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Les contrats, quels qu’ils soient, sont soumis à un ensemble de règles communes qui forment
la théorie générale des contrats. Il existe en outre des contrats pour lesquels la loi prévoit des
règles spécifiques qui viennent s’ajouter ou déroger à ce droit commun. Ces contrats ayant
une dénomination propre avec des régimes propres constituent les contrats spéciaux.
Certains de ces contrats, en raison de leur importance, ont donné naissance à des disciplines
autonomes comme le droit des assurances, le droit des sociétés. Ces contrats sont étudiés
dans le cadre de ces différentes disciplines. Le présent cours permettra de connaître les
critères spécifiques des autres contrats nommés afin de pouvoir les identifier, les qualifier en
vue de leur appliquer les règles appropriées. Cependant, l’étude ne portera que sur les
contrats nommés les plus usuels à savoir le contrat de vente, le contrat de mandat et le
contrat d’entreprise.
Introduction
L’expression contrats spéciaux peut prêter à la confusion. Elle suggère l’idée des cas
particuliers dérogeant au Droit commun des Contrats. Ce n’est pourtant pas vrai. Le fait
est qu’il existe un Droit général, la théorie générale des contrats applicable à toutes
sortes de contrat. A côté de cette théorie générale, il existe des règles spécifiques,
particulières aux différents contrats et qui la complètent. Ceci explique que la théorie
générale de contrats précède celle des Contrats spéciaux.
Cette situation est éloquemment illustrée par l’article 1107 code civil qui dispose : « les
Contrats, soit qu’ils aient une dénomination propre, soit qu’ils n’en aient pas sont soumis
à des règles générales qui sont l’objet du présent titre.
Les règles particulières à certains contrats sont établies sous les titres relatifs à chacun
d’eux ; et les règles particulières aux transactions commerciales sont établies par des
lois relatives au commerce ».
Les Contrats qui ont une dénomination propre sont dits des « contrats nommés » par
opposition aux « contrats innommés » ou « sui generis ».
Les contrats nommés sont ceux qui appartiennent à une moule connue et font à ce titre
l’objet des règles propres. Chaque contrat nommé a donc son statut propre.
soumis à la fois aux règles particulières qui leur sont propres, aux règles générales
applicables aux baux puis à la théorie générale des contrats.
Première partie
Les contrats translatifs de propriété
Parmi les contrats translatifs de propriété, la vente occupe une place de choix. C’est le
contrat le plus usuel. Un premier titre lui sera consacré. D’autres contrats emportant
aussi transfert de propriété ou de droit réel temporaire seront étudiés dans un second
titre.
Titre I : Le contrat de vente
La vente est soumise à différentes législations selon qu’il s’agit de la vente commerciale
ou non. En effet, aux termes de l’article 234 AUDCG du 15 décembre 2010, les
dispositions du livre VIII dudit acte sont applicables aux contrats de vente de
marchandises entre commerçants, personnes physiques ou personnes morales, « y
compris les contrats de fourniture de marchandises destinées à des activités de fabrication
ou de production ». L’article 237 du même acte précise que « La vente commerciale est
soumise aux règles du droit commun des contrats et de la vente qui ne sont pas
contraires aux dispositions du présent Livre ».
Il en résulte que lorsque la vente est civile, elle sera essentiellement régie par les
dispositions du code civil. Par contre, la vente commerciale sera à la fois soumise à
l’AUDCG et aux dispositions du code civil en ce qu’elles ne sont pas contraires à celles de
l’AUDCG.
L’article 235 de l’Acte de 2010 précise aussi que les dispositions du Livre VIII ne
régissent pas les ventes de marchandises achetées pour un usage personnel, familial ou
domestique, « à moins que le vendeur, à un moment quelconque avant la conclusion ou
lors de la conclusion du contrat, n’ait pas su et n’ait pas été censé savoir que ces
marchandises étaient achetées pour un tel usage … ». Cette formulation se réfère à la
vente aux consommateurs. Par contre l’Acte s’appliquera lorsque la vente sera
conclue entre un commerçant et un professionnel, pour les besoins de sa
profession.
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L’article 1582 du code civil définit la vente comme « la convention par laquelle l’un
s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer ». Il importe déjà de préciser qu’il ne
s’agit pas de n’importe quel paiement mais du paiement d’une somme d’argent. A défaut
de cela, il n’y aurait pas vente. Deux éléments caractérisent donc la vente. Il s’agit du
transfert d’une chose (section) et le paiement du prix (section II).
§ 1: La chose
La présence d’une chose appropriée, corporelle ou incorporelle est indispensable pour
qu’il y ait contrat de vente. Il est donc impropre de parler de la vente d’un service ou de
la vente d’un voyage. Nous sommes dans ces cas en présence d’une prestation de service
caractéristique du contrat d’entreprise. La chose objet de la vente doit être dans le
commerce c’est-à-dire qu’il soit possible de créer des relations juridiques au sujet de
cette chose. Pour qu’il y ait vente, il faut également que la chose objet de la vente soit
identifiée ou identifiable (cf. article 1129 code civil) c’est-à-dire que l’acte doit contenir
des indications permettant l’identification de la chose.
La chose objet de la vente étant désignée qu’advient-il si au moment de la vente
elle est périe c’est-à-dire n’existe plus ou a perdu ce qui fait sa valeur ?
La vente est dans ce cas nulle (article 1601 du code civil). La Jurisprudence recourt
parfois à l’idée de l’erreur sur la substance (Civ. 1ère, 1er août 1991, D 92 p 190). Il est
dérogé à la règle si la vente présente un caractère aléatoire. Exemple : achat à ses
risques et périls d’un lot de marchandises en cours de transport ou encore la reprise des
stocks d’une entreprise en faillite sans inventaire.
S’agissant des choses futures, sauf prohibition légale (interdiction de la cession des
droits successoraux à venir) elles peuvent faire l’objet d’une vente. La vente devient
caduque si la chose ne parvient pas à existence sauf si le contrat a un caractère aléatoire.
Encore faut-il qu’il n’y ait pas faute de la part du vendeur (civil, 1ère, 8 octobre 1980, D.
81, IR 445).
§ 2 : Le droit sur la chose
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1Article 1787 : Lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement
son travail ou son industrie, ou bien qu'il fournira aussi la matière.
Article 1788 : Si, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que
ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de
recevoir la chose.
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exécution ? L’expression s’il y a lieu pourrait signifier si le prix n’avait pas été déterminé.
Ce qui signifierait que l’on se situe au moment de l’exécution du contrat, ou du moins
postérieurement à la conclusion de la vente. On pourrait alors en déduire que si le prix
n’avait pas été déterminé au moment de la formation du contrat, les parties pourraient
postérieurement se référer au prix qui était en cours sur le marché au moment de la
formation du contrat. Cette interprétation conduirait donc à admettre qu’il n’est pas
nécessaire, que le prix des marchandises soient déterminés au moment de la formation
du contrat. Postérieurement, les parties pourront soit se référer au prix en cours au
moment de la formation ou encore fixer conventionnellement le prix. Il importe
cependant de remarquer que cette interprétation pourrait être en contradiction avec
l’article 241 al. 2. Ce texte dispose qu’ « Une offre est suffisamment précise lorsqu'elle
désigne les marchandises et, expressément ou implicitement, fixe la quantité et le prix
ou donne les indications permettant de les déterminer ».
Les parties peuvent aussi confier à un tiers le soin de fixer le prix (article 1592). Le tiers
ne peut être désigné par le juge que lorsque les parties l’ont expressément prévu. Le juge
ne peut se substituer aux parties pour leur imposer une méthode de détermination du
prix différente de celles prévues au contrat (civ. 1ère 25 avril 1972, D. 73, 661 ; civil 1ère,
24 février 1998, Droit des affaires 98, 531).
L’indétermination du prix prive en principe la vente d’une de ses conditions d’existence,
elle est sanctionnée par la nullité absolue (civil 1ère, 20 octobre 1981, D. 83, p 73).
B- L’exigence d’un prix réel et sérieux
Le prix ne doit pas être fictif, ou dérisoire ou vil. Lorsque le prix est fictif, le contrat n’est
pas nécessairement nul s’il y a intention libérale. Il s’agit d’une donation déguisée
soumise donc à un régime particulier combinant les règles de forme de l’acte apparent
et de fond de l’acte réel.
Il y a vil prix lorsque le montant est si dérisoire qu’il équivaut en réalité à une absence
de prix. Il ne s’agit pas d’une insuffisance du prix qui serait, le cas échéant, sanctionnée
par la lésion, mais il s’agit d’un prix inexistant. La sanction encourue est la nullité
absolue sur le fondement du défaut d’objet ou du défaut de cause (cause objective qui
est la contrepartie de la prestation ; (civ. 1ère, 17 décembre 59, D60, 294 ; civ 1ère, 10
février 93). Le contrat ne sera pas nul si l’on peut relever une intention libérale.
§ 2 : Le montant du prix
Le principe est celui de la liberté contractuelle. Cette règle connaît néanmoins des
correctifs. D’abord, dans les cas prévus par la loi, l’insuffisance du prix peut être
sanctionnée par la lésion. Il en est ainsi dans la vente d’immeuble lorsque le prix est
inférieur au 5/12. S’il s’agit d’une promesse unilatérale de vente, la vente ne se forme
que par la levée d’option. C’est à cette date qu’il faut évaluer le bien.
S’il s’agit d’une promesse synallagmatique de vente, la vente est immédiatement formée
même si la réalisation est différée. La valeur s’apprécie au jour de la promesse.
Ensuite, il faut ajouter la législation économique. En effet, les exigences de l’ordre public
économique conduisent parfois l’Etat à intervenir pour influencer le prix en fonction des
priorités ou des besoins.
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Ces règles résultent de l’article 1er de la Loi n° 99-011 du 28 décembre 1999 portant
organisation de la concurrence au Togo : « Les prix des produits, des biens et des
services sont libres sur toute l’étendue du territoire national et déterminé par le seul jeu
de la concurrence.
Toutefois les dispositions ci-dessus ne font pas obstacle à ce que sur autorisation et par
décret en conseil des ministres, le ministre chargé du Commerce adopte des mesures
temporaires contre des hausses excessives des prix lorsqu’une situation de crise, des
circonstances exceptionnelles ou une situation anormale du marché dans un secteur
économique donné les rendent nécessaires. Il précise la durée de validité qui ne saurait
excéder six mois ».
Un produit est dit taxé lorsque l’Etat fixe le prix maximum auquel il peut être vendu.
La fixation d’un prix minimum résulte aussi de l’interdiction faite au commerçant de
revendre à perte. Aux termes de l’article 17 de la loi de 1999, « Est interdite la revente
de tout produit en l’état à un prix inférieur à son prix de revient ». Cette interdiction
connait des exceptions notamment les ventes des marchandises en solde, les ventes en
fin de saison des de produit dont la commercialisation présente un caractère saisonnier
marqué.
La sanction de la vente à perte n’est pas la nullité, elle est essentiellement pénale.
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droit de ne pas vendre. Il faut ajouter que dans le domaine du commerce, le refus de
vendre est aussi sanctionné car il procède d’un souci discriminatoire et peut
entraver la fluidité du marché et le libre jeu de la concurrence.
On relèvera enfin la vente forcée en cas de saisie des biens d’un débiteur défaillant.
A- Le cocontractant prédéterminé
Cette hypothèse regroupe deux situations, le pacte de préférence et la clause
d’exclusivité.
1- Le pacte de préférence
C’est l’engagement de réserver la préférence au bénéficiaire si l’on décide
d’acheter ou de vendre. Il peut être autonome (par exemple lorsqu’il est consenti à
temps à son voisin) ou l’accessoire d’un contrat principal (préférence au profit du
bailleur en cas de cession de fonds de commerce exploité dans les lieux).
Le pacte de préférence constitue un droit de créance et sauf stipulation contraire,
il est cessible. Lorsque le bien est vendu à tiers sans respecter le pacte de
préférence, il faut distinguer selon que ce tiers est de bonne ou de mauvaise foi. Dans le
premier cas, la vente ne peut être annulée. La sanction ne peut être que des dommages-
intérêts. S’il est de mauvaise foi, la vente sera annulée. La mauvaise foi consiste ici non
seulement en la connaissance de l’existence du pacte de préférence, mais aussi
l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir (Civ. 3e, 26 oct. 1982, B. Civ. III, n° 208).
2- Les clauses d’exclusivité
Dans le domaine commercial, la clause d’exclusivité peut être d’achat (clause
d’approvisionnent exclusif) ou de vente (clause de concession exclusive). Cette
clause est-elle valable dans le domaine non commercial ? Le problème est posé du fait
que cette clause peut rendre le propriétaire prisonnier de sa chose si le bénéficiaire
refuse d’acheter. Il est admis que la clause est valable à condition d’être limitée dans
le temps et justifiée par un intérêt légitime. Exemple : l’engagement du bailleur de ne
vendre qu’au locataire est valable s’il est limité à la durée du bail.
B- Le cocontractant imposé
Ces mécanismes portent atteinte à la liberté du vendeur de choisir son acheteur.
Jamais un acheteur ne peut voir le tiers se substituer à son vendeur. Cette atteinte est
admise parce qu’en principe la vente n’est pas un contrat intuitu personae. Ces
mécanismes regroupent le droit de préemption et la clause d’agrément.
utilisés comme synonymes. Le droit de retrait s’exerce une fois la chose vendue alors
que le droit de préemption s’exerce sur le projet de vente.
vente peut être lente en fonction de l’importance de l’objet de la vente. Cette situation
résulte du fait que plusieurs mécanismes peuvent précéder et préparer la vente. En
second lieu, sa formation peut être remise en cause lorsqu’elle est assortie de
conditions. Il est parfois reconnu aux parties un droit de repentir. Il importe aussi
de signaler que l’AUDCG prévoit des dispositions particulières s’agissant de l’offre et de
la formation du contrat à distance.
2- Exception au principe
La jurisprudence admet que les parties peuvent retarder la formation même de la
vente alors même qu’elles sont d’accord sur la chose et sur le prix. Elles peuvent
subordonner la formation à un élément complémentaire. Exemple : un accord sur les
modalités de paiement du prix. Ainsi, la vente ne sera pas formée si les parties ne
s’entendent pas sur les modalités de paiement du prix (civil 3e, 2 mai 79, D. 79, 317).
Il est impérieux de relever que l’élément auquel les parties subordonnent la formation
définitive du contrat ne doit pas dépendre de l’unique volonté d’une ou des parties. Si tel
est le cas on serait en présence d’une condition purement potestative.
s’il recrute à son tour un certain nombre d’autres acheteurs. La méconnaissance de ces
règes expose à des sanctions pénales.
Particulièrement la loi n° 99-011 du 28 décembre 1999 portant organisation de la
concurrence au Togo interdit en son article 20 les ventes sauvages et le
paracommercialisme. Il dispose qu’ « il est interdit à toute personne d’offrir des produits
à la vente ou de proposer des services en occupant, dans des conditions irrégulières, le
domaine public de l’État et des collectivités locales. …. Nul ne peut de façon habituelle,
offrir des produits à la vente, les vendre ou fournir des services s’il ne remplit pas les
conditions d’exercice de la profession de commerçant déterminés par les textes en
vigueur ».
23
Le contrat de vente met en œuvre non seulement le droit des obligations mais aussi fait
appel au droit des biens en raison du transfert du droit réel qu’il opère. On s’attachera
donc au transfert de propriété avant d’examiner les obligations respectives de
l’acheteur et du vendeur.
1- Le principe
Par le seul fait de la formation du contrat, même si la chose n’a pas encore été
livrée ni le prix payé, l’acheteur devient immédiatement propriétaire en quelque
lieu que se trouve la chose, même entre les mains d’un tiers (art. 1583 et 1138 du
code civil). Il en résulte notamment que les créanciers du vendeur ne peuvent plus saisir
la chose. Ce principe de transfert de plein droit connaît néanmoins des exceptions
consistant soit à retarder le transfert soit à l’avancer.
2- l’exception
- Le transfert retardé
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L’article 276 ajoute que « Les parties peuvent, toutefois, convenir de différer le transfert
de propriété en application d’une clause de réserve de propriété régie par les articles 72
à 78 de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés ».
Le transfert de propriété par la prise de livraison n’est donc pas d’ordre public. On
remarquera que le législateur n’est pas suffisamment explicite sur la notion de prise de
livraison. L’article 269 dispose seulement que « L’acheteur doit prendre livraison en
accomplissant les actes permettant au vendeur d'effectuer la livraison, puis il doit retirer
les marchandises ».
De cette formulation il semble résulter que la prise de livraison serait une obligation de
l’acheteur de laquelle résultera le transfert de propriété. Cette prise de livraison se
distingue du retirement qu’elle précède. On pourrait en définitive se demander si
le transfert en réalité ne correspond pas en à la mise à disposition de la
marchandise ; ce qui correspondrait à la délivrance.
S’agissant du transfert des risques, tout comme en droit commun, c’est le transfert de
propriété qui entraîne le transfert de risque (article 277 AUDCG). C’est donc à la prise de
livraison que le risque est transféré à l’acheteur. Il faut ajouter cependant que lorsque le
contrat de vente implique un transport de marchandise, les risques seront transférés à
l’acheteur à partir de la remise des marchandises au premier transporteur (art. 278
AUDCG).
Si la vente porte sur des marchandises non encore individualisées, les
marchandises ne sont réputées avoir été mises à la disposition de l’acheteur que
lorsqu’elles ont été clairement identifiées aux fins du contrat.
a- La vente à terme
Selon le droit commun, le terme a pour conséquence de subordonner l’exigibilité
d’une obligation à un évènement future et dont la réalisation est certaine. Ici c’est
l’exigibilité de l’obligation de livrer qui est différée. Tout en étant lié, le vendeur
reste donc propriétaire jusqu’au terme convenu et conserve donc les risques de la chose
de même que les revenus.
Aux termes de l’article 72 de l’AUS « La propriété d'un bien mobilier peut être
retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend
l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en
constitue la contrepartie ».
L’article 73 précise qu’ « A peine de nullité, la réserve de propriété est convenue par
écrit au plus tard au jour de la livraison du bien. Elle peut l'être dans un écrit régissant
un ensemble d'opérations présentes ou à venir entre les parties ». On le remarque, alors
que le transfert de propriété se réalise à la prise de livraison, la clause de réserve de
propriété ne peut intervenir au plus tard qu’à la livraison. Une clarification du régime
semble nécessaire.
Pour que cette clause produise effet, il faut que la chose vendue conserve son
individualité c’est-à-dire qu’elle n’ait pas été transformée ou incorporée à un
autre bien. Cependant, lorsqu’elle peut être récupérée sans dommage par une
opération de démontage elle est considérée comme ayant conservée son individualité.
Ce qui n’est pas possible si elle a été incorporée à un immeuble (civ. 3e, 26 juin 91 JCP 92,
II, n°21825, D. 93, 93).
Cette clause a pour conséquence de laisser les risques à la charge du vendeur sauf clause
contraire (com. 20 novembre 79, JCP 81, II, 19 615) (Metz, 29 oct. 80, D. 81, 131).
2- Les clauses avançant le transfert
Ces clauses sont souvent utilisées dans la vente de navire à construire. En principe
le transfert de propriété n’a lieu qu’à l’achèvement. Mais la clause contraire est permise.
Elle est utilisée pour protéger le client contre une faillite du chantier naval.
S’agissant des meubles corporels, c’est celui des acquéreurs qui a été mis en
possession réelle de la chose qui l’emporte, encore faut-il qu’il soit de bonne foi
(article 141 code civil).
La même solution doit être retenue aux termes de l’article 2279 si le vendeur après la
vente donne le bien en gage au profit de son créancier.
S’agissant enfin des biens meubles incorporels, selon les cas, la vente n’est opposable au
tiers que par inscription sur des registres ou par notification. Exemple : cession des
créances et des parts sociales.
A l’égard de ces tiers, le principe est que le transfert de propriété opéré par la vente leur
est opposable dans les conditions fixées par l’acte. Il n’est fait exception à la règle qu’en
cas de fraude.
En réalité, cette contradiction n’est qu’apparente ; elle n’existe pas pourrait-on dire2. En
effet, l’article 1651 du code civil n’a pas pour finalité d’établir une quelconque
chronologie entre les prestations du vendeur et de l’acheteur. En effet, que le
paiement soit fait juste avant la délivrance ou juste après cette délivrance, elle est
intervenue dans le temps de la délivrance. Le texte pose la règle de la quasi simultanéité
des deux prestations et n’en établit aucunement une chronologie. Elle signifie que sauf
2
WOLOU Komi, Les mécanismes de justice privée dans la vente commerciale OHADA, Mélanges
SAWADOGO.
29
lorsqu’un délai aura été accordé à l’acheteur, le paiement du prix devra se faire
presque simultanément ou dans un temps très voisin de celui de la délivrance.
S’agissant de la chronologie des prestations, il faudra exclusivement s’en référer à
l’article 1612 qui exige que le prix soit payé avant la délivrance. Par conséquent,
dans le silence des parties, le droit de rétention du vendeur s’impose.
- Le lieu de paiement
Le paiement doit se faire au lieu convenu pour la délivrance. Sauf clause contraire, le lieu
est celui où se trouve la chose au moment de la vente. Le lieu de paiement est
important puisqu’il détermine la monnaie qui doit être employée.
- Intérêt sur le prix
Si la chose a été livrée ou mise à disposition avant le paiement du prix, si elle est
de nature à produire des fruits, les intérêts commencent de plein droit, car
l’acheteur ne saurait à la fois recueillir les fruits de la chose et conserver le loyer de
l’argent. Exemple les immeubles peuvent être loués même s’ils ne le sont pas
effectivement (Req 19 juin 1928, DP 1928, I, 144). Une livraison partielle fait courir
des intérêts sur la fraction correspondante du prix (Civ. 26 novembre 1924, DP 26, I,
103).
Les alinéas suivants précisent que « Toutefois, la gravité du comportement d’une partie
au contrat de vente commerciale peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon
unilatérale à ses risques et périls. La gravité du motif de rupture est appréciée par le
juge compétent à la demande de la partie la plus diligente ».
C- La preuve du paiement
Une fois que le vendeur a prouvé l’existence et l’exigibilité de sa créance, c’est à
l’acheteur d’établir qu’il a payé le prix. Pour les ventes de l’immeuble au comptant, la
jurisprudence a attaché une présomption de paiement à la remise matérielle de la chose.
Mais il ne s’agit que d’une présomption simple.
A- L’obligation de délivrance
L’article 1604 du code civil définit l’obligation de délivrance comme « le transport de la
chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ». Cette définition est
critiquée par la doctrine car non seulement elle laisse penser que c’est au vendeur
d’assurer ce transport mais aussi que c’est la délivrance qui assure transfert de la
propriété. Or il n’en est rien.
Selon la doctrine, la délivrance consiste donc à laisser la chose vendue à la disposition de
l’acheteur pour qu’il en prenne livraison. Ainsi définie, la délivrance se distingue à la
fois du transfert de propriété et de la livraison.
Alors que le transfert de propriété porte sur le droit et dépend de l’économie du
contrat, la délivrance porte sur la maîtrise matérielle de la chose et repose sur un
acte de fait. Le transfert de propriété et la délivrance sont parfois concomitants, parfois
décalés.
Alors que la délivrance oblige seulement le vendeur à mettre la chose à la
disposition de l’acheteur qui doit venir la chercher, la livraison suggère la remise
matérielle de la chose chez le destinataire. La livraison est donc différente de la
délivrance. Ainsi l’article 1608 met les frais de délivrance (libération d’un bien) à la
charge du vendeur et ceux de l’enlèvement à la charge de l’acheteur.
Nous examinerons successivement les modalités de la délivrance, l’objet de la
délivrance, sa preuve et sa sanction.
2- L’objet de la délivrance
Il ne s’agit pas seulement de délivrer une chose, mais surtout de délivrer une chose
conforme à ce qui est convenu.
a) L’obligation de conformité
32
Le vendeur doit délivrer la chose dans son identité même. Il ne peut effectuer une
substitution quand bien même elle ne paraîtrait pas préjudiciable à l’acquéreur.
S’agissant par exemple d’une voiture, l’acquéreur peut exiger la couleur convenue et non
une teinte (Civil 1ère, 1er déc. 1987, bull., I, n° 324 et 325). L’identité de la délivrance
implique qu’elle porte sur la quantité et la qualité convenue en particulier si la
vente a lieu par rapport à un échantillon. C’est l’exigence d’une délivrance conforme.
Pour les objets d’occasion, la chose doit être délivrée dans l’état qu’était le bien lors de
l’accord de volonté (civil 1ère, 7 mars 2000, Revue com., contrat, concurrence,
consommation, 2209).
Lorsque cette condition d’identité est satisfaite, on parle de « délivrance conforme »
c’est-à-dire que la chose livrée est matériellement celle promise avec les caractéristiques
prévues au contrat. Au contraire la délivrance n’est pas conforme si ces
caractéristiques font défaut. Par exemple : le kilométrage parcouru par un véhicule
d’occasion (civil 1ère, 16 juin 1993, D. 94, 546). Ainsi les insuffisances et les défauts qui
pourraient être découverts après par le consommateur à l’usage relève non pas de
l’obligation de conformité mais de la garantie des vices cachés. Cette présentation
classique a été remise en cause par un courant doctrinal selon lequel, la
conformité ne s’apprécierait pas seulement d’un point de vue matériel mais aussi
fonctionnelle3. Cette extension conduisait à confondre l’obligation de délivrance
conforme et la garantie des vices cachés.
La jurisprudence semble néanmoins revenir au schéma classique. Ainsi, le défaut de
conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice prévu par les
articles 1641 et S. du code civil (com. 26 avril 1994, B civil, IV, 159). Il faut considérer
que désormais la ligne de démarcation est prévue comme suit :
S’il s’agit de la conformité de la chose aux spécificités du contrat, c’est bien de
l’obligation de délivrance conforme. S’il s’agit de la conformité de la chose à sa
destination normale, c’est la garantie des vices cachés qui est en cause.
Il faut observer que l’enjeu ou l’intérêt de la qualification résidait dans le fait que
l’obligation de conformité et la garantie des vices cachés ne sont pas soumises au même
régime notamment en ce qui concerne le délai de prescription.
Il importe de souligner que l’Acte Uniforme de 2010 a apporté des modifications à
ces règles. Deux textes sont à relever, les articles 258 et 259 de l’AUDCG. Le premier
dispose que « Sous peine de déchéance pour l’acheteur du droit de s’en prévaloir, un
défaut de conformité apparent le jour de la prise de livraison doit être dénoncé par
l’acheteur au vendeur dans le mois qui suit la livraison ».
Le second ajoute que « L’action de l’acheteur, fondée sur un défaut de conformité
caché le jour de la prise de livraison, est prescrite dans le délai d’un an à compter
du jour où ce défaut a été constaté ou aurait dû l’être ».
On constate que les deux textes ne font plus de distinction entre défaut de conformité et
vice caché à la différence de l’article 231 de l’Acte de du 1er octobre 1997. En effet
l’article 231 disposait que « La garantie est due par le vendeur lorsque le défaut de la
chose diminue tellement son usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou en
aurait donné un moindre prix s’il l’avait connu ». La doctrine4 soutenait qu’il y avait
défaut de conformité lorsque la chose était impropre à l’usage (article 224,1° ancien) et
vice caché lorsque le défaut de la chose diminue son usage au point que l’acquéreur ne
l’aurait pas acheté ou aurait donné un moindre prix (article 231 ancien).
Actuellement, l’Acte distingue seulement le défaut de conformité apparent du
défaut de conformité caché. Le défaut de conformité absorbe donc le vice caché. Le
défaut de conformité apparent doit être dénoncé au vendeur dans le délai d’un mois de
la livraison (art. 258) ; le défaut caché est prescrite dans le délai d’un an à compter du
jour où ce défaut a été constaté ou aurait pu l’être (art. 259).
4WOLOU Komi, « La notion de conformité dans la vente commerciale (selon l’OHADA) ; (Ann. Univ. Bénin.
Sér. Droit, Econ. Tome XIX, 200, pp. 61 – 101)
34
(com. 4 juin 1991, B civil, IV, n° 204). Après réception, les défauts cachés relèvent de la
garantie des vices cachés régis par les articles 1641 du code civil.
de nature contractuelle. Une fois le contrat conclu, le vendeur doit fournir à l’acheteur
toutes les indications nécessaires sur les conditions d’utilisation et les précautions
d’emploi de la chose. L’obligation de renseignement dépend de la qualité des
parties. Elle est plus intense lorsque l’acheteur est un profane. Elle incombe aussi
bien au fabricant qu’au revendeur spécialisé. Il doit s’informer des besoins de
l’acheteur pour le renseigner utilement (com. 1er décembre 95, B com., IV, 391). Quant
au vendeur non professionnel, si l’on ne peut exiger de lui des connaissances techniques,
il doit néanmoins dire honnêtement tout ce qu’il sait de la chose. Il n’est pas responsable
de ne pas fournir les renseignements qu’il ne connaît pas (Civil 1er, 21 juillet 93, D 94,
somme 237). C’est au vendeur qu’il incombe de prouver qu’il a fourni les informations
adéquates.
2. L’obligation de conseil
Elle suppose que le vendeur ne se borne plus à fournir des éléments de décision mais
indique en outre le sens que doit prendre cette décision. Le vendeur doit éventuellement
dissuader le client de cet achat s’il n’est pas adapté aux fins qu’il se propose ou
réorienter le cas échéant son choix en lui proposant de substituer aux produits choisis le
matériau adéquat (Com. 11 juillet 88 Bull, IV, 211). Ce vendeur ne répond plus que de sa
faute c’est-à-dire des mauvais conseils.
3. l’obligation de sécurité
Le vendeur professionnel a l’obligation de livrer les produits exempts de tout vice
ou tout défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ou
les biens (civil 1er 20 mars 89, D. 89, 381). L’action en responsabilité pour violation de
l’obligation de sécurité est distincte de l’action en garantie des vices cachés et n’est
pas soumise au bref délai. Cette obligation pèse non seulement sur le fabricant mais
aussi sur le revendeur (Civil 1er, 4 avril 91, Bull, I, 131). Ces principes ont été repris dans
la loi française du 19 mai 1998 (cf. article 1386-I code civil sur la responsabilité du fait
des produits défectueux).
personnel peut être étendue mais non restreinte. Cette garantie s’applique d’abord
au trouble de droit. Ainsi le vendeur s’interdit de contester le droit qu’il a transmis à
l’acquéreur. Certes il peut intenter des actions en nullité ou en résolution pour remettre
en cause la vente elle-même. Mais il ne peut invoquer l’usucapion qui lui permet de
priver le droit de propriété de l’acheteur.
Elle s’applique aussi au trouble de fait. Ainsi il doit s’abstenir de tout acte de nature à
détourner la clientèle en cas de vente d’un fonds de commerce (com. 16 juin 69, D. 70,
37).
2- La garantie de l’éviction par le tiers
Le vendeur ne garantit pas ici les troubles de fait. L’acheteur devenu propriétaire
est seul responsable de la défense de son bien et de ses droits. Par contre le
vendeur garantit l’acheteur contre les contestations portant sur le droit acquis.
Par exemple lorsque le tiers prétend être lui-même propriétaire de la chose. Il y a
également éviction quand le bien est grevé de sûretés qui empêchent l’acheteur d’en
prendre possession. L’éviction peut enfin consister au fait que l’acheteur doit supporter
l’exonération des droits d’un tiers par exemple l’usufruit ou la servitude.
Contrairement à la garantie du fait personnel, la garantie d’éviction par un tiers n’est
pas d’ordre public ; elle peut être écartée par une clause de non garantie (Com. 31
janvier 95, JCP 95, II, 22385). La simple connaissance par l’acheteur du risque d’éviction
ne vaut pas clause de non garantie (civil 3e 24 juin 98, B civil, III, 130).
La simple clause de non garantie n’a pas pour effet de décharger le vendeur de la
restitution du prix à l’acheteur évincé mais l’exonère des autres charges. Par
contre lorsque l’acheteur accepte prendre en charge ces risques d’éviction qu’il
connaissait, la vente prend un caractère aléatoire et la garantie est totalement exclue.
la chose (s’il doit lui-même les rendre aux tiers), les frais de la vente et les dommages
intérêts qui compenseront les investissements que l’acquéreur avait exposés sur la
chose. L’acquéreur qui subit une éviction partielle dispose d’un choix ; soit il
demande l’anéantissement de la vente, soit il peut demander une indemnité qui
équivaut à une diminution du prix.
38
B) Objet de la restitution
La restitution porte sur le prix et ses accessoires. S’agissant d’abord du prix, c’est la
somme nominale qui avait été versée qui doit être restituée7. Cette règle peut porter
préjudice à l’une ou l’autre des parties ; au vendeur si la chose a diminué de valeur et
à l’acquéreur dans le cas inverse. La victime ne peut obtenir réparation de ce préjudice
que lorsqu’elle peut mettre en jeu soit la responsabilité de l’autre partie ou d’un tiers.
5 Com. 17 mai1982, Bull. IV, n° 182; Com. 3 février 1998, Bull, IV, n° 61.
6 Civ. 3e, 2 mars 1994, Bull. III, n° 40.
7 Civ. 1re, 19 mars1996, Bull. I, n°139.
39
Quant aux accessoires, si le prix initial incluait la TVA, le vendeur doit en restituer le
montant, bien qu’il l’ait versé au fisc. Il peut en obtenir restitution auprès de ce
dernier8.
Quant aux frais de publicité foncière, le vendeur n’en doit pas restitution et
l’acquéreur devra s’adresser à l’Administration9.
S’agissant des intérêts sur le prix, la jurisprudence ne met à la charge du vendeur la
restitution des intérêts qu’à compter de la demande en nullité ou en résolution, sauf
mauvaise foi de sa part10. Cette solution est critiquée. On estime qu’elle n’est pas
cohérente avec celle qui oblige l’acquéreur à restituer de son côté les fruits de la chose.
B) Restitution en valeur
Parfois, la restitution se heurte à un obstacle matériel. Il en est ainsi lorsque le
bien a été vendu à un sous-acquéreur protégé ou s’il a été incorporé à d’autres
biens. On estimait que ces circonstances faisaient obstacle à toute action en nullité ou en
résolution. Mais cette solution semble aujourd’hui cantonnée au cas de la résolution. En
cas de nullité, la jurisprudence admet que l’acquéreur conserve le droit d’agir même
après consommation ou revente de la chose. La restitution doit se faire alors en
valeur22. Il est précisé que c’est la valeur au jour de la vente qui doit être retenue.
Le mandat désigne de façon générale les mécanismes par lesquels une personne
reçoit mission de représenter autrui et d’agir pour son compte et selon ses
instructions. On le rencontre tant dans la vie publique (mandat électoraux par
opposition au souverain qui n’est pas mandataire de ses sujets) que privée. On le
retrouve aussi dans la vie collective (mandataires sociaux ou mandataires associatifs)
que sur le plan individuel.
Le mandat déborde le cadre contractuel. Le mandataire peut en effet être désigné par
la loi ou le juge pour agir pour autrui (par exemple tuteurs ou administrateurs pour
les personnes physiques incapables, les mandataires-liquidateurs pour les personnes
morales). Le contrat de mandat ne concerne que le cas où c’est par contrat qu’une
personne reçoit mission pour agir pour le compte d’une autre.
Le contrat de mandat se définit donc comme celui par lequel une partie (le mandant)
charge l’autre (le mandataire) d’accomplir des actes juridiques pour son compte et en
son nom. Le mandataire est parfois aussi appelé le gérant ou l’agent.
Le document matériel qui constate ce contrat est dans la pratique désigné procuration
ou encore pouvoir. Ce document revêt une importance cardinale parce que c’est lui qui
permet au tiers auprès de qui doit agir le mandataire de s’assurer que son interlocuteur
a bien reçu le pouvoir d’agir en son nom.
Initialement, le contrat de mandat était considéré comme un service rendu à une
personne empêchée et restait dans un cercle d’amitié, normalement sans
contentieux. C’est dans cet esprit que le code civil l’a conçu. Mais le développement des
activités de service a entraîné une floraison des intermédiaires qui agissent au moyen
d’un mandat. L’essor considérable des personnes morales et des groupements a
multiplié l’utilisation du mandat, instrument technique de leur expression et de
leur activité. Le mandat est devenu aussi le plus souvent professionnel. Du coup, il perd
sa gratuité et sa précarité. En effet, le mandataire qui trouve profit dans le contrat a
intérêt à sa stabilité.
Cette diversification du mandat a pour conséquence l’élaboration des réglementations
professionnelles (agents immobiliers, agents commerciaux, sociétés de bourses etc.) qui
coexistent avec le mandat traditionnel.
Le code civil a posé une présomption de la gratuité du mandat avec la possibilité
d’une convention contraire. Cependant, avec le développement des mandats
professionnels, non seulement le domaine de cette présomption a été réduit mais
également la présomption a été inversée par la jurisprudence lorsqu’il s’agit d’un
mandat professionnel. Ainsi, les mandats professionnels sont présumés onéreux23.
23 Civ. 1re 16 octobre 1998, Bull, I, n° 211 ; C. C. C. 1998, 127 obs. Leveneur.
43
Le mandat peut exister à titre principal ou être employé à titre accessoire. Exp ; un
architecte peut recevoir mandat d’effectuer certains actes juridiques comme la demande
de permis de construire ou un banquier dépositaire qui reçoit mandat d’effectuer des
paiements.
Dans tous les cas où le mandat vient s’insérer dans un ensemble complexe, il n’en
garde pas moins ses caractères et son régime propre. Il n’est pas absorbé par le
contrat principal. Le mandat conserve son économie propre.
Nous étudierons successivement le régime général du mandat et les régimes spéciaux.
La spécificité du contrat de mandat est qu’il est un acte juridique orienté vers la
conclusion d’autres actes juridiques. Le mandataire reçoit mandat pour conclure
d’autres actes. Il faut retenir que l’acte final conclu par le mandataire garde aussi son
régime propre selon sa nature.
aussi être limité par la précision des instructions qu’il reçoit. C’est le degré
d’indépendance qui est déterminant dans la qualification retenue27.
Il est cependant possible qu’il y ait cumul du statut de salarié et de mandataire. Ce cumul
n’est admis que lorsqu’il correspond à l’exercice effectif des deux fonctions.
Il faut rappeler qu’il y a des cas où c’est le juge où la loi qui crée le mandat (par exemple
désignation d’un tuteur à un incapable ou la représentation d’un mineur par ses
parents). Dans tous ces cas, il n’y a pas de contrat de mandat. Si le représentant est tenu
des obligations similaires à celles du mandataire, c’est en vertu d’un régime légal. Le
mandat proprement dit nécessite un contrat dont il faut préciser les conditions de
formation et les modalités de preuve.
§ 1) Formation du mandat
Il faudra étudier les conditions de fond et des conditions de formes.
27Soc. 13 janvier 1972, Bull. V, n° 28 ; JCP 1972, I, 2503. Soc. 16 fév. 1983, Bull. V, n° 89. Cf. note Ghestin, D.
1993, 414.
46
De plus, il y a des catégories d’actes pour lesquelles le mandat ne peut être confié
qu’à un professionnel. Dans ce cas, le mandat est nul lorsque le mandataire n’a pas la
capacité professionnelle requise. Il s’agit d’une nullité absolue.
b) L’objet
L’objet du mandat réside dans l’acte juridique à accomplir. Cet acte doit donc être
déterminé. Par exemple le mandat de vendre un bien non précisé sera nul faute d’objet
déterminé.
La mission peut porter sur un seul acte (mandat spécial) ou sur tous les actes inscrits
dans un certain cadre (mandat général de gestion d’un ou de plusieurs biens).
Il n’est cependant pas nécessaire que le montant de la rémunération soit déterminé.
Comme dans toute obligation de prestation de service, cette rémunération peut
éventuellement être fixée par le juge28.
Constituant l’objet du mandat, l’acte à accomplir détermine aussi sa validité. Ainsi,
lorsque l’acte à accomplir est illicite ou impossible, le mandat est frappé de
nullité.
exiger justification. Il lui est possible de se ménager les mêmes modes de preuve
que les parties. Il a d’ailleurs intérêt à se ménager la preuve du pouvoir donner au
mandataire. Il faut préciser que cette exigence ne concerne que le tiers qui contracte
avec le mandataire. S’agissant des tiers ordinaires, extérieures à cette opération, ils
peuvent prouver le mandat par tous moyens, conformément au droit commun30.
La preuve en matière du contrat de mandat se pose sous différents angles à savoir la
preuve de l’existence du mandat, la preuve de l’étendue du mandat et celle de la
rémunération.
35 Soc. 4 janvier 2000, Bull. V, n° 8 ; Com. 2 décembre 1997, JCP 98, II, 10160.
36 Civ. 1re 6 décembre 1994, Bull. I, n° 157. Vente des actions d’une société exploitant un fond de commerce
au lieu de la vente du fonds lui-même.
37 Civ. 3e , 3 juin 1987, Bull. III, n° 115.
49
implique enfin la prudence. Par exemple, le mandataire doit éviter d’envoyer un chèque
important par voie postale38.
3) Une exécution efficace
Le mandataire doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire aboutir sa mission. Il
ne doit pas ménager sa peine. Au besoin, il doit accomplir des actes accessoires dont il
n’a pas été expressément chargé. Lorsqu’il agit à titre gratuit, on ne peut exiger de lui
plus que sa compétence personnelle. Lorsqu’il s’agit d’un professionnel, c’est une
compétence objective qu’on est en droit d’attendre de lui. Par exemple, un notaire
chargé du recouvrement de prêt doit renouveler les hypothèques39 ; l’agent d’affaires
doit prendre des renseignements sur la solvabilité du locataire.
4) Une exécution loyale
L’exécution loyale implique le mandataire agisse dans l’intérêt de son mandant. Il
y aurait un détournement de pouvoir à utiliser les pouvoirs qui lui ont été conférés
pour servir d’autres intérêts que ceux du mandant, qu’il s’agisse des siens propres ou
ceux des tiers. Cette règle justifie l’interdiction de la contrepartie occulte. On appelle
contrepartie le fait pour un mandataire chargé de conclure un acte, par exemple de
vendre un bien, de devenir lui-même cocontractant, en achetant ce bien à titre
personnel ou pour un autre mandant. L’article 1596 édicte cette interdiction
particulièrement s’agissant de vendre un bien aux enchères. Mais la jurisprudence en a
élargi le domaine aux ventes amiables, même si le mandataire agit par personne
interposée, même s’il respecte le prix fixé par son mandant40, même si le mandant
n’est pas le vendeur mais un créancier saisissant41.
Il n’y a évidemment plus déloyauté lorsque le mandataire informe le mandant. La
contrepartie autorisée est valable et permettrait même la perception d’une commission.
Le devoir de loyauté impose au mandataire dans le domaine commercial de ne pas
concurrencer directement son mandant notamment au moyen des informations
que lui fournit celui-ci (Par exemple les fichiers de sa clientèle). Cette loyauté doit
d’ailleurs se poursuivre au-delà de la fin du mandat et des détournements ultérieurs
constitueraient encore des actes de concurrence déloyale.
B) Le devoir de conseil
Le mandataire professionnel doit mettre son expérience à la disposition de son
client. Il doit donc l’informer et le conseiller sur l’utilité de l’acte envisagé. Au besoin,
il doit le mettre en garde et même le dissuader d’un projet aux effets fâcheux. Par
exemple, un agent immobilier doit indiquer à son client que le prix qu’il entend
demander est trop faible42.
Le mandataire occasionnel n’est pas non plus dispensé du devoir de conseil. S’il
dispose d’une compétence, il doit pareillement la mettre au service de son
mandant. La différence est que, chez lui, la compétence n’est pas présumée et qu’il
faudra la prouver pour établir un manquement.
Le devoir de conseil est d’ordre public. Le mandataire ne saurait donc s’en
décharger par une clause de non-responsabilité. En revanche, son intensité
dépend de la compétence du mandant. Plus le mandant est compétent, moins il a
besoin de conseils.
Le problème s’est posé de savoir si le mandataire doit exécuter des instructions qui
contredisent formellement ses conseils. Il a été jugé que l’huissier qui délivre un acte
irrégulier sur ordre exprès du client qu’il a pourtant éclairé est partiellement
responsable43.
C) L’obligation de rendre compte
Le mandataire doit rendre compte de sa gestion. Il est tenu d’informer le mandant de
l’exécution de sa mission d’abord en cours de mission afin que celui-ci puisse adapter
ses instructions. En fin de mission, il doit aussitôt informer le mandant du résultat quel
que soit le sens de celui-ci. L’action en responsabilité du mandant contre le
mandataire ne court que du moment du compte rendu.
Le mandataire a en outre une obligation de restitution qui porte non seulement sur ce
que le mandant lui a remis pour l’exécution de sa mission, mais aussi tout ce qu’il a reçu
du tiers-contractant dans l’exercice de sa mission, y compris ce qui lui a été remis par
erreur ou même de façon illicite. Cette obligation est sanctionnée pénalement par le
délit d’abus de confiance. Le mandataire doit veiller à se ménager la preuve de cette
restitution. Cette obligation de restitution ne s’oppose pas à l’exercice par le mandataire
du droit de rétention si les sommes lui sont encore dues au titre du mandat.
D) La responsabilité
La responsabilité du mandataire est une responsabilité pour faute.
La preuve de la faute.
Elle donne lieu à une distinction ; « si le mandataire est, sauf cas fortuit, présumé en
faute du seul fait de l’inexécution de son mandat, cette présomption ne saurait
être étendue à l’hypothèse d’une mauvaise exécution de ce dernier »44. Il en résulte
qu’il appartient au mandataire d’établir qu’il a effectué sa mission ou qu’il en a été
empêché par un cas fortuit. C’est ensuite au mandant qui estime qu’elle a été mal
effectuée d’établir la faute.
L’appréciation de la faute.
Elle doit se faire moins rigoureusement à l’égard du mandataire gratuit qu’à l’égard de
celui qui est rémunéré (art. 1992 al. 2 C. civ.). Celui qui rend service doit être traité
moins sévèrement que celui qui reçoit une contrepartie45.
La réparation du dommage.
Il s’agit d’une réparation intégrale du dommage prévisible selon le droit commun de
la responsabilité contractuelle. Il n’y a pas lieu de distinguer entre le caractère onéreux
ou gratuit du contrat.
Mandataire ducroire
En principe, le mandataire ne garantit pas l’exécution du contrat conclu. Il
n’engagera sa responsabilité que lorsqu’il choisit un cocontractant insolvable. La clause
ducroire a précisément pour objet de mettre à la charge du mandataire la garantie
de la bonne exécution du contrat par l’autre partie. Cette clause n’est généralement
pratiquée, contre rémunération accrue que par les mandataires professionnels, surtout
par les commissionnaires.
Responsabilité en cas de sous-mandat.
Lorsque le mandataire initial se substitue une autre personne, il ne répond des
actes de cette dernière que dans deux cas ; d’abord lorsque la substitution n’a pas
été autorisée et ensuite lorsqu’il a choisi un substitut notoirement incapable ou
insolvable. Ce régime de faveur s’explique par la gratuité naturelle du mandat et doit
être écartée dans l’hypothèse du mandataire professionnel. Le mandataire substitué
répond de ses fautes à l’égard de son mandant c’est-à-dire le mandataire initial qui
peut exercer contre lui une action récursoire. De plus l’article 1994 al. 2 permet au
mandant d’agir directement contre le sous mandataire, qu’il ait ou non autorisé la
substitution. Il en sera toujours ainsi même si le sous-mandataire ignorait qu’il y a eu
un mandat principal46.
Prescription de l’action en responsabilité.
L’action en responsabilité du mandataire se prescrit selon le droit commun, c’est-à-dire
en matière civile par trente ans. Mais le délai ne court qu’à partir du jour où le mandant
a eu connaissance de la faute et du préjudice.
A) Obligation de coopération
Le mandant doit tout d’abord mettre le mandataire en mesure d’exécuter sa
mission en lui fournissant les documents, titres ou objets nécessaires. Cette
obligation tire sa source de l’exigence de la bonne foi contractuelle. Cependant, sauf
clause contraire, le mandataire doit faire l’avance des fonds. Si la mission échoue à la
suite de la négligence du mandant, il sera tenu de ses obligations envers le mandataire.
B) Obligation de remboursements
Lorsque le mandataire a dû exposer des frais et faire des avances de fonds pour exécuter
sa mission, le mandant doit les rembourser même si l’affaire a finalement échoué
et s’ils ont été engagés en pure perte (article 1999 C. civ.). Les intérêts sur ces
sommes sont dus dès le jour des dépenses contrairement au droit commun où les
intérêts ne courent qu’à partir de la mise en demeure. Ce remboursement peut être
A) La situation du mandataire
Le propre de la représentation est que l’acte est réputé effectué directement entre le
tiers contractant et le représenté. Il en résulte qu’en principe cet acte ne produit
aucun effet à l’égard du mandataire, ni à son profit, ni à son préjudice. Ainsi, le
mandataire qui conclut un contrat ne peut en poursuivre l’exécution, même si le
mandant s’abstient de le faire.
Mais le mandataire sera personnellement engagé envers le tiers dans trois cas. Il en sera
ainsi en cas de mandat sans représentation (La commission), lorsque le mandataire
omet d’indiquer le nom du mandant au tiers, même sans être tenu au secret51, et
enfin en cas d’agissements fautifs envers le tiers. Mais puisqu’il n’y a pas de lien de
droit direct entre eux, cette responsabilité est de nature délictuelle. En effet, selon
la jurisprudence, la responsabilité du mandataire ne peut être engagée à l’égard d’une
personne autre que son mandant que sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel52.
Il en est ainsi notamment en cas de dépassement de ses pouvoirs par le
mandataire. L’acte sera nul mais le tiers pourra demander au mandataire réparation du
préjudice causé par cette nullité. Il en est aussi d’une banque chargée de faire un
virement à un tiers et qui ne fait pas ou le fait incomplètement53. Cette responsabilité
reste délictuelle même si le mandataire a agi sur instruction de son mandant54.
B) La situation du mandant
La personnalité du mandataire s’effaçant totalement sitôt l’acte conclu, il revient au
mandant d’exécuter les engagements contractés par le mandataire dans les limites de
ses pouvoirs. Mais la portée de la représentation est plus générale et produit des effets à
double sens. D’une part, tous les actes émanant du mandataire seront opposables
au mandant. Il en sera ainsi de la réception de la marchandise sans réserve par le
mandataire55. Tous les faits communiqués au mandataire sont réputés déclarés au
mandant. D’autre part et réciproquement, ces mêmes actes sont invocables par le
mandant à l’encontre du tiers contractant. Par exemple, le mandant peut invoquer les
vices du consentement dont le mandataire a été victime ; ces vices sont censés altérer
son propre consentement.
Cependant, même lorsque le mandataire reste dans les limites de ses pouvoirs, la
représentation est écartée dans le cas d’une collusion frauduleuse entre le
mandataire et le tiers, selon la règle « fraus omnia corrumpit ». Cette collusion
suppose que le mandataire et le tiers se sont entendus pour conclure un acte
préjudiciable au mandant56.
Le mandataire qui a agi sans véritable pouvoir ou a excédé ses pouvoirs n’engage
pas le mandant. L’acte ainsi conclu est entaché d’une nullité. Cette nullité pourrait
néanmoins être paralysée par la théorie du mandat apparent. Le mandant peut
aussi après-coup venir régulariser cette situation s’il approuve le contrat passé. Il y a
ratification de l’acte conclu par le représentant (art. 1998 al. 2 C. civ.). Cette ratification
présente l’avantage d’être rétroactive ; l’acte ratifié est censé avoir toujours été, dès
l’origine, conclu valablement pour le représenté.
en charge de l’affaire par le mandant. Le mandat stipuler même irrévocable ne prive pas
le mandant de renoncer à l’opération57. Cette règle traduit l’idée du maintien de
confiance au centre du mandat.
2) Indemnisation du mandataire.
Il faut observer que cette indemnisation n’est pas liée à l’idée de responsabilité.
Elle n’est que le corollaire de l’exercice de sa faculté. Elle intervient dans deux cas :
soit lorsque le mandat est irrévocable ou à durée déterminée, soit lorsqu’il est d’intérêt
commun. Lorsque le mandat est stipulée irrévocable ou à durée déterminée, cela
signifie seulement qu’en cas de révocation, une indemnité est due. Toutefois, le
mandataire sera privée de cette indemnité si la révocation est due à une faute de sa part.
S’agissant du second cas, il faut observer que la notion de mandat d’intérêt commun
qui est d’origine jurisprudentielle a donné lieu à des controverses doctrinales58. Selon la
jurisprudence, le seul fait que le mandat soit onéreux ne suffit pas à caractériser un
intérêt commun. La stipulation d’un salaire au profit du mandataire ne permet pas,
à elle seule, de considérer le mandat comme étant donné dans l’intérêt du
mandataire. Il faut que le mandataire trouve un intérêt non pas dans la seule
rémunération de sa mission mais dans l’activité qu’il déploie au service du mandant,
activité qui doit en même temps servir ses propres intérêts. Cette distinction est très
subtile et a été critiquée par la doctrine. D’ailleurs en matière de promotion immobilière,
le législateur a admis le mandat d’intérêt commun alors que le promoteur (article 1831-
1 du code civil) qui se contente de réaliser une construction sur le terrain du mandant se
limite à sa rémunération sans aucun essor d’entreprise.
Le seul intérêt qui s’attache à la notion de mandat d’intérêt commun est que sa
révocation engage le mandant à indemniser le mandataire du préjudice qu’elle lui cause
(par exemple en rendant inutile certains investissements). Cependant le mandant
pourrait se dégager de cette obligation dans deux cas, lorsque la révocation est
due à une faute du mandataire ou lorsque le mandant justifie d’un juste motif. Le
juste motif peut être la réorganisation de l’entreprise. Dans tous les cas il pourrait être
fait application de la théorie de l’abus de droit59.
§ 2 : Extinction accidentelle
L’article 2003 attache expressément au décès du mandant ou du mandataire un effet
extinctif qui procède du caractère intuitu personae du contrat. En ce qui concerne le
mandataire, la règle s’applique même lorsqu’il s’agit d’un mandat d’intérêt commun ;
s’agissant du décès du mandant, la règle admet des exceptions :
- Le mandataire doit achever sa mission s’il y a péril en la demeure ;
- Les actes accomplis par le mandataire restent valables tant qu’il n’est pas
informé du décès ;
Le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque
chose pour l’autre moyennant un prix convenu entre elles.
Ces trois types de louages sont trois espèces d’un même genre. Mais en fait ils n’ont rien
de commun. Il y a une fausse analogie qui est créée par le mot louage.
Le contrat d’entreprise est un contrat synallagmatique, à titre onéreux ce qui est une
différence avec le mandat. Le contrat d’entreprise est toujours à titre onéreux ; à
défaut, il s’agira d’une entraide. Il est consensuel, sauf exceptions notamment la
construction de type individuel et de navire. C’est un contrat qui est affecté d’un fort
intuitu personae. La considération de la personne est évidemment très importante en
particulier pour des contrats d’entreprise passés avec des professions libérales.
Le contrat d’entreprise a été défini comme « le contrat par lequel une personne se charge
de faire un ouvrage pour autrui, moyennant une rémunération, en conservant son
indépendance dans l’exécution du travail ». De cette définition il résulte que le contrat
d’entreprise emporte une obligation de faire quelque chose, moyennant une
rémunération, sans lien de subordination. Il importe aussi de distinguer le contrat
d’entreprise des contrats voisins.
L’article 1710 du code civil évoque assez clairement cette obligation en ce sens que l’on
doit faire un certain travail et réaliser un certain ouvrage. Il dispose que « Le louage
d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour
l'autre, moyennant un prix convenu entre elles ». Ce mot peut-être pris dans deux sens
différents. L’ouvrage c’est le résultat du travail mais cela peut aussi être la chose
réalisée par l’entrepreneur. Ce travail, cet ouvrage peut-être une prestation
matérielle ou intellectuelle.
§ 1. Prestation matérielle :
A côté de cela on a des contrats d’entreprise qui portent sur la personne du maître
d’ouvrage. Ce sont toutes les prestations de services, comme les soins corporels,
médicaux, paramédicaux qui ont pour objet la personne. Les contrats de restauration,
d’hôtellerie, contrat de spectacle, de transport de personne sont aussi des contrats
d’entreprise. Dans tous ces cas, la prestation est d’ordre matériel.
§ 2. Prestation intellectuelle :
Ce sont tous les contrats qui ont pour objet l’assistance, l’organisation, la réflexion etc. Il
en est ainsi lorsque la tâche consiste à fournir des conseils, des renseignements, un
enseignement. On doit donner de sa personne. Cela implique donc une activité qui se
traduit par certains actes. L’activité de l’entrepreneur ne consiste pas à passer des
contrats. Il ne passe pas d’acte juridique pour le compte de son client.
L’activité principale dans le contrat d’entreprise est une activité positive. Cette activité a
pour objet une obligation de faire. On peut observer qu’il peut s’ajouter à l’obligation de
faire, certaines obligations de ne pas faire. Elles sont toujours accessoires. Il en est ainsi
de l’obligation de non concurrence.
L’exécution d’une obligation de ne pas faire se concrétise bien souvent par une
multitude d’obligations de faire. On respecte une obligation de confidentialité en cachant
des dossiers, en donnant des ordres. Lorsque l’obligation de ne pas faire ne se traduit
pas par des obligations concrètes et précises de faire, il n’y a pas contrat d’entreprise.
Section 2. La rémunération
Parfois la distinction n’est pas aussi simple : les critères du contrat de travail se
sont eux-mêmes élargis.
§ 1. Entreprise et dépôt :
Dans certains contrats une partie s’engage à garder la chose et aussi à faire quelque
chose. Pour qualifier, on va recourir à la technique de la qualification unitaire. Elle
consiste à rechercher quelle est l’obligation principale.
On a le cas des dépositaires qui accessoirement à leur activité principale s’engage à des
activités de services, comme le contrat dit de pension de cheval. C’est un contrat de
dépôt mais est assorti de quelques obligations. La qualification est unitaire
60
Parfois, on peut assister à des obligations d’importances similaires. On retient alors une
qualification mixte ou distributive.
Cas du garagiste
61
Com. 11 mai 1956, Bull. civ. II, n° 248.
62
Cass. 1re 27 mars 1985, Bull. civ. I, n° 111.
61
acceptés par l’organisateur). Cette spécificité traduit l’existence d’un contrat « sui
generis ».
§ 3. Entreprise et transport :
Aujourd’hui on préfère en droit français le critère psychologique qui est aussi celui du
travail spécifique. On s’attache donc au rôle des parties dans la conception de la chose et
dans ses caractéristiques. L’idée du contrat d’entreprise est celui du « sur mesure » et le
contrat de vente sera retenu lorsqu’il s’agit d’une fabrication en série.
Dans le contrat de restauration, ce n’est pas le client qui décide comment on va lui
faire à manger. On devrait donc dire qu’il y a vente. Mais on applique le critère de
l’accessoire car on considère que ce sont les services qui ont plus de valeur. Il faut
également indiquer que l’on a recours à des qualifications distributives. Mais parfois on
recourt à des qualifications distributives. Cela concerne les gros contrats dans la
62
Le contrat d’entreprise est un contrat consensuel qui se forme par la rencontre des
volontés sur les éléments essentiels de la prestation. Cependant, la loi elle-même exige
parfois que le contrat d’entreprise soit écrit à peine de nullité. Tel est le cas du contrat
de construction de navire. La preuve du contrat obéit aux règles de droit commun.
Le contrat d’entreprise est souvent précédé de l’établissement d’un devis. La demande
de devis s’analyse généralement en une invitation à entrer en pourparlers et l’envoi du
devis comme une offre. Néanmoins tout dépend de l’intention des parties.
La question de la rémunération du devis se pose. La jurisprudence distingue les
« simples devis « établis par l’entrepreneur à son initiative à ses risques et périls et
n’ouvrant droit à aucune rémunération des devis qui sont à eux seuls l’objet d’un contrat
d’entreprise obligeant le maître au paiement des honoraires63. Selon la jurisprudence, le
critère de distinction ne repose pas sur la fixation préalable du prix mais dans
l’importance et l’étendue des travaux.
Lorsque le contrat d’entreprise est un contrat administratif, il faut tenir compte des
dispositions du code des marchés publics. Ils conduisent à distinguer les petits contrats
de travaux dont la conclusion n’appelle aucune procédure des contrats les plus
importants que l’on nomme les marchés publics.
Dans les marchés privés, parfois le maître de l’ouvrage met en concurrence plusieurs
entrepreneurs en utilisant les techniques du code des marchés publics. Cette pratique
n’entraine pas la requalification du contrat en contrat administratif. Bien souvent, le
maître de l’ouvrage fait des propositions qui ne sont pas une offre ; elles sont souvent
assorties de réserve. Il appartient alors dans un deuxième temps aux entrepreneurs
intéressés de soumissionner, c’est-à-dire d’adresser leur offre sous pli cacheté. Les
contrats privés peuvent parfaitement se soumettre aux règles de droit public. Ces règles
ont en quelques sortes une vocation de droit commun lorsque les marchés sont
importants. Mais elles ne sont pas obligatoires dès l’instant où le marché n’est pas
public.
Section 2. Le contenu du contrat
Le contrat d’entreprise est un contrat synallagmatique qui crée des obligations à la
charge de chacune des parties. Certaines de ces obligations sont essentielles, comme
l’obligation d’accomplir le marché et celle de payer le prix. Elles caractérisent le contrat
et ne souffrent d’aucune clause contraire. Les autres sont moins fondamentales et n’ont
pas valeur qualifiante telle l’obligation de prendre livraison ou de donner des conseils
utiles. Cependant ces obligations sont des accessoires nécessaires et ne peuvent donc
63
Civ. 3e 26 mai 1993, RD imm. 1993, 510.
64
pas être écartées par des clauses particulières. Autrement dit, les clauses contractuelles
ne peuvent que les aménager.
§1. Les obligations de l’entrepreneur
64
Com. 6 mai 1997, D 97, 588.
65
Civ. 1re, 6 octobre 1998bull. civ. I, n° 276.
66
Com. 14 juin 1994, n° 92-11.409
65
revanche s’il s’agit d’une véritable réparation, on pourrait être en présence d’une
obligation de moyen.
§. 2. L’obligation du maître de l’ouvrage.
Le maître de l’ouvrage a l’obligation de payer le prix et de recevoir l’ouvrage.
A. L’obligation de payer le prix
Il doit payer le prix convenu et selon les modalités prévues. Le prix se paie en principe à
la fin des travaux mais il peut être convenu un paiement échelonné. Le maître doit dans
tous les cas payer ponctuellement ; à défaut il s’expose à payer les intérêts si le retard
est dûment constaté. L’obligation de payer le prix est garantie par le droit de rétention et
parfois par les privilèges. Tel est le cas du privilège des architectes en matières
immobilières. Quand bien même le prix doit nécessairement exister, il n’est pas
nécessaire qu’il soit fixé dans le contrat lui-même. Il pourrait être déterminé par le juge.
Lorsque le prix est déterminé par les parties, elles peuvent convenir d’un forfait. Dans ce
cas, si au cours de l’exécution des travaux le prix de la main d’œuvre venait à augmenter
ou le prix des matériaux venaient à connaître une hausse, l’entrepreneur devra les
supporter. Ce système expose aussi le maître de l’ouvrage au risque que l’entrepreneur
utilise des matériaux de moindre qualité.
Si par ailleurs, l’entrepreneur réalise des travaux supplémentaires, il ne peut en
demander le paiement sauf à prouver leur agrément par le maître de l’ouvrage67.
B. La réception
L’obligation spécifique à la matière est de revoir l’ouvrage. La réception est l’acte
juridique unilatéral par lequel le maître de l’ouvrage approuve le travail fait. La
réception se distingue à la fois de la livraison et de la prise de possession qui sont des
actes matériels. La réception est l’agrément de la chose. Elle joue comme une décharge
de responsabilité. Elle entraîne de nombreuses conséquences. Notamment, le maître de
l’ouvrage ne peut plus se plaindre des défauts de conformité apparents de la chose. Il
devient aussi gardien de la chose et il doit payer le solde du prix sauf stipulation
contraire.
La réception peut être partielle ou totale. Le maître de l’ouvrage peut toujours refuser
les travaux ou les accepter avec réserves. Dans le premier cas, il doit être de bonne foi.
67
Civ. 1re 25 mars 1997, contrats, conc. Cons. 1997, n° 95.
66
Si l’entrepreneur n’exécute pas ses obligations, rien ne s’oppose à ce qu’il soit condamné
à agir, au besoin sous astreinte. Il faut réserver les cas dans lesquelles ses obligations ont
un caractère très personnels.
Lorsque l’exécution du contrat devient impossible en raison d’un cas de force majeure,
sauf convention contraire, l’entrepreneur n’a droit à aucune rémunération (voir art.
1790 C. civ.)
Dans ces conditions, l’entrepreneur de spectacles qui n’a pu offrir la représentation
parce que l’un des artistes est tombé malade doit rembourser ses clients. L’organisme
gestionnaire de loto qui ne peut traiter un billet gagnant qui s’est perdu doit également
rembourser le joueur68. La solution est différente lorsque la force majeure n’interrompt
que partiellement l’exécution ou lorsque l’événement n’intervient qu’en cours
d’exécution. Si le spectacle est interrompu par une panne quelconque, l’organisateur
s’engage à rembourser si le spectacle est à peine commencé, mais s’exonère lorsqu’il est
bien entamé (après la mi-temps pour les compétitions sportives).
68
Civ. 1re 19 janv. 1982, D.1982, 457.
67