74
Com. 1er févr. 2011, no 09-70.162, Rev. sociétés 2012. 44, obs. Rianetto, pour un époux associé se portant caution.
75
Civ. 1re, 8 oct. 1996, JCP 1996. IV. 2300.
76
MAUBRU, Les sociétés créées de fait entre époux, in Mélanges Derruppé, 1991, coéd. Litec-Joly, p. 275.
77
Cass. 1re civ., 21 oct. 1997, n° 95-21.878 : JurisData n° 1997-004183.
78
Par ex., Civ. 3e, 27 mars 2002, JCP 2003, I, 111, n° 20, obs. M. Sttorck.
en application des articles 1469 al. 3, 1479 al. 2 et 1543, de sorte que qu’il n’y a pas lieu
d’appliquer l’article 555 al. 2 et 3 pour fixer le montant de l’indemnité due au conjoint
constructeur »79. L’article 1543 C. civ.80 n’est pas non plus applicable car il ne s’agit pas de
sommes personnelles à un époux où il peut recevoir application mais des sommes indivises.
Peuvent être applicables à cette situation les règles de l’indivision ou les règles de
l’enrichissement sans cause81.
En cas de divorce, les mêmes règles s'appliquent, mais le texte précise que "l'attribution
préférentielle n'est jamais de droit"(C. civ., art. 1542, al. 2). Il peut être décidé que la soulte
éventuelle sera payable comptant (C. civ., art. 1542, al. 2).
79
Civ. 1ère, 25 avr. 2005, D. 2006, pan. 2366, obs. B. Mallet-Bricout.
80
L’article 1543 du code civil, issu de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985, dispose que « les règles de l’article
1479 sont applicables aux créances que l’un des époux peut avoir à exercer contre l’autre ».
81
S. Becqué-Ickowicz, La construction sur le terrain d’un époux séparé de biens financée par des sommes indivises,
Réflexion sur la dette de valeur, RTD civ. 2008, n° 14 et s., p. 594 et s.
CHAPITRE II
LE RÉGIME DE PARTICIPATION AUX MEUBLES ET ACQUÊTS
82
A. FRÉJAVILLE, Les répercussions de la capacité de la femme sur le régime de la séparation de biens [ou dotal]
avec société d'acquêts, JCP 1944, I, 397.
83
DÖLLE, L'évolution récente du régime matrimonial légal dans les législations contemporaines, Allemagne, RID
comp. 1965. 607 ; BEITZKE, La loi allemande sur l'égalité de l'homme et de la femme, RID comp. 1958. 39 ; C.
LABRUSSE-RIOU, L'égalité des époux en droit allemand, thèse, Paris, 1965, nos 198 et s. ; J. RIEG, La
participation aux acquêts en Allemagne et en France, Mélanges Marty, 1978, Université des sciences sociales de
Toulouse, p. 921 et s.
silence les actes de disposition. Ainsi, un époux ne peut disposer des biens de son conjoint. Il
dispose seulement du pouvoir légal de procéder à leur administration.
Cette administration des biens d’un époux par son conjoint peut être opportune lorsque
l’un des époux est hors d’état de manifester sa volonté. Lorsque l’époux administrateur entendra
disposer des biens personnels de son conjoint, il lui appartient de s’habiliter par le juge en
application de l’article 105 al. 1er CTPF.
Mais, il est étonnant que l’alinéa 3 de l’article 397 CTPF fait recours à la notion
d’opposabilité alors que son alinéa 1er évoque l’idée de mandat. Les actes d’administration de
l’époux diligent devaient plutôt engager l’époux défaillant ou qui laisse faire. Car l’époux
défaillant n’est pas un tiers à l’acte accompli. Il est considéré comme ayant accompli l’acte lui-
même. Pour certains actes en revanche, la loi exige l’unanimité.
84
La séparation judiciaire des biens pendant le régime de participation aux meubles et acquêts est envisagée par
l’article 402 CTPF. Aux termes de cet article « Si le désordre des affaires d’un époux, sa mauvaise administration ou
son inconduite donne lieu de craindre que la continuation du régime communautaire de participation ne compromette
les intérêts du conjoint, celui-ci pourra poursuivre la séparation de biens en justice. Mention du jugement de
séparation sera portée en marge de l’acte de naissance et de l’acte de mariage à la diligence de I’ époux poursuivant.
Les créanciers de chacun des époux peuvent intervenir ou former tierce opposition. Le jugement qui prononce la
séparation des biens remonte quant à ses effets entre les époux, au jour de la demande. La séparation de biens
judiciaire entraîne liquidation des intérêts des époux suivant les dispositions des articles 400 et 401 et place les
conjoints sous le régime du droit commun de la séparation de biens ».
85
Art. 401 CTPF.
86
R. CONTIN, Les règlements en nature dans les partages matrimoniaux, RTD civ. 1977. 435, spéc. p. 455 et s.
87
CA Agen, 3 mars 1988, JCP 1989. II. 21308, note Simler et, sur pourvoi, Civ. 1re, 14 mai 1996, no 94-11.338, Bull.
civ. I, no 209, RTD civ. 1997. 213, no 7, obs. Vareille, Defrénois 1996. 1086, obs. Champenois ; CA Amiens, 8 déc.
1993, JCP 1995. I. 3821, no 24, obs. Storck.
TITRE II
LES RÉGIMES COMMUNAUTAIRES
Les régimes communautaires sont pluriels. Nous pouvons relever l’existence du régime de
communauté réduite aux acquêts, le régime de communauté de meubles et acquêts, le régime de
communauté universelle et le régime de communauté purement conventionnelle. A l’adoption du
Code civil en 1804, le régime de droit commun était le régime de communauté de meubles et
acquêts. Ce régime a été le régime de droit commun au Togo jusqu’à l’ordonnance de 1980
portant code des personnes et de la famille. Cette ordonnance a changé le régime de droit commun
par le régime de séparation des biens. En France, le régime de communauté de meubles et acquêts
a cédé sa place de régime de droit commun au régime de communauté réduite aux acquêts à
l’issue de la réforme apportée par la loi du 13 juillet 1965.
CHAPITRE I
LE RÉGIME DE COMMUNAUTE REGI PAR LE CTPF : LA COMMUNAUTE
RÉDUITE AUX ACQUÊTS
Le régime de communauté réduite aux acquêts est le régime de droit commun en France en
application de l’article 1400 du Code civil. Au Togo, il n’est pas le régime de droit commun mais
forment avec le régime de participation aux meubles et acquêts les régimes optionnels.
Nature juridique du régime de communauté réduite aux acquêts. C’est un débat très
ancien que celui relatif à la nature juridique de la communauté des biens entre époux. L’enjeu s’est
cependant déplacé.
Arguant des pouvoirs très nettement prépondérants du mari et de précédents historiques,
certains auteurs avaient, au siècle dernier, soutenu la thèse que les biens communs étaient, pendant
la durée du régime, la propriété du mari. De cette thèse, mentionnée pour mémoire seulement, tant
elle paraît aujourd’hui anachronique, on a pourtant pu relever certaines séquelles jusqu’à une
époque récente88.
Une autre thèse ancienne, puisqu’elle plonge dans l’œuvre de Pothier, mais qui a conservé
d’ardents défenseurs, après comme avant la loi du 13 juillet 1965, soutient que la communauté des
biens entre époux répond aux caractères d’une société civile et qu’elle est dotée de la personnalité
morale89. Cette thèse séduisante n’a emporté la conviction ni de la jurisprudence, ni de la majorité
des auteurs. La communauté ne présente qu’une lointaine ressemblance avec le concept de société.
Le groupement formé par les époux ne peut être considéré comme essentiellement constitué « en
vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter » (art. 1832 C. civ.
ou art. 4 de l’AUSCGIE). il n’existe aucun passif strictement commun : toute dette est
nécessairement aussi du point de vue de poursuite du créancier, celle d’un époux, obligeants ses
biens propre. A aucun moment, la personnalité morale n’est reconnu à la communauté même si
entre temps, le pouvoir de sa gestion relevant jusqu’à un certain temps de la prérogative du mari.
Dans un arrêt du 18 avril 1860, la Cour de cassation affirmait déjà que « … en ce qui concerne les
tiers, la loi ne reconnaît pas, dans la communauté, cette personne civile se séparant des conjoints
par mariage entre lesquels elle est formée »90.
Pour toutes ces raisons, la doctrine dominante écarte la thèse de la personnalité morale la
communauté de biens entre époux est une variété particulière d’indivision ou de copropriété qui
n’obéit ni au régime de l’indivision ou de copropriété. Dès lors que l'on admet qu'il existe
plusieurs statuts de l'indivision, il devient possible d'opérer la distinction entre la période de
communauté et la période post-communautaire et d'affirmer que deux formes d'indivision se
succèdent dans le temps.
Après cette identification de la nature de ce régime, il convient d’aborder son existence
(section 1) et sa dissolution (section 2).
§ 1. Composition de la communauté
La communauté est active et passive dans sa composition.
88
Cf. Ponsard sur Aubry et Rau, n° 128 et 16 ; Malaurie et Aynes, n° 32.
89
V. spécialement J. Carbonnier, Le régime matrimonial, sa nature juridique sous le rapport des notions de société et
d’association, thèse Bordeaux 1932 ; G. Blanc, De l’idée d’association comme fondement du pouvoir des époux
communs en biens, RTD civ. 1988, p. 31.
90
Civ. 18 avril 1860, GAJC 12e éd. 2007, n° 91, p. 541.
A. Actif de la communauté
1. Acquêts
Composition de l'actif : les acquêts. Le CTPF présente ainsi l'actif de la communauté : en
son article 369, « Sont communs les salaires et revenus des époux et tous les biens acquis par eux
à titre onéreux pendant le mariage. Sont de même communs les biens donnés ou légués
conjointement aux époux ». Le système est complété par un mécanisme de présomption prévu par
l’article 370 CTPF qui dispose que « Tout bien est présumé commun si l’un des époux ne justifie
pas en avoir la propriété exclusive ».
a. Notion d'acquêt
Diversité des acquêts : industrie personnelle et revenus des biens propres. Il résulte
des textes que la notion d'acquêt est plus large que celle d'acquisition. La catégorie des acquêts
comprend toutes les acquisitions à titre onéreux réalisées pendant le mariage par les époux
ensemble, ou par l'un d'entre eux. Cela peut être grâce à leur "industrie personnelle". Mais la
notion d'acquêt va au-delà quand l'acquisition par les époux est permise par les biens propres,
précisément grâce aux économies réalisées sur les fruits et revenus des biens propres.
Industrie personnelle des époux : diversité des situations. La solution est simple pour
les classiques salaires ou traitements, qui constituent nécessairement des acquêts. Mais la
catégorie de l'industrie personnelle" est large. Elle inclut les créances de rémunération : gains
résultant de l'exercice d'une profession libérale ou d'un office ministériel, d'un fonds de commerce,
d'une activité artisanale ou agricole. Il en va de même pour les parts sociales correspondant à un
apport en industrie et qui sont représentatives d'une activité professionnelle. Mais dans un arrêt du
29 février 1984, la Cour de cassation a refusé d’invalider des libéralités faites par un époux à sa
concubine avec les gains et salaires sous prétexte qu’il n’a pas été allégués devant les juges du
fond que les sommes provenant des gains et salaires avaient été économisées91. Cette décision est
surprenante. La transformation réelle des gains et salaires en acquêts passe leur constitution en
économie ou par l’acquisition d’autres biens au moyen d’eux.
L'acception retenue par la jurisprudence récente conduit à retenir d'autres formes de
l'industrie des époux. On peut ainsi citer l'exemple des arrérages perçus au titre des pensions
militaires, constituant des substituts de salaires communs aux deux époux92.
Si toutes les créances de rémunération sont clairement des acquêts, la question est plus
ouverte pour les créances de substitution. Certaines indemnités sont indiscutablement des biens
communs. Ainsi en est-il de l'indemnité de licenciement par exemple93.
Industrie personnelle : clientèles civiles. Si la qualification d'acquêt est certaine pour un
fonds de commerce créé pendant le mariage, ou encore pour une entreprise artisanale, la question
de la clientèle civile créée dans l'exercice de certaines professions civiles pendant le régime est
plus délicate. La jurisprudence rendue avant la loi de 1965 opposait le "titre" et la "finance". La
valeur pécuniaire de l'engagement du membre d'une profession libérale de présenter son
successeur (et à ne pas se réinstaller) était un acquêt. Après la loi de 1965, la question a été
débattue en doctrine. L'évolution de la jurisprudence sur les clientèles civiles conduit à penser que
la contrepartie pécuniaire en cas de présentation (cession) de clientèle est un bien commun. Cela
vaut par exemple pour une clientèle de chirurgien-dentiste94.
91
Civ. 1ère, 29 févr. 1984, D. 1984, note Martin ; GAJC, 12e éd., 2007, n° 89, p. 527 s.
92
Cass. 1re civ., 8 juill. 2009, n° 08-16.364 : JurisData n° 2009-049071.
93
CA Paris, pôle 3, 3e ch., 5 janv. 2012, n° 10/08393 : JurisData n° 2012-000056.
94
CA Douai, 1re ch., sect. 1, 7 févr. 2011, n° 07/4670 : JurisData n° 2011-002420) ou pour un cabinet médical (Cass.
1re civ., 2 mai 2001, n° 99-11.336 : JurisData n° 2001-009340. - CA Paris, 2e ch., sect. B, 24 janv. 2008, n° 06/20764
: JurisData n° 2008-355345.
95
Cass. 1re civ., 12 déc. 2006, n° 04-20.663 : JurisData n° 2006-036436.
96
Civ. 1ère, 20 févr. 2007, D. 2007, p. 1578, note M. Nocod et Pan. 2126, obs. J. Revel.
97
G. MORIN, « Qui, de la communauté ou des époux, doit supporter les charges usufructuaires des biens propres ? »,
in Mélanges Colomer, Litec, 1993, p. 259 ; PH ; SIMLER, « Faut-il parler de résurgence de l’usufruit de la
communauté sur les biens propres des époux ? », in Mélanges Danielle Huet-Weiller, LGDJ, 1994, p. 427.
98
Civ. 1re, 31 mars 1992, Bull. civ. I, n° 96 ; JCP 1993, éd. G, II, 22003, note J.-F. Pillebout, et 22041, note A.
Tisserand.
b. Présomption d'acquêt
Présomption d'acquêt ou présomption de communauté. Selon l’article 370 CTPF,
« Tout bien est présumé commun si l’un des époux ne justifie pas en avoir la propriété exclusive ».
Ce principe de la présomption d'acquêt est essentiel dans le fonctionnement du régime
matrimonial. Il constitue une règle de preuve et non une règle de fond. La présomption fonctionne
dans les rapports entre époux. Elle permet d'indiquer plus exactement que la communauté inclut à
la fois les acquêts proprement dits et les revenus des époux.
Dans les rapports avec les tiers, la présomption de communauté permet aux créanciers de
poursuivre n'importe quel bien réputé commun. Pour poursuivre un époux sur ses biens propres,
ses créanciers personnels doivent inverser la présomption d'acquêts.
Entre les époux, la présomption joue un rôle déterminant au moment de sa liquidation. À la
dissolution du mariage, on présume que le bien en possession d'un époux est un bien à partager.
La communauté comprend tout bien dont aucun des deux époux n'a réussi à démontrer le caractère
propre.
En conséquence, l'époux qui vend un bien propre et désire garder cette qualification au
bien qu'il acquiert doit respecter la procédure du remploi. Le remploi est soumis au respect d'une
condition de forme, celle de la double déclaration dans l'acte. Aux termes de l’article 1434 du
Code civil, « L'emploi ou le remploi est censé fait à l'égard d'un époux toutes les fois que, lors
d'une acquisition, il a déclaré qu'elle était faite de deniers propres ou provenus de l'aliénation
d'un propre, et pour lui tenir lieu d'emploi ou de remploi. A défaut de cette déclaration dans
l'acte, l'emploi ou le remploi n'a lieu que par l'accord des époux, et il ne produit ses effets que
dans leurs rapports réciproques ». Dans un arrêt du 08 octobre 2014, la Cour de cassation a relevé
que « …dans les rapports entre les époux, la valeur des parts d’une société civile présente un
caractère commun en cas d’acquisition au moyen de fonds communs ou un caractère propre en
cas d’acquisition à l’aide de fonds propres en présence d’un accord des époux ou d’une
déclaration d’emploi ou de remploi »99.
Pour ce qui est de la force de la présomption, il y a dispense de preuve contraire quand les
biens portent en eux-mêmes trace de leur origine ou encore portent une indication matérielle de
l'origine de bien propre. Sinon, la preuve peut être faite du caractère propre et les moyens de
preuve sont largement admis.
En droit français, d’autres modes de preuves sont envisagés. Le Code civil dispose en
son 1402 al. 2 que « le juge pourra prendre en considération tous écrits, notamment titres de
famille, registres et papiers domestiques, ainsi que documents de banque et factures. Il pourra
même admettre la preuve par témoignage ou présomption, s'il constate qu'un époux a été dans
l'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit ».
2. Biens propres
Notion de biens propres. Le principe est simple. La qualification détermine le statut du
bien : De plus, l’article 375 CTPF précise que « Chaque époux conserve la pleine propriété de ses
biens propres. Il en a l’administration et la jouissance ».
Biens propres par nature. On peut se référer au Code civil français pour intégrer les biens
suivants : "Forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le
mariage, les vêtements et linges à usage personnel de l'un des époux, les actions en réparation
d'un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous
les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la
personne"(C. civ., art. 1404, al. 1). Ce Code précise que certains biens sont propres, tout en
pouvant donner lieu à récompense : "Forment aussi des propres par leur nature, mais sauf
99
Civ. 1ère, Arrêt n° 1133 du 8 octobre 2014 (13-21.879).
récompense s'il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de l'un des époux, à
moins qu'ils ne soient l'accessoire d'un fonds de commerce ou d'une exploitation faisant partie de
la communauté"(C. civ., art. 1404, al. 2).
L’énumération des textes et l’extension qu’ils prévoient, exprime le lien affectif entre le
bien visé et l’époux d’une part et l’utilité professionnelle du bien d’autre part. Ainsi, des vêtement
et linges, des diplômes ou distinctions honorifiques, de la correspondance, ou encore de l’œuvre
d’art non encore achevé ou (ou) non divulguée.
A cela peut être ajouté les bijoux de famille qui ont un caractère personnel. Dans un arrêt
du 23 mars 1983, la Cour de cassation a admis la restitution de bijoux de famille par l’épouse à
son époux après la dissolution de leur mariage dans lequel ils avaient adopté le régime de
communauté réduite aux acquêts100. Pour elle, ces bijoux de famille n’avaient fait l’objet que d’un
prêt à usage.
Les créances de réparation d’un dommage corporel ou moral, ainsi que les actions en
justice qui permettent de faire valoir le droit, auxquelles la jurisprudence assimile l’indemnité
d’assurance souscrite pour garantir l’invalidité d’un époux101, sont propres par nature en raison du
lien qui rattache ces droits à l’époux victime d’une atteinte à sa personne ; c’est ce qui explique
l’exclusion du texte des indemnité réparatrices d’un préjudice matériel qui ont la même nature que
le bien auquel elles se substituent.
Sont aussi visés les créances et pensions incessibles sous la bannière desquelles on range
indifféremment les pensions alimentaires, les pensions d’invalidité, les rentes viagères constituées
à titre personnel sur la tête d’un époux, étant entendu que seul le droit est propre, les deniers, objet
de la créance, étant communs. La distinction entre le droit et l’objet du droit présente un intérêt
surtout à la dissolution, en permettant au titulaire d’en obtenir l’attribution ; elle se justifie lorsque
la créance est un substitut de salaire ou un revenu de propre102.
Sont en définitive visés les biens meubles corporels à usage personnel ou professionnel ;
les droits de créance à caractère personnel (réparation d'un préjudice corporel ou moral, créance
ou pension incessible, rente viagère), certains droits à caractère personnel (droit au bail, titre
d'exercice de la profession pour les clientèles civiles), les droits sociaux non négociables.
On retrouve aussi le Code de la propriété intellectuelle. Tout ce qui a trait au droit moral de
l'auteur reste propre. Reste un propre de l'époux auteur "le droit de divulguer l'œuvre, de fixer les
conditions de son exploitation et d'en défendre l'intégrité"(CPI, art. L. 121-9, al. 1) ; il ne peut être
dérogé à cette règle.
Biens propres par origine. Selon l’article 368 CTPF, « Les biens que les époux possèdent
à la date du mariage, ou qu’ils acquièrent postérieurement au mariage, par succession ou
donation demeurent leur propriété personnelle. Sont également propres à chacun des époux, les
biens acquis à titre onéreux pendant le mariage, lorsque cette acquisition a été faite en échange
d’un bien propre ou avec des deniers propres ou provenant de l’aliénation d’un bien propre ».
Une libéralité peut cependant stipuler que le bien appartiendra à la communauté ; il en va de même
pour la libéralité faite conjointement aux deux époux (CTPF, art. 369). Il en va de même pour
certains biens acquis par arrangement de famille (C. civ., art. 1405, al. 3).
100
Civ. 1ère, 23 mars 1983, GAJC 12 éd, 2007, n° 92, p. 547.
101
Civ. 1ère, 6 juin 1990, JCP N 1991, II, -1, note Simler.
102
J. Revel, Les régimes matrimoniaux, 7e éd., 2014, n° 217 s., p. 136 s.
soulte »(C. civ., art. 1407, al. 1). Cela vaut pour les biens immobiliers (constructions ou parcelles
de terre) comme pour les biens mobiliers corporels (meubles meublants) ou incorporels (parts
sociales). La subrogation réelle n'est pas automatique mais conditionnelle pour "les biens acquis
en emploi ou remploi"(C. civ., art. 1406, al. 2). Le texte renvoie en effet aux articles 1434 et 1435,
qui fixent les conditions du remploi ou d’emploi. Selon l’article 1434 al. 1 du Code civil,
« L'emploi ou le remploi est censé fait à l'égard d'un époux, toutes les fois que, lors d'une
acquisition, il a déclaré qu'elle était faite de deniers propres ou provenus de l'aliénation d'un
propre, et pour lui tenir lieu d'emploi ou de remploi ». On parle de remploi lorsque le prix de
vente d’un propre est utilisé pour l’achat d’un nouveau bien ; l’emploi est l’utilisation de deniers
propres disponibles dans le patrimoine de l’époux considéré. Le mécanisme du remploi est destiné
à neutraliser la présomption de communauté, en ce qu’elle a vocation à jouer en faveur de la
masse commune au détriment des masses propres. Il permet de rétablir l’équilibre des masses.
Le déséquilibre aurait pu n’être rétabli qu’à la dissolution du régime lors de la liquidation
des intérêts pécuniaires des époux. mais la loi permet aux époux d’y pourvoir au cours du mariage,
ce qui assure à chacun, le bien acquis en remploi d’un propre étant lui-même propre.
L’acte d’acquisition doit expressément mentionner une double déclaration (sans qu’aucune
formule solennelle ne soit exigée) : il doit indiquer l’origine des deniers et l’affectation de ces
deniers au paiement du bien acquis. A l’égard des tiers, le formalisme vaut publicité. Dans les
rapports entre les époux, il évite le contentieux qui pourrait naître pendant le mariage pour
l’exercice des pouvoirs sur le bien acquis. Toutefois, si le conjoint de celui qui acquiert bien en
remploi intervient à l’acte d’acquisition, l’absence de la double déclaration prescrite par l’article
1434 C. civ. n’est pas un obstacle à la subrogation dès lors que la volonté des deux époux résulte
de l’acte103. En d’autres termes, à défaut de cette déclaration spécifique, l'emploi ou le remploi
nécessite "l'accord des époux" et ne produit d'effets qu'entre eux.
Biens propres par rattachement ou accession. Sont d'abord visés les accessoires de biens
propres : "Forment des propres, sauf récompense s'il y a lieu, les biens acquis à titre d'accessoires
d'un bien propre ainsi que les valeurs nouvelles et autres accroissements se rattachant à des
valeurs mobilières propres"(C. civ., art. 1406, al. 1). On est dès lors renvoyé aux dispositions des
articles 552 et suivants du Code civil régissant le droit d'accession des "choses immobilières" (par
exemple une construction ou une plantation sur un terrain propre), aux articles 565 et suivants
pour les "choses mobilières". Le code prévoit aussi l'acquisition de parts indivises : "L'acquisition
faite, à titre de licitation ou autrement, de portion d'un bien dont l'un des époux était propriétaire
par indivis, ne forme point un acquêt, sauf la récompense due à la communauté pour la somme
qu'elle a pu fournir"(C. civ., art. 1408).
B. Passif de la communauté
Obligation à la dette et contribution à la dette des époux. On distingue trois masses
dans le patrimoine du couple : communauté, biens propres de la femme, biens propres du mari.
Poser la question de l'obligation à la dette, c'est se demander sur quels biens un tiers, le créancier,
peut exercer une action. Quelle que soit la masse qui paie la dette, poser la question de la
contribution, c'est chercher quelle masse doit supporter la charge de façon définitive.
Concrètement, la question se pose essentiellement au jour de la liquidation du régime.
1. Obligation à la dette
Obligation à la dette : caractère général et bilatéral du principe. Parler d'obligation,
c'est envisager la question sous l'angle du droit des tiers. De quelles dettes s'agit-il ? Le principe
s'applique à des dettes définies de façon large. La dette peut donc être contractuelle ou quasi
contractuelle, délictuelle ou quasi délictuelle. Encore faut-il que la dette naisse au cours du
103
Civ. 1ère, 25 sept. 2013, n° 12-21280 ;
mariage : on s'attache ici au fait générateur de la dette, non à son exigibilité. Le domaine des dettes
solidaires des époux est limité : il s’agit des dettes intéressant le ménage, des dettes pour les
besoins de la profession d’un époux et des dettes contractées ensembles. Les deux premières sont
solidaires au regard de leur but alors que les dernières sont solidaires en raison de leur origine.
Dettes solidaires en raison de leur but. Selon l’article 376 CTPF, « Un époux ne peut
obliger l’autre par les engagements qu’il contracte, pour un objet autre que l’intérêt du ménage
ou les besoins de sa profession. Les époux demeurent engagés par les dettes contractées pour les
besoins de la profession… ». Cette disposition est renforcée par l’article 379 CTPF qui dispose
que « Sont considérées comme dettes solidaires des deux (02) époux celles contractées dans
l’intérêt du ménage ».
Dettes solidaires en raison de leur origine. Cela est envisagé par l’article 378 qui
dispose que « Les dettes contractées par les époux agissant ensemble et de concert, qu’elles
l’aient été dans l’intérêt commun ou dans l’intérêt de l’un d’eux seulement, peuvent être
poursuivies sur les biens communs et les biens personnels de chacun d’eux ».
2. Contribution à la dette
Principe de la contribution définitive. On s'intéresse ici non au droit des tiers mais aux
rapports pécuniaires entre les époux. Intervient alors la notion de passif définitif : lequel des époux
est, au final, tenu d'une dette déterminée ? La question se pose au moment de la liquidation du
régime. Le patrimoine qui assume la charge définitive est celui qui bénéficie de la dépense. Les
dettes sont réparties selon qu'elles ont été souscrites dans l'intérêt de l'un des époux ou au contraire
dans leur intérêt partagé.
Dettes propres à titre définitif. Certaines dettes restent propres. Il s'agit à la fois de
certaines dettes passées et de dettes futures : "Les dettes dont les époux étaient tenus au jour de la
célébration de leur mariage, ou dont se trouvent grevées les successions et libéralités qui leur
échoient durant le mariage, leur demeurent personnelles, tant en capitaux qu'en arrérages ou
intérêts"(C. civ., art. 1410). Sont aussi personnelles, les amendes pénales, ainsi que les
conséquences civiles des délits et quasi-délits (C. civ., art. 1417, al. 1). Des dommages et intérêts
peuvent nonobstant toute stipulation contraire, être accordés à l’un des époux en raison d’actes
accomplis par son conjoint et qui ont affecté les biens communs ou les biens propres de l’un ou de
l’autre : lorsque le conjoint qui a accompli ces actes n’avait pas le droit de les accomplir ou
lorsque ces actes constituent des actes de mauvaise administration ou ont été accomplis en fraude
des droits du demandeur (art. 392 CTPF).
pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être
intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté104.
A. L’opérationnalisation de la liquidation
Pour procéder à la liquidation, il y a lieu de séparer clairement les biens propres des biens
communs qui feront l’objet du partage après payement des dettes.
104
Art. 1427 C. civ.
1. Le processus de liquidation
Reprise des propres. En application de l’article 389 CTPF, « Lors de la dissolution de la
communauté, chacun des époux reprend en nature les biens qui lui sont propres en justifiant qu’il
en est le propriétaire ». Un dispositif identique est envisagé en droit français par l’article 1467 al.
1er du Code civil. S’il y a discussion, chacun des époux doit, pour reprendre ses biens qui n’étaient
pas entrés en communauté, renverser la présomption de communauté, qu’il s’agisse des biens
propres eux-mêmes, ou de ceux qui y ont été subrogés.
Indivision post-communautaire. Dès lors qu'il y a dissolution de la communauté, celle-ci
disparaît naturellement en tant que régime, mais commence alors une période, plus ou moins
longue, au cours de laquelle la liquidation et le partage sont en attente. On parle alors d'indivision
post-communautaire, à laquelle s'applique le droit commun de l'indivision (art. 815 à 815-18 C.
civ.). L'indivision post-communautaire est distincte du patrimoine personnel des indivisaires. Elle
comprend un actif et un passif. Les biens indivis sont le gage des créanciers de l'indivision. Une
convention d'indivision, à durée déterminée ou à durée indéterminée, peut être rédigée pour régir
l'indivision post-communautaire. Dans une espèce, un expert-comptable avait, pendant son
mariage, acquis des participations dans diverses sociétés professionnelles au sein desquelles il
exerçait son activité. Lors de leur divorce, les époux se disputent sur la manière de prendre en
compte ces parts sociales dans les opérations de liquidation. Pour le mari, seul associé, leur valeur
devait être appréciée selon la consistance des parts au jour de la dissolution de la communauté, et
donc sans qu'il soit tenu compte de la plus-value (importante, près d'un million d'euros) générée
par sa gestion pendant la durée de l'indivision post-communautaire. Pour l'épouse au contraire, il
convenait d'intégrer dans la masse partageable non seulement la valeur des parts appréciée au jour
de la jouissance divise, mais encore les dividendes générés pendant l'indivision (plus de cinq cent
mille euros). La Cour de cassation lui donne raison sur ces deux points, « attendu qu'ayant
constaté que les parts sociales détenues par M. X. au sein du groupe GVA avaient été acquises au
cours du mariage, et exactement retenu que ces parts seraient portées à l'actif de communauté
pour leur valeur au jour du partage, la qualité d'associé s'y attachant ne relevant pas de
l'indivision, la cour d'appel en a à juste titre déduit que les bénéfices et dividendes perçus par M.
X. de toutes les sociétés du groupe pendant l'indivision post-communautaire étaient des fruits
accroissant à l'indivision »105.
Les prélèvements / Les récompenses. Le droit togolais a envisagé les prélèvements mais
ne les inscrit pas le cadre des récompenses contrairement au droit français. En effet, si l’un des
époux, établit qu’un de ses biens propres a été aliéné et que le prix en est tombé en communauté, il
prélève, sur les biens communs, la valeur correspondant à ce prix apprécié à la date de la
dissolution de la communauté (art. 390 CTPF). L’ordre d’exercice des prélèvements est déterminé
par tirage au sort (art. 391 CTPF).
En revanche, en droit français le prélèvement n’est possible qu’après l’établissement du
compte de récompenses. Selon l’article 1468 C. civ., il est établi, au nom de chaque époux, un
compte des récompenses que la communauté lui doit et des récompenses qu'il doit à la
communauté. Conformément à l’article 1469 C. civ., la récompense est, en général, égale à la plus
faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant106. Elle ne peut,
105 re
Civ. 1 , 28 mars 2018, n° 17-16.198, Bull. ; D. 2018. 720 ; AJ fam. 2018. 304, obs. P. Hilt ; RTD civ. 2018. 472, obs.
M. Nicod RLDC juill. 2018 p. 27 obs. M. Jaoul ; Dr. des sociétés, juill. 2018 p. 18 obs. R. Mortier ; Gaz. Pal., 26 juin
2018 p. 73 note M. Laroche ; LPA 13 juin 2018 note D. Sadi ; RJPF juin 2018 p. 34 note J. Dubarry et E. Fragu ; RJC
2018 p. 259 obs. S. Tisseyre ; RTD civ. 2018, p. 701, note W. Dross.
106
Tandis que la Cour de cassation décidait depuis un arrêt de 1994 que la preuve d’un profit est nécessaire à
l’obtention d’une récompense (Civ. 1ère, 6 avr. 1994, Bull. civ., I, n° 137), elle a modifié sa jurisprudence pour dire
que l’emploi de fonds propres dans l’intérêt de la communauté qui en a ainsi profité donne lieu à récompense (Civ.
1ère, 14 janv. 2003, D. 2003, p. 575, note B. Beignier ; RTD civ. 2003, p. 340, obs. Vareille). Ainsi tandis que la
preuve de l’encaissement de deniers par la communauté était alors insuffisant, à elle seule, à ouvrir doit à récompense,
toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire. Elle ne peut être
moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à
améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine
emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est
évalué au jour de l'aliénation107 ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est
évalué sur ce nouveau bien.
En application de l’article 1470 C. civ. si, balance faite, le compte présente un solde en
faveur de la communauté, l'époux en rapporte le montant à la masse commune. S'il présente un
solde en faveur de l'époux, celui-ci a le choix ou d'en exiger le paiement ou de prélever des biens
communs jusqu'à due concurrence108. Conformément à l’article 1471 C. civ., les prélèvements
s'exercent d'abord sur l'argent comptant, ensuite sur les meubles, et subsidiairement sur les
immeubles de la communauté. L'époux qui opère le prélèvement a le droit de choisir les meubles
et les immeubles qu'il prélèvera. Il ne saurait cependant préjudicier par son choix aux droits que
peut avoir son conjoint de demander le maintien de l'indivision ou l'attribution préférentielle de
certains biens. Si les époux veulent prélever le même bien, il est procédé par voie de tirage au sort.
Les indemnités / Les créances en époux. La demande d’indemnité est envisagée par le
droit togolais. Quant au droit français, il a envisagé l’exercice de la créance après le partage.
En droit togolais, des dommages et intérêts peuvent nonobstant toute stipulation contraire,
être accordés à l’un des époux en raison d’actes accomplis par son conjoint et qui ont affecté les
biens communs ou les biens propres de l’un ou de l’autre : lorsque le conjoint qui a accompli ces
actes n’avait pas le droit de les accomplir ; lorsque ces actes constituent des actes de mauvaise
administration ou ont été accomplis en fraude des droits du demandeur (392 CTPF). Mais aucune
demande en indemnité ne peut être faite en raison d’actes accomplis plus de cinq ans avant la
dissolution du mariage (394 CTPF).
En droit français, l’article 1478 C. civ. dispose qu’après le partage consommé, si l'un des
deux époux est créancier personnel de l'autre, comme lorsque le prix de son bien a été employé à
payer une dette personnelle de son conjoint, ou pour toute autre cause, il exerce sa créance sur la
part qui est échue à celui-ci dans la communauté ou sur ses biens personnels. Les créances
personnelles que les époux ont à exercer l'un contre l'autre ne donnent pas lieu selon l’art. 1479 C.
civ. à prélèvement et ne portent intérêt que du jour de la sommation. Les intérêts ne courent que
du jour de la liquidation.
2. Partage de l'actif
Partage du surplus. L’article 395 CTPF dispose que « …les biens communs sont partagés
d’une manière égale entre les époux ». Plus prolixe, l’article 1475 al. 1er du Code civil affirme que
« Après que tous les prélèvements ont été exécutés sur la masse, le surplus se partage par moitié
entre les époux ».
faute de la preuve de profit subsistant, désormais la preuve de l’encaissement suffit à fonder le droit à récompense,
sauf à démontrer que la communauté n’en a pas tiré profit (Civ. 1 ère, 18 févr. 2005 (2 arrêts), D. 2005, Pan. 2116, obs.
Brémond). Le profit peut également consister dans le paiement d’une dette personnelle à l’un des époux (par ex. une
dette délictuelle ; une dette antérieure au mariage), ainsi d’une prestation compensatoire (Civ. 1 ère, 28 mars 2006, JCP
2006, I, 93, n° 20, obs. Tisserand ; Civ. 1ère, 12 nov. 2009, D. 2009, AJ 2863 (astreinte accessoire à une condamnation
pénale).
107
Le financement de dépenses d’amélioration et de conservation des biens propres donne également lieu à
récompense en faveur de la communauté lorsque subsiste un profit pour le patrimoine propre (Civ. 3e, 21 janv. 1987,
D. 1987, p. 324, note Morin (acquisition de matériel de boulangerie pour un fonds propre dont la communauté à perçu
les revenus).
108
La créance de récompense est indisponible pendant le mariage ; les créanciers de la communauté ne peuvent pas
saisir la créance de récompense qu’un époux doit à la communauté. Cette jurisprudence, selon laquelle les
récompenses constituent les éléments d’un compte unique, dont le solde est seul à prendre en considération après la
dissolution, est traditionnelle (Civ. 1ère, 18 déc. 1990, RTD civ. 1991, p. 786, obs. Lucet et Vareille.
Pour ce qui est de la forme, le partage peut être soit amiable, soit judiciaire. Si les époux
n’arrivent pas à s’entendre, le plus diligent peut saisir le juge aux fins du partage.
Le partage fait parfois appel à des règles particulières. Concernant les parts sociales d’une
SARL souscrites par le mari pendant le mariage, la Cour de cassation française confirme sa
jurisprudence109 classique dans un arrêt du 4 juillet 2012, rendu par sa première chambre civile, en
approuvant la cour d’appel en ces termes : « ayant constaté que le mari, souscripteur des parts
sociales acquises pendant la durée du mariage, avait seul qualité d’associé, la cour d’appel en a
exactement déduit que ces parts n’étaient entrées en communauté que pour leur valeur
patrimoniale et qu’elles ne pouvaient qu’être attribuées au titulaire des droits sociaux lors du
partage »110. C’est une distinction entre le titre et la finance au moment du partage. Cette
distinction n’est pas en principe appliquée aux actions111 qui, même acquises par un seul époux,
font partie intégrante de la masse commune en tant qu’acquêts ordinaires et peuvent, à l’occasion
du partage, être mises dans le lot de l’un de l’autre des époux.
Effet déclaratif du partage. Le principe est que chaque copartageant devient propriétaire
rétroactivement à la date de naissance de l'indivision post-communautaire. "Chaque cohéritier est
censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus
sur licitation, et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession"(C. civ., art. 883,
al. 1).
L'application des règles du droit des successions vaut pour la garantie des lots, mais aussi
pour les causes de nullité, pour l'action en comblement de part. "Lorsque l'un des copartageants
établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du
défendeur, soit en numéraire, soit en nature. Pour apprécier s'il y a eu lésion, on estime les objets
suivant leur valeur à l'époque du partage"(C. civ., art. 889, al. 1). "L'action en complément de
part se prescrit par deux ans à compter du partage"(C. civ., art. 889, al. 2).
Les tiers peuvent s'opposer à ce qu'un partage soit fait en dehors de leur présence (C. civ.,
art. 882). Par ailleurs, si un immeuble fait partie des biens à partager, les règles de la publicité
foncière jouent un rôle important dans la protection des tiers. Au regard de la distribution du
règlement du passif, la Cour de cassation, dans un arrêt du 08 avril 1860 avait édicté que « ...les
créanciers dont les titres remontent par leur date au temps où la communauté existait, n’ont
aucun droit de préférence au préjudice des créanciers porteurs de titres procédant de l’époux
survivant et qui sont d’une date postérieure, alors même que le prix de la part de biens qu’il
aurait recueillie dans la communauté serait mis en distribution »112. Tous les créanciers d’un
époux confronté à la dissolution de la communauté sont placés sur un pied d’égalité.
des époux de sa part de communauté" ; en l'espèce le recel était constitué par l'imputation
frauduleuse par un époux d'une dette personnelle au passif de la communauté qui avait diminué
l'actif commun partageable114.
La Cour de cassation précise par ailleurs que le recel de communauté peut être commis
avant ou après la dissolution de la communauté jusqu'au jour du partage115.
114
Cass. 1re civ., 9 janv. 2008, n° 05-15.491 et n° 05-16.313 : JurisData n° 2008-042174.
115
Cass. 1re civ., 16 avr. 2008, n° 07-12.224 : JurisData n° 2008-043624.
CHAPITRE II
LES RÉGIMES COMMUNAUTAIRES AMÉNAGÉS
Diversité des régimes conventionnels de communauté. Le Code civil donne aux futurs conjoints
la possibilité d'opter pour un régime de communauté qui diffère de la communauté réduite aux
acquêts. Il cite des dispositions du régime légal auxquelles il est possible de déroger. Mais ce ne
sont que des exemples. Dans la limite de certains textes impératifs, les époux peuvent notamment
convenir dans leur contrat de mariage :
Le système est complété par la référence au régime légal pour tous les aspects qui ne sont pas
réglés par le contrat de mariage (C. civ., art. 1497, in fine).
Même si les variations possibles sur le thème de la communauté sont en principe nombreuses, on
retiendra cependant que les clauses citées par le code dessinent des modèles connus, dont certains
sont même des archétypes, au premier rang desquels il faut citer le régime légal en vigueur avant
la loi du 13 juillet 1965.
L'actif de la communauté de meubles et acquêts est fixé dans son principe par l'article 1498 du
Code civil. Il "comprend, outre les biens qui en feraient partie sous le régime de la communauté
légale, les biens meubles dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour du mariage
ou qui leur sont échus depuis par succession ou libéralité, à moins que le donateur ou testateur
n'ait stipulé le contraire"(C. civ., art. 1498, al. 1).
Le même texte énonce des exceptions : Il s'agit des biens propres par nature qui sont visés par
l'article 1404 du Code civil, dans le régime conventionnel légal (C. civ., art. 1498, al. 2, renvoi à
C. civ., art. 1404).
Le passif. Le passif comprend, non seulement les dettes qui seraient celles du régime légal,
mais aussi "une fraction de celles dont les époux étaient déjà grevés quand ils se sont mariés, ou
dont se trouvent chargées des successions et libéralités qui leur échoient durant le mariage"(C.
civ., art. 1499, al. 1). "La fraction de passif que doit supporter la communauté est proportionnelle
à la fraction d'actif qu'elle recueille, d'après les règles de l'article précédent, soit dans le
patrimoine de l'époux au jour du mariage, soit dans l'ensemble des biens qui font l'objet de la
succession ou libéralité"(C. civ., art. 1499, al. 2). "Les dettes dont la communauté est tenue en
contrepartie des biens qu'elle recueille sont à sa charge définitive"(C. civ., art. 1500). Cette règle
conduit à déconseiller ce régime matrimonial s'il existe un passif important au moment du
mariage.
Les créanciers sont protégés. Le passif antérieur au mariage ou grevant les successions et
libéralités ne peut leur préjudicier : "Ils conservent, dans tous les cas, le droit de saisir les biens
qui formaient auparavant leur gage". Ils peuvent même poursuivre le paiement sur la
communauté s'il a eu confusion de patrimoines (C. civ., art. 1501).
soulte"(C. civ., art. 1514, al. 1). "Les époux peuvent convenir que l'indemnité due par l'auteur du
prélèvement s'imputera subsidiairement sur ses droits dans la succession de l'époux
prédécédé"(C. civ., art. 1514, al. 2).
Les enfants qui ne sont pas issus des deux époux peuvent exercer une action en réduction,
si le profit tiré par le bénéficiaire excède la quotité disponible spéciale entre époux.
Sommaire ......................................................................................................................................................... 2
Bibliographie générale .................................................................................................................................... 3
INTRODUCTION GÉNÉRALE ..................................................................................................................... 5
I. Aperçu général sur le droit des régimes matrimoniaux ........................................................................... 5
1. Définition du régime matrimonial ....................................................................................................... 5
2. Situation du droit des régimes matrimoniaux ...................................................................................... 5
3. Droit des régimes matrimoniaux et droit du mariage .......................................................................... 5
4. Droit des régimes matrimoniaux et droit des successions ................................................................... 6
5. Droit des régimes matrimoniaux et droit des contrats ......................................................................... 7
6. Les fonctions du régime matrimonial .................................................................................................. 7
7. Caractères du régime matrimonial....................................................................................................... 7
II. Les sources historiques du droit des régimes matrimoniaux ................................................................... 8
1. L’évolution des lois ............................................................................................................................. 8
a. En France......................................................................................................................................... 8
L’ancien droit .............................................................................................................................. 8
L’avènement du Code civil ......................................................................................................... 8
Le droit moderne ......................................................................................................................... 9
b. Au Togo........................................................................................................................................... 9
Avant l’indépendance .................................................................................................................. 9
Après l’indépendance .................................................................................................................. 9
2. Les sources positives ......................................................................................................................... 10
a. Le juge ........................................................................................................................................... 10
b. Le notaire....................................................................................................................................... 10
III. Plan .................................................................................................................................................... 10
PREMIERE PARTIE .................................................................................................................................... 12
LE DROIT COMMUN DES RÉGIMES MATRIMONIAUX ..................................................................... 12
TITRE I ......................................................................................................................................................... 13
LE RÉGIME MATRIMONIAL DE BASE .................................................................................................. 13
CHAPITRE I ................................................................................................................................................. 14
LE RÉGIME DE BASE SANS CRISE CONJUGALE ................................................................................ 14
Section 1. L’obligation d’entretenir la famille .......................................................................................... 14
§1. L’obligation de contribuer aux charges du mariage ........................................................................ 14