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Ces start-ups
camerounaises qui
lèvent des milliards
Compatible
tablettes et
smartphones
EDITORIAL
Yasmine Bahri-Domon,
directrice de la publication
08 • C ameroun : ces start-ups milliardaires 12 • S amule Nguiffo : « le régime actuel des
09 • U
n closing financier à près de 2 milliards
concessions est largement dépassé »
de FCFA pour Diool, spécialisé dans les
paiements digitaux
INVESTIR AU CAMEROUN
10 • H
ealthlane mobilise 1,3 milliard de FCFA Editeur
Stratline Limited
auprès des investisseurs, pour développer sa
Directrice de la publication
plateforme de services médicaux Yasmine BAHRI-DOMON
10 • U
n financement de 1,3 milliard de FCFA pour Chef d’édition
Aboudi OTTOU
Algo drone, lancé à la conquête du marché du
Rédaction
drone civil Brice R. Mbodiam, Sylvain Andzongo, Idriss Linge,
Muriel EDJO.
11 • L a fintech Maviance PLC lève 1,6 milliard de Opérateur
FCFA pour financer son expansion dans la Médiamania Sàrl
www.mediamania.pro
zone Cemac Maquette : Jérémie FLAUX,
Régie publicitaire
regiepub@investiraucameroun.com
LEADER DU MOIS Au Cameroun
Albert MASSIMB, almassimb@yahoo.fr
34 • A hmadou, Tel : 00 237 694 66 94 59
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dans la ville Rotimpres, Aiguaviva, Espagne
de Yagoua, Bureau - Distribution Cameroun
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1er Prix Pierre
Castel 2021 au Gratuit – Ne peut être vendu
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30 kg
Les éléments de la douane camerounaise ont procédé,
500 milliards FCFA dans la nuit du 18 au 19 mai 2021, à la saisie d’une cargai-
son de 30 kg d’or dans un colis à l’aéroport international
de Yaoundé-Nsimalen, situé dans la banlieue de la capitale
camerounaise. Les gabelous n’ont pas donné de détails sur
Selon la ministre des Postes et des Télécoms, Minette
les origines de cet or. Mais, cette saisie remet au goût du
Libom Li Likeng, MTN et Orange, les deux leaders du mar-
jour la question du trafic de l’or au Cameroun, dont à peine
ché de la téléphonie mobile au Cameroun, ont réalisé un
5% de la production nationale, selon les officiels, est écou-
chiffre d’affaires cumulé de 500,3 milliards de FCFA au
lée dans les circuits formels.
cours de l’année 2020. L’information a été révélée le 17 mai
2021 à Yaoundé, la capitale du pays, à l’ouverture des trois
À la faveur de cet ancrage dans l’informel de la commer-
jours de commémoration des 20 ans de l’avènement de la
cialisation de l’or, des trafiquants essaiment sur les sites
téléphonie mobile au Cameroun.
miniers du Cameroun. Au point où, officiellement, le pays
n’est pas considéré comme producteur ni exportateur d’or
La performance de ces deux opérateurs est notable, en
par la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC).
comparaison avec l’année 2017, au cours de laquelle les
trois opérateurs actifs sur le marché (Nextell est le 3e)
avaient affiché un chiffre d’affaires global de 480,7 mil-
liards de FCFA, selon les données de l’Agence de régulation
des télécoms (ART).
1 250
6 000 TM Dans un appel à manifestation d’intérêt qu’il vient de
rendre public, le ministère camerounais des Forêts et de
la Faune annonce le reboisement d’une superficie de 25
hectares dans la localité de Sanguéré, dans la région du
Officiellement mis en service fin avril 2021, le nouveau Nord du pays. Cette opération de reboisement se fera au
quai pétrolier du port de Douala, dans la capitale écono- moyen de la mise en terre de 1 250 plans d’anacardiers et
mique camerounaise, va doper les capacités d’approvi- 5 000 plants de Neem.
sionnement du pays de 6 000 tonnes métriques. « Sur ce
quai, nous pouvons accueillir des bateaux de 20 000 tonnes Présenté comme produit d’appoint au coton pour les ré-
métriques, alors qu’avant nous étions à 14 000 TM », révèle gions septentrionales du Cameroun, l’anacarde (encore
Véronique Moampéa Mbio, la directrice générale de la appelée noix de cajou), en plus de servir à la protection de
Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP). l’environnement, est une source importante de revenus en-
core inconnue des populations des zones au climat aride,
Pour rappel, depuis l’incendie survenu à la Société natio- qui sont les plus indiquées pour cette culture. Sanguéré,
nale de raffinage (Sonara), le 31 mai 2019, lequel sinistre qui abritera le projet sus-mentionné, est d’ailleurs la toute
a mis hors service la chaîne de production de l’unique première localité camerounaise à héberger une plantation
raffinerie du Cameroun, le pays importe tous les produits d’anacardiers dans les années 70.
pétroliers (super, gasoil et pétrole lampant) consommés
sur le territoire national.
Eneo, le concessionnaire du service Cette démarche de la compagnie énumère Eneo. Pour l’heure, nombre
public de l’électricité au Cameroun, de production et de distribution de de ces matériels sont importés de la
vient de lancer un appel à manifes- l’énergie électrique, précise-t-elle, Chine pour la plupart.
tation d’intérêt (AMI) en direction contribuera davantage à l’industriali-
des opérateurs économiques locaux sation du pays, à optimiser sa chaîne Dans le cadre de la promotion du
et étrangers, en vue de la mise sur d’approvisionnement et à pallier la matériel « made in Cameroon »,
pied d’un contrat-cadre de fourniture rupture de stock de certains maté- l’électricien Eneo est déjà sous
de matériels, dans la perspective riels électriques critiques, souvent contrat avec des producteurs locaux
de la création des unités locales de à l’origine de perturbations dans la des poteaux en béton. Ces produits
production. distribution de l’électricité dans le servent actuellement dans un vaste
pays. programme de renforcement du
« L’objet du présent AMI a pour but réseau de distribution, à travers le
de présélectionner un ou plusieurs Les prestataires recherchés doivent remplacement des poteaux en bois,
groupements de distributeurs locaux être capables de produire localement réputés fragiles, par des poteaux
et/ou fabricants étrangers, capable(s) des matériels aussi variés que les métalliques ou en béton. Au total,
de construire, d’exploiter des unités câbles électriques, les transforma- selon les prévisions officielles, 40 000
locales de production de matériels teurs, les disjoncteurs, les cellules poteaux seront remplacés au cours
électriques répondant aux spécifica- électriques, les herses et nappes de l’année 2021.
tions techniques et normes d’Eneo voutes, ainsi que des accessoires
Cameroon », souligne l’entreprise, divers tels que le raccord PI à vis BRM
qui a donné aux soumissionnaires auto-cassante, le raccord de perfo-
jusqu’au 23 mai 2021 pour lui faire ration réseau, les manchons coupe
parvenir leurs offres. circuits et les distributeurs d’étages,
La start-up camerounaise Diool, et Philippe Boupda, cette plateforme zone Cemac, le service Mobile Money
spécialisée dans l’agrégation des électronique revendiquait, 2 ans seu- est présenté par le groupe Orange
moyens de paiements mobiles via lement après sa mise en service, le comme un véritable relais de crois-
une plateforme unique, vient de recrutement de 2 000 commerçants, sance pour sa filiale locale.
mobiliser 3,5 millions de dollars, soit pour environ 120 millions de dollars
1,8 milliard de FCFA. Grâce à cette (plus de 65 milliards de FCFA) de De son côté, le banquier Société
levée de fonds, la fintech camerou- transactions traitées via ladite Générale a lancé Yup, une plateforme
naise entend développer ses services plateforme. de transactions à travers le mobile
de paiements digitaux. « Notre pro- déjà opérationnelle dans les pays
chaine étape est de développer l’équipe La levée de fonds que vient de réali- dans où cette banque est présente.
et le produit à l’échelle du Cameroun, ser Diool permettra à cette fintech de Toutes ces initiatives boosteront
avant d’attaquer d’autres pays », a mieux se préparer à la rude concur- davantage le volume et la valeur des
déclaré Serge Boupda, le co-fonda- rence qui s’annonce sur le marché paiements digitaux au Cameroun,
teur de Diool. des paiements digitaux au Cameroun qui ont progressé de façon exponen-
et dans la zone Cemac (Cameroun, tielle ces dernières années.
Parmi les investisseurs ayant Congo, Gabon, RCA, Guinée équato-
contribué à cette levée de fonds, riale et Tchad), avec l’interopérabilité En effet, selon les données compilées
les responsables de Diool citent des systèmes de paiement (comptes par la Beac, banque centrale des six
les Lundin, une famille de milliar- mobiles et bancaires). pays de la Cemac, entre juin et sep-
daires suédo-canadiens basée en tembre 2017, la valeur des paiements
Suisse, qui détient des actifs dans Interopérabilité des transactions effectués via le Mobile Money au
l’industrie pétrolière (Lundin Energy, Pour s’y préparer, des mastodontes Cameroun (le pays a contrôlé 76%
International Petroleum, ShaMaran des télécoms comme MTN et Orange de cette activité dans la zone Cemac
Petroleum, Africa Energy) et minière ont d’ores et déjà annoncé l’arrivée en 2019, selon GSMA, NDLR) a
(Lucara Diamond, Denison Mines, de Mowali, plateforme qui gèrera atteint 2 224,7 milliards de FCFA. Des
Filo Mining, Josemaria Resources, l’interopérabilité des transactions experts estiment qu’actuellement,
NGEx Minera, Lundin Gold, Lundin entre ces deux grands acteurs du ce volume a été au moins doublé.
Mining). Mobile Money dans le pays. « Mowali Ces transactions sont assorties de
bénéficiera immédiatement des frais, ce qui peut justifier l’attrait des
Concrètement, à travers sa plate- bases clients Mobile Money de MTN investisseurs pour le marché des
forme, Diool permet de faciliter les et d’Orange, soit plus de 100 millions paiements digitaux, de plus en plus
transactions entre les commerçants de comptes sur 22 des 46 marchés de florissant.
et leurs clients ou fournisseurs. l’Afrique sub-saharienne », dont celui
Fondée en 2015 par les frères Serge du Cameroun. Dans ce pays de la BRM
Maviance PLC, fintech camerou- Covid-19, qui a permis aux entreprises est bien placé pour profiter de cette
naise détentrice de la plateforme de de toutes tailles d’adopter les services demande croissante. C’est pourquoi
paiements numériques Smobilpay, a financiers numériques. De plus, l’évo- nous sommes ravis de nous associer à
annoncé ce 11 mai 2021, avoir clôturé lution de la mentalité des régulateurs l’entreprise, alors que nous continuons
avec succès une levée de fonds de vers des réglementations progressives d’élargir et d’approfondir la portée du
3 millions de dollars (environ 1,6 ainsi qu’un alignement réglemen- MFS Africa Hub à travers l’Afrique »,
milliard de FCFA) auprès de MFS taire nous permettent de fournir des soutient de son côté Dare Okoudjou,
Africa, fintech panafricaine exploi- services transparents dans plusieurs fondateur et PDG de MFS Africa.
tant le plus grand hub de paiements zones géographiques et segments de
numériques du continent africain. clientèle », explique Jerry Cheambe, le Smobilpay, la plateforme de paie-
Devenu « investisseur stratégique » de fondateur de Maviance. ments numériques développée par
Maviance, apprend-on officiellement, Maviance aide les entreprises à
MFS Africa permet ainsi à cette « Le développement rapide des ser- améliorer leurs ventes, en encou-
fintech camerounaise de pouvoir vices financiers numériques que nous rageant leurs clients à passer des
financer son expansion dans d’autres avons vu au Cameroun ces dernières transactions en espèces à des
pays de la zone Cemac (Cameroun, années est en passe de se répandre paiements numériques. Selon ses
Congo, Gabon, RCA, Tchad et Guinée dans la région de la Cemac. Cela promoteurs, « Maviance sert plus de
équatoriale) et d’accroître son accélérera encore la demande de paie- 500 000 clients uniques par mois »,
empreinte au Cameroun. ments nationaux et transfrontaliers et connecte des fournisseurs de
de la part des MPME, des entreprises services clés, des fournisseurs de
« Les opportunités en Afrique centrale sociales et des entreprises de la région. moyens de paiements, des institu-
sont énormes et la demande a été Maviance, en tant que fournisseur tions financières et des opérateurs
massivement accélérée au cours des d’infrastructure clé avec son ensemble du Mobile Money à sa plateforme de
12 derniers mois, avec l’avènement de de produits hautement pertinents, services financiers numériques.
Samule Nguiffo
« le régime actuel des
concessions est largement
dépassé »
Juriste de formation, le secrétaire général du Centre pour l’environnement
et le développement (CED), organisation de la société civile qui défend la
reconnaissance du droit coutumier sur les terres, tire les enseignements de la
récente annulation du bail provisoire accordé à l’agro-industriel Neo Industry
sur les terres de la Vallée du Ntem, et donne une piste de solutions pour une
cohabitation pacifique entre projets agro-industriels et communautés locales.
(Investir au Cameroun) : Le de leurs autorités traditionnelles, se tion de leurs terres dans le domaine
Premier ministre a décidé, le 5 mai sont illustrées l’année dernière par privé de l’État. L’organisation parti-
2021, d’annuler l’incorporation, une volonté ferme de reprendre le culièrement efficace de leur mouve-
réalisée en 2016, au domaine privé contrôle de leurs terres coutumières, ment de résistance, la clarté de leur
de l’État des terres du domaine après leur incorporation au domaine demande, de même que la finesse
public dans le département de la privé de l’État en 2016. Il faut dire de leur stratégie de contestation
vallée du Ntem. Qu’est-ce qui peut que les communautés de ce dépar- des droits de l’État ont sans doute
avoir poussé le gouvernement à se tement de la région du Sud n’avaient conduit celui-ci à lâcher prise. Il faut
dédire ? exprimé la contestation qu’après la aussi rappeler que les communautés
Samuel Nguiffo : En l’absence d’une décision d’attribution de ces terres, avaient opté pour la saisine du juge
explication fournie par le gouver- relevant désormais du domaine privé administratif, pour demander l’annu-
nement sur les raisons de cette de l’État, à deux investisseurs (Neo lation des titres fonciers querellés.
décision, l’on ne peut que spéculer, Industry et PAC, NDLR). Je crois que c’est une décision sage
en s’appuyant toutefois sur des faits Les communautés ont expliqué, au de la part du gouvernement, qui a
avérés : il s’agit de terres localisées moment de la contestation, qu’elles choisi d’éviter l’escalade, face à des
dans la Vallée du Ntem, département n’étaient pas informées de la dé- communautés déterminées à ne pas
dont les forces vives, réunies autour marche ayant conduit à l’incorpora- abandonner le combat. Un État qui
« Il existe un conflit latent entre l’État et les communautés, relatif à la propriété de la terre et des espaces »
accepte de revenir sur une décision juillet 2020, le Premier ministre avait contexte où la pression croissante
pour le bien-être de ses populations pris un décret annulant l’incorpora- sur les terres et les ressources expose
ne fait pas forcément preuve de fai- tion au domaine privé de l’État d’une chaque communauté au risque de la
blesse. L’État n’est pas infaillible, et partie de la forêt d’Ebo et suspen- dépossession. Les expériences dif-
choisir de ne pas s’entêter lorsqu’une dant le processus de classement de fusées par les médias ont contribué
de ses décisions est contestée est la seconde portion. Ici, il s’agissait à aiguiser l’intérêt des populations,
tout simplement une attitude nor- d’une superficie d’environ 130 000 ha. qui redoutent de se voir privées de la
male, bénéfique pour la paix. Et dans ce cas aussi, on avait assisté terre, dont elles dépendent si étroi-
à une opposition ferme d’une grande tement.
IC : C’est la deuxième décision partie de la communauté Banen, y (2) La terre est un élément essentiel
du genre en l’espace de quelques compris de la diaspora, comme dans de l’identité culturelle des commu-
mois. Comment comprendre cela ? la Vallée du Ntem. Trois facteurs nautés, qui s’identifient à l’espace qui
SN : En effet, c’est au moins la deu- peuvent contribuer à la compréhen- les a vues naître, et dont dépend leur
xième fois que le gouvernement sion de ce phénomène : système de production. Il est donc
retire des textes relatifs à la gestion (1) La terre a une forte capacité normal que les autorités tradition-
des terres et des forêts, en quelques de mobilisation des membres de nelles, garantes en principe de l’inté-
mois. On se souvient en effet qu’en la communauté, surtout dans un grité des terroirs villageois, appellent
à la mobilisation lorsque la terre est du droit étatique, qui se situe large- un acteur-clé du secteur agro-indus-
en péril, et que les membres de la ment en retrait par rapport aux pra- triel, avec d’importants investisse-
communauté y répondent, même tiques internationales en matière de ments dans les plantations. Il faut
si leur subsistance quotidienne ne reconnaissance et de protection des dire qu’elles ont tout pour séduire les
dépend plus directement de ces droits des communautés. Et ici aussi, pays en développement comme le
espaces. le décalage s’explique par l’inadapta- nôtre : création d’emplois non qua-
(3) Il existe un conflit latent entre tion des textes en vigueur en matière lifiés en zones rurales généralement
l’État et les communautés, relatif à foncière au Cameroun, dont l’ossa- enclavées et marquées par un taux
la propriété de la terre et des espaces ture date du milieu des années 1970. très bas d’emplois salariés, impact
: l’un et les autres revendiquent L’observation de ce décalage fournit positif sur les exportations, etc.
le droit (parfois présenté comme des indications utiles à l’entreprise Si cette attitude pouvait se com-
exclusif) de gérer la terre, en vertu du de réforme foncière engagée par prendre, dans une certaine mesure,
corps de normes auquel il se réfère. l’État depuis 2011. à une époque où les zones rurales
Le droit étatique ne reconnait en L’urgence de finaliser la réforme fon- étaient assez peu peuplées, et où
effet pas la propriété des communau- cière, dont les résultats restent atten- la connaissance sur les limites du
tés sur les terres et les ressources, dus, est le troisième enseignement régime de concessions foncières pour
alors que les droits coutumiers qui découle de cette situation : les l’agriculture restait limitée, il semble
confèrent aux populations la pro- incertitudes liées au statu quo actuel aujourd’hui urgent de repenser tout
priété. Les communautés de la Vallée sont préjudiciables à la relation entre le système de gestion des espaces par
du Ntem ne proclamaient-elles pas l’État et les communautés rurales. les concessions. Il n’est en effet plus
que l’État, né alors que les commu- Il y a en effet un risque que ces der- en mesure de satisfaire les attentes
nautés étaient déjà installées sur les nières perdent toute confiance en des différents protagonistes, et est
espaces querellés, ne pouvait pas être l’État, parfois soupçonné de vouloir devenu une source de conflits. Les
devenu propriétaire de terres qui leur les déposséder de leurs terres. revenus que l’État en tire restent
appartenaient ? Pour ce qui est des communautés, très faibles, et on peut valablement
il est intéressant de relever qu’elles penser qu’en procédant à une com-
IC : Quelles leçons peut-on tirer de gagnent en capacité d’action et paraison des utilisations possibles
cette situation ? d’organisation, et inaugurent de nou- de ces grandes superficies, l’agro-in-
SN : Plusieurs leçons peuvent être veaux modes d’action collective dans dustrie ne serait pas toujours l’option
tirées de cette décision et, plus géné- notre pays. la plus rentable. En ce qui concerne
ralement, de l’observation de cette les communautés, elles estiment que
tendance à la contestation ferme par IC : Pour certains, ces conflits leur participation au partage de la
les communautés des décisions de fonciers font également peser un richesse générée par l’exploitation
l’État visant à transférer dans son certain péril sur l’agro-industrie. de leurs terres est marginale. Elles
domaine privé des terres relevant de Êtes-vous du même avis ? subissent en plus les désagréments
la propriété foncière coutumière des SN : L’agro-industrie est perçue causés par la présence des com-
populations. comme une activité importante dans pagnies (pollutions diverses, res-
La première est la persistance des notre pays, depuis les premières an- trictions dans l’accès à des espaces
droits coutumiers dans notre pays, nées du protectorat allemand. C’est faisant partie du terroir traditionnel,
qui ont résisté à plus d’un siècle de en effet à cette époque que l’on a vu inflation insupportable du fait de la
coexistence avec le droit foncier éta- naître les grandes plantations, qui présence d’ouvriers salariés dans les
tique, et qui restent un cadre de réfé- se trouvaient dans des concessions villages, mis en péril des ménages
rence privilégié pour les populations s’étendant pour certaines sur des par les ouvriers, etc.). Quant aux
rurales. Aujourd’hui, leur cohabita- millions d’hectares. Le mandat, puis compagnies, elles n’arrivent pas
tion avec un droit étatique ancien, la tutelle franco-britannique n’ont toujours à jouir paisiblement des
peu adapté aux dynamiques de pas changé cette modalité de gestion droits concédés par l’État, du fait
gestion actuelles et aux attentes des de la production agricole dans notre des oppositions des communautés,
populations rurales, est explosive, pays, les récoltes des grandes plan- qui résistent contre la prise de leurs
parce qu’elle soulève des problèmes tations étant presque exclusivement terres.
de légitimité de la loi. à l’exportation. Avec l’avènement de Le conflit semble donc consubstan-
La deuxième est le constat du retard l’État postcolonial, l’État est devenu tiel au régime actuel des concessions,
« On peut valablement penser qu’en procédant à une comparaison des utilisations possibles de ces grandes superficies, l’agro-industrie ne serait pas toujours l’option
la plus rentable.»
qui est largement dépassé : on peut pour les communautés rurales. Elle L’intérêt de l’investisseur est géné-
raisonnablement plus gérer les terres peut également être mal comprise, si ralement d’accéder à une récolte,
suivant un modèle conçu à l’époque on analyse lesdits conflits de manière qui est la matière première dont il a
coloniale, pour le bénéfice exclusif superficielle. Dans les cas récents au besoin. L’accès à la terre n’est qu’un
d’entreprises étrangères aux terri- Cameroun, ils expriment fortement moyen de garantir l’accès à la récolte,
toires dominés, et sans véritablement une demande, par les communau- dans les conditions, le volume, le
considération pour la demande légi- tés, de sécurisation de leurs droits prix et la qualité qu’il souhaite pour
time de développement des commu- sur les terres. On peut comprendre ses opérations de transformation,
nautés-hôtes des investissements. La la démarche de l’État, qui souhaite ou pour l’exportation. S’il essaie de
réforme de ce système s’impose donc répondre à la demande des investis- prendre la terre, il se met à dos des
comme une urgente nécessité. seurs, en leur fournissant des terres communautés qui seront alors expo-
arables pour l’agro-industrie. Le fait sées à des modifications structurelles
IC : L’incorporation des terres que les terres de la Vallée du Ntem de leur mode de vie et de production.
du domaine public au domaine étaient déjà attribuées à des inves- Il risque donc d’y avoir un conflit
privé de l’État est, on le voit, tisseurs confirme bien la demande. entre la communauté et l’investis-
conflictuelle. Comment dans ce Mais le schéma consistant à fournir seur.
cas garantir l’accès à la terre aux de vastes superficies de terres com-
investisseurs ? munautaires à des investisseurs IC : Quelle alternative s’offre à
SN : La récurrence des conflits sur pourrait être questionné, à la lumière l’État ?
les terres et les ressources inquiète, de cette résistance des communau- SN : L’État et l’investisseur pourraient
en raison de l’importance de la terre tés. établir un partenariat pour un meil-
leur partage de la richesse générée risque de perdre son investissement. compagnies qu’il n’aurait pas choi-
par l’opportunité qui se présente du De nombreux exemples, y compris au sies, conduisant des activités ne
fait de l’intérêt de la compagnie. Il Cameroun, illustrent cette situation, correspondant pas forcément aux
faudrait pour cela que les commu- et appellent à une réforme urgente. priorités nationales. À la lecture de
nautés gardent le contrôle de leurs certains des nouveaux contrats, on
terres coutumières, et soient accom- IC : Le modèle que vous propo- a l’impression que l’activité agricole
pagnées pour produire, conformé- sez peut-il prospérer quand on n’est pas la finalité de la compagnie
ment aux attentes et exigences de la sait que les compagnies utilisent concessionnaire, mais qu’elle sou-
compagnie. souvent les titres de concessions haite plutôt disposer de terres qu’elle
D’adversaire, la compagnie devien- foncières comme hypothèques pourrait utiliser à sa guise, avec des
drait un partenaire, et participerait pour lever les fonds sur le marché droits tellement étendus qu’il serait
à la promotion du développement des capitaux ? impossible pour l’État de leur en
local et de l’épanouissement indivi- SN : Ceci fait partie des faiblesses du garantir la jouissance. Et toute viola-
duel et familial dans la zone. Ses opé- système actuel, et doit être corrigé : tion du contrat ouvre la voie à l’arbi-
rations consisteraient alors à fournir l’État, lorsqu’il prend des décisions trage international, potentiellement
une assistance technique (en asso- de gestion sur des superficies aussi ruineux pour l’État.
ciation avec les services de l’État), grandes, n’en cède pas la propriété au
un apport en intrants et une garantie concessionnaire, mais simplement IC : La réforme foncière est en
pour des prêts auprès de banques ou un droit d’utilisation de longue du- cours depuis 2011. Savez-vous où
d’établissements de microfinance. La rée, correspondant à la nature de son on en est ? Et que propose le CED ?
construction et l’entretien des pistes investissement. L’État prend la déci- SN : La réforme foncière a été
rurales pour désenclaver les zones de sion de cession des terres sur la base annoncée en 2011, et a donné
production relèveront également de de l’examen d’un dossier qui indique lieu à de nombreuses discussions.
la responsabilité de la compagnie. l’identité de l’opérateur, et la nature Aujourd’hui, après une décennie de
Ces schémas de partage de la ri- des activités conduites sur l’espace. débats, il semble important qu’elle
chesse semblent être les plus appro- On a eu par le passé des prescrip- soit conclue, et de nombreux acteurs
priés pour nos pays. Ils renforcent la tions claires interdisant la cession de demandent à voir un texte présenté
sécurité foncière des communautés, la concession à un autre opérateur, au Parlement. Le CED propose une
et leur apportent le respect et la ou le changement d’affectation de réforme ancrée dans nos traditions,
dignité qu’elles n’ont pas dans le sys- terres concédées. Toute violation et tirant les leçons de presque un
tème de concession. Elles rassurent de ces prescriptions exposait alors demi-siècle de mise en œuvre des
la compagnie, en la mettant dans un le concessionnaire à la perte de ses textes actuellement en vigueur. Nous
partenariat avec des communautés droits. pensons qu’il faudrait assurer la
dont elle contribue à la richesse. Aujourd’hui, on constate qu’à côté sécurisation des droits fonciers de
Elles renforcent l’État dans son rôle de compagnies traditionnellement tous les utilisateurs de la terre (l’État,
de protecteur de ses citoyens, en leur impliquées dans l’agro-industrie, on les investisseurs et les communau-
permettant de tirer le meilleur parti a de plus en plus de spéculateurs qui tés), si l’on veut que la terre devienne
de l’arrivée d’un investisseur dans sollicitent des droits sur les terres un facteur de progrès et non une
leur terroir. pour y établir de grandes planta- menace permanente à la paix et à la
Une étude conduite en Amérique tions, sans expérience passée dans le cohésion sociale. Nous avons, dans
du Sud, en Europe de l’Est, en Asie secteur. Ces compagnies sollicitent le cadre du projet LandCam, financé
et en Afrique au sud du Sahara des contrats plus complexes, les par l’Union européenne et mis en
(principales régions d’accueil des autorisant à céder la concession ou œuvre avec Relufa et IIED, formulé
investissements fonciers) a montré à l’hypothéquer sans restriction et, des propositions que l’on retrouve
que lorsque les communautés n’ont surtout, sans autorisation préalable dans notre note de politique foncière,
pas de sécurité de leurs droits fon- de l’État. Le risque est que l’État accessible sur le site du projet www.
ciers, tout investisseur qui s’installe se retrouve avec des pans entiers landcam.org.
sur leurs terres coutumières court le de son territoire contrôlés par des
Dans son premier rapport d’audit, du comptable matières. équipements dont s’est doté le pays
mené sur la gestion des fonds Pourtant, la secrétaire générale en situation de crise pandémique.
Covid, la Chambre des comptes du du ministère de la Santé publique, La chambre des comptes écrit à
Cameroun (CDC), organe de contrôle Sinata Koulla-Shiro, avait récep- cet effet: « Il a été relevé de manière
de la Cour du suprême, dit n’avoir pas tionné le 26 mars 2020 à l’aéroport générale l’absence des documents de la
retrouvé la trace ou la destination international de Yaoundé-Nsimalen, comptabilité matières ne permettant
finale du don offert en mars 2020 par un lot d’équipements médicaux de comptabiliser les équipements objet
le milliardaire chinois Jack Ma, fon- offert par Jack Ma. Comme tous les des commandes ainsi que la traçabi-
dateur du groupe de vente en ligne 53 autres pays africains auxquels lité de leur utilisation ; ce qui n’a pas
Alibaba, pour aider le Cameroun le fondateur du groupe Alibaba a permis une vérification rigoureuse de
dans la lutte contre le Coronavirus. tenu à manifester sa sollicitude face leur destination finale ». Donc comme
« L’absence de prise en charge dans à la pandémie du Coronavirus, le de nombreux autres équipements, la
les livres du comptable matières [du Cameroun a reçu 20 000 kits de test, CDC ne peut pas donner la destina-
ministère de la Santé publique] du don 100 000 masques et 1000 équipe- tion finale prise par les dons de Jack
de 100 000 masques de protection et ments de protection. La cargaison Ma.
1000 équipements de protection indi- a été livrée par le transporteur Dans sa conclusion, la CDC estime
viduelle de M. Jack Ma », peut-on lire Ethiopian Airlines. que l’ensemble des dysfonctionne-
dans la synthèse ce rapport achevé La CDC révèle que cette situation ments dans le système organisation-
en mars dernier, mais qui est apparu d’opacité ne concerne pas seulement nel et autres irrégularités méritent
dans les médias ce mois de mai. En les dons offerts pas le fondateur au moins une procédure de gestion
d’autres termes, les dons de Jack Ma d’Alibaba, mais elle est observable de de fait, 30 procédures de fautes de
ne sont pas enregistrés dans les livres façon générale dans la gestion des gestion et 10 procédures judiciaires.
Le principal concessionnaire du avant) ; l’affiliation à la CNPS [société partenaires remplissant ses nouvelles
secteur de l’électricité au Cameroun, de sécurité sociale] ; la couverture exigences qui couvrent les opérations
Eneo, filiale du Fonds d’investisse- de l’assurance santé ; les mêmes commerciales dans les neuf régions
ment britannique Actis, annonce conditions de congé payé que ceux électriques d’Eneo.
qu’elle met en œuvre depuis des agents Eneo », informe la filiale
quelques semaines une démarche d’Actis. Par le passé, l’énergéticien a souvent
de professionnalisation des opéra- décrié la moralité de certains agents
tions commerciales assurées par ses Le concessionnaire explique que et des sous-traitants. Ces derniers
sous-traitants. cette réforme fait partie d’un ont parfois indexé la modicité de leur
ensemble de mesures actuellement traitement salarial pour expliquer
« La nouvelle approche, orientée vers implémentées « en réponse au fort leur complicité dans des opéra-
une meilleure satisfaction du client besoin d’amélioration de la qualité tions de fraude électrique. En 2020,
à terme, engage désormais toutes les de service commerciale exprimée Eneo déclare avoir fait arrêter 200
entreprises sous-traitantes travaillant par les clients ; notamment pour ce « barons » de la fraude électriques et
avec Eneo à garantir à leurs agents qui est de la qualité de la facturation licencié 80 agents complices.
: des salaires encadrés et largement et du niveau d’intégrité des agents
avantageux (des minimas 2 à 3 fois envoyés chez eux ». Et qu’actuel-
supérieurs à la moyenne pratiquée lement, il opère avec 14 sociétés
TOUS UNIS !