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Introduction

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Le diabète sucré est défini par un désordre métabolique d’étiologies
diverses, caractérisé par la présence d’une hyperglycémie chronique résultat
d’un défaut de sécrétion d’insuline, de son activité ou des deux associés. Il s’agit
d’une maladie mondialement répondue, l’augmentation de sa prévalence fait
même parler d’épidémie. En effet, on comptait 230 millions de diabétiques en
2006 et 350 millions sont attendus en 2035, soit 120 millions de plus en une
génération. Prés de 3,2 millions de décès sont enregistrés chaque année à travers
le monde 1. Au Maroc, ils sont prés de 3 millions à l’heure actuelle 2.

Ces chiffres sont édifiants et tirent la sonnette d’alarme en vu de considérer


cette pathologie comme une priorité sanitaire mondiale. Les conséquences
néfastes sur la santé et l’économie ne sont plus à démontrer. Outre les
complications aigues, l’hyperglycémie chronique s’accompagne de
complications très invalidantes apparaissant au long cours et touchant de
nombreux organes.

L’hémoglobine glyquée A1c (HbA1c), résultat d’une réaction générale de


glycation non enzymatique des protéines, est reconnue depuis plusieurs années
comme le paramètre le plus objectif du contrôle glycémique dans la surveillance
du diabète sucré. Elle s’est imposée comme le gold standard des examens
biologiques, indispensable à une prise en charge optimale d’un patient
diabétique. En effet, les résultats des grandes études prospectives, ont établi de
façon certaine une corrélation entre l’équilibre glycémique évalué par l’HbA1c et
l’apparition de complications dégénératives 3 . Cette relation met en exergue
l’intérêt de ce test dans le suivi à long terme du patient diabétique. Elle a permis
de fixer des valeurs thérapeutiques décisionnelles et de calculer le risque de

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survenue des complications en fonction de l’augmentation ou la diminution des
résultats par rapport au dosage précédant 4, 5.

Les méthodes disponibles pour le dosage de l’HbA1c sont basées sur ses
propriétés physico-chimiques. Un effort de standardisation a été initié dans ce
cadre par les principales sociétés savantes, afin de retenir et de valider certaines
techniques analytiques en vu d’homogénéiser les résultats obtenus.

En France, les recommandations formulées par la HAS et par l'AFSSAPS


préconisent que l'HbA1c soit dosée à l'aide d'une méthode certifiée selon les
schémas internationaux de standardisation.

Les DMDIV pour le dosage de l'HbA1c disponibles différent donc par leurs
modes de standardisation et donc par leurs valeurs de références, pouvant ainsi
être source de confusion et de préjudice dans le suivi glycémique du patient
diabétique.

Par ailleurs, le respect des règles d’assurance qualité des laboratoires oblige
à procéder à la validation des techniques nouvellement adoptées préalablement à
leur utilisation. Il s’agit d’une obligation du GBEA et un pré-requis
indispensable dans le cadre de l’accréditation des laboratoires selon les normes
ISO 17025 ou 15189. La validation d’une technique permet de connaître ses
caractéristiques pour définir et juger la qualité du processus analytique, d’en
préciser les limites de validité, d’assurer la transférabilité des résultats dans la
mesure du possible. Les résultats sont examinés par rapport aux critères définis
d’après l’état de l’art, l’utilisation d’un protocole rationnel et standardiser
comme celui élaboré et publié par la SFBC, permet de simplifier de travail
d’évaluation, d’uniformiser la présentation des données en vu de permettre un

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jugement comparatif des résultats obtenus par des évalueurs ou des laboratoires
différents.

Ce travail se propose de procéder à la validation d’un analyseur de l’HbA 1c


utilisant la CLHP, le D-10® de chez Bio Rad certifié NGSP, mis à la disposition
du laboratoire durant la période de l’étude, en vu de tester ses performances
analytiques et de les comparer à celles du Cobas-Intégra® 400 de la société
Roche certifié IFCC qui utilise une technique d’immaglutination.

Dans une première partie nous nous attèlerons à présenter une revue de la
littérature sur l’HbA1c, ses méthodes de dosage, l’intérêt clinique de sa
détermination, ainsi que sur les référentiels qualités applicables dans les
laboratoires d’analyses de biologie médicale et le protocole de validation d’une
méthode de dosage.

Dans la seconde partie de ce travail nous présenterons les étapes de cette


validation, ainsi que les résultats obtenus que nous discuterons avant de
conclure.

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PARTIE I
RAPPEL BIBLIOGRAPHIQUE

5
I- HEMOGLOBINE GLYQUEE ET HEMOGLOBINE A1C

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A. Glycation protéique et hémoglobine glyquée

1. Glycation protéique [6]

La glycation non enzymatique des protéines correspond à la fixation non


enzymatique d’oses simples sur des groupements aminés libres des protéines, et
s’oppose à la glycosylation qui est un mécanisme enzymatique de la biosynthèse
protéique.

Ce processus comporte plusieurs étapes. Dans un premier temps, la


condensation d’une fonction aldéhyde ou d’un groupement cétonique d’un sucre
avec un groupement aminé d’une protéine conduit à la formation d’une base de
schiff (aldimine) labile. Cette réaction est rapide et réversible.

Dans un second temps, la base de schiff subit un réarrangement dit


d’Amadori pour former une liaison cétoamine (ou fructosamine) stable
(figure 1).

Figure 1. Les étapes de la glycation [6].

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Au plus long terme, les protéines glyquées subissent des remaniements
(oxydations, clivages protéolytiques, pontages), qui conduisent à la formation de
produits complexes fluorescents appelés produits avancés (ou terminaux) de la
glycation (généralement désignés par l’abréviation AGE). Ces produits, dont le
dosage n’est pas encore de pratique courant, seraient impliqués dans certaines
complications dégénératives du diabète sucré.

Ce phénomène de glycation est général et affecte l’ensemble des protéines


de l’organisme, circulantes comme tissulaire. Ainsi, dans le plasma, toutes les
protéines peuvent être modifiées par les réactions de glycation et devenir ainsi
des protéines glyquées. On les regroupe généralement sous le nom de
fructosamines, en raison de leur liaison cétoamine (fructosamine)
caractéristique. De même, les protéines tissulaires comme le collagène subissent
ces modifications.

La glycation dépend de différents facteurs, notamment de la durée de vie de


chaque protéine et de la concentration en oses.

En raison de son abondance chez l’homme, le glucose et le principal ose


simple à se lier à la fonction aminée libre de résidus d’acides aminés. Sur une
protéine, la fixation peut avoir lieu sur deux sites différents :

1. acide aminé N-terminal de la protéine,

2. groupement e-aminé d’un résidu de lysine de la chaîne protéique.

Suivant le site de glycation affecté, les caractères physico-chimiques sont


plus au moins modifiés.

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2. L’hémoglobine glyquée [6,1]

L’hémoglobine est la protéine des globules rouges qui transporte l’oxygène


vers les cellules, elle existe sous plusieurs formes :

- L’hémoglobine A2 de structure α2δ2 est formée de deux chaînes


polypeptidiques α et δ.

- L’hémoglobine F de structure α2γ2 est formée de deux chaînes


polypeptidiques α et γ. Elle prédomine pendant la vie fœtale et diminue pendant
la première année de vie.

- L’hémoglobine A, possède la structure moléculaire α2β2. Son analyse


chromatographique ou électrophorétique permet de mettre en évidence une
hétérogénéité structurale. On distingue une forme majeure appelée HbA0 et
plusieurs formes mineures qui sont répertoriées sous le nom d’hémoglobine A1
ou hémoglobines rapides (elles migrent plus rapidement que l’HbA 0 sous
l’influence d’un champ électrique). Ces dernières représentent 4 à 8 % de l’Hb
totale et correspondent à des formes glyquées de l’hémoglobine. Toutes ces
hémoglobines contiennent les mêmes chaînes polypeptidiques α et β et la
structure α2β2. Elles ne se différencient que par la fixation de molécules
greffées sur les chaînes polypeptidiques par la réaction de glycation.

La dénomination d’Hb glyquée est couramment utilisée, et la mieux


adaptée pour désigner les produits formés, alors que celle d’Hb glycosylée est
impropre (dans la mesure où cette fraction de l’Hb ne résulte pas d’un processus
enzymatique) et doit être proscrite.

Du point de vue structurale, la fraction "Hb glyquée" regroupe un ensemble


de composés différents par la nature de l’ose fixée (glucose, glucose-6-

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phosphate, fructose-1,6-biphosphate, galactose, mannose), et le site protéique de
fixation par fonction α aminée libre de la valine N-terminale des chaînes β ou
fonction ε aminée accessible des résidus lysiles.

Lorsque l’Hb est glyquée à l’extrémité N- terminale (valine) des chaînes β,


ses propriétés physico-chimiques (pHi) sont suffisamment modifiées pour
permettre une séparation par électrophorèse ou chromatographie, c’est l’HbA1.
L’hémoglobine peut également être glyquée sur d’autres sites, qui ne modifient
alors pas son pHi.

Dans le globule rouge, on trouve donc l’hémoglobine glyquée sous


différentes formes. On peut en séparer certaines par chromatographie d’échange
ionique (figure 2).

Figure 2. Les différentes fractions de l’hémoglobine obtenues par


chromatographie d’échange cationique dans le sang d’un sujet adulte non
diabétique [6].

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- L’hémoglobine A1 est formée de plusieurs fractions, qui, en fonction de leur
ordre d’élution en chromatographie d’échange cationique faible, ont été
nommées HbA1a (comprenant elle même deux sous-fractions HbA1a1 et HbA1a2),
HbA1b, HbA1c.

- L’hémoglobine A1c est la fraction la mieux caractérisée. Elle constitue la forme


majeure de l’HbA1 (80%), soit 4 à 6 % de l’hémoglobine totale.

- Les hémoglobines A1a1 et A1a2 résultent respectivement de la liaison de


fructose-1,6-diphosphate et de glucose-6-phosphate sur la valine N-terminale
des chaînes β de l’hémoglobine. Ces deux formes représentent en moyenne
environ 0,5 % de l’hémoglobine. Dans le cas de l’HbA1b (environ 0,8 % de
l’hémoglobine en moyenne), c’est le pyruvate qui est fixé à l’extrémité N-
terminale des chaînes β de globine.

Le tableau I résume les termes employés pour designer les différentes


formes d’hémoglobines glyquées.

Lorsque d’autres hémoglobines sont présentes (HbS, HbC par exemple),


elles subissent de la même façon le processus de glycation, et dans les globules
rouges sont retrouvées des formes glyquées de ces variants (HbS 1c ou C1c par
exemple), au même titre que les formes glyquées de l’HbA. Il faut en tenir
compte pour l’interprétation des résultats, car la présence de ces hémoglobines
anormales a un effet variable selon les techniques utilisées.

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Tableau I. Les différentes formes d’hémoglobine glyquée [6].

La formation de l’hémoglobine glyquée est irréversible. Elle résulte d’un


long processus au cours de la vie du globule rouge. La quantité d’hémoglobine
glyquée dans le sang dépend de la durée de vie des hématies (120 jours) et de la
glycémie.

B. Hémoglobine glyquée A1c

1. Définition, formation

Selon le groupe de travail de l’IFCC, l’HbA1c est définie comme suit :


Hémoglobine A1 glyquée de manière irréversible sur une ou les deux extrémités
libres des valines N-terminale des chaînes β. Sa formation consiste en une
fixation rapide, réversible de glucose sur la chaîne β par une liaison aldimine

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labile qui subit un réarrangement d’Amadori lent et irréversible pour donner une
liaison stable cétonique [5, 7] (Figure 3).

Figure 3. Formation de l’HBA1C [8]

L’importance de la glycation est dépendante de la concentration intra-


érythrocytaire en glucose et de la durée de vie de l’hématie [7].

2. Dosage

Reflet de la glycémie moyenne d’une personne pendant environ 3 mois


(durée de vie des globules rouges), l’HbA1c est considérée comme un mouchard
et un marqueur rétrospectif objectif de l’équilibre glycémique à moyen terme.
Apparu dans les années 1970, le dosage de ce paramètre s’est rapidement
imposé comme une analyse incontournable pour la surveillance des patients
diabétiques [9].

La modification structurale acquise au cours du phénomène de glycation


décrite plus haut, aboutit à une modification de la charge électrique de l’HbA 1c
par rapport à l’HbA0. Elle permet ainsi de séparer ces fractions par des
techniques analytiques dont le principe est fondé sur la modification de cette
propriété physico-chimique [7].

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2.1. Phase pré analytique

2.1.1. Prélèvement

Le dosage de l’HbA1c est réalisé sur un prélèvement de sang effectué par


ponction veineuse au pli du coude sur héparine, fluorure, EDTA, ou ACD. Un
prélèvement de sang capillaire est également possible [5,6].

Le sang total est conservé à + 4° C. La conservation de l’échantillon plus


de 3 jours (EDTA), plus de 5 jours (ACD), pourrait conduire à l’apparition sur
les pics des chromatogrammes d’épaulements provenant de la dégradation de
l’hémoglobine [6].

2.1.2. Prétraitement et conservation

Le prétraitement de l'échantillon comprend la réalisation de l'hémolyse et


l’élimination de la fraction labile de l’hémoglobine glyquée [6].

Les hémolysats peuvent être conservés à + 4° C pendant au maximum 7


jours, avec cependant possibilité de dégradation. Pour une conservation à long
terme (plusieurs mois), une congélation des échantillons à – 24° C est requise.
Des hémolysats préparés aussitôt après le prélèvement et conservés de cette
façon peuvent valablement être utilisés pour contrôler la reproductibilité des
techniques [5, 6].

2.2. Phase analytique

2.2.1. Principes des méthodes de dosage

L’intérêt suscité par la détermination de l’HbA1c est à l’origine d’une


multiplication des techniques de dosage adoptées. Les méthodes utilisées

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exploitent soit les caractéristiques physico-chimiques (chromatographie
d'échange ionique, électrophorèse), soit immunologiques de la molécule.

Les techniques de chromatographie d'échange cationique faible sont les


techniques « historiques » d'étude de l'HbAlc, ayant permis son isolement et sa
caractérisation. Elles sont basées sur la plus grande électronégativité des Hb
glyquées sur I'extrémité N-terminale des chaînes β. Le terme générique
chromatographie d'échange ionique recouvre des techniques très différentes
allant des colonnes de chromatographie basse pression (CLBP) aux automates
de chromatographie haute performance (CLHP) très résolutifs. Leurs propriétés
analytiques varient et le pic « HbAlc» ne contient pas toujours les mêmes
constituants [5].

Les techniques électrophorétiques, réalisées le plus souvent en gel


d'agarose, mettent en jeu les mêmes propriétés de I'HbA1c. Comme les
techniques chromatographiques, elles permettent la mise en évidence de la
plupart des variants de l’Hb, mais ne permettent pas celle des Hb modifiées
comme les Hb carbamylées [5].

Les anticorps utilisés dans les méthodes immunologiques reconnaissent le


peptide N-terminal des chaînes β modifiées par la fixation de glucose. II s'agit
d'un court peptide, de longueur variable selon les fabricants. Différents systèmes
ont été proposés :

- Un dosage immunoturbidimétrique en phase homogène adapté sur


divers analyseurs automatiques de biochimie clinique, effectué après hémolyse
préalable manuelle d’une aliquote de sang. Le pourcentage d’HbA 1c est calculé
par rapport à l’Hb totale dosée en parallèle, à l’aide d’une gamme d’étalonnage
titrée avec un système de CLHP.

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- Un dosage d’immunoinhibition sur latex, effectué sur sang capillaire,
requiert l’utilisation d’un analyseur spécialisé,

- Un dosage ELISA sur microplaques automatisé utilisant un anticorps


monoclonal [6].

Récemment, il a été mis sur le marché un lecteur d’Hb glyquée, le


moniteur A1c Now® (Bayer Diabetes Care), pour le dosage de l’HbA1c, à partir
d’une goutte de sang capillaire en délocalisé. Ce système fait appel à des
techniques d’immunodosage et d’analyse chimique pour mesurer l’HbA1c et
l’Hb totale respectivement. Il offre une précision adéquate comparée aux
techniques standardisées, il pourrait être plus bénéfique pour les patients qui ne
peuvent obtenir des valeurs d’un laboratoire standardisé, en raison des
contraintes financières ou de transport [10].

Le tableau II présente la plupart des réactifs disponibles pour le dosage de


l’HbA1c en France, classés par méthode d'analyse, et leurs caractéristiques
colligées à partir des notices d'utilisation.

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Tableau II. Principaux réactifs disponibles pour le dosage de l’HBA1C en
France [5].

Mode de Interférences décrites dans les


Méthode Fabricant (gamme) Certification
calcul notices
Chromatographie d’échange d’ions
Bio-Rad (Varian®, Séparation/pas d’inter- férences
D10®) avec HbA1C labile, HbF,
HbA1C/ variants de l’Hb de charges
NGSP
Tosoh Bioscience (G7) ensemble différentes de l’HbA0 et de
CLHP
HbA l’HbA1c (dont Hb S,C,D,et E) .
Menarini (HA)
Protocole d’hémolyse adapté
pour éviter l’interférence de
Bio-Rad (Diastal®) l’HbA1c labile (co-migration),
NGSP
CLBP mauvaise séparation de l’HbF,
séparation des Hb S et C.
Bayer Diagnostic
Notice non communiquée par le fabricant
(glycomal®)
Microcolone Bio-Rad
HbA1/Hb
Electrophorèse Sebia Non précisée Co-migration HbA1C et HbF
totale
Hb
glyquées/
Chromatographi Hb non Pas de description des
Progen (Nycocard) Non précisée
e d’affinité glyquées interférences
Calcul
HbA1C
ABX Pentra NGSP Augmentation de la valeur d’
HbA1C en présence d’Hb S et
C. Résultat d’ HbA1C< résultat
Roche Diagnostics
attendu en présence d’HbF >
(Tina-Quant®,
IFCC à10%.
Intégra®)
formule pour Pas d’interférence de HbA1C
NGSP labile.
HbA1C/ Hb Pas d’effet de l’Hb glyquée
Méthode Beckman Coulter
totale labile, de l’HbF < à10%, des
immunologique: (Synchron)
Hb S et C.
inhibition
Reconnaissance par l’anticorps
d’agglutination
de nombreuses Hb anormales
Dade Behring
NGSP glyquées (S ,C ,E,G,H).
(dimension)
Résultat inexact si taux élevé
d’HbF.
Résultat d’HbA1C< résultat
Bayer Diagnostic (DC attendu en présence d’Hb S ou
NGSP
200) C (diminution durée de vie des
hématies) ou d’HbF > à10%.

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2.2.2. Standardisation des méthodes de dosage (Tableau II)

Plus de trente méthodes sont disponibles commercialement pour mesurer


l’Hb glyquée. Le manque de standardisation des méthodes utilisées pour
mesurer l’hémoglobine glyquée a entraîné une très grande variabilité dans les
résultats avec des valeurs allant de 4,0 % à 8,1 % pour le même échantillon de
sang. Dans plusieurs pays, un processus de standardisation a été utilisé pour
réduire la variabilité des résultats [11].

En France, les opérations de standardisation menées en particulier à


l’instigation de la SFBC ont permis la sélection de techniques fiables et
standardisées. Les sociétés scientifiques (SFBC, ALFEDIAM, SFE) et les
organismes officiels (AFSSAPS, ANAES) retiennent comme critère
incontournable l’utilisation de techniques standardisées dans les laboratoires de
biologie.

Les seuils définis grâce aux études prospectives DCCT et UKPDS [12,13],
l’ont été avec le seul système de standardisation NGSP de l’HbA1c utilisable sur
la période de réalisation de ces travaux [5,14]. Le groupe NGSP utilise un
système de référence en CLHP et des préparations d’Hb purifiées. Grâce à celui-
ci, il a déjà certifié un grand nombre de méthodes. Il préconise des résultats
chiffrés avec un intervalle de référence compris entre 4 et 6 % de l’Hb totale.
Mais le pic chromatographique obtenu par la méthode de référence n’est en effet
pas pur à 100 %. Cela a conduit le groupe IFCC à adopter un système de
référence plus élaboré, utilisant une méthode de chromatographie CLHP en
phase inverse, couplée à une détection par spectrométrie de masse ou par
électrophorèse capillaire. La structure dosée est l’hexapeptide N-terminal de la
chaîne β de la globine obtenu par digestion enzymatique des préparations d’Hb

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purifiées. Mais l’inconvénient majeur de cette technique est de fournir des
valeurs d’HbA1c de 1 à 2 % plus basses que celles de la standardisation
NGSP [4].

Après plusieurs échanges au sein des laboratoires du groupe d'experts de


l'IFCC et du NGSP, la relation entre les deux méthodes a été récemment
décrite : NGSP = (0,915x IFCC) + 2,15. Une équation existe donc entre les deux
types de standardisation et les membres des deux groupes ont mis en place une
organisation permettant de surveiller l'absence de dérive ultérieure entre les
résultats. De plus, des études de cohortes à grande échelle sont nécessaires pour
fixer de nouveaux seuils décisionnels si la standardisation IFCC devient la
nouvelle référence [5, 15, 16, 17].

Un groupe de travail, formé par I'EASD, l'ADA, l’IDF et des représentants


du NGSPet de l'IFCC, a pris alors les décisions suivantes:

* pour éviter toute confusion au niveau des prescripteurs et des patients,


les résultats doivent continuer à être rendus selon les normes NGSP/DCCT
actuellement en vigueur,

* seules les valeurs usuelles et les seuils décisionnels NGSP/DCCT, avec


lesquels les patients et les médecins sont actuellement familiarisés, doivent
continuer à être utilisés,

* la standardisation IFCC définit dorénavant les matériaux et la méthode


de référence avec laquelle les industriels du diagnostic in vitro devraient se
standardiser.

19
Ce consensus permet d'éviter des confusions et ne remet pas en cause les
recommandations de la HAS et de l'AFSSAPSf en matière de suivi et de
traitement du patient diabétique [3].

2.3. Phase post analytique, interprétation des résultats

La glycation de l’Hb étant à son terme quasiment irréversible, elle constitue


une véritable mémoire des taux cumulés de glucose circulant. Liée à la durée de
vie des globules rouges (120 jours), la quantité d’hémoglobine glyquée
représente la valeur intégrée de la glycémie des 6 à 8 semaines précédentes et
constitue un élément objectif du contrôle glycémique chez le diabétique.

Il existe de nombreuses méthodes de dosage des hémoglobines glyquées


auxquelles correspondent des valeurs de références et des causes d’erreur
différentes. C’est pourquoi, il est hasardeux d’interpréter des résultats
d’hémoglobine glyquée sans connaître exactement la méthode utilisée [6].

2.3.1. Présentation des résultats [3]

Conformément aux recommandations de l’Afssaps, il est nécessaire


pour le rendu des résultats du dosage de l’HbA1c :

‫٭‬D’utiliser des DMDIV standardisés (NGSP ou IFCC),

‫٭‬De maintenir le rendu des résultats du dosage de l'HbA1c dans le


système de référence du NGSP/DCCT avec indication de la technique, du
système de standardisation et des valeurs de référence adéquates. Ceci afin de
maintenir la cohérence avec les recommandations de la HAS en matière de suivi
glycémique du patient diabétique et d'éviter toute confusion au niveau des
prescripteurs et des patients.

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Le compte rendu devra donc, spécifier la nature de la technique utilisée,
la fraction d’hémoglobine glyquée effectivement dosée (HbA1c, HbA1, Hb
glyquée totale), et l’intervalle des valeurs de référence. Les résultats sont
exprimés en pourcentage de la fraction d’hémoglobine glyquée par rapport à la
concentration de l’hémoglobine totale.

2.3.2. Valeurs usuelles

Les différentes valeurs usuelles, en fonction des techniques de mesures,


parmi les plus utilisées, sont regroupées dans le tableau 3.

Tableau III. Valeurs usuelles en fonction du type de technique [6].

2.3.3. Variations physiologiques

Les valeurs d’HbA1c sont indépendantes du régime alimentaire, de


l’exercice physique et de l’état de jeûne. Il n’existe pas non plus de variations
avec l’âge et le sexe [5].

21
2.3.4. Variations pathologiques, causes d’erreur

2.3.4.1. Raccourcissement de la durée de vie des globules rouges

La valeur sémiologique de l’HbA1c comme marqueur rétrospectif et


cumulatif de l’équilibre glycémique au cours des 6 à 8 semaines précédant le
prélèvement chez le patient diabétique est conditionnée par une durée de vie
normale des hématies (120 jours) et une synthèse normale des hémoglobines
avec 97 à 99 % d’HbA. Si l’un de ces paramètres est modifié, l’interprétation du
dosage de l’HbA1c devient délicate, voire impossible [5, 18].

La glycation de l’Hb se produit dés les stades érythropoïètiques, puis tout


au long de la présence des globules rouges dans le courant circulatoire. Toute
modification de la durée de vie des hématies entraîne donc une perturbation de
cet équilibre, et la destruction prématurée des érythrocytes les plus âgées
diminue les valeurs d’HbA1c. Les hémolyses, quelle que soit leur origine (auto-
immune, mécanique, toxique, médicamenteuse), les hémorragies ou spoliation
sanguine importante et les traitements stimulant l’érythropoïèse entraînent un
rajeunissement globale de la population érythrocytaire en quelques jours et
rendent ininterprétable les résultats d’HbA1c. De la même façon, les antécédents
transfusionnels récents altèrent les taux d’HbA1c. La même situation est
rencontrée dans le cas de cirrhoses avancées qui provoquent l’augmentation de
la séquestration splénique des globules rouges, ainsi qu’une hémolyse
importante et d’hépatites virales traitées par Ribavirine® où les résultats
d’HbA1c sont sous estimés du fait de l’anémie régénérative provoquée par le
traitement [4, 19, 20].

Ces situations sont fréquentes en milieux hospitalier et leurs conséquences


sur les dosages d’HbA1c sont souvent méconnues des cliniciens [5].

22
2.3.4.2. Présence d’une hémoglobinopathie

La présence d’un variant peut induire une erreur d’interprétation avec pour
conséquence une décision thérapeutique inadéquate est donc des plus
importantes [5].

L’hémoglobine fœtale peut être à l’origine de résultats erronés avec les


techniques qui ne permettent pas de l’identifier ou de reconnaître spécifiquement
la fraction l’HbA1c [6].

2.3.4.3. Modifications post-traductionnelles de l'Hb

➢ Hémoglobine glyquée labile

L'Hb glyquée labile ou pre-Alc peut également interférer [5].

➢ Hémoglobine acétylée

In vitro, I'incubation d'Hb normale avec de l'aspirine conduit a la formation


d'Hb acétylée dont le point isoélectrique est proche de celui de I'HbAlc. L'Hb
acétylée est séparée de I'HbAlc par les techniques modernes de chromatographie
et n'interfère pas avec les techniques immunologiques. De plus, chez des
patients consommant chroniquement jusqu'a 1 g d'aspirine par jour, I'Hb
acétylée reste indétectable. L'interférence de I'Hb acétylée, quelle que soit la
méthode de dosage, semble donc peu probable [5].

Au cours de l’éthylisme chronique, une acétylation de l’hémoglobine est


également observée, avec les mêmes conséquences sur son comportement en
électrophorèse et chromatographie d’échange cationique : des valeurs
relativement élevées d’hémoglobine acétylée ont été trouvées chez des patients
éthyliques (2 à 3 %), mais on ne possède pas vraiment de résultats d’études à

23
grande échelle qui puissent affirmer le rôle réel de cette interférence dans les
dosages de l’HbA1c [6].

➢ Hémoglobine carbamylée et insuffisance rénale

L’hémoglobine carbamylée en quantité importante chez les insuffisants


rénaux peut augmenter sensiblement les valeurs observées de l’HbA1c [5].

2.3.4.4. Autres interférences [6]

➤ Lipémie
Lorsque la triglyceridémie est élevée, certaines techniques peuvent être
affectées comme l’électrophorèse ou encore la chromatographie sur
minicolonnes d échange ionique appliquée au cours de l’HbA1c dans son
ensemble. Dans ces cas, les résultats peuvent être faussement élevés ou
l’interprétation délicate (mauvaise séparation des bandes en électrophorèse). Un
prétraitement de l’échantillon peut être nécessaire.

➤ Bilirubine : aucun effet n’est décrit.

2.3.5. Interprétation

Aujourd'hui, on admet généralement qu'un taux d'HbA1c de 4 à 6 % est


normal et que le taux de 7 % représente le seuil à ne pas dépasser afin d'éviter
les complications. Une récente campagne nationale d'information des patients
diabétiques est de leur entourage, intitulée "sous le 7" promulgue d'ailleurs la
valeur de 7 % comme objectif de valeur d'HbA1c à ne pas dépasser [3].

Un groupe européen pour le traitement du diabète de type I a défini une


stratégie applicable à tous les laboratoires quelles que soient les techniques de
dosage utilisées. Il recommande à chaque laboratoire de définir ses propres

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valeurs de référence à partir d’une population témoin non diabétique, de calculer
une valeur moyenne et un écart-type pour évaluer la dispersion des valeurs. Le
contrôle glycémique est jugé insuffisant chez les patients présentant des valeurs
d’HbA1c supérieures à la moyenne observée + 5 écarts-type [6].

Par ailleurs, il est certainement très difficile, voire impossible de comparer


les résultats émanant de laboratoires différents obtenus par des techniques
différentes. Pour cela, le suivi d’un patient diabétique doit être réalisé par la
même technique dans le même laboratoire [21].

2.3.6. Intérêt clinique de l’HbA1C

2.3.6.1. Surveillance des maladies diabétiques

Molécule " espionne", l’HbA1c permet de connaître ce que le patient sait en


partie à partir du dosage qu’il a effectué chez lui, mais s’efforce parfois de
cacher à son médecin : ses taux de glycémie sur une longue durée.

Dés lors, l’hémoglobine glyquée servira d’une part, comme un dispositif de


surveillance et de gestion de la maladie, alors que pour le chercheur (clinicien,
biologiste ou épidémiologiste), elle est un outil de connaissance qui permet
d’avancer dans la compréhension des complications du diabète.
Schématiquement, des taux d’HbA1c élevés signifient, soit des doses
insuffisantes d’insuline, soit une mauvaise répartition de ces doses dans la
journée, soit en fin, un régime alimentaire ou une activité physique inadaptée.

L’invention de l’hémoglobine glyquée apparaît à la fois comme un


dispositif technique donnant des informations sur les taux de glucose dans le
sang des diabétiques, un dispositif de surveillance normatif permettant de

25
discipliner " le mauvais patient", en fin de compte, un dispositif cognitif
permettant la réalisation des grandes enquêtes cliniques.

♦ Corrélation entre l'HbA1C et la glycémie

La corrélation entre le taux d'hémoglobine glyquée et l'hyperglycémie


chronique des deux mois précédant son dosage est bien établie. En moyenne,
une augmentation de 1 % en HbA1c (ou HbA1) correspond à une élévation de la
glycémie antérieure de 0,3 g.L- 1 (ou 0,5 g.L- 1) [21].

♦ Corrélation entre l'HbA1c et les complications chroniques du diabète

Deux études randomisées ont clairement montré le lien entre


l'augmentation de l'HbA1c (reflet de la glycémie moyenne) et l'augmentation
exponentielle du risque de complications principalement micro vasculaires :
l'étude DCCT dans le diabète de type 1 et l'étude UKPDS dans le diabète de type
2.

Grossièrement, pour chaque élévation de 1% de l'HbA1c , on observe une


augmentation relative de 30% des complications micro vasculaires [12, 13].

♦ Corrélation entre l'abaissement de l'HbA1c et la réduction des complications

De nombreuses études prospectives ont montré qu'un bon équilibre


glycémique aboutissait à une réduction du risque de micro angiopathie
diabétique, se traduisant par la rétinopathie, la micro albuminurie et la
neuropathie [13, 22].

L’étude américaine DCCT a confirmé qu'un bon contrôle glycémique


autour de 7 % d'HbA1c sur plusieurs années diminuait la progression des
complications du diabète, en particulier la rétinopathie [12].

26
♦ Intérêt de l’HBA1C pour fixer des objectifs thérapeutiques

I'HbAlc est devenue indispensable au diabétologue ainsi que le montrent


plusieurs études longitudinales [23].

En général, l'objectif est d'obtenir des chiffres d'HbA1c les plus proches
possible des chiffres de référence. Pourtant, il ne faut jamais oublier que le
nombre d'hypoglycémies sévères s'accroît si le traitement est intensifié au point
d'obtenir des HbA1c quasi normales [21, 24, 25, 26].

D’après la recommandation «Traitement médicamenteux du diabète de


type 2 » publiée par l’AFSSAPS et la HAS en novembre 2006, le recours aux
antidiabétiques oraux a lieu lorsque les mesures hygiéno- diététiques ne suffisent
plus à contrôler la glycémie : HbA1c > 6 % [27]. Les différentes étapes de
traitement sont rappelées dans le tableau ci-contre.

27
Tableau IV. Escalade thérapeutique dans le diabète de type 2 [27].

2.3.6.2. Dépistage du diabète

Déjà évoqué par différents auteurs ces dernières années à partir des
données épidémiologiques en raison de sa sensibilité élevée, l’utilisation de
l’HbA1c dans le dépistage du diabète est une procédure qui devrait se
généraliser, suite à la standardisation des méthodes souhaitée par les pouvoirs
publiques [28]. En effet, il existe une relation entre la valeur de l’HbA1c en
pourcentage et la moyenne des glycémies sur 2 ou 3 mois, la figure 4 illustre
cette relation [29, 30].

Si le test de dépistage se révèle positif, c’est à dire HbA1c ≥ à 6 % pour un


laboratoire ayant un intervalle compris entre 4 et 6 %, il sera nécessaire de
pratiquer une épreuve de charge pour confirmer le diagnostic. En pratique
courante, le médecin est d’abord alerté par une histoire familiale (antécédents
familiaux du diabète), ou des signes cliniques évocateurs, tels que le surpoids
[28].

28
Cependant, cette indication demeure encore discutée même après plusieurs
années de débats et de controverses [29].

Figure 4. Relations entre les valeurs d’ HbA1c (%) et la moyenne


glycémique mesurée sur deux à trois mois [29, 30].

2.3.6.3. Autres utilisations cliniques


D’autres pistes de l’utilisation du dosage de l’HbA1c sont actuellement
explorées en cardiologie (syndrome coronarien), en pathologie vasculaire
(artériopathie), en néphrologie (insuffisance rénale), en hématologie (anémie) ou
en cancérologie (facteurs de prédisposition) [29].

➢ En cardiologie

29
Une étude récente réalisée chez 332 patients admis pour prise en charge de
syndrome coronarien aigu, a montré que le risque de mortalité dans le groupe de
patients ayant un taux d’HbA1c inférieur à 6,2 % versus le groupe de patients
avec une HbA1c supérieur à 6,2 est respectivement de 10 et 17 %. Les études
sont en cours pour évaluer l’impact de la régulation intensive de la glycémie au
moment de l’infarctus sur l’amélioration du pronostic vital à long terme [29].

➢ En oncologie

Le diabète semble associé à un risque élevé du cancer colorectal. Dans une


étude réalisée en 2004, Khaw a démontré qu’une augmentation de 1 % du taux
de l’HbA1c était associée à une augmentation d’environ 33 % du risque de
développement du cancer colorectal. Si ces résultats sont confirmés, cette
découverte favoriserait le développement de stratégie préventive très efficace
[29].

➢ Dans les pathologies vasculaires

Une corrélation a été établie entre le taux d’HbA1c en pourcentage et le


développement d’artériographie chez les patients diabétiques. En effet, les
patients ayant un taux d’HbA1c dépassant 7,5 % sont 5 fois plus sujets à
développer une artériopathie que ceux dont le taux d’HbA1c est inférieur à 6 %
[29].

➢ En hématologie

30
Selon une étude turque, l’HbA1c pourrait être utilisée pour différencier
l’anémie par carence martiale de la thalassémie mineure. Le taux moyen
d’HbA1c était diminué dans le groupe de thalassémiques. Un cut-off de 5 % de
l’HbA1c avait une sensibilité de 95 % et une spécificité de 75 % pour
différencier les deux groupes. Des études plus larges sont nécessaires pour
valider cette découverte [29, 31].

➢ En néphrologie

Une équipe japonaise a récemment publié les résultats de l’équilibre


glycémique chez les patients hémodialysés chroniques. L’analyse de cohorte
étudiée montre que l’HbA1c devrait être maintenue à un taux inférieur à 8 %
chez le patient diabétique hémodialysé, comme le recommande le National
Kidney Foundation Task Force on Cardiovascular Disease, une valeur
supérieure que celle recommandée par l’ADA (7 %). Ce taux moyen fournit une
protection sûre contre les maladies métaboliques, les risques d’infection et
d’hypoglycémie très fréquents chez ces patients [29, 32].

Dans une étude récente, la possibilité de l’utilisation de l’HbA1C pour


prédire la survenue du diabète en post-transplantation rénale a été examinée, elle
a montré une meilleur sensibilité de l’HbA1c comparée à la glycémie à jeûne
pour diagnostiquer les cas de diabète survenus en post- greffe rénale [29, 33].

31
II- VALIDATION ET MISE AU POINT D’UNE METHODE DE
DOSAGE EN BIOLOGIE MEDICALE

Le respect des règles d'assurance qualité des laboratoires oblige à procéder


à la validation des techniques en préalable à leur utilisation et à le justifier. En
effet, le choix de la technique et sa fiabilité est l’un des facteurs déterminants
des résultats des analyses de biologie médicale. C’est une responsabilité qui

32
incombe au biologiste qui doit sélectionner ses outils et méthodes et les valider
en vue d’assure la transférabilité des résultats dans la mesure du possible comme
le recommande les référentiels qualité. Il s’agit d’une exigence du système
«Assurance qualité » et un pré-requis indispensable dans le cadre de
d'accréditation des laboratoires selon les normes ISO 17025ou 15189.

A. Les référentiels qualité applicables dans les laboratoires d’analyse de


biologie médicale

Deux catégories de référentiels peuvent être distinguées :

 les référentiels obligatoires que sont le GBEA, le manuel


d’accréditation de l’ANAES (actuelle HAS), et plus récemment la
norme ISO 15189 rendue obligatoire en 2009 [34]. Le GBEA et la
norme ISO 15189 seront présentés,

 les référentiels choisis dans le cadre d’une démarche qualité


volontaire : les normes NF EN ISO 9001, NF EN ISO 17025 [35].

1. Le guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale

Il s’agit d’un référentiel opposable à tout laboratoire de biologie médicale.


La parution de ce texte réglementaire et obligatoire, défini en annexe de l’arrêté
du 02 novembre 1994, a été un événement important pour tous les laboratoires
privés et publics: tous aujourd’hui prennent en compte les dispositions du
GBEA. L’assurance qualité fait désormais partie intégrante de l’activité.

Cinq ans après sa première parution, le GBEA a été modifié par l’arrêté du
26 novembre 1999 publié au Journal Officiel le 11 décembre 1999. Les
principales évolutions portent sur l’instrumentation en particulier le suivi
métrologique des équipements, la gestion des réactifs, l’informatique, le

33
transport des échantillons biologiques et la mise en oeuvre des techniques de
biologie moléculaire.

Le GBEA décrit les conditions d’exécution des analyses et présente


l’avantage de donner des détails pratiques. La mise en application des
dispositions du GBEA doit permettre de maîtriser l’ensemble des tâches pré
analytiques, analytiques et post-analytiques : depuis le prélèvement de
l’échantillon biologique auprès du patient jusqu’à la transmission du compte-
rendu d’analyses. Le GBEA comprend les règles de fonctionnement concernent
l’organisation en termes de personnel, l’installation et l’instrumentation. Une
partie importante est consacrée à l’exécution des analyses, elle précise toutes les
étapes à formaliser par des documents écrits [35].

Le Guide de bonne exécution des analyses indique (chapitre I.1) que


« C’est au biologiste qu’incombe le choix de méthodes optimisées, utilisées dans
un grand nombre de laboratoires et recommandées par les sociétés scientifiques
nationales ou internationales de biologie ou, le cas échéant, validées par lui-
même à condition qu’elles permettent, dans la mesure du possible, le transfert
des résultats » et (chapitre III.1) que « des procédures opératoires doivent être
techniquement validées afin d’assurer la qualité des résultats » [36].

Un GBEA marocain sera bientôt applicable à l’échelon national [37].

2. La norme NF EN ISO 15189

Elle est beaucoup plus spécifique ainsi que l’indique son titre :
«Laboratoires d’analyses de biologie médicale. Exigences particulières
concernant la qualité et la compétence ».

34
La version française est parue en octobre 2003. Cette norme conjugue les
exigences du système qualité de la norme NF EN ISO 9001 : 2000 et les
exigences techniques propres aux analyses de biologie médicale. Avec une
partie « Exigences relatives au management » et une partie « Exigences
techniques » qui prend en compte l’ensemble de l’analyse y compris les phases
pré- et post analytiques. Son sommaire est très voisin de celui de la norme NF
EN ISO/CEI 17025.

Les thèmes abordés dans la partie «Exigences relatives au management»


sont déjà cités dans la norme NF EN ISO 9001 (actions préventives, actions
correctives, revue de direction, audits, etc.). Les chapitres « Analyses transmises
à des laboratoires sous-traitants » « Services externes et approvisionnement » et
« Prestation de conseils » sont en revanche spécifiques. Les exigences
techniques concernent les procédures pré analytiques, analytiques, post
analytiques et le compte-rendu des résultats mais aussi le personnel, les locaux
et conditions environnementales, le matériel de laboratoire. C’est le premier
référentiel normatif spécifique qui couvre la totalité de l’activité des LABM
[35].

Dans la nouvelle norme NF EN ISO 15189, la validation est retrouvée dans


le paragraphe 5.5.2: "le laboratoire doit utiliser uniquement des procédures
validées pour s’assurer qu’elles conviennent à l’utilisation prévue. Les
validations doivent être aussi approfondies que nécessaire pour répondre aux
besoins de l’application ou du domaine d’application concerné(e). Le
laboratoire doit enregistrer les résultats obtenus et la procédure utilisée pour
la validation." [38].

B. procédure de Validation d’une méthode en biologie médicale

35
Analyser, choisir, valider sont les préoccupations majeures de tout
responsable d'un laboratoire d'analyses médicales, qu'il soit public ou privé. En
effet, Chaque résultat de mesure est affecté d'une erreur totale (inexactitude)
qu'il convient d'identifier en recherchant ses composantes, de qualifier et de
quantifier. Les erreurs mises en évidence à partir des résultats d'une évaluation
sont la résultante d'erreurs systématiques (erreur de justesse...) et d'erreurs
aléatoires (imprécision) auxquelles s'ajoutent des erreurs de spécificité et des
erreurs grossières [39].

1. Définitions [39]

 Erreur systématique

C'est la différence entre la moyenne qui résulterait d'un nombre infini de


mesurages du même mesurande, effectués dans des conditions de répétabilité et
une valeur vraie du mesurande. L'erreur systématique est égale à l'erreur moins
l'erreur aléatoire.

 Erreur de justesse

Il s'agit de l'erreur systématique d'indication d'un instrument de mesure.


Elle est normalement estimée en prenant la moyenne de l'erreur d'indication sur
un nombre approprié d'observations répétées. Elle est aussi appelée biais.

 Exactitude de mesure

Elle correspond à l'étroitesse de l'accord entre le résultat d'un mesurage et


une valeur vraie du mesurande.

 Répétabilité

36
Elle se définit comme l'étroitesse de l'accord entre les résultats des
mesurages successifs du même mesurande, les mesurages étant effectués dans la
totalité des mêmes conditions. Elle est estimée par les paramètres d'évaluation
de la dispersion : ET et CV.

 Reproductibilité

Elle se définit comme l'étroitesse de l'accord entre le résultat des mesurages


du même mesurande, les mesurages étant effectués en faisant varier les
conditions de mesure. Elle est estimée par les paramètres d'évaluation de la
dispersion : ET et CV.

La figure 5 schématise l’ensemble de ces définitions.

Figure 5. Schéma illustrant le concept d'incertitude des mesures [39].

2. Protocole d’évaluation

La commission de validation de techniques de la SFBC a publié un


protocole de validation de techniques en 1986, complété en 1993. Ce document
permet la définition des normes d’acceptabilité (limites de reproductibilité, de
justesse et d’exactitude) pour une centaine d’analytes et des niveaux de

37
concentrations pertinents choisis pour correspondre le plus souvent à des
niveaux de décisions médicale différents. L’intérêt d’un protocole rationnel et
standardisé est de simplifier et d’optimiser le travail d’évaluation, d’uniformiser
la présentation des données et de permettre un jugement comparatif des résultats
obtenus par des évaluateurs ou des laboratoires différents. L’exploitation
informatique des résultats est facilitée par l’utilisation de logiciels adaptés au
protocole de validation de techniques [9].

Ce référentiel est destiné à ceux qui effectuent des évaluations de


techniques pour juger de leur qualité et les valider en fonction de leur
reproductibilité, et de leur justesse en comparant les résultats avec ceux d'une
technique choisie comme référence. Pour chaque analyte et chacun des trois
niveaux de concentration, des préparations de contrôle à utiliser pour une
évaluation (bas, moyen, haut), des spécifications de répétabilité, de
reproductibilité, de justesse (erreur systématique) et d'exactitude sont définies en
suivant un protocole commun (voir tableau relatif aux limites d’acceptabilité
proposées par le protocole valtec en annexe).

Ce référentiel est un outil qui doit évoluer et constitue un élément de


dialogue propice au développement du partenariat entre biologistes et cliniciens,

biologistes et industriels [39].

3. Etapes techniques du protocole de validation

Elles comprennent une période de familiarisation et une période


d’évaluation [40].

3.1. Période de familiarisation

38
D'une durée minimale de 3 jours consécutifs, la période de familiarisation
est destinée à former les utilisateurs et à révéler les problèmes liés à l'essai. Elle
est fonction de la complexité de la technique étudiée.

3.2. Période d’évaluation

La période d'évaluation d'une durée de 20 jours minimum, peut se


décomposer en différents modules correspondants à l’évaluation de chacune de
ces caractéristiques :

- Domaine analytique (limite de linéarité),

- Limite de détection,

- Appréciation de l’imprécision (répétabilité et reproductibilité),

- Appréciation de l’inexactitude,

- Etudes des interférences.

3.2.1. Evaluation du domaine d’analyse

Elle vise l’évaluation de la limite haute et basse de la relation linéaire


existant entre la concentration de l’analyte observée et la dilution effectuée. Elle
comporte plusieurs étapes qui se succèdent après la dilution d'échantillons de
concentration très élevée :

- analyser chaque dilution en triple,


- reporter les résultats sur un graphe yi = f (xi) où yi représente la
moyenne des valeurs observées pour chaque dilution et xi la dilution,

39
- exprimer en pourcentage de la valeur de la solution dont la
concentration est plus élevée, les résultats observés pour chaque point de la
gamme et les reporter sur un graphe en fonction de la dilution effectuée.

La partie rectiligne de la courbe correspond à la zone de linéarité à


l’intérieur de laquelle les résultats sont validés [9].

3.2.2. Evaluation de la limite de détection

La limite de détection d’une technique est la plus petite quantité ou


concentration qui peut être distinguée, avec une probabilité connue, d’un blanc
de la réaction réalisé dans les mêmes conditions. Elle est égale à K fois l’écart
type de précision, mesuré sur le blanc réactif (K est calculé en fonction des
risques α et β, α étant le risque de considérer une grandeur comme différente de
zéro alors qu’elle est nulle, β celui de considère une grandeur comme nulle alors
qu’elle n’est pas nulle). Elle vise à déterminer, pour une technique donnée, dans
les mêmes conditions d’exécution propres à chaque laboratoire, la plus faible
concentration de l’analyte à doser qu’elle est susceptible de détecter. Cette
valeur limite doit être associée à chaque résultat d’analyse chaque fois que celle-
ci est importante pour l’interprétation des résultats [9].

3.2.3. Evaluation de la répétabilité et de la reproductibilité

Son objectif est d’évaluer la dispersion des résultats obtenus à partir des
aliquotes d’un même spécimen distribuées dans une même série d’analyse
(répétabilité) ou dans des séries différentes (reproductibilité).

♦ Evaluation de la répétabilité

En pratique, cet essai est réalisé au cours d'une même série. Il est
recommandé d'utiliser plusieurs niveaux de concentration ("bas", moyen,

40
"élevé"). Ces niveaux sont choisis en fonction des valeurs physiopathologiques.
Le nombre de détermination dépend de la cadence de l'automate à valider, du
coût des réactifs, etc. Cet effectif peut être compris entre 10 et 30 (5 si technique
manuelle et/ou réactif très onéreux). La valeur statistique des résultats obtenus
dépend de ces effectifs.

L'exploitation des résultats consiste à calculer la moyenne (m), l'écart-type


(s) et le coefficient de variation (CV) des valeurs expérimentales de chaque
série. Pour mémoire, le CV est :

∑ xi ∑ (xi- m) 2 C V (S) x 100


e n
m= S= CV en % =
n n-1 m m

Le CV ainsi calculé est une expression simplifiée de la répétabilité de la


méthode en %.

♦ Evaluation de la reproductibilité

En pratique, cet essai est réalisé au cours de séries successives en général 1


à 2 par jour par le passage des échantillons de contrôle de qualité interne (CQ)
quotidiens.

15 à 30 déterminations minimums, selon les techniques sont nécessaires


pour chacun des types d’échantillon.

Les modalités de calcul sont identiques à celles de la répétabilité, avec


calcul de la moyenne (m), de l'écart-type (s) et du coefficient de variation (CV)
sur les valeurs expérimentales de chaque série: le CV ainsi calculé est comparé
au CV limite admissible [9,41].

3.2.4. Evaluation de la justesse

41
Elle vise à mettre en évidence des erreurs systématiques (affectant d’une
erreur de même signe tous les spécimens analysés) d’ordre proportionnel
(dépendant de la concentration de l’analyte) ou constant (indépendant de la
concentration de l’analyte à doser) indépendamment de l’erreur aléatoire de
reproductibilité [9].

3.2.5. Evaluation de l’exactitude et de la justesse par comparaison de


techniques

Cette étape évalue l’exactitude d’une technique B par rapport à une


technique A. Pour cela, on analyse au moins 40 échantillons de patients,
couvrant l'étendue du domaine physio-pathologique. Ces échantillons, frais de
préférence, sont analysés en simple par les 2 techniques, dans des conditions de
temps le plus possibles [9, 41].

Les résultats sont examinés au fur et à mesure, et vérifiés si la discordance


est jugée supérieure aux limites préétablies.

Pour chacun des couples retenus xi (méthodes A) et yi (méthode B), le


protocole consiste à :

∎ Calculer les différences xi- yi.


∎ Calculer les rapports yi / xi.

∎ Etablir les graphiques des différences (xi - yi) fonction de xi et


(yi/ xi) fonction de xi, et reporter les limites retenues en valeurs absolues ou
relatives sur ces graphiques.
∎ Calculer la droite de régression la mieux adaptée pour définir la

relation statistique liant les résultats de la technique A à ceux de la technique B.

42
Parmi les droites de régression répondant aux critères fixées (York,
Passing Bablock…) la plus facilement exploitable est la droite des moindres
rectangles [9].

Les paramètres de la droite de régression des moindres rectangles sont les


suivants :

Y = bx +a a = myi + b mxi b = Syi / Sxi

myi= moyenne des valeurs yi yi= moyenne des valeurs xi


Syi = écart type des valeurs yi Sxi= écart type des valeurs xi

3.2.6. Verification des valeurs de références

Les valeurs de références devront être vérifiées le cas échéant et si possible,


par bibliographie et/ou par calcul statistique. Ce calcul peut se faire de la
manière suivante :

● Après une période d’utilisation permettant d’obtenir un nombre de


valeurs significatif (n > 100),

● A partir de patients exempts de pathologie (si possible),

● Ecarter toutes les valeurs >à m + 2s et < à m – 2s,

● Recalculer la moyenne (moyenne normalisée) mn et l’écart-type


(écart-type normalisé) sn à partir des valeurs ainsi retenues.

Les valeurs de références seront données par l’intervalle [mn – 2 sn; mn +

2 sn] [9, 41].

43
3.2.7. Etude des interférences

Les défauts de spécificité ou de sensibilité aux interférences peuvent être


évalués par surcharge d’un spécimen biologique par un composé dont la
présence est susceptible d’entraîner un résultat inexact, soit par excès, soit par
défaut. Le protocole se propose d’appréhender de façons quantitative l’influence
de certains composés d’origine endogène (hémoglobine, bilirubine, colorant…)
ou exogène (médicaments, aliments, toxiques…).

Un spécimen de concentration connue de l’analyte à doser (niveau moyen)


est surchargé par une solution concentrée de la substance susceptible d’interférer
pour obtenir plusieurs niveaux de concentration.

La valeur moyenne observée pour le spécimen non surchargé est soustraite


de la valeur moyenne observée pour chaque spécimen. Les différences
observées (négatives ou positives) sont reportées sur un graphe en fonction de la
concentration de la substance interférente et comparées à des limites.

Les normes utilisées correspondent à la norme d’interprétation (valeur


moyenne) du protocole de validation de techniques.

Les conclusions de ces essais in vitro doivent être confirmées par l’étude de
spécimens de patients présentant des caractéristiques ou de traitements
équivalents [9].

44
PARTIE II
ETUDE PRATIQUE

45
I- MATERIELS ET METHODES

A. Automates et méthodologies analytiques

Le dosage de l’Hb A1c a été réalisé simultanément sur les deux automates
suivants :

46
● Le Cobas Intégra® de la société Roche diagnostics, automate
multiparamétrique de biochimie qui dose l’HbA1c par immunoturbidimètrie,
technique de comparaison,

● Le D-10® de chez Bio-Rad, mis à la disposition du laboratoire pour


évaluation, utilisant la CLHP.

1. D-10® : Présentation et principe méthodologique

Le D-10® est un analyseur compact, peu encombrant (dimensions : 402 mm


(L) x 476 mm (H) x 534 mm (P), poids de 35 Kg). Il s’agit d’un système de
CLHP par échange d’ions utilisable pour le dosage des hémoglobines A 1c
(HbA1c), A2, F et le dépistage des variants de l’hémoglobine. Dans notre étude,
nous l’avons utilisé seulement pour le dosage de l’HbA1c dans le cadre du suivi
des patients diabétiques et avec l’option passeur d’échantillons. Il comporte :
- un système de prélèvement, de dilution des échantillons et de lavage ;
- un module chromatographique contenant une pompe double piston, une
vanne et une boucle d’injection de 25 µL, une enceinte thermostatée contenant
la colonne échangeuse d’ions, un détecteur (diode électroluminescente) ;
- un module électronique comprenant une imprimante, un écran tactile et
un PC équipé d’un logiciel permettant une connexion bidirectionnelle avec
l’informatique du laboratoire.

47
Figure 6. L’analyseur D-10® de Bio Rad
(Laboratoire de biochimie H.M.I.M.V)

Le passeur d’échantillons permet le chargement en continu et le stockage


après analyse des échantillons autorisant une capacité de chargement de 50 tubes
par série (cinq positions de racks de 10 tubes).

Le travail en routine se fait sur tubes primaires fermés identifiés,


l’échantillon étant prélevé directement après percement du bouchon par
l’aiguille de prélèvement évitant ainsi tout risque d’accident avec exposition au
sang. Des adaptateurs sont fournis pour travailler sur micro tubes (pédiatrie), sur
échantillons de contrôle et sur échantillons pré dilués.

Le dosage repose sur une méthode de CLHP certifiée NGSP. Les


échantillons sont automatiquement dilués dans le système D-10®, puis injectés
dans le circuit d’écoulement analytique et appliqués à la cartouche analytique.

48
Le système D-10® envoie un gradient programmé de tampon de force
ionique croissante dans la cartouche, les molécules d’hémoglobine sont alors
séparées en fonction de leur interaction ionique avec le matériau contenu dans la
cartouche. Elles traversent ensuite la cellule à circulation du photomètre filtre où
sont mesurés les changements d’absorbance à 415 nm. Le logiciel D-10 intègre
les données brutes recueillies lors de chaque analyse. Un compte rendu
d’analyse et un chromatogramme sont générés pour chaque échantillon. Il
comporte les informations suivantes : date et heure du dosage, identification de
l’échantillon (calibrant, contrôle, patient), identification de l’injection (numéro
de la série, numéro de l’injection, position de l’échantillon sur le rack), le
chromatogramme, les surfaces et les temps de rétention des différents pics
identifiés et le taux de l’HbA1c en %. La Figure 7 illustre des exemples de
chromatogrammes obtenus avec la méthode D-10® HbA1c.

Pour un sang normal, six fractions sont identifiées dans l’ordre de leur
élution : HbA1a, HbA1b, HbF, HbA1c labile identifiée « LA1C » sur le
chromatogramme, HbA1C, HbA0. La surface de l’hémoglobine A1c est calculée à
l’aide d’un algorithme gaussien exponentiellement modifié qui permet d’exclure
la surface des pics dus à l’HbA1c labile et à l’hémoglobine carbamylée de la
surface du pic A1c.

La séparation des fractions s’effectue en 3 minutes dans le programme Hb


A1c, en 6.5 minutes en programme A2/F/A1c. Le passage d’un programme à
l’autre se fait sans changement de réactifs ni de cartouche et sans soumettre le
système à un nouveau conditionnement.

49
Figure 7. Exemples de chromatogrammes obtenus avec la méthode D10®
HbA1C

2. Cobas-Intégra®: Principe méthodologique du dosage de l’HbA1c

Le Cobas-Intégra® 400 de Roche (figure 8), est un automate


multiparamétrique dont le panel d’analyse s’étend à la biochimie, à la
pharmacologie, à la toxicologie de routine, ainsi qu’au dosage des protéines
spécifiques. Il s’agit d’un système fermé à réactifs captifs, dont la cadence

50
analytique est d’environ 400 tests/ heure, fonctionnant habituellement 24h/ 24h
sans interruption.

La technique de dosage de l’HbA1C sur le Cobas-Intégra® 400 repose sur le


principe de l’immunoturbidimétrie.

Après hémolyse, l’Hb libérée subit une dégradation protéique par la


pepsine pour permettre la réaction immunologique avec la partie N-terminale de
la chaîne β.

Pour le dosage de l’Hb, les hèmes sont oxydés. L’Hb totale est déterminée
dans l’hémolysat à l’aide d’une méthode colorimétrique n’utilisant pas le
cyanure et fondée sur la formation d’un chromophore brun-vert dans une
solution détergente alcaline. L’intensité de la couleur est proportionnelle à la
concentration en Hb de l’échantillon et déterminée par la mesure de
l’augmentation de l’absorbance à 552 nm. Le résultat du dosage est calculé à
l’aide d’une constante déterminée à partir du calibrateur primaire chlorohémine.

Le dosage de l’HbA1C utilise des anticorps monoclonaux fixés à des


particules de latex. Les anticorps se lient à la partie N-terminale de la chaîne β
de l’HbA1C.

Les anticorps encore libres sont agglutinés à l’aide d’un polymère


synthétique présentant plusieurs répliques de la partie N-terminale de la chaîne β
de l’HbA1C. La variation de turbidité est inversement proportionnelle à la
quantité de glycoprotéines liées et est mesurée par turbidimétrie à 552nm. La
figure 9 résume de façon schématique ce principe.

Un polypeptide synthétique comprenant la partie N-terminale de l’HbA1C


est utilisé pour la calibration.

51
Le résultat final est exprimé en pourcentage d’HbA1C et calculé à partir du
rapport HbA1C/Hb et d’une équation de conversion pour établir la corrélation
avec la méthode HPLC de référence : HbA1C (%) = (HbA1c/Hb) ×170,8 + 1,94

Cette technique présente les spécificités suivantes :


- Un CV de 1,96% pour le niveau bas et de 2,21% pour le niveau haut en
répétabilité, respectivement de 2,71 % et 2,63% en reproductibilité.
- Une linéarité satisfaisante jusqu’à 14,5% : y = 0,9941 X – 0,0384 et
R2= 0,9999.
- Des valeurs usuelles allant de 2,59 à 4,91%.

Figure 8. L’analyseur Cobas-Intégra® de Roche (laboratoire de biochimie


H.M.I.M.V)

52
Figure 9. Schéma illustrant le principe du dosage de l’HbA1C par
immunoturbidimétrie sur le Cobas-Intégra® 400.

53
B. Protocole d’évaluation :

Le protocole d’évaluation analytique s’inspire des recommandations du


protocole Valtec de la SFBC.

L’évaluation a été faite dans le cadre d’utilisation normale de l’automate


selon les recommandations de bonne pratique de la société Bio-Rad.

1. Echantillons analysés et pré-traitement

Des échantillons de contrôle de qualité de deux niveaux bas et haut ont été
utilisés pour l’étude des imprécisions intra et inter-séries. En ce qui concerne
l’évaluation des autres critères étudiant la performance analytique du D-10®, des
prélèvements de sang total effectués sur des tubes EDTA ont été requis. Ces
derniers provenaient de patients hospitalisés ou consultants dans les services de

L’HMIMV de Rabat.

L’hémolyse est faite soit de manière automatique lorsqu’il s’agit du dosage


sur le D-10®, ou bien manuellement si le volume de l’échantillon est insuffisant
ou si on opère sur le Cobas-Intégra® 400.

Des prélèvements sanguins supplémentaires ont été réalisés dans le cadre


de cette étude pour explorer la fonction rénale, la glycémie et la fonction
hépatique.

2. Etapes et procédures expérimentales

Les performances analytiques, notamment la répétabilité (imprécision


intra série), la reproductibilité (imprécision inter séries), la linéarité, les valeurs
de référence ont été évaluées. La comparaison des résultats ainsi que l’étude de
l’interférence de l’hémoglobine carbamylée ont été étudiées.

54
2.1. Imprécision intra et inter-séries

Pour l’étude de l’imprécision intra série (répétabilité) nous avons dosé


l’HbA1c 20 fois dans la même série pour chacun des deux niveaux de contrôle :
bas et haut. Les coefficients de variation, exprimés en pour-cent, ont été calculés
à partir de 20 passages successifs pour chaque niveau.

Pour tester la reproductibilité, les mêmes échantillons de contrôle (bas et


haut) ont été analysés 50 fois chacun sur une période de 25 jours dans 25 séries
différentes.

L’étude de l’imprécision n’a pu être effectuée pour les échantillons de


patients sains ou diabétiques en raison de l’éventuelle sur consommation des
réactifs, du volume sanguin nécessaire et de la durée de l’étude.

2.2. Linéarité

L’étude de la linéarité est effectuée sur 7 hémolysats, préparés en diluant


manuellement par mélange en proportions variables (5%, 25%, 50%, 75%, 95%)
de deux échantillons d’un ayant une concentration en HbA1c normale (5,45%) et
l’autre élevée (18,55%). Chaque point de gamme étant dosé deux fois de suite,
les valeurs attendues ont été calculées à partir des résultas obtenus avec les
échantillons purs initiaux normaux et à concentration élevée. Elles sont
comparées avec la moyenne des valeurs trouvées et par régression linéaire (y
étant la moyenne des valeurs mesurées d’HbA1c et x la valeur théorique
calculée pour les dilutions concernées).

55
2.3. Exactitude

L’exactitude a été étudiée en comparant les résultats d’HbA1c obtenus à


partir de 120 échantillons de patients, dont le taux d’HbA 1c varie de 4,9 % à
16,83 %, reçus au laboratoire et passés en double sur les deux automates : le
D10® et le Cobas-Intégra-400®. Dans la pratique, comme dans cette étude, cet
essai a été réalisé en même temps que l’étude de la reproductibilité. Différentes
techniques d’approche ont été utilisées lors de l’évaluation de l’exactitude :

- la droite des moindres rectangles, également appelée droite


d’allométrie, préconisée par le protocole Valtec,

- la méthode de Passing et Bablock.

2.4. Valeurs de référence

Les valeurs de référence ont été déterminées à partir d’une cohorte de 35


personnels navigants du Centre d’Expertise Médicale du Personnel Navigant
(CEMPN), ne présentant aucune anomalie biologique (bilan hépatique, bilan
lipidique, bilan rénal et ionogramme normaux).

2.5. Conservation des échantillons

Pour étudier la stabilité et l’influence de la conservation, 30 échantillons


ont été dosés avant et après conservation durant une semaine à + 4 °c.

2.6. Etude des interférences

L’étude de l’interférence de l’Hb carbamylée, c’est-à-dire celle de l’ion


cyanate formé à partir de l’urée sur la chaîne  de l’hémoglobine, a été réalisée
en comparant les taux d’HbA1c obtenus avec les deux méthodes dans deux
groupes de sujets :

56
- 37 patients non diabétiques, non insuffisants rénaux,

- 30 patients non diabétique, insuffisants rénaux chroniques, ayant une


concentration en urée > 0,86 g/l (114.33 mM), recrutés à partir du service de
néphrologie, dialyse et transplantation rénale.

L’interférence des variants d’Hb n’a pas été étudiée en raison de


l’indisponibilité de témoins et d’échantillons pathologiques au moment de
l’étude.

2.7. Analyse statistique

L’analyse des données a été effectuée à l’aide de logiciel Excel ® de


Microsoft®. La comparaison des techniques, a été réalisée au moyen du logiciel
Valtec 97 version 1.0.5.

57
II- RESULTATS

58
A. Evaluation analytique

1. Précision

Les résultats de l’étude de répétabilité pour les deux niveaux de contrôle


de qualité bas (5,5 %) et haut (10 %) sont reportés dans le tableau V. Les
coefficients de variation respectifs sont de 1,45 % et 0,68 %.

En reproductibilité, les CV obtenus sont de 2,74 % pour le niveau bas et


2,03 % pour le niveau haut (tableau VI).

Tableau V. Résultats de l’étude de la répétabilité

Paramètre % HbA1c

Echantillon de contrôle de qualité Bas Haut

N 20 20

Valeur moyenne 5,51 10,24

Ecart – type 0,08 0,07

Coefficient de variation% 1,45% 0,68

Limites acceptables 3,8% 3,8%

59
Tableau VI. Résultats de l’étude de la reproductibilité

Paramètre % HbA1c

Echantillon de contrôle de qualité Bas Haut

N 50 50

Valeur moyenne 5,47 10,30

Ecart – type 0,15 0,21

Coefficient de variation% 2,74% 2,03%

Limites acceptables 5% 5%

2. Linéarité

Les résultats de l’étude de la linéarité sont présentés dans le tableau VII et


la figure 10. La régression linéaire appliquée aux différents échantillons a fourni
des coefficients de corrélation « r2 » de 0,999.

60
Tableau VII. Résultats de l’étude de la linéarité

Tube n° 1 2 3 4 5 6 7

Hémolysât 1 (%)
[HbA1c : 18. 55%] 100 95 75 50 25 5 0

Hémolysât 2 (%)
[HbA1c : 5. 45%] 0 5 25 50 75 95 100

Valeur mesurée (%) 18,55 17,81 15 12,04 8,42 6,08 5,45

Valeur attendue (%) ---- 17,895 15,275 12 8,725 6,105 ----

61
Figure 10. Etude de la linéarité

3. Exactitude

Les résultats sont reportés sur les figures 11 et 12. Le coefficient de


corrélation fourni avec la droite d’allométrie et la méthode de Passing et
Bablock est de 0,99. Les équations de régression obtenues dans les deux cas
sont:

- moindres rectangles : y =0,84 x +2,45

- Passing Bablock : y =0, 82 x +2, 52

62
Figure 11. Etude de corrélation (Moindres rectangles)

Figure 12. Etude de corrélation (Passing Bablock)

63
4. Valeurs de référence

Les résultats trouvés chez 35 sujets sains sont présentés dans le tableau
VIII. Les valeurs de référence ont été fixées en prenant la valeur moyenne plus
ou moins deux fois l’écart - type de l’échantillon testé.

Tableau VIII. Valeurs de référence

HbA1c%

Moyenne (%) (n=35) 5,37%

Ecart – type 0,32

Valeurs de référence 4,73 - 6,00

5. Conservation des échantillons

Pour les 30 échantillons analysés, la valeur moyenne (+ 1SD) était de


8.89% (+2.41) avant conservation contre 8.99% (+ 2.37) après conservation.

6. Etude d’interférences : Spécificité

L’étude de l’interférence de l’Hb carbamylée, via l’analyse des résultats


obtenus avec les deux groupes de patients non diabétiques, insuffisants rénaux et
non insuffisants rénaux, ne montre pas de différence significative (p>0.05) sur
les équations des droites de corrélation ni entre ces deux groupes, ni avec
l’ensemble des 120 couples (Figures 13, 14).

64
Figure 13. Etude de l’interférence de l’Hb carbamylée chez les insuffisants
rénaux (Moindres rectangles et Passing Bablock)

Figure 14. Etude de l’interférence de l’Hb carbamylée chez les non


insuffisants rénaux (Moindres rectangles et Passing Bablock)

65
III- DISCUSSION

66
Etant donné le rôle de plus en plus décisif des analyses de biologie
médicale dans le diagnostic, le pronostic, la surveillance du traitement, la
prévention et l’épidémiologie des maladies, la fiabilité des résultats fournis par
le laboratoire est une condition indispensable à l’efficacité de la prise en charge
des patients.

La qualité du résultat dépend de nombreux facteurs dont l’un des plus


déterminants est représenté par la fiabilité des techniques de mesures adoptées
(instruments, analyseurs, réactifs, calibrateurs). Pour s’assurer de leur
performance, des évaluations sont nécessaires, comme cela a déjà été souligné et
permettent en fonction des critères définis de les valider, comme le recommande
la règlementation [9].

La présente étude a permis d’évaluer la praticabilité du nouvel automate


(D-10®) ainsi que la qualité analytique des résultats obtenus pour le dosage de
l’hémoglobine glyquée sur cet automate.

A. Praticabilité du D-10®

L’analyseur D-10® présente une excellente ergonomie et une très bonne


praticabilité avec une utilisation simple, une prise en main rapide, le contrôle de
l’automate par écran tactile et lecture automatique des codes à barres
d’identification des échantillons, le travail sur tubes primaires bouchés sans
prétraitement des échantillons et une maintenance réduite.

La calibration en 6 points sur le Cobas-Intégra®, est réalisée uniquement en


2 points sur le D-10®. Stable, cette calibration n’est effectuée que lors du
remplacement de la colonne ou en cas de dérive des résultats des contrôles.

67
L’analyseur garantit un délai de réponse des résultats nettement raccourci
(3min) par rapport au Cobas-Intégra® (15 min), permettant une estimation
immédiate de l’équilibre glycémique du patient par le diabétologue pendant la
consultation même, et autorisant une action thérapeutique sans décalage. Les
résultats des patients sont imprimés sous forme de chromatogramme. La
possibilité de connexion bidirectionnelle de l’analyseur permet son intégration
facile dans le système informatique du laboratoire. Cela facilite l’archivage des
résultats et permet leur validation à distance par le biologiste.

Par ailleurs, étant donné qu’il utilise une technique chromatographique, il


permet la mise en évidence fortuite des variants de l’hémoglobine sur les tracés
chromatographiques. Ces anomalies de l’hémoglobine peuvent passer
inaperçues en cas de dosage de l’HbA1c par immunoturbidimétrie sur le cobas-
intégra et ne seront donc pas prises en considération lors de l’interprétation des
résultats.

La mise en route journalière rapide, la possibilité d’effectuer des dosages


en série, l’absence de prétraitement du prélèvement et la faible maintenance
quotidienne de cet automate concurrent à sa praticabilité.

De plus le D-10® présente quelques avantages notables :

- La possibilité de pratiquer des prélèvements sur tube capillaire au bout


du doigt. Le capillaire rempli de sang est placé dans un micro-godet contenant
une solution hémolysante. Cette possibilité permet d’éviter les prises de sang
veineuses classiques, ce qui est très appréciable notamment chez les enfants ;
- La présence d’un passeur échantillon d’une capacité de 50 tubes
assurant une meilleure souplesse de travail en libérant le technicien ;

68
- La possibilité de pouvoir passer facilement d’un programme court
dédié au dosage de l’HBA1C au programme long permettant à la fois une
meilleure séparation des variants de l’hémoglobine et un dosage de l’HBA1C.

B. Performances analytiques

1. Evaluation de l’Imprécision

Les critères de précision (répétabilité et reproductibilité) sont satisfaisants


et répondent aux exigences émises par la SFBC et les sociétés scientifiques de
diabétologie et l’AFSSAPS (voire annexe). Les résultats objectivés par la
présente étude sont comparables à ceux obtenus avec d’autres analyseurs.

2. Domaine d’analyse

L’évaluation de la linéarité objective un résultat acceptable. Le dosage est


linéaire jusqu'à 17,8 % (HbA1c mesurée = 1,0018 HbA1c théorique + 0,1088,
r = 0,999), ceci est suffisant pour les besoins cliniques habituels. Ce résultat
concorde avec celui retrouvé dans l’étude de Marzullo et collaborateur, qui a
retrouvé une linéarité allant jusqu' à 18,3 % d’HbA1c (HbA1c mesurée = 0,96
HbA1c théorique + 0,24, r = 0,999) [42].

3. Evaluation de l’exactitude

Cette étape à pour objectif d’étudier la corrélation de la technique de CLHP


(y) adaptée sur le D-10® par rapport à la technique d’immunoturbidimétrie (x)
utilisée sur le Cobas-Intégra 400®, considérée comme technique de comparaison
car habituellement pratiquée au laboratoire.

Dans la pratique, comme dans le présent travail, cet essai a été réalisé en
même temps que l’étude de la reproductibilité.

69
Le calcul de la régression linéaire (droite des moindres carrées ou Passing
Bablock) montre une excellente corrélation (r = 0,99), statistiquement très
significative (p<0.001) entre les deux techniques. Les équations obtenues sont
comparables à la relation reliant les deux méthodes de standardisation NGSP du
programme américain certifiant le D-10®, et IFCC qui certifie la technique
adapté sur le Cobas-Intégra®, rappelée ici : NGSP = (0,915x IFCC) + 2,15. Cette
relation a été établie par les membres des deux groupes d’experts NGSP et IFCC
dans un souci de standardisation et de transférabilité des résultats [5].

Malgré les efforts de standardisation du dosage de l’HbA1c, l’ANAES


(actuelle HAS) recommande que les dosages successifs prescrits pour un même
patient soient réalisés dans le même laboratoire qui doit spécifier la méthode
utilisée, si cette méthode est certifiée, ainsi que l’intervalle des valeurs normales
[43].

Les résultats obtenus avec le D-10® sont nettement plus élevés qu’avec le
Cobas-intégra®. Pour assurer la transférabilité des résultats fournis par les deux
analyseurs, il est nécessaire d’appliquer l’équation de régression comme le
recommandent l’IFCC et le NGSP, en vue de ne pas rendre un résultat
pathologique à un patient sain et modifier ainsi la décision clinique et la prise en
charge thérapeutique [5].

4. Etablissement des valeurs de référence

Les valeurs de référence trouvées sont bien comprises dans les limites
fixées par l’ANAES (actuelle HAS), soit 4 - 6 % de l’Hb totale [43].

Dans le présent travail, les valeurs extrêmes de l’HbA 1c retrouvés sont de


4,6 % et 6,9 %.

70
Comme pour tout paramètre biologique, il existe pour l’HbA1c des
variations intra et interindividuelles. Elles ont été montrées chez le sujet non
diabétique mais sont difficilement directement extrapolables à une population de
diabétiques. Pour expliquer ces variations une hypothèse a été avancée : le
pouvoir de glycation. Quelques études montrent que chaque individu semble
être génétiquement déterminé quant à son pouvoir de glycation. Il y aurait ainsi,

d‘une part, les bons « glycators » (selon l’expression anglo-saxonne) qui

pourraient donc avoir un pourcentage d’HbA1c plus élevé que ne le laissent

supposer les glycémies et, d’autre part, les mauvais « glycators » qui, au

contraire aurait une valeur d ’HbA1c plus faible que ne le laissent supposer les
glycémies [4, 44, 45].

5. Conservation des échantillons

La conservation des échantillons pendant une semaine à +4°c n’a pas


modifié de manière significative le taux d’HbA1c. Selon certains auteurs, dans
les échantillons conservés plus longtemps peut apparaître un pic de glutathion-
hémoglobine sur le chromatogramme, élué juste avant le pic d'HbAo [46].

6. Evaluation de la Spécificité

6.1. Influence de l’Hb carbamylée

L’étude de la carbamylation in vivo dans les deux groupes de sujets


(insuffisants rénaux et non insuffisants rénaux) montre l’absence de
l’interférence de l’Hb carbamylée aussi bien avec la technique testée (sur le D-
10®) qu’avec la technique de comparaison (sur le Cobas-Intégra®). L’analyse

71
statistique des résultats obtenus avec les deux groupes de patients n’a pas révélé
de différence significative entre les moyennes des HbA1c (p = 0,4).

Le même résultat a été retrouvé dans le travail de Marzullo qui a étudié


l’influence de la carbamylation in vitro selon le protocole de Colin et al [47, 48].

L’Hb carbamylée provient de la réaction de la valine N-terminale des


chaînes β de l’Hb avec l’acide iso-cyanique. Ce dernier est issu de la protonation
du cyanate résultant de la dissociation de l’urée in vivo : 1mmol/l d’urée est en
effet associée à 0,063 % d’Hb carbamylée [5].

Les patients atteints d'insuffisance rénale sévère peuvent avoir des taux
d'Hb carbamylée de l'ordre de 3 %. Le point isoélectrique de I'HbA carbamylée
est identique à celui de I'HbAlc et peut potentiellement interférer dans les
méthodes basées sur la différence de charge. L'Hb carbamylée étant reconnue à
tort comme de l'HbA1c et donnant des valeurs faussement élevées de celle-ci.

La carbamylation in vitro de I'Hb augmente artificiellement, dans des


proportions variables selon les études (+ 0,02 % à + 1%), les taux d'HbAlc
mesurés par CLHP tandis que les méthodes immunologiques ne sont pas
affectées [5, 49,50].

De plus, chez les insuffisants rénaux sévères, l'interprétation des dosages


d'HbAlc est rendue délicate par l'existence d'une anémie et d'une diminution de la
durée de vie des globules rouges en cas d'hémodialyse. Chez des patients
diabétiques hémodialysés, il semblerait que des taux d'HbA lc compris entre 6 et
7 % reflètent le contrôle glycémique de la même façon que chez les sujets non
insuffisants rénaux tandis que des taux supérieurs à 7,5 % surestiment
I'hyperglycémie chronique [5,51].

72
Généralement, les méthodes de CLHP séparent nettement les deux formes
carbamylée et A1c de l’Hb, les techniques immunologiques ne sont pas non plus
affectées par la présence de l’Hb carbamylée [29].

6.2. Interférences analytiques des hémoglobinopathies

L’influence des hémoglobinopathies n’a pas été étudiée dans ce travail,


comme cela a été déjà évoqué. Mais de nombreux auteurs se sont intéressés à ce
type d’interférence.

Dans l’étude de Marzullo, l’évaluation de l’interférence des


hémoglobinopathies sur le dosage de l’HbA1c a été faite sur 65 patients porteurs
d’une anomalie de l’Hb (S, C, E, D). Ces différents variants de l’Hb ont été
détectés, et la possibilité d’avoir recours à une méthode longue permet de rendre
en présence des variants de l’Hb le résultat de l’HbA1c (exprimé en % de
l’HbA0). De même, selon la même étude, si l’on souhaite doser l’HbA 1c pour
une population présentant une forte prévalence de β-thalassémie, il faut utiliser
le programme long pour détecter l’HbA2 (temps de rétention du programme
long : HbA0 : 1,67 min, HbA2 : 3 ; 11 min) [47].

Le problème posé par la présence d’une hémoglobinopathie, devient de


plus en plus important tant pour les biologistes – quelle technique choisir ?- que
pour les cliniciens – comment interpréter le résultat par rapport aux cibles
recommandées? De nombreux cas rapportés dans la littérature montrent que, en
présence d’un variant d’hémoglobine et en fonction de la technique utilisée, les
résultats peuvent être faussement bas ou faussement hauts et au total
difficilement interprétables [4, 52, 53, 54, 55, 56, 57].

73
De plus, rien ne permet aujourd’hui de dire qu’un principe de dosage est
supérieur à un autre pour mesurer l’HbA1c chez les sujets porteurs d’une
hémoglobine anormale. En revanche, l’importance de signaler sa présence est
reconnue de façon internationale. En effet, Bisse et coll. ont montré que dans
certains cas chez le sujet hétérozygote, une mutation sur la chaîne β ralentie la
cinétique de glycation de la chaîne non mutée [58].

Plus de 800 variants d’hémoglobine ont été décrits, la prévalence


d’hémoglobinopathies décrite dans une population de diabétiques est de 0,6 ‰
mais peut être plus importante selon le recrutement des patients allant jusqu'à
provoquer un doute chez les prescripteurs pour qui « le nombre de variants
d’hémoglobine est peut- être un problème plus important que prévu » [59].

La prise en charge thérapeutique des ces patients peut alors être difficile car
les normes fixées grâce aux études du DCCT et de l’UKPDS l’ont été dans une
population de patients homozygotes AA [4].

La présence d’une hémoglobine anormale ne peut être évoqué que lorsque


la technique de dosage de l’HbA1c met en évidence l’anomalie qualitative
(chromatographie d’échange ionique haute performance). Avec les autres
méthodes de dosage, la présence d’un variant passe inaperçue alors que
l’interférence analytique est très variable selon le type d’anomalie de l’Hb et la
méthode utilisée. Idéalement, il faudrait d’abord détecter la présence de l’Hb

anormale pour décider s’il est légitime d’interpréter ou non les résultats [5].

Les résultats d'HbA1c mesurée par chromatographie seront inexacts lorsque


le variant de I'Hb ou son dérivé glyqué ne pourront être séparés de I'HbA ou de

HbA1c [49].

74
La figure 15 présente les situations observables en CLHP et leurs
conséquences sur le dosage d'HbA1c.

Figure 15. Représentation schématique des chromatogrammes

pour la mesure de l’HBA1C [5].

Dans le tableau II, dans la partie théorique, sont reportés les différents
types d’interférences décrites selon la nature de l’hémoglobinopathie.

En ce qui concerne les anomalies quantitatives de l’Hb, les méthodes


chromatographiques modernes détectent aisément les élévations d'HbF. En cas

75
de persistance héréditaire de I'HbF, la durée de vie des globules rouges n'est pas
affectée et les taux d'HbAlc obtenus par chromatographie sont interprétables. Les
anticorps utilisés dans les méthodes immunologiques ne reconnaissent pas les
chaînes γ de I'HbF et mesurent strictement I'HbAlc mais rapporté à I'Hb totale.
Les valeurs d'HbAlc mesurées par méthode immunologique sont ainsi sous-
estimées et ininterprétables.

Les β-thalassémies sont caractérisées par une augmentation des taux d'HbF
et d'HbA2 circulantes et par une hémolyse chronique qui croit avec la gravité de
la maladie. La mesure de I'HbA2 n'est en général pas possible par les méthodes
chromatographiques de dosage de I'HbAlc.

La recherche d'une β-thalassémie chez un patient issu d'une population à


risque peut s'avérer utile pour interpréter correctement ses taux d'HbA lc. Lors de
I'association d'une HbS avec une β-thalassémie, la durée de vie des globules
rouges est très diminuée et les taux d'HbAlc très sous-évalués par rapport à
1'equilibre glycémique [5, 60].

Quant à l’attitude à adopter devant la présence d’une hémoglobine


anormale chez un patient diabétique plusieurs solutions sont possibles:

• Utiliser un autre principe mais l’incertitude persistera sur la valeur à


prendre en compte pour l’ajustement thérapeutique ;

•Utiliser l’HbA1c obtenue lors de la première détermination et suivre le


patient avec la même technique afin qu’il soit son propre « témoin » [61] ;

• Utiliser un autre marqueur rétrospectif comme les fructosamines mais


l’incertitude portera alors sur le seuil décisionnel car il n’y a pas de consensus
sur la relation HbA1c - fructosamines [4, 62, 63, 64].

76
Avec le D-10®, il est possible de mettre en évidence la présence d’une Hb
anormale sous forme d’un pic dont le temps de rétention est postérieur à celui de
l’HBA1C, alors qu’avec l’integra-400®, la présence d’un variant de l’Hb passe
inaperçue rendant difficile l’interprétation des résultats. Il s’agit d’un des points
forts de l’analyseur testé.

6.3. L’hémoglobine glyquée labile

Elle s’agit d’un autre type d’interférences. Elle est évaluée après incubation
dans des solutions à forte concentration en glucose et observation dans le cas
d’une technique chromatographique de dosage de l’augmentation du pic
correspondant à la forme labile de l’Hb LA1c.

L'hémoglobine glyquée labile ou pré-Alc est la base de Schiff formée dans


la première étape réversible de la glycation de I'Hb dont la quantité est fonction
de la glycémie récente et non le reflet d'une glycation cumulative. En raison d'un
point isoélectrique proche de celui de I'HbAlc, elle n'est pas séparée de cette
dernière par les méthodes peu résolutives basées sur la différence de charge
(électrophorèse, CLBP, certaines CLHP).

Les coffrets réactifs sensibles à cette interférence sont commercialisés


avec un agent d'hémolyse qui permet d'éliminer la fraction labile. Les durées
d'incubation préconisées avant analyse doivent être strictement respectées pour
s'affranchir de I'interférence. Les méthodes de dosage immunologique ou par
affinité ne sont pas sensibles à I'hémoglobine glyquée labile [5].

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CONCLUSION

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L’HbA1c représente un élément majeur de la prise en charge du diabète
sucré, afin d’ajuster un traitement qui limitera les complications. Il revient au
biologiste de connaître les limites de la méthode utilisée afin d’avoir un regard
critique sur les résultats et d’apporter une aide à l’interprétation.

L’évaluation du nouvel analyseur D-10® pour le dosage de l’HbA1c que


nous avons menée selon le protocole Valtec, nous a permis de bien connaître les
caractéristiques de la nouvelle technique (précision, limite de linéarité,
transferabilité des résultats, interférences) et d’évaluer également l’automate
(praticabilité, convivialité et adéquation par rapport aux besoins du service). Son
objectif est de ne pas se contenter des descriptifs commerciaux donnés par les
sociétés, mais au contraire d’apporter des arguments critiques dans le choix et la
sélection des analyseurs.

Le principal inconvénient que nous avons relevé lors de cette validation est
la nécessité d’effectuer une prédilution pour les échantillons de faible volume et
d’identifier manuellement tous les échantillons pré dilués.

Sous ce type de réserve, le D-10® est donc un appareil intéressant puisqu’il


permet à de nombreux laboratoires de disposer d’un petit automate d’HPLC à la
fois fiable et facile d’utilisation répondant aux exigences des critères de
certification NGSP. Il semble donc répondre aux attentes des biologistes et aux
exigences des cliniciens et paraît compétitif au sein des analyseurs d’HbA 1c
présents sur le marché.

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