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Roger MATHIEU
les loups de France
Description, historique, biologie,
écologie et conservation
© Groupe PP Alpes
Roger MATHIEU
J’ai souvent débattu des thèmes qui sont traités dans ce livre avec les responsables
des structures associatives auxquelles j’appartiens : il n’existe pas de différence
significative entre nos points de vue et les analyses et propositions qui figurent dans
cet ouvrage.
Contact : rogermathieu1@gmail.com
L’accès à cette monographie est libre et gratuit ; la reproduction partielle est libre
à la condition de mentionner la source.
Pour citer cette monographie :
MATHIEU R. (2020) Les loups de France. FRAPNA Drôme nature environnement/FNE Auvergne
Rhône-Alpes, 112 p. Édition numérique.
DÉDICACES
- Aux éleveurs, éleveuses ; aux bergers et bergères (beaucoup plus nombreux qu’on ne
le croit), qui effectuent, en silence, un difficile travail pour s’adapter à la présence du
loup avec des résultats qui sont la plupart du temps au rendez-vous.
Un travail d’autant plus méritant qu’il n’est pas reconnu par les pouvoirs publics et
se mène sous la menace, à peine voilée, des principaux leaders agricoles qui rêvent
d’une éradication des loups et considèrent que se protéger efficacement, c’est casser
la stratégie des organisations professionnelles agricoles.
- À tous les agents des services publics chargés du dossier loup qui espèrent le retour
de l’intelligence dans un dossier miné par les postures des organisations profession-
nelles agricoles et les gesticulation politiques.
C et ouvrage s’adresse à tout public et vise un double objectif : proposer une synthèse
sur les loups de France et éclairer le lecteur sur la problématique loup et élevage.
Concernant le second objectif, devant une équation difficile à résoudre et deux vérités diffi-
ciles à entendre, le parti pris est celui du réalisme.
L’équation à résoudre consiste à faire coexister une activité humaine présente partout :
l’élevage, avec le retour naturel d’un grand prédateur qui peut vivre partout : le loup...
Quant aux deux vérités, tous ceux qui s’intéressent au loup et à l’élevage les connaissent
mais peu acceptent de les exprimer clairement :
- la présence du loup entraîne chez l’éleveur du stress et de fortes contraintes supplémen-
taires ;
- l’élevage ovins-viande est dépendant des aides financières publiques massives sans les-
quelles il ne pourrait survivre.
Sur un sujet aussi sensible socialement et politiquement, aucun chercheur, aucun scienti-
fique, à moins de mentir, ne peut prétendre à une totale objectivité. Pour ma part, je me suis
appuyé sur le maximum d’éléments factuels (rapports, publications scientifiques, articles
de presse...) et dans toute la mesure du possible j’ai toujours cité mes sources. Malgré ma
volonté de ne pas m’éloigner du réel, j’ai forcément subi l’influence de « ce que je crois » et
aucun auteur, même le plus impartial ne peut y échapper.
Je crois que le vivant constitue un tout et que l’animal sauvage, y compris les grands préda-
teurs, ont leur place, partout. Même si je ne mange (presque) plus de viande, je crois que le
pastoralisme ovin a lui aussi sa place, à la condition qu’il s’intègre dans une vision moderne
de l’agriculture, destinée majoritairement à une consommation locorégionale et basée sur
une production de qualité, respectueuse du bien-être animal et de toutes les autres formes
de vie.
J’ai tenu à ce que le lecteur puisse se faire sa propre opinion sur le loup et sa coexistence
avec les activités d’élevage en lui donnant directement accès aux sources citées. J’ai donc
choisi la publication numérique qui, à travers les liens cliquables, présente un double avan-
tage : donner accès à plusieurs sites spécialisés pour suivre l’évolution du sujet en temps
réel et permettre la consultation de tous les documents-sources.
J’ai demandé à certaines d’entre elles de relire et de critiquer mon manuscrit. Toutes ont ac-
cepté, mais celles et ceux qui exerçaient une activité professionnelle en relation avec le sujet
ont demandé à ne pas être cités pour des raisons qui apparaitront clairement à la lecture de
l’avant-dernier chapitre de l’ouvrage.
Au-delà de la protection des Grands prédateurs et plus largement de la biodiversité, les sujets
qui touchent au respect des valeurs démocratiques et républicaines présentent, à mes yeux, un
intérêt fondamental.
Il est consternant, en France, en 2020, de devoir limiter ses remerciements aux seuls relec-
teurs qui n’ont aucun lien professionnel avec le thème d’un livre dont le défaut est d’exprimer
la volonté de faire coexister une activité professionnelle, en l’occurrence ici l’élevage, avec le
retour naturel d’un Grand prédateur : le loup.
Roger MATHIEU
Le 1er novembre 2020
REMERCIEMENTS
À tous mes amis naturalistes qui, comme moi, suivent des groupes de loups et m’ont cédé leurs
données et/ou leurs films et photographies. La majorité d’entre eux désirent rester dans l’ano-
nymat.
Ainsi, sauf exception, les photos et vidéos de loup, dont les miennes, sont généralement signées
« Groupe PP Alpes ».
À celles et ceux qui ont relu le manuscrit et l’ont amélioré et à Gérard GRASSI qui a réalisé la
lise en page.
Soyez toutes et tous remerciés, les anonymes, qui se reconnaîtront, et les autres :
ANSELIN Christophe, BERTRAND Yves, BOFFY Patrick, DACKO Thierry, EROME Georges,
JANET Olivier, MATHIEU Françoise, RAYÉ Gilles et SOURET Luc.
Préambule .................................................................................................................................. 9
Présentation et description ........................................................................................... 13
Reconnaitre un loup : quelques éléments phénotypiques
Confusion avec le chacal doré
Éléments biométriques concernant le loup du sud de l’Europe de l’Ouest
(péninsule Ibérique, Italie et France)
Biologie ....................................................................................................................................... 23
La meute : composition et dynamique
- Quelle est taille des meutes dans le sud de l’Europe de l’Ouest et en
France - plus particulièrement ?
- La taille des meutes en Italie et Espagne ?
- Taille des meutes et nombre de louveteaux en France ?
Reproduction
- Rut et mise bas
- La tanière
Les premiers déplacements : les Zones de rendez-vous
Émancipation et dispersion
Des exceptions
Longévité
Le choix du territoire : plasticité écologique exceptionnelle
Périodes d’activité
Régime alimentaire du loup : une question de logique
- L’impact du loup, sur les populations d’ongulés sauvages
Menaces ........................................................................................................................................ 87
Statut juridique
De la viabilité de la population des loups de France
Taux d’abattage légal à 19% : la France a franchi la ligne rouge
Conservation ................................................................................................................................. 92
Préambule : dix éléments à connaître
La conservation du loup se jouera essentiellement sur le terrain politique
Les trois sujets majeurs qui, en France, vont sceller l’avenir du loup
1- L’avenir de l’économie pastorale
2- Le retour urgent de l’État face aux violences des antiloups radicaux
3- L’analyse objective de l’effet du pastoralisme sur la biodiversité en montagne
Les loups de France en vidéos
Références .................................................................................................................................. 105
Quelques sites internet spécialisés « loup » et/ou Grands prédateurs
Sélection bibliographique
I - Beaux livres en français sur les loups du sud-ouest de l’Europe et d’ailleurs
II - Références bibliographiques
◊ La Recherche sur les Grands prédateurs : une activité embryonnaire que les f édérations de
chasseurs proposent de contrôler
© Groupe PP Alpes
1- Cette monographie reflète l’état d’avancement des connaissances au dernier trimestre 2020.
Les données publiées sur cette espèce évoluent constamment, qu’elles soient scientifiques, po-
litiques ou juridiques. Ce texte nécessitera des mises à jour régulières.
2- Curieusement, il n’existe pas d’ouvrage de synthèse concernant le loup Italien comme cela
existe pour le loup espagnol (IGLESIAS IZQUIERDO et al. 2017 pour la plus récente). En France,
les publications du Réseau loup (Office Français de la Biodiversité - OFB) et de la Direction
Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) Auvergne Rhô-
ne-Alpes (coordinatrice du Plan loup) traitent principalement de la répartition de l’espèce sur
le territoire national, de ses effectifs et des dommages aux troupeaux.
Exceptées quelques données partielles et/ou localisées, il n’existe aucune publication qui fasse
la synthèse de la biologie des loups français, concernant, par exemple, les données morpholo-
giques, la reproduction, l’organisation sociale, le régime alimentaire ou les déplacements.
Loup ibérique (Canis lupus signatus) dans les Cantabriques (Espagne) © Roger Mathieu
Sept ans plus tard, le même auteur (NOWAK 2002) reconnaît que le loup italien constitue une
sous espèce à part entière différente de Canis lupus lupus… En attendant que les taxonomistes
se mettent d’accord nous continuerons à parler de Canis lupus signatus pour la péninsule Ibé-
rique et de Canis lupus italicus pour l’Italie1 .
1 Il n’existe pas de caractère morphologique permettant de différencier italicus et signatus ; seuls les examens
génétiques et/ou craniométriques peuvent les distinguer.
4- Une des principales caractéristiques de l’espèce réside dans son extraordinaire capacité
d’adaptation (plasticité écologique). Si des règles générales peuvent être énoncées en ma-
tière d’écologie lupine, les exceptions sont fréquentes.
Le lecteur devra toujours garder à l’esprit que le loup adapte ses comportements et sa
biologie en fonction des conditions de milieu et du niveau des persécutions humaines.
5- Le loup gris est répandu sur l’ensemble de l’hémisphère nord. Sa morphologie, son écologie
et les problèmes de conservation varient selon les régions considérées. Dans toute la mesure
du possible nous essaierons de présenter les données publiées concernant les loups de la par-
tie sud de l’Europe de l’Ouest (Italie, péninsule Ibérique et France).
6- Toutes les photos et vidéos de loups qui illustrent ce texte, sauf exceptions explicites, pré-
sentent des individus libres, filmés ou photographiés dans les Alpes françaises.
© Groupe PP Alpes
Les avancées récentes et rapides de la biologie moléculaire bouleversent la classification et
l’histoire évolutive de tous les êtres vivants. Le groupe des canidés, apparu il y a 40 millions
d’années, ne fait pas exception. Sur ce sujet complexe et en pleine évolution on pourra consul-
ter la synthèse de l’état des connaissances adaptée à un public de non spécialistes publiée par
J.-M. LANDRY (2017).
Aujourd’hui, le nombre d’espèces du genre Canis fait débat au sein de la communauté scienti-
fique qui, selon les auteurs, distingue entre 8 et 12 espèces différentes.
La France abrite, à l’état sauvage, deux espèces du genre Canis : le Loup gris (Canis lupus) et le
Chacal doré (Canis aureus)2. Ce dernier, en provenance de l’Est de l’Europe, a franchi la fron-
tière française en Haute-Savoie en 2017.
En 2020, les loups français appartiennent tous, génétiquement, à la lignée italienne : Canis lu-
pus italicus.
NB : La lignée des loups de l’est de l’Europe est en progression vers l’ouest et s’installe à la fron-
tière nord de la France (Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Allemagne), elle pourrait se mixer pro-
chainement avec la lignée italienne, voire balkanique, en progression dans les Alpes.
On notera que le chien et le loup appartiennent à la même espèce3 . Le chien (Canis lupus fami-
liaris) constitue la sous-espèce domestique du loup gris (Canis lupus).
4 Les « gènes » du loup et du chien ne diffèrent que pour 0,2 %, alors que ceux de l’Homme et du Chimpanzé
diffèrent pour environ 1 %.
5 Chien-loup tchèque, chien-loup Saarloos, huskie, malamut…
6 À ce jour, aucun loup en pelage mélanique (≠ pelage sombre) n’a été observé en France.
- Sur le profil, la moitié supérieure du dos présente une nuance plus foncée que la partie infé-
rieure ;
- sur la face : présence d’une tache claire sus-orbitale, d’une tache noire sous-orbitale et d’un
masque facial blanc7 qui se caractérise par une tache claire de forme plus ou moins arrondie
sur la joue (tache zygomatique) et une large bande claire qui part du museau et longe la lèvre
supérieure en direction de la tache zygomatique avec laquelle elle peut se fondre ;
- de face, la face antérieure des « épaules » est blanche ;
- les oreilles bordées d’un liseré noir sont plutôt courtes, arrondies et écartées ;
- la queue est assez courte (elle dépasse rarement le talon), avec une tache sombre très visible
sur sa partie médiane supérieure et une extrémité noire ;
- il existe une bande sombre longitudinale sur la partie antérieure des pattes avant.
NB : Cette dernière particularité, contrairement à ce qui est souvent écrit, est retrouvée avec plus
ou moins de fréquence chez les loups européens de la péninsule Ibérique à la Scandinavie en pas-
sant par la Pologne, ainsi que chez les loups qui vivent autour des Grands Lacs en Amérique du
Nord. La fréquence est de 100 % dans la péninsule Ibérique et approche les 100 % en Italie. Cette
bande noire semble très rare, voire inexistante chez les individus présents aux latitudes les plus
extrêmes de l’aire de répartition. Pour plus de détails voir PAPET 2007.
Quelques éléments
phénotypiques du
standard « loup »
(ici un individu italien,
en pelage d’été).
Crédit photographique : J.-F.
PONT, Abruzzes 2017,
caméra automatique.
A : moitié supérieure du
dos plus foncée ; B1 : tache
claire sus-orbitale ; B2 :
tache sombre sous-orbi-
tale ; B3 : tache zygoma-
tique ; C : face antérieure
des « épaules » blanche ;
D : liseré noir bordant les
oreilles ; E : bout de la queue
noir ; F : bande sombre sur
les pattes avant.
Dans l’avenir, la confusion sera possible avec le chacal doré (Canis aureus) si la population de
cette espèce se développe dans les Alpes. Voici quelques critères qui peuvent permettre de dis-
tinguer un loup d’un chacal doré :
- la taille du chacal se situe entre celle du renard et celle du loup (pas simple si on ne possède
pas l’échelle…) ;
- il est important de se concentrer sur l’observation de la tête et des pattes : le chacal possède
un museau plus court et plus fin et la tache zygomatique est absente (masque facial beaucoup
plus discret chez le chacal) ; concernant les pattes avant : on ne retrouve pas la bande sombre
longitudinale antérieure (presque toujours présente chez les loups de la lignée italienne et
espagnole)
En résumé :
1/le chacal a « une tête de renard », mais un renard qui aurait de « grandes pattes » de
teinte unie assez claire8 et une queue qui ressemble plus à celle d’un loup qu’à celle d’un
renard…
2/le chacal a une silhouette de loup de petite taille avec… une tête de renard.
Autrement dit : lorsqu’un naturaliste habitué à l’observation des grands carnivores eu-
ropéens hésite entre un loup et un renard, c’est qu’il s’agit probablement d’un chacal
doré…
NB : De face, les chacals dorés arborent le plus souvent sur le poitrail un collier plus sombre évo-
quant la forme de X ou de H mais, attention, le loup gris porte souvent un collier sombre dont la
forme rappelle le collier du chacal.
Prérequis : ceux qui ne sont pas familiarisés avec la no- Ainsi deux loups français au pelage atypique ont fait l’ob-
tion d’hybridation et en particulier avec les phénomènes jet d’une recherche génétique : un seul présente une hy-
d’hybridation chez le loup pourront consulter MATHIEU bridation récente, l’autre est considéré comme un loup
2017, L’hybritation du loup (Canis lupus) : un vrai faux standard sans étrangeté génétique décelable.
problème.
NB : En France les taux d’hybridation active du loup sont Plus les recherches génétiques avancent et plus il se
conformes à ce que l’on observe, en moyenne, dans les confirme qu’il n’existe pas de signes phénotypiques per-
autres pays européens : de l’ordre de 10 % dont 3,6 % mettant d’affirmer qu’un individu est un hybride. Toutes
d’hybrides de première génération DUCHAMP QUE- les « étrangetés » morphologiques (pelage sombre,
NEY 2019. taches,queueenroulée,ergotsurlespattespostérieures,
Avertissement : Le loup et le chien appartiennent à la ongles dépigmentés...) doivent alerter sur la possibilité
même espèce (Canis lupus). Le chien (Canis lupus familia- d’une hybridation récente, mais seule l’analyse génétique
ris) représente la forme domestiquée du loup gris (Canis permet de trancher.
lupuslupus).Lecroisementd’unloupetd’unchiendevrait Concernant les pelages atypiques (sombres, méla-
donc s’appeler un « métissage » et le descendant de ce niques, tachés...) ou certaines bizarreries morpholo-
croisement un « métis ». giques comme les queues enroulées (clichés 3 et 4), il
La recherche scientifique internationale utilisant le est possible que ces mutations aient existé et se soient
terme général « hybridation » pour désigner le croise- manifestées très discrètement dans les populations ori-
ment entre le loup et le chien et « hybride » le résultat ginelles de loups et qu’elles aient été sélectionnées très
de ce croisement, nous nous conformerons à cet usage. tôt par l’Homme, lors de la domestication du loup, pour
des raisons esthétiques.
Le 13 juin 2019, dans le cadre d’un tir dérogatoire au sta-
tut d’espèce protégée, un loup femelle adulte est abattu En fait, il n’existe pas de consensus scientifique sur l’ori-
près d’un troupeau sur la commune de Saint-Vallier-de- gine de toutes les atypies morphologiques apparaissant
Thiey (Alpes maritimes). Le pelage de cette louve était chez certains loups, chez lesquels on ne retrouve pas
sombre bringé1 (cliché 1). Malgré l’aspect du pelage et la d’hybridation récente génétiquement prouvée. Comme
morphologie particulièrement atypiques, le laboratoire le dit joliment Ferus dans le n° 75 de la Gazette des
agréé ANTAGENE concluait à un loup (Canis lupus lu- Grands prédateurs (mars 2020) à propos du loup au pe-
pus) de la lignée italo-alpine dont le profil génétique ne lage sombre bringé (Saint-Vallier-de-Thiey, 06) : « l’habit
montrait aucun signe d’hybridation récente2. ne fait pas le moine », ni chez l’Homme, ni chez le Loup.
_________________
Le 8 août 2019, dans la vallée du Rhône, près de Valence, 1- On parle d’un pelage bringé lorsque celui-ci est parcouru de
rayures de teinte généralement sombre, comme chez de nom-
sur la commune de Montmeyran (Drôme), un loup
breuses espèces de mammifères africains (Lycaons, hyènes,
est abattu près d’un troupeau, dans le cadre d’un tir de
gnous... et évidemment zèbres) ; cette robe est aussi fré-
défense simple ICI. Il s’agissait d’un mâle adulte au pe-
quente chez les races d’animaux domestiques et en parti-
lage sombre détecté quelques mois auparavant par le
culier chez les chiens.
Groupe PP Alpes (cliché 2). L’analyse génétique effectuée
2- On rappelle qu’avec les meilleures techniques utilisées par
par le laboratoire agréé ANTAGENE, concluait à un loup
les laboratoires spécialisés dans les recherches génétiques
(Canis lupus lupus) de la lignée italo-alpine (Suisse, Italie,
chez le loup (analyse de 22 marqueurs) il n’est pas possible,
France) hybride de seconde génération. En clair, un des
actuellement, de détecter une hybridation au-delà de la
parents de cet individu était déjà un hybride chien/loup
3ème génération.
et il existe deux possibilités : soit le père de l’individu abat-
tu est un loup et sa mère un hybride de première géné-
3 4
Cliché 1 : individu au pelage sombre bringé abattu légalement le 13 juin 2019 sur la commune de Saint Vallier-de-Thiey ; à
l’analyse génétique, ce loup ne présentait aucun signe d’hybridation récente. Crédit photo ONCFS SD06. Source : rapport
d’expertise ONCFS N° CD/2019/023 du 20 nov. 2019.
Cliché 2 : loup au pelage sombre abattu lors d’un tir dérogatoire (Tir de défense simple) à Montmeyran (Drôme) le 8 août
2019 et photographié au piège photographique six mois avant sa mort (22 février 2019) à environ 9 km du lieu du tir. L’ana-
lyse génétique concluait à un hybride de seconde génération. Crédit photographique : Groupe PP Alpes.
Cliché 3 : loup à la queue enroulée photographié en 2016 sur le territoire d’une meute suivie par le Groupe PP Alpes ; cet
individu n’a été capté qu’une seule fois sur ce territoire. Quelques mois après, un individu présentant la même particularité
a été capté par des caméras automatiques du Groupe PP Alpes sur un autre territoire situé à environ 50 km en ligne droite.
S’agissait-il du même individu ? Crédit photographique : Groupe PP Alpes.
Cliché 4 : Loup à la queue enroulée (Alpes, cam. autom.) ; ici seul, mais intégré à une meute suivie par le Groupe PP. Rien ne
permet d’affirmer que cet individu est un loup hybride. Seule l’analyse génétique permettrait de trancher.
Les queues enroulées peuvent se dérouler en fonction de l’humeur de l’animal ou de son état de fatigue. À propos du même
individu que le loup présenté sur la photo, le déroulement de son appendice a pu être filmé par le même pisteur du Groupe
PP Alpes (cam. autom.).Voir la vidéo ICI.
Les loups sont capables de produire de nombreuses émissions vocales qui ont (probablement)
toutes une fonction sociale. Tout le monde connait les hurlements émis par les loups pour in-
diquer leur position, entretenir le lien social, délimiter leur territoire... Au sein de la meute, de
nombreuses émissions vocales (grognements, gémissements, toussotements...) permettent de
communiquer entre individus (soumission, domination, alerte...).
Les loups sont aussi capables d’aboyer. Cette manifestation vocale est rare et bien peu d’obser-
vateurs l’ont perçue dans la nature. Les loups aboient, en particulier, en cas de stress important
lors d’interactions avec l’Homme (alarme, expression d’une forte angoisse, défense...) ; voir à ce
sujet une vidéo russe < https://www.youtube.com/watch?v=J4A0vYkv-oE > qui présente des
opérations de sauvetage de prédateurs piégés, victimes de braconnage (Glouton, lynx, mais aussi
un loup à partir de 2 minutes).
On peut se contenter de visionner un extrait de cette vidéo ICI.
Les loups peuvent aussi aboyer pour défendre leurs petits ou leur territoire.
Georges ÉROME, en traversant une lande à bruyères arborescente a déclenché les jappements
d’un loup surpris (in litt.). Une garde du Parc national des Abruzzes (Italie) a entendu des loups
aboyer, face à un ours, dans le cadre d’une compétition interspécifique pour s’emparer (ou conser-
ver) une proie morte (M. Mastrella, comm. pers.).
Il est probable que l’aboiement, rare chez le loup, ait été sélectionné lors de la domestication.
L’alerte donnée par l’aboiement des chiens à l’approche d’un individu étranger ou d’un prédateur
ainsi que la localisation, à l’oreille, d’un chien qui poursuit une proie, ont dû constituer, pour le
clan qui possédait un tel animal, un avantage particulièrement apprécié.
Les jeunes loups jappent (aboient) et il est aussi possible que la domestication ait conservé ce
caractère juvénile ; on parle de caractère néoténique.
9 Dans la péninsule Ibérique on cite des poids exceptionnels autour de 50 kg. Par exemple, un loup (C. l.
signatus) tué par un véhicule sur une route dans la province de Valladolid en 2002, pesait 47 kg., donnée
documentée (IGLESIAS IZQUIERDO et al. 2017). Selon un garde de la Réserve de la Culebra (Castilla y Léon,
Espagne) un loup tué légalement (date ?) pesait 54 kg (EROME in litt.). Mieux : dans les années 1980, le chef
des gardes de la même réserve prétendait avoir tué un loup de 62,5 kg (avec ou sans contenu stomacal ?), in
LANDRY 2017. Les loups du nord de l’Europe et de l’Est peuvent atteindre (dépasser...) les 70 kg (par exemple
ICI en Pologne, une donnée documentée).
© Groupe PP Alpes
Quelques repères biologiques concernant les
populations de loups du sud de l’Europe de l’Ouest
Schématiquement, et sauf exception (intégration possible d’un individu « étranger »), les élé-
ments de la meute sont apparentés, dirigés par le couple reproducteur et composés des jeunes
de l’année (année n) et de quelques frères et/ou sœurs de n+1, voire n+2, qui n’ont pas encore
quitté la famille, restent célibataires et participent à l’élevage des jeunes (on peut parler d’une
structure du type « famille nucléaire »10).
Mis à part le couple reproducteur, l’âge des autres membres de la meute est généralement in-
férieur à 3 ans. Dans l’aire de distribution actuelle, il est probable que cette structure familiale
nucléaire concerne la majorité des populations de loups gris (voir à ce sujet l’encart : Organisa-
tion sociale des loups : gare aux certitudes, p. 30).
Les loups vivent en meute structurée sur un territoire exclusif11 dont les limites sont défendues
contre l’intrusion d’individus « étrangers » ; voilà pour la théorie.
À partir de cette règle générale et comme très souvent chez le loup, les choses pourraient être,
en réalité, beaucoup plus compliquées. De nombreux naturalistes de terrain se posent des
questions sur le caractère « exclusif » du territoire des meutes et les suivis télémétriques12 (en
particulier aux États-Unis) semblent indiquer que les territoires ne sont pas si « étanches »
que ce que l’on imaginait ; que les chevauchements entre meutes contiguës ne sont pas excep-
tionnels et que certaines meutes n’hésitent pas à utiliser des territoires entiers de meutes plus
faibles pour profiter de certaines opportunités alimentaires.
Une meute peut annexer un territoire voisin occupé par une meute plus faible et en chasser
les occupants. Cette annexion peut se faire avec abandon du territoire d’origine moins favo-
rable (déplacement) ou avec conservation partielle ou totale du territoire d’origine (agrandis-
sement)...
La composition des meutes, leur taille et la taille des territoires varient en fonction de la densité
des meutes voisines, de la taille et de la vulnérabilité des proies et de l’intensité des persécu-
tions humaines.
10 En sociologie de la famille humaine, la famille nucléaire est réduite à un couple d’adultes vivant avec ses
enfants non mariés.
11 Cette règle comporte des exceptions avec des zones de chevauchement, généralement réduites, entre
meutes contiguës.
12 Terme générique qui, appliqué à la faune sauvage, désigne les méthodes de suivi des individus à distance.
Pour le loup, on utilise essentiellement un collier GPS posé sur l’animal qui, en lien avec les satellites, permet de
localiser l’animal et d’obtenir un tracé précis de ses déplacements.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 24
Faute de suivi des loups par collier GPS, il n’est pas possible de proposer une taille moyenne du
territoire occupé par une meute vivant dans les Alpes ou les Préalpes françaises.
En se basant sur les publications italiennes ou espagnoles13 et en intégrant les observations de
ceux qui suivent des meutes par caméras automatiques (Groupe PP Alpes en particulier), on
peut estimer que la taille moyenne du territoire d’une meute est de l’ordre de 100 à 150 km2. On
gardera à l’esprit que cette surface moyenne n’est qu’un guide susceptible de varier fortement
en fonction des conditions locales (cf. paragraphes précédents).
Pour l’Europe de l’ouest, on estime que la distance moyenne entre 2 cœurs de meutes
contigües se situe entre 11 et 15 km (APOLLINIO et al. 2004, CAPITANI et al. 2006, MYSLAJEK
et al. 2018).
Pour l’Europe de l’Ouest, on estime que la distance moyenne entre les cœurs de deux meutes
contigües se situe entre 11 et 15 km (APOLLINIO et al. 2004, CAPITANI et al. 2006, MYSLAJEK
et al. 2018).
La taille des meutes (tous les âges confondus) varie fortement au cours d’un cycle annuel. Les
effectifs atteignent un maximum après la mise-bas (deuxième ou troisième décade de mai).
Avec la disparition naturelle de certains louveteaux dans les premières semaines (phénomène
normal14), les effectifs vont commencer à décliner. À cette mortalité des louveteaux va se ra-
jouter, au fil des semaines, la mortalité naturelle des autres membres du clan familial (taux de
mortalité beaucoup plus faible) ainsi que la dispersion des subadultes/adultes qui vont quitter
le groupe familial (conflits intraclaniques, concurrence alimentaire...).
Ce phénomène de contraction régulière de l’effectif qui résulte essentiellement de l’adaptation
naturelle d’une meute aux ressources du territoire occupé, va se poursuivre jusqu’à la fin du
cycle reproductif de l’année pour aboutir, en avril/début mai, à un effectif identique ou très
proche de celui qui existait une année auparavant (pulsation clanique).
Ainsi, pour une même meute, la taille en fin d’hiver (avant la reproduction suivante),
ne varie guère au fil des années. Ce schéma s’entend, évidemment, sans braconnage ou
abattage légal.
La cohésion des meutes dans les déplacements et les opérations de chasse est loin d’être une
constante. Il ne semble pas exister de règles et si les regroupements de tous les individus qui
composent le clan peuvent être observés lors des premiers grands déplacements des louve-
teaux à l’automne, en dehors de ces séquences familiales plutôt rares, on pourrait résumer la
situation en disant que lors des déplacements « chaque loup fait ce qu’il veut » au grès de ses
humeurs, de ses affinités vis à vis de tel ou tel autre membre de la meute et du niveau de per-
sécution15 . Le suivi par pièges photographiques montre que chez-nous, dans 90 % des cas, les
loups se déplacent seuls ou à deux (cf. Périodes d’activité, p. 41).
13 En Italie (Italie centrale), les densités peuvent être plus fortes avec 1,21 +/- O,27 meute pour 100 km2 (avec
une moyenne de 3 à 4 loups, hors louveteaux, par meute) – MATTIOLI 2018. Dans la péninsule Ibérique la
surface occupée par une meute varie de 40 km2 (Sierra de la Culebra, province de Zamora) à 400 km2 avec une
moyenne de 100 à 200 km2 (IGLESIAS IZQUIERDO et al. 2017).
14 Les biologistes admettent que 40 % des louveteaux ne survivront pas à la première année.
15 La cohésion des meutes en déplacement semble plus solide dans les vastes territoires protégés où la pres-
sion anthropique est faible et ou la réussite des opérations de chasse des proies de grande taille dépend du
nombre de « chasseurs » engagés (Certains Parcs ou Réserves d’Amérique du nord).
16 Certains naturalistes, en se basant sur leurs observations et celles qui sont rapportées par d’autres obser-
vateurs ou de simples randonneurs, pensent que ces SRD se situent préférentiellement dans des milieux très
ouverts permettant de surveiller un large territoire et, en hiver, sur des versants sud plus chauds.
En France, le nombre moyen d’individus qui composent une meute n’a jamais fait l’objet de re-
cherche. Il est probable que le résultat soit cohérent avec celui des chercheurs italiens et espagnols
(par exemple, MATTIOLI 2018 et IZQUIERDO 2017) ; les premiers résultats issus des suivis par
caméras automatiques du Groupe PP Alpes (p. 29) vont dans ce sens.
De la méthode
En France en l’absence de suivi des loups par télémétrie, l’exercice se pratique essentiellement
à l’aide de caméras automatiques (pièges photographiques) et par la lecture des traces dans la
neige (pistage).
Ni le suivi des meutes par caméras automatiques, ni le suivi des traces n’auront la précision et
la fiabilité d’un suivi par télémétrie, complété par l’utilisation de caméras thermiques.
Caméras automatiques et pistage sont deux méthodes utilisées en France, « par défaut ».
NB : dans ce qui suit, sauf précision contraire, nous ne parlerons que du suivi par caméras auto-
matiques.
La fin des Zones de rendez-vous18 (fin septembre/octobre) inaugure l’époque où les individus
(adultes et subadultes) qui composent la meute auront tendance à se grouper pour accom-
pagner les louveteaux dans leurs premiers grands déplacements de reconnaissance et leurs
premières expériences de chasse. Ces épisodes de déplacements groupés peuvent se prolonger
avec plus ou moins de régularité jusqu’au milieu de l’hiver.
S’agissant du suivi par caméras automatiques, pour des raisons pratiques et par conven-
tion, nous proposons d’évaluer la taille et la composition des meutes entre les mois d’oc-
tobre et décembre (meilleure période pour les regroupements au sein du clan en dépla-
cement et distinction jeunes de l’année et adultes/subadultes assez aisée).
L’évaluation devra toujours préciser si elle comprend ou non les louveteaux de l’année.
Ne pas fournir cette précision n’a pas de sens.
L’emploi des caméras automatiques pour suivre les meutes de loups (territoire, effectifs, repro-
duction...) est un exercice très chronophage qui nécessite de la patience, beaucoup de technici-
té, de l’expérience, de la rigueur, une solide connaissance du terrain et de la biologie des loups ;
sans oublier le facteur chance qui donnera le petit coup de pouce nécessaire à la réussite de
l’entreprise. Le dispositif devra comporter un nombre suffisant de caméras avec un minimum
minimorum de 5 appareils par meute suivie.
En attendant un futur consensus concernant la manière d’évaluer l’effectif d’une meute, les
données publiées devraient toujours s’accompagner d’un bref exposé sur la méthode ayant
servi à bâtir le résultat.
En Italie, les résultats publiés (en particulier MATTIOLI 2018) donnent une moyenne de 3 à
4 individus19 (hors louveteaux) pour une meute20 . En Espagne, dans leur monographie sur C. l.
signatus, IGLESIAS IZQUIERDO et al. (2017) indiquent qu’en moyenne les meutes sont consti-
tuées de 3 à 6 individus adultes et subadultes21 . Dans la Réserve de la Sierra de la Culebra, en Es-
pagne (Région de Castilla y Léon), sur 10 meutes suivies en 1980, la taille moyenne des meutes
était de 4,7 avec un écart-type de 1,3 (GRANDE del BRIO 2005)22
18 Les ZRV sont des espaces de quelques hectares où les louveteaux vont être fixés durant quelques jours ou
quelques semaines pour être facilement retrouvés et alimentés par les autres membres de la meute.
19 La taille moyenne des meutes variait de 3,40 (été 2014, hors louveteaux et loups solitaires) à 4,17 (fin de
l’hiver-printemps 2015, à l’exclusion des loups solitaires).
20 Le Parc européen, Alpi marittimi/Mercantour, donne pour les Alpes 4 individus en moyenne par meute, avec
un maximum de 8.
21 Avec des maximums (rares) à 12 ou 13 adultes/subadultes, comme en 2018, dans la Réserve de la Culebra
(Castilla y Léon), une meute avec 12 adultes/subadultes accompagnée de 6 louveteaux (Georges EROME, in
litt.).
22 On est surpris de constater que la plupart des auteurs précisent rarement, ni leur définition de la meute, ni
la période de référence de l’année durant laquelle ils fixent l’effectif.
Matériel et méthode
Le Groupe PP Alpes fournit les résultats pour 8 meutes différentes et 27 reproductions sur les
Alpes et Préalpes françaises (tableau commenté, p. 33) ; ces résultats ont été obtenus grâce à
un réseau de caméras automatiques.
Selon les commentaires des 7 observateurs qui ont pu fournir des données, une meute (M1) a
subi un très haut niveau de persécution (braconnage23 et abattages officiels), particulièrement
entre 2007 et 201224 . Une autre meute (M8) fait l’objet d’un braconnage récurrent depuis 2015,
particulièrement intense en 2019 (disparitions inexpliquées d’un nombre important de louve-
teaux et/ou d’adultes/subadultes). La meute M4 fait aussi l’objet d’actes de braconnage dont
un très sévère en 2017 (disparition de la meute et informateur local donnant des détails sur le
type de braconnage...). L’absence de reproduction pour M5 en 2018 pourrait bien être la consé-
quence d’un acte de braconnage (élimination d’un ou deux reproducteurs,
voire destruction de la portée).
Ainsi, 50 % des 8 meutes suivies par le Groupe PP Alpes, essentiellement entre 2015 et 2019,
ont fait l’objet d’une élimination partielle ou totale par braconnage, très souvent récurrent,
sur plusieurs années. Malgré le doute qui existe quant à l’effectivité des actes de braconnage
perpétrés sur ces meutes, le niveau de probabilité est très élevé.
Deux meutes ont fait l’objet de tirs dérogatoires létaux et pour une de ces meutes, les tirs se
sont répétés sur plusieurs années.
En clair :
- l’effectif moyen (hors louveteaux) des meutes se situe entre 3 et 4 individus (le couple
reproducteur + 1 ou 2 adultes/subadultes).
- Le nombre moyen de louveteaux (entre août et décembre) est de 4 à 5.
Malgré les réserves liées à la relative faiblesse de l’échantillon et à la méthode de recueil
des données, ces chiffres sont conformes aux résultats publiés en Espagne et en Italie.
À noter : deux doubles reproductions sur 28 reproductions suivies (8 meutes diffé-
rentes) entre 2015 et 2019.
23 Le plus souvent, il est impossible d’affirmer qu’une meute a été victime de braconnage. Sur les meutes bien
suivies, le phénomène se manifeste par des disparitions anormales et souvent importante de louveteaux et/ou
d’adultes/subadultes ; voire la disparition de la meute entière ou l’absence de reproduction.
24 Années pour lesquelles les chiffres récoltés n’ont pu être retenus.
La naturaliste et écrivaine allemande RADINGER1 a passé une grande partie de son temps, durant
vingt-cinq années, à observer les loups libres aux États-Unis, dans le Parc national de Yellowstone
qui couvre une superficie de la taille de la Corse (8991 km2). Dans son ouvrage publié en 2018 (La sa-
gesse des loups), elle met à mal la théorie classique qui établit que dans une meute, seule la femelle
« alpha » a « le droit » de se reproduire. Elle écrit « Environ un quart de tous les loups de Yellowstone
s’accouplent également avec d’autres partenaires, avec pour conséquence que plusieurs louves d’une
même famille font des petits qu’elles élèvent en partie ensemble ». Le père de ces portées peut
être le mâle alpha, un autre mâle du clan de rang inférieur, voire un mâle « étranger » qui intègre
temporairement2 la meute pour participer à la reproduction...
Les loups étant protégés sur la totalité de l’aire du Parc national, la référence au haut degré de persé-
cution anthropique pour expliquer les reproductions multiples au sein d’une même meute tombe...
NB : ce propos est à nuancer car les meutes qui vivent en bordure du Yellowstone sont intensément
chassées et/ou braconnées lorsqu’elles franchissent, les limites du Parc, surtout en hiver.
Et ce n’est pas tout. Toujours au Yellowstone, les biologistes qui observent très souvent les loups
en plein jour, décrivent des meutes importantes qui comptent majoritairement, en début d’hi-
ver, plus de 10 individus (En 2019, 7 meutes étaient reproductrices avec, à la fin de l’automne, une
moyenne de 12 loups par meute composée pour moitié de louveteaux ; on peut raisonnablement
penser que ces chiffres sont plus élevés au début de la saison automnale). Des records ont été
atteints certaines années avec des meutes d’une trentaine d’individus (une meute composée de
37 loups dans la Lamar Valley, RADINGER 2018). La théorie, classique ici aussi, est que la taille des
meutes varierait dans le même sens que la ressource alimentaire. Au Yellowstone les ongulés sau-
vages sont abondants, donc les meutes sont grandes. Trop simple et pas si sûr...
Dans le sud de l’Europe de l’Ouest3 (Italie, péninsule Ibérique, France) les meutes (tous âges confon-
dus), en début d’automne, dépassent rarement les 8 individus (1 tiers de moins que la moyenne des
meutes du Yellowstone à la même saison) et il est très rare d’observer des meutes de plus de 12/13
individus en début d’automne au moment où le nombre de loups composant la meute est à son
maximum.
Le biologiste Nathan RANC (comm. pers.), spécialiste de la Grande faune, qui connait à la fois
le Yellowstone et les territoires français et italiens où vivent les loups, indique que la biomasse
des ongulés est globalement assez faible dans le célèbre parc américain4. Plus faible, en tous les
cas, que la biomasse des ongulés observés dans les vastes territoires européens protégés et sans
chasse, comme le Parc national des Abruzzes en Italie.
Quand bien même, si par rapport au Yellowstone, les ressources alimentaires étaient moins abon-
dantes dans les zones où vivent les loups en Europe, pourquoi un territoire européen qui nourrit
deux meutes contiguës de 5 loups, ne pourrait pas nourrir sur la même surface, une seule meute
composée de 10 loups ?
La réponse pourrait être fournie par un élément qui diffère fondamentalement entre l’immense
Yellowstone et la quasi-intégralité de l’aire de répartition européenne du loup : la pression hu-
maine et le niveau de persécution anthropique. Au Yellowstone, la pression des activités humaines
reste globalement faible et l’espèce, tant qu’elle ne sort pas des limites du Parc, est strictement
protégée.
Il s’agirait de ne pas reproduire l’erreur de nos prédécesseurs et prétendre que ce que l’on observe
sur plus de 90 % de l’aire occupée par les loups, sur l’ensemble du globe, constitue le mode de vie
standard de l’espèce. Ce serait comme prétendre décrire la société des Homo sapiens en les étu-
diant uniquement au sein des mégalopoles...
Il est possible que la tendance naturelle des loups est de mener une vie diurne, organisée en grand
clan familial dirigé par un couple leader et au sein duquel la reproduction des femelles matures
est libre.
Des clans qui peuvent intégrer des individus non-apparentés provenant d’autres clans, au gré des
rencontres fortuites, des périodes de chaleur des femelles, des accidents de la vie... Cette struc-
ture clanique de type « famille élargie »6 que l’on observe dans les derniers vastes territoires très
peu ou pas anthropisés, s’oppose à la structure de type « famille nucléaire » qui semble constituer
une adaptation de l’organisation sociale des loups, contraints de vivre (presque) partout dans des
milieux fortement anthropisés et globalement hostiles.
Pour vivre au sein des populations humaines, les loups s’organisent en petits groupes familiaux
actifs essentiellement la nuit. La fonction reproductrice est confiée, dans la majorité des cas, à la
femelle « alpha » soit par défaut d’autres femelles matures au sein de la meute, soit par des phé-
nomènes d’inhibition, très mal connus, des autres femelles qui ont l’âge de se reproduire.
Une autre hypothèse soulevée par G. ÉROME (comm. pers.) pourrait expliquer, au moins en partie,
la taille importante des meutes et la fréquence des reproductions multiples au Yellowstone. Ces
deux particularités donneraient aux loups du Yellowstone un avantage sélectif en leur permettant
de s’attaquer avec succès à des proies de plus de 300 kg (Wapitis) et pouvant atteindre la tonne
Enfin (et pourquoi pas ?) : la présence de très vastes milieux ouverts vallonnés offre aux loups du
Yellowstone la possibilité de chasser les ongulés en utilisant les longues courses-poursuites qui
épuisent la proie. En Europe les milieux de chasse, souvent plus fermés et/ ou accidentés favo-
risent l’embuscade et les attaques surprises sur de courtes distances. Dans le premier cas, le grand
nombre de poursuivants permet de se relayer en gardant une vitesse constante pour réussir avec
le maximum de chance à épuiser la proie. Dans le second cas, le nombre de loups n’apporte pas
d’avantage évident... Peut-être même, au contraire.
Alors quelles sont les bonnes hypothèses ? Comment se combinent-elles ? N’y-en-a-t-il pas
d’autres ? C’est toujours pareil avec les loups : gare aux certitudes...
Reproduction
Rut et mise bas
Le rut a lieu en février-mars et dans les Alpes et Préalpes françaises, la période de mise bas se situe-
rait plutôt dans la seconde quinzaine de mai (15-25 mai25) ; la gestation est de deux mois.
L’unique portée annuelle26 comporte (à la naissance27 ?) en moyenne 5 louveteaux28.
Cette règle de la reproduction unique comporte des exceptions plus ou moins fréquentes et le facteur
déclenchant souvent évoqué est un phénomène compensatoire lié à un haut niveau de persécution
anthropique. En Biélorussie où la persécution des loups est massive et très ancienne, les doubles
reproductions (voire les reproductions triples…) au sein d’une même meute sont fréquentes (SIDO-
ROVICH et ROTENKO 2018).
25 Malgré un consensus au sein du Groupe PP Alpes, ces dates sont à prendre avec précaution compte tenu de
la faiblesse de l’échantillon (N de l’ordre d’une quinzaine de données).
26 La louve ne peut se reproduire qu’une seule fois par an à la différence de la chienne qui est en chaleur deux
fois par an.
27 Seule une visite précoce à la tanière permet de connaitre le nombre de louveteaux « à la naissance ». En
l’absence de suivi télémétrique, cette pratique est très peu (exceptionnellement) utilisée sur les territoires où
vivent italicus et signatus. Les chiffres avancés par les auteurs italiens ou espagnols représentent, au mieux, le
nombre de louveteaux lorsqu’ils se font repérer en se déplaçant et en jouant aux alentours de la tanière ; des
chiffres probablement légèrement inférieurs à la taille de la portée au moment de la naissance.
28 Exceptionnellement, des portées de 11 auraient été décrites comme en Castille-et-Léon en Espagne dans
des plaines céréalières (IGLESIAS IZQUIERDO A. et al. 2017) ; encore faut-il être certain qu’il ne s’agisse pas de
reproductions multiples.
En France (où les cas de reproduction multiple semblent rares, voire exceptionnels), une double re-
production (4 + 4) a été observée29 (Groupe PP Alpes, 2018), sur une meute qui vit sur un territoire
où le niveau des persécutions anthropiques reste faible et où les ressources trophiques (ongulés
sauvages) sont bonnes.
29 Observer plusieurs femelles allaitantes au sein d’une même meute ne permettrait pas, selon certains, d’af-
firmer qu’il y a une reproduction multiple. Au sein d’une meute, certaines femelles non reproductrices (fille de
la femelle « alpha » par exemple) pourraient rentrer en lactation après la mise-bas de la mère. Ce phénomène
(lactation de pseudo-gestation) existe chez la chienne (85 % des chiennes non stérilisées font une lactation de
pseudo-gestation au moins deux fois dans leur vie). Chez la louve, le phénomène reste très peu documenté.
Les premiers biologistes qui ont étudié le fonctionnement des meutes de loups sont allés au plus
simple : ils ont observé les groupes de loups en enclos... Comme pour le fonctionnement des
groupes humains que l’on prétendrait étudier en observant ce qui se passe en milieu carcéral, les
biologistes ont montré qu’il existait, chez les loups captifs, une hiérarchie pyramidale avec, au
sommet, un chef intraitable et sans pitié, entouré « d’hommes de main » serviles tandis qu’au bas
de l’échelle, les dominés n’ont pas d’autre choix que d’obéir et de servir le chef. Les images tournées
en enclos venaient corroborer cette théorie avec des scènes de violence fréquentes, le triomphe
des individus de haut rang et l’humiliation des sujets qui se situaient tout au bas de l’échelle. Les
biologistes (principalement David MECH) ont décidé « qu’ainsi vivaient les loups » et baptisé le
couple dominant, le couple « alpha » ; nous étions dans les années 1970.
Puis est venu le temps de l’étude des loups libres et le même David MECH s’est aperçu que dans la
nature les meutes étaient en fait des groupes familiaux, avec un couple reproducteur accompagné
par ses enfants de l’année (année n) et les quelques enfants de l’année n+1 (voire n+2) qui n’avaient
pas encore quitté le clan.
S’il existe, comme toujours chez les loups, des exceptions à cette règle, les leaders de la meute
n’étaient plus des chefs de bande autoritaires et violents, mais des parents (« papa loup » et « ma-
man loup » comme MECH les appelle).
En résumé, pour les loups, comme pour les hommes, lorsqu’ils sont enfermés et privés de liberté,
l’unité élémentaire est une structure très hiérarchisée et dirigée par un « caïd » tout puissant : c’est
la bande. En liberté tout change : la base de l’organisation sociale, que ce soit pour les loups ou les
hommes, est le groupe familial dirigé par les parents. Encore une similitude troublante entre les
loups et les hommes.
Attention toutefois à ne pas passer d’une vision d’épouvante « de la bête féroce » à celle, tout aussi
fausse, de la créature charmante, pleine de compassion et adepte de la non-violence. En matière de
comportement et de vie sociale, il existe chez le Loup, comme chez l’Homme le pire et le meilleur.
Depuis que les biologistes peuvent suivre, 24 heures sur 24, de nombreux individus équipés de
colliers GPS vivant au sein d’une meute, comme par exemple dans le Parc national du Yellows-
tone (États-Unis), on sait qu’au sein d’un clan familial, peuvent survenir de violents conflits, des
brimades particulièrement sévères, des rancœurs sourdes et des règlements de compte pouvant
aller jusqu’au meurtre (RANC comm. or.). Les loups ne sont ni des démons, ni des anges ; les hu-
mains non plus.
NB : Au-delà de la boutade, introduire de la morale (science du bien et du mal) dans le monde ani-
mal non-humain n’a pas de sens.
NB : Si la contestation argumentée est toujours bienvenue et souvent féconde, le rejet catégorique
du terme « alpha » par certains, pour désigner le couple reproducteur de la meute, a de quoi laisser
perplexe. Une des explications pourrait être d’ordre idéologique inspirée de l’égalitarisme radical qui
imagine un monde sans individualité, sans altérité, sans hiérarchie où règne l’uniformité et l’harmonie.
Une autre hypothèse serait la traduction d’une vision idéalisée des animaux et du loup en particulier
qui seraient des créatures authentiquement bonnes3. Une sorte de nostalgie du paradis perdu ? Nous
quittons ici la sphère scientifique pour aborder des sujets politiques ou philosophiques, tout aussi in-
téressants mais, s’agissant du monde vivant non-humain, probablement bien éloignés de la réalité
biologique.
__________________
1- La résolution des conflits intrafamiliaux passe, la plupart du temps, par des postures ou mimiques ritualisées
qui sont autant de signaux compris par tous les individus (comportement de soumission vs domination) sans
qu’il soit nécessaire de passer au stade de la violence.
2- Première lettre de l’alphabet grec.
3- Introduction absurde d’un concept moral exclusivement humain chez les animaux non-humains.
Elle est idéalement située dans une zone où la pression anthropique est faible et à proximité
d’un point d’eau, mais cette règle, comme souvent chez le loup, comporte des exceptions30 .
Si, classiquement, la louve met bas dans un abri sommairement aménagé sous roche ou sous
les racines d’un chablis, elle peut agrandir un ancien terrier de renard ou de blaireau ou simple-
ment (et plus rarement) établir son liteau à l’abri d’une végétation très dense31 .
En cas de danger (d’origine anthropique ou menaces provenant d’autres prédateurs...), la
femelle reproductrice peut transporter la portée dans une autre tanière. Ces comportements
ont été filmés par des caméras automatiques dans le Voyageurs National Park (Nord-Est des
États-Unis) ; on peut visionner ces images sur le site Facebook du « Voyageurs wolf project ».
Durant environ 2 mois, les louveteaux restent dans un périmètre réduit32 autour de la tanière.
Ces déplacements de la portée peuvent être motivés par des questions de densité et/ou de vi-
gilance des proies33, voire pour des raisons de sécurité. Sur les ZRV les louveteaux sont placés
sous la garde d’adultes ou subadultes qui assurent une surveillance plus ou moins lâche (AUS-
BAND et al. 2016).
Quatre louveteaux de trois mois jouent sur une zone de rendez-vous.Crédit photographique, Grouppe PP Alpes.
30 Quelques exemples : en Espagne, dans la province de ZAMORA, une tanière de reproduction est située à
plus d’un km d’un point d’eau (EROME in litt.) ; dans les Alpes françaises, une autre tanière de reproduction
se trouve à proximité immédiate d’une piste forestière très fréquentée par les randonneurs et à 300 m. d’une
route départementale (Groupe PP Alpes).
31 Dans des régions où la persécution humaine est intense et ancienne comme en Biélorussie, les louves
mettent bas fréquemment à ciel ouvert dans de simples couches sommairement aménagées (SIDOROVITCH
et ROTENKO 2018).
32 Quelques centaines de mètres autour de la tanière.
33 On imagine que les proies situées proches de la Zone cœur auront, au fil du temps, tendance à se faire plus
rares tout en augmentant leur niveau de vigilance.
Il arrive que les louveteaux quittent momentanément une ZRV, emmenés par les autres membres
de la meute à plusieurs kilomètres et soient de retour quelques heures plus tard. Il est possible
que ces allers-retours soient motivés par la présence d’une grosse proie difficile à transporter34
et située très loin de la ZRV (JANET, comm. or.).
L’idée selon laquelle, les ZRV s’établiraient sur quelques centaines de m2 sur lesquels les louve-
teaux attendraient patiemment le moment d’être nourris par les adultes/subadultes est contre-
dite par les caméras automatiques. Sur les ZRV les louveteaux semblent très mobiles. Par jeu,
par gout de l’exploration, les louveteaux, en solitaire ou groupés selon leur humeur, peuvent
être filmés, accompagnés ou non par des adultes/subadultes, déambulant parfois à plus d’un
kilomètre du site de rendez-vous. Guidés par leur odorat, utilisant au besoin les hurlements, les
louveteaux aventureux mais incapables de chasser, savent qu’ils retrouveront toujours la ZRV
pour être nourris...
Certains parlent de Zone cœur pour désigner un territoire d’environ une centaine d’hectares
(ordre de grandeur) qui s’établit autour de la zone tanière et englobe généralement les Zones
de rendez-vous. C’est sur cette zone que les louveteaux vivraient de mai à septembre.
NB : Les éléments exposés ici concernant le fonctionnement des ZRV, les déplacements des lou-
veteaux autour des ZRV et la réalité des Zones cœurs sont déduits, essentiellement, des images
fournies par les caméras automatiques (Groupe PP Alpes). En l’absence de suivi des louveteaux par
télémétrie et compte tenu de la rareté des publications sur ces sujets, les analyses sont à prendre
avec précaution.
Émancipation et dispersion
A partir d’octobre (parfois un peu plus tôt, parfois un peu plus tard...), la taille des louveteaux
leur permet de participer aux grands déplacements de la meute. Ces mouvements groupés leur
permettra de reconnaitre les limites du territoire et de s’initier aux rudiments de la chasse. C’est
la fin des ZRV. C’est la période où l’on peut observer35 la meute au complet avec un effectif
qui peut dépasser les 10 individus.
Ainsi et très schématiquement, on peut définir deux périodes dans la vie d’une meute de loups.
Une première période de quatre à cinq mois (mai à octobre) où la meute (le couple reproduc-
teur aidé de 1 à 3 adultes/subadultes) concentre ses activités sur la surveillance et le nourris-
sage des louveteaux ; durant cette période que l’on pourrait qualifiée de « période sédentaire »,
les déplacements se font en mode « marguerite », centrés sur la zone cœur.
À partir d’octobre et jusqu’à la prochaine mise-bas (durant sept à huit mois), la meute reprend
(progressivement) sa vie « normale » : une vie nomade ou « chaque loup fait ce qu’il veut, quand
il veut et avec qui il veut » ; une liberté conditionnelle qui doit s’exercer à l’intérieur du cadre
strict des règles claniques (participation à la cohésion du groupe, respect des normes sociales
et défense du territoire).
34 Comme par exemple la découverte, par la meute, d’un cadavre de vache ou de cheval.
35 Observation directe ou caméras automatiques.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 37
Un louveteau d’environ 3 mois, le 20 août 2018, seul, en vadrouille, à plus d’un kilomètre de la zone tanières
(taille : environ 3 à 4/5ème de la taille des adultes). Cam. autom., Groupe PP Alpes.
36 Lors de cette dispersion, les loups peuvent parcourir des centaines de kilomètres en quelques semaines
(donnée confirmée par le suivi satellite de loups munis de colliers GPS).
37 On distingue classiquement deux vagues de dispersion : la première durant l’automne et la seconde entre
février et avril.
38 De 30 à 50 % selon la tranche d’âge.
Longévité
La longévité potentielle d’un loup est du même ordre que celle d’un chien de taille similaire,
soit une douzaine d’années39. Dans la nature ce chiffre est très rarement atteint du fait des acci-
dents, des maladies, de la compétition intraspécifique et des persécutions humaines40 .
On considère qu’un loup soumis aux aléas de la vie en liberté, au milieu des populations hu-
maines, peut espérer vivre jusqu’à l’âge de 5 à 7 ans41 (chiffre moyen de l’espérance de vie d’un
loup libre, donné par différents auteurs à propos des populations italiennes et espagnoles).
Si le loup vit généralement dans des zones riches en espaces naturels où alternent des milieux
ouverts et des forêts, il peut aussi se reproduire dans de vastes plaines céréalières, sans arbres
ou presque, comme par exemple dans les provinces du centre ouest de l’Espagne (Burgos, Za-
mora, Valladolid…).
En résumé le loup est apte à vivre dans tous les milieux présents dans l’Hémisphère
nord à deux conditions :
1- que ces milieux lui offrent des ressources trophiques suffisantes à travers une faune
sauvage constituée d’espèces proies de taille moyenne ou forte (généralement ongu-
lés) et/ou des résidus de l’activité humaines riches en matière organique consommable
(dépôts de cadavres d’animaux d’élevage, décharges domestiques…) ;
C’est la fin des Zones de rendez-vous ; la meute défile au complet devant la caméra automatique. 9 novembre 2018.
Cam. autom., © Groupe PP Alpes.
C’est la fin des Zones de rendez-vous ; la meute défile au complet devant la caméra
automatique. Un 9 novembre. Cam. autom., © Groupe PP Alpes.
En 2020, en France, on ne connaît qu’un cas de ZPP de plaine45 (sans reproduction) et aucun cas
de reproduction proche d’une zone urbanisée.
Périodes d’activité
Prudence : les horaires de déplacement des loups sont des informations recueillies essentiellement à par-
tir des caméras automatiques installées sur des voies de circulations tracées par les humains (sentiers,
pistes, chemins...). Ces données qui montrent que les déplacements des loups sont essentiellement nocturnes,
doivent être prises avec précaution car elles ne prennent pas en compte les déplacements hors sentier (plus
rares ?) qui, eux, peuvent se produire en plein jour.
Dans les Alpes/Préalpes, durant la journée, les loups ne se déplacent guère sur les voies de
circulation tracées par les humains et semblent rester au repos. Les premiers déplacements
sont notés au crépuscule (départ en chasse). L’activité de déplacement va être la plus intense
en début de nuit et en fin de nuit avec un « creux » de deux ou trois heures autour de minuit
(IGLESIAS IZQUIERDO et al. 2017, CHARRIER et al. 2019 et observations du Groupe PP Alpes).
Ce «creux» de milieu de nuit peut s’expliquer soit par des phases de repos, soit par des actions
de chasse. Dans ces deux cas les loups abandonnent les chemins et ne sont plus détectés par
les caméras.
Les informations recueillies par les caméras automatiques dans le cadre du suivi des meutes
reproductrices (Massif alpin/préalpin français et italien), montrent que dans la majorité des
cas (>50 %) les loups se déplacent seuls. Dans environ 90 % des cas, les loups se déplacent
seuls ou à deux. Les déplacements à trois et au-delà sont rares (autour de 10 % des
passages) (CHARRIER et al. 201946 , MARUCCO et al. 201747 et observations du Groupe PP
Alpes48).
44 Comme par exemple ce loup mâle de 38 kg (2 ans ?) tué par une voiture à Saint-Marcel-lès-Valence (Drôme)
le 2 décembre 2008, sur une voie rapide, près d’un Castorama. On ne compte plus, sur la toile, le nombre de
vidéos réalisées avec un téléphone portable et montrant un loup en déplacement sur une route, en périphérie
d’un village, voire en pleine ville. Ce phénomène existe partout où le loup est présent, sur tous les continents.
Ce qui serait « anormal » serait de ne pas observer de loups déambulant près des humains. Si ces loups ne
présentent aucun danger pour les humains, il est fortement recommandé pour des raisons éthiques de ne pas
encourager ce type de comportement.
45 ZPP du Nord-Est, à cheval sur plusieurs départements, dans l’ouest des Vosges.
46 Données Canjuers, Var, CHARRIER et al. (N=367 passages) : passages loup seul = 67 % ; deux loups = 25 % ;
trois loups = 7 % ; quatre et plus = 1 %.
47 Données Région du Piémont italien, MARUCCO et al. (N=340 passages) : passage seul ou à deux = 86 %.
48 Données Groupe PP Alpes (meutes reproductrices et hors Zones de rendez-vous - N=394 passages) : pas-
sages loup seul = 74 % ; deux loups = 14 % ; trois loups = 6 % ; quatre et plus = 6 %.
Une autre information intéressante nous est fournie dans la synthèse « Lobos ibericos » (IGLE-
SIAS IZQUIERDO et al. 2017) et concerne les observations directes de loups (hors caméras au-
tomatiques).
Les auteurs, en se basant sur de très nombreuses années d’observation in natura (affût, ren-
contres fortuites...) et une centaine de données, indiquent que dans 77 % des cas les loups ob-
servés sont moins de quatre (36 % : un seul loup ; 27 % : 2 loups et 13 % : 3 loups). Les observa-
tions de 5 loups (maximum observé dans un groupe sans louveteaux) représentent 9 % des cas.
Les observations du clan familial accompagné des louveteaux ne représentent que 7 % de la to-
talité des observations. On remarque que ces chiffres diffèrent significativement de ceux four-
nis par les caméras automatiques et semblent indiquer que les regroupements des membres
de la meute sont plus fréquents de jour que de nuit. Les écarts constatés entre ces observations
diurnes (observations directes) et les données, essentiellement nocturnes, issues du suivi par
caméras automatiques, pourraient conforter l’existence de zones de regroupements diurnes
(ZRD). Malheureusement les auteurs espagnols ne précisent pas si leurs observations diurnes
concernent majoritairement des loups en déplacement ou des loups au repos.
Lorsqu’en été, la durée de la nuit diminue fortement, logiquement, les loups augmentent leur
activité diurne rendant plus fréquentes les observations en plein jour, lorsqu’ils quittent la
Zone cœur en début de soirée ou lorsqu’ils rentrent en début de matinée.
Concernant les siècles antérieurs au XXème, la très grande majorité des attaques sur les humains
était le fait de loups enragés et les cas d’anthropophagie étaient essentiellement le fait de loups
consommant des cadavres sur les champs de bataille.
En France, sous l’ancien Régime, le contexte social, économique, écologique était très différent de
ce que nous vivons aujourd’hui. Les forêts étaient détruites par les humains pour se chauffer, pâ-
turer et faire du bois d’œuvre ; les proies favorites des loups (sangliers, cerfs, chevreuils...) avaient
été décimées, voire éradiquées par les paysans ; les troupeaux étaient gardés par des enfants... Un
contexte où les loups ne devaient pas avoir d’autre choix, pour survivre, que de s’attaquer aux ani-
maux domestiques en se mêlant aux humains et en blessant ou tuant les enfants qui essayaient
de défendre leurs troupeaux. (Sur ces sujets, voir « les loups drômois, hier, aujourd’hui et demain »,
MATHIEU R. (2017c).
NB : Parmi toutes les régions étudiées, le Sous-continent indien fait figure d’exception avec, dans les
30 dernières années, plusieurs centaines d’attaques mortelles de loups non enragés, essentiellement sur
des enfants. Voici le commentaire des auteurs de l’étude norvégienne : « […] La plupart (des territoires
concernés) sont d’anciennes forêts déboisées devenues terrains agricoles sur lesquelles il y a peu de proies
sauvages et une densité humaine avoisinant 600 h/km2 vivant dans des conditions de précarité impor-
tante […] ». Durant ces mêmes décennies, et sur ces mêmes territoires, le nombre d’attaques létales sur
humains, du fait d’autres espèces animales (éléphants, ours, tigre, hyènes…) est nettement supérieur.
Le loup, tout comme les chasseurs-cueilleurs d’autrefois, recherche des proies dont le rapport
coût/bénéfice, en termes d’énergie, lui est favorable. Pour faire simple et très logiquement, le
nombre de calories récupérées lors de l’ingestion de la proie doit être bien supérieur aux calo-
ries dépensées pour la tuer.
Si les mammifères de taille moyenne (marmotte, renard, castor…), voire les micromam-
mifères ainsi que les oiseaux, poissons, reptiles ou certains végétaux, entrent dans son régime
alimentaire, cet apport, sauf exception, ne peut être qu’une source alimentaire d’appoint. Géné-
ralement, un groupe de loups ne peut survivre que s’il peut tuer des proies de taille moyenne
à forte.
Là aussi, attention aux exceptions : par exemple en Espagne ou dans certaines plaines cé-
réalières de la province de ZAMORA où les ongulés sont très rares, les loups se nourrissent
d’outardes, de lapins, de lièvres, d’oiseaux d’eau hivernants, de charognes, sans oublier les mi-
cromammifères ; un régime très classique de renard (ÉROME comm. or.)50 . L’abondance excep-
tionnelle de la proie et la relative simplicité de la capture, font que dans tous ces exemples qui
font exception, la règle du bon rapport coût/bénéfice est respectée.
49 Il s’agit d’un chiffre évidemment théorique destiné à fournir une image : le régime alimentaire du loup est
varié et englobe la totalité des espèces d’ongulés présents sur son territoire.
50 Dans certaines régions arctiques les loups profitent des fortes densités de lemmings (petit mammifère
d’environ 100 g.) pour en faire leur alimentation principale.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 44
Pour en revenir au sud-ouest de l’Europe (Péninsule Ibérique, France, Italie, Suisse…),
le loup est essentiellement un prédateur des ongulés sauvages : cerfs, sangliers, che-
vreuils51 et lorsqu’ils sont présents, chamois, mouflons et bouquetins.
En 2012 dans sa thèse de doctorat, Jennifer AILLOUD, expose ses premières conclusions et
arrive au même constat. Son travail consistait, entre autres, à comparer le comportement et
la dynamique démographique de quatre ongulés sauvages vivant dans deux vastes zones na-
turelles des Alpes françaises. La Réserve des Bauges, vide de loups (2012) mais chassée et le
Parc national du Mercantour, non-chassé et où le loup est installé depuis plusieurs décennies.
AILLOUD écrit : « Ces résultats préliminaires indiquent que la prédation par le loup est perçue par
les ongulés (cerf, chevreuil, chamois, mouflon) comme une perturbation qui ne semble avoir qu’un
effet négligeable sur la dynamique des populations (survie, reproduction) au regard de toutes les
autres pressions que représentent les activités humaines, la chasse notamment. ».
En 2020, une équipe de biologistes italiens a publié les résultats d’une étude menée en Toscane
(Italie centrale), dont l’objectif principal était de comparer l’impact du loup avec celui de la
chasse concernant les populations de sangliers (Sus scrofa) et de chevreuils (Capreolus capreo-
lus). Pour ces deux proies, les pertes dues à la chasse étaient 8 à 10 fois plus importantes
que celles dues à la prédation par le loup (BASSI et al. 2020).
En considérant l’ensemble de l’aire de distribution de l’espèce, les études menées sur le régime
alimentaire du loup arrivent à la même conclusion : le loup est un carnivore opportuniste et son
régime est construit sur la vulnérabilité et l’abondance des ongulés sauvages et domestiques.
Pour dire les choses simplement : « dîtes moi quels sont les ongulés sauvages les plus abondants,
donnez-moi le niveau de protection des ongulés domestiques présents (bétail) et je vous dirai quel
est le régime alimentaire du loup dans la zone considérée ».
51 Concernant le cerf (Cervus elaphus) et le sanglier (Sus scrofa) les loups privilégient les jeunes (faons et mar-
cassins).
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 45
On retiendra :
1/ une meute de loups prélève les proies sauvages présentent toute l’année sur son ter-
ritoire (sanglier, cerf, chevreuil et, si présents, mouflons, chamois…) ;
2/ durant les périodes d’estive et sur des troupeaux peu, mal ou pas protégés du tout, la
meute peut élargir sa prédation à des ongulés domestiques (brebis, veaux, poulains...) ;
3/à terme, sauf exception52, la densité des ongulés sauvages ne varie guère avec et sans
loups53 ;
4/la part des proies domestiques dans le régime alimentaire du loup est généralement-
faible à très faible et inversement proportionnelle au niveau de protection des trou-
peaux ;
5/plus une meute de loups est faible (en termes d’effectif), déstructurée et instable et
plus elle orientera sa prédation vers les ongulés domestiques, plus faciles à capturer
que les ongulés sauvages. À l’inverse, une meute stable et numériquement forte est
le gage d’une prédation plus faible sur le bétail. NB : ce point 5, s’il apparait logique et
probablement juste, mériterait d’être mieux documenté.
Cet encart est extrait de la monographie publiée en 2019 : « le chamois en Rhône-Alpes et ailleurs »,
MATHIEU 2019.
En haute montagne et particulièrement dans les zones non chassées comme les parcs nationaux,
l’arrivée du loup et son installation ont un impact faible à négligeable, à long terme, sur les popu-
lations des ongulés en général1 et du chamois en particulier.
Dans les secteurs de basse altitude, il n’existe pas de travaux, publiés ou en cours, concernant l’im-
pact des loups sur les populations de chamois ; nous en sommes (2020) réduits à des hypothèses.
Dans les milieux de basse altitude, quelques années après leur retour, en l’absence de Grands pré-
dateurs et lorsque la pression de chasse est faible à modérée, les chamois s’éloignent des zones
refuges traditionnelles à fort dénivelé (falaises, éboulis, gorges…) pour s’aventurer dans des mi-
lieux découverts, plutôt plats, et dans lesquels ils restent très vulnérables à la prédation2. Dans ces
conditions, il est fortement probable que le retour des loups s’accompagne d’une modification de
la répartition spatiale des chamois en les obligeant à regagner les zones traditionnelles fortement
escarpées dont ils ne s’éloigneront plus3.
Concernant l’impact quantitatif du loup sur les effectifs de chamois de basse et moyenne altitude,
il n’est pas possible, actuellement, de se prononcer, même si le scénario « haute montagne » pa-
raît plausible (peu d’impact à long terme sur les effectifs, après adaptation comportementale des
chamois).
52 Le mouflon méditerranéen (Ovis gmelini musimon X Ovis sp.), espèce introduite sur le continent et souvent
hybridée avec le mouton constitue une des exceptions. Il semble que les populations continentales de cette
espèce soient durablement affectées par l’arrivée du loup.
53 De manière intuitive, on pense généralement que la prédation, ne peut avoir qu’un effet négatif sur la den-
sité des proies. En réalité, la prédation naturelle entraîne souvent une meilleure dynamique au sein de la popu-
lation proie en limitant le phénomène de densité-dépendance, en éliminant préférentiellement les animaux en
mauvaise condition physique et en induisant ainsi un effet compensatoire positif.
__________________
1- À l’exception du mouflon de Corse (Ovis gmelini musimon var. corsicana, Beyth, 1841) qui est un mouton
primitif retourné à l’état sauvage, introduit sur le continent et qui semble durablement affecté par l’arrivée
du loup.
2- Préalpes du sud de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, sud et ouest PACA…
3- C’est ce que l’on observe sur de nombreux territoires drômois recolonisés par le loup après près d’un
siècle d’absence.
4- En Drôme, les populations de chamois se sont effondrées bien avant l’installation du loup (MATHIEU
2013b) ; voir aussi MATHIEU 2019.
A
Les loups peuvent transporter des
proies dans leur gueule à n’importe
quelle période de l’année, mais beau-
coup plus fréquemment durant la
période de l’élevage des louveteaux
(mai à octobre).
© Groupe PP Alpes
Préambule
Pour les naturalistes de terrain qui s’intéressent aux indices de présence du loup et plus particu-
lièrement à ceux laissés par les populations lupines du sud de l’Europe de l’Ouest (ssp. italicus et
signatus), la référence est le guide publié en 2017 à propos du loup ibérique (IGLESIAS IZQUIER-
DO et al. 2017). Nous ne reprendrons ici que quelques caractéristiques concernant les crottes et
les empreintes.
Compte tenu de l’extrême proximité phylogénétique entre le loup et le chien, rien ne ressemble
plus à des indices de présence de loups que des indices laissés par un chien de même taille…
Mise à part une exception dont nous parlerons plus loin, il n’existe pas de critère qui, à lui seul,
permet d’affirmer que tel ou tel indice de présence appartient à un loup plutôt qu’à un chien.
En matière d’indices de présence, la diagnose54 différentielle entre chien et loup est basée sur la
méthode probabiliste. L’examen d’un indice de présence de type « grand canidé » permet simple-
ment de fixer un niveau de probabilité concernant son appartenance à un loup. En clair, il n’est
pas possible, sur l’examen d’un seul indice, de déclarer qu’il s’agit d’un loup à 100 % et seule l’ana-
lyse de plusieurs indices permet d’approcher ce taux…
Il n’existe qu’une seule exception à cette règle : la découverte d’un excrément d’un « grand canidé »
contenant des résidus de croquettes (coloration et texture caractéristiques) permet d’affirmer
qu’il s’agit d’un chien (niveau de probabilité de 100 %) et d’éliminer le loup.
54 Identification d’une espèce à partir de l’observation des caractères propres à cette espèce.
Lorsque les loups se déplacent à plusieurs dans la neige (ou dans la boue épaisse), ils se suivent
souvent en file indienne57 et chaque individu pose ses pattes dans l’empreinte laissée par l’individu
de tête, donnant l’impression que la piste est celle d’un seul individu.
Il n’est pas possible, sur l’examen d’une empreinte, d’affirmer qu’il s’agit de celle d’un loup58.
C’est l’examen des empreintes couplé à l’examen attentif de la piste qui permet à l’observateur de
fixer un niveau de probabilité plutôt en faveur du loup ou en faveur du chien59.
55 Il place sa patte arrière exactement sur l’empreinte laissée par sa patte avant.
56 La voie est le dessin formé par les empreintes des quatre pieds de l’animal en déplacement ; ce dessin varie
selon l’allure (marche, trot, galop…). La piste est formée par la succession des voies.
57 D’où l’expression « à la queue leu leu » (en vieux français « leu » signifiait « loup »).
58 Chez le loup (italicus et signatus, mais aussi arabs et pallipes), les pelotes digitales médianes sont souvent
réunies dans leur partie postérieure, à la différence du chien. Pour être observée, cette particularité lupine
nécessite un très bon « revoir » (un dessin très fin permettant de distinguer les petits détails). La soudure des
parties postérieures des pelotes médianes s’observe aussi chez certaines races de chiens comme le Basenji
(IGLESIAS IZQUIERDO A. et al. 2017).
59 Affirmer qu’une empreinte est à 100 % du loup est impossible, mais il est possible, devant certaines em-
preintes de grand canidé d’éliminer le loup à 100 % (empreinte des « pieds » et des « mains » très arrondie).
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 52
A B
A B C
D E
60 Au 16ème siècle, le loup était présent sur la totalité des territoires de l’Europe.
61 Essentiellement, semble-t-il, par élimination des louveteaux à la tanière.
62 Certaines primes pouvaient atteindre l’équivalent d’un mois de salaire d’un ouvrier agricole.
63 En Rhône-Alpes, par exemple, le dernier loup de souche autochtone tué (donnée documentée) fut proba-
blement celui qui fut abattu dans la Drôme en février 1901 (Commune de Bouvières, Diois).
64 Les auteurs ne sont pas d’accord sur la date à laquelle a été tué le dernier loup autochtone, probablement
dans le Limousin : années 1920 ? années 1930 ?
65 1946 et 1954 (Ain) ; 1952 (Haute Savoie, commune de Rumilly) ; 1953 et 1954 (Isère) : 1987 (Alpes-maritimes,
commune de Fontan).
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 56
Un seul cas a fait l’objet d’une analyse génétique, il s’agit d’un loup abattu en Isère, entre les com-
munes de VIGNIEU et SERMERIEUX, le 12 janvier 1954. Ce loup sera identifié comme issu de la
lignée italienne en 2004 (in LANDRY 2013).
A la fin du XXème siècle, en France, toutes les conditions étaient réunies pour un retour naturel du
loup dans les Alpes à partir des populations italiennes66 : diminution de la pression paysanne du
fait de l’exode rural, augmentation importante des effectifs d’ongulés sauvages qui constituent la
base alimentaire du loup et, dans une moindre mesure, la reforestation des Alpes françaises, la
protection légale de l’espèce et la création des Parcs nationaux.
En novembre 1992, deux gardes moniteurs du Parc National du Mercantour observent deux
loups au cours d’une opération de recensement des ongulés sauvages. Cette date marquera le
retour officiel du loup sur le territoire national.
En France, une dizaine d’années après leur « retour officiel », les loups sont observés sur l’en-
semble de l’arc alpin (Mercantour, Vercors, Queyras, Maurienne, Belledonne, Oisans…) et l’espèce
a atteint les Vosges (1994 ?), le Massif central (1997)67 et les Pyrénées (1999)68 .
C’est dans le Mercantour que les premiers indices de reproduction ont été relevés sur la meute de
Vésubie-Tinée : «Le passage de deux à six individus en 1993 dans la meute “Vésubie-Tinée” (figure
11) est donc révélateur de la naissance d’une portée cette année-là, même si aucun louveteau n’a
été vu. Les observations directes de louveteaux réalisées les années suivantes indiquent une mise bas
annuelle dans cette meute de 1995 à 1998.» (POULLE et al., 2000).
Dans le premier numéro de la revue « Quoi de neuf » publiée par l’ONCFS en mars 1998 on pou-
vait lire : « […] Vingt loups répartis en quatre meutes sont présents dans le Mercantour (côté 06).
Des louveteaux ont été observés au cours de l’été 1997 […] ».
Sur l’histoire détaillée du retour du loup en France dans le massif du Mercantour, on lira le livre de
Caroline AUDIBERT paru chez PLON en 2019 : « Des loups et des hommes ».
Il faudra attendre 2013 pour que la reproduction du loup soit confirmée en dehors des Alpes,
dans les Vosges. Depuis cette date, il n’y a plus aucune donnée de reproduction dans les Vosges.
En France, en 2019, pour la deuxième fois une meute reproductrice a été localisée en dehors des
Alpes, cette fois dans le massif jurassien à la frontière franco-suisse (Canton vaudois, région du
MARCHAIRUZ).
66 Les loups (Canis lupus italicus) qui n’ont jamais disparu d’Italie, ont été protégés en deux temps : première
protection provisoire en 1971 et protection définitive en 1976.
67 Premier loup tué sur une route du Cantal.
68 Présence avérée dans les Pyrénées orientales.
Il est généralement impossible de connaître les effectifs réels d’une espèce vivant sur un ter-
ritoire donné (comptage exhaustif), et ce qui est vrai pour le chevreuil, l’écureuil, le renard et
des centaines d’autres espèces animales… est vrai pour le loup.
Généralement, les effectifs d’une espèce sauvage ne peuvent être qu’estimés et tout le travail
scientifique consiste à mettre au point une méthode permettant de proposer une estimation
la plus proche possible de l’effectif réel.
Une autre technique de suivi consiste à mettre en place des indicateurs dont la finalité n’est
pas d’estimer un effectif mais de suivre l’évolution d’une population à travers des éléments
indirects comme son impact sur le milieu, sa distribution géographique, l’état physiologique
des individus70 ...
La mise en œuvre de ces méthodes scientifiques, du recueil des données sur le terrain à l’ana-
lyse des résultats, nécessite la mobilisation de moyens financiers et humains dont le coût est
loin d’être négligeable.
La gestion adaptative
Selon l’expression du naturaliste Robert HAINARD : « le monde est plein » (Hainard 1991), il
n’existe aucun territoire sur cette planète qui soit vide de vie non-humaine : des mégalopoles
surpeuplées aux déserts brulants ou glacés, du sommet des montagnes au plus profond des
océans, des espèces non humaines vivent et se reproduisent.
Durant des millénaires l’Homme inconscient a envahi la planète entraînant, au fur et à mesure
de son expansion, la disparition d’une multitude d’espèces.
La gestion d’une espèce peut être « intuitive », c’est généralement le cas pour des espèces abon-
dantes et en très bon état de conservation : le niveau de prélèvement est basé sur l’intuition que
ce dernier ne remet pas en cause la survie de l’espèce.
L’autre modalité de gestion des espèces, moderne et responsable, s’appuie sur des données
scientifiques permettant de connaitre le statut de conservation d’une espèce et l’évolution de
ses effectifs. La gestion consiste alors à se fixer un objectif et à ajuster, en permanence, les pra-
tiques mises en œuvre, en fonction des leçons tirées des résultats obtenus par les pratiques
antérieures (contrôles, évaluation, ajustement) : c’est la gestion adaptative (apprendre en agis-
sant).
Le concept de gestion dite adaptative s’applique, entre autres, à des espèces sauvages sources
potentielles de conflit avec Homo sapiens et qui vivent dans des territoires anthropisés72. Pour
les cohabitations dites « à problème »73 , la gestion adaptative peut consister à proposer l’élimi-
nation légale de certains individus d’espèces sauvages afin de limiter les dommages causés aux
activités humaines. En toute logique, l’élimination légale devra s’accompagner, au préalable,
d’une obligation de mettre en place des mesures de prévention adaptées pour limiter le risque
de dommages.
Le loup gris vit dans des milieux anthropisés sur l’ensemble de son aire de répartition et,
presque partout, en contact avec des troupeaux domestiques74 . Qu’on le déplore ou non, la co-
habitation entre l’Homme et le Loup n’est jamais facile et il n’existe aucun pays où les humains
ne tuent pas les loups, soit dans un cadre légal, soit illégalement.
71 En particulier à travers les réflexions du Club de Rome et la publication en 1972 du Rapport Meadows, « Les
limites de la croissance ».
72 Territoires anthropisés directement par la présence d’humains résidents ou, indirectement, par la présence
d’équipements divers (réseau routier, urbanisation…) et/ou d’activités humaines liées à l’exploitation des res-
sources naturelles (agriculture, forêts exploitées…).
73 Il n’y a pas « d’espèces à problème » mais des « cohabitations à problème ».
74 Quelques exceptions dans l’extrême nord de son aire de répartition.
Selon les États, il existe, schématiquement, cinq méthodes pour suivre l’évolution des popula-
tions de loups : 1/ enquêtes participatives auprès des gens de terrain ; 2/ suivi précis sur des
sites témoins à partir desquels on pourra extrapoler à l’ensemble de l’aire de distribution 3/
recensement des meutes 4/ suivi génétique intensif et 5/ mesure du développement spatial de
la population, indicatrice de la tendance démographique.
En France, on concentre les moyens sur la localisation des Zones de présence permanente de
l’espèce (ZPP) et l’estimation annuelle des effectifs de loups en associant plusieurs méthodes
qui se complètent : recueil coordonné des indices de présence en hiver, relevés d’indices décou-
verts fortuitement tout au long de l’année, hurlements provoqués en fin d’été afin de détecter
les reproductions, analyses génétiques75…
En matière de gestion des populations de loups, la France, sous la pression des lobbies de l’éle-
vage, module annuellement le quota de loups à tuer en visant le maintien des effectifs de loups
autour de 500/600 individus avant naissance (seuil minimum théorique de viabilité de l’espèce
à moyen terme à la condition que les loups de France restent en contact avec les populations de
loups des pays voisins : Italie, Suisse, Allemagne...).
Dans cette logique, la France augmentera annuellement les quotas de loups à tuer jusqu’à ce
que la population des loups français se stabilise autour de 500/600 individus. Cette gestion
comptable découle de considérations essentiellement politiques. Des calculs politiques ab-
surdes, qui (par exemple) n’intègrent pas la baisse possible des dommages aux troupeaux et
qui, loin de rétablir la paix sociale, encouragent les organisations anti-loups à réclamer avec
encore plus de véhémence l’éradication de l’espèce.
75 Selon les experts internationaux, la méthode française serait une des plus complètes et efficaces d’Europe.
76 Le loup étant une espèce territoriale stricte, l’évolution de la répartition géographique de l’espèce (exten-
sion, stabilisation ou réduction de la distribution) est (théoriquement) directement liée à l’évolution des effec-
tifs (à la hausse ou à la baisse). Plus simplement : lorsque les effectifs de l’espèce augmentent cela se traduit
par une augmentation de son aire de répartition et inversement.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 60
Cette méthode devra s’avérer suffisamment réactive pour détecter très rapidement une évolu-
tion négative des effectifs77.
Sur la base de la note technique ONCFS-MNHN en réponse aux tirs dérogatoires de loup, pu-
bliée en février 2019 - ONCFS-MNHN 2019 - et à la suite des propositions contenues dans le
rapport sur l’évaluation des différentes méthodes de suivi et de gestion du loup - DUCHAMP et
al. 2020 -, des changements importants dans le suivi et la gestion des loups sont en cours.
Après un avis favorable émis par le Conseil scientifique « loup et activités d’élevage » le 2 jan-
vier 2020, on devrait assister dans le courant 2021 à la mise en place d’un nouvel indicateur
« maître » : le suivi spatial annuel de la répartition de l’espèce (carte de France présentant les
zones où le loup est présent, soit occasionnellement, soit régulièrement).
Cette évolution devrait se doubler d’une révision profonde du protocole de gestion dont l’ob-
jectif ne serait plus de stabiliser la population des loups français autour d’un chiffre théorique
de 500 à 600 individus, mais de viser la réduction du nombre d’attaques sur des troupeaux
effectivement protégés. Un changement de paradigme, indispensable pour passer d’une ges-
tion à court terme, inefficace, inspirée par des considérations essentiellement politiques, à des
pratiques rationnelles, validées par des scientifiques et qui proposent une vision à long terme
basée sur la gestion adaptative.
La note technique ONCFS-MNHN de février 2019 expose les quatre points essentiels de la
réforme en cours en matière de suivi et de gestion du loup en France :
[...] Cette gestion pas à pas s’appuie sur le concept de gestion adaptative, dont les étapes sont rappe-
lées. L’objectif devrait résider dans le nombre d’attaques et non dans le nombre de loups.
L’outil « tir dérogatoire » ne permet pas de diminuer le nombre d’attaques au niveau national. Il peut
cependant être utile sur le court terme au niveau local, sur les foyers d’attaques, terme à définir pré-
cisément. Le nombre de tirs dérogatoires accordés une année ne devrait plus être défini comme un
pourcentage du nombre de loups, mais comme un pourcentage du nombre de tirs dérogatoires accor-
dés l’année précédente.
L’évaluation de l’état de la population viendrait en garde-fou parallèle afin d’évaluer si les actions de
gestion ne mettent pas à mal la population de loups. Cette évaluation ne passerait plus par l’estima-
tion des effectifs, pour des raisons pratiques et méthodologiques, mais sur la base d’autres indicateurs
et de leur évolution.
-Il ne faut pas omettre les étapes d’amélioration de la connaissance du système géré. Deux sujets nous
semblent importants : l’étude de l’impact des tirs dérogatoires sur la cinétique des attaques, à diffé-
rentes échelles spatio-temporelles et l’étude écosystémique (i.e. multifactorielle) des causes d’appari-
tion et de persistance des foyers d’attaque, étant entendu que le tir dérogatoire n’est pas la meilleure
solution sur le long terme. [...].
77 On rappelle que malgré les tirs dérogatoires, le loup reste une espèce « protégée » par les réglementations
nationales et européennes.
Les méthodes de suivi des loups français montrent leur limite en matière de coût et
la gestion par les tirs dérogatoires n’a pas prouvé son efficacité. La plupart des pays
confrontés à la reconquête, par les loups, de leurs territoires, expriment les mêmes dif-
ficultés et proposent une évolution profonde des techniques de suivi vers des pratiques
moins coûteuses.
L’indicateur qui présenterait le meilleur rapport coût/efficacité serait le suivi spatial
annuel (cartographie) de l’aire de répartition de l’espèce (présence occasionnelle ou
permanente).
En matière de gestion de l’espèce, le choix devrait se porter sur la gestion dite adaptative
(action, évaluation, ajustement) dont l’objectif ne serait plus la stabilisation des effectifs
de loups (500/600 individus) mais la réduction du nombre d’attaques sur les troupeaux
domestiques.
Ces principes ont été validés par le Conseil scientifique « Loup et activités d’élevage »
en janvier 2020. Après une période de tests sur le suivi spatial, si ces derniers sont
concluants, une première étape de mise en œuvre expérimentale pourrait débuter en
mars 2021.
© Groupe PP Alpes
Depuis 1998, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS, aujourd’hui intégré
dans l’Office français de la biodiversité -OFB) à partir des données recueillies par le réseau
loup78 , publie plusieurs fois par an une synthèse de l’état des connaissances concernant l’évolu-
tion des populations de loups en France.
Légende
- En grisé, limite de la zone de présence occasionnelle du loup
- En vert, zone de reproduction du loup
- En orange, Zone de présence permanente (ZPP) du loup mais sans meute constituée connue
=> Ronds = meute
=> Triangle = zone de présence permanente mais sans meute constituée
=> Étoile = à confirmer en tant que ZPP
78 Le réseau loup est placé sous la direction de l’Office français de la biodiversité (OFB, ex-ONCFS). Il se com-
pose de plus de 3000 correspondants formés provenant d’horizons très divers : agents publics (parcs natio-
naux ou régionaux, réserves naturelles, Office national des forêts – ONF…), bénévoles ou techniciens issus des
organismes cynégétiques ou des associations de protection de la nature, agriculteurs, naturalistes, simples
particuliers.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 63
En 2020, un loup peut être aperçu partout en France.
Le débat qui consiste, en se basant sur des informations souvent non vérifiables1 ,à mettre
systématiquement en doute les constats et chiffres officiels en déclarant qu’ils sont faux et sous-
estiment l’avancée des loups sur le territoire national est stérile.
__________________
1- Simple observation « d’un loup », photographie non exploitable, « analyse génétique » par un labora-
toire non agréé et sans possibilité de contre-expertise…
2- Dispersion prouvée par suivi GPS (Allemagne, Italie, Pologne…).
Dans le suivi des populations de loups, l’élément essentiel est la localisation des zones où
le loup est installé (différent d’une simple zone de dispersion). On parle de Zone de pré-
sence permanente de l’espèce (ZPP), lorsque la présence du loup est avérée79 durant deux hi-
vers consécutifs. Lorsque les informations recueillies permettent de conclure qu’au moins trois
loups sont installés sur un même territoire ou qu’une reproduction est avérée80, on parle de
ZPP avec meute. Dans le dernier cas, on précise : ZPP avec reproduction.
À la fin de l’hiver 2019/2020, l’OFB estime que la population des loups, en France, se répartit
sur 100 ZPP81 dont 81 sont constituées en meutes (Source : Bilan hivernal 2020). L’effectif
français de Canis lupus est estimée à 580 individus (fourchette 528-633).
L’OFB indique que si la population de loups continue son expansion géographique, cette crois-
sance est plus lente que les années précédentes. Le taux de croissance annuel brut est passé de
22 % (hiver 2018/2019) à 9 % pour le dernier hiver (2019/2020).
Ce ralentissement significatif de la dynamique, qui reste à confirmer en fin d’hiver 2020/2021,
traduit très probablement le double effet des tirs dérogatoires qui ont été multiplié par 12
depuis 2013, d’une part, et l’augmentation fortement suspectée du braconnage, d’autre part.
En 2019, pour la deuxième fois, une reproduction a pu être confirmée en dehors du massif al-
pin, cette fois-ci à la frontière franco-suisse, dans le département du Jura.
79 Analyse génétique effectuée par un laboratoire agréé avec possibilité de contre-expertise et/ou, photogra-
phie de bonne qualité ou tout autre élément incontestable.
80 Observation de louveteaux, réponse de louveteaux à une opération de hurlements provoqués.
81 La France abriterait environ 5 à 10% des meutes de loups de l’Union européenne.
Il semble que la population lupine européenne soit en augmentation (ou stable selon le pas
de temps considéré) avec cependant des situations inquiétantes dans certaines populations
locales de la péninsule Ibérique (éradication du loup dans la Sierra Morena82) ou de Carélie
(Finlande). Les importantes populations de loups du sud-est de l’Europe (Carpates, Balkans,
Alpes dinariques) étant mal connues, toutes les estimations et évolutions
d’effectifs, concernant l’Europe, sont à prendre avec précautions.
82 Où le loup a disparu, systématiquement abattu dans les chasses privées majoritaires dans la région.
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Quelques sources :
- Document maître : Le loup et les activités d’élevage, comparaison européenne dans le cadre
du Plan national d’actions 2018/2023. BOISSEAUX T. et al. 2019.
- Élevage ovin : Économie de l’élevage, dossier ovins 2019, Ovins 2018, production lait et
viande ; ESPACE-ALPIN élevage ovin 2017 (Alpes du sud) ; Ovins extraits panorama Agreste
janvier 2016 ; Ovins extrait carte pastorale AURA ; 2018 Agreste PACA.
Avertissement : les statistiques (cheptel, nb. d’exploitations...) publiées par les organismes agri-
coles (Chambres d’agriculture, Directions régionales de l’Agriculture, Régions administratives...)
concordent rarement, avec des écarts parfois importants.
- Prédation, prévention, indemnisation : CANDY F. et al. (2019) ; Infoloup n° 32 de février
2020 ; Infoloup spécial bilan 2019 ; Infoloup n° 30, Arrêté du 28 nov. 2019 (OPEDER) ; Indem-
nisation des dommages aux troupeaux, n° spécial Juillet 2019.
Depuis avril 2019 (arrêté 19-096 du 5 avril 2019), ce concept de non-protégeabilité prévu à l’ori-
gine pour des portions limitées du territoire, s’applique désormais sur plus de 300 communes de
4 départements du Massif central (Aveyron, Lozère, Hérault et Tarn). Cette cartographie englobe
toute la région de fabrication du Roquefort.
Cet arrêté ressemble fort à un « ballon d’essai » qui fait dire à certains observateurs, qu’à
terme, l’objectif de l’État français est de limiter la présence du loup au seul massif alpin
avec un effectif maximum de 500 individus...
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Ce consensus repose sur trois conditions qui forment le socle d’une coexistence plus apaisée
entre les éleveurs et le loup :
En 2019, ces deux programmes se montent à 30 millions d’euros qui se répartissent comme
suit :
- indemnisations versées aux éleveurs ayant subi des dommages loup : 3,07 millions d’euros,
soit environ 240 euros versés aux éleveurs par animal tué ou disparu ;
- aides versées aux éleveurs pour la protection des troupeaux : 26,84 millions d’euros financés
État + FEADER.
Alors que la France n’abrite que 7 % (ordre de grandeur) des loups vivant dans les pays de
l’Union européenne, notre pays détient et de très loin un double record : record des aides pu-
bliques accordées aux éleveurs pour la prévention des attaques et leur indemnisation et record
du nombre de victimes attribuées aux loups.
Pour l’année 2019, la DREAL AURA coordinatrice du « Plan loup », donne, pour l’ensemble des départements
alpins, 11 172 victimes attribuées au loup (essentiellement ovins) ; soit un chiffre comparable, voire (très) inférieur
à la prédation par les chiens errants en 2001 pour les Alpes françaises.
Pour l’ensemble de la France, la DREAL AURA coordinatrice signale en 2019, 12 487 bêtes tuées par le loup (à
comparer aux chiffres des 150 000 bêtes domestiques victimes des chiens errants en 2001).
Il n’est pas question de nier la réalité de la prédation des loups sur le bétail et même si les chiffres publiés par la
DREAL coordinatrice surestiment de facto les dommages provoqués par le loup1 on peut estimer que la grande
majorité des dommages « loup non exclu » sont bien le fait du loup et non pas des « dommages chien » dégui-
sés en « dommages loup ».
1- Que sont devenues les attaques de chiens errants ? Des milliers d’attaques qui semblent avoir disparu dans
tous les départements où la présence des loups est avérée…
2- La seconde étrangeté est encore plus troublante. Elle concerne l’ampleur des réactions du monde agricole
lorsque la prédation est attribuée au loup, comparée au silence des mêmes acteurs, au temps où les chiens
errants causaient au moins autant de dégâts sur les troupeaux domestiques.
Les pertes sont pourtant du même ordre et le stress des éleveurs est identique.
Les observateurs noteront que l’unique différence qui existe entre une attaque de chien et une attaque de loup
est financière : dans le premier cas, la perte est (sauf exception) intégralement à la charge de l’éleveur alors que
s’agissant du loup, il existe un barème d’indemnisation revu récemment (Infoloup spécial juillet 2019) qui prend
en charge tous les aspects du sinistre.
En 2019, en France, il y a eu 3790 attaques indemnisées à hauteur de 3,07 millions d’euros ; soit, en moyenne, 810
euros d’indemnités par attaque de loup. Rapporté à l’animal domestique perdu par l’éleveur, l’indemnité est en
moyenne de 245 euros par victime (sur le marché, une jeune brebis se négocie entre 150 et 200 euros).
__________________
1- On rappelle que la qualification des dommages attribués au loup est « loup non exclu » et non pas « loup certain ».
C’est l’arrêté du 28 novembre 2019 qui encadre « la protection des troupeaux contre la préda-
tion (OPEDER) » (Voir Infoloup n° 30). La mise en œuvre des mesures de protection dépend
1/du choix par l’éleveur parmi les cinq mesures proposées en fonction des territoires où il fait
pâturer (Cercles de prédation : 0, 1, 2 ou 3) et 2/du temps de pâturage dans chacune de ces
zones. Le résultat fournit une multitude de cas particuliers au milieu desquels, l’observateur
non-éleveur rempli de bonne volonté et désirant comprendre, se retrouve souvent perdu.
En essayant de simplifier, les éleveurs qui signent un contrat de prévention s’engagent sur 3
points :
2- Mettre en place durant toute la durée du pâturage au moins deux actions de protec-
tion les plus appropriées sur chaque lot d’animaux engagés.
Toutes ces mesures bénéficient d’un financement public à hauteur minimale de 80 % des dé-
penses avec plafonnement. Malgré le niveau élevé de ces dépenses supportées par l’ensemble
des citoyens, il n’existe aucun contrôle des schémas de protection et/ou des carnets de pâtu-
rage, des mesures de protection mises en place, ni aléatoire, ni même à la suite de dommages
loup importants et récurrents frappant un élevage. Les services de l’État chargés de la mise en
œuvre et du suivi du plan d’action loup et élevage, ne procèdent à aucune évaluation.
Évolution du nombre de victimes (brebis essentiellement) suite à la prédation du loup sur les troupeaux domestiques [2016
(bleu), 2017 (vert), 2018 (rouge) et 2019 (jaune)] (infoloup n° 31, bilan 2019).
Pour expliquer le fort niveau des dommages constaté dans le sud et le sud-est des Alpes (Pro-
vence) l’auteur émet l’hypothèse que la présence des troupeaux pâturant toute l’année dehors
conditionne les loups à orienter la prédation sur les brebis plutôt que sur la faune sauvage et à
déplacer les horaires de leurs actions de chasse, de la nuit (période traditionnelle), à la journée.
Cette concentration des attaques sur un nombre restreint de territoires est une constante et le
rapport de la mission confiée à des hauts fonctionnaires par les ministères français de l’Agricul-
ture et de l’Environnement en 2019 enfonce le clou : [...]« Une consultation des statistiques d’at-
taques en zone pastorale de l’ex-région Rhône-Alpes et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur
sur la période 2013-2017 montre que 50 % des 8 685 attaques recensées se concentrent sur 10 %
seulement des unités pastorales. Dans le Var, 10 unités pastorales concentrent la moitié des at-
taques, 33 pour le département des Alpes-Maritimes. La mission estime que notre pays gagnerait
beaucoup à analyser en détail et sans tabou (vulnérabilité, type de conduite des troupeaux, quali-
té des mesures de protections et de leur mise en œuvre…) cette anomalie qui influe de manière très
négative sur l’ensemble de la gestion du loup en France. » [...] ; in BOISSEAUX et al. 2019.
85 RAYÉ s’intéresse aux territoires situés à l’est du fleuve Rhône qui abritent la totalité des meutes de loups
à une exception près. La méthode s’appuie sur l’analyse des clusters (Foyers de dommages), en fonction des
meutes/ZPP, des massifs (21 massifs identifiés) et du maillage de l’espace (10 km x 10 km).
86 Essentiellement dans les Alpes du Nord : Aravis, Trièves, Emparis, Haute Maurienne...
87 À l’inverse, RAYÉ signale l’efficacité des mesures d’accompagnement des éleveurs face à la prédation lupine
mises en place, par certains Parcs naturels régionaux (PNR) comme celui du Queyras (BONATO et al. 2018).
Dans une analyse récente (2020) à partir des données Géoloup enregistrées sur 10 années, GI-
MENEZ et al., sans contester le phénomène de concentration des attaques sur un nombre réduit
d’élevages ([...] 5 à 7% des élevages concentrent 35 % des attaques [...]), constate que la liste de ces
élevages change souvent d’une année à l’autre. Cette publication qui constitue « le prélude à un ar-
ticle à paraître dans une revue scientifique » ne propose aucune explication. Attendons donc l’article
annoncé.
Mise à mort des animaux domestiques par des loups ou par des humains :
éthique et morale
Les Loups, comme tous les prédateurs sauvages ainsi que les humains en général, se nourrissent en
tuant d’autres animaux. En matière de mise à mort, comme dans de nombreux autres domaines, la
morale ou l’éthique (le bien et le mal) sont des concepts exclusivement humains et les transposer
aux animaux n’a pas de sens.
Les activistes anti-loup aiment montrer des images sanglantes de brebis ou d’autres animaux tués
par le loup et certains éleveurs disent, et on peut les comprendre, être marqués par la perte de
leurs animaux tués par le loup et auxquels ils sont attachés.
L’association L214 a filmé ce qui se passe dans l’abattoir de Maulèon-Licharre dans les Pyrénées
atlantiques lors de la mise à mort de brebis, d’agneaux et de veaux.
ATTENTION : les images de cette vidéo sont difficilement soutenables.
Pour visionner la vidéo, cliquer ICI.
PS : même si l’association L214 a diffusé plusieurs vidéos de ce type, tournées en caméras cachées
dans plusieurs abattoirs, rien ne permet d’affirmer que ces comportements barbares et indignes
sont une constante dans tous les abattoirs ; mais rien ne permet, non plus, d’affirmer le contraire...
Si la protection des troupeaux ne fait pas disparaitre les prédations, faut-il supprimer la pro-
tection des troupeaux ? La réponse peut se faire à travers la métaphore des cambriolages. En
France, le nombre de cambriolages atteint un niveau qui est loin d’être négligeable89. Faut-il
alors conseiller aux foyers français de ne plus protéger leur résidence ?
Sur les territoires où les loups sont installés en meutes, les prédations loup touchent essentiel-
lement les troupeaux protégés, ce qui fait dire à certains que « la protection ne protège pas ».
Ne serait-ce pas un bel exemple de sophisme ?
En effet, dans les territoires où des meutes de loups coexistent avec les éleveurs depuis plu-
sieurs années, ces derniers, dans leur grande majorité, mettent en place des mesures de protec-
tion, en souscrivant un contrat de prévention auprès des services de l’État. Au final, il n’est donc
pas surprenant que les attaques touchent surtout les troupeaux protégés puisque la protection
constitue la norme.
Reprenons la métaphore des cambriolages : une grande majorité des foyers mettent en place
des mesures de protection90 de leur habitation pour limiter les risques de cambriolage (ne
serait-ce que fermer leur maison à clef...). Aucune mesure de prévention des risques n’étant
infaillible, lorsqu’un cambriolage se produit il se produit essentiellement sur des résidences
protégées.
Prédation sur les élevages, cambriolage des habitations : la prévention est efficace. Si l’efficaci-
té peut et doit toujours s’améliorer : sans les mesures de prévention, le chiffre des dommages
subis exploserait.
Une analyse de l’évolution des dommages loup dans le département de la Drôme entre 2015 et
2019 montre que le niveau des dommages se stabilise alors que le nombre de meutes, dans le
même temps, a été multiplié par quatre. Traduit en chiffres, l’analyse montre que les loups
drômois qui, en 2019, se répartissent en 13 meutes, tuent ou font disparaitre un peu
moins de 1 % du cheptel ovin drômois (MATHIEU 2020) ; une preuve, s’il en fallait une, que
la protection des troupeaux fonctionne.
89 En 2016, la police et la gendarmerie recensent par exemple 507 000 tentatives de cambriolages ou cam-
briolages réussis en France métropolitaine, enregistrés auprès de 470 000 foyers différents. Ramené à la
population, ce total signifie qu’environ 1,6% des ménages français ont été concernés par le cambriolage sur les
douze mois étudiés.
90 Serrures aux portes, volets ou grilles aux fenêtres, portes et fenêtres antieffraction, voire alarmes et/ou
caméras...
- L’usage des chiens de protection est très ancien et répandu sur l’ensemble du globe. Dans une
multitude de pays où coexistent élevage et Grands prédateurs, le chien de protection constitue,
après la présence du berger, un des meilleurs moyens pour prévenir les attaques de prédateurs
et/ou limiter le nombre de victimes par attaque.
- Dans une grande partie de l’Europe de l’Ouest, la disparition des Grands prédateurs avait
entraîné celle des chiens de protection reclassés en chiens de compagnie. En France comme
dans de nombreux autres territoires, depuis le retour du loup, les chiens de protection sur-
prennent et impressionnent les promeneurs. Même si les cas de morsures sont rares, rappor-
tés au nombre de promeneurs, l’inquiétude manifestée par le public est réelle (voir à ce sujet
l’enquête 2019 « Mon expérience avec les chiens de protection » réalisée par le Réseau pastoral
Auvergne Rhône-Alpes).
- S’il n’existe aucune étude sur la prédation des chiens de protection sur la faune sauvage (mar-
mottes, chevreuils, sangliers, blaireaux...), cette prédation existe et pourrait être localement
non-négligeable du fait que, contrairement au loup, le chien de protection en maraude chasse
sur un territoire beaucoup plus réduit93 , entrainant un niveau de pression beaucoup plus élevé.
91 Ne pas confondre les chiens de protection (berger des Pyrénées, berger d’Anatolie ou Kangal, mâtin es-
pagnol...) chargés de protéger le troupeau face à toutes les menaces externes dont celle représentée par les
Grands prédateurs (ours, loup, autres chiens...) et les chiens de conduite (border, labrit...) qui aident le berger
dans son travail de conduite du troupeau et lui évitent de nombreux déplacements. Beaucoup moins impres-
sionnant que le chien de protection, le chien de conduite peut mordre un étranger qui se rapproche trop près
du troupeau et certains disent que, globalement, ces chiens sont plus « mordeurs » que les chiens de protec-
tion.
92 En se basant sur les dossiers instruits en cercle 1 et 2.
93 Généralement, de l’ordre de 15 à 20 000 hectares pour un loup et environ 100 fois moins pour un chien de
protection en mode « chasse en divagation ».
En février 2020 l’Assemblée nationale publiait les conclusions du rapport de deux parlemen-
taires sur les chiens de protection (BOYER et TAURINE 202O). Les propositions émises, par-
tagées par de nombreuses associations de protection de la nature (APN), sont pertinentes et
réalistes. Ces mêmes APN rappellent, comme le font les rapporteurs, que la plupart de ces pro-
positions qui relèvent du bon sens et de l’urgence, ont déjà été formulées depuis de très nom-
breuses années, reprises dans le plan loup 2018-2023 et restées lettre morte par défaut de
volonté politique.
Les auteures rappellent en introduction une réalité peu connue du public : les chiens de protec-
tion de troupeau, s’ils sont largement subventionnés par l’État, exigent pour être efficaces, une
forte implication des éleveurs et des bergers.
Parmi lesquelles :
- la structuration d’une filière « chiens de protection » garante de la sélection des chiens et de
leur suivi, reposant sur les éleveurs et encadrée par l’Institut de l’élevage (IDELE) 94 ;
- l’intégration d’un volet « prédation et chien de protection » dans les formations initiales au
métier de berger et plus généralement dans les programmes des lycées agricoles ;
- le recensement exhaustif des incidents impliquant des chiens de conduite ou de protection
des troupeaux ;
- l’information des randonneurs et autres usagers des espaces ruraux, leur transmettant des
consignes sur les comportements à adopter face aux chiens de troupeau (campagnes publici-
taires nationales, équipes dépêchées sur les chemins de randonnée sillonnant des territoires
exposés à la prédation afin d’informer les touristes...) ;
- l’engagement d’une réflexion sur le statut des chiens de protection et le régime de responsa-
bilité en cas de morsure ;
- l’encouragement et le soutien financier au développement de la recherche sur le comporte-
ment des prédateurs et des chiens ;
- le suivi effectif des subventions publiques allouées aux éleveurs pour la mise en place des
mesures de protection ;
- la mise en place dans les délais les plus brefs de l’observatoire des moyens de protection (ac-
tion prévue dans le cadre du plan national d’actions sur le loup et les activités d’élevage 2018-
2023).
En 2019, l’abattage légal des loups est effectué essentiellement par les tirs de défense simples
(TDS : 47 % des tirs) et les tirs de défense renforcés (TDR : 43 % des tirs) pratiqués par les louve-
tiers, les chasseurs habilités, les éleveurs, les bergers et la brigade loup.
En 2019, ont été délivrées par les préfets 1609 autorisations de TDS et 210 autorisations de TDR
pour 98 loups tués légalement (quotas 2019 = 100 loups).
NB : Ces chiffres sont en croissance constante et au 1er Août 2020, nous en sommes à 2 056 autorisations
de tirs de défense simple (TDS) dont 565 pour les Hautes-Alpes, 495 pour les Alpes-de-Haute-Provence et
249 pour la Savoie. 204 arrêtés de tirs de défense renforcée (TDR) sont en cours, dont 77 pour les Alpes-de-
Haute-Provence, 40 pour les Alpes-Maritimes et 27 pour les Hautes-Alpes. Notons que 3 TDR sont délivrés
pour la Meurthe-et-Moselle.
Les matériels utilisés par les louvetiers, les chasseurs « habilités », les agents de l’OFB et la brigade
loup sont entièrement financés par l’État. Ils mettent en œuvre les techniques les plus avancées
en matière de détection et de visée nocturne par imagerie thermique. Sans entrer dans les détails
que l’on trouve facilement sur internet, ces techniques de pointe permettent de détecter un loup
à plus de 500 mètres et de l’abattre avec des taux de réussite exceptionnels lorsqu’on les compare
aux taux de réussite obtenus avec le matériel traditionnel.
94 Remarque : par principe, en matière de recherche, le monopole n’est jamais un gage de qualité. Il serait plus
judicieux, pour la fiabilité et l’objectivité des résultats, de proposer ce travail à une structure ad hoc composée
de plusieurs organismes et experts.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 79
Si l’on rajoute à la performance du matériel moderne, la méthode de l’appâtage, illégale mais lar-
gement utilisée95 : aujourd’hui, un loup vu lors des opérations de tirs de défense est un loup mort.
Le repérage des loups de nuit à très longue distance, la facilité de l’exercice et un taux de réussite
exceptionnel entraîneront, inévitablement, la multiplication des dérives en transformant une me-
sure technique ponctuelle, destinée à faire cesser les attaques répétées sur un troupeau bien pro-
tégé, en un exercice ludique pour des chasseurs en mal de sensations fortes, voire un loisir excitant,
par exemple pour s’occuper durant les quelques périodes où la chasse est fermée.
Pour illustrer cette dérive, on visionnera la vidéo de 5 mn, publiée sur le site de Hugo CLÉMENT,
« Sur le front » qui montre en direct l’abattage d’un loup le 5 juillet 2020, au Col du Lautaret
(Hautes-Alpes), filmé et commenté par Corentin ESMIEU, accompagnateur de montagne et au-
teur de « Loup : une vie en meute dans les Écrins » paru en 2020. En cas d’échec du lien, vous pou-
vez visionner directement ce document ICI.
Si l’utilisation de matériel de détection thermique est pour l’instant interdite en action de chasse,
les braconniers sont déjà équipés et les tirs illégaux de loups pourraient bien connaître, dans les
prochains mois, une croissance rapide. À ce propos, qui peut garantir que le matériel de détection
thermique (jumelles et lunettes de tir) mis à disposition des louvetiers et plus généralement de
toutes les personnes habilitées à effectuer des tirs dérogatoires, n’est pas détourné pour pratiquer
des actes de braconnage ? À ce sujet des questions précises ont été posées au Directeur régional de
l’OFB Auvergne Rhône-Alpes, dans un courrier signé de France nature environnement Auvergne
Rhône-Alpes (FNE AURA), daté du 17 juillet 2020. Les réponses seront diffusées dans le réseau
associatif.
Certains départements de l’Est de la France ont déjà légalisé l’utilisation du matériel à vision noc-
turne par amplificateur de brillance96 pour abattre les sangliers la nuit (ICI).
Tout permet de penser qu’en France, la légalisation de la chasse de nuit de tous les animaux consi-
dérés comme indésirables (ongulés, prédateurs, ex-nuisibles...) à l’aide du matériel de repérage
et de visée nocturne, n’est plus qu’une question de mois, avec toutes les conséquences néfastes
prévisibles, légales ou illégales, sur la faune sauvage et le loup en particulier.
95 Les tireurs appâtent le loup en laissant dehors et sans chien un lot de brebis et/ou en laissant en place une
brebis fraichement prédatée par le loup... (Voir document ICI).
96 Différent de la détection thermique et moins efficace pour les tirs à longue distance.
Abattre de plus en plus de loups pour dépasser le seuil des 35% de mortalité97, toutes causes
confondues (en 2020, il est probable que cette limite soit déjà dépassée) et réduire, à terme, les
effectifs français à quelques dizaines d’individus, constitue, au moins à court terme, une opé-
ration efficace qui permettra une réduction significative des dommages qui pourraient devenir
négligeables.
Actuellement ce scénario n’est pas envisageable car contraire à la réglementation nationale et
européenne, mais l’objectif de toutes les organisations professionnelles agricoles est de pro-
céder à une déréglementation de la gestion du loup pour leur permettre de réduire, autant
qu’elles le souhaitent, les effectifs de loups français.
Même si cette solution, tant espérée par les groupes de pression agricole, n’était plus sanction-
née par les règlements nationaux et internationaux, rien ne garantirait son efficacité à long
terme concernant une réduction significative des dommages aux troupeaux domestiques.
Considérant que les loups ne connaissent pas les frontières et que leur capacité de dispersion
est élevée, la politique de la pression d’abattage maximale va se heurter rapidement à l’immi-
gration naturelle des loups en provenance des populations italiennes, suisses, allemandes et
peut être un jour espagnoles.
L’exemple de la Norvège tend à montrer que seul un niveau de population de Grands préda-
teurs très proche de l’éradication pourrait réduire significativement les dommages. En effet
la Norvège dont la superficie est du même ordre que celle de l’Italie, protège peu ou pas ses
troupeaux domestiques et maintient une très faible densité de loup (une cinquantaine d’indivi-
dus en Norvège pour plus de 1500 en Italie) grâce à une très forte pression de tir. Malgré cette
politique radicale de gestion des Grands prédateurs et du loup en particulier, la Norvège accuse
un niveau de dommages qui reste d’un ordre de grandeur supérieur à celui enregistré dans les
autres pays européens.
Les femmes et hommes politiques qui prônent « les tirs massifs » comme unique solution aux
problèmes posés par les dommages loup, doivent compléter leur propos en annonçant claire-
ment que, pour être efficaces, ces tirs massifs doivent viser la quasi-éradication du loup. Pas
sûr que le Public, l’Europe et les résultats à long terme sur les dommages suivent.
- en France il n’existe pas de réelle volonté politique pour s’intéresser à la protection des troupeaux
domestiques et encore moins pour remettre de la science dans la problématique du loup ;
- les sujets de recherche qui permettraient de comprendre et résoudre nombre de difficultés liées
à la prévention des attaques et en particulier au travail des chiens de protection, sont connus et
rappelés rapport après rapport, certains depuis plus de 20 ans, sans résultat ;
- pour la très grande majorité des femmes et hommes politiques, le mot d’ordre tient en deux
idées simples :
1/ il faut donner aux éleveurs les plus remuants et aux leaders des syndicats agricoles et des
chambres d’agriculture tout ce qu’ils demandent ; même si, rapport officiel, après rapport officiel,
les budgets explosent et les résultats ne sont pas au rendez-vous ;
2/ la seule réponse à la prédation est « on doit tuer toujours plus de loups » et peu importe si, en
matière de dommages, ces tirs sont efficaces ou pas ;
- l’essentiel des moyens financiers publics est affecté au financement des tirs (par exemple 250 000
euros en 2019 pour l’intervention des louvetiers bénévoles), à l’indemnisation des éleveurs, aux
moyens de protection et le tout, sans aucune évaluation ;
- la recherche publique ou privée, la mise en œuvre de tous les programmes maintes fois évoqués
(presque tous repris dans le dernier Plan loup), se partagent la misère d’un budget ridicule.
Enfin, et ce n’est pas le moins grave, de très nombreux éleveurs ou bergers effectuent, en silence,
un difficile travail pour s’adapter à la présence du loup et les résultats sont la plupart du temps au
rendez-vous. Un travail d’autant plus méritant qu’il se mène sous la menace, à peine voilée, des
leaders agricoles qui rêvent d’une éradication des loups et considèrent que se protéger efficace-
ment, c’est desservir les intérêts des éleveurs.
__________________
1- En 2019, il a été délivré par les préfets 1609 autorisations de TDS et 210 autorisations de TDR pour 98
loups tués légalement (quotas 2019 = 100 loups).
Dans une note de 7 pages publiée le 5 octobre 2020 intitulée « Gestion de la cohabitation
du loup et des activités pastorales » 7 associations de protection de la nature d’envergure
nationale, à partir d’exemples haut-savoyards, dénoncent le défaut de protection manifeste de
nombreux élevages bénéficiant d’autorisation pour abattre des loups et le laxisme des autorités
publiques qui accordent ces tirs sans contrôler les mesures de protection que les éleveurs sont
censés avoir mises en place. Cette note documentée s’accompagne de plusieurs vidéos mon-
trant des troupeaux sans protection bénéficiant d’autorisation d’abattage de loups : Pointe de
Bénevent (Commune de Vacheresse, 74), Juillet 2019 ; au-dessus de Pré-Richard (Commune de
Bernex, 74), Septembre 2020 ; Plateau de Cenise (Commune du Petit-Bornand, 74), juin 2020 ;
Plaine de Dran, Plateau des Glières, 74), juin 2020.
Frémissement ?
- Concernant l’évaluation des abattage légaux de loups, une thèse est en cours sur « L’impact
des tirs dérogatoires sur les attaques et la population de loups en France, et intégration
de ces effets dans un modèle de gestion adaptative », Oksana GRENTE, 2018-2021. Ce tra-
vail, supervisé par l’OFB et le CNRS, devrait être publié en 2021 (plus d’informations dans l’ar-
ticle paru en octobre 2020 dans la revue « Faune sauvage » : GRENTE et al. 2020).
Avertissement. Dans ce chapitre, nous ne traiterons que de la filière la plus concernée par les dommages
loup : l’élevage ovins-viande en zone de montagne. À l’est du Rhône, où vivent la quasi-totalité des 80
meutes de loups françaises (2019), la filière ovins-viande est largement majoritaire et l’élevage, pour l’es-
sentiel, se pratique en zone à loup.
La filière de l’élevage ovin en zones de montagne bénéficie d’importantes aides publiques à travers
les subventions de la Politique agricole commune (PAC)1 et si la moyenne des aides PAC se situe
généralement entre 40 000 et 60 000 euros annuels (ordre de grandeur) pour un troupeau de 400
brebis à viande, certains éleveurs qui possèdent des troupeaux importants et/ou des surfaces de
pâturage importantes, peuvent dépasser les 100 000 euros pour atteindre parfois des records à
plus de 300 000 euros annuels (plus de 25 000 euros par mois)2.
Sans les aides publiques qui représentent généralement plus de 50 % du chiffre d’affaire des éle-
veurs et compte tenu de la chute importante de la consommation de viande ovine (chute de 50 %
en 20 ans), cette activité disparaitrait.
« L’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) est une aide en faveur des agriculteurs
exerçant leur activité dans des zones défavorisées par l’altitude, de fortes pentes et d’autres ca-
ractéristiques physiques du territoire. Cette aide est fondamentale pour le maintien de l’activité
agricole, et notamment de l’élevage, dans les zones à handicaps naturels et tout particulièrement
dans les zones de montagne. Cette aide vise à réduire les différences de revenu qui perdurent entre
les agriculteurs des zones défavorisées et ceux du reste du territoire. En permettant le maintien de
l’activité agricole, cette aide participe également à consolider l’activité économique et à préserver
l’emploi dans ces territoires. » (PAC 2015-2020, Ministère de l’Agriculture, avril 2020).
Le budget de l’ICHN a été fortement revalorisé depuis 2014 (près de 80 % d’augmentation),
pour atteindre en 2019 une enveloppe d›un peu plus d›1,1 milliard d›euros (Source : Ministère de
l’Agriculture, Qu’est que l’ICHN ?).
Personne ne peut nier que la présence du loup constitue un « handicap naturel ». Malgré cette évi-
dence et le montant des sommes versées, l’ICHN n’est pas censée couvrir les dépenses occasion-
nées par les mesures à mettre en place, ni le surplus de travail de l’éleveur ou du berger engendré
par la présence du loup...
En clair, lorsque le loup est présent, l’éleveur qui perçoit l’ICHN perçoit, en plus, une aide publique
complémentaire, déconnectée des subventions PAC, comme si le prédateur ne faisait pas partie
des « handicaps naturels »...
- Tutoriel : Comment connaitre le montant des aides PAC perçues par un agriculteur, vidéo de 3
minutes :
https://www.youtube.com/watch?v=4Mo6GO8mg3U
__________________
1- Principale ligne de dépense de l’Union européenne, la politique agricole commune représente un budget de
408,3 milliards d’euros sur la période 2014-2020 (ce financement correspond à une contribution de plus d’une
centaine d’euros par an et par habitant). Chaque année, la France est de loin l’État membre qui en bénéficie le plus
(près de 9 milliards d’euros d’aides agricoles en 2015).
2- Dans le département de la Drôme, en 2016, la PAC bénéficiait à environ 3500 agriculteurs ou structures agri-
coles pour un montant d’un peu plus de 48 millions d’euros. Parmi les 15 premiers bénéficiaires figuraient 3 éleveurs
de brebis.
3- L’ICHN est, en montant, la plus importante aide du deuxième pilier de la PAC. Elle est financée pour 25 % par
l’État et pour 75 % par le FEADER (fonds européen agricole de développement rural – deuxième pilier de la PAC),
dans le cadre de programmes régionaux dont la gestion a été confiée depuis 2014, en France, aux Conseils régio-
naux.
Si juridiquement le loup figure effectivement dans la liste des « espèces protégées », ce sta-
tut comporte des dérogations qui font que dans les faits, en Europe et plus précisément dans
l’Union européenne (UE), le loup est une espèce que l’on chasse et/ou que l’on peut abattre
légalement dans la quasi-totalité des États.
Pour se conformer aux textes internationaux ratifiés par tous les états de l’UE, ces abattages
sont soumis à des quotas.
Dans le cadre du Plan national loup 2018-2023 (France), l’arrêté du 30 décembre 2019 fixe
un quota de 19 % de la population française de loups à abattre durant l’année 2020, soit 100
loups. Si l’on rajoute à ces 19 % d’abattage légal les cas de braconnage et la mortalité naturelle
(accidents, agressions mortelles intraspécifiques...) on dépasserait déjà les 35 % de taux de
mortalité (toutes causes confondues) au-delà duquel les effectifs déclinent.
En France, le loup est de facto une espèce que l’on peut chasser et abattre avec un pla-
fond, pour l’année 2020, de 100 individus à tuer.
La seule obligation réglementaire qui contraigne l’État français, découle des textes internatio-
naux ratifiés par la France et qui imposent que l’état de conservation de l’espèce ne se dégrade
pas et/ou atteigne un statut favorable.
Les lobbies agricoles qui s’opposent à la présence du loup, tentent par tous les moyens d’obte-
nir une révision de ces textes internationaux pour les rendre encore moins contraignants.
Les loups français sont connectés aux populations italiennes et, dans une moindre mesure,
suisses et peut-être allemandes. Cette connexion, tant qu’elle fonctionne et reste efficace
(nombre suffisant de migrants), permet de raisonner en métapopulation100 . Cette métapopu-
lation rassemble aujourd’hui, possiblement101, 2500 loups adultes (ordre de grandeur), seuil
minimum de viabilité à long terme.
Le gouvernement français, sur des bases uniquement politiques, a choisi de contenir le nombre
de loups à 500 individus (adultes) alors que tous les scientifiques, rapport après rapport, re-
commandent de fixer comme objectif, non pas « un effectif maximum de loups sur le terri-
toire », mais la baisse du nombre de prédations sur troupeaux domestiques.
Dans le premier cas, on abat des loups sans se soucier de l’efficacité des tirs (c’est ce qui se
passe en France) et dans le deuxième cas, on protège en priorité les troupeaux, on observe
les effets en matière de dommages et on ajuste si nécessaire par des tirs létaux dérogatoires,
effectués près des troupeaux correctement protégés et qui continuent à subir des prédations.
S’il est correct, scientifiquement parlant, de déclarer «avec ses 500 loups la population française
est viable », il est nécessaire de rajouter trois conditions sine qua non :
En clair, si ces trois conditions énoncées ne sont pas réunies, la population des 500 loups fran-
çais adultes ne sera plus viable à long terme.
100 On parle de métapopulation pour désigner un ensemble de populations d’une même espèce, séparées par
des barrières géographiques, entre lesquelles il existe des échanges (flux de gènes) plus ou moins abondants et
fréquents.
101 Italie (2016) : entre 1070 et 2472 loups (adultes ?) - DUCHAMP 2019 ; Suisse : une cinquantaine de loups
(KORA 2019) ; 60 à 70 selon le Groupe loup Suisse. La connexion avec les populations allemandes n’est pas
encore formellement établie (2020) et il n’existe aucun cas documenté de dispersion, en France, de loups espa-
gnols (C. l. signatus).
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 89
Taux d’abattage légal à 19% : la France a franchi la ligne
rouge
On lira avec intérêt l’avis du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) du 12 juillet
2020, voté à l’unanimité, qui s’oppose à la poursuite de la politique de l’État basée essentiellement
sur des abattages massifs de loups. Des quotas de tirs dérogatoires qui mettent en péril la survie
de l’espèce, sans réel effet sur la prédation des troupeaux domestiques.
Les biologistes fixent à 35 % le taux de mortalité annuel, toutes causes confondues, au-delà du-
quel les effectifs de loups déclinent. En clair, lorsqu’on additionne les loups tués légalement, les
loups braconnés (poison, tir, piège...) et les loups morts de causes dîtes naturelles102 (maladie,
accidents, collision routière ou ferroviaire...) on ne doit pas dépasser annuellement le chiffre de
35 % de la population. Au-delà, les effectifs déclineront jusqu’à disparaitre si les mêmes condi-
tions se maintiennent année après année.
En 2020, l’OFB estime la population des loups français entre 500 et 600 individus (adultes ?)
(Bilan hivernal 2020). Retenons le chiffre de 600 loups.
Pour ne pas faire baisser les effectifs, il faut qu’en 2020, le nombre de loups morts (toutes
causes confondues) soit inférieur à 210 individus103 . Le taux de mortalité moyen (toutes causes
confondues) calculée en France entre 1995 et 2013 (avant l’augmentation significative des
abattages légaux) était de l’ordre de 22 % (marge de sécurité de 13 % par rapport au seuil des
35 % avant que les effectifs déclinent) (DUCHAMP 2017).
Depuis 2013, les tirs létaux dérogatoires ont été multipliés par 12 et même si nous ne dis-
posons d’aucun chiffre pour le braconnage, l’impression de terrain (par exemple le suivi des
meutes dans les Alpes par le Groupe PP Alpes) indique que ces actes se multiplient.
Au cours de l’année 2020, avec le maintien, pour la deuxième année, d’un taux d’abattage lé-
gal de 19 % de la population estimée (100 loups à abattre), auquel il faut rajouter les actes de
braconnage (certainement supérieurs à 5 % de l’effectif présent) et la mortalité naturelle (de
l’ordre de grandeur de 15 à 20 %) on dépasse largement le seuil fatidique des 35 % de taux de
mortalité des loups français.
Mathématiquement, le déclin des effectifs de loups sur le territoire national est inéluc-
table.
Le dernier suivi de l’effectif des loups de France (OFB, juillet 2020) montre, sans surprise, un
fléchissement de la dynamique démographique. Cette donnée, qui devrait était confirmée dans
les prochains mois, montre que la phase du déclin annoncé a déjà commencé.
102 Dans les cause « naturelles », nous incluons ici, les causes anthropiques « sans intention de tuer ».
103 35 % de 600.
Ces mesures, confortées année après année, ignorent les avis unanimes formulés par
les scientifiques (par exemple CNPN juillet 2020) et visent simplement à coller au plus
près des injonctions formulées par les groupes de pression agricoles.
© Groupe PP Alpes
© Groupe PP Alpes
Préambule : dix éléments à connaître
Voici 10 éléments factuels sans lesquels il n’est pas possible de comprendre la probléma-
tique française loup-élevage, ni de bâtir une stratégie permettant d’assurer un avenir au
loup dans notre pays.
2- Les conflits Homme-Loup, dans leur quasi-totalité sont des conflits éleveurs-loups provoqués
par les prélèvements que le loup effectue sur les ongulés domestiques et, chez nous, essentiel-
lement sur les brebis104 .
3- Les loups prélèvent entre 1 et 2 % du cheptel des brebis présentes sur leur territoire (Source :
DREAL Augergne-Rhône-Alpes, mission loup, MATHIEU R. (2020)). Ces chiffres sont du même
ordre de grandeur que ceux concernant la prédation par les chiens errants, avant l’arrivée du
loup (cf encart « Attaques de chiens errants : un étrange silence »).
4- Pour les éleveurs, la présence du loup implique des contraintes supplémentaires en matière
de protection et de conduite des troupeaux105 . Aux contraintes et dommages occasionnés par le
loup sur les troupeaux, se rajoute un stress psychologique pour l’éleveur soumis à la prédation.
5- Si le cheptel ovin diminue partout en France (période 2000-2016), il diminue deux fois moins
dans les zones où le loup est présent et se reproduit (- 15, 7 % de recul) que dans les zones où le
loup est absent (- 26,3 %) (Source : Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de
la forêt Auvergne –Rhône-Alpes, 2018).
6- Les frais de protection des troupeaux face à la prédation du loup sont pris en charge par
l’État à hauteur de 80 %106 : gardiennage et surveillance renforcés, chiens de protection (achat,
entretien, nourriture…), parcs électrifiés… (Arrêté du 28 nov. 2019, OPEDER) et, en cas de
prédation, l’ensemble des dommages (pertes directes et indirectes) sont indemnisés selon un
barème d’indemnisation officiel.
7- La protection effective des troupeaux (chiens de protection, aide berger, clôtures…) permet
de réduire les attaques ainsi que le nombre de victimes par attaque (ROINCÉ (de) 2016, MA-
THIEU 2020 ).
104 Tous les travaux publiés concernant l’impact de la prédation du loup sur les espèces sauvages montrent que
l’impact, à terme, est globalement faible à négligeable. Les études sur l’état des populations d’ongulés sauvages
présents dans des parcs nationaux et des réserves où vivent les loups vont dans le même sens.
105 Aide berger, chien de protection, clôtures…
106 La prise en charge à 100 % est en discussion.
107 La tendance se poursuit dans un contexte général de baisse de la consommation carnée.
10- Aucune publication, à ce jour, ne permet de soutenir le cliché selon lequel le pastoralisme
en montagne, est « favorable à la biodiversité » et les seuls travaux qui traitent du sujet éta-
blissent le contraire (cf. chap. Pastoralisme et biodiversité : les 10 points pour comprendre…).
Le loup est présent en France depuis une trentaine d’années et la lucidité oblige à reconnaître que
malgré l’énorme travail pédagogique réalisé par les associations de protection de la nature auprès
des éleveurs et des politiques, malgré les millions d’euros investis par l’État dans la protection des
troupeaux et l’indemnisation des dommages aux troupeaux : la position majoritaire des éleveurs,
des élus, et dans une moindre mesure des médias reste figée sur une posture de rejet du prédateur.
Une des raisons de cet échec peut s’expliquer par le fait que les associations de protection de la
nature se cantonnent trop souvent dans une attitude essentiellement défensive face aux lobbies
de l’élevage qui pratiquent un lobbying agressif, exigent toujours plus de tirs, rechignent à mettre
en place les mesures de protection et contraignent les préfets, en cas d’attaque, à ne pas divulguer
le niveau de protection du troupeau attaqué…
Les trois sujets majeurs qui, en France, vont sceller l’avenir du loup
L’avenir du loup se jouera sur la capacité des associations de protection de la nature à s’em-
parer de trois sujets majeurs, tout en obligeant les lobbies agricoles défavorables au loup et à
l’État qui n’ose les contredire, à débattre et argumenter sans tabous.
Au préalable, on lira avec intérêt le rapport annuel de l’Institut de l’élevage (IDELE), 2019 :
« Économie de l’élevage ovin, année 2019 et perspectives 2020 ».
Mettre à plat le dossier Pastoralisme et reconstruire les bases d’un pastoralisme mo-
derne
NB : c’est la Politique agricole commune (PAC) qui, dans les années 1970, a mis en place un sys-
tème de subventions de l’élevage qui favorise l’élevage ovin en zone de montagne et qui est basé
sur des critères essentiellement quantitatifs (nombre de brebis et surface pâturée).
En clair, en matière de subventions, les éleveurs de montagne ont un intérêt financier à posséder
un maximum de brebis et à pâturer sur un maximum de surface.
C’est bien la Politique agricole de l’Union européenne et son mode d’attribution des aides pu-
bliques qui a engendré ces immenses troupeaux de brebis pâturant partout, sur toutes les mon-
tagnes jusque dans les zones les plus improbables (terrains très accidentés et/ou fortement éro-
dés). Une réalité que chacun peut observer à la belle saison lors des randonnées dans les Alpes et
qui favorise la prédation, en rendant inopérantes les mesures de protection.
Une des conditions sine qua non pour avancer vers une coexistence plus pacifique entre l’élevage
et les Grands prédateurs est la réorientation des aides européennes vers un système favorisant la
production de qualité, la vente directe et les troupeaux à taille humaine.
La filière ovins-viande est très largement majoritaire dans les Alpes et les Préalpes108 qui consti-
tuent le cœur historique de la population française de loups et rassemblent la totalité des
meutes reproductrices françaises109.
Quels sont les services rendus par l’activité pastorale en termes alimentaires et environnemen-
taux ? Quel est le bilan économique de cette activité ? Quels sont les éléments responsables
des problèmes de la filière et quelle est la part prise par le loup dans ces difficultés ? Autant
de questions dont les réponses conditionnent la survie du loup dans les prochaines décennies
; des réponses que, ni les organisations ptrofessionnelles agricoles, ni le gouvernement, ac-
ceptent de soulever.
Le rapport 2020 sur les perspectives de la filière ovine : encore une occasion manquée
Le travail commandé à TERROÏKO et BLÉZAT Consulting par le ministère de l’agriculture et de
l’alimentation concernant l’avenir du pastoralisme d’ici 2035 est paru en mars 2020 (ROINCÉ
(DE) C. et SEEGERS J. 2020.) sous le titre « Étude prospective du pastoralisme français dans
le contexte de la prédation exercée par le loup ».
Cet exercice aurait pu être l’occasion de mettre à plat le dossier du pastoralisme, de réunir les
acteurs de tous les bords et d’aborder chaque sujet sans tabou. Malheureusement, la tradition
a été respectée, les représentants des associations de protection de la nature n’ont eu droit qu’à
un strapontin, noyés au milieu des représentants des organisations professionnelles agricoles.
Pourquoi, par exemple, dans le titre, mettre en avant le loup et lui seul ? En faisant croire que
le loup est le seul responsable des maux dont souffre la filière. Si, sans aucun doute, le loup fait
partie du problème, il ne constitue qu’un minuscule élément parmi ceux qui ont amené cette
filière au bord du gouffre, ne devant sa survie qu’aux aides publiques massives (selon le rap-
port, les aides publiques représentent 52 % du chiffre d’affaire des élevages pastoraux et 90
à 140 % du résultat des exploitations - somme d’argent qu’une entreprise a gagné). En clair :
l’éradication du loup ne changerait rien à l’avenir de la filière ovine.
En admettant que la filière de l’élevage ovin soit menacée par le loup112 elle l’est beaucoup plus
par la baisse significative de la consommation ovine (moins 50 % en 20 ans), les importations
massives de viande ovine (55 % de la viande ovine consommée en France est importée) aux-
quels s’ajoutent les effets du réchauffement climatique et les problèmes d’organisation interne.
(cf. par exemple les rapports successifs de l’institut de l’élevage, IDELE, Économie de l’élevage,
dossier ovins 2019, Ovins 2018, production lait et viande).
Si, dans le rapport, on retrouve le petit mensonge classique du « loup, espèce strictement pro-
tégée » et l’idée fixe des organisations agricoles concernant une déréglementation de la pro-
tection de l’espèce, pas un mot sur les aspects positifs incontestables du retour du loup qui a
permis de braquer tous les projecteurs sur une profession moribonde qui allait disparaître
dans l’indifférence générale (embauche de bergers, amélioration substantielle des dessertes
d’estives et des équipements pastoraux et multiplication massive des aides).
Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain : ce rapport contient des informations intéressantes...
Dommage, encore une fois, qu’à chaque ligne on devine le froncement de sourcil menaçant des
leaders syndicaux lorsque l’écriture pourrait laisser penser au lecteur que le loup n’est pas le
seul grand coupable de la « tragédie pastorale »...
Avant l’arrivée du loup, principalement dans la filière ovins-viande, le métier de berger disparais-
sait dans l’indifférence générale.
C’est le retour du loup qui a remis en lumière cette activité professionnelle essentielle dans les
territoires où vivent les Grands prédateurs.
Aujourd’hui, grâce au loup et aux aides publiques substantielles allouées au pastoralisme en zone
à loups, le métier de berger est en train de renaître1.
En 2019, 2351 éleveurs ont demandé l’aide forfaitaire éleveur-berger, soit un peu plus d’un mi-
temps par exploitation.
En 2019, 1059 éleveurs ont embauché un berger salarié ou ont eu recours à un prestataire de ser-
vice pour le gardiennage et la surveillance du troupeau soit 455 temps plein de berger ou aide-ber-
ger (la moyenne du contrat de travail représente un peu plus de 5 mois par exploitation). Sources :
Infoloup n° 31, spécial bilan 2019.
En 2019, en France, le loup et les aides publiques qui accompagnent son retour, ont permis l’em-
bauche d’environ 1000 bergers (contrat de 6 mois).
__________________
1- Dans les zones de montagne où l’on produit du fromage (Pyrénées, une partie des Alpes...), la pro-
fession a profité de l’arrivée de nouvelles normes sanitaires imposées par l’Europe pour la fabrication
du fromage. Nouvelles normes sanitaires qui ont rendu nécessaire la modernisation des « cabanes de
berger » (eau, électricité, confort général...) et un regain d’intérêt des jeunes (surtout des femmes) pour
le métier de berger.
Aujourd’hui, les chasseurs et les agriculteurs forment un groupe social ultra minoritaire (y
compris dans l’espace rural) avec environ 1% de la population française pour les premiers et un
peu moins de 4% de la population active française pour les seconds (en zone rurale, les agricul-
teurs représentent 7 % de la population active).
Depuis un demi-siècle la chute a été spectaculaire. Les agriculteurs étaient 4 millions en 1963,
ils ne sont qu’environ 900 000 aujourd’hui et les chasseurs ont subi la même évolution avec un
effectif divisé par deux depuis 1970 (autour de 1 million de pratiquants en 2020).
Il serait temps de se rendre à l’évidence : la ruralité de nos parents, celle de nos grands-parents
n’existe plus... Le monde change, la ville se transforme, les modes de vie se modifient profondé-
ment et les mutations s’accélèrent, y compris et surtout en zone rurale.
La ruralité vraie
Dans la France du XXIème siècle, la grande majorité des ruraux ne chasse pas et ne porte pas une
sympathie particulière aux chasseurs. Plus de 90 % des actifs ruraux n’exercent pas la profes-
sion d’agriculteurs.
Pour les ruraux d’aujourd’hui qui vivent dans des campagnes dynamiques, l’avenir de l’agricul-
ture passe par des exploitations à taille humaine, une production de qualité, le développement
de l’agriculture biologique, des produits transformés et vendus localement.
Les ruraux de ce siècle sont de plus en plus sensibles aux questions relatives au bien-être animal
et à la perte de biodiversité.
Un nombre croissant de citoyens résidant dans les campagnes réclament des réformes pro-
fondes des pratiques agricoles et de la chasse, mais rien ne bouge. Pesticides, chasses de diver-
tissement, élevages intensifs, abattoirs, coexistence avec les Grands prédateurs... : les groupes
de pression ruraux veillent et bloquent toutes les tentatives de modernisation des pratiques
traditionnelles.
Face à la réalité des profondes mutations économiques et sociales qui s’opèrent au sein des
campagnes françaises, face à la fonte des effectifs des chasseurs et des agriculteurs, les lobbies
ruraux traditionnels ont intérêt à entretenir le mythe de la ruralité essentiellement agricole et
fervente de chasse. Quant à la classe politique, elle a peur ; elle n’ose pas dénoncer la superche-
rie et affronter ces mêmes groupes de pression dont elle a forgé et s’applique encore à forger la
toute-puissance.
Il n’est pas nécessaire d’être un observateur expert pour noter la démission de l’État
face à des actes qui n’ont pas leur place dans la République. À chaque épisode violent,
l’intervention des forces de l’ordre est réduite au strict minimum, les plaintes sont clas-
sées sans suite et pour les actions les plus violentes, les critiques formulées par les pré-
fets se font du bout des lèvres.
À la démission de l’État s’ajoute, au mieux le silence, au pire le soutien des syndicats agri-
coles et des chambres d’agriculture (cf. par exemple l’interview de la présidente de la
FNSEA sur RMC, le 6 août 2020 – à partir de la 7ème minute).
Cette situation encourage les antiloups les plus radicaux et paralyse les éleveurs les plus mo-
dérés.
Les incidents très graves qui se sont produits le 2 août 2020 sur la commune de TENDE (Alpes
maritimes), à l’occasion de la projection du film du réalisateur Jean-Michel BERTRAND, il-
lustrent cette démission de l’État face aux violences des antiloups. Au-delà des problèmes de
Conservation, par sa passivité assumée, l’État n’assure plus deux rôles essentiels : la protection
des libertés individuelles et la sécurité des personnes.
Si l’on peut débattre et ne pas être d’accord sur la conservation d’ une espèce, fusse-t-
elle rare et protégée, personne ne peut admettre l’attitude d’un État incapable de garan-
tir à ses citoyens l’exercice des droits fondamentaux.
On lira aussi et avec intérêt le dossier « Pastoralisme et Biodiversité » paru dans la Revue NATURA CA-
TALANA (Lettre d’information des réserves naturelles catalanes n° 3). La présentation des efforts
conjoints des gestionnaires des réserves naturelles catalanes et des groupements pastoraux pour
tenter de réaliser la difficile synthèse entre le pastoralisme, la production de qualité et la biodi-
versité démontre que l’alliance est possible.
Devant les faiblesses de l’argumentation économique, les antiloups se rabattent sur le thème
de la biodiversité pour justifier le pastoralisme et, par ricochet, condamner la présence du loup
qui « menace le pastoralisme ». Si l’argument peut apparaitre séduisant il ne résiste pas à l’ana-
lyse scientifique.
5- De très nombreux travaux consacrés à l’impact des troupeaux domestiques sur les écosys-
tèmes (AUGUSTINE 1998, EVIN 2004, VIGNON 2013, AUSTRHEIM 2016, SCHIELTZ 2016…)
montrent l’impact globalement négatif du pâturage sur la diversité biologique (insectes, ar-
thropodes, vertébrés terrestres - mammifères, oiseaux, reptiles - et plantes à fleurs) ; les excep-
tions sont rares et concernent toujours des pâturages raisonnés et de faible intensité.
6- De nos jours, dans la quasi-totalité des montagnes alpines, 90 à 95 % des herbivores pré-
sents sont des animaux domestiques et leur densité, notamment dans les parcs nationaux, se
situe souvent au-dessus de ce que les milieux peuvent supporter avec des conséquences né-
fastes en termes d’érosion, de restriction d’habitat pour la faune sauvage et de… biodiversité.
114 Comme le font la plupart des agronomes qui travaillent sur le pastoralisme et restreignent la biodiversité à
la seule diversité végétale.
115 Certains groupes ou espèces d’orchidées ne se rencontrent qu’en forêts [beaucoup d’espèces d’épipactis
(Epipactis sp.) et des espèces comme le sabot de vénus (Cypripedium calceolus), la racine de corail (Corallorhiza
trifida), la néottie nid d’oiseau (Neottia nidus-avis).
116 D’autres préfèrent, tout aussi légitimement, les milieux boisés.
8- En zone tempérée, toutes les forêts naturelles sont forcément passées par le stade de l’em-
broussaillement (« la friche »). Chez nous, à basse et moyenne montagne, les landes à genêts
constituent la phase pionnière obligatoire de la future forêt. « Débroussailler » et pâturer les
landes pionnières revient à empêcher la progression de la forêt117.
9- Les écosystèmes forestiers proches de la naturalité sont extrêmement rares sous nos lati-
tudes, bien plus rares que les milieux ouverts pâturés ; en matière de biodiversité, ces milieux
forestiers représentent un enjeu de conservation autrement plus important que la protection
des milieux ouverts.
10- Si le pâturage et/ou la fauche sont indispensables à la production des laitages, des fro-
mages et de la viande ; le maintien des milieux ouverts, pâturés ou fauchés, est un choix essen-
tiellement politique, économique et culturel.
La formule « le pastoralisme est bon pour la biodiversité » reste, pour l’essentiel, un slo-
gan contredit par la plupart des travaux qui, en montagne, étudient l’impact global du
pâturage sur la diversité des espèces sauvages, végétales ou animales.
Versant ouest de la Tête du vallon Pierra (2512 m) dans le Dévoluy (Hautes-Alpes) parcouru par un trou-
peau de plusieurs milliers de moutons durant la période d’estive. Le piétinement bien visible sur la photo
(lignes horizontales) et le surpâturage ont fait disparaître le sol et une grande partie de la végétation.
A cette altitude, le milieu devrait être constitué de prairies alpines et d’une forêt au pied du versant.
Comment justifier que cet écosystème très dégradé soit enrichi par le pastoralisme ? Un troupeau de
plus petite taille aurait un impact moins préjudiciable sur cet écosystème fragilisé par un climat sec et
froid. Photo P. Hassel.
117 C’est ce qui s’est produit durant des siècles, jusqu’au milieu du 20ème siècle, avec les conséquences catastro-
phiques que l’on connaît en termes d’érosion et d’inondations.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 101
Les loups de France en 15 vidéos
1
Un duo de loup ; probablement le couple alpha...
12 secondes
Tout début mai, un duo d’adultes passe devant la caméra automatique. Couple al-
pha probable mais pas facile de dire si le mâle est devant... ou derrière. © Groupe
PP Alpes
2
Donne-moi à manger...
14 secondes
Donne-moi à manger (Alpes françaises)... Un louveteau demande à un subadulte
du clan de régurgiter ; malgré l’arrivée des frères et sœurs, la tentative échoue...
© Groupe PP Alpes
3
Déplacement groupé de la meute en novembre
23 secondes
La meute au complet en novembre : les 2 alphas, 5 louveteaux et 3 subadultes
(Alpes françaises). La fin des zones de rendez-vous (octobre) signe le début
des déplacements groupés de l’ensemble du clan familial. Pour les louveteaux
c’est l’occasion de connaître les limites du territoire familial et d’apprendre les
rudiments de la chasse. NB : cette meute comme toutes les meutes de loups va
connaître une contraction de ses effectifs (mort naturelle, accidents, dispersion...)
pour atteindre, en avril de l’année suivante, un effectif identique ou très proche de
celui de l’année précédente. © Groupe PP Alpes
4
Insouciance lupine
56 secondes
Ces louveteaux (mi-juillet) ont environ 2 mois... Dans la dernière partie, un louve-
teau décide de suivre un mâle adulte (possiblement le mâle alpha). © Groupe PP
Alpes
5
Les proies du loup... et le loup
34 secondes
Dans cette vidéo, devant le même piège photographique, les 3 proies principales
du loup : sangliers, chevreuils et cerfs... et le loup (probablement un subadulte,
pas très rassuré ; peut-être un loup en dispersion ?). © Groupe PP Alpes
7
Un couple alpha en pelage d’été (ralenti)
14 secondes
Le couple alpha (d’abord la femelle) passe devant la caméra automatique en
pelage d’été (mi-août). Remarquez les tétines visibles chez la femelle ; preuve
qu’une reproduction a bien eu lieu au printemps. © Groupe PP Alpes
8
Un loup transporte un arrière-train de chevreuil
30 secondes
Début juillet, à quelques centaines de mètres de la tanière, un loup apporte
avec précaution, un arrière-train de chevreuil. Remarquez la tache sombre sur
la queue (un des signes caractéristiques du standard du loup... et de quelques
races de chien très proches du loup). © Groupe PP Alpes
9
Passage groupé de la meute en décembre
16 secondes
5 loups en passage groupé un 9 décembre... Pas facile, à partir de décembre,
de distinguer les jeunes de l’année (qui ont environ 6 mois), des subadultes,
voire de certains adultes... © Groupe PP Alpes
10
Détente en famille
2 minutes et 30 secondes
Une famille de loups de France dans les Alpes un 14 septembre. 2 minutes
trente de vidéo avec 1 femelle, 6 louveteaux de quatre mois et un loup mâle
(qui entre dans les dernières séquences). Rien ne permet d’affirmer que cette
femelle et ce mâle sont les parents des louveteaux (couple alpha) ; il est pos-
sible qu’il s’agisse de subadultes - nés l’année précédente- et grand frère et
grande sœur des louveteaux...
Entraînez-vous à reconnaitre par la taille et le pelage les adultes et les lou-
veteaux. La taille des louveteaux est proche de celle des adultes/subadultes :
environ 4/5. Remarquez le pelage plus homogène, plus sombre et plus fourni
des louveteaux par rapport au pelage des adultes/subadultes qui lui est beau-
coup plus ras (mue estivale),un peu plus clair avec, de profil, une séparation
assez nette entre le tiers supérieur de l’animal, plus gris que les 2/3 infé-
rieurs... Notez aussi que la barre latéro-cervicale (qui barre le cou de profil)
est plus marquée chez les jeunes. © Groupe PP Alpes.
12
Déplacement des louveteaux de 3 mois et demi vers une ZRV
26 secondes
Un 4 septembre, les 6 louveteaux âgés d’environ 3 mois et demi sont emme-
nés sur une Zone de rendez-vous (ZRV) par une femelle adulte qui est possi-
blement la femelle alpha. Quatre heures plus tard, le mâle alpha (d’autres vi-
déos permettent de penser qu’il s’agit bien de l’alpha) les rejoint. © Groupe
PP Alpes
13
Nourrissage des louveteaux par régurgitation
55 secondes
Un 19 septembre , un mâle arrive sur une Zone de rendez-vous. Les trois lou-
veteaux présents qui sont âgés d’environ 4 mois (les trois autres sont en va-
drouille), obligent le mâle à régurgiter. NB : En se basant sur d’autres vidéos,
il ne s’agit probablement pas du mâle reproducteur (alpha) mais d’un grand
frère des louveteaux. © Groupe PP Alpes
14
35 secondes
Deux louveteaux d’un mois et demi explorent les alentours de la tanière...
Nous sommes dans les premiers jours de juillet, deux louveteaux âgés d’en-
viron 1 mois et demi, découvrent leur environnement ; la tanière n’est pro-
bablement pas très loin.
© Groupe PP Alpes
15
30 secondes
Louveteau de 2 mois
© Groupe PP Alpes
© Groupe PP Alpes
Quelques sites internet spécialisés « loup » et/ou Grands
prédateurs
- Association FERUS
https://www.ferus.fr/
- Le passionnant et très dynamique site Facebook du suivi des loups dans le Parc national
« Voyageurs » (Nord de l’État du Minnesota aux Etats-Unis) Voyageurs wolf project.
- En marge de cette liste (non exhaustive) de sites consacrés aux Grands prédateurs et plus
particulièrement au loup, on peut visionner cette vidéo de vulgarisation (Youtube, 15 minutes),
bien faite et neutre qui propose une synthèse sur la question du loup en France, en 2019 (his-
torique très bref, répartition, tirs, prévention...) : cartographie du loup.
Sélection bibliographique
I- Beaux livres en français sur les loups du sud-ouest de l’Europe et
d’ailleurs
BAILLON J. (2020) Les loups. Ramsay éd., 193 p.
BRUGGMANN F. (2017) Loup : sauvage par nature. Auto-édition, 175 p.
ESMIEU C. (2020) Loup : une vie en meute dans les Écrins. Mokkö éd., Saint-Martin-le
Vinoux, 192 p.
RIGAUX P. (2020) Loups - un mythe vivant. Delachaux et Niestlé éd., 240 p.
++ AILLOUD J. (2012) Le retour du loup (Canis lupus) en France, vingt ans après. Enjeux scien-
tifiques, socio-économiques et politiques en 2012. Cas particulier des Alpes-Maritimes.
Thèse Université Claude-Bernard - Lyon I (médecine et pharmacie), 258 p. + Annexes
++ ALOTTO C. (2003) Étude du phénomène de prédation causé par le loup au sein d’une aire protégée
(Parc national du Grand SASSO et monts de la Saga, Italie centrale) ; rôle du vétérinaire dans
la reconnaissance des dommages causés au cheptel domestique. Thèse vétérinaire, Faculté de
médecine de Nantes, 103 p.
++ ANCEAU C., BERGEON J.-P., TARDY X. et al. (2015) La prédation du loup sur les ongulés sau-
vages : impacts directs et indirects. Faune sauvage 306, 20-36.
++ APOLLONIO M. et al. (2004) Wolves in the Casentinesi Forests : insights for wolf conservation
in Italy from a protected area with a rich wild prey community. Biological conservation 120 :
249-260.
++ ARIAGNO D. (1976) Essai de synthèse sur les mammifères sauvages de la Région Rhône- Alpes.
In Mammalia, t. 40, n° 1, 125-160.
++ AUGUSTINE D.-J, McNAUGHTON S.-J. (1998) Ungulate effects on the functional species compo-
sition of plant communities : herbivore selectivity and plant tolerance. Journal of wildlife mana-
gement, 62(4), 1165-1183.
++ AUSBAND D. E. et al. (2016) Individual, Group, and Environmental Influences on Helping Beha-
vior in a Social Carnivore. Ethology 122, 1–10.
++ AUSTRHEIM G. et al. (2016) Synergies and trade-offs between ecosystem services in an alpine
ecosystem grazed by sheep – an experimental approach. Basic and Applied Ecology, 17(7), 596-
608.
++ BASSI E. et al. (2020) Relative impact of human harvest and wolf predation on two insulate spe-
cies in Central Italy. Ecological research, 2020, 1-13.
++ BEAUFORT F. (De) (1988) Écologie historique du loup (Canis lupus) en France. Thèse de docto-
rat. Université Renne 1. Muséum d’histoire naturelle, 1104 p.
++ BEAUFORT F. (De) (1988) Le Loup en France : éléments d’écologie historique. Encyclopédie
des carnivores de France 1, 32 p.
++ BENHAMMOU F. (2003) Les Grands prédateurs contre l’environnement ? Faux enjeux pastoraux
et débat sur l’aménagement des territoires de montagne. Le courrier de l’environnement n° 48.
++ BENHAMMOU F. (2005) Biodiversité, pastoralisme et Grands prédateurs : entre instrumentali-
sation politique et flou scientifique. La voie du loup 22, 10-13.
++ BENHAMMOU F. (2019) Entre mensonges, violences agricoles et bienveillance de l’État. Libéra-
tion, édition du 11 septembre 2019, liberation.fr.
++ BLANCO J.-C., CORTES Y. (2002) Ecologia, censos, perception y evolucion del lobo en Espa-
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++ BOISSEAUX T. et al. (2019) Le loup et les activités d’élevage : comparaison européenne dans
le cadre du plan national d’actions 2018/2023. Rapport CGEDD n° 012414-01, CGAAER n°
18097, Paris, 56 p. + Annexes.
++ BOISSEAUX T. et GALTIER B. (2020) Difficultés du pastoralisme liées au loup dans les Hautes-
Alpes ; mission d’écoute. CGEDD, Ministère de la transition écologique et solidaire, Paris, 38 p.
++ BOITANI L., MECH L.-D. et al. (2003) Wolf conservation and recovery. In : Wolves : behavior,
ecology, and conservation (Eds. Mech & Boitani) Chicago, University of Chicago Press. 317-340.
Traduction française de Christiane et Robert IGEL.
++ BOLIS A. (2020) Injures, menaces, saccage de locaux, des associations écologistes dénoncent un
climat d’intimidation. Le Monde, édition du 3 Août 2020.
++ BONATO A.-L. et al. (2018) La vulnérabilité des troupeaux à la prédation du loup : un exemple
d’accompagnement du pastoralisme dans le Queyras. Faune sauvage n° 32, 28-34.
++ BONNET O., TEPPAZ C. et VILMANT J. (2020) Bergers des Alpes. CERPAM 23 p.