Vous êtes sur la page 1sur 112

les loups de France

Description, historique, biologie,


écologie et conservation

Roger MATHIEU
les loups de France
Description, historique, biologie,
écologie et conservation

© Groupe PP Alpes
Roger MATHIEU

Membre du Groupe PP Alpes


Co-référent loup France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA)
Référent loup FRAPNA Drôme nature environnement
Membre de la commission départementale Loup (Drôme)

J’ai souvent débattu des thèmes qui sont traités dans ce livre avec les responsables
des structures associatives auxquelles j’appartiens : il n’existe pas de différence
­significative entre nos points de vue et les analyses et propositions qui figurent dans
cet ouvrage.

Cette monographie ne saurait engager la responsabilité, ni de FNE AURA, ni de


FRAPNA Drôme nature environnement ni d’aucune autre association de protection de
la nature. J’assume seul la responsabilité de tous les propos émis ici.

Contact : rogermathieu1@gmail.com

L’accès à cette monographie est libre et gratuit ; la reproduction partielle est libre
à la condition de mentionner la source.
Pour citer cette monographie :
MATHIEU R. (2020) Les loups de France. FRAPNA Drôme nature environnement/FNE Auvergne
Rhône-Alpes, 112 p. Édition numérique.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 2


Le mouton a toujours eu peur du loup
mais c’est le berger qui l’a mangé
(Proverbe géorgien)

DÉDICACES

- À ceux qui aiment et respectent la vie sauvage : naturalistes, militant(e)s, a


­ ctivistes
ou simples citoyen(ne)s. 

- Aux éleveurs, éleveuses ; aux bergers et bergères (beaucoup plus nombreux qu’on ne
le croit), qui effectuent, en silence, un difficile travail pour s’adapter à la présence du
loup avec des résultats qui sont la plupart du temps au rendez-vous.

Un travail d’autant plus méritant qu’il n’est pas reconnu par les pouvoirs publics et
se mène sous la menace, à peine voilée, des principaux leaders agricoles qui rêvent
d’une éradication des loups et considèrent que se protéger ­efficacement, c’est casser
la stratégie des organisations professionnelles ­agricoles.

- À tous les agents des services publics chargés du dossier loup qui espèrent le retour
de l’intelligence dans un dossier miné par les postures des organisations profession-
nelles agricoles et les gesticulation politiques.

- Aux rares élus de la République (élus locaux, parlementaires...) qui essaient de


mettre un peu de raison dans un dossier qui en manque cruellement.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 3


EN GUISE DE PRÉFACE

C et ouvrage s’adresse à tout public et vise un double objectif : proposer une synthèse
sur les loups de France et éclairer le lecteur sur la problématique loup et élevage.

Concernant le premier objectif, cette monographie est le fruit de 4 années consacrées au


suivi de meutes de loups installées dans les Alpes françaises : un travail de terrain réalisé
au sein d’une équipe d’une quinzaine de naturalistes qui suivent, à titre privé et de manière
confidentielle, une douzaine de meutes (Groupe PP Alpes).
Les observations récoltées par ce groupe sont utilisées ici pour essayer d’adapter au mieux
les données publiées en Italie et dans la péninsule Ibérique.

Concernant le second objectif, devant une équation difficile à résoudre et deux vérités diffi-
ciles à entendre, le parti pris est celui du réalisme.

L’équation à résoudre consiste à faire coexister une activité humaine présente partout :
­l’élevage, avec le retour naturel d’un grand prédateur qui peut vivre partout : le loup...

Quant aux deux vérités, tous ceux qui s’intéressent au loup et à l’élevage les connaissent
mais peu acceptent de les exprimer clairement :
- la présence du loup entraîne chez l’éleveur du stress et de fortes contraintes supplémen-
taires ;
- l’élevage ovins-viande est dépendant des aides financières publiques massives sans les-
quelles il ne pourrait survivre.

Sur un sujet aussi sensible socialement et politiquement, aucun chercheur, aucun scienti-
fique, à moins de mentir, ne peut prétendre à une totale objectivité. Pour ma part, je me suis
appuyé sur le maximum d’éléments factuels (rapports, publications scientifiques, articles
de presse...) et dans toute la mesure du possible j’ai toujours cité mes sources. Malgré ma
volonté de ne pas m’éloigner du réel, j’ai forcément subi l’influence de « ce que je crois » et
aucun auteur, même le plus impartial ne peut y échapper.

Je crois que le vivant constitue un tout et que l’animal sauvage, y compris les grands préda-
teurs, ont leur place, partout. Même si je ne mange (presque) plus de viande, je crois que le
pastoralisme ovin a lui aussi sa place, à la condition qu’il s’intègre dans une vision moderne
de l’agriculture, destinée majoritairement à une consommation locorégionale et basée sur
une production de qualité, respectueuse du bien-être animal et de toutes les autres formes
de vie.

J’ai tenu à ce que le lecteur puisse se faire sa propre opinion sur le loup et sa coexistence
avec les activités d’élevage en lui donnant directement accès aux sources citées. J’ai donc
choisi la publication numérique qui, à travers les liens cliquables, présente un double avan-
tage : donner accès à plusieurs sites spécialisés pour suivre l’évolution du sujet en temps
réel et permettre la consultation de tous les documents-sources.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 4


Depuis le retour de l’espèce en France, j’ai rencontré, échangé, débattu avec de nombreuses
­personnes qui, amateurs ou professionnels, travaillent sur la problématique des Grands préda-
teurs et plus particulièrement sur le loup ; en France, mais aussi en Italie et en Espagne.

J’ai demandé à certaines d’entre elles de relire et de critiquer mon manuscrit. Toutes ont ac-
cepté, mais celles et ceux qui exerçaient une activité professionnelle en relation avec le sujet
ont demandé à ne pas être cités pour des raisons qui apparaitront clairement à la lecture de
l’avant-dernier chapitre de l’ouvrage.

Au-delà de la protection des Grands prédateurs et plus largement de la biodiversité, les sujets
qui touchent au respect des valeurs démocratiques et républicaines présentent, à mes yeux, un
intérêt fondamental.

Il est consternant, en France, en 2020, de devoir limiter ses remerciements aux seuls relec-
teurs qui n’ont aucun lien professionnel avec le thème d’un livre dont le défaut est d’exprimer
la ­volonté de faire coexister une activité professionnelle, en l’occurrence ici l’élevage, avec le
retour naturel d’un Grand prédateur : le loup.

Roger MATHIEU
Le 1er novembre 2020

REMERCIEMENTS

À tous mes amis naturalistes qui, comme moi, suivent des groupes de loups et m’ont cédé leurs
données et/ou leurs films et photographies. La majorité d’entre eux désirent rester dans l’ano-
nymat.
Ainsi, sauf exception, les photos et vidéos de loup, dont les miennes, sont généralement signées
« Groupe PP Alpes ».

À celles et ceux qui ont relu le manuscrit et l’ont amélioré et à Gérard GRASSI qui a réalisé la
lise en page.

Soyez toutes et tous remerciés, les anonymes, qui se reconnaîtront, et les autres :

ANSELIN Christophe, BERTRAND Yves, BOFFY Patrick, DACKO Thierry, EROME Georges,
JANET Olivier, MATHIEU Françoise, RAYÉ Gilles et SOURET Luc.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 5


Table des matières
Tous les titres sont cliquables et vous amènent
automatiquement à la page recherchée.
Dédicaces
En guise de préface
Remerciements
Table des matières
Sommaire encarts

Préambule .................................................................................................................................. 9
Présentation et description ........................................................................................... 13
Reconnaitre un loup : quelques éléments phénotypiques
Confusion avec le chacal doré
Éléments biométriques concernant le loup du sud de l’Europe de l’Ouest
(péninsule Ibérique, Italie et France)

Biologie ....................................................................................................................................... 23
La meute : composition et dynamique
- Quelle est taille des meutes dans le sud de l’Europe de l’Ouest et en
France - plus particulièrement ?
- La taille des meutes en Italie et Espagne ?
- Taille des meutes et nombre de louveteaux en France ?
Reproduction
- Rut et mise bas
- La tanière
Les premiers déplacements : les Zones de rendez-vous
Émancipation et dispersion
Des exceptions
Longévité
Le choix du territoire : plasticité écologique exceptionnelle
Périodes d’activité
Régime alimentaire du loup : une question de logique
- L’impact du loup, sur les populations d’ongulés sauvages

Indices de présence ............................................................................................................. 50


Préambule
Empreintes
Crottes

Historique et suivis : état des connaissances ........................................................... 55


Données historiques
1- Avant la Révolution française : des loups omniprésents malgré un haut niveau
de persécution
2- De la Révolution française au début du XXème siècle : un déclin sévère
3- Du début du XXème siècle à la décennie 1990 : l’éradication avec des
apparitions sporadiques
4- Années 1990 : le retour

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 6


Comment suivre une population de loups ? et pourquoi ?
- Suivre une population d’une espèce sauvage : quelques repères
- La gestion adaptative
- Et en France ?
- De la nécessité d’évoluer vers un nouveau système de suivi et de gestion
Combien de meutes aujourd’hui en France ?

Le loup et les troupeaux domestiques .......................................................................... 66


Coexistence pérenne Loup-Élevage : les trois conditions sine qua non
Combien coûtent en 2019 la prévention et les indemnisations des dommages loup ?
Les dommages loup en 2019
Comment fonctionne la mise en œuvre des mesures de protection ?
Dans les zones où vivent les 80 meutes de loups, les dommages se concentrent dans
un nombre restreint de territoires
Chaque année, les dommages se concentrent sur un nombre restreint d’élevages
Est-ce que la protection des troupeaux ça fonctionne ?
Parlons des chiens de protection
- Les auteures du rapport BOYER et TAURINE font 19 propositions concrètes
Est-ce que tuer des loups fait diminuer le nombre des attaques ?
L’efficacité des tirs de loups en 2019 en ce qui concerne la prévention des dommages ?
- Scénario 1 : les troupeaux protégés
- Scénario 2 : les troupeaux pas ou mal protégés
Évaluation des politiques publiques consacrées à la protection des troupeaux et à
­l’indemnisation des dommages

Menaces ........................................................................................................................................ 87
Statut juridique
De la viabilité de la population des loups de France
Taux d’abattage légal à 19% : la France a franchi la ligne rouge

Conservation ................................................................................................................................. 92
Préambule : dix éléments à connaître
La conservation du loup se jouera essentiellement sur le terrain politique
Les trois sujets majeurs qui, en France, vont sceller l’avenir du loup
1- L’avenir de l’économie pastorale
2- Le retour urgent de l’État face aux violences des antiloups radicaux
3- L’analyse objective de l’effet du pastoralisme sur la biodiversité en montagne
Les loups de France en vidéos

Références .................................................................................................................................. 105
Quelques sites internet spécialisés « loup » et/ou Grands prédateurs
Sélection bibliographique
I - Beaux livres en français sur les loups du sud-ouest de l’Europe et d’ailleurs
II - Références bibliographiques

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 7


ENCARTS 

◊ La Recherche sur les Grands prédateurs : une activité embryonnaire que les f­ édérations de
chasseurs proposent de contrôler

◊ L’hybridation du loup : un vrai-faux problème


◊ Loup : la couleur du pelage ne fait pas « l’hybride »
◊ Est-ce que le loup aboie ?
◊ Organisation sociale des loups : gare aux certitudes
◊ Alors « alpha » ou pas « alpha » ?
◊ Le loup et les attaques sur les humains
◊ Le chamois face au retour du loup
◊ En 2020, un loup peut être aperçu partout en France
◊ Attaques de chiens errants : l’étrange silence des organisation professionnelles ­agricoles
◊ Mise à mort des animaux domestiques par des loups ou par des humains  : éthique et
­morale

◊ Abattages légaux : qui tue les loups et comment ?


◊ La protection des troupeaux : le mépris pour les bons éleveurs et la prime aux plus ­mauvais
◊ Et si on parlait loup, PAC et Indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) ?
◊ Médias, éleveurs et élus : reconnaître l’échec des associations de protection de la nature
◊ L’éradication des loups signerait la fin du métier de berger

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 8


Préambule

© Groupe PP Alpes
1- Cette monographie reflète l’état d’avancement des connaissances au dernier trimestre 2020.
Les données publiées sur cette espèce évoluent constamment, qu’elles soient scientifiques, po-
litiques ou juridiques. Ce texte nécessitera des mises à jour régulières.

2- Curieusement, il n’existe pas d’ouvrage de synthèse concernant le loup Italien comme cela
existe pour le loup espagnol (IGLESIAS IZQUIERDO et al. 2017 pour la plus récente). En France,
les publications du Réseau loup (Office Français de la Biodiversité - OFB) et de la Direction
Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) Auvergne Rhô-
ne-Alpes (coordinatrice du Plan loup) traitent principalement de la répartition de l’espèce sur
le territoire national, de ses effectifs et des dommages aux troupeaux.

Exceptées quelques données partielles et/ou localisées, il n’existe aucune publication qui fasse
la synthèse de la biologie des loups français, concernant, par exemple, les données morpholo-
giques, la reproduction, l’organisation sociale, le régime alimentaire ou les déplacements.

3- Il n’existe pas de consensus ­scientifique sur le nombre de sous-espèces de loups vivant en


Eurasie. La dernière tentative de classification (NOWAK, 1995) proposait neuf sous-espèces
eurasiennes et rangeait le loup italien et le loup espagnol dans le groupe de la sous-espèce
­Canis lupus lupus qui couvre la plus grande partie de l’Eurasie dont la totalité de l’Europe.

Loup ibérique (Canis lupus signatus) dans les Cantabriques (Espagne) © Roger Mathieu

Sept ans plus tard, le même auteur (NOWAK 2002) reconnaît que le loup italien constitue une
sous espèce à part entière différente de Canis lupus lupus… En attendant que les taxonomistes
se mettent d’accord nous continuerons à parler de Canis lupus signatus pour la péninsule Ibé-
rique et de Canis lupus italicus pour l’Italie1 .

1 Il n’existe pas de caractère morphologique permettant de différencier italicus et signatus ; seuls les examens
génétiques et/ou craniométriques peuvent les distinguer.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 10


NB : La nomenclature a été réalisée alors que la population de loup était scindée en plusieurs po-
pulations isolées (Espagne, Italie…) après des siècles de persécutions. Les « sous-espèces » corres-
pondent à des variants locaux d’une espèce présentant plusieurs morphes au sein de son aire de
répartition historique. À bien y réfléchir, cette division en sous-espèces n’a, tout compte fait, que
peu de sens...

4- Une des principales caractéristiques de l’espèce réside dans son extraordinaire capacité
d’adaptation (plasticité écologique). Si des règles générales peuvent être énoncées en ma-
tière d’écologie lupine, les exceptions sont fréquentes.
Le lecteur devra toujours garder à l’esprit que le loup adapte ses comportements et sa
biologie en fonction des conditions de milieu et du niveau des persécutions humaines.

5- Le loup gris est répandu sur l’ensemble de l’hémisphère nord. Sa morphologie, son écologie
et les problèmes de conservation varient selon les régions considérées. Dans toute la mesure
du possible nous essaierons de présenter les données publiées concernant les loups de la par-
tie sud de l’Europe de l’Ouest (Italie, péninsule Ibérique et France).

6- Toutes les photos et vidéos de loups qui illustrent ce texte, sauf exceptions explicites, pré-
sentent des individus libres, filmés ou photographiés dans les Alpes françaises.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 11


La Recherche sur les Grands Des jeunes chercheurs s’expatrient dans
prédateurs, une ­activité les universités étrangères afin d’étudier les
Grands prédateurs alors que les laboratoires
­embryonnaire que les
français possèdent tous les éléments pour
­fédérations de chasseurs ­proposent développer une science utile (recherche appli-
de c­ ontrôler quée) qui permettrait, sur ces dossiers socia-
lement très sensibles, de réduire les croyances
Il y a très peu de recherches en France sur la et les comportements émotionnels, sources
faune sauvage non-chassable en général et de conflits.
sur les Grands prédateurs, dont le loup en
particulier. Ceci est souligné dans le rapport Les fédérations des chasseurs1 (FDC) ont bien
paru en 2019 du CGEDD - CGAAER comman- compris les enjeux et tout l’intérêt qu’elles
dé par les deux ministères de l’agriculture et peuvent tirer en contrôlant les travaux de re-
de l’écologie  : Le loup et les activités d’éle- cherche consacrés à l’étude des grands carni-
vage : comparaison européenne dans le cadre vores.
du plan national d’actions 2018/2023. Rap-
port CGEDD n° 012414-01, CGAAER n° 18097. Délivrées des problèmes de trésorerie grâce
BOISSEAUX et al. 2019. à un financement confortable et pérenne ga-
ranti par un État bienveillant et des collecti-
L’Agence nationale de la recherche (ANR) et vités territoriales généreuses, les FDC pro-
les programmes de financement permettant posent aux chercheurs de devenir le bailleur
des coopérations entre universités euro- de fonds de la recherche française en matière
péennes n’investissent pas ou très peu dans de faune sauvage et tout particulièrement de
une discipline nouvelle « l’écologie fonction- Grands prédateurs. Un appât bien tentant
nelle  » dont les résultats permettraient de pour les chercheurs et un appât qui fonc-
comprendre les interrelations entre les pré- tionne (cf. le programme prédateur proies
dateurs et leur environnement. Lynx dans le Jura).
Ce qui apparait comme une aubaine pour
Le travail de recherche sur le loup, bien déve- certains chercheurs constitue une mauvaise
loppé dans un certain nombre de pays (USA, nouvelle pour l’indépendance et donc la qua-
Canada, Italie, Espagne, etc.), mériterait une lité de la Recherche française.
attention soutenue des laboratoires français,
remplis de jeunes talents mais dépourvus de __________________
moyens financiers pour étudier la faune sau- 1- Les fédérations des chasseurs (FDC) représentent
vage. un des groupes de pression français au service d’inté-
rêts corporatistes, parmi les plus riches et influents.
Elles sont financées par des fonds à caractère public
et pérenne dont le mécanisme très avantageux est
fixé par la Loi.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 12


Présentation
et description

© Groupe PP Alpes
Les avancées récentes et rapides de la biologie moléculaire bouleversent la classification et
l’histoire évolutive de tous les êtres vivants. Le groupe des canidés, apparu il y a 40 millions
d’années, ne fait pas exception. Sur ce sujet complexe et en pleine évolution on pourra consul-
ter la synthèse de l’état des connaissances adaptée à un public de non spécialistes publiée par
J.-M. LANDRY (2017).

Aujourd’hui, le nombre d’espèces du genre Canis fait débat au sein de la communauté scienti-
fique qui, selon les auteurs, distingue entre 8 et 12 espèces différentes.

La France abrite, à l’état sauvage, deux espèces du genre Canis : le Loup gris (Canis lupus) et le
Chacal doré (Canis aureus)2. Ce dernier, en provenance de l’Est de l’Europe, a franchi la fron-
tière française en Haute-Savoie en 2017.

En 2020, les loups français appartiennent tous, génétiquement, à la lignée italienne : Canis lu-
pus italicus.

NB : La lignée des loups de l’est de l’Europe est en progression vers l’ouest et s’installe à la fron-
tière nord de la France (Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Allemagne), elle pourrait se mixer pro-
chainement avec la lignée italienne, voire balkanique, en progression dans les Alpes.

On notera que le chien et le loup appartiennent à la même espèce3 . Le chien (Canis lupus fami-
liaris) constitue la sous-espèce domestique du loup gris (Canis lupus).

2 Observé, à ce jour, uniquement dans le département de la Haute-Savoie.


3 Si le débat sur l’origine du chien (Canis lupus familiaris) est loin d’être scientifiquement tranché, les
­recherches génétiques les plus récentes permettent de penser que la domestication est très ancienne (peut-
être avant -30 OOO ans) et a été initiée par des chasseurs-cueilleurs bien avant l’époque néolithique, en des
lieux et des époques différentes.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 14


L’hybridation du loup  : un 7- Il est possible que des taux d’hybridation
vrai-faux problème élevés, couplés à des faibles effectifs de
loup et à des populations isolées, dépassent
localement les capacités de résilience du
Cette présentation en 9 points est extraite loup et menacent, à terme, son identité gé-
d’un document qui s’adresse à un public non nétique avec des conséquences néfastes, en
spécialiste et dresse un point complet sur particulier sur le plan morphologique, com-
l’hybridation du loup ( MATHIEU 2017a  ). portemental et physiologique. Pour l’ins-
tant ces risques sont purement spéculatifs.
Neuf points à retenir : 8- Pour l’avenir du loup, les persécutions
humaines directes (tirs légaux, braconnage,
1- Loup et chien appartiennent à la même empoisonnement) sont bien plus préoc-
espèce : Canis lupus ; ils partagent 99,8 % cupantes que les hypothétiques effets né-
de leur patrimoine génétique. fastes de l’hybridation.
2- Depuis le début de la domestication (des 9- Il existe deux moyens de lutter efficace-
dizaines de siècles), le loup et sa forme ment et à moindre frais contre l’hybrida-
domestique, le chien, se sont régulière- tion loup/chien  : abaisser drastiquement
ment hybridés. Les documents historiques les effectifs de chiens divagants ou fé-
montrent que le phénomène devait être im- rals et réduire les persécutions humaines
portant et répandu dans toute l’Europe. qui déstructurent les meutes et facilitent
3- Malgré ces innombrables croisements, les accouplements entre les louves et les
le loup a su garder une solide identité gé- chiens.
nétique et les deux génomes, chien et loup,
restent bien différenciés. * En 2018, l’ONCFS et le laboratoire agréé AN-
TAGENE ont publié une synthèse des analyses
4- Aujourd’hui, l’hybridation active loup/ génétiques de loups français. Sur 586 loups diffé-
chien (presque exclusivement louve/chien) rents dont le profil génétique a été analysé entre
existe dans toute l’Europe et, sauf rares 2008 et 2018, tous étaient de la lignée italienne
exceptions, le taux d’hybridation active est sauf deux loups de la lignée d’Europe de l’Est, dé-
faible et s’établit autour de 5% de la popu- couverts en Lozère et possiblement issus de cap-
lation de loups (entre 2 et 10 %). C’est le cas tivité (depuis 2017 et malgré de recherches inten-
sives, ces deux individus restent introuvables).
en France (*).
Parmi les loups de lignée italienne, 3,6 % étaient
5- Des barrières physiologiques et compor- des hybrides de première génération F1 (tous
tementales efficaces séparent le chien du ayant une louve comme mère et un chien comme
loup et permettent à ce dernier d’afficher père) et 7,5  % étaient porteurs d’un gène chien
une remarquable résilience face à un faible plus ancien.
taux d’hybridation active. 88,7  % des loups analysés était des loups stan-
dards non-hybridés. DUCHAMP et QUENEY 2019.
6- L’augmentation générale des densités
humaines et l’accroissement des effectifs
de chiens divagants ou férals dans certaines
régions, en particulier en Italie et dans la
péninsule Ibérique, peuvent entraîner lo-
calement des taux d’hybridation active qui
dépassent les 20%.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 15


Meute de chiens errants au coeur du Parc national des Abruzzes. Ce phénomène des meutes de chiens divaguants, semble
fréquent dans de nombreuses Régions d’Italie et de la péninsule Ibérique avec les conséquences qu’on imagine sur le taux
de métissage loup/chien et sur le niveau de prédation des troupeaux domestiques.
© Roger MATHIEU

Compte tenu de leur extrême proximité géné-


tique4, la distinction entre un loup et un chien
peut s’avérer délicate sur le terrain en parti-
culier concernant certaines races de chien qui
présentent une morphologie très proche de
celle du loup5.
Le loup français présente un pelage à domi-
nante gris beige nuancé de roux et de noir6 et
lors d’une observation in natura (observation
directe, photographie ou vidéo de jour) d’un
loup adulte ou subadulte, quelques critères,
souvent plus marqués en pelage d’hiver, per-
mettent de le distinguer d’un chien ; en voici
quelques-uns.

Image à droite, en haut : Chien-loup de


Saarloos (© Christophe D’ADAMO) et le
même individu de profil, en bas.
Le chien-loup de Saarloos est issu d’un croi-
sement entre un berger allemand et une
louve européenne de la branche sibérienne.
(© Yves BERTRAND).
Pour plus de détails : ICI

4 Les « gènes » du loup et du chien ne diffèrent que pour 0,2 %, alors que ceux de l’Homme et du Chimpanzé
diffèrent pour environ 1 %.
5 Chien-loup tchèque, chien-loup Saarloos, huskie, malamut…
6 À ce jour, aucun loup en pelage mélanique (≠ pelage sombre) n’a été observé en France.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 16


Reconnaitre un loup : quelques éléments phénotypiques
On gardera à l’esprit que certains individus de races canines très proches du loup, comme le chien-
loup tchèque, présentent la quasi-totalité des éléments phénotypiques caractéristiques du loup,
rendant la diagnose diférentielle particulièrement difficile à partir d’une photo ou d’une vidéo
prise sur le vif.

- Sur le profil, la moitié supérieure du dos présente une nuance plus foncée que la partie infé-
rieure ;
- sur la face : présence d’une tache claire sus-orbitale, d’une tache noire sous-orbitale et d’un
masque facial blanc7 qui se caractérise par une tache claire de forme plus ou moins arrondie
sur la joue (tache zygomatique) et une large bande claire qui part du museau et longe la lèvre
supérieure en direction de la tache zygomatique avec laquelle elle peut se fondre ;
- de face, la face antérieure des « épaules » est blanche ;
- les oreilles bordées d’un liseré noir sont plutôt courtes, arrondies et écartées ;
- la queue est assez courte (elle dépasse rarement le talon), avec une tache sombre très visible
sur sa partie médiane supérieure et une extrémité noire ;
- il existe une bande sombre longitudinale sur la partie antérieure des pattes avant.

NB : Cette dernière particularité, contrairement à ce qui est souvent écrit, est retrouvée avec plus
ou moins de fréquence chez les loups européens de la péninsule Ibérique à la Scandinavie en pas-
sant par la Pologne, ainsi que chez les loups qui vivent autour des Grands Lacs en Amérique du
Nord. La fréquence est de 100 % dans la péninsule Ibérique et approche les 100 % en Italie. Cette
bande noire semble très rare, voire inexistante chez les individus présents aux latitudes les plus
extrêmes de l’aire de répartition. Pour plus de détails voir PAPET 2007.

Quelques éléments
­phénotypiques du
­standard « loup »
(ici un individu italien,
en pelage d’été).
Crédit photographique : J.-F.
PONT, Abruzzes 2017,
caméra automatique.

A  : moitié supérieure du
dos plus foncée ; B1 : tache
claire sus-orbitale  ; B2  :
tache sombre sous-orbi-
tale  ; B3  : tache zygoma-
tique  ; C  : face antérieure
des «  épaules  » blanche  ;
D  : liseré noir bordant les
oreilles ; E : bout de la queue
noir ; F : bande sombre sur
les pattes avant.

7 Qui rappelle le masque facial du renard roux (Vulpes vulpes).

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 17


Variation du pelage entre l’été et l’hiver
Sous nos latitudes, le pelage des loups varie, parfois de manière importante, entre l’hiver et l’été. Pelage en fin
d’été (en haut) et celui du milieu de l’hiver (en bas). Caméras automatiques, Groupe PP Alpes.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 18


Le Chacal doré (Canis aureus) surpris par une caméra automatique dans le département de la Haute-Savoie en 2018 : une
tête de renard sur un corps de loup... Crédit photographique : Christophe GILLES.

Confusion avec le chacal doré

Dans l’avenir, la confusion sera possible avec le chacal doré (Canis aureus) si la population de
cette espèce se développe dans les Alpes. Voici quelques critères qui peuvent permettre de dis-
tinguer un loup d’un chacal doré :
- la taille du chacal se situe entre celle du renard et celle du loup (pas simple si on ne possède
pas l’échelle…) ;
- il est important de se concentrer sur l’observation de la tête et des pattes : le chacal possède
un museau plus court et plus fin et la tache zygomatique est absente (masque facial beaucoup
plus discret chez le chacal) ; concernant les pattes avant : on ne retrouve pas la bande sombre
longitudinale antérieure (presque toujours présente chez les loups de la lignée italienne et
espagnole)

En résumé :

1/le chacal a « une tête de renard », mais un renard qui aurait de « grandes pattes » de
teinte unie assez claire8 et une queue qui ressemble plus à celle d’un loup qu’à celle d’un
renard…

2/le chacal a une silhouette de loup de petite taille avec… une tête de renard.
Autrement dit : lorsqu’un naturaliste habitué à l’observation des grands carnivores eu-
ropéens hésite entre un loup et un renard, c’est qu’il s’agit probablement d’un chacal
doré…

NB : De face, les chacals dorés arborent le plus souvent sur le poitrail un collier plus sombre évo-
quant la forme de X ou de H mais, attention, le loup gris porte souvent un collier sombre dont la
forme rappelle le collier du chacal.

8 Le renard possède l’extrémité des pattes noire.


Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 19
Loup  : la couleur du pelage ration issue d’un croisement louve/chien, soit la mère est
ne fait pas « l’hybride » une louve et le père un hybride de première génération
louve/chien.

Prérequis : ceux qui ne sont pas familiarisés avec la no- Ainsi deux loups français au pelage atypique ont fait l’ob-
tion d’hybridation et en particulier avec les phénomènes jet d’une recherche génétique : un seul présente une hy-
d’hybridation chez le loup pourront consulter MATHIEU bridation récente, l’autre est considéré comme un loup
2017, L’hybritation du loup (Canis lupus) : un vrai faux standard sans étrangeté génétique décelable.
problème.
NB : En France les taux d’hybridation active du loup sont Plus les recherches génétiques avancent et plus il se
conformes à ce que l’on observe, en moyenne, dans les confirme qu’il n’existe pas de signes phénotypiques per-
autres pays européens : de l’ordre de 10 % dont 3,6 % mettant d’affirmer qu’un individu est un hybride. Toutes
d’hybrides de première génération DUCHAMP QUE- les «  étrangetés  » morphologiques (pelage sombre,
NEY 2019. taches,queueenroulée,ergotsurlespattespostérieures,
Avertissement : Le loup et le chien appartiennent à la ongles dépigmentés...) doivent alerter sur la possibilité
même espèce (Canis lupus). Le chien (Canis lupus familia- d’une hybridation récente, mais seule l’analyse génétique
ris) représente la forme domestiquée du loup gris (Canis permet de trancher.
lupuslupus).Lecroisementd’unloupetd’unchiendevrait Concernant les pelages atypiques (sombres, méla-
donc s’appeler un « métissage » et le descendant de ce niques, tachés...) ou certaines bizarreries morpholo-
croisement un « métis ». giques comme les queues enroulées (clichés 3 et 4), il
La recherche scientifique internationale utilisant le est possible que ces mutations aient existé et se soient
terme général « hybridation » pour désigner le croise- manifestées très discrètement dans les populations ori-
ment entre le loup et le chien et « hybride » le résultat ginelles de loups et qu’elles aient été sélectionnées très
de ce croisement, nous nous conformerons à cet usage. tôt par l’Homme, lors de la domestication du loup, pour
des raisons esthétiques.
Le 13 juin 2019, dans le cadre d’un tir dérogatoire au sta-
tut d’espèce protégée, un loup femelle adulte est abattu En fait, il n’existe pas de consensus scientifique sur l’ori-
près d’un troupeau sur la commune de Saint-Vallier-de- gine de toutes les atypies morphologiques apparaissant
Thiey (Alpes maritimes). Le pelage de cette louve était chez certains loups, chez lesquels on ne retrouve pas
sombre bringé1 (cliché 1). Malgré l’aspect du pelage et la d’hybridation récente génétiquement prouvée. Comme
morphologie particulièrement atypiques, le laboratoire le dit joliment Ferus dans le n° 75 de la Gazette des
agréé ANTAGENE concluait à un loup (Canis lupus lu- Grands prédateurs (mars 2020) à propos du loup au pe-
pus) de la lignée italo-alpine dont le profil génétique ne lage sombre bringé (Saint-Vallier-de-Thiey, 06) : « l’habit
montrait aucun signe d’hybridation récente2. ne fait pas le moine », ni chez l’Homme, ni chez le Loup.
_________________
Le 8 août 2019, dans la vallée du Rhône, près de Valence, 1- On parle d’un pelage bringé lorsque celui-ci est parcouru de
rayures de teinte généralement sombre, comme chez de nom-
sur la commune de Montmeyran (Drôme), un loup
breuses espèces de mammifères africains (Lycaons, hyènes,
est abattu près d’un troupeau, dans le cadre d’un tir de
gnous... et évidemment zèbres) ; cette robe est aussi fré-
défense simple ICI. Il s’agissait d’un mâle adulte au pe-
quente chez les races d’animaux domestiques et en parti-
lage sombre détecté quelques mois auparavant par le
culier chez les chiens.
Groupe PP Alpes (cliché 2). L’analyse génétique effectuée
2- On rappelle qu’avec les meilleures techniques utilisées par
par le laboratoire agréé ANTAGENE, concluait à un loup
les laboratoires spécialisés dans les recherches génétiques
(Canis lupus lupus) de la lignée italo-alpine (Suisse, Italie,
chez le loup (analyse de 22 marqueurs) il n’est pas possible,
France) hybride de seconde génération. En clair, un des
actuellement, de détecter une hybridation au-delà de la
parents de cet individu était déjà un hybride chien/loup
3ème génération.
et il existe deux possibilités : soit le père de l’individu abat-
tu est un loup et sa mère un hybride de première géné-

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 20


1 2

3 4

Cliché 1 : individu au pelage sombre bringé abattu légalement le 13 juin 2019 sur la commune de Saint Vallier-de-Thiey ; à
l’analyse génétique, ce loup ne présentait aucun signe d’hybridation récente. Crédit photo ONCFS SD06. Source : rapport
d’expertise ONCFS N° CD/2019/023 du 20 nov. 2019.

Cliché 2 : loup au pelage sombre abattu lors d’un tir dérogatoire (Tir de défense simple) à Montmeyran (Drôme) le 8 août
2019 et photographié au piège photographique six mois avant sa mort (22 février 2019) à environ 9 km du lieu du tir. L’ana-
lyse génétique concluait à un hybride de seconde génération. Crédit photographique : Groupe PP Alpes.

Cliché 3 : loup à la queue enroulée photographié en 2016 sur le territoire d’une meute suivie par le Groupe PP Alpes ; cet
­individu n’a été capté qu’une seule fois sur ce territoire. Quelques mois après, un individu présentant la même particularité
a été capté par des caméras automatiques du Groupe PP Alpes sur un autre territoire situé à environ 50 km en ligne droite.
S’agissait-il du même individu ? Crédit photographique : Groupe PP Alpes.

Cliché 4 : Loup à la queue enroulée (Alpes, cam. autom.) ; ici seul, mais intégré à une meute suivie par le Groupe PP. Rien ne
permet d’affirmer que cet individu est un loup hybride. Seule l’analyse génétique permettrait de trancher.
Les queues enroulées peuvent se dérouler en fonction de l’humeur de l’animal ou de son état de fatigue. À propos du même
individu que le loup présenté sur la photo, le déroulement de son appendice a pu être filmé par le même pisteur du Groupe
PP Alpes (cam. autom.).Voir la vidéo ICI.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 21


Éléments biométriques concernant le loup du sud de
l’Europe de l’Ouest (Péninsule Ibérique, Italie et France)
- Poids des individus adultes : moyenne entre 25 et 35 kg avec léger dimorphisme sexuel en
faveur des mâles9.
- Hauteur moyenne au garrot entre 60 et 70 cm avec, là aussi, un léger dimorphisme en faveur
des mâles.

Est-ce que le loup aboie ?

Les loups sont capables de produire de nombreuses émissions vocales qui ont (probablement)
toutes une fonction sociale. Tout le monde connait les hurlements émis par les loups pour in-
diquer leur position, entretenir le lien social, délimiter leur territoire... Au sein de la meute, de
nombreuses émissions vocales (grognements, gémissements, toussotements...) permettent de
communiquer entre individus (soumission, domination, alerte...).

Les loups sont aussi capables d’aboyer. Cette manifestation vocale est rare et bien peu d’obser-
vateurs l’ont perçue dans la nature. Les loups aboient, en particulier, en cas de stress important
lors d’interactions avec l’Homme (alarme, expression d’une forte angoisse, défense...) ; voir à ce
sujet une vidéo russe < https://www.youtube.com/watch?v=J4A0vYkv-oE > qui présente des
opérations de sauvetage de prédateurs piégés, victimes de braconnage (Glouton, lynx, mais aussi
un loup à partir de 2 minutes).
On peut se contenter de visionner un extrait de cette vidéo ICI.
Les loups peuvent aussi aboyer pour défendre leurs petits ou leur territoire.

Georges ÉROME, en traversant une lande à bruyères arborescente a déclenché les jappements
d’un loup surpris (in litt.). Une garde du Parc national des Abruzzes (Italie) a entendu des loups
aboyer, face à un ours, dans le cadre d’une compétition interspécifique pour s’emparer (ou conser-
ver) une proie morte (M. Mastrella, comm. pers.).

Il est probable que l’aboiement, rare chez le loup, ait été sélectionné lors de la domestication.
L’alerte donnée par l’aboiement des chiens à l’approche d’un individu étranger ou d’un prédateur
ainsi que la localisation, à l’oreille, d’un chien qui poursuit une proie, ont dû constituer, pour le
clan qui possédait un tel animal, un avantage particulièrement apprécié.

Les jeunes loups jappent (aboient) et il est aussi possible que la domestication ait conservé ce
caractère juvénile ; on parle de caractère néoténique.

9 Dans la péninsule Ibérique on cite des poids exceptionnels autour de 50 kg. Par exemple, un loup (C. l.
signatus) tué par un véhicule sur une route dans la province de Valladolid en 2002, pesait 47 kg., donnée
documentée (IGLESIAS IZQUIERDO et al. 2017). Selon un garde de la Réserve de la Culebra (Castilla y Léon,
Espagne) un loup tué légalement (date ?) pesait 54 kg (EROME in litt.). Mieux : dans les années 1980, le chef
des gardes de la même réserve prétendait avoir tué un loup de 62,5 kg (avec ou sans contenu stomacal ?), in
LANDRY 2017. Les loups du nord de l’Europe et de l’Est peuvent atteindre (dépasser...) les 70 kg (par exemple
ICI en Pologne, une donnée documentée).

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 22



Biologie

© Groupe PP Alpes
Quelques repères biologiques concernant les
populations de loups du sud de l’Europe de l’Ouest

La meute : composition et dynamique

Schématiquement, et sauf exception (intégration possible d’un individu « étranger »), les élé-
ments de la meute sont apparentés, dirigés par le couple reproducteur et composés des jeunes
de l’année (année n) et de quelques frères et/ou sœurs de n+1, voire n+2, qui n’ont pas encore
quitté la famille, restent célibataires et participent à l’élevage des jeunes (on peut parler d’une
structure du type « famille nucléaire »10).

Mis à part le couple reproducteur, l’âge des autres membres de la meute est généralement in-
férieur à 3 ans. Dans l’aire de distribution actuelle, il est probable que cette structure familiale
nucléaire concerne la majorité des populations de loups gris (voir à ce sujet l’encart : Organisa-
tion sociale des loups : gare aux certitudes, p. 30).

Les loups vivent en meute structurée sur un territoire exclusif11 dont les limites sont défendues
contre l’intrusion d’individus « étrangers » ; voilà pour la théorie.

À partir de cette règle générale et comme très souvent chez le loup, les choses pourraient être,
en réalité, beaucoup plus compliquées. De nombreux naturalistes de terrain se posent des
questions sur le caractère « exclusif » du territoire des meutes et les suivis télémétriques12 (en
particulier aux États-Unis) semblent indiquer que les territoires ne sont pas si « étanches »
que ce que l’on imaginait ; que les chevauchements entre meutes contiguës ne sont pas excep-
tionnels et que certaines meutes n’hésitent pas à utiliser des territoires entiers de meutes plus
faibles pour profiter de certaines opportunités alimentaires.

Une meute peut annexer un territoire voisin occupé par une meute plus faible et en chasser
les occupants. Cette annexion peut se faire avec abandon du territoire d’origine moins favo-
rable (déplacement) ou avec conservation partielle ou totale du territoire d’origine (agrandis-
sement)...

La composition des meutes, leur taille et la taille des territoires varient en fonction de la densité
des meutes voisines, de la taille et de la vulnérabilité des proies et de l’intensité des persécu-
tions humaines.

10 En sociologie de la famille humaine, la famille nucléaire est réduite à un couple d’adultes vivant avec ses
enfants non mariés.
11 Cette règle comporte des exceptions avec des zones de chevauchement, généralement réduites, entre
meutes contiguës.
12 Terme générique qui, appliqué à la faune sauvage, désigne les méthodes de suivi des individus à distance.
Pour le loup, on utilise essentiellement un collier GPS posé sur l’animal qui, en lien avec les satellites, permet de
localiser l’animal et d’obtenir un tracé précis de ses déplacements.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 24
Faute de suivi des loups par collier GPS, il n’est pas possible de proposer une taille moyenne du
territoire occupé par une meute vivant dans les Alpes ou les Préalpes françaises.
En se basant sur les publications italiennes ou espagnoles13 et en intégrant les observations de
ceux qui suivent des meutes par caméras automatiques (Groupe PP Alpes en particulier), on
peut estimer que la taille moyenne du territoire d’une meute est de l’ordre de 100 à 150 km2. On
gardera à l’esprit que cette surface moyenne n’est qu’un guide susceptible de varier fortement
en fonction des conditions locales (cf. paragraphes précédents).

Pour l’Europe de l’ouest, on estime que la distance moyenne entre 2 cœurs de meutes
contigües se situe entre 11 et 15 km (APOLLINIO et al. 2004, CAPITANI et al. 2006, MYSLAJEK
et al. 2018).
Pour l’Europe de l’Ouest, on estime que la distance moyenne entre les cœurs de deux meutes
contigües se situe entre 11 et 15 km (APOLLINIO et al. 2004, CAPITANI et al. 2006, MYSLAJEK
et al. 2018).

La taille des meutes (tous les âges confondus) varie fortement au cours d’un cycle annuel. Les
effectifs atteignent un maximum après la mise-bas (deuxième ou troisième décade de mai).
Avec la disparition naturelle de certains louveteaux dans les premières semaines (phénomène
normal14), les effectifs vont commencer à décliner. À cette mortalité des louveteaux va se ra-
jouter, au fil des semaines, la mortalité naturelle des autres membres du clan familial (taux de
mortalité beaucoup plus faible) ainsi que la dispersion des subadultes/adultes qui vont quitter
le groupe familial (conflits intraclaniques, concurrence alimentaire...).
Ce phénomène de contraction régulière de l’effectif qui résulte essentiellement de l’adaptation
naturelle d’une meute aux ressources du territoire occupé, va se poursuivre jusqu’à la fin du
cycle reproductif de l’année pour aboutir, en avril/début mai, à un effectif identique ou très
proche de celui qui existait une année auparavant (pulsation clanique).

Ainsi, pour une même meute, la taille en fin d’hiver (avant la reproduction suivante),
ne varie guère au fil des années. Ce schéma s’entend, évidemment, sans braconnage ou
abattage légal.

La cohésion des meutes dans les déplacements et les opérations de chasse est loin d’être une
constante. Il ne semble pas exister de règles et si les regroupements de tous les individus qui
composent le clan peuvent être observés lors des premiers grands déplacements des louve-
teaux à l’automne, en dehors de ces séquences familiales plutôt rares, on pourrait résumer la
situation en disant que lors des déplacements « chaque loup fait ce qu’il veut » au grès de ses
humeurs, de ses affinités vis à vis de tel ou tel autre membre de la meute et du niveau de per-
sécution15 . Le suivi par pièges photographiques montre que chez-nous, dans 90 % des cas, les
loups se déplacent seuls ou à deux (cf. Périodes d’activité, p. 41).

13 En Italie (Italie centrale), les densités peuvent être plus fortes avec 1,21 +/- O,27 meute pour 100 km2 (avec
une moyenne de 3 à 4 loups, hors louveteaux, par meute) – MATTIOLI 2018. Dans la péninsule Ibérique la
surface occupée par une meute varie de 40 km2 (Sierra de la Culebra, province de Zamora) à 400 km2 avec une
moyenne de 100 à 200 km2 (IGLESIAS IZQUIERDO et al. 2017).
14 Les biologistes admettent que 40 % des louveteaux ne survivront pas à la première année.
15 La cohésion des meutes en déplacement semble plus solide dans les vastes territoires protégés où la pres-
sion anthropique est faible et ou la réussite des opérations de chasse des proies de grande taille dépend du
nombre de « chasseurs » engagés (Certains Parcs ou Réserves d’Amérique du nord).

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 25


En dehors des phases de déplacements et/ou de chasse, il est probable que le clan possède des
sites de regroupement diurne (SRD), connus de tous les membres de la meute et situés dans
des zones particulièrement tranquilles où la pression humaine reste très faible et où tous les
membres de la meute peuvent se reposer et entretenir la cohésion du groupe. Seul le suivi té-
lémétrique pourrait permettre, avec l’aide de jumelles thermiques, de vérifier cette hypothèse
et d’essayer de caractériser ces sites de regroupement diurnes16 et leurs modalités d’utilisation.

Composition d’une population de loups


Une population de loups comprend généralement :

1- les individus insérés au sein d’une meute (clan généralement familial),


2- les loups en dispersion qui ont quitté le clan, volontairement ou contraints, et qui cherchent
à s’installer dans un secteur favorable vacant pour créer une nouvelle famille ou qui tentent de
se faire adopter par une meute existante,
3- les individus « satellites » (très dominés ?) et qui essaient de vivre en bordure du territoire
de la meute dont ils sont issus (un loup « satellite » peut devenir un loup « disperseur » voire
réintégrer, momentanément ou plus longuement, son clan familial...).
Les loups de la catégorie 2 et 3 pourraient constituer jusqu’à 30 % de la population lupine pré-
sente sur une région (IGLESIAS IZQUIERDO et al. 2017).

16 Certains naturalistes, en se basant sur leurs observations et celles qui sont rapportées par d’autres obser-
vateurs ou de simples randonneurs, pensent que ces SRD se situent préférentiellement dans des milieux très
ouverts permettant de surveiller un large territoire et, en hiver, sur des versants sud plus chauds.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 26


Quelle est taille des meutes dans le sud de l’Europe de l’Ouest et en France
plus particulièrement ?

En France, le nombre moyen d’individus qui composent une meute n’a jamais fait l’objet de re-
cherche. Il est probable que le résultat soit cohérent avec celui des chercheurs italiens et espagnols
(par exemple, MATTIOLI 2018 et IZQUIERDO 2017) ; les premiers résultats issus des suivis par
caméras automatiques du Groupe PP Alpes (p. 29) vont dans ce sens.

De la méthode

En France en l’absence de suivi des loups par télémétrie, l’exercice se pratique essentiellement
à l’aide de caméras automatiques (pièges photographiques) et par la lecture des traces dans la
neige (pistage).

Ni le suivi des meutes par caméras automatiques, ni le suivi des traces n’auront la précision et
la fiabilité d’un suivi par télémétrie, complété par l’utilisation de caméras thermiques.
Caméras automatiques et pistage sont deux méthodes utilisées en France, « par défaut ».
NB : dans ce qui suit, sauf précision contraire, nous ne parlerons que du suivi par caméras auto-
matiques.

Les 5 points qui compliquent l’exercice 


- Dans 90 % des cas, les loups qui composent une meute, se déplacent seuls où à deux ;
- à partir du mois de novembre/décembre il devient difficile de différencier un jeune de l’année
(louveteau) d’un subadulte ;
- sauf très rares exceptions (blessure, anomalie morphologique, problème dermatologique...),
rien ne ressemble plus à un loup qu’un autre loup (la différenciation individuelle reste très
difficile, voire impossible) ;
- les persécutions humaines qui se multiplient et éliminent légalement ou illégalement des
individus, modifient artificiellement la taille des meutes ;
- la taille des meutes varie naturellement au cours de l’année et particulièrement entre les
mois d’octobre et mars, période durant laquelle certains membres vont quitter le clan familial
(librement ou contraints) pour « disperser » ou « flotter » en périphérie du territoire ; d’autres
vont mourir.

Qu’entend-t-on par « effectif d’une meute » ?


Voilà bien là le problème s’agissant d’un groupe dont l’effectif varie tout au long de l’année.
Quel moment choisir pour fixer l’effectif de la meute ? En été où les effectifs sont les plus éle-
vés ? Juste avant la mise-bas où les effectifs sont les plus bas ? Entre les deux ? Sur ces choix,
il n’existe aucun consensus. L’idéal, s’il existe un « idéal » dans cet exercice très difficile, serait
de compter TOUS les individus qui composent la meute avant la période de la mise bas (après
la deuxième vague de dispersion qui se situe classiquement en février et mars – cf. note de bas
de page n°37). À cette période, sauf exception17, l’effectifs de la meute varie peu d’une année
à l’autre. Malheureusement, au début du printemps, il est rare que les déplacements s’effec-
tuent « en meute » ce qui rend très hasardeux le contrôle des effectifs de la meute par caméra
automatique.

17 Braconnage, tir légal, mortalité naturelle exceptionnelle...

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 27


Propositions

La fin des Zones de rendez-vous18 (fin septembre/octobre) inaugure l’époque où les individus
(adultes et subadultes) qui composent la meute auront tendance à se grouper pour accom-
pagner les louveteaux dans leurs premiers grands déplacements de reconnaissance et leurs
premières expériences de chasse. Ces épisodes de déplacements groupés peuvent se prolonger
avec plus ou moins de régularité jusqu’au milieu de l’hiver.

S’agissant du suivi par caméras automatiques, pour des raisons pratiques et par conven-
tion, nous proposons d’évaluer la taille et la composition des meutes entre les mois d’oc-
tobre et décembre (meilleure période pour les regroupements au sein du clan en dépla-
cement et distinction jeunes de l’année et adultes/subadultes assez aisée).
L’évaluation devra toujours préciser si elle comprend ou non les louveteaux de l’année.
Ne pas fournir cette précision n’a pas de sens.

L’emploi des caméras automatiques pour suivre les meutes de loups (territoire, effectifs, repro-
duction...) est un exercice très chronophage qui nécessite de la patience, beaucoup de technici-
té, de l’expérience, de la rigueur, une solide connaissance du terrain et de la biologie des loups ;
sans oublier le facteur chance qui donnera le petit coup de pouce nécessaire à la réussite de
l’entreprise. Le dispositif devra comporter un nombre suffisant de caméras avec un minimum
minimorum de 5 appareils par meute suivie.

En attendant un futur consensus concernant la manière d’évaluer l’effectif d’une meute, les
données publiées devraient toujours s’accompagner d’un bref exposé sur la méthode ayant
servi à bâtir le résultat.

La taille des meutes en Italie et Espagne ?

En Italie, les résultats publiés (en particulier MATTIOLI 2018) donnent une moyenne de 3 à
4 individus19 (hors louveteaux) pour une meute20 . En Espagne, dans leur monographie sur C. l.
signatus, IGLESIAS IZQUIERDO et al. (2017) indiquent qu’en moyenne les meutes sont consti-
tuées de 3 à 6 individus adultes et subadultes21 . Dans la Réserve de la Sierra de la Culebra, en Es-
pagne (Région de Castilla y Léon), sur 10 meutes suivies en 1980, la taille moyenne des meutes
était de 4,7 avec un écart-type de 1,3 (GRANDE del BRIO 2005)22

En résumé, les meutes moyennes hors louveteaux, en Italie et en Espagne, comprennent


entre 3 et 6 individus  (le couple reproducteur accompagné de 1 à 4 subadultes/adultes).

18 Les ZRV sont des espaces de quelques hectares où les louveteaux vont être fixés durant quelques jours ou
quelques semaines pour être facilement retrouvés et alimentés par les autres membres de la meute.
19 La taille moyenne des meutes variait de 3,40 (été 2014, hors louveteaux et loups solitaires) à 4,17 (fin de
l’hiver-printemps 2015, à l’exclusion des loups solitaires).
20 Le Parc européen, Alpi marittimi/Mercantour, donne pour les Alpes 4 individus en moyenne par meute, avec
un maximum de 8.
21 Avec des maximums (rares) à 12 ou 13 adultes/subadultes, comme en 2018, dans la Réserve de la Culebra
(Castilla y Léon), une meute avec 12 adultes/subadultes accompagnée de 6 louveteaux (Georges EROME, in
litt.).
22 On est surpris de constater que la plupart des auteurs précisent rarement, ni leur définition de la meute, ni
la période de référence de l’année durant laquelle ils fixent l’effectif.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 28


Taille des meutes et nombre de louveteaux en France ?

Matériel et méthode
Le Groupe PP Alpes fournit les résultats pour 8 meutes différentes et 27 reproductions sur les
Alpes et Préalpes françaises (tableau commenté, p. 33) ; ces résultats ont été obtenus grâce à
un réseau de caméras automatiques.
Selon les commentaires des 7 observateurs qui ont pu fournir des données, une meute (M1) a
subi un très haut niveau de persécution (braconnage23 et abattages officiels), particulièrement
entre 2007 et 201224 . Une autre meute (M8) fait l’objet d’un braconnage récurrent depuis 2015,
particulièrement intense en 2019 (disparitions inexpliquées d’un nombre important de louve-
teaux et/ou d’adultes/subadultes). La meute M4 fait aussi l’objet d’actes de braconnage dont
un très sévère en 2017 (disparition de la meute et informateur local donnant des détails sur le
type de braconnage...). L’absence de reproduction pour M5 en 2018 pourrait bien être la consé-
quence d’un acte de braconnage (élimination d’un ou deux reproducteurs,
voire destruction de la portée).

Ainsi, 50 % des 8 meutes suivies par le Groupe PP Alpes, essentiellement entre 2015 et 2019,
ont fait l’objet d’une élimination partielle ou totale par braconnage, très souvent récurrent,
sur plusieurs années. Malgré le doute qui existe quant à l’effectivité des actes de braconnage
perpétrés sur ces meutes, le niveau de probabilité est très élevé.
Deux meutes ont fait l’objet de tirs dérogatoires létaux et pour une de ces meutes, les tirs se
sont répétés sur plusieurs années.

Résultats pour les Alpes françaises


Avertissement : compte tenu de la méthode utilisée, le nombre moyen de louveteaux par meute
reproductrice tiré des données du Groupe PP Alpes ne constitue pas « la taille des portées à la nais-
sance ».
- Taille moyenne des meutes (hors louveteaux de l’année) : 3,3 - intervalle de confiance = 2,9 à 3,7
(N= 27) ; maximum : 6 individus.
- Nombre de louveteaux : Médiane = 5 ; Moyenne 4,9 - Intervalle de confiance = 4,3 – 5,4 (N=28) ;
maximum : 8 louveteaux.

En clair :
- l’effectif moyen (hors louveteaux) des meutes se situe entre 3 et 4 individus (le couple
reproducteur + 1 ou 2 adultes/subadultes).
- Le nombre moyen de louveteaux (entre août et décembre) est de 4 à 5.
Malgré les réserves liées à la relative faiblesse de l’échantillon et à la méthode de recueil
des données, ces chiffres sont conformes aux résultats publiés en Espagne et en Italie.
À noter : deux doubles reproductions sur 28 reproductions suivies (8 meutes diffé-
rentes) entre 2015 et 2019.

23 Le plus souvent, il est impossible d’affirmer qu’une meute a été victime de braconnage. Sur les meutes bien
suivies, le phénomène se manifeste par des disparitions anormales et souvent importante de louveteaux et/ou
d’adultes/subadultes ; voire la disparition de la meute entière ou l’absence de reproduction.
24 Années pour lesquelles les chiffres récoltés n’ont pu être retenus.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 29


Organisation sociale des loups : gare aux certitudes

La naturaliste et écrivaine allemande RADINGER1 a passé une grande partie de son temps, durant
vingt-cinq années, à observer les loups libres aux États-Unis, dans le Parc national de Yellowstone
qui couvre une superficie de la taille de la Corse (8991 km2). Dans son ouvrage publié en 2018 (La sa-
gesse des loups), elle met à mal la théorie classique qui établit que dans une meute, seule la femelle
« alpha » a « le droit » de se reproduire. Elle écrit « Environ un quart de tous les loups de Yellowstone
s’accouplent également avec d’autres partenaires, avec pour conséquence que plusieurs louves d’une
même famille font des petits qu’elles élèvent en partie ensemble  ». Le père de ces portées peut
être le mâle alpha, un autre mâle du clan de rang inférieur, voire un mâle « étranger » qui intègre
temporairement2 la meute pour participer à la reproduction...
Les loups étant protégés sur la totalité de l’aire du Parc national, la référence au haut degré de persé-
cution anthropique pour expliquer les reproductions multiples au sein d’une même meute tombe...
NB : ce propos est à nuancer car les meutes qui vivent en bordure du Yellowstone sont intensément
chassées et/ou braconnées lorsqu’elles franchissent, les limites du Parc, surtout en hiver.

Et ce n’est pas tout. Toujours au Yellowstone, les biologistes qui observent très souvent les loups
en plein jour, décrivent des meutes importantes qui comptent majoritairement, en début d’hi-
ver, plus de 10 individus (En 2019, 7 meutes étaient reproductrices avec, à la fin de l’automne, une
moyenne de 12 loups par meute composée pour moitié de louveteaux ; on peut raisonnablement
penser que ces chiffres sont plus élevés au début de la saison automnale). Des records ont été
atteints certaines années avec des meutes d’une trentaine d’individus (une meute composée de
37 loups dans la Lamar Valley, RADINGER 2018). La théorie, classique ici aussi, est que la taille des
meutes varierait dans le même sens que la ressource alimentaire. Au Yellowstone les ongulés sau-
vages sont abondants, donc les meutes sont grandes. Trop simple et pas si sûr...

Dans le sud de l’Europe de l’Ouest3 (Italie, péninsule Ibérique, France) les meutes (tous âges confon-
dus), en début d’automne, dépassent rarement les 8 individus (1 tiers de moins que la moyenne des
meutes du Yellowstone à la même saison) et il est très rare d’observer des meutes de plus de 12/13
individus en début d’automne au moment où le nombre de loups composant la meute est à son
maximum.
Le biologiste Nathan RANC (comm. pers.), spécialiste de la Grande faune, qui connait à la fois
le Yellowstone et les territoires français et italiens où vivent les loups, indique que la biomasse
des ongulés est globalement assez faible dans le célèbre parc américain4. Plus faible, en tous les
cas, que la biomasse des ongulés observés dans les vastes territoires européens protégés et sans
chasse, comme le Parc national des Abruzzes en Italie.
Quand bien même, si par rapport au Yellowstone, les ressources alimentaires étaient moins abon-
dantes dans les zones où vivent les loups en Europe, pourquoi un territoire européen qui nourrit
deux meutes contiguës de 5 loups, ne pourrait pas nourrir sur la même surface, une seule meute
composée de 10 loups ?

La réponse pourrait être fournie par un élément qui diffère fondamentalement entre l’immense
Yellowstone et la quasi-intégralité de l’aire de répartition européenne du loup  : la pression hu-
maine et le niveau de persécution anthropique. Au Yellowstone, la pression des activités humaines
reste globalement faible et l’espèce, tant qu’elle ne sort pas des limites du Parc, est strictement
protégée.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 30


Ailleurs, sur la quasi-totalité de leur aire de répartition, pour pouvoir réussir à vivre, les loups ont
dû s’adapter à l’omniprésence des hommes, à leurs activités envahissantes et à leur acharnement
à vouloir les éliminer par tous les moyens : chasse, braconnage ou poison.
Dans un milieu hostile, les petits groupes ont généralement plus de chance de survivre que les
grands. Pendant longtemps les biologistes ont observé les loups en enclos et ont cru pouvoir éta-
blir le comportement type de l’espèce. Tout n’était pas faux mais un grand nombre d’idées émises
étaient inexactes5, faussées par les contraintes imposées aux loups par la captivité.
Aujourd’hui les biologistes n’ont généralement pas d’autre choix que d’étudier les loups en terri-
toire anthropisé.

Il s’agirait de ne pas reproduire l’erreur de nos prédécesseurs et prétendre que ce que l’on observe
sur plus de 90 % de l’aire occupée par les loups, sur l’ensemble du globe, constitue le mode de vie
standard de l’espèce. Ce serait comme prétendre décrire la société des Homo sapiens en les étu-
diant uniquement au sein des mégalopoles...
Il est possible que la tendance naturelle des loups est de mener une vie diurne, organisée en grand
clan familial dirigé par un couple leader et au sein duquel la reproduction des femelles matures
est libre.

Des clans qui peuvent intégrer des individus non-apparentés provenant d’autres clans, au gré des
rencontres fortuites, des périodes de chaleur des femelles, des accidents de la vie... Cette struc-
ture clanique de type « famille élargie »6 que l’on observe dans les derniers vastes territoires très
peu ou pas anthropisés, s’oppose à la structure de type « famille nucléaire » qui semble constituer
une adaptation de l’organisation sociale des loups, contraints de vivre (presque) partout dans des
milieux fortement anthropisés et globalement hostiles.

Pour vivre au sein des populations humaines, les loups s’organisent en petits groupes familiaux
actifs essentiellement la nuit. La fonction reproductrice est confiée, dans la majorité des cas, à la
femelle « alpha » soit par défaut d’autres femelles matures au sein de la meute, soit par des phé-
nomènes d’inhibition, très mal connus, des autres femelles qui ont l’âge de se reproduire.

Une autre hypothèse soulevée par G. ÉROME (comm. pers.) pourrait expliquer, au moins en partie,
la taille importante des meutes et la fréquence des reproductions multiples au Yellowstone. Ces
deux particularités donneraient aux loups du Yellowstone un avantage sélectif en leur permettant
de s’attaquer avec succès à des proies de plus de 300 kg (Wapitis) et pouvant atteindre la tonne 

Enfin (et pourquoi pas ?) : la présence de très vastes milieux ouverts vallonnés offre aux loups du
Yellowstone la possibilité de chasser les ongulés en utilisant les longues courses-poursuites qui
épuisent la proie. En Europe les milieux de chasse, souvent plus fermés et/ ou accidentés favo-
risent l’embuscade et les attaques surprises sur de courtes distances. Dans le premier cas, le grand
nombre de poursuivants permet de se relayer en gardant une vitesse constante pour réussir avec
le maximum de chance à épuiser la proie. Dans le second cas, le nombre de loups n’apporte pas
d’avantage évident... Peut-être même, au contraire.

Alors quelles sont les bonnes hypothèses  ? Comment se combinent-elles  ? N’y-en-a-t-il pas
d’autres ? C’est toujours pareil avec les loups : gare aux certitudes...

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 31


________________
1- RADINGER 2018.
2- De quelques jours à plusieurs mois (BOITANI et MECH 2003 ; RADINGER 2018).
3- Qui comprend aussi des parcs nationaux et réserves sans chasse, mais de superficie beaucoup plus
faible. Par exemple le Yellowstone est 7 fois plus grand que la plus grande zone protégée sans chasse
d’Europe occidentale située dans les Alpes (zone cœur du Parc de la Vanoise couplée au Parc national
italien du Grand Paradis).
4- Probablement pour des raisons climatiques.
5- La structure essentiellement familiale de la meute était inconnue avant les travaux de biologistes,
comme MECH, qui sont sortis des zoos pour étudier les meutes libres.
6- En sociologie familiale humaine, ce type de famille aussi appelé famille étendue est un ensemble de
plusieurs individus d’une même famille mais de degrés différents et vivant dans le même foyer (couple
fondateur, oncles/tantes avec ou sans enfants...).

Reproduction
Rut et mise bas
Le rut a lieu en février-mars et dans les Alpes et Préalpes françaises, la période de mise bas se situe-
rait plutôt dans la seconde quinzaine de mai (15-25 mai25) ; la gestation est de deux mois.
L’unique portée annuelle26 comporte (à la naissance27 ?) en moyenne 5 louveteaux28.

La femelle et le mâle dominants forment le couple reproducteur de la meute (appelé communément :


couple « alpha »). Pour des questions probablement liées à la structure pyramidale de la meute et aux
conséquences physiologiques induites par les relations dominants/dominés au sein du clan familial,
seule la femelle « alpha » est (généralement) en capacité de se reproduire.

Cette règle de la reproduction unique comporte des exceptions plus ou moins fréquentes et le facteur
déclenchant souvent évoqué est un phénomène compensatoire lié à un haut niveau de persécution
anthropique. En Biélorussie où la persécution des loups est massive et très ancienne, les doubles
reproductions (voire les reproductions triples…) au sein d’une même meute sont fréquentes (SIDO-
ROVICH et ROTENKO 2018).

25 Malgré un consensus au sein du Groupe PP Alpes, ces dates sont à prendre avec précaution compte tenu de
la faiblesse de l’échantillon (N de l’ordre d’une quinzaine de données).
26 La louve ne peut se reproduire qu’une seule fois par an à la différence de la chienne qui est en chaleur deux
fois par an.
27 Seule une visite précoce à la tanière permet de connaitre le nombre de louveteaux « à la naissance ». En
l’absence de suivi télémétrique, cette pratique est très peu (exceptionnellement) utilisée sur les territoires où
vivent italicus et signatus. Les chiffres avancés par les auteurs italiens ou espagnols représentent, au mieux, le
nombre de louveteaux lorsqu’ils se font repérer en se déplaçant et en jouant aux alentours de la tanière ; des
chiffres probablement légèrement inférieurs à la taille de la portée au moment de la naissance.
28 Exceptionnellement, des portées de 11 auraient été décrites comme en Castille-et-Léon en Espagne dans
des plaines céréalières (IGLESIAS IZQUIERDO A. et al. 2017) ; encore faut-il être certain qu’il ne s’agisse pas de
reproductions multiples.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 32


Si les reproductions multiples au sein d’une même meute sont favorisées par des niveaux de persé-
cution élevés, le phénomène peut aussi apparaître naturellement sans que l’on puisse identifier le
facteur déclenchant.

En France (où les cas de reproduction multiple semblent rares, voire exceptionnels), une double re-
production (4 + 4) a été observée29 (Groupe PP Alpes, 2018), sur une meute qui vit sur un territoire
où le niveau des persécutions anthropiques reste faible et où les ressources trophiques (ongulés
sauvages) sont bonnes.

Effectifs des meutes et nombre de l­ou-


veteaux pour 8 meutes suivies dans les
Alpes et Préalpes française par le Groupe
PP Alpes (N= 27 cycles annuels essentielle-
ment de 2015 à 2020).

Quatre meutes ont très probablement fait,


et font généralement encore, l’objet de
braconnage. Des tirs dérogatoires létaux
ont touché 2 des 8 meutes suivies. Lorsque
l’intensité de la persécution paraissait im-
portante (disparition brutale, importante
et inexpliqué de plusieurs individus allant
jusqu’à la quasi-disparition de la meute...),
les données de l’année n’ont pas été retenues
et ne figurent pas dans ce tableau. Pour le
nombre de louveteaux, tout en privilégiant
les données récoltées en octobre/novembre,
nous avons retenu, lorsque nous l’avions, le
chiffre maximum relevé de juillet à septembre
inclus. Pour les effectifs de la meute, hors lou-
veteaux, lorsque nous ne possédions pas les
chiffres recueillis en octobre/novembre, nous
avons intégré l’effectif maximum observé au
cours du cycle annuel.

29 Observer plusieurs femelles allaitantes au sein d’une même meute ne permettrait pas, selon certains, d’af-
firmer qu’il y a une reproduction multiple. Au sein d’une meute, certaines femelles non reproductrices (fille de
la femelle « alpha » par exemple) pourraient rentrer en lactation après la mise-bas de la mère. Ce phénomène
(lactation de pseudo-gestation) existe chez la chienne (85 % des chiennes non stérilisées font une lactation de
pseudo-gestation au moins deux fois dans leur vie). Chez la louve, le phénomène reste très peu documenté.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 33


Couple alpha reproducteur en Août (pelage d’été) ; la femelle à gauche avec les mamelles visibles et
le mâle à droite. Notez la différence d’encolure... Crédit photographique : Groupe PP Alpes.

Alors « alpha » ou pas « alpha » ?


Un peu d’histoire simplifiée

Les premiers biologistes qui ont étudié le fonctionnement des meutes de loups sont allés au plus
simple  : ils ont observé les groupes de loups en enclos... Comme pour le fonctionnement des
groupes humains que l’on prétendrait étudier en observant ce qui se passe en milieu carcéral, les
biologistes ont montré qu’il existait, chez les loups captifs, une hiérarchie pyramidale avec, au
sommet, un chef intraitable et sans pitié, entouré « d’hommes de main » serviles tandis qu’au bas
de l’échelle, les dominés n’ont pas d’autre choix que d’obéir et de servir le chef. Les images tournées
en enclos venaient corroborer cette théorie avec des scènes de violence fréquentes, le triomphe
des individus de haut rang et l’humiliation des sujets qui se situaient tout au bas de l’échelle. Les
biologistes (principalement David MECH) ont décidé « qu’ainsi vivaient les loups » et baptisé le
couple dominant, le couple « alpha » ; nous étions dans les années 1970.

Puis est venu le temps de l’étude des loups libres et le même David MECH s’est aperçu que dans la
nature les meutes étaient en fait des groupes familiaux, avec un couple reproducteur accompagné
par ses enfants de l’année (année n) et les quelques enfants de l’année n+1 (voire n+2) qui n’avaient
pas encore quitté le clan.

S’il existe, comme toujours chez les loups, des exceptions à cette règle, les leaders de la meute
n’étaient plus des chefs de bande autoritaires et violents, mais des parents (« papa loup » et « ma-
man loup » comme MECH les appelle).

En résumé, pour les loups, comme pour les hommes, lorsqu’ils sont enfermés et privés de liberté,
l’unité élémentaire est une structure très hiérarchisée et dirigée par un « caïd » tout puissant : c’est
la bande. En liberté tout change : la base de l’organisation sociale, que ce soit pour les loups ou les
hommes, est le groupe familial dirigé par les parents. Encore une similitude troublante entre les
loups et les hommes.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 34


Dans la nature, les leaders des meutes ne sont généralement pas des individus agressifs et sangui-
naires. Il s’agit, le plus souvent, de parents attentifs et responsables, chargés d’assurer l’harmonie,
la cohésion, la sécurité et la bonne santé de la famille. S’ils se montrent parfois menaçants vis à
vis des autres membres du clan familial, ils sont très rarement violents1 et agissent toujours dans
l’intérêt du groupe. S’ils dominent le reste de la meute, ils le font en « bon père de famille ». La
discipline par la violence ou à l’autre extrême, le désordre par le laisser-faire, sauf circonstances
exceptionnelles, n’ont pas cours dans les meutes de loups.

Attention toutefois à ne pas passer d’une vision d’épouvante « de la bête féroce » à celle, tout aussi
fausse, de la créature charmante, pleine de compassion et adepte de la non-violence. En matière de
comportement et de vie sociale, il existe chez le Loup, comme chez l’Homme le pire et le meilleur.

Depuis que les biologistes peuvent suivre, 24 heures sur 24, de nombreux individus équipés de
colliers GPS vivant au sein d’une meute, comme par exemple dans le Parc national du Yellows-
tone (États-Unis), on sait qu’au sein d’un clan familial, peuvent survenir de violents conflits, des
brimades particulièrement sévères, des rancœurs sourdes et des règlements de compte pouvant
aller jusqu’au meurtre (RANC comm. or.). Les loups ne sont ni des démons, ni des anges ; les hu-
mains non plus.
NB : Au-delà de la boutade, introduire de la morale (science du bien et du mal) dans le monde ani-
mal non-humain n’a pas de sens.

Aujourd’hui, l’affaire est entendue, mais...


Sur ces sujets, depuis une vingtaine d’années, un consensus existe parmi tous les spécialistes du
loup. Alors, pourquoi, comme le préconisent certains naturalistes, rejeter le terme « d’alpha » pour
désigner les parents reproducteurs, leaders de la meute ? Dans aucun dictionnaire, le terme « al-
pha »2 ne désigne un chef autoritaire. Au sens figuratif, alpha désigne « ce qui est premier, le com-
mencement, le point de départ, le début... » (Centre national de ressources textuelles et lexicales
- CNRTL). Le couple de loups, parents de la plupart des individus qui composent la meute, sont les
leaders du groupe, ils sont, au sens propre « les premiers, le commencement, le point de départ, le
début... ». Le terme « alpha », pour désigner le couple reproducteur de la meute, est donc séman-
tiquement juste.
A l’inverse, désigner par « alphas » les chefs d’une meute captive, constituerait une erreur séman-
tique.

NB : Si la contestation argumentée est toujours bienvenue et souvent féconde, le rejet catégorique
du terme « alpha » par certains, pour désigner le couple reproducteur de la meute, a de quoi laisser
perplexe. Une des explications pourrait être d’ordre idéologique inspirée de l’égalitarisme radical qui
imagine un monde sans individualité, sans altérité, sans hiérarchie où règne l’uniformité et l’harmonie.
Une autre hypothèse serait la traduction d’une vision idéalisée des animaux et du loup en particulier
qui seraient des créatures authentiquement bonnes3. Une sorte de nostalgie du paradis perdu ? Nous
quittons ici la sphère scientifique pour aborder des sujets politiques ou philosophiques, tout aussi in-
téressants mais, s’agissant du monde vivant non-humain, probablement bien éloignés de la réalité
biologique.
__________________
1- La résolution des conflits intrafamiliaux passe, la plupart du temps, par des postures ou mimiques ritualisées
qui sont autant de signaux compris par tous les individus (comportement de soumission vs domination) sans
qu’il soit nécessaire de passer au stade de la violence.
2- Première lettre de l’alphabet grec.
3- Introduction absurde d’un concept moral exclusivement humain chez les animaux non-humains.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 35


La tanière

Elle est idéalement située dans une zone où la pression anthropique est faible et à proximité
d’un point d’eau, mais cette règle, comme souvent chez le loup, comporte des exceptions30 .
Si, classiquement, la louve met bas dans un abri sommairement aménagé sous roche ou sous
les racines d’un chablis, elle peut agrandir un ancien terrier de renard ou de blaireau ou simple-
ment (et plus rarement) établir son liteau à l’abri d’une végétation très dense31 .
En cas de danger (d’origine anthropique ou menaces provenant d’autres prédateurs...), la
­femelle reproductrice peut transporter la portée dans une autre tanière. Ces comportements
ont été filmés par des caméras automatiques dans le Voyageurs National Park (Nord-Est des
États-Unis) ; on peut visionner ces images sur le site Facebook du « Voyageurs wolf project ».
Durant environ 2 mois, les louveteaux restent dans un périmètre réduit32 autour de la tanière.

Les premiers déplacements : les Zones de rendez-vous


En août, les louveteaux vont être dirigés vers des zones dîtes « Zones de rendez-vous – ZRV »
sur lesquelles ils vont être « fixés » durant quelques jours ou quelques semaines pour être faci-
lement retrouvés et alimentés par les membres de la meute.

Ces déplacements de la portée peuvent être motivés par des questions de densité et/ou de vi-
gilance des proies33, voire pour des raisons de sécurité. Sur les ZRV les louveteaux sont placés
sous la garde d’adultes ou subadultes qui assurent une surveillance plus ou moins lâche (AUS-
BAND et al. 2016).

Quatre louveteaux de trois mois jouent sur une zone de rendez-vous.Crédit photographique, Grouppe PP Alpes.

30 Quelques exemples : en Espagne, dans la province de ZAMORA, une tanière de reproduction est située à
plus d’un km d’un point d’eau (EROME in litt.) ; dans les Alpes françaises, une autre tanière de reproduction
se trouve à proximité immédiate d’une piste forestière très fréquentée par les randonneurs et à 300 m. d’une
route départementale (Groupe PP Alpes).
31 Dans des régions où la persécution humaine est intense et ancienne comme en Biélorussie, les louves
mettent bas fréquemment à ciel ouvert dans de simples couches sommairement aménagées (SIDOROVITCH
et ROTENKO 2018).
32 Quelques centaines de mètres autour de la tanière.
33 On imagine que les proies situées proches de la Zone cœur auront, au fil du temps, tendance à se faire plus
rares tout en augmentant leur niveau de vigilance.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 36


Ces ZRV, généralement situées à distance réduite des zones de tanières, peuvent aussi être loca-
lisées à plusieurs kilomètres et changer plusieurs fois au cours de la même saison.

Il arrive que les louveteaux quittent momentanément une ZRV, emmenés par les autres membres
de la meute à plusieurs kilomètres et soient de retour quelques heures plus tard. Il est possible
que ces allers-retours soient motivés par la présence d’une grosse proie difficile à transporter34
et située très loin de la ZRV (JANET, comm. or.).

L’idée selon laquelle, les ZRV s’établiraient sur quelques centaines de m2 sur lesquels les louve-
teaux attendraient patiemment le moment d’être nourris par les adultes/subadultes est contre-
dite par les caméras automatiques. Sur les ZRV les louveteaux semblent très mobiles. Par jeu,
par gout de l’exploration, les louveteaux, en solitaire ou groupés selon leur humeur, peuvent
être filmés, accompagnés ou non par des adultes/subadultes, déambulant parfois à plus d’un
kilomètre du site de rendez-vous. Guidés par leur odorat, utilisant au besoin les hurlements, les
louveteaux aventureux mais incapables de chasser, savent qu’ils retrouveront toujours la ZRV
pour être nourris...

Certains parlent de Zone cœur pour désigner un territoire d’environ une centaine d’hectares
(ordre de grandeur) qui s’établit autour de la zone tanière et englobe généralement les Zones
de rendez-vous. C’est sur cette zone que les louveteaux vivraient de mai à septembre.

NB : Les éléments exposés ici concernant le fonctionnement des ZRV, les déplacements des lou-
veteaux autour des ZRV et la réalité des Zones cœurs sont déduits, essentiellement, des images
fournies par les caméras automatiques (Groupe PP Alpes). En l’absence de suivi des louveteaux par
télémétrie et compte tenu de la rareté des publications sur ces sujets, les analyses sont à prendre
avec précaution.

Émancipation et dispersion
A partir d’octobre (parfois un peu plus tôt, parfois un peu plus tard...), la taille des louveteaux
leur permet de participer aux grands déplacements de la meute. Ces mouvements groupés leur
permettra de reconnaitre les limites du territoire et de s’initier aux rudiments de la chasse. C’est
la fin des ZRV. C’est la période où l’on peut observer35 la meute au complet avec un effectif
qui peut dépasser les 10 individus.

Ainsi et très schématiquement, on peut définir deux périodes dans la vie d’une meute de loups.
Une première période de quatre à cinq mois (mai à octobre) où la meute (le couple reproduc-
teur aidé de 1 à 3 adultes/subadultes) concentre ses activités sur la surveillance et le nourris-
sage des louveteaux ; durant cette période que l’on pourrait qualifiée de « période sédentaire »,
les déplacements se font en mode « marguerite », centrés sur la zone cœur.

À partir d’octobre et jusqu’à la prochaine mise-bas (durant sept à huit mois), la meute reprend
(progressivement) sa vie « normale » : une vie nomade ou « chaque loup fait ce qu’il veut, quand
il veut et avec qui il veut » ; une liberté conditionnelle qui doit s’exercer à l’intérieur du cadre
strict des règles claniques (participation à la cohésion du groupe, respect des normes sociales
et défense du territoire).

34 Comme par exemple la découverte, par la meute, d’un cadavre de vache ou de cheval.
35 Observation directe ou caméras automatiques.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 37
Un louveteau d’environ 3 mois, le 20 août 2018, seul, en vadrouille, à plus d’un kilomètre de la zone tanières
(taille : environ 3 à 4/5ème de la taille des adultes). Cam. autom., Groupe PP Alpes.

À l’approche de l’hiver va débuter la dispersion36 des subadultes/adultes qui composent le


clan et qui vont devoir le quitter (probablement) pour des raisons de compétition intracla-
nique, en particulier alimentaire ou sexuelle. Cette contraction naturelle des effectifs de la
meute va reprendre durant la période de rut37.

Du fait du taux de mortalité important des louveteaux, du taux de mortalité naturelle


(moins important) des subadultes/adultes38 auxquels s’ajoutent les phénomènes de dis-
persion, le clan va se réduire pour atteindre au début du printemps un nombre d’indi-
vidus identique ou très proche de celui qui existait l’année précédente (pulsation cla-
nique).

36 Lors de cette dispersion, les loups peuvent parcourir des centaines de kilomètres en quelques semaines
(donnée confirmée par le suivi satellite de loups munis de colliers GPS).
37 On distingue classiquement deux vagues de dispersion : la première durant l’automne et la seconde entre
février et avril.
38 De 30 à 50 % selon la tranche d’âge.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 38


Des exceptions
Comme toujours en biologie, et particulièrement chez le loup, des exceptions existent et
concernent essentiellement :
- les dates de mise-bas (plus précoces ou… plus tardives),
- la composition des meutes (individus non apparentés intégrant la meute),
- la reproduction (elle peut être, comme nous l’avons vu, double, voire triple, au sein d’une
même meute : deux ou trois femelles, mettent bas la même année).
Ces exceptions semblent plutôt rares dans des meutes stables et plus fréquentes dans des
meutes persécutées et/ou déstructurées (Voir en particulier SIDOROVICH et ROTENKO 2018).

Longévité
La longévité potentielle d’un loup est du même ordre que celle d’un chien de taille similaire,
soit une douzaine d’années39. Dans la nature ce chiffre est très rarement atteint du fait des acci-
dents, des maladies, de la compétition intraspécifique et des persécutions humaines40 .
On considère qu’un loup soumis aux aléas de la vie en liberté, au milieu des populations hu-
maines, peut espérer vivre jusqu’à l’âge de 5 à 7 ans41 (chiffre moyen de l’espérance de vie d’un
loup libre, donné par différents auteurs à propos des populations italiennes et espagnoles).

Le choix du territoire : plasticité écologique


exceptionnelle
Les loups peuvent vivre dans des milieux très différents42, de la plaine à la haute montagne, des
déserts glacés arctiques aux déserts brûlants de la péninsule Arabique.
Dans le sud de l’Europe de l’Ouest, les loups vivent du bord de la mer (nord-ouest de la pé-
ninsule Ibérique par exemple, mais aussi en Italie sur la côte adriatique) jusqu’à plus de 2500
mètres.
La proximité des hommes, à condition qu’elle ne soit pas (trop) hostile, ne gêne pas le loup. Ca-
nis lupus est capable d’emprunter de grandes voies de circulation (voies rapides, ponts, lignes
de chemin de fer…), de traverser une zone urbanisée (cf. photographie, « La louve de Collelon-
go ») et/ou se reproduire près d’un village, voire d’une petite ville située à proximité d’une zone
rurale43 .

39 Jusqu’à 15 ou 16 ans en captivité.


40 En Janvier 2019, sur la commune d’Angoustrine, dans les Pyrénées-orientales (66, un loup sauvage, très
affaibli a été euthanasié. Originaire du Mercantour (500 km à vol d’oiseau), cet individu s’était fixé dans les Py-
rénées catalanes depuis 12 ans. À sa mort, il était âgé d’au moins 14 ans, ce qui constitue le record de longévité
enregistré pour un loup libre français. Source : « Le loup en France », OFB.
41 On ne confondra pas la « longévité potentielle » qui représente le nombre d’années que peut espérer
vivre un individu d’une espèce donnée (espérance biologique) et « l’espérance de vie », généralement calculée
à la naissance, qui concerne une population en particulier et qui tient compte de tous les facteurs externes
(maladies, accidents, hérédité, sexe…). C’est cette nuance qui explique les écarts constatés entre la longévité
moyenne en captivité et en liberté.
42 Autre particularité que Canis lupus partage avec Homo sapiens.
43 Une reproduction probable à proximité du village de Collelongo (1200 habitants), dans le Parc national des
Abruzzes, dans les années 2010 (informations recueillies localement par l’auteur).

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 39


Les loups, comme la plupart des animaux sauvages, sont naturellement peu farouches ; c’est la
chasse et le braconnage qui, en éliminant les individus les plus confiants, sélectionnent artifi-
ciellement les animaux les plus méfiants (MATHIEU 2013).

Si le loup vit généralement dans des zones riches en espaces naturels où alternent des milieux
ouverts et des forêts, il peut aussi se reproduire dans de vastes plaines céréalières, sans arbres
ou presque, comme par exemple dans les provinces du centre ouest de l’Espagne (Burgos, Za-
mora, Valladolid…).

En résumé le loup est apte à vivre dans tous les milieux présents dans l’Hémisphère
nord à deux conditions :

1- que ces milieux lui offrent des ressources trophiques suffisantes à travers une faune
sauvage constituée d’espèces proies de taille moyenne ou forte (généralement ongu-
lés) et/ou des résidus de l’activité humaines riches en matière organique consommable
­(dépôts de cadavres d’animaux d’élevage, décharges domestiques…) ;

2- que le niveau des persécutions humaines lui permette de survivre.

C’est la fin des Zones de rendez-vous ; la meute défile au complet devant la caméra automatique. 9 novembre 2018.
Cam. autom., © Groupe PP Alpes.

C’est la fin des Zones de rendez-vous ; la meute défile au complet devant la caméra
automatique. Un 9 novembre. Cam. autom., © Groupe PP Alpes.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 40


En 2020, dans les Alpes françaises on peut observer des loups en dispersion partout et dans
tous les milieux44 . Si les meutes françaises alpines vivent essentiellement au-dessus de l’étage
collinéen (moyenne et haute montagne), dans le département du Var plusieurs meutes évo-
luent dans des paysages de collines méditerranéennes boisées et vallonnées, entre 300 et 500
mètres d’altitude (Ouest var, Provence verte, Sainte Croix Sud...) ; données Groupe PP Alpes.

En 2020, en France, on ne connaît qu’un cas de ZPP de plaine45 (sans reproduction) et aucun cas
de reproduction proche d’une zone urbanisée.

Périodes d’activité
Prudence : les horaires de déplacement des loups sont des informations recueillies essentiellement à par-
tir des caméras automatiques installées sur des voies de circulations tracées par les humains (sentiers,
pistes, chemins...). Ces données qui montrent que les déplacements des loups sont essentiellement nocturnes,
doivent être prises avec précaution car elles ne prennent pas en compte les déplacements hors sentier (plus
rares ?) qui, eux, peuvent se produire en plein jour.

Dans les Alpes/Préalpes, durant la journée, les loups ne se déplacent guère sur les voies de
circulation tracées par les humains et semblent rester au repos. Les premiers déplacements
sont notés au crépuscule (départ en chasse). L’activité de déplacement va être la plus intense
en début de nuit et en fin de nuit avec un « creux » de deux ou trois heures autour de minuit
(IGLESIAS IZQUIERDO et al. 2017, CHARRIER et al. 2019 et observations du Groupe PP Alpes).

Ce «creux» de milieu de nuit peut s’expliquer soit par des phases de repos, soit par des actions
de chasse. Dans ces deux cas les loups abandonnent les chemins et ne sont plus détectés par
les caméras.
Les informations recueillies par les caméras automatiques dans le cadre du suivi des meutes
reproductrices (Massif alpin/préalpin français et italien), montrent que dans la majorité des
cas (>50 %) les loups se déplacent seuls. Dans environ 90 % des cas, les loups se déplacent
seuls ou à deux. Les déplacements à trois et au-delà sont rares (autour de 10  % des
passages) (CHARRIER et al. 201946 , MARUCCO et al. 201747 et observations du Groupe PP
Alpes48).

44 Comme par exemple ce loup mâle de 38 kg (2 ans ?) tué par une voiture à Saint-Marcel-lès-Valence (Drôme)
le 2 décembre 2008, sur une voie rapide, près d’un Castorama. On ne compte plus, sur la toile, le nombre de
vidéos réalisées avec un téléphone portable et montrant un loup en déplacement sur une route, en périphérie
d’un village, voire en pleine ville. Ce phénomène existe partout où le loup est présent, sur tous les continents.
Ce qui serait « anormal » serait de ne pas observer de loups déambulant près des humains. Si ces loups ne
présentent aucun danger pour les humains, il est fortement recommandé pour des raisons éthiques de ne pas
encourager ce type de comportement.
45 ZPP du Nord-Est, à cheval sur plusieurs départements, dans l’ouest des Vosges.
46 Données Canjuers, Var, CHARRIER et al. (N=367 passages) : passages loup seul = 67 % ; deux loups = 25 % ;
trois loups = 7 % ; quatre et plus = 1 %.
47 Données Région du Piémont italien, MARUCCO et al. (N=340 passages) : passage seul ou à deux = 86 %.
48 Données Groupe PP Alpes (meutes reproductrices et hors Zones de rendez-vous - N=394 passages) : pas-
sages loup seul = 74 % ; deux loups = 14 % ; trois loups = 6 % ; quatre et plus = 6 %.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 41


Dans les années 2010, cette louve allaitante traversait presque toutes les nuits d’août, le village de Collelongo (1200
habitants, Parc national des Abruzzes, Italie). De nombreux habitants et touristes attablés sur les terrasses des çafés et
restaurants, pouvaient la photographier au milieu des voitures dans une des rues principales. Cliché transmis par Sofia X.

Une autre information intéressante nous est fournie dans la synthèse « Lobos ibericos » (IGLE-
SIAS IZQUIERDO et al. 2017) et concerne les observations directes de loups (hors caméras au-
tomatiques).

Les auteurs, en se basant sur de très nombreuses années d’observation in natura (affût, ren-
contres fortuites...) et une centaine de données, indiquent que dans 77 % des cas les loups ob-
servés sont moins de quatre (36 % : un seul loup ; 27 % : 2 loups et 13 % : 3 loups). Les observa-
tions de 5 loups (maximum observé dans un groupe sans louveteaux) représentent 9 % des cas.
Les observations du clan familial accompagné des louveteaux ne représentent que 7 % de la to-
talité des observations. On remarque que ces chiffres diffèrent significativement de ceux four-
nis par les caméras automatiques et semblent indiquer que les regroupements des membres
de la meute sont plus fréquents de jour que de nuit. Les écarts constatés entre ces observations
diurnes (observations directes) et les données, essentiellement nocturnes, issues du suivi par
caméras automatiques, pourraient conforter l’existence de zones de regroupements diurnes
(ZRD). Malheureusement les auteurs espagnols ne précisent pas si leurs observations diurnes
concernent majoritairement des loups en déplacement ou des loups au repos.

Lorsqu’en été, la durée de la nuit diminue fortement, logiquement, les loups augmentent leur
activité diurne rendant plus fréquentes les observations en plein jour, lorsqu’ils quittent la
Zone cœur en début de soirée ou lorsqu’ils rentrent en début de matinée.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 42


Loup (Canis lupus signatus) confiant, photographié in natura en juillet 2006 dans la Sierra de la Culebra (Castilla y Léon,
­Espagne). Chez le loup, comme chez la plupart des vertébrés terrestres (Renard, ours, chamois…) il existe des individus qui
n’ont aucune peur de l’Homme. Ils sont généralement rapidement éliminés par la chasse ou le braconnage. © Georges
EROME.

Le loup et les attaques sur les humains

En 2002 le ministère de l’environnement norvégien a publié un rapport concernant les attaques de


loups (KJETIL BEVANGER, LILL LORCK OLDEN et al. 2002). Il s’agissait de compiler, de critiquer et
analyser tous les écrits existants et traitant de la connaissance d’attaques sur l’Homme au XXème
siècle, dans les pays scandinaves, en Europe continentale, en Asie et en Amérique du Nord.

Malgré la présence de plusieurs dizaines de milliers de loups en Europe, Russie et Amérique du


nord, durant la seconde moitié du XXème siècle, il n’existe que 9 cas, documentés à partir de sources
fiables, de personnes ayant été tuées par des loups : 5 cas en Europe, 4 en Russie et aucun en Amé-
rique du nord.
Ainsi, au 20ème siècle, les cas d’attaques mortelles de loups sur humains s’avèrent rarissimes et
anecdotiques en comparaison de toutes les autres causes d’accidents mortels impliquant des hu-
mains et qui eux se chiffrent par millions durant la même période.

Concernant les siècles antérieurs au XXème, la très grande majorité des attaques sur les humains
était le fait de loups enragés et les cas d’anthropophagie étaient essentiellement le fait de loups
consommant des cadavres sur les champs de bataille.

En France, sous l’ancien Régime, le contexte social, économique, écologique était très différent de
ce que nous vivons aujourd’hui. Les forêts étaient détruites par les humains pour se chauffer, pâ-
turer et faire du bois d’œuvre ; les proies favorites des loups (sangliers, cerfs, chevreuils...) avaient
été décimées, voire éradiquées par les paysans ; les troupeaux étaient gardés par des enfants... Un
contexte où les loups ne devaient pas avoir d’autre choix, pour survivre, que de s’attaquer aux ani-
maux domestiques en se mêlant aux humains et en blessant ou tuant les enfants qui essayaient
de défendre leurs troupeaux. (Sur ces sujets, voir « les loups drômois, hier, aujourd’hui et demain »,
MATHIEU R. (2017c).

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 43


Les publications de MORICEAU, en particulier celle de 2011 (L’homme contre le loup : une guerre
de 2000 ans. Fayard, Paris, 488 p.), en se basant sur les registres paroissiaux français (Ancien Ré-
gime), font état d’une multitude d’attaques sur les humains. À ce sujet, et à propos des travaux de
MORICEAU, on lira les critiques formulées par l’auteur de cette monographie : MATHIEU 2007 et
MATHIEU 2017b.

NB  : Parmi toutes les régions étudiées, le Sous-continent indien fait figure d’exception avec, dans les
30 dernières années, plusieurs centaines d’attaques mortelles de loups non enragés, essentiellement sur
des enfants. Voici le commentaire des auteurs de l’étude norvégienne : « […] La plupart (des territoires
concernés) sont d’anciennes forêts déboisées devenues terrains agricoles sur lesquelles il y a peu de proies
sauvages et une densité humaine avoisinant 600 h/km2 vivant dans des conditions de précarité impor-
tante […] ». Durant ces mêmes décennies, et sur ces mêmes territoires, le nombre d’attaques létales sur
humains, du fait d’autres espèces animales (éléphants, ours, tigre, hyènes…) est nettement supérieur.

Régime alimentaire du loup : une question de logique


Les besoins caloriques journaliers d’un loup correspondent à 1 ou 2 kilos de viande. Traduit
en carcasse (os, viscères, muscles…), un loup a besoin, en moyenne, de 3 à 5 kg de nourriture
par jour soit, pour une année, l’équivalent théorique, en masse, d’une vingtaine de sangliers
adultes49.

Le loup, tout comme les chasseurs-cueilleurs d’autrefois, recherche des proies dont le rapport
coût/bénéfice, en termes d’énergie, lui est favorable. Pour faire simple et très logiquement, le
nombre de calories récupérées lors de l’ingestion de la proie doit être bien supérieur aux calo-
ries dépensées pour la tuer.

Si les mammifères de taille moyenne (marmotte, renard, castor…), voire les micromam-
mifères ainsi que les oiseaux, poissons, reptiles ou certains végétaux, entrent dans son régime
alimentaire, cet apport, sauf exception, ne peut être qu’une source alimentaire d’appoint. Géné-
ralement, un groupe de loups ne peut survivre que s’il peut tuer des proies de taille moyenne
à forte.

Là aussi, attention aux exceptions : par exemple en Espagne ou dans certaines plaines cé-
réalières de la province de ZAMORA où les ongulés sont très rares, les loups se nourrissent
d’outardes, de lapins, de lièvres, d’oiseaux d’eau hivernants, de charognes, sans oublier les mi-
cromammifères ; un régime très classique de renard (ÉROME comm. or.)50 . L’abondance excep-
tionnelle de la proie et la relative simplicité de la capture, font que dans tous ces exemples qui
font exception, la règle du bon rapport coût/bénéfice est respectée.

49 Il s’agit d’un chiffre évidemment théorique destiné à fournir une image : le régime alimentaire du loup est
varié et englobe la totalité des espèces d’ongulés présents sur son territoire.
50 Dans certaines régions arctiques les loups profitent des fortes densités de lemmings (petit mammifère
d’environ 100 g.) pour en faire leur alimentation principale.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 44
Pour en revenir au sud-ouest de l’Europe (Péninsule Ibérique, France, Italie, Suisse…),
le loup est essentiellement un prédateur des ongulés sauvages : cerfs, sangliers, che-
vreuils51 et lorsqu’ils sont présents, chamois, mouflons et bouquetins.

L’impact du loup sur les populations d’ongulés sauvages


MERIGGI et al. (2011) ont compilé 20 publications traitant du régime alimentaire du loup en
Italie : de l’ouest des Alpes au sud de l’Italie. Dans leur conclusion, ils écrivent : […] En Europe,
il semble que les loups puissent avoir un effet de limitation uniquement sur le cerf, pour lequel la
prédation représente jusqu’à 40% du total de la mortalité (32% dans les Alpes occidentales ; GA-
ZZOLA et al. 2007), alors que pour les autres espèces d’ongulés sauvages, les principaux facteurs
limitant sont l’habitat, l’approvisionnement en nourriture, le climat, la chasse et les accidents de
la route. […].

En 2012 dans sa thèse de doctorat, Jennifer AILLOUD, expose ses premières conclusions et
arrive au même constat. Son travail consistait, entre autres, à comparer le comportement et
la dynamique démographique de quatre ongulés sauvages vivant dans deux vastes zones na-
turelles des Alpes françaises. La Réserve des Bauges, vide de loups (2012) mais chassée et le
Parc national du Mercantour, non-chassé et où le loup est installé depuis plusieurs décennies.
AILLOUD écrit : « Ces résultats préliminaires indiquent que la prédation par le loup est perçue par
les ongulés (cerf, chevreuil, chamois, mouflon) comme une perturbation qui ne semble avoir qu’un
effet négligeable sur la dynamique des populations (survie, reproduction) au regard de toutes les
autres pressions que représentent les activités humaines, la chasse notamment. ».

En 2020, une équipe de biologistes italiens a publié les résultats d’une étude menée en Toscane
(Italie centrale), dont l’objectif principal était de comparer l’impact du loup avec celui de la
chasse concernant les populations de sangliers (Sus scrofa) et de chevreuils (Capreolus capreo-
lus). Pour ces deux proies, les pertes dues à la chasse étaient 8 à 10 fois plus importantes
que celles dues à la prédation par le loup (BASSI et al. 2020).

En considérant l’ensemble de l’aire de distribution de l’espèce, les études menées sur le régime
alimentaire du loup arrivent à la même conclusion : le loup est un carnivore opportuniste et son
régime est construit sur la vulnérabilité et l’abondance des ongulés sauvages et domestiques.

Pour dire les choses simplement : « dîtes moi quels sont les ongulés sauvages les plus abondants,
donnez-moi le niveau de protection des ongulés domestiques présents (bétail) et je vous dirai quel
est le régime alimentaire du loup dans la zone considérée ».

51 Concernant le cerf (Cervus elaphus) et le sanglier (Sus scrofa) les loups privilégient les jeunes (faons et mar-
cassins).
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 45
On retiendra :
1/ une meute de loups prélève les proies sauvages présentent toute l’année sur son ter-
ritoire (sanglier, cerf, chevreuil et, si présents, mouflons, chamois…) ;
2/ durant les périodes d’estive et sur des troupeaux peu, mal ou pas protégés du tout, la
meute peut élargir sa prédation à des ongulés domestiques (brebis, veaux, poulains...) ;
3/à terme, sauf exception52, la densité des ongulés sauvages ne varie guère avec et sans
loups53 ;
4/la part des proies domestiques dans le régime alimentaire du loup est généralement-
faible à très faible et inversement proportionnelle au niveau de protection des trou-
peaux ;
5/plus une meute de loups est faible (en termes d’effectif), déstructurée et instable et
plus elle orientera sa prédation vers les ongulés domestiques, plus faciles à capturer
que les ongulés sauvages. À l’inverse, une meute stable et numériquement forte est
le gage d’une prédation plus faible sur le bétail. NB : ce point 5, s’il apparait logique et
­probablement juste, mériterait d’être mieux documenté.

Le chamois face au retour du loup

Cet encart est extrait de la monographie publiée en 2019 : « le chamois en Rhône-Alpes et ailleurs »,
MATHIEU 2019.

En haute montagne et particulièrement dans les zones non chassées comme les parcs nationaux,
l’arrivée du loup et son installation ont un impact faible à négligeable, à long terme, sur les popu-
lations des ongulés en général1 et du chamois en particulier.

Dans les secteurs de basse altitude, il n’existe pas de travaux, publiés ou en cours, concernant l’im-
pact des loups sur les populations de chamois ; nous en sommes (2020) réduits à des hypothèses.

Dans les milieux de basse altitude, quelques années après leur retour, en l’absence de Grands pré-
dateurs et lorsque la pression de chasse est faible à modérée, les chamois s’éloignent des zones
refuges traditionnelles à fort dénivelé (falaises, éboulis, gorges…) pour s’aventurer dans des mi-
lieux découverts, plutôt plats, et dans lesquels ils restent très vulnérables à la prédation2. Dans ces
conditions, il est fortement probable que le retour des loups s’accompagne d’une modification de
la répartition spatiale des chamois en les obligeant à regagner les zones traditionnelles fortement
escarpées dont ils ne s’éloigneront plus3.
Concernant l’impact quantitatif du loup sur les effectifs de chamois de basse et moyenne altitude,
il n’est pas possible, actuellement, de se prononcer, même si le scénario « haute montagne » pa-
raît plausible (peu d’impact à long terme sur les effectifs, après adaptation comportementale des
chamois).

52 Le mouflon méditerranéen (Ovis gmelini musimon X Ovis sp.), espèce introduite sur le continent et souvent
hybridée avec le mouton constitue une des exceptions. Il semble que les populations continentales de cette
espèce soient durablement affectées par l’arrivée du loup.
53 De manière intuitive, on pense généralement que la prédation, ne peut avoir qu’un effet négatif sur la den-
sité des proies. En réalité, la prédation naturelle entraîne souvent une meilleure dynamique au sein de la popu-
lation proie en limitant le phénomène de densité-dépendance, en éliminant préférentiellement les animaux en
mauvaise condition physique et en induisant ainsi un effet compensatoire positif.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 46


Quoi qu’il en soit, en haute ou moyenne montagne, comme en plaine, le facteur limitant les po-
pulations de chamois n’est pas tant le loup que la chasse et la surmortalité artificielle qu’elle en-
gendre4.

__________________

1- À l’exception du mouflon de Corse (Ovis gmelini musimon var. corsicana, Beyth, 1841) qui est un mouton
primitif retourné à l’état sauvage, introduit sur le continent et qui semble durablement affecté par l’arrivée
du loup.
2- Préalpes du sud de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, sud et ouest PACA…
3- C’est ce que l’on observe sur de nombreux territoires drômois recolonisés par le loup après près d’un
siècle d’absence.
4- En Drôme, les populations de chamois se sont effondrées bien avant l’installation du loup (MATHIEU
2013b) ; voir aussi MATHIEU 2019.

Photo, Roger MATHIEU

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 47


Les trois ongulés sauvages formant ­généralement la
base du régime alimentaire du loup dans la plupart des
régions de l’Ouest et le Sud-Ouest de l’Europe : Sanglier/
Chevreuil/Cerf. © Roger MATHIEU

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 48


Transports de proies
(Caméras automatiques ; crédit
photographique : Groupe PP Alpes).

A
Les loups peuvent transporter des
proies dans leur gueule à n’importe
quelle période de l’année, mais beau-
coup plus fréquemment durant la
période de l’élevage des louveteaux
(mai à octobre).

Ce transport peut se faire sur de lon-


gues distances. Sur le cliché couleur
(C), l’individu a été photographié à en-
viron 3 km à vol d’oiseau de la « zone
tanière ». Un second cliché du même
individu, a été réalisé 30 minutes plus
B tard, à quelques centaines de mètres
du site où se trouvaient les louveteaux.
Crédit photographique Groupe PP
Alpes.

Cliché A : transport du train arrière


d’un chevreuil ; cliché B : le loup
­transporte une tête de lièvre (proie peu
fréquente) ; cliché C : transport d’une
patte d’ongulé sauvage (chamois ?
sanglier ?) ; cliché D : transport tête de
brocard.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 49


Indices de présence

© Groupe PP Alpes
Préambule
Pour les naturalistes de terrain qui s’intéressent aux indices de présence du loup et plus particu-
lièrement à ceux laissés par les populations lupines du sud de l’Europe de l’Ouest (ssp. italicus et
signatus), la référence est le guide publié en 2017 à propos du loup ibérique (IGLESIAS IZQUIER-
DO et al. 2017). Nous ne reprendrons ici que quelques caractéristiques concernant les crottes et
les empreintes.

Compte tenu de l’extrême proximité phylogénétique entre le loup et le chien, rien ne ressemble
plus à des indices de présence de loups que des indices laissés par un chien de même taille…
Mise à part une exception dont nous parlerons plus loin, il n’existe pas de critère qui, à lui seul,
permet d’affirmer que tel ou tel indice de présence appartient à un loup plutôt qu’à un chien.

En matière d’indices de présence, la diagnose54 différentielle entre chien et loup est basée sur la
méthode probabiliste. L’examen d’un indice de présence de type « grand canidé » permet simple-
ment de fixer un niveau de probabilité concernant son appartenance à un loup. En clair, il n’est
pas possible, sur l’examen d’un seul indice, de déclarer qu’il s’agit d’un loup à 100 % et seule l’ana-
lyse de plusieurs indices permet d’approcher ce taux…

Il n’existe qu’une seule exception à cette règle : la découverte d’un excrément d’un « grand canidé »
contenant des résidus de croquettes (coloration et texture caractéristiques) permet d’affirmer
qu’il s’agit d’un chien (niveau de probabilité de 100 %) et d’éliminer le loup.

Une empreinte assez allongée de


grand canidé dans la neige. L’ob-
servation de la piste (rectiligne)
sur plusieurs dizaines de mètres
nous permet de penser qu’il s’agit
­probablement de loup ( patte
­arrière). Hauts plateaux du Vercors,
© R. MATHIEU.

54 Identification d’une espèce à partir de l’observation des caractères propres à cette espèce.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 51


Empreintes
Dans ce qui suit, nous désignerons l’extrémité de la patte avant par le terme de « main » et pour
la patte arrière, nous utiliserons le terme de « pied » ; nous ne traiterons que des traces laissées
par les pattes d’individus adultes.
Chez le loup tout comme chez le chien, pour un même individu, l’empreinte laissée par le « pied »
et la « main » diffère par la taille et la forme : l’empreinte du « pied » est plus étroite, plus fine,
légèrement moins longue que celle laissée par la « main » qui est plus ronde et plus grosse.

Taille de l’empreinte pour


un loup adulte mâle :

Pied : L (en comptant les ongles) = 8-9


cm ; l = 6-7 cm
Main : L ((en comptant les ongles) = 10-
11 cm ; l = 7-9 cm
Remarques : la forme générale de l’em-
preinte de loup fait penser à l’empreinte
laissée par un renard (aspect plutôt al-
longé), mais en deux fois plus grand…
L’empreinte d’un loup adulte ne peut
être confondue qu’avec celle d’un chien.

Le loup se déplace souvent en utilisant


le « trot ordinaire ». Dans ce cas, le loup
se couvre parfaitement55 et la piste56
prend alors la forme d’une droite avec
Carnet de terrain. Empreinte isolée (boue), pas de piste visible : loup
une succession d’empreintes espacées
« possible ».© R. MATHIEU
de 40 à 50 cm.

Lorsque les loups se déplacent à plusieurs dans la neige (ou dans la boue épaisse), ils se suivent
souvent en file indienne57 et chaque individu pose ses pattes dans l’empreinte laissée par l’individu
de tête, donnant l’impression que la piste est celle d’un seul individu.

Il n’est pas possible, sur l’examen d’une empreinte, d’affirmer qu’il s’agit de celle d’un loup58.
C’est l’examen des empreintes couplé à l’examen attentif de la piste qui permet à l’observateur de
fixer un niveau de probabilité plutôt en faveur du loup ou en faveur du chien59.

55 Il place sa patte arrière exactement sur l’empreinte laissée par sa patte avant.
56 La voie est le dessin formé par les empreintes des quatre pieds de l’animal en déplacement ; ce dessin varie
selon l’allure (marche, trot, galop…). La piste est formée par la succession des voies.
57 D’où l’expression « à la queue leu leu » (en vieux français « leu » signifiait « loup »).
58 Chez le loup (italicus et signatus, mais aussi arabs et pallipes), les pelotes digitales médianes sont souvent
réunies dans leur partie postérieure, à la différence du chien. Pour être observée, cette particularité lupine
nécessite un très bon « revoir » (un dessin très fin permettant de distinguer les petits détails). La soudure des
parties postérieures des pelotes médianes s’observe aussi chez certaines races de chiens comme le Basenji
(IGLESIAS IZQUIERDO A. et al. 2017).
59 Affirmer qu’une empreinte est à 100 % du loup est impossible, mais il est possible, devant certaines em-
preintes de grand canidé d’éliminer le loup à 100 % (empreinte des « pieds » et des « mains » très arrondie).
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 52
A B

Tous ces clichés ont été pris dans


C D des zones à loups (Zones de
­présence permanentes -ZPP- avec
meute). © Roger MATHIEU

Si la forme générale des empreintes,


la disposition des pelotes corres-
pondent à ce que l’on observe sur des
empreintes de loups, rien ne permet
d’éliminer totalement, sur le seul
examen d’une empreinte, la trace
laissée par le passage d’un chien de
taille identique.

A : à g. patte arrière et à d., peut-


être patte avant... ; B : patte arrière
F dans du sable ; C : patte avant ; D :
alignement d’une patte arrière à d.
et d’une patte avant à g. ; E : une
piste relativement droite (la forme
de cette piste, les empreintes et
les espacements que nous avons
mesurés sont conformes à ce que
l’on observe chez le loup...) ; F : em-
preintes (patte avant et arrière) d’un
E chien (Arlow) du gabarit d’un loup et
qui ­m’accompagnait.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 53


Crottes
Il n’est pas possible, sur l’examen d’une crotte de distinguer avec certitude un loup d’un chien
de taille identique. Là aussi, c’est le contenu des crottes, l’examen d’autres indices et… l’ex-
périence qui permet de dire si un loup est « probablement » ou « possiblement » l’auteur de
l’excrément examiné.

A B C

D E

Échantillon de crottes de grand canidé photographiées en


zone à loup (la coloration blanche est dûe à l’ingestion de forte
quantité d’os). © Roger MATHIEU

Avertissement : Il est impossible d’affirmer qu’une crotte


est celle d’un loup sans analyse génétique ; pour les crottes
présentées ici et à l’exception de l’image « D », la probabilité
qu’il s’agisse de crottes de loup est très élevée.

A : aspect classique ; B: poils et débris végétaux


F probablement ingérés accidentellement lors de la
consommation de la proie ; ici, peut-être sanglier ? ;
C : :forte ingestion d’os ; D : autre aspect classique avec
poils de sangliers bien visibles ; E : crotte étonnante
avec une section fine inhabituelle et une longueur
« grand canidé » ; trouvé en zone à loup ; F : zone à
loup, mais crotte de chien (aspect caractéristique après
consommation de croquettes).

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 54


Historique et suivis :
état des connaissances
Données historiques
NB : pour ceux qui s’intéressent particulièrement à « l’Histoire » des loups de France, visitez absolument
le blog de Jacques BAILLON.

On distingue quatre périodes dans l’histoire récente des loups de France.

1- Avant la Révolution française : des loups omniprésents60 malgré un haut


niveau de persécution
À la fin du XVIIIème siècle, le loup était présent sur l’ensemble du territoire national avec une
population de plusieurs milliers d’individus. La destruction des loups61 , était une pratique cou-
rante et devait concerner une part importante des effectifs présents.

2- De la Révolution française au début du XXème siècle : un déclin sévère


En France, à partir de la fin du XVIIIème siècle et tout au long du XIXème, la conjonction d’une pres-
sion démographique paysanne à son apogée, la libéralisation du droit de chasser, les progrès
techniques en matière d’armes à feu, l’utilisation à grande échelle de la strychnine et le mon-
tant élevé des primes accordées directement aux tueurs de loups62 allaient fournir aux paysans
une occasion unique de mettre en œuvre la phase finale de l’éradication et d’obtenir, en un peu
plus d’un siècle, l’élimination des loups du territoire national…

3- Du début du XXème siècle à la décennie 1990 : l’éradication avec des appari-


tions sporadiques 
À l’est du Rhône, les tout derniers loups de la population originelle sont tués dans les premières
années du XXème siècle63 .
On considère qu’avant la première guerre mondiale, les loups ne sont désormais présents que
sur quelques fragments du territoire national et les rares points de « résistance lupine » se si-
tuent dans le Nord-Est et le Centre-Ouest.
A la veille de la seconde guerre mondiale, en France, les loups avaient été totalement éradi-
qués64 .
A partir du milieu du XXème siècle et jusqu’au début des années 1990, on signale sporadique-
ment des loups abattus à l’est du Rhône65 . Dans la plupart des cas il n’est pas possible de véri-
fier l’authenticité des faits rapportés et encore moins de déterminer la provenance de l’animal.
Sans qu’il soit possible d’éliminer formellement l’hypothèse de loups échappés de captivité ou
relâchés intentionnellement, il est probable, compte tenu de la capacité de l’espèce à se disper-
ser sur des centaines de kilomètres, que ces loups soient des individus en dispersion, originaire
d’Italie, voire des Balkans.

60 Au 16ème siècle, le loup était présent sur la totalité des territoires de l’Europe.
61 Essentiellement, semble-t-il, par élimination des louveteaux à la tanière.
62 Certaines primes pouvaient atteindre l’équivalent d’un mois de salaire d’un ouvrier agricole.
63 En Rhône-Alpes, par exemple, le dernier loup de souche autochtone tué (donnée documentée) fut proba-
blement celui qui fut abattu dans la Drôme en février 1901 (Commune de Bouvières, Diois).
64 Les auteurs ne sont pas d’accord sur la date à laquelle a été tué le dernier loup autochtone, probablement
dans le Limousin : années 1920 ? années 1930 ?
65 1946 et 1954 (Ain) ; 1952 (Haute Savoie, commune de Rumilly) ; 1953 et 1954 (Isère) : 1987 (Alpes-maritimes,
commune de Fontan).
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 56
Un seul cas a fait l’objet d’une analyse génétique, il s’agit d’un loup abattu en Isère, entre les com-
munes de VIGNIEU et SERMERIEUX, le 12 janvier 1954. Ce loup sera identifié comme issu de la
lignée italienne en 2004 (in LANDRY 2013).

4- Années 1990 : le retour

A la fin du XXème siècle, en France, toutes les conditions étaient réunies pour un retour naturel du
loup dans les Alpes à partir des populations italiennes66 : diminution de la pression paysanne du
fait de l’exode rural, augmentation importante des effectifs d’ongulés sauvages qui constituent la
base alimentaire du loup et, dans une moindre mesure, la reforestation des Alpes françaises, la
protection légale de l’espèce et la création des Parcs nationaux.

En novembre 1992, deux gardes moniteurs du Parc National du Mercantour observent deux
loups au cours d’une opération de recensement des ongulés sauvages. Cette date marquera le
retour officiel du loup sur le territoire national.

En France, une dizaine d’années après leur « retour officiel », les loups sont observés sur l’en-
semble de l’arc alpin (Mercantour, Vercors, Queyras, Maurienne, Belledonne, Oisans…) et l’espèce
a atteint les Vosges (1994 ?), le Massif central (1997)67 et les Pyrénées (1999)68 .

C’est dans le Mercantour que les premiers indices de reproduction ont été relevés sur la meute de
Vésubie-Tinée : «Le passage de deux à six individus en 1993 dans la meute “Vésubie-Tinée” (figure
11) est donc révélateur de la naissance d’une portée cette année-là, même si aucun louveteau n’a
été vu. Les observations directes de louveteaux réalisées les années suivantes indiquent une mise bas
annuelle dans cette meute de 1995 à 1998.» (POULLE et al., 2000).

Dans le premier numéro de la revue « Quoi de neuf » publiée par l’ONCFS en mars 1998 on pou-
vait lire : « […] Vingt loups répartis en quatre meutes sont présents dans le Mercantour (côté 06).
Des louveteaux ont été observés au cours de l’été 1997 […] ».

Sur l’histoire détaillée du retour du loup en France dans le massif du Mercantour, on lira le livre de
Caroline AUDIBERT paru chez PLON en 2019 : « Des loups et des hommes ».

Il faudra attendre 2013 pour que la reproduction du loup soit confirmée en dehors des Alpes,
dans les Vosges. Depuis cette date, il n’y a plus aucune donnée de reproduction dans les Vosges.

En France, en 2019, pour la deuxième fois une meute reproductrice a été localisée en dehors des
Alpes, cette fois dans le massif jurassien à la frontière franco-suisse (Canton vaudois, région du
MARCHAIRUZ).

66 Les loups (Canis lupus italicus) qui n’ont jamais disparu d’Italie, ont été protégés en deux temps : première
protection provisoire en 1971 et protection définitive en 1976.
67 Premier loup tué sur une route du Cantal.
68 Présence avérée dans les Pyrénées orientales.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 57


Comment suivre une population de loups ? et pour-
quoi ?
Suivre une population d’une espèce sauvage : quelques repères

Il est généralement impossible de connaître les effectifs réels d’une espèce vivant sur un ter-
ritoire donné (comptage exhaustif), et ce qui est vrai pour le chevreuil, l’écureuil, le renard et
des centaines d’autres espèces animales… est vrai pour le loup.

Généralement, les effectifs d’une espèce sauvage ne peuvent être qu’estimés et tout le travail
scientifique consiste à mettre au point une méthode permettant de proposer une estimation
la plus proche possible de l’effectif réel.

On recourt le plus souvent à des méthodes d’échantillonnage69 d’individus marqués ou re-


connaissables (par leur aspect extérieur, leur ADN…) et à des outils mathématiques appro-
priés dans le cadre de ce que l’on appelle les « méthodes de captures-marquages-recaptures
-CMR ». Le résultat de l’exercice aboutit à proposer une fourchette de valeurs à l’intérieur de
laquelle se situe « probablement » l’effectif réel (Intervalle de confiance).

Une autre technique de suivi consiste à mettre en place des indicateurs dont la finalité n’est
pas d’estimer un effectif mais de suivre l’évolution d’une population à travers des éléments
indirects comme son impact sur le milieu, sa distribution géographique, l’état physiologique
des individus70 ...

La mise en œuvre de ces méthodes scientifiques, du recueil des données sur le terrain à l’ana-
lyse des résultats, nécessite la mobilisation de moyens financiers et humains dont le coût est
loin d’être négligeable.

La gestion adaptative

Selon l’expression du naturaliste Robert HAINARD : « le monde est plein » (Hainard 1991), il
n’existe aucun territoire sur cette planète qui soit vide de vie non-humaine : des mégalopoles
surpeuplées aux déserts brulants ou glacés, du sommet des montagnes au plus profond des
océans, des espèces non humaines vivent et se reproduisent.

Durant des millénaires l’Homme inconscient a envahi la planète entraînant, au fur et à mesure
de son expansion, la disparition d’une multitude d’espèces.

69 Échantillonner consiste à choisir, en fonction de critères déterminés, un échantillon représentatif de la


population que l’on veut étudier.
70 Un exemple : la méthode dite des Indices de changements écologiques (ICE) qui permet de suivre l’évolution
des espèces d’ongulés sauvages à travers trois indicateurs : la pression sur la végétation, l’état physiologique
des individus abattus à la chasse et un indice d’abondance à travers des comptages sur sites échantillons.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 58
Étonnement, il a fallu attendre la seconde moitié du XXème siècle71 pour assister à la prise de
conscience par Homo sapiens des limites de toutes les ressources (biologiques ou minérales)
et de la nécessité d’adapter les prélèvements aux stocks disponibles ou au rythme de renou-
vellement naturel des espèces. Depuis quelques décennies, l’Homme passe (trop lentement...)
de l’économie du pillage à celle de la gestion. Une économie de la gestion qui, dans le domaine
du vivant, pourrait se formuler ainsi : prendre conscience que nous sommes entourés d’une
infinité de formes de vie, toutes respectables et que les prélèvements doivent, au minimum, ne
pas dégrader l’état de conservation de l’espèce concernée.

La gestion d’une espèce peut être « intuitive », c’est généralement le cas pour des espèces abon-
dantes et en très bon état de conservation : le niveau de prélèvement est basé sur l’intuition que
ce dernier ne remet pas en cause la survie de l’espèce.

L’autre modalité de gestion des espèces, moderne et responsable, s’appuie sur des données
scientifiques permettant de connaitre le statut de conservation d’une espèce et l’évolution de
ses effectifs. La gestion consiste alors à se fixer un objectif et à ajuster, en permanence, les pra-
tiques mises en œuvre, en fonction des leçons tirées des résultats obtenus par les pratiques
antérieures (contrôles, évaluation, ajustement) : c’est la gestion adaptative (apprendre en agis-
sant).

Le concept de gestion dite adaptative s’applique, entre autres, à des espèces sauvages sources
potentielles de conflit avec Homo sapiens et qui vivent dans des territoires anthropisés72. Pour
les cohabitations dites « à problème »73 , la gestion adaptative peut consister à proposer l’élimi-
nation légale de certains individus d’espèces sauvages afin de limiter les dommages causés aux
activités humaines. En toute logique, l’élimination légale devra s’accompagner, au préalable,
d’une obligation de mettre en place des mesures de prévention adaptées pour limiter le risque
de dommages.

Le loup gris vit dans des milieux anthropisés sur l’ensemble de son aire de répartition et,
presque partout, en contact avec des troupeaux domestiques74 . Qu’on le déplore ou non, la co-
habitation entre l’Homme et le Loup n’est jamais facile et il n’existe aucun pays où les humains
ne tuent pas les loups, soit dans un cadre légal, soit illégalement.

Compte tenu de l’état actuel de la démographie humaine et de sa dynamique perpétuellement


expansionniste vis à vis du vivant non-humain, la gestion adaptative, menée sur des bases scien-
tifiques solides et après avoir épuisé tous les systèmes de prévention des dommages constitue
le moindre mal.

71 En particulier à travers les réflexions du Club de Rome et la publication en 1972 du Rapport Meadows, « Les
limites de la croissance ».
72 Territoires anthropisés directement par la présence d’humains résidents ou, indirectement, par la présence
d’équipements divers (réseau routier, urbanisation…) et/ou d’activités humaines liées à l’exploitation des res-
sources naturelles (agriculture, forêts exploitées…).
73 Il n’y a pas « d’espèces à problème » mais des « cohabitations à problème ».
74 Quelques exceptions dans l’extrême nord de son aire de répartition.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 59


Et en France ?

Selon les États, il existe, schématiquement, cinq méthodes pour suivre l’évolution des popula-
tions de loups : 1/ enquêtes participatives auprès des gens de terrain ; 2/ suivi précis sur des
sites témoins à partir desquels on pourra extrapoler à l’ensemble de l’aire de distribution 3/
recensement des meutes 4/ suivi génétique intensif et 5/ mesure du développement spatial de
la population, indicatrice de la tendance démographique.

En France, on concentre les moyens sur la localisation des Zones de présence permanente de
l’espèce (ZPP) et l’estimation annuelle des effectifs de loups en associant plusieurs méthodes
qui se complètent : recueil coordonné des indices de présence en hiver, relevés d’indices décou-
verts fortuitement tout au long de l’année, hurlements provoqués en fin d’été afin de détecter
les reproductions, analyses génétiques75…

En matière de gestion des populations de loups, la France, sous la pression des lobbies de l’éle-
vage, module annuellement le quota de loups à tuer en visant le maintien des effectifs de loups
autour de 500/600 individus avant naissance (seuil minimum théorique de viabilité de l’espèce
à moyen terme à la condition que les loups de France restent en contact avec les populations de
loups des pays voisins : Italie, Suisse, Allemagne...).

Dans cette logique, la France augmentera annuellement les quotas de loups à tuer jusqu’à ce
que la population des loups français se stabilise autour de 500/600 individus. Cette gestion
comptable découle de considérations essentiellement politiques. Des calculs politiques ab-
surdes, qui (par exemple) n’intègrent pas la baisse possible des dommages aux troupeaux et
qui, loin de rétablir la paix sociale, encouragent les organisations anti-loups à réclamer avec
encore plus de véhémence l’éradication de l’espèce.

De la nécessité d’évoluer vers un nouveau système de suivi et de gestion


Les méthodes actuelles de suivi des loups, mises en œuvre en France, entraînent des coûts
financiers qui, aujourd’hui, atteignent leurs limites. Ce sentiment domine dans la plupart des
pays qui connaissent une expansion de l’espèce.
Dans la plupart des États concernés, au sein des organismes chargés du suivi et de la gestion
du loup, une réflexion est amorcée qui vise à réorienter la recherche et proposer de nouvelles
méthodes de suivi qui allieraient rigueur scientifique, sensibilité des paramètres étudiés et
coûts supportables.

La méthode qui présenterait le meilleur rapport coût/efficacité est la mesure du développe-


ment spatial de la population lupine. Cette méthode, déjà utilisée aux Etats-Unis, consiste à car-
tographier annuellement l’évolution des zones de reconquête ou de régression du loup (pré-
sence occasionnelle ou régulière) en veillant (et ce point est crucial) à ce que cet indicateur soit
bien lié à l’évolution des effectifs76 .

75 Selon les experts internationaux, la méthode française serait une des plus complètes et efficaces d’Europe.
76 Le loup étant une espèce territoriale stricte, l’évolution de la répartition géographique de l’espèce (exten-
sion, stabilisation ou réduction de la distribution) est (théoriquement) directement liée à l’évolution des effec-
tifs (à la hausse ou à la baisse). Plus simplement : lorsque les effectifs de l’espèce augmentent cela se traduit
par une augmentation de son aire de répartition et inversement.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 60
Cette méthode devra s’avérer suffisamment réactive pour détecter très rapidement une évolu-
tion négative des effectifs77.

Sur la base de la note technique ONCFS-MNHN en réponse aux tirs dérogatoires de loup, pu-
bliée en février 2019 - ONCFS-MNHN 2019 - et à la suite des propositions contenues dans le
rapport sur l’évaluation des différentes méthodes de suivi et de gestion du loup - DUCHAMP et
al. 2020 -, des changements importants dans le suivi et la gestion des loups sont en cours.
Après un avis favorable émis par le Conseil scientifique « loup et activités d’élevage » le 2 jan-
vier 2020, on devrait assister dans le courant 2021 à la mise en place d’un nouvel indicateur
« maître » : le suivi spatial annuel de la répartition de l’espèce (carte de France présentant les
zones où le loup est présent, soit occasionnellement, soit régulièrement).

Cette évolution devrait se doubler d’une révision profonde du protocole de gestion dont l’ob-
jectif ne serait plus de stabiliser la population des loups français autour d’un chiffre théorique
de 500 à 600 individus, mais de viser la réduction du nombre d’attaques sur des troupeaux
effectivement protégés. Un changement de paradigme, indispensable pour passer d’une ges-
tion à court terme, inefficace, inspirée par des considérations essentiellement politiques, à des
pratiques rationnelles, validées par des scientifiques et qui proposent une vision à long terme
basée sur la gestion adaptative.

La note technique ONCFS-MNHN de février 2019 expose les quatre points essentiels de la
réforme en cours en matière de suivi et de gestion du loup en France :

[...] Cette gestion pas à pas s’appuie sur le concept de gestion adaptative, dont les étapes sont rappe-
lées. L’objectif devrait résider dans le nombre d’attaques et non dans le nombre de loups.
L’outil « tir dérogatoire » ne permet pas de diminuer le nombre d’attaques au niveau national. Il peut
cependant être utile sur le court terme au niveau local, sur les foyers d’attaques, terme à définir pré-
cisément. Le nombre de tirs dérogatoires accordés une année ne devrait plus être défini comme un
pourcentage du nombre de loups, mais comme un pourcentage du nombre de tirs dérogatoires accor-
dés l’année précédente.

L’évaluation de l’état de la population viendrait en garde-fou parallèle afin d’évaluer si les actions de
gestion ne mettent pas à mal la population de loups. Cette évaluation ne passerait plus par l’estima-
tion des effectifs, pour des raisons pratiques et méthodologiques, mais sur la base d’autres indicateurs
et de leur évolution.

-Il ne faut pas omettre les étapes d’amélioration de la connaissance du système géré. Deux sujets nous
semblent importants : l’étude de l’impact des tirs dérogatoires sur la cinétique des attaques, à diffé-
rentes échelles spatio-temporelles et l’étude écosystémique (i.e. multifactorielle) des causes d’appari-
tion et de persistance des foyers d’attaque, étant entendu que le tir dérogatoire n’est pas la meilleure
solution sur le long terme. [...].

77 On rappelle que malgré les tirs dérogatoires, le loup reste une espèce « protégée » par les réglementations
nationales et européennes.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 61


On retiendra :

Les méthodes de suivi des loups français montrent leur limite en matière de coût et
la gestion par les tirs dérogatoires n’a pas prouvé son efficacité. La plupart des pays
confrontés à la reconquête, par les loups, de leurs territoires, expriment les mêmes dif-
ficultés et proposent une évolution profonde des techniques de suivi vers des pratiques
moins coûteuses.
L’indicateur qui présenterait le meilleur rapport coût/efficacité serait le suivi spatial
annuel (cartographie) de l’aire de répartition de l’espèce (présence occasionnelle ou
permanente).

En matière de gestion de l’espèce, le choix devrait se porter sur la gestion dite adaptative
(action, évaluation, ajustement) dont l’objectif ne serait plus la stabilisation des effectifs
de loups (500/600 individus) mais la réduction du nombre d’attaques sur les troupeaux
domestiques.
Ces principes ont été validés par le Conseil scientifique « Loup et activités d’élevage »
en janvier 2020. Après une période de tests sur le suivi spatial, si ces derniers sont
concluants, une première étape de mise en œuvre expérimentale pourrait débuter en
mars 2021.

© Groupe PP Alpes

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 62


Combien de meutes aujourd’hui en France ?
Pour plus de détails sur la répartition des loups en France et pour en suivre l’évolution, on consul-
tera le site dédié de l’Office français de la biodiversité (OFB) : Loupfrance.

Depuis 1998, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS, aujourd’hui intégré
dans l’Office français de la biodiversité -OFB) à partir des données recueillies par le réseau
loup78 , publie plusieurs fois par an une synthèse de l’état des connaissances concernant l’évolu-
tion des populations de loups en France.

Carte de la présence du loup en France à l’été 2019.


Attention, la présence du loup évolue en permanence ; pour suivre cette évolution on consultera le site de l’Office français
de la biodiversité (OFB), ICI

Légende
- En grisé, limite de la zone de présence occasionnelle du loup
- En vert, zone de reproduction du loup
- En orange, Zone de présence permanente (ZPP) du loup mais sans meute constituée connue
=> Ronds = meute
=> Triangle = zone de présence permanente mais sans meute constituée
=> Étoile = à confirmer en tant que ZPP

78 Le réseau loup est placé sous la direction de l’Office français de la biodiversité (OFB, ex-ONCFS). Il se com-
pose de plus de 3000 correspondants formés provenant d’horizons très divers : agents publics (parcs natio-
naux ou régionaux, réserves naturelles, Office national des forêts – ONF…), bénévoles ou techniciens issus des
organismes cynégétiques ou des associations de protection de la nature, agriculteurs, naturalistes, simples
particuliers.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 63
En 2020, un loup peut être aperçu partout en France.

Le débat qui consiste, en se basant sur des informations souvent non vérifiables1 ,à mettre
systématiquement en doute les constats et chiffres officiels en déclarant qu’ils sont faux et sous-
estiment l’avancée des loups sur le territoire national est stérile.

En effet, compte tenu des capacités exceptionnelles de dispersion2 de l’espèce et de sa discrétion, il


est probable, que des loups en dispersion aient déjà pu atteindre et/ou traverser, un jour ou l’autre,
plus de 90 % des départements français.

__________________
1- Simple observation « d’un loup », photographie non exploitable, « analyse génétique » par un labora-
toire non agréé et sans possibilité de contre-expertise…
2- Dispersion prouvée par suivi GPS (Allemagne, Italie, Pologne…).

Dans le suivi des populations de loups, l’élément essentiel est la localisation des zones où
le loup est installé (différent d’une simple zone de dispersion). On parle de Zone de pré-
sence permanente de l’espèce (ZPP), lorsque la présence du loup est avérée79 durant deux hi-
vers consécutifs. Lorsque les informations recueillies permettent de conclure qu’au moins trois
loups sont installés sur un même territoire ou qu’une reproduction est avérée80, on parle de
ZPP avec meute. Dans le dernier cas, on précise : ZPP avec reproduction.

À la fin de l’hiver 2019/2020, l’OFB estime que la population des loups, en France, se répartit
sur 100 ZPP81 dont 81 sont constituées en meutes (Source : Bilan hivernal 2020). L’effectif
français de Canis lupus est estimée à 580 individus (fourchette 528-633).

L’OFB indique que si la population de loups continue son expansion géographique, cette crois-
sance est plus lente que les années précédentes. Le taux de croissance annuel brut est passé de
22 % (hiver 2018/2019) à 9 % pour le dernier hiver (2019/2020).
Ce ralentissement significatif de la dynamique, qui reste à confirmer en fin d’hiver 2020/2021,
traduit très probablement le double effet des tirs dérogatoires qui ont été multiplié par 12
depuis 2013, d’une part, et l’augmentation fortement suspectée du braconnage, d’autre part.

En 2019, pour la deuxième fois, une reproduction a pu être confirmée en dehors du massif al-
pin, cette fois-ci à la frontière franco-suisse, dans le département du Jura.

En 2020 (hiver 2019/2020), à l’exception de la meute du Jura, la totalité des meutes de


loups sont localisées à l’est du Rhône : ex-Région Rhône-Alpes (Auvergne Rhône-Alpes)
et Provence Alpes Côte d’Azur (PACA).

79 Analyse génétique effectuée par un laboratoire agréé avec possibilité de contre-expertise et/ou, photogra-
phie de bonne qualité ou tout autre élément incontestable.
80 Observation de louveteaux, réponse de louveteaux à une opération de hurlements provoqués.
81 La France abriterait environ 5 à 10% des meutes de loups de l’Union européenne.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 64


En Europe, de la Baltique aux Balkans, la population de loups est estimée à (ordre de grandeur)
17 000 individus (avant naissance), soit autour de 1500 meutes dont environ 80 % vivent dans
les pays de l’Union Européenne (UE). Source : Large Carnivore Initiative for Europe, IUCN/SSC
Specialist Groupe, 2020. Carte 2.

Il semble que la population lupine européenne soit en augmentation (ou stable selon le pas
de temps considéré) avec cependant des situations inquiétantes dans certaines populations
locales de la péninsule Ibérique (éradication du loup dans la Sierra Morena82) ou de Carélie
(Finlande). Les importantes populations de loups du sud-est de l’Europe (Carpates, Balkans,
Alpes dinariques) étant mal connues, toutes les estimations et évolutions
d’effectifs, concernant l’Europe, sont à prendre avec précautions.

Carte 2 : répartition du loup (Canis


lupus) en Europe.
Source : Large Carnivore
Initiative for Europe, IUCN/SSC
Specialist Groupe, 2020.

17 000 loups en Europe dont 13 000 à


14 000 dans l’UE.

Italie : 1100 à 2400 (croissance légère)


Péninsule Ibérique (chiffres de 2007)
environ 2500 loups
Pologne/Allemagne : 780 à 1030

82 Où le loup a disparu, systématiquement abattu dans les chasses privées majoritaires dans la région.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 65


Le loup et les
troupeaux domestiques

© Groupe PP Alpes
Quelques sources :

- Document maître : Le loup et les activités d’élevage, comparaison européenne dans le cadre
du Plan national d’actions 2018/2023. BOISSEAUX T. et al. 2019.
- Élevage ovin  : Économie de l’élevage, dossier ovins 2019, Ovins 2018, production lait et
viande ; ESPACE-ALPIN élevage ovin 2017 (Alpes du sud) ; Ovins extraits panorama Agreste
janvier 2016 ; Ovins extrait carte pastorale AURA ; 2018 Agreste PACA.
Avertissement : les statistiques (cheptel, nb. d’exploitations...) publiées par les organismes agri-
coles (Chambres d’agriculture, Directions régionales de l’Agriculture, Régions administratives...)
concordent rarement, avec des écarts parfois importants.
- Prédation, prévention, indemnisation : CANDY F. et al. (2019) ; Infoloup n° 32 de février
2020 ; Infoloup spécial bilan 2019 ; Infoloup n° 30, Arrêté du 28 nov. 2019 (OPEDER) ; Indem-
nisation des dommages aux troupeaux, n° spécial Juillet 2019.

En France, depuis 2019, il existe 300 communes où le loup est « exclu »

En 2019 la France a créé, discrètement, le concept de non-protégeabilité qui revient, en pratique,


à établir un zonage des territoires avec des secteurs déclarés « improtégeables » par les éleveurs,
où ces derniers ne sont pas tenus de protéger leur troupeau et où tous les loups repérés seront
abattus.

Depuis avril 2019 (arrêté 19-096 du 5 avril 2019), ce concept de non-protégeabilité prévu à l’ori-
gine pour des portions limitées du territoire, s’applique désormais sur plus de 300 communes de
4 départements du Massif central (Aveyron, Lozère, Hérault et Tarn). Cette cartographie englobe
toute la région de fabrication du Roquefort.

Cet arrêté ressemble fort à un « ballon d’essai » qui fait dire à certains observateurs, qu’à
terme, l’objectif de l’État français est de limiter la présence du loup au seul massif alpin
avec un effectif maximum de 500 individus...
© Groupe PP Alpes

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 67


Coexistence pérenne Loup-Élevage : les trois conditions
sine qua non
Il existe un consensus entre les éleveurs modérés installés en zone à loup et une large majori-
té de naturalistes et d’associations de protection de la nature concernés par la sauvegarde de
l’espèce.

Ce consensus repose sur trois conditions qui forment le socle d’une coexistence plus apaisée
entre les éleveurs et le loup :

1- la protection adaptée et effective des troupeaux contre la prédation,


2- l’élimination raisonnée des loups qui, malgré les mesures de protection adaptées et effec-
tives (contrôles nécessaires), attaquent un troupeau (tir de défense),
3- la solidarité nationale envers les éleveurs pour mettre en œuvre les mesures de protection
et compenser financièrement les dommages provoqués par la prédation.

Combien coûtent en 2019 la prévention et les


­indemnisations des dommages loup ?
(Source : Infoloup spécial bilan 2019)

En 2019, ces deux programmes se montent à 30 millions d’euros qui se répartissent comme
suit :
- indemnisations versées aux éleveurs ayant subi des dommages loup : 3,07 millions d’euros,
soit environ 240 euros versés aux éleveurs par animal tué ou disparu ;
- aides versées aux éleveurs pour la protection des troupeaux : 26,84 millions d’euros financés
État + FEADER.
Alors que la France n’abrite que 7 % (ordre de grandeur) des loups vivant dans les pays de
l’Union européenne, notre pays détient et de très loin un double record : record des aides pu-
bliques accordées aux éleveurs pour la prévention des attaques et leur indemnisation et record
du nombre de victimes attribuées aux loups.

Extrait de la mission d’expertise ordonnée par le Ministère de l’Agriculture et celui de l’Envi-


ronnement en 2019 (BOISSEAUX et al. 2019) : [...] La mission a été frappée par trois caracté-
ristiques qui se dégagent de la comparaison qu’elle a conduite : la France détient de très loin les
records du nombre de dommages (en valeur absolue ou rapportés au nombre de loups), du coût
public de la protection et du montant des indemnisations de dommages. Cette situation surprend
nombre des interlocuteurs rencontrés et conduit à s’interroger sur l’efficience du système mis en
place au fil des ans par notre pays. [...].

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 68


Les dommages loup en 2019
- En France, en 2019, on comptabilise 3790 constats d’attaques et 15 000 victimes (mortes ou
disparues)83 dans les élevages (essentiellement ovins).
- C’est à l’est du fleuve Rhône (Ex-Région Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur -PACA) que
vivent plus de 98% des 80 meutes de loups françaises et, sans surprise, c’est dans ces territoires
alpins et préalpins que l’on enregistre le plus de dommages loup (en 2019, pour les territoires
situés à l’est du Rhône, les dommages sont estimés à un peu plus de 90 % du total des victimes).
- Le cheptel ovin présent à l’est du Rhône est de l’ordre d’un million de brebis, pour environ
5000 élevages84 .
- À l’est du Rhône, en 2019, les loups sont donc responsables de la mort ou de la disparition de
1,4 % du cheptel d’ovins présent, soit 2 à 4 fois moins que la mortalité naturelle hors prédation
(maladie, accident, foudre...).
- Dans les zones où vivent les loups, la mortalité due aux chiens divagants ou errants semble
avoir disparu et parmi les hypothèses, la mise en place des mesures de protection des troupeaux
contre le loup a probablement eu un effet majeur. En effet, en 2001, le magazine « le chasseur
français », publiait un article intitulé « Chiens errants : le grand carnage » et l’auteur écrivait
« Dans les départements alpins [...] 15000 à 20000 prédations (prédation = victime - NDLR) par
les chiens errants[...].
En Grande-Bretagne, pays où le loup est absent, un rapport de 2005 du biologiste Ken Taylor de
l’English Nature Research (Dogs Access and Nature Conservation), estimait que 30 000 moutons
et 5000 à 10 000 agneaux étaient tués par des chiens errants chaque année (in BOYAC et al.
2017).

Attaques de chiens errants  : l’étrange silence des organisations


­professionnelles ­agricoles
En septembre 2001, le magazine « Le chasseur français » publiait un article intitulé « Chiens errants : le grand
carnage » (REVET 2001).
En se basant sur des enquêtes vétérinaires réalisées auprès de 1500 praticiens exerçant en milieu rural, l’auteur
écrit : « Chaque année, au moins 100 000 petits ruminants dont 90 % d’ovins et 10 % de caprins, sont tués
par des chiens, soit 1 % du troupeau national. […] ces estimations sont sans doute à revoir à la hausse […] Une
grande majorité d’éleveurs ne déclarant pas les sinistres à moins de cinq à six bêtes déchiquetées, on peut avan-
cer le chiffre de 150 000 bêtes victimes chaque année des chiens errants […] Dans les départements alpins […]
on y dénombre […] 15 000 à 20 000 prédations par les chiens errants. […]».

Pour l’année 2019, la DREAL AURA coordinatrice du « Plan loup », donne, pour l’ensemble des départements
alpins, 11 172 victimes attribuées au loup (essentiellement ovins) ; soit un chiffre comparable, voire (très) inférieur
à la prédation par les chiens errants en 2001 pour les Alpes françaises.
Pour l’ensemble de la France, la DREAL AURA coordinatrice signale en 2019, 12 487 bêtes tuées par le loup (à
comparer aux chiffres des 150 000 bêtes domestiques victimes des chiens errants en 2001).

83 12515 animaux tués et 2500 animaux disparus.


84 D’autres documents annoncent le chiffre de 2700 éleveurs pour les Alpes françaises en 2015 selon la DREAL
Rhône-Alpes (in DUCHAMP C. et al. 2017).
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 69
D’après les chiffres officiels des services de l’État chargés de comptabiliser toutes les attaques de troupeaux
déclarées par les éleveurs qui travaillent en zone à loups, la part des attaques qualifiées « chien » est aujourd’hui,
depuis le retour du loup, devenue insignifiante. Pour les Alpes et Préalpes, les dommages chiens sur les trou-
peaux domestiques ont presque disparu.

Il n’est pas question de nier la réalité de la prédation des loups sur le bétail et même si les chiffres publiés par la
DREAL coordinatrice surestiment de facto les dommages provoqués par le loup1 on peut estimer que la grande
majorité des dommages « loup non exclu » sont bien le fait du loup et non pas des « dommages chien » dégui-
sés en « dommages loup ».

Non, l’étrangeté est ailleurs.

1- Que sont devenues les attaques de chiens errants ? Des milliers d’attaques qui semblent avoir disparu dans
tous les départements où la présence des loups est avérée…

2- La seconde étrangeté est encore plus troublante. Elle concerne l’ampleur des réactions du monde agricole
lorsque la prédation est attribuée au loup, comparée au silence des mêmes acteurs, au temps où les chiens
errants causaient au moins autant de dégâts sur les troupeaux domestiques.
Les pertes sont pourtant du même ordre et le stress des éleveurs est identique.

Les observateurs noteront que l’unique différence qui existe entre une attaque de chien et une attaque de loup
est financière : dans le premier cas, la perte est (sauf exception) intégralement à la charge de l’éleveur alors que
s’agissant du loup, il existe un barème d’indemnisation revu récemment (Infoloup spécial juillet 2019) qui prend
en charge tous les aspects du sinistre.
En 2019, en France, il y a eu 3790 attaques indemnisées à hauteur de 3,07 millions d’euros ; soit, en moyenne, 810
euros d’indemnités par attaque de loup. Rapporté à l’animal domestique perdu par l’éleveur, l’indemnité est en
moyenne de 245 euros par victime (sur le marché, une jeune brebis se négocie entre 150 et 200 euros).

__________________
1- On rappelle que la qualification des dommages attribués au loup est « loup non exclu » et non pas « loup certain ».

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 70


Comment fonctionne la mise en œuvre des mesures de
protection ?
Sur les territoires où vivent des meutes de loups la majorité des éleveurs souscrivent un contrat
de prévention de la prédation par les loups (mesure 07.62) ; soit pour 2019 : 2722 dossiers en-
gagés.

C’est l’arrêté du 28 novembre 2019 qui encadre « la protection des troupeaux contre la préda-
tion (OPEDER) » (Voir Infoloup n° 30). La mise en œuvre des mesures de protection dépend
1/du choix par l’éleveur parmi les cinq mesures proposées en fonction des territoires où il fait
pâturer (Cercles de prédation : 0, 1, 2 ou 3) et 2/du temps de pâturage dans chacune de ces
zones. Le résultat fournit une multitude de cas particuliers au milieu desquels, l’observateur
non-éleveur rempli de bonne volonté et désirant comprendre, se retrouve souvent perdu.

En essayant de simplifier, les éleveurs qui signent un contrat de prévention s’engagent sur 3
points :

1- Établir un schéma de protection.

2- Mettre en place durant toute la durée du pâturage au moins deux actions de protec-
tion les plus appropriées sur chaque lot d’animaux engagés.

Le choix doit se faire parmi cinq mesures proposées :


1/Gardiennage renforcé-surveillance renforcée.
2/Chiens de protection.
3/Investissement matériel (parcs électrifiés).
4/Analyse de vulnérabilité.
5/Accompagnement technique.
L’éleveur peut par exemple choisir : parc de pâturage électrifié et visites journalières ou gar-
diennage et parc de nuit ou gardiennage et chien…

3- Tenir à jour le carnet de pâturage indiquant au fur et à mesure les déplacements du


troupeau et les évolutions du nombre d’animaux, les moyens de protection mis en œuvre
et des personnes assurant le gardiennage.

Toutes ces mesures bénéficient d’un financement public à hauteur minimale de 80 % des dé-
penses avec plafonnement. Malgré le niveau élevé de ces dépenses supportées par l’ensemble
des citoyens, il n’existe aucun contrôle des schémas de protection et/ou des carnets de pâtu-
rage, des mesures de protection mises en place, ni aléatoire, ni même à la suite de dommages
loup importants et récurrents frappant un élevage. Les services de l’État chargés de la mise en
œuvre et du suivi du plan d’action loup et élevage, ne procèdent à aucune évaluation.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 71


2019. Répartition par postes
des aides publiques attribuées
aux éleveurs pour la protec-
tion des troupeaux contre la
prédation par le loup.
Info loup n° 31, spécial bilan
2019, DREAL Auvergne Rhô-
ne-Alpes.

Évolution de l’aide publique à la protection des trou-


peaux domestiques contre la prédation par le loup de
2004 à 2019. Info loup n° 31, spécial bilan 2019, DREAL
Auvergne Rhône-Alpes.

Les chiffres clés 2019 (infoloup n° 31, bilan 2019)

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 72


Évolution du nombre de prédations de loups sur les troupeaux domestiques en 2016 (bleu), 2017 (vert), 2018 (rouge) et 2019
(jaune). Info loup n° 31, spécial bilan 2019, DREAL Auvergne Rhône-Alpes (infoloup n° 31, bilan 2019).

Évolution du nombre de victimes (brebis essentiellement) suite à la prédation du loup sur les troupeaux domestiques [2016
(bleu), 2017 (vert), 2018 (rouge) et 2019 (jaune)] (infoloup n° 31, bilan 2019).

Évolution du nombre de loups tués dans le cadre des tirs


dérogatoires létaux de 2011 à 2019 (infoloup n° 31, bilan 2019).

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 73


Dans les zones où vivent les 80 meutes de loups, les
dommages se concentrent dans un nombre restreint de
territoires
Dans une étude récente, le biologiste Gilles RAYÉ (Comprendre les dommages sur les trou-
peaux dus au loup, grâce à une analyse spatiale des données Géoloup, MTES/CGDD/SR, 2020)
analyse les données contenues dans la Base de données « Géoloup » qui répertorie et cartogra-
phie tous les dommages loup85 .

L’auteur met en évidence les caractéristiques suivantes :


- 3 territoires enregistrent des dommages élevés et persistants depuis 10 ans (Alpes-Mari-
times, Var et Maurienne) ;
- L’augmentation du nombre de prédations typées loup (2011-2018) est mieux expliquée par
l’augmentation de l’aire de présence du loup que par l’augmentation du nombre de loups.
- 4 massifs (sur les 21 identifiés) concentrent 55 % des attaques attribuées au loup et 52 % des
victimes (brebis tuées) : Préalpes méridionales, Vésubie-Roya, Maurienne et Tinée-Haut Var.
- Les forts niveaux de dommages s’observent avec une plus grande fréquence dans les terri-
toires où les prédations se font en journée (sud-est des Alpes).
- les déterminants identifiés à l’origine des forts niveaux de dommages sont :
- L’absence de protection des troupeaux86 .
- Le défaut dans l’accompagnement des éleveurs face à la prédation lupine87.
- La présence des troupeaux qui sont toute l’année dehors (essentiellement en Provence).
- La taille des troupeaux (le nombre d’attaques augmente dans le même sens que la taille des
troupeaux).

Pour expliquer le fort niveau des dommages constaté dans le sud et le sud-est des Alpes (Pro-
vence) l’auteur émet l’hypothèse que la présence des troupeaux pâturant toute l’année dehors
conditionne les loups à orienter la prédation sur les brebis plutôt que sur la faune sauvage et à
déplacer les horaires de leurs actions de chasse, de la nuit (période traditionnelle), à la journée.

Cette concentration des attaques sur un nombre restreint de territoires est une constante et le
rapport de la mission confiée à des hauts fonctionnaires par les ministères français de l’Agricul-
ture et de l’Environnement en 2019 enfonce le clou : [...]« Une consultation des statistiques d’at-
taques en zone pastorale de l’ex-région Rhône-Alpes et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur
sur la période 2013-2017 montre que 50 % des 8 685 attaques recensées se concentrent sur 10 %
seulement des unités pastorales. Dans le Var, 10 unités pastorales concentrent la moitié des at-
taques, 33 pour le département des Alpes-Maritimes. La mission estime que notre pays gagnerait
beaucoup à analyser en détail et sans tabou (vulnérabilité, type de conduite des troupeaux, quali-
té des mesures de protections et de leur mise en œuvre…) cette anomalie qui influe de manière très
négative sur l’ensemble de la gestion du loup en France. » [...] ; in BOISSEAUX et al. 2019.

85 RAYÉ s’intéresse aux territoires situés à l’est du fleuve Rhône qui abritent la totalité des meutes de loups
à une exception près. La méthode s’appuie sur l’analyse des clusters (Foyers de dommages), en fonction des
meutes/ZPP, des massifs (21 massifs identifiés) et du maillage de l’espace (10 km x 10 km).
86 Essentiellement dans les Alpes du Nord : Aravis, Trièves, Emparis, Haute Maurienne...
87 À l’inverse, RAYÉ signale l’efficacité des mesures d’accompagnement des éleveurs face à la prédation lupine
mises en place, par certains Parcs naturels régionaux (PNR) comme celui du Queyras (BONATO et al. 2018).

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 74


Chaque année, les dommages se concentrent sur un
nombre restreint d’élevages
Ce constat est fait par toutes les DDT de France chargées de répertorier les dommages loup
dans les départements. Par exemple, dans la Drôme qui peut être considérée comme un dé-
partement témoin, en 2019, 6 élevages88 concentrent 25 % des attaques (MATHIEU 2020). Voir
aussi RAYÉ 2020 en ce qui concerne l’ensemble du massif alpin français.

Dans une analyse récente (2020) à partir des données Géoloup enregistrées sur 10 années, GI-
MENEZ et al., sans contester le phénomène de concentration des attaques sur un nombre réduit
d’élevages ([...] 5 à 7% des élevages concentrent 35 % des attaques [...]), constate que la liste de ces
élevages change souvent d’une année à l’autre. Cette publication qui constitue « le prélude à un ar-
ticle à paraître dans une revue scientifique » ne propose aucune explication. Attendons donc l’article
annoncé.

Mise à mort des animaux domestiques par des loups ou par des ­humains :
éthique et morale

Les Loups, comme tous les prédateurs sauvages ainsi que les humains en général, se nourrissent en
tuant d’autres animaux. En matière de mise à mort, comme dans de nombreux autres domaines, la
morale ou l’éthique (le bien et le mal) sont des concepts exclusivement humains et les transposer
aux animaux n’a pas de sens.

Les activistes anti-loup aiment montrer des images sanglantes de brebis ou d’autres animaux tués
par le loup et certains éleveurs disent, et on peut les comprendre, être marqués par la perte de
leurs animaux tués par le loup et auxquels ils sont attachés.

Les éleveurs d’animaux domestiques dédiés à la consommation humaine conduisent, un jour ou


l’autre, leurs bêtes à la mort, généralement dans un abattoir. Il serait juste de montrer ce qui se
passe lorsque qu’après avoir livré les animaux auxquels ils sont attachés, les éleveurs referment la
porte de leur camion pour rentrer chez eux.

L’association L214 a filmé ce qui se passe dans l’abattoir de Maulèon-Licharre dans les Pyrénées
atlantiques lors de la mise à mort de brebis, d’agneaux et de veaux.
ATTENTION : les images de cette vidéo sont difficilement soutenables.
Pour visionner la vidéo, cliquer ICI.

PS : même si l’association L214 a diffusé plusieurs vidéos de ce type, tournées en caméras cachées
dans plusieurs abattoirs, rien ne permet d’affirmer que ces comportements barbares et indignes
sont une constante dans tous les abattoirs ; mais rien ne permet, non plus, d’affirmer le contraire...

88 Sur les 90 ayant subi des dommages loup en 2019.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 75


Est-ce que la protection des troupeaux ça fonctionne ?
Si la question est « Est-ce que la protection des troupeaux élimine la prédation sur les troupeaux
domestiques ? La réponse est : non.
Si la question est « Est-ce que la protection des troupeaux diminue la prédation sur les troupeaux
domestiques ? La réponse est : oui.

Si la protection des troupeaux ne fait pas disparaitre les prédations, faut-il supprimer la pro-
tection des troupeaux ? La réponse peut se faire à travers la métaphore des cambriolages. En
France, le nombre de cambriolages atteint un niveau qui est loin d’être négligeable89. Faut-il
alors conseiller aux foyers français de ne plus protéger leur résidence ?

Sur les territoires où les loups sont installés en meutes, les prédations loup touchent essentiel-
lement les troupeaux protégés, ce qui fait dire à certains que « la protection ne protège pas ».
Ne serait-ce pas un bel exemple de sophisme ?

En effet, dans les territoires où des meutes de loups coexistent avec les éleveurs depuis plu-
sieurs années, ces derniers, dans leur grande majorité, mettent en place des mesures de protec-
tion, en souscrivant un contrat de prévention auprès des services de l’État. Au final, il n’est donc
pas surprenant que les attaques touchent surtout les troupeaux protégés puisque la protection
constitue la norme.

Reprenons la métaphore des cambriolages : une grande majorité des foyers mettent en place
des mesures de protection90 de leur habitation pour limiter les risques de cambriolage (ne
serait-ce que fermer leur maison à clef...). Aucune mesure de prévention des risques n’étant
infaillible, lorsqu’un cambriolage se produit il se produit essentiellement sur des résidences
protégées.

Prédation sur les élevages, cambriolage des habitations : la prévention est efficace. Si l’efficaci-
té peut et doit toujours s’améliorer : sans les mesures de prévention, le chiffre des dommages
subis exploserait.

Une analyse de l’évolution des dommages loup dans le département de la Drôme entre 2015 et
2019 montre que le niveau des dommages se stabilise alors que le nombre de meutes, dans le
même temps, a été multiplié par quatre. Traduit en chiffres, l’analyse montre que les loups
drômois qui, en 2019, se répartissent en 13 meutes, tuent ou font disparaitre un peu
moins de 1 % du cheptel ovin drômois (MATHIEU 2020) ; une preuve, s’il en fallait une, que
la protection des troupeaux fonctionne.

89 En 2016, la police et la gendarmerie recensent par exemple 507 000 tentatives de cambriolages ou cam-
briolages réussis en France métropolitaine, enregistrés auprès de 470 000 foyers différents. Ramené à la
population, ce total signifie qu’environ 1,6% des ménages français ont été concernés par le cambriolage sur les
douze mois étudiés.
90 Serrures aux portes, volets ou grilles aux fenêtres, portes et fenêtres antieffraction, voire alarmes et/ou
caméras...

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 76


Chiens de protection : le Kangal (gauche) ou Berger d’Anatolie et le « Mastin Leonés » espagnol (droite).
Dans tous les cas, ce n’est pas la « race » qui fait la différence, mais la lignée, le dressage et… l’éleveur ou le berger.
© Roger MATHIEU

Parlons des chiens de protection 91

En France, il n’existe aucune statistique concernant le nombre de chiens de protection en activité.


Le chiffre le plus souvent avancé est de 4000 à 5000 chiens92 .

- L’usage des chiens de protection est très ancien et répandu sur l’ensemble du globe. Dans une
multitude de pays où coexistent élevage et Grands prédateurs, le chien de protection constitue,
après la présence du berger, un des meilleurs moyens pour prévenir les attaques de prédateurs
et/ou limiter le nombre de victimes par attaque.

- Dans une grande partie de l’Europe de l’Ouest, la disparition des Grands prédateurs avait
entraîné celle des chiens de protection reclassés en chiens de compagnie. En France comme
dans de nombreux autres territoires, depuis le retour du loup, les chiens de protection sur-
prennent et impressionnent les promeneurs. Même si les cas de morsures sont rares, rappor-
tés au nombre de promeneurs, l’inquiétude manifestée par le public est réelle (voir à ce sujet
l’enquête 2019 « Mon expérience avec les chiens de protection » réalisée par le Réseau pastoral
Auvergne Rhône-Alpes).

- S’il n’existe aucune étude sur la prédation des chiens de protection sur la faune sauvage (mar-
mottes, chevreuils, sangliers, blaireaux...), cette prédation existe et pourrait être localement
non-négligeable du fait que, contrairement au loup, le chien de protection en maraude chasse
sur un territoire beaucoup plus réduit93 , entrainant un niveau de pression beaucoup plus élevé.

91 Ne pas confondre les chiens de protection (berger des Pyrénées, berger d’Anatolie ou Kangal, mâtin es-
pagnol...) chargés de protéger le troupeau face à toutes les menaces externes dont celle représentée par les
Grands prédateurs (ours, loup, autres chiens...) et les chiens de conduite (border, labrit...) qui aident le berger
dans son travail de conduite du troupeau et lui évitent de nombreux déplacements. Beaucoup moins impres-
sionnant que le chien de protection, le chien de conduite peut mordre un étranger qui se rapproche trop près
du troupeau et certains disent que, globalement, ces chiens sont plus « mordeurs » que les chiens de protec-
tion.
92 En se basant sur les dossiers instruits en cercle 1 et 2.
93 Généralement, de l’ordre de 15 à 20 000 hectares pour un loup et environ 100 fois moins pour un chien de
protection en mode « chasse en divagation ».

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 77


Aujourd’hui, personne ne nie les problèmes engendrés par le retour et la multiplication des
chiens de protection, sur le plan de la sécurité, celui de la prédation sur la faune sauvage et de
l’efficacité vis à vis du loup.

Kangal en vadrouille © Groupe PP Alpes

En février 2020 l’Assemblée nationale publiait les conclusions du rapport de deux parlemen-
taires sur les chiens de protection (BOYER et TAURINE 202O). Les propositions émises, par-
tagées par de nombreuses associations de protection de la nature (APN), sont pertinentes et
réalistes. Ces mêmes APN rappellent, comme le font les rapporteurs, que la plupart de ces pro-
positions qui relèvent du bon sens et de l’urgence, ont déjà été formulées depuis de très nom-
breuses années, reprises dans le plan loup 2018-2023 et restées lettre morte par défaut de
volonté politique.

Les auteures rappellent en introduction une réalité peu connue du public : les chiens de protec-
tion de troupeau, s’ils sont largement subventionnés par l’État, exigent pour être efficaces, une
forte implication des éleveurs et des bergers.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 78


Les auteures du rapport BOYER et TAURINE font 19 propositions concrètes

Parmi lesquelles :
- la structuration d’une filière « chiens de protection » garante de la sélection des chiens et de
leur suivi, reposant sur les éleveurs et encadrée par l’Institut de l’élevage (IDELE) 94 ;
- l’intégration d’un volet « prédation et chien de protection » dans les formations initiales au
métier de berger et plus généralement dans les programmes des lycées agricoles ;
- le recensement exhaustif des incidents impliquant des chiens de conduite ou de protection
des troupeaux ;
- l’information des randonneurs et autres usagers des espaces ruraux, leur transmettant des
consignes sur les comportements à adopter face aux chiens de troupeau (campagnes publici-
taires nationales, équipes dépêchées sur les chemins de randonnée sillonnant des territoires
exposés à la prédation afin d’informer les touristes...) ;
- l’engagement d’une réflexion sur le statut des chiens de protection et le régime de responsa-
bilité en cas de morsure ;
- l’encouragement et le soutien financier au développement de la recherche sur le comporte-
ment des prédateurs et des chiens ;
- le suivi effectif des subventions publiques allouées aux éleveurs pour la mise en place des
mesures de protection ;
- la mise en place dans les délais les plus brefs de l’observatoire des moyens de protection (ac-
tion prévue dans le cadre du plan national d’actions sur le loup et les activités d’élevage 2018-
2023).

Abattages légaux : qui tue les loups et comment ?

En 2019, l’abattage légal des loups est effectué essentiellement par les tirs de défense simples
(TDS : 47 % des tirs) et les tirs de défense renforcés (TDR : 43 % des tirs) pratiqués par les louve-
tiers, les chasseurs habilités, les éleveurs, les bergers et la brigade loup.

En 2019, ont été délivrées par les préfets 1609 autorisations de TDS et 210 autorisations de TDR
pour 98 loups tués légalement (quotas 2019 = 100 loups).

NB : Ces chiffres sont en croissance constante et au 1er Août 2020, nous en sommes à 2 056 autorisations
de tirs de défense simple (TDS) dont 565 pour les Hautes-Alpes, 495 pour les Alpes-de-Haute-Provence et
249 pour la Savoie. 204 arrêtés de tirs de défense renforcée (TDR) sont en cours, dont 77 pour les Alpes-de-
Haute-Provence, 40 pour les Alpes-Maritimes et 27 pour les Hautes-Alpes. Notons que 3 TDR sont délivrés
pour la Meurthe-et-Moselle.

Les matériels utilisés par les louvetiers, les chasseurs « habilités », les agents de l’OFB et la brigade
loup sont entièrement financés par l’État. Ils mettent en œuvre les techniques les plus avancées
en matière de détection et de visée nocturne par imagerie thermique. Sans entrer dans les détails
que l’on trouve facilement sur internet, ces techniques de pointe permettent de détecter un loup
à plus de 500 mètres et de l’abattre avec des taux de réussite exceptionnels lorsqu’on les compare
aux taux de réussite obtenus avec le matériel traditionnel.

94 Remarque : par principe, en matière de recherche, le monopole n’est jamais un gage de qualité. Il serait plus
judicieux, pour la fiabilité et l’objectivité des résultats, de proposer ce travail à une structure ad hoc composée
de plusieurs organismes et experts.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 79
Si l’on rajoute à la performance du matériel moderne, la méthode de l’appâtage, illégale mais lar-
gement utilisée95 : aujourd’hui, un loup vu lors des opérations de tirs de défense est un loup mort.

Le repérage des loups de nuit à très longue distance, la facilité de l’exercice et un taux de réussite
exceptionnel entraîneront, inévitablement, la multiplication des dérives en transformant une me-
sure technique ponctuelle, destinée à faire cesser les attaques répétées sur un troupeau bien pro-
tégé, en un exercice ludique pour des chasseurs en mal de sensations fortes, voire un loisir excitant,
par exemple pour s’occuper durant les quelques périodes où la chasse est fermée.

Pour illustrer cette dérive, on visionnera la vidéo de 5 mn, publiée sur le site de Hugo CLÉMENT,
« Sur le front » qui montre en direct l’abattage d’un loup le 5 juillet 2020, au Col du Lautaret
(Hautes-Alpes), filmé et commenté par Corentin ESMIEU, accompagnateur de montagne et au-
teur de « Loup : une vie en meute dans les Écrins » paru en 2020. En cas d’échec du lien, vous pou-
vez visionner directement ce document ICI.

Si l’utilisation de matériel de détection thermique est pour l’instant interdite en action de chasse,
les braconniers sont déjà équipés et les tirs illégaux de loups pourraient bien connaître, dans les
prochains mois, une croissance rapide. À ce propos, qui peut garantir que le matériel de détection
thermique (jumelles et lunettes de tir) mis à disposition des louvetiers et plus généralement de
toutes les personnes habilitées à effectuer des tirs dérogatoires, n’est pas détourné pour pratiquer
des actes de braconnage ? À ce sujet des questions précises ont été posées au Directeur régional de
l’OFB Auvergne Rhône-Alpes, dans un courrier signé de France nature environnement Auvergne
Rhône-Alpes (FNE AURA), daté du 17 juillet 2020. Les réponses seront diffusées dans le réseau
associatif.

Certains départements de l’Est de la France ont déjà légalisé l’utilisation du matériel à vision noc-
turne par amplificateur de brillance96 pour abattre les sangliers la nuit (ICI).

Tout permet de penser qu’en France, la légalisation de la chasse de nuit de tous les animaux consi-
dérés comme indésirables (ongulés, prédateurs, ex-nuisibles...) à l’aide du matériel de repérage
et de visée nocturne, n’est plus qu’une question de mois, avec toutes les conséquences néfastes
prévisibles, légales ou illégales, sur la faune sauvage et le loup en particulier.

95 Les tireurs appâtent le loup en laissant dehors et sans chien un lot de brebis et/ou en laissant en place une
brebis fraichement prédatée par le loup... (Voir document ICI).
96 Différent de la détection thermique et moins efficace pour les tirs à longue distance.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 80


Est-ce que tuer des loups fait diminuer le nombre des
attaques ?
À la condition de changer les lois et règlements et d’en tuer beaucoup : oui, abattre des
loups peut faire diminuer de manière significative la prédation des loups sur les trou-
peaux domestiques. 

Abattre de plus en plus de loups pour dépasser le seuil des 35% de mortalité97, toutes causes
confondues (en 2020, il est probable que cette limite soit déjà dépassée) et réduire, à terme, les
effectifs français à quelques dizaines d’individus, constitue, au moins à court terme, une opé-
ration efficace qui permettra une réduction significative des dommages qui pourraient devenir
négligeables.
Actuellement ce scénario n’est pas envisageable car contraire à la réglementation nationale et
européenne, mais l’objectif de toutes les organisations professionnelles agricoles est de pro-
céder à une déréglementation de la gestion du loup pour leur permettre de réduire, autant
qu’elles le souhaitent, les effectifs de loups français.

300 loups ont été abattus (quotas de


tirs annuels) en France en 5 ans, de
juillet 2015 à juillet 2020.

Sur la photo, deux louveteaux d’environ 3


mois et demi, abattus à l’est du massif du
Vercors en 2016.

Même si cette solution, tant espérée par les groupes de pression agricole, n’était plus sanction-
née par les règlements nationaux et internationaux, rien ne garantirait son efficacité à long
terme concernant une réduction significative des dommages aux troupeaux domestiques.
Considérant que les loups ne connaissent pas les frontières et que leur capacité de dispersion
est élevée, la politique de la pression d’abattage maximale va se heurter rapidement à l’immi-
gration naturelle des loups en provenance des populations italiennes, suisses, allemandes et
peut être un jour espagnoles.

97 Au-delà de 34 % de mortalité, toutes causes confondues, les effectifs de loups déclinent.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 81


La réduction drastique des effectifs de loups français (à la condition que cette politique radicale
soit acceptée par l’opinion publique...) s’accompagnera forcément d’un relâchement important
dans le domaine de la protection des troupeaux. Ce relâchement entraînera inévitablement une
remontée du niveau des attaques de chiens et de loups et, en conséquence, une augmentation
des pertes subies par les éleveurs.

L’exemple de la Norvège tend à montrer que seul un niveau de population de Grands préda-
teurs très proche de l’éradication pourrait réduire significativement les dommages. En effet
la Norvège dont la superficie est du même ordre que celle de l’Italie, protège peu ou pas ses
troupeaux domestiques et maintient une très faible densité de loup (une cinquantaine d’indivi-
dus en Norvège pour plus de 1500 en Italie) grâce à une très forte pression de tir. Malgré cette
politique radicale de gestion des Grands prédateurs et du loup en particulier, la Norvège accuse
un niveau de dommages qui reste d’un ordre de grandeur supérieur à celui enregistré dans les
autres pays européens.

Les femmes et hommes politiques qui prônent « les tirs massifs » comme unique solution aux
problèmes posés par les dommages loup, doivent compléter leur propos en annonçant claire-
ment que, pour être efficaces, ces tirs massifs doivent viser la quasi-éradication du loup. Pas
sûr que le Public, l’Europe et les résultats à long terme sur les dommages suivent.

L’efficacité des tirs de loups en 2019 en ce qui concerne


la prévention des dommages ?
Dans le contexte de 2019 et l’état actuel du droit, les États de l’Union européenne peuvent
abattre des loups à la condition de ne pas faire régresser le niveau de conservation de l’espèce
dans le pays considéré ; l’éradication n’est donc pas à l’ordre du jour.

- Scénario 1 : les troupeaux protégés


Il est vraisemblable que l’élimination, dans l’environnement proche du troupeau, d’un ou plu-
sieurs loups commettant de manière récurrente des dommages sur une exploitation bénéfi-
ciant de mesures de protection adaptées et effectives, soit efficace pour éliminer le problème
sur cette exploitation. Cette idée, basée sur le fait que chez les loups il existe des individus qui
peuvent se spécialiser sur la prédation des animaux domestiques98 , est partagée par une majo-
rité des associations de protection de la nature et semble faire l’unanimité chez les biologistes.

- Scénario 2 : les troupeaux pas ou mal protégés


Concernant les troupeaux mal ou pas protégés du tout, une multitude de publications récentes
en Europe et en Amérique du nord suggèrent que l’abattage des loups, responsables des at-
taques, n’est pas une méthode efficace pour faire durablement et significativement baisser le
niveau des dommages. Selon certains auteurs, les tirs létaux pourraient même entraîner une
augmentation des dommages sur les troupeaux voisins, voire sur le troupeau directement
concerné par le tir [quelques sources : BRUNS et al. 2020, TREVES et al. 2016, LINNELL et CRE-
TOIS 2018, SANTIAGO-AVILA et al. 2018, VAN EEDEN et al. 2018, KUIJPER et al. 2019, RAYÉ
2020 ]. La plupart des sources relèvent l’efficacité supérieure des méthodes non-létales (chiens
de protection, bergers, forte densité de proies sauvages...).

98 En entrainant avec eux une partie de la meute.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 82


L’essentiel est exprimé dans la méta-analyse des interactions entre l’élevage et les loups en Eu-
rope (tiré de LINNELL et CRETOIS 2018) : « [...] La protection de l’élevage implique d’interrompre
le processus par lequel les carnivores trouvent, approchent, reconnaissent, tuent et consomment
ces animaux comme proie.
Les mesures les plus efficaces pour protéger le bétail consistent à installer des clôtures électriques
robustes sur des pâturages déjà clôturés, à rassembler le bétail la nuit dans des enclos protégés
des Grands prédateurs et à utiliser des bergers avec des chiens de protection sur des pâturages
dégagés.
Pour de nombreux systèmes d’élevage, certaines de ces mesures peuvent être mises en place sans
modifications majeures.
Tandis que pour d’autres, il faudra procéder à d’importants changements entraînant une aug-
mentation des coûts.
Cependant, toutes les mesures de protection auront probablement des avantages secondaires
pour la survie et le bien-être des brebis grâce à une surveillance accrue.
Bien que l’abattage ciblé et sélectif de grands carnivores soit toujours nécessaire dans une cer-
taine mesure, il n’est pas possible de s’appuyer uniquement sur un contrôle létal, car cela ne four-
nira pas de solutions à long terme et ne sera pas compatible avec la législation. [...] ».

La protection des troupeaux  : le ­mépris pour les bons ­éleveurs et la


prime aux plus ­mauvais

De l’avis de nombreux biologistes, agents de la fonction publique, chercheurs du public ou du privé


qui se sont investis ou s’investissent dans la problématique de la protection des troupeaux et avec
lesquels j’ai pu échanger, l’analyse est simple :

- en France il n’existe pas de réelle volonté politique pour s’intéresser à la protection des troupeaux
domestiques et encore moins pour remettre de la science dans la problématique du loup ;
- les sujets de recherche qui permettraient de comprendre et résoudre nombre de difficultés liées
à la prévention des attaques et en particulier au travail des chiens de protection, sont connus et
rappelés rapport après rapport, certains depuis plus de 20 ans, sans résultat ;
- pour la très grande majorité des femmes et hommes politiques, le mot d’ordre tient en deux
idées simples :
1/ il faut donner aux éleveurs les plus remuants et aux leaders des syndicats agricoles et des
chambres d’agriculture tout ce qu’ils demandent ; même si, rapport officiel, après rapport officiel,
les budgets explosent et les résultats ne sont pas au rendez-vous ;
2/ la seule réponse à la prédation est « on doit tuer toujours plus de loups » et peu importe si, en
matière de dommages, ces tirs sont efficaces ou pas ;
- l’essentiel des moyens financiers publics est affecté au financement des tirs (par exemple 250 000
euros en 2019 pour l’intervention des louvetiers bénévoles), à l’indemnisation des éleveurs, aux
moyens de protection et le tout, sans aucune évaluation ;
- la recherche publique ou privée, la mise en œuvre de tous les programmes maintes fois évoqués
(presque tous repris dans le dernier Plan loup), se partagent la misère d’un budget ridicule.
Enfin, et ce n’est pas le moins grave, de très nombreux éleveurs ou bergers effectuent, en silence,
un difficile travail pour s’adapter à la présence du loup et les résultats sont la plupart du temps au
rendez-vous. Un travail d’autant plus méritant qu’il se mène sous la menace, à peine voilée, des
leaders agricoles qui rêvent d’une éradication des loups et considèrent que se protéger efficace-
ment, c’est desservir les intérêts des éleveurs.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 83


L’investissement professionnel de ces éleveurs et bergers qui coexistent avec le loup devrait être
médiatisé et valorisé au lieu de toujours mettre en avant les dommages récurrents et massifs subis
par ceux qui se protègent mal, voire pas du tout.
L’absence de contrôle, sur le terrain, des moyens de protection, leur financement public à 90 %, un
confortable barème d’indemnisation (ICI) et l’absence d’évaluation : quatre réalités qui bloquent
l’espoir de mettre un terme à la gabegie dénoncée par le très officiel rapport BOISSEAUX (BOIS-
SEAUX et al. 2019).
La situation française se double d’une généreuse délivrance d’autorisations de tirs dérogatoires
létaux1 encouragent ainsi les éleveurs tentés par le laisser faire et décourageant ceux qui se pro-
tègent efficacement.
Le message officiel doit changer radicalement : les éleveurs qui font du bon travail doivent voir
leur professionnalisme récompensé et l’État doit mettre un terme à la prime au laisser aller. Un
changement radical de message, indispensable si l’on veut soulager les finances publiques, réduire
le nombre de prédations sur les troupeaux et limiter les tirs dérogatoires aux seuls cas qui le né-
cessitent.

__________________
1- En 2019, il a été délivré par les préfets 1609 autorisations de TDS et 210 autorisations de TDR pour 98
loups tués légalement (quotas 2019 = 100 loups).

Évaluation des politiques publiques consacrées à la


protection des troupeaux et à l’indemnisation des
dommages
Tous les observateurs avertis sentent, depuis quelques mois, un certain frémissement au sein de
la sphère politique. Frémissement concernant une volonté d’évaluation de l’utilisation des fonds
publics affectés à la prévention des dommages aux troupeaux et de l’indemnisation des éleveurs.
Le dernier rapport de la mission d’expertise ordonnée par le Ministère de l’Agriculture et celui
de l’Environnement en 2019 (BOISSEAUX et al. 2019) auquel s’ajoute celui publié en février
2020 par l’Assemblée nationale sur les chiens de protection (BOYER et TAURINE 202O) ont fait
prendre conscience à certains élus que la stratégie française du « toujours plus sans condition ni
contrôle » tournait à la gabegie et ne donnait pas les résultats attendus.

Dans une note de 7 pages publiée le 5 octobre 2020 intitulée « Gestion de la cohabitation
du loup et des activités pastorales » 7 associations de protection de la nature d’envergure
nationale, à partir d’exemples haut-savoyards, dénoncent le défaut de protection manifeste de
nombreux élevages bénéficiant d’autorisation pour abattre des loups et le laxisme des autorités
publiques qui accordent ces tirs sans contrôler les mesures de protection que les éleveurs sont
censés avoir mises en place. Cette note documentée s’accompagne de plusieurs vidéos mon-
trant des troupeaux sans protection bénéficiant d’autorisation d’abattage de loups : Pointe de
Bénevent (Commune de Vacheresse, 74), Juillet 2019 ; au-dessus de Pré-Richard (Commune de
Bernex, 74), Septembre 2020 ; Plateau de Cenise (Commune du Petit-Bornand, 74), juin 2020 ;
Plaine de Dran, Plateau des Glières, 74), juin 2020.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 84


Les associations de protection de la nature (APN) qui siègent dans les comités loup au niveau
national ou dans les départements, réclamaient depuis de très nombreuses années une évalua-
tion des politiques publiques mises en œuvre pour la protection des troupeaux et l’indemnisa-
tion des dommages ; en vain.
Aujourd’hui, elles sentent que la raison pourrait enfin faire une timide entrée dans un domaine
où, jusqu’à présent, toutes les décisions politiques ont été guidées uniquement par les calculs à
court terme surfant sur l’émotion et la surenchère des organisations professionnelles agricoles.

Frémissement ?
- Concernant l’évaluation des abattage légaux de loups, une thèse est en cours sur « L’impact
des tirs dérogatoires sur les attaques et la population de loups en France, et intégration
de ces effets dans un modèle de gestion adaptative », Oksana GRENTE, 2018-2021. Ce tra-
vail, supervisé par l’OFB et le CNRS, devrait être publié en 2021 (plus d’informations dans l’ar-
ticle paru en octobre 2020 dans la revue « Faune sauvage » : GRENTE et al. 2020).

- Concernant l’évaluation des moyens de protection et conformément au programme du Plan na-


tional d’action loup, en 2020 se met en place « l’Observatoire de la protection » avec un travail
d’analyse des services départementaux de l’État en liaison avec les éleveurs sur les 50 élevages
ovins français qui concentrent 30 % des victimes du loup. Ce travail devrait se poursuivre avec
des diagnostics de vulnérabilité de ces élevages et l’extension de ces analyses aux 200 élevages
les plus prédatés.

Toutes les APN, si elles saluent ces avancées, restent prudentes.


Les organisations professionnelles agricoles qui sur le sujet des Grands prédateurs et
celui du loup en particulier, se méfient de la raison, risquent d’avancer à reculons sur un
terrain qu’elles maitrisent beaucoup moins bien que celui de l’émotion dans lequel elles
excellent.

Et si on parlait loup, PAC et Indemnité compensatoire de handicaps


naturels (ICHN) ?

Avertissement. Dans ce chapitre, nous ne traiterons que de la filière la plus concernée par les dommages
loup : l’élevage ovins-viande en zone de montagne. À l’est du Rhône, où vivent la quasi-totalité des 80
meutes de loups françaises (2019), la filière ovins-viande est largement majoritaire et l’élevage, pour l’es-
sentiel, se pratique en zone à loup.

La filière de l’élevage ovin en zones de montagne bénéficie d’importantes aides publiques à travers
les subventions de la Politique agricole commune (PAC)1 et si la moyenne des aides PAC se situe
généralement entre 40 000 et 60 000 euros annuels (ordre de grandeur) pour un troupeau de 400
brebis à viande, certains éleveurs qui possèdent des troupeaux importants et/ou des surfaces de
pâturage importantes, peuvent dépasser les 100 000 euros pour atteindre parfois des records à
plus de 300 000 euros annuels (plus de 25 000 euros par mois)2.

Sans les aides publiques qui représentent généralement plus de 50 % du chiffre d’affaire des éle-
veurs et compte tenu de la chute importante de la consommation de viande ovine (chute de 50 %
en 20 ans), cette activité disparaitrait.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 85


Les aides PAC se répartissent en plusieurs rubriques, mais la rubrique qui bénéficie de la subven-
tion la plus importante est l’Indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) 3.

« L’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) est une aide en faveur des agriculteurs
exerçant leur activité dans des zones défavorisées par l’altitude, de fortes pentes et d’autres ca-
ractéristiques physiques du territoire. Cette aide est fondamentale pour le maintien de l’activité
agricole, et notamment de l’élevage, dans les zones à handicaps naturels et tout particulièrement
dans les zones de montagne. Cette aide vise à réduire les différences de revenu qui perdurent entre
les agriculteurs des zones défavorisées et ceux du reste du territoire. En permettant le maintien de
l’activité agricole, cette aide participe également à consolider l’activité économique et à préserver
l’emploi dans ces territoires. » (PAC 2015-2020, Ministère de l’Agriculture, avril 2020).

Le budget de l’ICHN  a été fortement revalorisé depuis 2014 (près de 80  % d’augmentation),
pour atteindre en 2019 une enveloppe d›un peu plus d›1,1 milliard d›euros (Source : Ministère de
l’Agriculture, Qu’est que l’ICHN ?).

Personne ne peut nier que la présence du loup constitue un « handicap naturel ». Malgré cette évi-
dence et le montant des sommes versées, l’ICHN n’est pas censée couvrir les dépenses occasion-
nées par les mesures à mettre en place, ni le surplus de travail de l’éleveur ou du berger engendré
par la présence du loup...

En clair, lorsque le loup est présent, l’éleveur qui perçoit l’ICHN perçoit, en plus, une aide publique
complémentaire, déconnectée des subventions PAC, comme si le prédateur ne faisait pas partie
des « handicaps naturels »...

Pour en savoir plus sur internet :


- Youtube, Subventions et pastoralisme, 2017, vidéo de douze minutes  : https://youtu.be/ayV__
eCe7XI.

- Tutoriel : Comment connaitre le montant des aides PAC perçues par un agriculteur, vidéo de 3
minutes :
https://www.youtube.com/watch?v=4Mo6GO8mg3U

__________________
1- Principale ligne de dépense de l’Union européenne, la politique agricole commune représente un budget de
408,3 milliards d’euros sur la période 2014-2020 (ce financement correspond à une contribution de plus d’une
centaine d’euros par an et par habitant). Chaque année, la France est de loin l’État membre qui en bénéficie le plus
(près de 9 milliards d’euros d’aides agricoles en 2015).
2- Dans le département de la Drôme, en 2016, la PAC bénéficiait à environ 3500 agriculteurs ou structures agri-
coles pour un montant d’un peu plus de 48 millions d’euros. Parmi les 15 premiers bénéficiaires figuraient 3 éleveurs
de brebis.
3- L’ICHN est, en montant, la plus importante aide du deuxième pilier de la PAC. Elle est financée pour 25 % par
l’État et pour 75 % par le FEADER (fonds européen agricole de développement rural – deuxième pilier de la PAC),
dans le cadre de programmes régionaux dont la gestion a été confiée depuis 2014, en France, aux Conseils régio-
naux.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 86


Menaces
Statut juridique
En dehors de tout esprit polémique, on soulignera l’hypocrisie qui consiste à écrire, en jouant
sur les mots, que le loup gris est une espèce « strictement protégée » en Europe.

Les textes réglementaires99 imposent simplement que l’état de conservation de l’espèce ne se


dégrade pas et/ou atteigne ou se maintienne dans un statut favorable (Pour l’Europe, le loup
possède un statut de « Préoccupation mineure –LC- » dans la classification de l’Union interna-
tionale pour la conservation de la nature et pour la France un statut d’espèce vulnérable (VU)
– UICN 2017).

Si juridiquement le loup figure effectivement dans la liste des « espèces protégées », ce sta-
tut comporte des dérogations qui font que dans les faits, en Europe et plus précisément dans
l’Union européenne (UE), le loup est une espèce que l’on chasse et/ou que l’on peut abattre
légalement dans la quasi-totalité des États.

Pour se conformer aux textes internationaux ratifiés par tous les états de l’UE, ces abattages
sont soumis à des quotas.

Dans le cadre du Plan national loup 2018-2023 (France), l’arrêté du 30 décembre 2019 fixe
un quota de 19 % de la population française de loups à abattre durant l’année 2020, soit 100
loups. Si l’on rajoute à ces 19 % d’abattage légal les cas de braconnage et la mortalité naturelle
(accidents, agressions mortelles intraspécifiques...) on dépasserait déjà les 35  % de taux de
mortalité (toutes causes confondues) au-delà duquel les effectifs déclinent.

En France, le loup est de facto une espèce que l’on peut chasser et abattre avec un pla-
fond, pour l’année 2020, de 100 individus à tuer.

La seule obligation réglementaire qui contraigne l’État français, découle des textes internatio-
naux ratifiés par la France et qui imposent que l’état de conservation de l’espèce ne se dégrade
pas et/ou atteigne un statut favorable.
Les lobbies agricoles qui s’opposent à la présence du loup, tentent par tous les moyens d’obte-
nir une révision de ces textes internationaux pour les rendre encore moins contraignants.

99 Annexe II de la Convention CITES, Annexe II de la Convention de Berne, Annexe IV de la Directive Habitat


Faune Flore et Arrêté du 23 avril 2007.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 88
De la viabilité de la population des loups de France
Dans un rapport publié en 2017, les scientifiques de l’ONCFS et du Museum national d’histoire
naturelle (MNHN) fixent le seuil de viabilité à long terme de la population française de loups
à plus de 2500 individus adultes (DUCHAMP et al. 2017) : « […] En l’absence de données suffi-
santes pour estimer cette viabilité à l’échelle du pays, on peut utiliser des règles générales issues
de la littérature scientifique et basées sur un grand nombre d’études et d’espèces pour définir une
taille minimale de population viable. Cette approche, largement basée sur des considérations gé-
nétiques, nous indique que pour permettre à la population de s’adapter aux changements futurs
et ainsi assurer sa viabilité sur le long terme, un effectif de 2500 à 5000 individus adultes constitue
le minimum nécessaire. […]».

Les loups français sont connectés aux populations italiennes et, dans une moindre mesure,
suisses et peut-être allemandes. Cette connexion, tant qu’elle fonctionne et reste efficace
(nombre suffisant de migrants), permet de raisonner en métapopulation100 . Cette métapopu-
lation rassemble aujourd’hui, possiblement101, 2500 loups adultes (ordre de grandeur), seuil
minimum de viabilité à long terme.

Le gouvernement français, sur des bases uniquement politiques, a choisi de contenir le nombre
de loups à 500 individus (adultes) alors que tous les scientifiques, rapport après rapport, re-
commandent de fixer comme objectif, non pas «  un effectif maximum de loups sur le terri-
toire », mais la baisse du nombre de prédations sur troupeaux domestiques.

Dans le premier cas, on abat des loups sans se soucier de l’efficacité des tirs (c’est ce qui se
passe en France) et dans le deuxième cas, on protège en priorité les troupeaux, on observe
les effets en matière de dommages et on ajuste si nécessaire par des tirs létaux dérogatoires,
effectués près des troupeaux correctement protégés et qui continuent à subir des prédations.

S’il est correct, scientifiquement parlant, de déclarer «avec ses 500 loups la population française
est viable », il est nécessaire de rajouter trois conditions sine qua non :

1- il s’agit d’individus adultes ;


2- cette viabilité des 500 loups français adultes nécessite que l’effectif de la métapopulation
dans laquelle se situent ces loups reste supérieure ou égal à 2500 individus sexuellement ma-
tures ;
3- le gouvernement français, à travers l’OFB, devra vérifier régulièrement que la connectivité
entre toutes les sous-populations concernées reste efficace et suffisante.

En clair, si ces trois conditions énoncées ne sont pas réunies, la population des 500 loups fran-
çais adultes ne sera plus viable à long terme.

100 On parle de métapopulation pour désigner un ensemble de populations d’une même espèce, séparées par
des barrières géographiques, entre lesquelles il existe des échanges (flux de gènes) plus ou moins abondants et
fréquents.
101 Italie (2016) : entre 1070 et 2472 loups (adultes ?) - DUCHAMP 2019 ; Suisse : une cinquantaine de loups
(KORA 2019) ; 60 à 70 selon le Groupe loup Suisse. La connexion avec les populations allemandes n’est pas
encore formellement établie (2020) et il n’existe aucun cas documenté de dispersion, en France, de loups espa-
gnols (C. l. signatus).
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 89
Taux d’abattage légal à 19% : la France a franchi la ligne
rouge
On lira avec intérêt l’avis du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) du 12 juillet
2020, voté à l’unanimité, qui s’oppose à la poursuite de la politique de l’État basée essentiellement
sur des abattages massifs de loups. Des quotas de tirs dérogatoires qui mettent en péril la survie
de l’espèce, sans réel effet sur la prédation des troupeaux domestiques.

Les biologistes fixent à 35 % le taux de mortalité annuel, toutes causes confondues, au-delà du-
quel les effectifs de loups déclinent. En clair, lorsqu’on additionne les loups tués légalement, les
loups braconnés (poison, tir, piège...) et les loups morts de causes dîtes naturelles102 (maladie,
accidents, collision routière ou ferroviaire...) on ne doit pas dépasser annuellement le chiffre de
35 % de la population. Au-delà, les effectifs déclineront jusqu’à disparaitre si les mêmes condi-
tions se maintiennent année après année.

En 2020, l’OFB estime la population des loups français entre 500 et 600 individus (adultes ?)
(Bilan hivernal 2020). Retenons le chiffre de 600 loups.
Pour ne pas faire baisser les effectifs, il faut qu’en 2020, le nombre de loups morts (toutes
causes confondues) soit inférieur à 210 individus103 . Le taux de mortalité moyen (toutes causes
confondues) calculée en France entre 1995 et 2013 (avant l’augmentation significative des
abattages légaux) était de l’ordre de 22 % (marge de sécurité de 13 % par rapport au seuil des
35 % avant que les effectifs déclinent) (DUCHAMP 2017).

Depuis 2013, les tirs létaux dérogatoires ont été multipliés par 12 et même si nous ne dis-
posons d’aucun chiffre pour le braconnage, l’impression de terrain (par exemple le suivi des
meutes dans les Alpes par le Groupe PP Alpes) indique que ces actes se multiplient.

Au cours de l’année 2020, avec le maintien, pour la deuxième année, d’un taux d’abattage lé-
gal de 19 % de la population estimée (100 loups à abattre), auquel il faut rajouter les actes de
braconnage (certainement supérieurs à 5 % de l’effectif présent) et la mortalité naturelle (de
l’ordre de grandeur de 15 à 20 %) on dépasse largement le seuil fatidique des 35 % de taux de
mortalité des loups français.

Mathématiquement, le déclin des effectifs de loups sur le territoire national est inéluc-
table.

Le dernier suivi de l’effectif des loups de France (OFB, juillet 2020) montre, sans surprise, un
fléchissement de la dynamique démographique. Cette donnée, qui devrait était confirmée dans
les prochains mois, montre que la phase du déclin annoncé a déjà commencé.

Si aujourd’hui, en France, la dynamique démographique du loup reste globalement positive


avec un accroissement du nombre de meutes et des effectifs, cette dynamique fléchit (OFB
2020). À moyen et long terme, chez-nous comme dans la plupart des pays européens, l’avenir
du loup reste incertain.

102 Dans les cause « naturelles », nous incluons ici, les causes anthropiques « sans intention de tuer ».
103 35 % de 600.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 90


DERNIERE MINUTE (1er novembre 2020)
Le 23 Octobre 2020 deux arrêtés ministériels (arrêtés conjoints Agriculture/ Écologie) fixent
les nouvelles modalités d’abattage des loups avec un quota annuel porté à 21% de la popula-
tion (120 loups à tuer) ; Arrêté 1, Arrêté 2.
Dans ces deux arrêtés, il apparait de plus en plus clairement que la seule réponse du gouver-
nement à la prédation est l’abattage des loups guidé par trois objectifs :
- 1/ limiter l’effectif total des loups français en dessous des 500 individus ;
- 2/empêcher toute colonisation en dehors des Alpes/Préalpes (aucun loup à l’ouest de la val-
lée du Rhône) ;
- 3/ garantir aux éleveurs le maintien de la totalité des subventions (PAC) en conservant l’ac-
cès à la totalité des surfaces pâturées, fussent-elles particulièrement érodées, accidentogènes
et improtégeables (cf chap. : Mettre à plat le dossier Pastoralisme et reconstruire les bases d’un
pastoralisme moderne, p. 95).

Ces mesures, confortées année après année, ignorent les avis unanimes formulés par
les scientifiques (par exemple CNPN juillet 2020) et visent simplement à coller au plus
près des injonctions formulées par les groupes de pression agricoles.

© Groupe PP Alpes

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 91


Conservation

© Groupe PP Alpes
Préambule : dix éléments à connaître
Voici 10 éléments factuels sans lesquels il n’est pas possible de comprendre la probléma-
tique française loup-élevage, ni de bâtir une stratégie permettant d’assurer un avenir au
loup dans notre pays.

1- En prenant en compte la biologie du loup et ses exigences en matière d’alimentation et de


reproduction, cette espèce peut vivre et se reproduire partout en France avec une seule limite :
la tolérance des populations humaines locales vis à vis de sa présence.

2- Les conflits Homme-Loup, dans leur quasi-totalité sont des conflits éleveurs-loups provoqués
par les prélèvements que le loup effectue sur les ongulés domestiques et, chez nous, essentiel-
lement sur les brebis104 .

3- Les loups prélèvent entre 1 et 2 % du cheptel des brebis présentes sur leur territoire (Source :
DREAL Augergne-Rhône-Alpes, mission loup, MATHIEU R. (2020)). Ces chiffres sont du même
ordre de grandeur que ceux concernant la prédation par les chiens errants, avant l’arrivée du
loup (cf encart « Attaques de chiens errants : un étrange silence »).

4- Pour les éleveurs, la présence du loup implique des contraintes supplémentaires en matière
de protection et de conduite des troupeaux105 . Aux contraintes et dommages occasionnés par le
loup sur les troupeaux, se rajoute un stress psychologique pour l’éleveur soumis à la prédation.

5- Si le cheptel ovin diminue partout en France (période 2000-2016), il diminue deux fois moins
dans les zones où le loup est présent et se reproduit (- 15, 7 % de recul) que dans les zones où le
loup est absent (- 26,3 %) (Source : Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de
la forêt Auvergne –Rhône-Alpes, 2018).

6- Les frais de protection des troupeaux face à la prédation du loup sont pris en charge par
l’État à hauteur de 80 %106 : gardiennage et surveillance renforcés, chiens de protection (achat,
entretien, nourriture…), parcs électrifiés… (Arrêté du 28 nov. 2019, OPEDER) et, en cas de
prédation, l’ensemble des dommages (pertes directes et indirectes) sont indemnisés selon un
barème d’indemnisation officiel.

7- La protection effective des troupeaux (chiens de protection, aide berger, clôtures…) permet
de réduire les attaques ainsi que le nombre de victimes par attaque (ROINCÉ (de) 2016, MA-
THIEU 2020 ).

8- En 20 ans, la consommation de viande ovine a diminué de moitié107 et la France importe 55%


de la viande ovine consommée sur son territoire (Royaume-Uni, Irlande, Nouvelle Zélande, Es-
pagne) (Source : Institut de l’élevage - Idele 2017, Idele 2019).

104 Tous les travaux publiés concernant l’impact de la prédation du loup sur les espèces sauvages montrent que
l’impact, à terme, est globalement faible à négligeable. Les études sur l’état des populations d’ongulés sauvages
présents dans des parcs nationaux et des réserves où vivent les loups vont dans le même sens.
105 Aide berger, chien de protection, clôtures…
106 La prise en charge à 100 % est en discussion.
107 La tendance se poursuit dans un contexte général de baisse de la consommation carnée.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 93


9- La filière ovins-viande est, avec la riziculture, la filière agricole la plus subventionnée en
France (à dimension économique comparable) et les aides financières publiques de la Politique
agricole commune (PAC) représentent entre 55 et 60 % du produit d’exploitation de chaque
élevage (Quelques sources : Économie de l’élevage, dossier ovins 2019, Institut de l’élevage,
Idele, 2017 ; Montagnard ovin spécialisé, 2015, Synthèse PACA 2014, Préalpes ovin spécialisé
transhumants 2014).

10- Aucune publication, à ce jour, ne permet de soutenir le cliché selon lequel le pastoralisme
en montagne, est « favorable à la biodiversité » et les seuls travaux qui traitent du sujet éta-
blissent le contraire (cf. chap. Pastoralisme et biodiversité : les 10 points pour comprendre…).

La conservation du loup se jouera essentiellement sur le terrain


politique…
Au-delà des considérations scientifiques et techniques bien établies et connues de tous, la
conservation du loup repose sur des éléments essentiellement politiques avec, schématique-
ment, d’un côté les éleveurs majoritairement opposés à la présence des loups et soutenus par
la plupart des élus et des médias et de l’autre les associations de protection de la nature qui
prônent une coexistence élevage-loup et conservent le soutien du public.

Médias, éleveurs et élus : reconnaître l’échec des associations de protection


de la nature

Le loup est présent en France depuis une trentaine d’années et la lucidité oblige à reconnaître que
malgré l’énorme travail pédagogique réalisé par les associations de protection de la nature auprès
des éleveurs et des politiques, malgré les millions d’euros investis par l’État dans la protection des
troupeaux et l’indemnisation des dommages aux troupeaux : la position majoritaire des éleveurs,
des élus, et dans une moindre mesure des médias reste figée sur une posture de rejet du prédateur.

Une des raisons de cet échec peut s’expliquer par le fait que les associations de protection de la
nature se cantonnent trop souvent dans une attitude essentiellement défensive face aux lobbies
de l’élevage qui pratiquent un lobbying agressif, exigent toujours plus de tirs, rechignent à mettre
en place les mesures de protection et contraignent les préfets, en cas d’attaque, à ne pas divulguer
le niveau de protection du troupeau attaqué…

Les trois sujets majeurs qui, en France, vont sceller l’avenir du loup
L’avenir du loup se jouera sur la capacité des associations de protection de la nature à s’em-
parer de trois sujets majeurs, tout en obligeant les lobbies agricoles défavorables au loup et à
l’État qui n’ose les contredire, à débattre et argumenter sans tabous.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 94


1- L’avenir de l’économie pastorale

Au préalable, on lira avec intérêt le rapport annuel de l’Institut de l’élevage (IDELE), 2019 :
« Économie de l’élevage ovin, année 2019 et perspectives 2020 ».

Mettre à plat le dossier Pastoralisme et reconstruire les bases d’un pastoralisme mo-
derne
NB : c’est la Politique agricole commune (PAC) qui, dans les années 1970, a mis en place un sys-
tème de subventions de l’élevage qui favorise l’élevage ovin en zone de montagne et qui est basé
sur des critères essentiellement quantitatifs (nombre de brebis et surface pâturée).
En clair, en matière de subventions, les éleveurs de montagne ont un intérêt financier à posséder
un maximum de brebis et à pâturer sur un maximum de surface.
C’est bien la Politique agricole de l’Union européenne et son mode d’attribution des aides pu-
bliques qui a engendré ces immenses troupeaux de brebis pâturant partout, sur toutes les mon-
tagnes jusque dans les zones les plus improbables (terrains très accidentés et/ou fortement éro-
dés). Une réalité que chacun peut observer à la belle saison lors des randonnées dans les Alpes et
qui favorise la prédation, en rendant inopérantes les mesures de protection.
Une des conditions sine qua non pour avancer vers une coexistence plus pacifique entre l’élevage
et les Grands prédateurs est la réorientation des aides européennes vers un système favorisant la
production de qualité, la vente directe et les troupeaux à taille humaine.

La filière ovins-viande est très largement majoritaire dans les Alpes et les Préalpes108 qui consti-
tuent le cœur historique de la population française de loups et rassemblent la totalité des
meutes reproductrices françaises109.

La chute continue de la consommation de viande et celle d’agneau en particulier, la dépendance


de la filière ovins-viande aux aides financières publiques, la probable révision à la baisse de
la prochaine enveloppe affectée à la Politique agricole commune (PAC) et l’intérêt porté par
le public aux prédateurs et plus généralement à la vie sauvage… : tous ces éléments appellent
une remise à plat de l’activité pastorale pour reconstruire les bases d’un pastoralisme ovin
moderne adapté à une société en profonde mutation et à la présence des Grands prédateurs110 .

Quels sont les services rendus par l’activité pastorale en termes alimentaires et environnemen-
taux ? Quel est le bilan économique de cette activité ? Quels sont les éléments responsables
des problèmes de la filière et quelle est la part prise par le loup dans ces difficultés ? Autant
de questions dont les réponses conditionnent la survie du loup dans les prochaines décennies
; des réponses que, ni les organisations ptrofessionnelles agricoles, ni le gouvernement, ac-
ceptent de soulever.

108 Rhône-Alpes et Provence Alpes Côte d’Azur - PACA.


109 Une seule exception apparue en 2019.
110 Petits troupeaux, commercialisation en circuits courts, production de qualité bio, label...

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 95


Pour être complète, la réflexion devra aussi intégrer les points positifs liés à l’arrivée du loup en
matière d’amélioration des conditions matérielles des éleveurs et des bergers111 . Elle devra éga-
lement prendre en compte toute une série de mesures indirectes comme les Plans pastoraux
territoriaux qui, sans doute, n’auraient pas vu le jour sans le coup de projecteur braqué sur une
activité qui déclinait dans une indifférence générale avant l’arrivée du loup.

Le rapport 2020 sur les perspectives de la filière ovine : encore une occasion manquée
Le travail commandé à TERROÏKO et BLÉZAT Consulting par le ministère de l’agriculture et de
l’alimentation concernant l’avenir du pastoralisme d’ici 2035 est paru en mars 2020 (ROINCÉ
(DE) C. et SEEGERS J. 2020.) sous le titre « Étude prospective du pastoralisme français dans
le contexte de la prédation exercée par le loup ».
Cet exercice aurait pu être l’occasion de mettre à plat le dossier du pastoralisme, de réunir les
acteurs de tous les bords et d’aborder chaque sujet sans tabou. Malheureusement, la tradition
a été respectée, les représentants des associations de protection de la nature n’ont eu droit qu’à
un strapontin, noyés au milieu des représentants des organisations professionnelles agricoles.

Pourquoi, par exemple, dans le titre, mettre en avant le loup et lui seul ? En faisant croire que
le loup est le seul responsable des maux dont souffre la filière. Si, sans aucun doute, le loup fait
partie du problème, il ne constitue qu’un minuscule élément parmi ceux qui ont amené cette
filière au bord du gouffre, ne devant sa survie qu’aux aides publiques massives (selon le rap-
port, les aides publiques représentent 52 % du chiffre d’affaire des élevages pastoraux et 90
à 140 % du résultat des exploitations - somme d’argent qu’une entreprise a gagné). En clair :
l’éradication du loup ne changerait rien à l’avenir de la filière ovine.

En admettant que la filière de l’élevage ovin soit menacée par le loup112 elle l’est beaucoup plus
par la baisse significative de la consommation ovine (moins 50 % en 20 ans), les importations
massives de viande ovine (55 % de la viande ovine consommée en France est importée) aux-
quels s’ajoutent les effets du réchauffement climatique et les problèmes d’organisation interne.
(cf. par exemple les rapports successifs de l’institut de l’élevage, IDELE, Économie de l’élevage,
dossier ovins 2019, Ovins 2018, production lait et viande).

Si, dans le rapport, on retrouve le petit mensonge classique du « loup, espèce strictement pro-
tégée » et l’idée fixe des organisations agricoles concernant une déréglementation de la pro-
tection de l’espèce, pas un mot sur les aspects positifs incontestables du retour du loup qui a
permis de braquer tous les projecteurs sur une profession moribonde qui allait disparaître
dans l’indifférence générale (embauche de bergers, amélioration substantielle des dessertes
d’estives et des équipements pastoraux et multiplication massive des aides).

Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain : ce rapport contient des informations intéressantes...
Dommage, encore une fois, qu’à chaque ligne on devine le froncement de sourcil menaçant des
leaders syndicaux lorsque l’écriture pourrait laisser penser au lecteur que le loup n’est pas le
seul grand coupable de la « tragédie pastorale »...

111 Cabanes d’alpage, nouvelles bergeries, pistes pastorales…


112 Les mesures de prévention des dommages sont pris en charge à 80 % par la collectivité et l’indemnisation
des dommages est substantielle (Infoloup spécial juillet 2019).

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 96


L’éradication des loups signerait la fin du métier de berger...

Ne pas confondre berger et éleveur.


Le berger (synonyme de pasteur) est la personne qui assure la conduite et la surveillance d’un
troupeau à l’extérieur (alpage, estive...) ; sa tâche principale est le pâturage mais il peut aussi dis-
penser des soins au troupeau et, éventuellement, réaliser la transformation fromagère. Il se fait
aider par des chiens de troupeau et de protection. Le plus souvent, le berger n’est pas le proprié-
taire du troupeau, il est le salarié d’un ou plusieurs éleveurs.
L’éleveur est le propriétaire du troupeau. Il peut être aussi berger, particulièrement en zone à
loups où une prime de 28,30 euros par jour (jusqu’à 10 000 euros par an) est accordée à tout éle-
veur qui se déclare « berger » ; c’est à dire qui déclare prendre soin de son troupeau... (Instruction
technique DGPE/SDPE/2019-853 du 20/12/2019) ; en 2019, 2351 éleveurs ont demandé à bénéfi-
cier de la prime éleveur-berger.
- Plus d’information sur le métier de berger : VINCENT et DUPRÉ 2011, BONNET et al. 2020 et
aussi LÀ ou encore LÀ.
- Sur le loup et l’avenir du métier de berger, on lira le rapport RODE paru en 2019 et publié par le
Ministère de l’Agriculture et de l’alimentation : RODE C. (2020) ; extrait, p. 20 : « [...]Les dépenses
liées au gardiennage sont remboursées à hauteur de 80%, dans la limite du plafond de dépense
annuel. Dans les cœurs de parcs nationaux ou réserves naturelles nationales situés en zones de
prédation classées en cercle 1, ce taux s’élève à 100% (Ministère de l’agriculture et de l’alimenta-
tion, 2018). Sans ces aides de l’État, on peut se demander si les éleveurs seraient tout de même
en capacité d’embaucher des bergers salariés. [...] ».

Avant l’arrivée du loup, principalement dans la filière ovins-viande, le métier de berger disparais-
sait dans l’indifférence générale.

C’est le retour du loup qui a remis en lumière cette activité professionnelle essentielle dans les
territoires où vivent les Grands prédateurs.
Aujourd’hui, grâce au loup et aux aides publiques substantielles allouées au pastoralisme en zone
à loups, le métier de berger est en train de renaître1.

En 2019, 2351 éleveurs ont demandé l’aide forfaitaire éleveur-berger, soit un peu plus d’un mi-
temps par exploitation.
En 2019, 1059 éleveurs ont embauché un berger salarié ou ont eu recours à un prestataire de ser-
vice pour le gardiennage et la surveillance du troupeau soit 455 temps plein de berger ou aide-ber-
ger (la moyenne du contrat de travail représente un peu plus de 5 mois par exploitation). Sources :
Infoloup n° 31, spécial bilan 2019.

En 2019, en France, le loup et les aides publiques qui accompagnent son retour, ont permis l’em-
bauche d’environ 1000 bergers (contrat de 6 mois).

__________________
1- Dans les zones de montagne où l’on produit du fromage (Pyrénées, une partie des Alpes...), la pro-
fession a profité de l’arrivée de nouvelles normes sanitaires imposées par l’Europe pour la fabrication
du fromage. Nouvelles normes sanitaires qui ont rendu nécessaire la modernisation des « cabanes de
berger » (eau, électricité, confort général...) et un regain d’intérêt des jeunes (surtout des femmes) pour
le métier de berger.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 97


2- Le retour urgent de l’État face aux violences des antiloups radicaux
Le retour de l’État de droit et la fin de l’impunité pour les antiloups violents constituent le préa-
lable indispensable pour essayer de bâtir une coexistence plus apaisée entre les activités humaines
et le retour des Grands prédateurs.

Une ruralité fantasmée : base de l’idéologie des antiloups


Pour des raisons historiques et culturelles la République, durant plus d’un demi-siècle, a doté
les lobbies ruraux traditionnels (agriculteurs et chasseurs) d’une puissance exceptionnelle, as-
sortie de privilèges exorbitants... En 2020, le nombre de chasseurs et d’agriculteurs s’est effon-
dré mais leur puissance et leurs privilèges n’ont fait que s’accroitre.

Aujourd’hui, les chasseurs et les agriculteurs forment un groupe social ultra minoritaire (y
compris dans l’espace rural) avec environ 1% de la population française pour les premiers et un
peu moins de 4% de la population active française pour les seconds (en zone rurale, les agricul-
teurs représentent 7 % de la population active).
Depuis un demi-siècle la chute a été spectaculaire. Les agriculteurs étaient 4 millions en 1963,
ils ne sont qu’environ 900 000 aujourd’hui et les chasseurs ont subi la même évolution avec un
effectif divisé par deux depuis 1970 (autour de 1 million de pratiquants en 2020).

Il serait temps de se rendre à l’évidence : la ruralité de nos parents, celle de nos grands-parents
n’existe plus... Le monde change, la ville se transforme, les modes de vie se modifient profondé-
ment et les mutations s’accélèrent, y compris et surtout en zone rurale.

La ruralité vraie
Dans la France du XXIème siècle, la grande majorité des ruraux ne chasse pas et ne porte pas une
sympathie particulière aux chasseurs. Plus de 90 % des actifs ruraux n’exercent pas la profes-
sion d’agriculteurs.
Pour les ruraux d’aujourd’hui qui vivent dans des campagnes dynamiques, l’avenir de l’agricul-
ture passe par des exploitations à taille humaine, une production de qualité, le développement
de l’agriculture biologique, des produits transformés et vendus localement.
Les ruraux de ce siècle sont de plus en plus sensibles aux questions relatives au bien-être animal
et à la perte de biodiversité.

Un nombre croissant de citoyens résidant dans les campagnes réclament des réformes pro-
fondes des pratiques agricoles et de la chasse, mais rien ne bouge. Pesticides, chasses de diver-
tissement, élevages intensifs, abattoirs, coexistence avec les Grands prédateurs... : les groupes
de pression ruraux veillent et bloquent toutes les tentatives de modernisation des pratiques
traditionnelles.

Face à la réalité des profondes mutations économiques et sociales qui s’opèrent au sein des
campagnes françaises, face à la fonte des effectifs des chasseurs et des agriculteurs, les lobbies
ruraux traditionnels ont intérêt à entretenir le mythe de la ruralité essentiellement agricole et
fervente de chasse. Quant à la classe politique, elle a peur ; elle n’ose pas dénoncer la superche-
rie et affronter ces mêmes groupes de pression dont elle a forgé et s’applique encore à forger la
toute-puissance.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 98


La démission de l’État
C’est dans ce jeu de dupes, qu’au sein des organisations professionnelles agricoles agissent une
poignée d’activistes antiloups113 .
Il ne se passe pas un mois sans qu’ils défraient la chronique dans les médias : manifestations
violentes, menaces de mort, saccages de locaux...
La liste des exactions commises par ces groupuscules à l’encontre des citoyens et militants
qui défendent l’idée d’une coexistence entre l’humain et les Grands prédateurs est longue et
s’allonge de mois en mois (Le Monde du 3 Août 2020 ; Libération du 11 septembre 2019 ; voir
aussi extrait du blog de Farid BENHAMMOU du 27 août 2020, « Loup et ours en France : dé-
tresse ou décridibilisation des éleveurs ? ».

Mais le pire n’est pas là.

Il n’est pas nécessaire d’être un observateur expert pour noter la démission de l’État
face à des actes qui n’ont pas leur place dans la République. À chaque épisode violent,
l’intervention des forces de l’ordre est réduite au strict minimum, les plaintes sont clas-
sées sans suite et pour les actions les plus violentes, les critiques formulées par les pré-
fets se font du bout des lèvres.
À la démission de l’État s’ajoute, au mieux le silence, au pire le soutien des syndicats agri-
coles et des chambres d’agriculture (cf. par exemple l’interview de la présidente de la
FNSEA sur RMC, le 6 août 2020 – à partir de la 7ème minute).

Cette situation encourage les antiloups les plus radicaux et paralyse les éleveurs les plus mo-
dérés.

Les incidents très graves qui se sont produits le 2 août 2020 sur la commune de TENDE (Alpes
maritimes), à l’occasion de la projection du film du réalisateur Jean-Michel BERTRAND, il-
lustrent cette démission de l’État face aux violences des antiloups. Au-delà des problèmes de
Conservation, par sa passivité assumée, l’État n’assure plus deux rôles essentiels : la protection
des libertés individuelles et la sécurité des personnes.

Si l’on peut débattre et ne pas être d’accord sur la conservation d’ une espèce, fusse-t-
elle rare et protégée, personne ne peut admettre l’attitude d’un État incapable de garan-
tir à ses citoyens l’exercice des droits fondamentaux.

3- L’analyse objective de l’effet du pastoralisme sur la biodiversité en montagne


Ce chapitre s’inspire du travail de Peter HASSEL : « Le loup, le pastoralisme et la biodiversité », en
téléchargement libre. Autres sources : BENHAMMOU F. (2003), VIGNON 2017.

On lira aussi et avec intérêt le dossier « Pastoralisme et Biodiversité » paru dans la Revue NATURA CA-
TALANA (Lettre d’information des réserves naturelles catalanes n° 3). La présentation des efforts
conjoints des gestionnaires des réserves naturelles catalanes et des groupements pastoraux pour
tenter de réaliser la difficile synthèse entre le pastoralisme, la production de qualité et la biodi-
versité démontre que l’alliance est possible.

113 Anti-ours dans les Pyrénées.


Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 99
On regrettera que les auteurs ne répondent pas à la question pourtant fondamentale qu’ils
posent à la page 7 : [...] doit-on, et peut-on maintenir un réseau de milieux ouverts qui date d’une
époque pastorale et sociétale révolue ? L’Homme doit-il intervenir perpétuellement pour maintenir
les milieux ouverts au nom de la biodiversité ? [...].

Devant les faiblesses de l’argumentation économique, les antiloups se rabattent sur le thème
de la biodiversité pour justifier le pastoralisme et, par ricochet, condamner la présence du loup
qui « menace le pastoralisme ». Si l’argument peut apparaitre séduisant il ne résiste pas à l’ana-
lyse scientifique.

10 points pour comprendre


1- La biodiversité au sein d’un milieu naturel ne se résume pas à la diversité des plantes114 ou à
la présence de certains animaux ; elle doit prendre en compte tous les groupes d’êtres vivants
présents : des champignons ou des bactéries aux super prédateurs (comme le loup), en passant
par toutes les plantes, les oiseaux, les insectes, les mammifères…

2- Certains « naturalistes », défendent le pastoralisme « qui maintient les milieux ouverts » en se


focalisant sur les fleurs et en particulier « les orchidées » ce qui est absurde à plusieurs titres :
1/ les orchidées, ne sauraient à elles seules résumer « la biodiversité », 2/les forêts (milieux
fermés) abritent au moins autant d’espèces d’orchidées (parfois plus) que les milieux pâturés ;
elles sont simplement moins visibles115 .

3- La pelouse constitue l’état naturel de la montagne, à partir de l’étage alpin (2000-2500 m


d’altitude). À cette altitude l’arrêt du pastoralisme n’entraînerait aucunement la fermeture du
milieu ; en d’autres termes, la haute montagne n’a pas besoin des hommes et de leurs trou-
peaux pour rester un milieu ouvert.

4- Beaucoup confondent « paysage » et « biodiversité ». La notion de paysage est éminemment


subjective : si certains préfèrent les paysages de milieux ouverts116 , cette préférence ne fait pas
du paysage ouvert un modèle de biodiversité.

5- De très nombreux travaux consacrés à l’impact des troupeaux domestiques sur les écosys-
tèmes (AUGUSTINE 1998, EVIN 2004, VIGNON 2013, AUSTRHEIM 2016, SCHIELTZ 2016…)
montrent l’impact globalement négatif du pâturage sur la diversité biologique (insectes, ar-
thropodes, vertébrés terrestres - mammifères, oiseaux, reptiles - et plantes à fleurs) ; les excep-
tions sont rares et concernent toujours des pâturages raisonnés et de faible intensité.

6- De nos jours, dans la quasi-totalité des montagnes alpines, 90 à 95 % des herbivores pré-
sents sont des animaux domestiques et leur densité, notamment dans les parcs nationaux, se
situe souvent au-dessus de ce que les milieux peuvent supporter avec des conséquences né-
fastes en termes d’érosion, de restriction d’habitat pour la faune sauvage et de… biodiversité.

114 Comme le font la plupart des agronomes qui travaillent sur le pastoralisme et restreignent la biodiversité à
la seule diversité végétale.
115 Certains groupes ou espèces d’orchidées ne se rencontrent qu’en forêts [beaucoup d’espèces d’épipactis
(Epipactis sp.) et des espèces comme le sabot de vénus (Cypripedium calceolus), la racine de corail (Corallorhiza
trifida), la néottie nid d’oiseau (Neottia nidus-avis).
116 D’autres préfèrent, tout aussi légitimement, les milieux boisés.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 100


7- Ce n’est pas « le pâturage » ou la fauche qui forge la qualité d’une prairie c’est : 1/ la pression
de ce pâturage (charge à l’hectare), 2/ la conduite du troupeau et 3/ le rythme des fauches.
Pour prendre une image, nous dirions que ce n’est pas « la digitale » qui soigne certaines mala-
dies du cœur : c’est la dose ingérée et le mode d’administration.

8- En zone tempérée, toutes les forêts naturelles sont forcément passées par le stade de l’em-
broussaillement (« la friche »). Chez nous, à basse et moyenne montagne, les landes à genêts
constituent la phase pionnière obligatoire de la future forêt. « Débroussailler » et pâturer les
landes pionnières revient à empêcher la progression de la forêt117.

9- Les écosystèmes forestiers proches de la naturalité sont extrêmement rares sous nos lati-
tudes, bien plus rares que les milieux ouverts pâturés ; en matière de biodiversité, ces milieux
forestiers représentent un enjeu de conservation autrement plus important que la protection
des milieux ouverts.

10- Si le pâturage et/ou la fauche sont indispensables à la production des laitages, des fro-
mages et de la viande ; le maintien des milieux ouverts, pâturés ou fauchés, est un choix essen-
tiellement politique, économique et culturel.

La formule « le pastoralisme est bon pour la biodiversité » reste, pour l’essentiel, un slo-
gan contredit par la plupart des travaux qui, en montagne, étudient l’impact global du
pâturage sur la diversité des espèces sauvages, végétales ou animales.

Versant ouest de la Tête du vallon Pierra (2512 m) dans le Dévoluy (Hautes-Alpes) parcouru par un trou-
peau de plusieurs milliers de moutons durant la période d’estive. Le piétinement bien visible sur la photo
(lignes horizontales) et le surpâturage ont fait disparaître le sol et une grande partie de la végétation.
A cette altitude, le milieu devrait être constitué de prairies alpines et d’une forêt au pied du versant.
Comment justifier que cet écosystème très dégradé soit enrichi par le pastoralisme ? Un troupeau de
plus petite taille aurait un impact moins préjudiciable sur cet écosystème fragilisé par un climat sec et
froid. Photo P. Hassel.

117 C’est ce qui s’est produit durant des siècles, jusqu’au milieu du 20ème siècle, avec les conséquences catastro-
phiques que l’on connaît en termes d’érosion et d’inondations.
Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 101
Les loups de France en 15 vidéos

1
Un duo de loup ; probablement le couple alpha...
12 secondes
Tout début mai, un duo d’adultes passe devant la caméra automatique. Couple al-
pha probable mais pas facile de dire si le mâle est devant... ou derrière. © Groupe
PP Alpes

2
Donne-moi à manger...
14 secondes
Donne-moi à manger (Alpes françaises)... Un louveteau demande à un subadulte
du clan de régurgiter ; malgré l’arrivée des frères et sœurs, la tentative échoue...
© Groupe PP Alpes

3
Déplacement groupé de la meute en novembre
23 secondes
La meute au complet en novembre : les 2 alphas, 5 louveteaux et 3 subadultes
(Alpes françaises). La fin des zones de rendez-vous (octobre) signe le début
des déplacements groupés de l’ensemble du clan familial. Pour les louveteaux
c’est l’occasion de connaître les limites du territoire familial et d’apprendre les
rudiments de la chasse. NB : cette meute comme toutes les meutes de loups va
connaître une contraction de ses effectifs (mort naturelle, accidents, dispersion...)
pour atteindre, en avril de l’année suivante, un effectif identique ou très proche de
celui de l’année précédente. © Groupe PP Alpes

4
Insouciance lupine
56 secondes
Ces louveteaux (mi-juillet) ont environ 2 mois... Dans la dernière partie, un louve-
teau décide de suivre un mâle adulte (possiblement le mâle alpha). © Groupe PP
Alpes

5
Les proies du loup... et le loup
34 secondes
Dans cette vidéo, devant le même piège photographique, les 3 proies principales
du loup : sangliers, chevreuils et cerfs... et le loup (probablement un subadulte,
pas très rassuré ; peut-être un loup en dispersion ?). © Groupe PP Alpes

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 102


6
++ Le loup des Cantabriques (Canis lupus signatus)
++ 4 minutes et 49 secondes
Le loup des Cantabriques (Asturies, Espagne) filmé en digiscopie en juin
2016.Un loup mâle et quelques dizaines de vautours fauves qui se partagent
le cadavre d’une jeune chèvre. Comment cette chèvre est-elle morte ? Le loup
(le troupeau n’est pas gardé) ? Un accident ou une mort naturelle ? Nous
sommes arrivés quelques minutes trop tard pour répondre à ces questions.
Une chose est probable : ce loup a transporté ce qui restait de la chèvre à la
tanière pour nourrir les louveteaux… © Roger MATHIEU

7
Un couple alpha en pelage d’été (ralenti)
14 secondes
Le couple alpha (d’abord la femelle) passe devant la caméra automatique en
pelage d’été (mi-août). Remarquez les tétines visibles chez la femelle ; preuve
qu’une reproduction a bien eu lieu au printemps. © Groupe PP Alpes

8
Un loup transporte un arrière-train de chevreuil
30 secondes
Début juillet, à quelques centaines de mètres de la tanière, un loup apporte
avec précaution, un arrière-train de chevreuil. Remarquez la tache sombre sur
la queue (un des signes caractéristiques du standard du loup... et de quelques
races de chien très proches du loup). © Groupe PP Alpes

9
Passage groupé de la meute en décembre
16 secondes
5 loups en passage groupé un 9 décembre... Pas facile, à partir de décembre,
de distinguer les jeunes de l’année (qui ont environ 6 mois), des subadultes,
voire de certains adultes... © Groupe PP Alpes

10
Détente en famille
2 minutes et 30 secondes
Une famille de loups de France dans les Alpes un 14 septembre. 2 minutes
trente de vidéo avec 1 femelle, 6 louveteaux de quatre mois et un loup mâle
(qui entre dans les dernières séquences). Rien ne permet d’affirmer que cette
femelle et ce mâle sont les parents des louveteaux (couple alpha) ; il est pos-
sible qu’il s’agisse de subadultes - nés l’année précédente- et grand frère et
grande sœur des louveteaux...
Entraînez-vous à reconnaitre par la taille et le pelage les adultes et les lou-
veteaux. La taille des louveteaux est proche de celle des adultes/subadultes :
environ 4/5. Remarquez le pelage plus homogène, plus sombre et plus fourni
des louveteaux par rapport au pelage des adultes/subadultes qui lui est beau-
coup plus ras (mue estivale),un peu plus clair avec, de profil, une séparation
assez nette entre le tiers supérieur de l’animal, plus gris que les 2/3 infé-
rieurs... Notez aussi que la barre latéro-cervicale (qui barre le cou de profil)
est plus marquée chez les jeunes. © Groupe PP Alpes.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 103


11
Dans les pas du loup (Patrice BRUGERE, France 2)
45 minutes
Vous vous intéressez au loup en France et en particulier à ses relations avec
le pastoralisme… Voici un document de 45 minutes réalisé par Patrice BRU-
GERE (France 2) qui fait le point avec justesse et équilibre ; c’est du jamais
vu sur une chaine du service public. Dans ce document sans tabous, vous
aurez, en image et dans les déclarations des un(e)s et des autres, 98 % des
réponses aux principales questions que vous pouvez vous poser sur la pro-
blématique Loup/Élevage… © Patrice BRUGERE, France 2

12
Déplacement des louveteaux de 3 mois et demi vers une ZRV
26 secondes
Un 4 septembre, les 6 louveteaux âgés d’environ 3 mois et demi sont emme-
nés sur une Zone de rendez-vous (ZRV) par une femelle adulte qui est possi-
blement la femelle alpha. Quatre heures plus tard, le mâle alpha (d’autres vi-
déos permettent de penser qu’il s’agit bien de l’alpha) les rejoint. © Groupe
PP Alpes

13
Nourrissage des louveteaux par régurgitation
55 secondes
Un 19 septembre , un mâle arrive sur une Zone de rendez-vous. Les trois lou-
veteaux présents qui sont âgés d’environ 4 mois (les trois autres sont en va-
drouille), obligent le mâle à régurgiter. NB : En se basant sur d’autres vidéos,
il ne s’agit probablement pas du mâle reproducteur (alpha) mais d’un grand
frère des louveteaux. © Groupe PP Alpes

14
35 secondes
Deux louveteaux d’un mois et demi explorent les alentours de la tanière...
Nous sommes dans les premiers jours de juillet, deux louveteaux âgés d’en-
viron 1 mois et demi, découvrent leur environnement ; la tanière n’est pro-
bablement pas très loin.
© Groupe PP Alpes

15
30 secondes
Louveteau de 2 mois
© Groupe PP Alpes

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 104


Références

© Groupe PP Alpes
Quelques sites internet spécialisés « loup » et/ou Grands
prédateurs

- France nature environnement (FNE), pôle Grands prédateurs


https://www.fne.asso.fr/?tid=22&cid=#headingOne

- Association FERUS
https://www.ferus.fr/

- Office français de la biodiversité (OFB) :


http://www.loupfrance.fr/le-loup/

- DREAL Auvergne Rhône-Alpes, mission loup :


http://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/mission-loup-r1323.html

- Le site européen « Large Carnivore Initiative for Europe (LCIE) »


https://www.lcie.org/

- Le passionnant et très dynamique site Facebook du suivi des loups dans le Parc national
« Voyageurs » (Nord de l’État du Minnesota aux Etats-Unis) Voyageurs wolf project.

- En marge de cette liste (non exhaustive) de sites consacrés aux Grands prédateurs et plus
particulièrement au loup, on peut visionner cette vidéo de vulgarisation (Youtube, 15 minutes),
bien faite et neutre qui propose une synthèse sur la question du loup en France, en 2019 (his-
torique très bref, répartition, tirs, prévention...) : cartographie du loup.

Sélection bibliographique
I- Beaux livres en français sur les loups du sud-ouest de l’Europe et
d’ailleurs
BAILLON J. (2020) Les loups. Ramsay éd., 193 p.
BRUGGMANN F. (2017) Loup : sauvage par nature. Auto-édition, 175 p.
ESMIEU C. (2020) Loup : une vie en meute dans les Écrins. Mokkö éd., Saint-Martin-le
Vinoux, 192 p.
RIGAUX P. (2020) Loups - un mythe vivant. Delachaux et Niestlé éd., 240 p.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 106


II- Références

++ AILLOUD J. (2012) Le retour du loup (Canis lupus) en France, vingt ans après. Enjeux scien-
tifiques, socio-économiques et politiques en 2012. Cas particulier des Alpes-Maritimes.
Thèse Université Claude-Bernard - Lyon I (médecine et pharmacie), 258 p. + Annexes
++ ALOTTO C. (2003) Étude du phénomène de prédation causé par le loup au sein d’une aire protégée
(Parc national du Grand SASSO et monts de la Saga, Italie centrale) ; rôle du vétérinaire dans
la reconnaissance des dommages causés au cheptel domestique. Thèse vétérinaire, Faculté de
médecine de Nantes, 103 p.
++ ANCEAU C., BERGEON J.-P., TARDY X. et al. (2015) La prédation du loup sur les ongulés sau-
vages : impacts directs et indirects. Faune sauvage 306, 20-36.
++ APOLLONIO M. et al. (2004) Wolves in the Casentinesi Forests : insights for wolf conservation
in Italy from a protected area with a rich wild prey community. Biological conservation 120 :
249-260.
++ ARIAGNO D. (1976) Essai de synthèse sur les mammifères sauvages de la Région Rhône- Alpes.
In Mammalia, t. 40, n° 1, 125-160.
++ AUGUSTINE D.-J, McNAUGHTON S.-J. (1998) Ungulate effects on the functional species compo-
sition of plant communities : herbivore selectivity and plant tolerance. Journal of wildlife mana-
gement, 62(4), 1165-1183.
++ AUSBAND D. E. et al. (2016) Individual, Group, and Environmental Influences on Helping Beha-
vior in a Social Carnivore. Ethology 122, 1–10.
++ AUSTRHEIM G. et al. (2016) Synergies and trade-offs between ecosystem services in an alpine
ecosystem grazed by sheep – an experimental approach. Basic and Applied Ecology, 17(7), 596-
608.
++ BASSI E. et al. (2020) Relative impact of human harvest and wolf predation on two insulate spe-
cies in Central Italy. Ecological research, 2020, 1-13.
++ BEAUFORT F. (De) (1988) Écologie historique du loup (Canis lupus) en France. Thèse de docto-
rat. Université Renne 1. Muséum d’histoire naturelle, 1104 p.
++ BEAUFORT F. (De) (1988) Le Loup en France : éléments d’écologie historique. Encyclopédie
des carnivores de France 1, 32 p.
++ BENHAMMOU F. (2003) Les Grands prédateurs contre l’environnement ? Faux enjeux pastoraux
et débat sur l’aménagement des territoires de montagne. Le courrier de l’environnement n° 48.
++ BENHAMMOU F. (2005) Biodiversité, pastoralisme et Grands prédateurs : entre instrumentali-
sation politique et flou scientifique. La voie du loup 22, 10-13.
++ BENHAMMOU F. (2019) Entre mensonges, violences agricoles et bienveillance de l’État. Libéra-
tion, édition du 11 septembre 2019, liberation.fr.
++ BLANCO J.-C., CORTES Y. (2002) Ecologia, censos, perception y evolucion del lobo en Espa-
na : analysis de un conflicto. SECEM, Malago, 176 p.
++ BOISSEAUX T. et al. (2019) Le loup et les activités d’élevage : comparaison européenne dans
le cadre du plan national d’actions 2018/2023. Rapport CGEDD n° 012414-01, CGAAER n°
18097, Paris, 56 p. + Annexes.
++ BOISSEAUX T. et GALTIER B. (2020) Difficultés du pastoralisme liées au loup dans les Hautes-
Alpes ; mission d’écoute. CGEDD, Ministère de la transition écologique et solidaire, Paris, 38 p.
++ BOITANI L., MECH L.-D. et al. (2003) Wolf conservation and recovery. In : Wolves : behavior,
ecology, and conservation (Eds. Mech & Boitani) Chicago, University of Chicago Press. 317-340.
Traduction française de Christiane et Robert IGEL.
++ BOLIS A. (2020) Injures, menaces, saccage de locaux, des associations écologistes dénoncent un
climat d’intimidation. Le Monde, édition du 3 Août 2020.
++ BONATO A.-L. et al. (2018) La vulnérabilité des troupeaux à la prédation du loup : un exemple
d’accompagnement du pastoralisme dans le Queyras. Faune sauvage n° 32, 28-34.
++ BONNET O., TEPPAZ C. et VILMANT J. (2020) Bergers des Alpes. CERPAM 23 p.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 107


++ BOYAC H. et al. (2017) Le loup : un nouveau défi français. De Borée éd., Clermont-Ferrand,
301 p.
++ BOYER P. et TAURINE B. (2020) Conclusions du groupe de travail sur les chiens de protection.
Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Paris, 21 p.
++ BRUNS A., WALTERT M. et KHOROZYAN I. (2020) The effectiveness of livestock protection mea-
sures against wolves (Canis lupus) and implications for their co-existence with humans, Global
Ecology and Conservation. Global Ecology and Conservation. 21(868).
++ CANDY F. et al. (2019) Chiens de protection : quand les éleveurs forgent leurs savoir dans
les Alpes. ADEM et CERPAM, 163 p.
++ CAPITANI et al. (2006). Selection of rendezvous sites and reuse of pup raising areas among wol-
ves Canis lupus of north-eastern Apennines, Italy. Acta Theriologica 51 (4): 395–404.
++ CHARRIER L. et al. (2019) Suivre le loup (Canis lupus italicus) par pièges-photographiques :
le cas d’un camp militaire (Var, France). Hal-02274438v2.
++ CHOLLIER A. (2018) Mécanisme de dispersion du loup (Canis lupus Linnaeus 1758) en
France, méthode de suivi et anticipation de l’expansion. Thèse Université Claude-Bernard -
Lyon I (médecine et pharmacie), 108 p. + Annexes.
++ CIUCCI P., REGGIONI W., MAIORANO L., BOITANI L. (2009) Long‐distance dispersal of a rescued
Wolf from the Northern Apennines to the Western Alps. Wildlife management 73, 1300-1306.
++ DENARIÉ M. (1906) Sur quelques animaux de la Savoie disparus ou en voie de disparition. Bull.
Soc. Hist. Nat. Savoie, II, 121-133.
++ DRAAF Auvergne Rhône-Alpes (2018) Prédation du loup et diminution du cheptel ovin dans
le massif des Alpes, Lempdes, 4p.
++ DREAL AURA (2018) Données sur le loup et l’élevage (Protection des troupeaux, dom-
mages, indemnisation, braconnage…) : bilan et chiffres clés de l’année 2018. Info loup N°
25, spécial bilan 2018, 22p.
++ DREAL AURA (2018b) Données sur les dommages du 1er janvier au 31 décembre 2017. Site
internet de la DREAL AURA, 1p.
++ DREAL et DRAAF Auvergne Rhône-Alpes (2019) Indemnisation des dommages aux trou-
peaux. Infoloup, N° spécial Juillet 2019, 3 p.
++ DUCHAMP C. et al. (2020) Évaluation d’une métrique de suivi de l’état de conservation de la
population de loups en France. Plan national loup 2018-2023 ; action 4.1. ONCFS, CNRS, 11 p.
++ DUCHAMP C. et QUENEY G. (2019) Le suivi génétique des loups en 2018 (France) ; bilan
de la première année de mise en œuvre du nouveau marché. ONCFS, ANTAGENE, 17 p. +
Annexes.
++ DUCHAMP C., CHAPRON G, GIMENEZ O, ROBERT A., SARRAZIN F., BEUDELS-JAMAR R., LE MAHO
Y. (2017) Expertise collective scientifique sur la viabilité et le devenir de la population de loups
en France à long terme. Sous la coordination ONCFS-MNHN de : GUINOT-GHESTEM M., HAFFNER
P., MARBOUTIN E., ROUSSET G., SAVOURET SOUBELET A., SIBLET J.-P., TRUDELLE L., 72 p. +
Annexes.
++ DUCHAMP C., ONCFS Unité PAD (2019) Analyse génétique sur dépouille de loup couleur
sombre, pelage bringé. ONCFS, rapport d’expertise N°CD/2019/023, 3p. + rapport Labora-
toire ANTAGENE.
++ DUMEZ R. (coord.) et al. (2017) Expertise scientifique collective sur les aspects sociolo-
giques, culturels et ethnologiques de la présence du loup en France. Expertise pour le Mi-
nistère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, Museum national d’Histoire naturelle,
Paris, 67 p.
++ ESPUNO N. (2004) Impact du loup (Canis lupus) sur les ongulés sauvages et domestiques
dans le Parc du Mercantour. Thèse de doctorat, Université Montpellier II, 64 p + Annexes.
++ EVIN M. (2004) Érosion et surpâturage : l’exemple des Alpes du Sud. La garance voyageuse 68,
21-22.
++ EVIN M. (2005) Les effets du surpâturage dans les Alpes du sud : impact sur la biodiversité et la
torrentialité. La voie du loup 22, 14-17.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 108


++ Fédération des réserves naturelles catalanes (2020) Dossier Pastoralisme et Biodiversité, NA-
TURA CATALANA (Lettre d’information des réserves naturelles catalanes), n° 39.
++ FLÜHR J. (2011) Analyse spatio-temporelle du régime alimentaire du loup (Canis lupus)
dans les Alpes françaises. Master 1 « Ingénierie en Ecologie et Gestion de la Biodiversité »,
Univ. Montpellier 2 / ONCFS, CNERA PAD.
++ GAZZOLA A., BERTELLI I., AVANZINELLI E., TOLOSANO A., BERTOTTO P. ET APOLLONIO M.
(2005) Predation by wolves (Canis lupus) on wild and domestic ungulates of the western Alps,
Italy. J. Zool., Lond. 266, 205–213
++ GIMENEZ O. et al (2020) Étude descriptive du phénomène de concentration d’attaques de loup
sur des élevages domestiques en France. Note technique Cnrs-Cerpam-Institut Agro-INRAE-
OFB, 7 p.
++ GRANDE del BRIO R. (2000) El lobo iberico : biologia, ecologia y comportamiento. Amaru
ediciones. 366 p.
++ GRANDE del BRIO R. (2005) Tras la senda del lobo. Amaru ediciones, Salamanca, 135
++ GRENTE O. et al. (2020) Tirs dérogatoires des loups en France : état des connaissances
et des enjeux pour la gestion des attaques aux troupeaux. Faune sauvage n° 327, 16-21.
++ GRUPO LOBO (2016) O lobo ibérico em potugal. Grupo lobo, 49 p.
++ HOMKES et al. (2020) Berry Important ? Wolf Provisions Pups with berries in Northern Minne-
sota. Wildlife Society Bulletin 1-3
++ HUET P. (1995) Le loup. EVEIL éditeur, 71 p.
++ IGLESIAS IZQUIERDO A., ESPANA BAEZ A.-J. et ESPANA BAEZ J. (2017) Lobos ibéricos : Anato-
mia, ecologia y conservacion. Nayade Nature, Valladolid, 531 p.
++ IGLESIAS IZQUIERDO A., ESPANA BAEZ A.-J. et ESPANA BAEZ J. (2017) Lobos ibéricos. Indicios
de presencia. Nayade Nature, Valladolid, 186 p.
++ Institut de l’élevage (Idele) et Confédération nationale de l’élevage (CNE) (2017) Ovins 2017.
Productions lait et viande, les chiffres clés du GEB, Paris, 12 p.
++ KERVINIO Y., MARTINEZ Q., RAYÉ G. et al. (2020) Mettre en valeur les espèces sauvages et leurs
fonctions écologiques sur les territoires : les vautours dans les parcs naturels régionaux du Ver-
cors et des Baronnies provençales (version 20/03/2020). La Documentation Française (eds.).
Collection Théma Analyse, e-publication. 113 p.
++ KJETIL BEVANGER, LILL LORCK OLDEN et al. (2002) The fear of wolf - A Rewiew of wolf at-
tacks on the humans. Rapport du Norsk Institutt for Naturforskning, NINA (Norvège). 48 p.
+ Annexes. Traduction française de R. IGEL et T. PAILLARGUES, «La peur du loup, Recueil d’at-
taques de loups sur des humains.
++ KUIJPER J. et al. (2019) Keep the wolf from the door : how to conserve wolves in Europe’s hu-
man dominated landscapes ? Biological Conservation 235 : 102–111
++ LANDRY J.-M. (2013) Historique du loup en France. Le Courrier de la Nature 278 (Spécial loup),
13-19. Téléchargeable ICI.
++ LANDRY J.-M. (2017) Le loup. Delachaux et Niestlé, Paris, 355 p. + Annexes.
++ LEYRISSOUX P. (2019) Ovins prédatés et tirs de loups : la gestion calamiteuse du loup (Canis
lupus) en France. < ICI >.
++ LINNELL J. D. C. et CRETOIS B. (2018) Research for AGRI Committee – The revival of wolves
and other large predators and its impact on farmers and their livelihood in rural regions
of Europe, European Parliament, Policy Department for Structural and Cohesion Policies, Brus-
sels. 102 p
++ LOVARI S., SFORZI A., SCALA C. et FICO R. (2007) Mortality parameters of the wolf in Italy : does
the wolf keep himself from the door ? Journal of Zoologie, 1-7.
++ MARTIN J.-L. et al. (2020) Deer, wolves, and people : costs, benefits and challenges of living to-
gether. Biol. Reviews. Lire le résumé de ce travail, en français, paru dans CNRS Le Journal sous la
plume du journaliste Romain HECQUE : « Des loups, des cerfs… et nous ».

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 109


++ MARUCCO F., AVANZINELLI E. et al. (2017). Lo Status del lupo in Regione Piemonte. In Ma-
rucco et al. (2017). Lo Status della popolazione di lupo sulle Alpi Italiane e Slovene 2014-
2016. Relazione tecnica, Progetto LIFE 12 NAT/IT/00080 WOLFALPS – Azione A4. 147 p.
++ MATHIEU R. (2007) A propos du livre «histoire du méchant loup» par J.-M. MORICEAU (Fayard)
ou la montagne qui accouche d’une souris. Epines drômoises 141, 9-10.
++ MATHIEU R. (2013) Incidence de la prédation cynégétique sur le comportement de l’animal
sauvage : exemples et hypothèses. LPO info Drôme 20, 21-23.
++ MATHIEU R. (2013b) La triste histoire du chamois drômois de 1945 à 2015. Document nu-
mérisé, FRAPNA Drôme, 19 p.
++ MATHIEU R. (2016) Le loup dans la Drôme : bilan de la prédation réelle ou supposée du loup
(Canis lupus) sur les troupeaux domestiques en 2015. Épines drômoises 184, 8-9.
++ MATHIEU R. (2017a) L’hybridation du loup (Canis lupus) : un vrai-faux problème. FRAPNA
Drôme, Valence, 18 p.
++ MATHIEU R. (2017b) Le cas MORICEAU et « le Grand méchant loup ». In Le loup drômois (Ca-
nis lupus italicus) : hier, aujourd’hui et demain, 3 p.
++ MATHIEU R. (2017c) Le loup drômois (Canis lupus italicus) : hier, aujourd’hui et demain.
Document numérique, 15 p. + Annexes.
++ MATHIEU R. (2019) Le chamois en Rhône-Alpes et ailleurs. Document numérisé, FRAPNA
Drôme, Valence, 24 p.
++ MATHIEU R. (2020) Évolution de la prédation du loup sur les troupeaux domestiques de 2015 à
2019, dans un département témoin : la Drôme. FRAPNA Drôme, Valence, 6 p.
++ MATHIEU R. (2020) Comment suivre une population de loups ? Et pourquoi ? La Gazette
des Grands prédateurs N° 76, 18-21.
++ MATTIOLI L. et al. (2018) Estimation of pack density in grey wolf (Canis lupus) by applying spa-
tially explicit capture-recapture models to camera trap data supported by genetic monitoring.
Frontiers in Zoology, 15:38.
++ MATTIOLI L., CAPITANI C., GAZZOLA A., BERTELLI I., AVANZINELLI E. et APOLLONIO M. (2004)
Predation by wolves (Canis lupus) on roe deer (Capreolus capreolus) in north-eastern Apennine,
Italy. J. Zool., Lond. 264, 249–258.
++ MERIGGI A., BRANGI A., SCHENONE L., SIGNORELLI D. et MILANESI P. (2011) Changes of wolf
(Canis lupus) diet in Italy in relation to the increase of wild ungulate abundance. Ethology Eco-
logy & Evolution 23, 195–210.
++ Ministère de la transition écologique et solidaire et Ministère de l’agriculture et de l’alimenta-
tion (2018) Plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage, Paris,
97 p.
++ MONBIOT G. (2013) Feral : Searching for Enchantment on the Frontiers of Rewilding. Pen-
guin Books, 256 p.
++ MORICEAU J.-M. (2011) L’homme contre le loup : une guerre de 2000 ans. Fayard, Paris, 488
p.
++ MYSLAJEK R. W. et al. (2018). Spatial organization in wolves Canis lupus recolonizing north-west
Poland : large territories at low population density. Mammalian Biology 92 : 37–44.
++ NOWAK R. (1995). Another look at wolf taxonomy in Ecology and conservation of Wolves in
Proceedings of the 2nd North American Wolf Symposium, August 24–27, 1992. L. N. Carbyn, S.
H. Fritts and D. R.Seip, eds]. Canadian Circumpolar Institute, University of Alberta, Edmonton :
375–398..
++ NOWAK R. et FEDEROFF N. (2002). The systematic status of the Italian wolf (Canis lupus). Acta
theriologica 47, 333-338.
++ OFB (2020) Bilan du suivi hivernal de la population de loups, hiver 2019-2020. Flash info
N° 12, juillet 2020, 7 p. + Annexes.
++ ONCFS (2012) Au menu du loup : un bilan du régime alimentaire dans différentes meutes de
France (d’après FLÜHR 2011). Bulletin du réseau loup 27, 7-10.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 110


++ ONCFS (2018) Bilan du suivi estival de la population de loups (été 2018). Flash info du 30
novembre 2018, 3 p.
++ ONCFS (2018b) Bilan du suivi hivernal de la population de loups, hiver 2017-2018. Flash
info du 27 juin 2018, 3 p.
++ ONCFS (2018c) Mise à jour de la distribution communale de présence du loup. Flash info,
30 novembre 2018, 3p.
++ ONCFS (2018d) Situation du loup sur le territoire national : le suivi hivernal du réseau
Loup/Lynx de l’ONCFS confirme un effectif de 430 individus. Communiqué de presse du 25
juin 2018, 2 p.
++ ONCFS-MNHN (2019) Réponse à la saisine « tirs de loups » ayant pour objet le prélève-
ment de loups en France. ONCFS-MNHN, note technique, Paris, 16 p.
++ ONCFS, CNRS (2020) Évaluation d’une métrique de suivi de l’état de conservation de la
population de loups en France. Plan national loup 2018-2023 ; action 4.1. Lien numérique,
taper « les-coulisses-du-suivi-loup-realise-en-france-et-sa-necessaire-evolution-2/ » sur votre
moteur de recherche.
++ PAPET R. (2007) La bande noire sur les membres antérieurs : un critère de reconnaissance des
loups italiens ? Quoi de neuf 17, 18-20.
++ PERRET E. (2003) Impact de la prédation des grands carnivores (loup Canis lupus et lynx
Lynx lynx) sur les populations d’ongulés sauvages (espèces Nord-Paléarctique). DESS In-
géniérie documentaire, rapport de recherche bibliographique, École nationale supérieure des
sciences de l’information et des bibliothèques, 76 p.
++ PILOT M., GRECO C., M. VONHOLDT B. et coll. (2018) Widespread, long-term admixture between
grey wolves and domestic dogs across Eurasia and its implications for the conservation status of
hybrids. Evolutionary Applications, 11, 662–680.
++ POULLE M.-L., DAHIER T., de BEAUFORT R. et DURAND C. (2000) Conservation du loup en
France. Programme Life-Nature, Rapport final 1997-1999. 93 pages.
++ PRÊTRE B. (1999) Le Grand Retour du Loup. Cabédita, Yens-sur-Morges, Suisse, 124 p.
++ RADINGER E. (2018) La sagesse des loups. Tredaniel ed., Paris, 277 p.
++ REVET P. (2001) Chiens errants : le grand carnage. Le chasseur français, n° 1255 septembre,
164-168.
++ REY C. (2014) L’éradication des loups dans les Préalpes drômoises au XIXème siècle. Dea
Augusta, Die, 95 p.
++ RIGAUX P. (2018) Loup et élevage : pourquoi la paix sociale n’arrive pas. Le blog de Pierre RIGAUX
sur MEDIAPART, < https://blogs.mediapart.fr/pierre-rigaux/blog/150418/loup-elevage-pourquoi-la-
paix-sociale-n-arrive-pas >.
++ RODA F. (2016) Quels sont les impacts du braconnage et des tirs de prélèvement officiels sur la po-
pulation de loups gris (Canis lupus) en France. LPO PACA, Faune PACA publication n° 67, 18 p. +
Annexes
++ SCHIELTZ J.-M. et RUBINSTEIN D.-I. (2016) Evidence based Review : Positive versus negative
effects of livestock grazing on wildlife. Environ. Res. Lett. 11(11).
++ SCOHIER A. et DUMONT B. (2012) How do sheep affect plant communities and arthropod popu-
lations in temperate grasslands ? Animal, 6(7) 1129–1138 .
++ VIGNON V. (2007) Réflexions sur le pastoralisme et la qualité biologique des milieux naturels de
montagne. Gazette des Grands Prédateurs, n°22.
++ VIGNON V. (2013) Biodiversité et loup. Le Courrier de la Nature n° 278, Spécial loup, 46-54.
++ VINCENT M. et DUPRÉ L. (2011) De Cabanons en cabanes : habitat pastoral et retour du loup.
L’élevage de Crau pour exemple. Techniques et Culture 56, 2011/1 : 114-131.
++ WAGNER C., HOLZAPFELA M., KLUTHC G., REINHARDT I. et ANSORGEA H. (2012) Wolf (Ca-
nis lupus) feeding habits during the first eight years of its occurrence in Germany. Mammalian
Biology 77,196–203.du-suivi-loup-realise-en-france-et-sa-necessaire-evolution-2/ » sur votre
moteur de recherche.

Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 111


Les loups de France - Roger Mathieu, novembre 2020 112

Vous aimerez peut-être aussi