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générale :
Les décideurs publics ont pris la mesure du levier de développement que représentent les
entreprises. Une croissance pérenne nécessite des politiques publiques concertées et un
secteur privé engagé. Un secteur privé efficient est un moteur essentiel de l’innovation, de
l’investissement et donc d’une croissance économique durable : 9 emplois sur 10 sont créés
par le secteur privé. Mais cela suppose que soient mises en place les bonnes conditions de son
développement : des marchés porteurs et des financements efficients (coûts d’accès,
infrastructures, communication, information…), des capacités humaines de qualité et enfin
une bonne gouvernance à tous les niveaux de la sphère politique, juridique et économique.
Par ailleurs les entreprises jouent un rôle prépondérant pour faciliter les rapports sociétaux
et répondre aux enjeux environnementaux qui lient l’ensemble des acteurs dans une
dynamique de progrès et de croissance. Mais la réussite du secteur privé dans un
environnement de plus en plus contraint par la nécessité d’être compétitif dans un espace
économique mondialisé, passe par l’émergence d’un dynamisme entrepreneurial et une
meilleure productivité des entreprises. Le rôle des partenaires du développement est
d’accompagner ces dynamiques et de faire mieux connaître, là où elles restent embryonnaires,
les nouvelles approches qui ont fait leur preuve et qui peuvent constituer des modèles simples,
flexibles et diffusables.
Ce travail a pour ambition de faire partager l’information sur les systèmes productifs locaux
(SPL) ou « clusters ». Dans plusieurs pays, d’importants programmes de renforcement des
capacités (formation professionnelle), de mise à niveau d’entreprises, de structuration de
filières et d’amélioration du climat des affaires sont accompagnés par les différents
partenaires au développement en cohérence avec les stratégies conduites par les Etats. Ces
programmes, qui apparaissent souvent comme un préalable au développement des entreprises,
ne suffisent pas s’ils ne sont pas étayés par un tissu d’entreprises modernes, structurées,
dynamiques et citoyennes qui s’inscrivent dans un cadre de développement durable. Nous
pensons que l’émergence de systèmes productifs locaux ou « clusters » peut constituer, au
niveau national et régional, pour des secteurs porteurs de croissance, une réponse adaptée aux
défis des entreprises, mais également des collectivités locales soucieuses d’animer le
développement de leur territoire économique pour fixer les emplois.
L’école des districts industriels est centrée principalement sur la qualité des relations sociales,
économiques et politiques, formelles et informelles comme facteurs déterminant du
développement économique durable. Cette approche est fondée sur les travaux initiaux
d’Alfred Marshall (1890) qui observe l’existence de deux schémas d’organisation industrielle
de la production : d’une part, l’organisation de type fordiste qui se caractérise par un
commandement unique et une forte division du travail intégrée au sein d’une grande
entreprise ; d’autre part, la coordination d’une division sociale du travail désintégrée entre des
firmes plus petites se spécialisant dans un segment du processus productif.
Marshall va se pencher sur le deuxième type d’organisation qu’il qualifie de district industriel
et que Zeitlin (1992) définit comme « un système de production localisé géographiquement et
fondé sur une intense division du travail entre petites et moyennes entreprises spécialisées
dans des phases distinctes d’un même secteur industriel « (Zeitlin, 1992 : 283). Il centre son
analyse autour de la notion d’économie externe qui résulte de l’organisation industrielle et
non de l’organisation propre à chaque entreprise. C’est la réalisation d’économies
d’agglomération liées à la proximité et permettant la baisse des coûts de production qui
permet le succès des districts. Ces économies sont externes à l’entreprise mais sont internes à
une aire géographique spécifique et elles permettent d’améliorer l’efficience de chaque
entreprise prise individuellement.
Marshall met également en avant la notion « d’atmosphère industrielle », processus culturel
qui favorise l’apprentissage et l’acquisition de compétences pour un métier : « lorsque de
grandes masses d’hommes dans la même localité sont engagés dans des tâches similaires,
(…), la compétence (ou le savoir- faire) requis dans leur travail est dans l’air et les enfants la
respirent en grandissant » (Whitaker, 1975). Cette notion est essentielle car elle est le garant
de la pérennité du système en favorisant à la fois l’éducation, l’échange d’idées et
d’expériences, elle favorise la coopération et l’innovation. Les relations sont alors basées sur
la confiance et la réciprocité. C’est donc notamment la proximité spatiale et l’homogénéité
culturelle qui favorisent la transmission d’idées nouvelles et augmentent la fréquence de leur
adoption (Courlet, 1991). Marshall introduit, en ce sens, la notion de territoire dans l’analyse
des districts industriels ; ce qui lui permet d’affirmer que l’efficacité et la dynamique d’un
système localisé de PME sont largement le résultat de leur inscription socio-territoriale.
La crise économique mondiale des années soixante-dix, ainsi que les changements politiques,
institutionnels et technologiques ont été l’occasion d’un regain d’intérêt pour les STP (Rocha,
2004). La question centrale est de savoir pourquoi les anciens bastions industriels fordistes
rencontrent des difficultés alors que d’autres régions basées sur la désintégration verticale, des
réseaux inter-industriels et un marché du travail local, arrivent à tirer leur épingle du jeu en
restant en dehors d’une production de masse (Stolper et Walker, 1983). Les recherches
menées par Bagnasco (1977), Brusco (1982), Garofoli (1981, 1983), Fuà et Zacchia (1985) et
par Tringlai (1986) sur la Troisième Italie4 permettent de réactualiser les différentes
conceptions des modes de coopérations inter-entreprises en insistant sur les dynamiques
endogènes de développement et les caractéristiques sociologiques et culturelles de ces régions
comme facteurs explicatifs de leur dynamisme (Courlet, 1991).
Le modèle de district industriel italien s’inspire de l’idée d’Alfred Marshall selon laquelle
proximité et spécialisation géographiques pourraient, pour certaines régions, créer des
avantages économiques de la production à grande échelle. « Généralement l'agrégation d'un
grand nombre de petits ateliers, comme la création de quelques grandes usines, permet
d'atteindre les avantages de production à grande échelle... Il est possible de couper le
processus de production en plusieurs segments, chacun pouvant être réalisé avec le maximum
d'économies dans un petit établissement formant ainsi un district composé d’un nombre
important de petits établissements semblables spécialisés pour réaliser une étape particulière
du processus de production » (Marshall cité par Becattini 1987 : 131).
Un SPL se caractérise, tout d'abord, par la présence sur un territoire restreint d'un grand
nombre d'entreprises suffisamment proches et réciproquement liées. C'est ce que nous avons
appelé < la concentration géographique originale >. Il s'agit d'une zone mesurable et délimitée
spatialement (la Vallée de I ‘Arve concentre 600 entreprises du décolletage sur 300 km). Cette
zone se caractérise ensuite par une spécialisation économique distincte.
Le système productif local :
Un SPL se caractérise par un système productif local qui est le produit des avantages
réciproques dont jouissent les entreprises situées dans un même territoire. Deux types de
variables semblent importantes pour apprécier le SPL à ce niveau :
- Les premières concernent la nature des activités. On peut distinguer deux cas de figures.
D'une part, les activités similaires, les entreprises développent alors des coopérations dans des
activités périphériques : transports, exportations, formation, éventuellement partage de
marché, etc. D'autre part, les activités complémentaires qui correspondent plutôt à un
approfondissement de la division du travail entre firmes menant à la réalisation d'un produit
unique.
-Les secondes concernent I ‘intensité des coopérations. On peut faire référence, par exemple,
au modèle de Bosworth et Rosenfeld (1993) qui identifie sept types de coopération depuis
association industrielle traditionnelle (club d'entreprises) jusqu'aux réseaux de production
conjointe (district industriel). En passant par des formes de coopération en développement
(apprentissage en collaboration) ou des réseaux basés sur des ressources partagées (réseau de
marketing conjoint par exemple).
A ces caractéristiques, il faut ajouter un environnement actif b/ compris institutionnel)
concerné par le fonctionnement de I ‘ensemble du système local. L’ensemble de ces éléments
définit un système plus ou moins complexe.
L’idée récurrente, présente dans de nombreux travaux sur les SPL, est que I ‘efficacité d'un
processus de production et d'innovation dépend du mode selon lequel s'articulent les variables
socioculturelles (valeurs, institutions et savoir-faire) avec les variables plus étroitement
économiques (disponibilité en capital. Savoir technique., etc..). Une autre manière de
présenter les choses est de recourir aux économies externes. Dans un SPL, il y aurait :
-les économies externes ordinaires (pécuniaires) d'agglomération qui opèrent dans une
certaine aire.
-les économies externes technologiques qui opèrent dans un secteur technologiquement
individualisé,
- et des économies externes spéciales, typiques des SPL, dérivant d'une multitude de micro-
adaptations entre. D’une part. les diverses entreprises et. D’autre part. les entreprises et la
population. Dans une aire circonscrite. Il s'agirait de facultés d'adaptation spéciales
(différentiel positif de confiance, particularité du langage productif ou scientifique, etc.)
Liées à la culture d'un regroupement humain et, donc, difficilement transposables. Ces
avantages se limitent aux produits typiques du SPL (Prato, en Toscane, est célèbre pour son
textile, Grenoble pour l'électronique, et Détroit pour I ‘automobile), impulsant le
développement de ses processus productifs.
Au bout du compte, le SPL est actionné par une logique territoriale qui en fait une
organisation située entre le marché et la hiérarchie et qui, contrairement à la logique
fonctionnelle, a besoin du territoire pour fonctionner. Le SPL est la traduction de phénomènes
originaux de développement localisé.