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L’EUROPE

I. Séance 1 : introduction (diapo S1)

langue :​ système de signes vocaux, éventuellement graphiques, propre à une communauté


d’individus, qui l’utilisent pour s’exprimer et communiquer entre eux
→ réalisation concrète du langage au sein d’une culture

langage :​ capacité observée chez tous les hommes, d’exprimer leur pensée et de
communiquer au moyen de signes vocaux et éventuellement graphiques ( la langue)
→ faculté universelle de tous les hommes

culture :​ ensemble de phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe


ethnique ou une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre
nation.

La question des rapports entre langue et culture a caractérisé le débat scientifique moderne
dans les domaines de la linguistique et de l’anthropologie.

A partir de la fin du XIXe s, Antoine Meillet et Emile Durkheim ont eu des intuitions de base
qui ont permis le développement de ces études. Les intuitions sont :
- langue et culture comme systèmes
- langue et culture comme 2 faits de même nature
- langue et culture comme faits historiques et sociaux

Les questions étaient sur :


- rapport pratique entre langue et culture : l’une des 2 nécessaires pour étudier l’autre
? ou indépendants ?
- distribution : les langues et cultures ont souvent des distributions géographiques
différentes (ex : plusieurs langues génétiquement non reliées peuvent être parlées à
l’intérieur d’une culture homogène comme le hongrois, le finnois et l’estonien en
Europe, et une même langue peut être parlée par des groupes culturellement
différents, comme le swahili et l’anglais sont des lingua franca, soit des langues de
marché)
- causalité : langue qui influence culture ? Culture qui influence langue ?

Parmi les personnalités qui ont abordé la question du lien entre langage, pensée et culture,
on retrouve surtout des linguistes et des anthropologues.

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1. Un coup d’oeil aux personnalités historiques

3 personnalités fondamentales :
- Franz Boas
- Edward Sapir
- Benjamin Lee Whorf

Franz Boas (1858 - 1942) :

Approche de type holistique (holos grec = ancien / fr = global)

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Edward Sapir (1884 - 1939) :

C’est grâce à la perfection du langage qu’une culture peut s’épanouir

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Benjamin Lee Whorf (1897 - 1941) :

Il travaille surtout sur le langues amérindiennes (peu étudié mais bcp parlé à
la langue détermine la pensée (on ne peut pas penser ce qu’on ne sait pas décrire))
En tant qu’être humain, non capacité de conceptualiser et contextualiser les choses en
dehors de notre langue (seul notre langue permet de déterminer ce dont on parle)
Temps conçu comme un cycle : enchaînement de répetition (passage perpétuel d’une action
à une autre sous forme d’un cercle), pas linéaire comme nous (passé - présent - futur chez
europ).

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2. Langage et pensée

La métaphore du miroir : ​miroir qui reflète langage et réalité


Une langue reflète des concepts, nos pensées, sensations, sentiments, émotions,
perceptions. Autrement dit, une langue véhicule une interprétation donnée du monde. Il
s’agit d’un outil conçu pour exprimer le sens

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La métaphore de la lentille :

Selon Whorf, le monde est un flux kaléidoscopique d’impression. Citation complète :

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Le rôle du lexique :

Parmi les différents niveaux d’analyse linguistique, c’est le ​niveau sémantique ​qui se prête
le mieux à des inférences concernant la culture, parce que les référents impliqués dans la
signification sont des événements non linguistiques.

Etude du lexique/vocabulaire ​d’une langue peut révéler des indices sur la manière dont
une langue donnée catégorise le monde.

3. Langues et culture

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4. Video

Conférence de TED donnée par Lera Boroditsky (diapo 28 avec sa biographie), professeur
de psychologie cognitive à l’Université Stanford, en Californie : “Comment le langage
modèle notre façon de pensée ?”

Les conférences TED (Technology, Entertainment and Design) sont une série de
conférences organisées au niveau international par la fondation à but non lucratif américaine
The Sapling foundation. Elle a pour but de diffuser des « idées qui valent la peine d'être
diffusées » (en anglais : « ideas worth spreading »).

Les premières conférences se sont tenues en Californie en 1984, d'abord à Monterey, puis à
Long Beach et, plus récemment, deux fois par an dans d'autres villes du monde, sous
l'appellation « TED Global ». Depuis 2014, la conférence principale TED a lieu à Vancouver.

La conférence TED définit sa mission comme « propagateur d'idées », et met gratuitement à


la disposition du public les meilleures conférences sur son site Web. Les exposés couvrent
un large éventail de sujets, tels que la science, les arts, la politique, les questions mondiales,
l'architecture, la musique et plusieurs autres sphères de compétences. Les intervenants
eux-mêmes sont d'une grande variété de disciplines.

Les contributions de centaines d'orateurs sont disponibles en ligne sur le site officiel qui a
reçu plus de 30 millions de visiteurs depuis son ouverture. Ces vidéos sont mises à
disposition sous licence Creative Commons Attribution et sont donc téléchargeables.

5. Parties du corps

Comment les gens appartenant à différentes communautés conceptualisent-elles les


différentes parties du corps quand ils parlent ?
Qu’est-ce qui est universel et spécifique à une langue dans la catégorisation linguistique des
parties du corps ?
Y a-t-il des traits communs à toutes les langues ?

perception :​ hiérarchie comprenant troix niveaux différents de détails : corps dans son
ensemble, parties du corps séparée en général et séparation précise des jointures et
articulations

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La catégorisation linguistique des parties du corps se fait sur 3 bases :
- perceptuelle​ : présence de jointures visuelles
- fonctionnelle ​: rôle d’une partie du corps dans l’accomplissement de l’action.
ex :​ système moteur, mouvement de la main implique le bras
- culturelle ​: conventions linguistiques propres à une communauté, arbitraire ou
motivé.
ex :​ tabou lié à la zone génitale

6. Conclusions

La nature des liens entre le langage, la pensée et la culture est difficile à analyser. Il n’existe
pas de preuves empiriques.

Claude Lévi-Strauss propose une solution.


C’est un anthropologue et ethnologue français qui a exercé une influence majeure à l'échelle
internationale sur les sciences humaines et sociales dans la seconde moitié du XXe siècle.
A partir des années 1950, il est l’une des figures fondatrices du structuralisme.
Il développe une méthodologie propre, l'anthropologie structurale, par laquelle il a renouvelé
en profondeur l'ethnologie et l'anthropologie en leur appliquant les principes holistes issus
de la linguistique, des mathématiques et des sciences naturelles.
Il dit : « (…) langue et culture sont deux modalités parallèles d’une activité fondamentale : je
pense ici à cet être présent parmi nous, bien que nul n’ait
songé à l’inviter à nos débats : l’esprit humain. »

II. Séance 2 (diapo S2)

1. Méthodes de classification des langues

3 méthodes :
- classification génétique : appartenance à une même famille (ancêtre commun)
- classification typologique : ressemblances structurelles (malgré distance temporelle
et spatiale, comparaison des structures)
- classification aréale : proximité géographique (à un moment T)

1. Classification génétique/généalogique

Méthode issue de la linguistique historique ou grammaire comparée (fin XIXe s)

Conception biologique des langues = langues naissent, grandissent et meurent (comme les
humains)

Familles de langues = langues soeurs, langues filles, langues mères ou proto-langue (=


ancêtre commun). C’est la ​parenté linguistique

Comparaison : recherche de la régularité (correspondances phonétiques et grammaticales)

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La démonstration de la parenté entre les langues repose sur l’établissement d’un système
de correspondances phonétiques régulières entre leurs morphèmes. Ces correspondances
sont établies grâce à la découverte de cognats (= mots ou morphèmes remontant à une
origine commune), détectable par des similarités plus ou moins évidentes de forme et de
sens.

Les témoignages sont écrits en latin donc ils sont facile à comparer avec les langues
romanes.

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2. La classif typologique

La typologie est la branche de la linguistique qui cherche à classer les langues en types,
définis non pas du point de vue de la parenté génétique, mais d’un point de vue structurel,
c’est-à-dire selon les principes d’organisation qui en assurent le fonctionnement.

La recherche des différents types de langues est indissociable de la quête d’universaux


linguistiques
ex :​ toute langue possède des voyelles et des consonnes
toute langue possède la négation

Universel car lien avec la biologie, le fonctionnement de notre appareil phonatoire

La typologie consiste en une ​taxinomie​ (= classification) ​linguistique​ visant à dégager des


similitudes et des différences entre les langues

La typologie linguistique regroupe les langues en fonction de trois niveaux d’analyse


principaux :
- phonologie​ : utilisation de sons.
ex :​ langues à tons comme mandarin
- morphologie​ : façon d’exprimer des informations grammaticales
ex :​ langues isolantes vs langues flexionnelles
en anglais : ​I will play with my friends in the afternoon
en italien : ​Giocherò con le mie amiche nel pomeriggio
- syntaxe​ : ordre dans lequel les mots sont organisés dans les phrases
ex :​ sujet - verbe - objet vs sujet - objet - verbe
en français : le chat mange la souris
en japonais : le chat la souris mange

3. Classification aréale

La linguistique aréale ou géographie linguistique rend compte des affinités entre langues
non apparentées mais géographiquement proches, qui ont acquis des caractéristiques
communes par contact

ex :​ chinois et japonais ont des caractéristiques similaires alors que le chinois appartient à la
famille sinitique et le japonais à la famille japonique

Les langues d’une même zone géographique peuvent ainsi former une ​union​ ou ​aire
linguistique

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Exemple d’aires linguistiques :
- Europe : européen moyen standard + langues balkaniques (albanais, roumain,
macédonien, bulgare…)
- Asie : chinois + langues sinoxéniques1 (vietnamien, japonais, coréen) + langues
d’Inde (familles indo-aryenne, dravidienne et tibéto-birmane)
- Amérique : langues mésoaméricaines + langues amérindiennes d’Amérique du Nord

2. Les langues d’Europe

Langues d’Europe = langues natives parlées en Europe

Nombre inconnu du nombre de langues parlées en Europe car besoin de se mettre d’accord
sur notion d’Europe et de langues

Nécessité de définir Europe :


- entité politique ?
- entité socio-culturelle ?
- entité géographique ?

Nécessité de définir langue :


- langues nationales ?
- langues officielles ?
- langues minoritaires ?
- dialectes ?

Le nombre de langues parlées en Europe varie selon les réponses aux questions
précédentes

ex :​ Décsy (??, 1973) : 62 langues (sarde et catalan exclu)


Nelde, Ureland et Clarkson (???, 1986) : entre 50 et 60 langues
Van der Auwera (???, 1998) : 140 langues

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langues étrangères au chinois

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1. Familles linguistiques

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2. Langues indo-européennes

Les langues indo-européennes :


- famille la plus parlée (700 millions de locuteurs juste en Europe)
- 5 groupes : germaniques, romanes, celtiques, baltes, slaves + présence des
branches isolées : albanais, grec, arménien
- langues disparues : latin, grec ancien, osque, ombrien, dalmate, gaulois

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3. Langues ouraliennes

Il y a 20 millions de locuteurs en Europe et de nombreuses langues réparties sur plusieurs


espaces géographiques discontinus entre l’Europe Centrale et la Sibérie.
Le sous-groupe principal en Europe est les langues finno-ougriennes

4. Langues altaïques

Il existe 130 millions de locuteurs en Europe.


C’est un ensemble de langues parlées en Eurasie, depuis la Turquie et la Moldavie jusqu’à
l’Asie de l’Est, en passant par l’Asie centrale, Sibérie et Extrême-Orient russe.
Le sous-groupe principal en Europe est les langues turques.

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5. Langues caucasiennes

Il est un groupe hétérogène de langues parlées dans le Caucase.


Il y a 3 sous-groupes principaux :
- les langues caucasiennes du Sud ou langues kartvéliennes
- les langues caucasiennes du Nord-Ouest ou langues abkhazo-adygiennes
- les langues caucasiennes du Nord-Est ou langues nakho-daghestaniennes
La branche kartvélienne (géorgien) possède environ 4 millions de locuteurs.

​3. Langues afro-asiatiques

C’est la famille de langues parlées principalement en Afrique du Nord, dans la Corne de


l'Afrique, au Moyen-Orient, dans le Sahara et dans une partie du Sahel.
C’est une branche sémitique : arabe, amharique, araméen, hébreu.
Il y a 400 000 locuteurs maltais.

4. Isolats

isolat : ​langue dont on ne peut pas démontrer de relation génétique avec d'autres langues
vivantes (isolat = famille à lui seul)

Le classement parmi les isolats d’une langue donnée peut évoluer avec le temps.

Certaines langues deviennent des isolats lorsque toutes les langues auxquelles elles sont
reliées s'éteignent
ex :​ pirahã au Brésil, dernier survivant de la famille mura
D'autres sont des isolats depuis que leur existence est documentée

ex du Basque : ​seul isolat vivant parmi les langues en Europe de l’Ouest autant du point de
vue génétique que typologique. Les pays basque est à cheval entre la France et l’Espagne.
Il y a 1 million de locuteurs (1ère langue + bilingue passif).

5. ​Linguae Francae

Qu’est-ce que la ​lingua franca​ ?


Historiquement, c’est un pidgin2 utilisé comme langue véhiculaire du Moyen Âge au
XIXème siècle dans l’ensemble du bassin méditerranéen, principalement par les marins
et les marchands, mais aussi par les prisonniers, les esclaves et les populations
déplacées de toutes origines.

2
langue véhiculaire simplifiée créée sur le vocabulaire et certaines structures d'une langue de base,
en
général européenne (pidgin est utilisé que dans les relations entre des individus qui gardent chacun
leur
langue maternelle)

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Par extension, le terme de ​lingua​ ​franca​ a fini par désigner n'importe quelle langue
véhiculaire utilisée par des populations de langues maternelles différentes pour
communiquer
ex :​ l’anglais aujourd'hui dans le monde des affaires ou la communauté scientifique

L’histoire européenne est caractérisée par trois​ linguae francae​ principales :


- latin : Moyen-Age
- français : XVIIe s → fin 1GM
- anglais : époque contemporaine

D’autres ​linguae​ ​francae​ étaient moins répandues :


- provençal : du XIIe au XIVe s pour la poésie des troubadours
- moyen bas allemand : du XIVe au XVIe s pour la ligue hanséatique
- russe : du XIXe au XXe s en Europe centrale, orientale et URSS

6. Euro-linguistique

L’euro-linguistique est une discipline linguistique assez récente qui étudie les langues
d'Europe de plusieurs point de vue : typologique, historique, sociolinguistique.

Le terme fut créé par le linguiste allemand spécialiste de linguistique balkanique Norbert
Reiter en 1991, mais quelques études dans ce domaine existaient déjà avant.

Recherche des « euroversaux ». Europe en tant que ​Sprachbund​ (aire linguistique).

Étapes fondamentales dans le développement de l’euro-linguistique :


- Standard Average European​ “européen moyen standard” (Benjamin Lee Whorf,
1936) →notion créée pour différencier les langues nord-américaines des langues
européennes
- Projet EUROTYP (1990-1995) visait à décrire les langues européennes d’un point de
vue typologique
- Martin Haspelmath (2001) → auteur d’une remarquable synthèse sur les
«européismes» (12 traits principaux)

7. Caractéristiques morphosyntaxiques

La plupart des langues d’Europe partagent un certain nombre de traits grammaticaux et


structuraux, notamment :
- Articles définis et indéfinis (peu répandu dans les langues du monde)
ex :​ Le/la vs. un/une
- Parfait avec auxiliaire avoir
ex :​ J’ai chanté
- Passif participial
ex :​ La chanson a été chantée
- Particules dans les constructions comparatives
ex :​ Cet amphithéâtre est plus grand que l’autre

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III. Séance 3 (diapo S3)

Frankenstein junior

Destiny, une matinée sans fin ​est un court-métrage animé réalisé en 2012 par Fabien
Weibel avec l’aide de Manuel Alligné, Sandrine Wurster, Victor Debatisse dans le cadre d’un
projet d’étude.
https://www.youtube.com/watch?v=wEKLEeY_WeQ

Un jour sans fin ​de Bill Muray

Etude de la question de destin en linguistique

1. L’idée de destin à travers les cultures

Brainstorming sur destin :


- fatalité
- chemin tracé
- avenir
- écrit
- inévitable
- condition
- spiritualité
- futur
- croyance, fortune

Certaines cohérences car partage une même culture

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destin ​(selon Larousse) ​:
- puissance supérieure qui semble régler d’une manière fatale les événements de la
vie humaine, fatalité
- ensemble, suite des événements qui forment la trame de vie humaine ou des
sociétés et semblent commandés par cette puissance supérieure
- existence humaine en général, sort
- avenir, sort réservé à quelque chose, conditionné par un fait extérieur inéluctable ou
par sa nature propre, fortune

Notre liberté en tant qu’être humain est limitée → le libre arbitre n’est pas absolu
Au moins une partie de notre vie dépend de forces qui sont au-delà de notre contrôle.
Il y a l’idée que la notion de destin est universelle (comme idée de mort)

Hypothèse : Toute langue reflète au niveau lexical la notion de destin, c’est-à-dire que
chaque langue devrait avoir un mot pour destin.
On ne cherche pas des périphrases.

Est-ce que toutes les langues du monde ont un mot pour désigner le concept de destin ?

Beaucoup de langues faisant partie de sphères culturelles différentes ont au moins un mot
pour exprimer l’idée de destin :
- grec ancien : ​moira
- latin : ​fatum
- babylonien : ​šimtu
- musulmans : ​kismet
- bouddhiste : ​karma
- chinois : ​ming
- égyptien : ​šau

3 divinités censées définir la vie humaine : Clotho, Lachésis, Atropos

Toutefois, dans certaines langues, la notion de destin est absente au niveau lexical (1 mot
pour désigner le destin)
ex :​ hébreu ancien → libre arbitre
langues aborigènes d’Australie, langue dyirbal (nord du Queensland) = croyance selon
laquelle les “gens intelligents” (docteurs, magiciens) et les ancêtres manipulent les
événements de la vie

C’est plus prudent de parler de diffusion large du concept de destin à travers les cultures et
les langues plutôt que d’universalité.

Dans les langues d’Europe, il y a un ou plusieurs termes qui désignent la notion de destin

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Au sein de la famille indo-européenne, il y a :
- 2 langues romanes : français, italien
- 2 langues germaniques : anglais, allemand
- 2 langues slaves : polonais, russe

Anna Wierzbicka :​ ​née le 10 mars 1938 à Varsovie. Elle est une linguiste à l’Université
Nationale autralienne de Canberra. Elle est principalement connue pour son travail en
sémantique, pragmatique et linguistique inter-culturelle (théorie des primitives sémantiques)
Semantics, Culture and Cognition. Universal Human Concepts in Culture-Specific
Configurations​ (???)

2. La notion de destin dans les langues d’Europe

1. Le français

Il existe deux mots principaux : destin et sort.

Destinée a une évolution similaire à celle de destin :


- force complètement indépendante de la volonté humaine
“Nous sommes les jouets de la destinée” (Voltaire, XVIIIe s)
- glissement optimiste
“Mon père se faisait de l’âme humaine et de sa destinée une idée sublime : il la
croyait faire pour les cieux” (Anatole France, XIXe - XXe s)
- dépendance de la volonté humaine
“[...] pour ce qui ne dépend pas de nous, notre manière d’y réagir est l’expression de
notre caractère même ; et là encore, nous modelons la destinée” (François Maurias,
XXe s)

La société évolue avec la langue et inversement.

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Toutefois, destinée à une différence avec destin.
Selon Victor Hugo, la destinée est réservée aux plus grands.
Tout le monde a un destin mais pas tout le monde a une destinée.

L’idée de destinée est liée aux “choses les plus élevées”, aux buts.

2. L’italien

Destino​ (selon le dictionnaire Devoto Oli) ​:​ « l’ensemble impondérable des causes qui sont
censées avoir déterminé (ou aller déterminer) des événements décisifs et immuables »

Caractéristiques :
- accent sur le caractère individuel de l’existence d’une personne
- on peut ‘croire’ au ​destino​ (​credere nel destino​)
- événements passés ou futurs (prédéterminés)
- incompatible avec l’idée de hasard
- idée de direction →métaphore du voyage (intentionnalité)
- utilisation commune dans le langage quotidien
- notion dynamique →ouverture aux possibilités de la vie

Sorte​ (dictionnaire Devoto Oli) : « une force impersonnelle qui est censée régler, d’une
façon imprédictible, les événements de la vie humaine, indépendamment de la volonté
humaine »

Caractéristiques :
- accent sur le caractère imprévisible plutôt qu’inévitable
- on peut pas “croire” a la ​sorte​ (​credere nella sorte)​
- énévements passés
- hasard, loterie de la vie
- coté pessimiste prévalent
- assez répandu en italien contemporain
- notion statique

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Fato​ ​(dictionnaire Devoto Oli) ​:​ « destino vu en tant que nécessité suprême et inéluctable ou
en tant que force mystérieuse et irrésistible »

Caractéristiques :
- peu répandu en italien contemporain (notion marginale dans la culture italienne
moderne)
- orientation claire vers des événements négatifs

Fortuna​ ​(dictionnaire Devoto Oli) ​:


https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/fortune/34706

Caractéristiques :
- contrepartie positive de ​sorte
- portée plus large que pour le français (fortune) et l’anglais (​luck)​

3. L’anglais

Sémantique complètement différente par rapport aux autres langues

Destiny​ ​:
- idée de grandeur et d’immuabilité
- pas applicable aux choses ou aux personnes communes
- connotation profane (êtres humains vs forces surnaturelles)
- accent sur les actions que des personnes extraordinaires peuvent accomplir
(destinée en français)
- lié à des événements positifs

Fate :
- concept déterministe →événements qui sont inévitables, irréversibles, incontrôlables
et déterminés par des causes antécédentes
- pas de mystère impénétrable derrière, pas des composantes métaphysiques → reflet
du rationalisme anglais (Hobbes, Hume, Locke, XVIIe siècle)
ex :​ ​the fate of drugs in the organism / the fate of pesticides in the environment
- pas de perspective anthropocentrique (vs. autres langues et vieil anglais ‘weird’)
- peut correspondre au français ‘futur’
ex :​ ​The fate of our children is in danger
- Fate = allusion mythologique (contextes littéraires)

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4. L’allemand

Schicksal :​ ​deux définitions principales :


- « tout ce qui peut arriver à un être humain, qui détermine son existence, sans être
influencé par la volonté humaine et sans pouvoir être changé par la personne en
question »
- « une force qui gouverne et détermine la vie humaine et qui est indépendante de la
volonté humaine »

Caractéristiques :
- pouvoir supérieur →pas de notion de juge suprême (divin ou autre)
- notion d’inéluctabilité
- ex :​ maladies causées par ​Schicksal​ → maladies hereditaires, anomalies
anatomiques (mort précoce) contre talents naturels = orientation pessimiste du terme
- idée de malchance
- caractère arbitraire dans l’assignation du malheur

5. Le russe

Sud’ba :​
- mot omniprésent dans la culture russe (romans, mémoires, lettres…) → différents
registres
- correspondance partielle avec le français ‘vie’ (perte de nuances liées à la
philosophie russe) = durée de la vie, avec ses limites irrévocablement fixées
- pas d’aboutissement positif, ni négatif, mais pas tout à fait neutre (plus pessimiste
que optimiste) → vie humaine = incompréhensible
- idée de forces surnaturelles →absente, la vie humaine n’est pas sous le contrôle
individuel, mais sous un contrôle extérieur (ex. tyrannie sociale ou oppression
politique)
- concept concret, lié à l’expérience
- liens étymologiques avec les mots pour “juge”, “tribunal”, “procès” (dans le passé,
juge = dieu ; en russe moderne le terme est compatible avec une interprétation
religieuse ou laïque)
- implication d’acceptation. Existence d’un diminutif ​sud’binuška =​ “cher petit destin”

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6. Le polonais

Los :
- force imaginaire ou chemin de vie d’une personne
- idée d’un juge et lien avec le champs sémantique de la justice → absents
- notion de loterie →los = “destin” et “billet de la loterie”
- caractère imprévisible, accidentel de la vie humaine
- casualité vs pessimisme
- pas de volonté donc de dieu
- pas de nécessité supérieure donc possibilité d’intervenir
ex :​ “résister au ​los​”, “défier le ​los”​ , “coopérer avec le ​los”​
- l’homme est un artisan de destin
“​to make an excellent life for oneself​”

3. Conclusions

Malgré l’appartenance à la même famille linguistique (indo-européenne) ou au même groupe


et malgré la ressemblance phonétique des mots, il y a des différences profondes dans la
conceptualisation du destin dans les langues d’Europe.
Il n’y a pas qu’une seule tradition culturelle majeure en Europe dans deux aires :
- l’aire culturelle nordique (mais Allemagne vs Angleterre) : rationalisme
- l’aire culturelle méditerranéenne : forces surnaturelles, magie

“​Homo faber fortunae suae​” - Appius Claudius Caecus

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IV. Séance 4 (diapo S5)

1. Introduction à la culture grecque antique

Grèce antique : civilisation des peuples de langue et culture grecques durant l’Antiquité

Les territoires sont :


- Grèce continentale et insulaire
- Crète
- Albanie
- Macédoine
- Bulgarie
- Turkie
- Italie du Sud (​Magna Graecia)​

Dans le sens commun, elle existe entre le Ve siècle avant JC (tragédie et comédie) et le IVe
siècle avant JC (philosphie).
Or, on peut la dater dès le VIIIe siècle avant JC (​Illiade ​et ​Odyssée​), après la Crète
minoenne (2700-1200 avant JC) et la civilisation mycénienne (1650-1100 avant JC).

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2. Traits principaux

La Grèce antique est le berceau de la culture occidentale. Son héritage influence encore le
monde dans plusieurs domaines (politique, religion, science, arts)

1. Politique

La démocratie athénienne est l’ancêtre des démocraties modernes.

Le terme démocratie vient des mots grecs ​dêmos (​ peuple) et ​krátos ​(puissance, pouvoir).
C’est le régime dans lequel les décisions sont prises par le peuple :
- ​Ecclésia​ est l’assemblée du peuple : démocratie directe (votes à main levée,
majorité simple), 6000 membres
- débats publics à l’Agora (équivalent du forum) d’Athènes ou sur la Pnys, colline de la
ville
- textes légaux qui sont affichés en ville (tout le monde peut donc en prendre
connaissance)
- devise de la cité d’Athènes : ​Insomnia, Isegoria, Isokrateïa​ (égalité devant la loi,
égalité de la parole, égalité des pouvoirs)

2. Religion

En Grèce antique, il y a une religion polythéiste.


Il n’y a pas de textes sacrés (plus des mythes), pas de dogmes et d’Eglises.
Il y a une grande importance aux rites.

Il existe trois types de cultes :


- culte public : rassemblement de la communauté de citoyens d’une cité
- culte privé : appartient à la sphère domestique
- culte à mystère : réservé aux initiés

Il existe douze divinités principales (dites olympiennes) et de nombreuses divinités mineures


liées à une ville ou une région.
Les divinités grecques sont anthropomorphes et munis d’attributs. Ils jouissent de pouvoirs
pléthoriques3 avec des secteurs d’intervention et des modes d’actions propres.
Elles ont un lien avec les héros dans les mythes.

3
gigantesques, trop grand, nombreux

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La divination est un aspect fondamental de la religion et de la culture de la Grèce antique.

L’​oracle​ transmet une réponse donnée par un dieu à une question personnelle, concernant
généralement le futur.
De tels oracles ne peuvent être rendus que par certains dieux, dans des lieux précis, sur des
sujets déterminés et dans le respect de rites rigoureusement respectés.
L'interprétation des réponses du dieu, qui s'exprime de diverses manières, demande parfois
un apprentissage et l'oracle nécessite, en général, une explication, car il s'agit souvent d'une
parole énigmatique, sibylline (Sibylle était une prêtresse d'Apollon et une oracle, dans la
mythologie grecque).
Par extension et déformation, le terme d'oracle désigne aussi le dieu consulté, l'intermédiaire
humain qui transmet la réponse ou encore le lieu sacré où la réponse est donnée.

Les divins grecs les plus connus sont la Pythie, Cassandre et Tirésias.

3. Science

Les grecs ont joué un rôle déterminant dans l’évolution des sciences.
Ils ont notamment fait progresser :
- les mathématiques, trigonométrie, géométrie (avec Pythagore)
- la physique (avec Aristote et Archimède)
- l’astronomie et la géographie (avec Ptolémée)
- la zoologie (avec Aristote)
- la médecine (avec Hippocrate)

L’homme grec,​ Jean-Pierre Vernant (1993)

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3. L’homme grec, spectateur et auditeur

La vue et l’ouïe sont les sens fondamentaux dans la culture grecque.

A l’époque archaïque, importance de la tradition orale (primauté de l’ouïe)


A l’époque classique, avènement de l’écriture et naissance du théâtre (vue et ouïe)

1. La vue

Le pouvoir de la vue est important.


Exemples dans la langue et dans la littérature depuis l’époque archaïque :
- Guerrier = « une merveille à contempler » (​Iliade​)
- Histoire raconte « ce qui mérite d’être vu » (Hérodote)
- Roi = tous les gens ont les yeux sur lui (Hésiode, ​Théogonie​)
- Athlètes deviennent un « objet de vision » (jeux olympiques) → liens avec les héros
de la mythologie
- Guerre = conçue comme spectacle pour les dieux (Homère), manifestation de la
puissance de la cité, grandiose et tragique parade (Thucydide)
- Fin de la guerre = trophées, défilés des vainqueurs, monuments aux morts,
enterrement publique
- Concours de beauté féminine
- Mystères → initiés = ceux qui regardent

D’un point de vue linguistique :


- Théôria​ = “vision ordonnée” qui implique l’utilisation de la raison
- Oida​ = “je sais, j’ai vu” < racine id- “voir”

2. Ouïe

Toutefois, toute expérience visuelle doit être accompagnée par une contrepartie auditive →
importance de l’ouïe :
- Kleos​ “gloire” < ​kluein​ “entendre” (la survie dans la mémoire dépend de l’oreille)
- Sirènes d’Homère = magie acoustique du chant
- Phrase parlée ou chantée = vrai vecteur de la communication et de la mémoire
- Littérature grecque des origines → tradition orale (mythes et légendes transmis de
génération en génération ; aèdes et rhapsodes ; lien profond entre poésie, chant et
musique)

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3. La “révolution de la lettre”

Entre le VIe et Ve siècle avant JC, l’écriture se diffuse en Grèce (alphabet phonétique issu
de l’alphabet phénicien).
Il y a plus de facilité à exprimer des concepts abstraits et universaux.
La vérité est un caractère définitif et immuable.
Il y a aussi la possibilité de planifier des intrigues complexes à l’aide d’indications scéniques.
Une floraison littéraire apparaît : prose scientifique et philosophique, arts du discours
(rhétorique) et théâtre.

4. La tragédie

Cette nouvelle forme d’art (très structurée) réunit l’expérience visuelle et auditive.

Caractéristiques :
- libération des émotions collectives
- mise en scène symbolique des valeurs de la cité → ancrée dans les institutions
démocratiques (lien étroit avec le tribunal)
- débats moraux et politiques
ex :​ dangers inhérents à l’exercice du pouvoir, conséquence de la division ou
discorde au sein de la cité
- problèmes contemporains → traités à travers le filtre du mythe (distanciation).
Pouvoir des mythes n’a pas encore été érodé par la mentalité critique, la pensée
abstraite et les philosophies éthiques
- conventions : jeu stylisé de l’acteur, voix, interprétation, geste, … Ils exploitent au
maximum leur expressivité

La tragédie a une origine religieuse.


Les tragédies jouées à Athènes sont à l’occasion de Dionysos ou dionysies, notamment des
Grandes Dionysies célébrées annuellement au début du printemps.

Étymologie : tragoidía = trágos (bouc) + áidô (chanter)


Donc tragédie = chant du bouc. C’est un forme de drame joué par des acteurs déguisés en
satyres et vêtus de peaux de boucs.

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Concours tragique : trois jours (un quatrième étant dévolu aux comédies) → chacun des
trois poètes concurrents dispose d'une journée au cours de laquelle il présente une
tétralogie (trois tragédies + un drame satyrique)

Le lien avec Dionysos est que comme lui, c’est irrationnel : il y a de la folie, des femmes, de
la danse, de la musique et de la fluidité entre l’humain, le divin et la bête.

Il existe trois auteurs principaux de la tragédie :


- Eschyle : invention de la trilogie “liée”, introduction du deuxième acteur,
préoccupation concernant l’équilibre de la cité
- Sophocle : introduction du troisième acteur, réduction de la place du choeur,
abandon de la tragédie “liée”, analyse psychologique des personnages
- Euripide : peinture réaliste des personnages et de leur psychologie, actions
humaines → indépendantes de la volonté divine, amour, faiblesses humaines

Quelle est la place de la vue dans la tragédie ?

masque : élément central de la représentation dramatique → il indique que le public est prêt
à se soumettre à l’illusion et au faire-croire et à s’investir émotionnellement dans la pièce ;
identification immédiate des personnages.

souliers (​cothurnes​) : épaisses semelles en bois (20 cm environ)

Machines de scène :
- grue : chars ou héros volants
- eccyclème ​: plateforme demi-circulaire, mobile verticalement qui permettait de voir ce
qui se passait à l’intérieur d’une maison
- deus ex machina ​(dieu issu de la machine) : machinerie faisant entrer en scène, en
les descendant des cintres, un dieu dénouant de manière impromptue une situation
désespérée

Quelle est la place de l’ouïe dans la tragédie ?

La voix est guindée et amplifiée à travers les masques.

Le discours des messagers est de longues narrations d’événements décisifs (tradition


épique). Les scènes les plus violentes et pénibles ne sont pas montrées (spectacle invisible
de la violence).

Le choeur a un rôle fondamental dans les pièces de théâtre des origines. Il décroît avec le
temps, danse, chante généralement et parle parfois.
Le ​coryphée​ a un rôle de chef.
Dans les tragédies anciennes, il n’y a qu’un seul acteur donc le choeur a un rôle dominant.

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« Dans son étourdissante mise en acte visuelle des anciens mythes, la tragédie semble
privilégier les apparences superficielles liées aux perceptions sensorielles ; mais elle
explore constamment le contraste entre la surface et les profondeurs, le parler et l’agir, le
paraître et l’être. Sa surpuissance de représentation, par le mot, la musique, la danse, le
geste mimétique, fait surtout ressortir, en fait, à quel point la vérité humaine est
insaisissable, et combien il est difficile, douloureux même, de comprendre les ressorts
complexes du comportement humain, les voies des dieux, les termes et les limites de la
condition mortelle. »

Charles Segal, ​L’homme grec

Regarder vidéo sur la tragédie (chercher lien sur diapo)

V. Séance 5 (diapo S6)

1. Le devin dans l’antiquité grecque

1. Définition

divination : arte de prédire l’avenir par l’observation et l’interprétation de certains


phénomènes

devin : personne qui, par le recours à des procédés occultes, magigues, s’appliquent à
dviner, à découvrir ce qui est ignoré ou caché et en pat ) prédire les events futurs

ds le grec ancien : mantis (syn : ​phophétes​ = celui qui parle à la place de qqn d’autre /
khréstes​ = celui qui prononce les oracles / ​theopropos​ = celui qui interprète la pensée
divine)

2. Etymologie

Racine indo-européenne :
- “men-” qui donne lieu à de nombreuses racines verbales et nomales
- sens central = penser, connaître

Deux nuances sémant principales en grec ancien (polysémie) :


- rationnalité, contrôle, processus cognitif humain : ​mimnésko​ = se souvenir, ​manthano
= apprendre, comprendre
- irrationnalité, folie, pulsions incontrôlables, intervention divine : ​mainomai​ = ê,
devenir fou, ​mania​ = manie

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3. Evolution sémantique

VIIIe s av JC Ve s av JC

poème shomérique tragédie Agammemnon d’Eschyle


calchas, tirésias Cassandre

- devin officiel reconnu publiquement - condition de solitude et de


dans la soc grecque, conseille en marginalisation
pol étrang - act irrationnelle et involontaire liée à
- Interprétation rationnelle des signes la possession divine : hallucinations
envoyés par la divintié (phéno qui concernent toutes les modalités
météorologiques, vol des oiseaux, sensorielles
entrailles des animaux, ... ) - caractéristiques du devin : folie,
- caractéristiques du devin : sagesse, délire, mvts incontrôlés du corps,
vue puissante, capacités cognitives sons non articulés (“glossolalie” =
de réflexion, élaboration critique des forme de discours ou de prière qui a
donnés lieu dans une langue ayant l’aspect
d’une langue étrangère ou dans une
suite de syllabes incompréhensibles

4. Contextes

“Le devin, ​qui savait car il avait vu​,


Nous communiquait les réponses d’Appolon” (Illiade)

“Au devn aveugle, ​qui a un esprit solide​,


Seulement à lui Perséphone accorda, même une fois mort,
que son ​intellect fut sage​” (Odyssée)

“Seulement lui dépassait les gens du même âge


Dans la ​connaissance des oiseaux​ et dans la ​façon de relater le destin​” (Odyssée)

“Pourquoi cette ​peur


qui domine mon coeur de devin
plane sans cesse,
et un ​chant pas commandé, pas récompensé, prononce des prophéties​ ?” (Agammemnon)

“Le ​souffle devin reste dans son âme, bien qu’esclave​” (Agammemnon)

“Choeur : Qu’est-ce qu’il y a ?


Cassandre : Aïe, Aïe
Choeur : Pourquoi pousses-tu ces ​cris, si n’est pas à cause des horreurs dans ton esprit ​?
Cassandre : Cette maison sent la…” (... = mort ?) (Agammemnon)

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2. L’expression du mouvement en grec ancien

1. Introduction

Mouvement :​ rôle fondamental dans l’expérience humaine

Le domaine sémantique de l’espace et du mouvement est universel (translinguistique et


transculturel).
Il y a beaucoup d’études comparatives à large échelle.
Typologie linguistique et linguistique cognitive

Débat long et prolifique :


● Comment les langues du monde expriment-elles le mouvement ?
● Y-a-t’il des schémas translinguistiques récurrents ?
● S’agit-il d’un reflet de schémas cognitifs communs ?

Travaux de Leonard Talmy (Professeur émérite de Linguistique à l’Université de Buffalo,


New York) de 1972, 1985, 1991, 2000
Il a écrit ​Semantic Structures in English and Atsugewi ​(= langue éteinte du nord de la
Californie)

Différents types d’études :


● Langues individuelles vs. perspective comparative
● Langues écrites vs. langues orales
● Corpus de textes, corpus « parallèles »
● Images vs. vidéos

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a. Composants conceptuels du mouvement

Événement spatial = 4 éléments fondamentaux :


- Figure → entité en mouvement
- Fond → point de référence en vertu duquel le mouvement est accompli
- Mouvement → présence/absence de déplacement (localisation)
- Trajectoire → direction du mouvement

Une figure se déplace d’un point A à un point B dans l’espace.

La trajectoire est une notion complexe.

Ligne imaginaire dans l’espace :


● continue
● délimitée par deux points
● orientée entre ces deux points

Événement spatial = 2 éléments « optionnels » (co-events)


● Cause → élément extérieur qui déclenche le déplacement
ex :​ le vent fait tomber le mouchoir de la table
● Manière → type de mouvement (aller vs. voler, courir, glisser...)

Manière est une notion problématique :


● Schéma corporel et posture (ex. glisser)
● Vitesse (ex. courir)
● Rythme (ex. sautiller)
● Attitude psychologique (ex. s’enfuir)
● Contrôle (ex. tomber)
● Moyen de transport (ex. naviguer)

Mouvement spontané​ = mouvement des êtres animés, volontaire


verbes intransitifs
ex :​ La fille court dans la rue

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Mouvement causé​ = mouvement des objets inanimés, déterminé par un agent
externe
verbes transitifs
ex :​ La fille pousse le chariot

b. Langues à cadre verbal vs langues à cadre satellitaire

Deux types principaux de langues, selon les outils linguistiques qui expriment la
Trajectoire du mouvement : langues à cadre verbal ( Verb-Framed) vs. langues à cadre
satellitaire (Satellite-Framed) → stratégie d’expression du mouvement

2. L’encodage de la Trajectoire et de la Manière du Mouvement en grec ancien

a. Corpus et méthodologie

Corpus :​ ensemble de documents, artistiques ou non (textes, images, vidéos...), regroupés


dans une optique précise et que l’on peut utiliser dans plusieurs domaines de
recherche.

En linguistique, ​corpus :​ ensemble homogène et significatif de données collectées dans


le but de mener une analyse (corpus oraux vs. écrits)

Construire un corpus linguistique :


1) Collecte
2) Codage/annotation
3) Analyse (qualitative et/ou quantitative)
Il doit être un portrait fidèle de la langue

Un corpus de données du grec ancien :


- où ? → variété ionienne-attique
- quand ? → époque classique (Ve - IVe s av JC)
- quoi ? → textes littéraires : 2 genres principaux (histoire et théâtre, tragédie et
comédie), prose et vers

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- qui ? → 5 auteurs : Hérodote, Thucydide, Xénophon, Euripide, Aristophane
Il y a 1627 phrases qui décrivent des événements spatiaux (actes de mouvement)

Quels textes ?
1. Les Histoires ou l'Enquête d​ ’Hérodote : développement de l'empire perse et guerres
médiques entre Perses et Grecs.
2. La guerre du Péloponnèse d ​ e Thucydide : conflit civil opposant la ligue du
Péloponnèse, dirigée par Sparte, à la ligue de Délos, menée par Athènes.
3. L’Anabase​ de Xenophon : ascension de Cyrus le Jeune au trône de Perse.
4. Les​ ​Bacchantes​ d’Euripide : retour du dieu Dionysos à Thèbes, sa patrie, et
vengeance contre ses tantes qui ont insulté sa mère Sémélé, et contre le roi
Penthée, son cousin, qui refuse de reconnaître son culte.
5. Les​ ​Thesmophories​ d’Aristophane : furieuses contre Euripide qui a installé des
soupçons à l'égard de toutes les femmes, les Athéniennes projettent de concerter
leur vengeance pendant la fête des Thesmophories.

Codage :
● Composants sémantiques : Trajectoire (Source, Médian, But), Manière
● Catégories lexicales et grammaticales (outils linguistiques) : verbes, noms (cas),
adverbes, particules (préverbes et prépositions)

b. Trajectoire

Préposition + désinence de cas

Il y a 16 aprticules (fonctions préverbales ou prépositionnelle), différérentes portions de la


Trajectoire (Source, Médian, But) : cas du génitif (Source, Médian), accusatif (Médian, But)
et du datif (localisation)

ex :​ aná → ‘de bas en haut’

Source : “en venant de cette montagne”


Médian : “le fleuve Marsyas coule à travers la ville”
But : “et ils vinrent aussi à Argos”

c. Manière

Verbes

Il y a 33 verbes, 10 verbes les plus fréquents c’est-à-dire basique (promenade détendue,


mouvement rapide, mouvement répétable), verbes intransitifs souvent

ex :​ pléo → “naviguer”

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d. Figure

7 types principaux de Figures qui ont une connotation culturelle :


● Êtres humains : individus et groupes (populations et armées)
● Objets : armes, objets quotidiens et religieux, véhicules
● Entités naturelles : fleuves, mer
● Divinités
● Animaux : oiseaux, chevaux, poissons
● Parties du corps
● Entités abstraites : nouvelles (messager)

e. Expressions idiomatiques

Encodage « transparent » de la Trajectoire vs. expressions idiomatiques (= construction ou


locution figée et particulière à une langue, qui porte un sens par son tout et non par chacun
des mots qui la composent)

En grec ancien, deux expressions idiomatiques liées à l’expression de la Trajectoire :


- « bouger le pied » = « déménager » = “je vais déménager dans un autre pays”
- « frapper la poupe » = « se retirer » (en mer en grec ancien, retirer une opinion en
grec moderne) = “quand le Corinthiens soudainement commencèrent à se retirer”

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f. Asymétrie Source-But

Les langues divergent non seulement dans le choix des outils linguistiques (verbes vs.
satellites) pour encoder la trajectoire du mouvement, mais aussi dans la façon dont elles
encodent différents moments de la trajectoire comme la source et le but.
On note en effet que de nombreuses langues expriment la source et le but de façon
asymétrique :
1) Le But est exprimé plus fréquemment que la Source (souvent omise)
2) Les langues ont plus d’outils pour le But que pour la Source

Fréquence :
- source : 34,5%
- but : 46%

Outils :
- source : 3 prépositions
- but : 7 prépositions

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